Pastores gregis FR 56
56 Le Concile Vatican II enseigne qu'« aux Évêques, en leur qualité de successeurs des Apôtres, appartient, de soi, dans les diocèses qui leur sont confiés, tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat, requis pour l'exercice de leur charge pastorale (munus pastorale), restant sauf toujours et en toutes choses le pouvoir qu'a le Pontife romain, en vertu de sa charge, de se réserver des causes pour lui-même ou de les réserver à une autre autorité ».210
Dans la Salle du Synode, quelqu'un a soulevé la question de savoir si l'on ne pouvait pas étudier les rapports entre l'Évêque et l'Autorité suprême à la lumière du principe de subsidiarité, spécialement en ce qui concerne les rapports entre l'Évêque et la Curie romaine, en souhaitant que, dans la ligne d'une ecclésiologie de communion, ces rapports se déroulent dans le respect des compétences de chacun et donc dans la mise en oeuvre d'une plus grande décentralisation. On a demandé également que soit étudiée la possibilité d'appliquer ce principe à la vie de l'Église, en sauvegardant de toute façon le fait que le principe constitutif pour l'exercice de l'autorité épiscopale est la communion hiérarchique des divers Évêques avec le Pontife romain et avec le Collège épiscopal.
On sait que le principe de subsidiarité fut formulé par mon prédécesseur le pape Pie XI pour la société civile.211 Le Concile Vatican II, qui n'a jamais employé le mot de « subsidiarité », a toutefois encouragé le partage entre les organismes de l'Église, lançant, sur la théologie de l'épiscopat, une nouvelle réflexion qui porte maintenant ses fruits dans l'application concrète du principe de la collégialité à la communion ecclésiale. Mais, en ce qui concerne l'exercice de l'autorité épiscopale, les Pères synodaux ont jugé que le concept de subsidiarité s'avérait ambigu et ils ont insisté sur la nécessité d'une étude théologique plus approfondie de la nature de l'autorité épiscopale à la lumière du principe de communion.212
Au cours de l'Assemblée synodale, on a parlé à maintes reprises du principe de communion.213 Il s'agit d'une communion organique, qui s'inspire de l'image du Corps du Christ dont parle l'Apôtre Paul quand il souligne les rôles complémentaires et l'aide mutuelle qui existent entre les membres d'un même corps (cf. 1Co 12,12-31).
Pour que le recours au principe de communion soit fait d'une manière correcte et efficace, il y aura donc certains points de références inéluctables. On devra avant tout tenir compte du fait que, dans l'Église particulière, l'Évêque diocésain possède tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat, nécessaire pour l'accomplissement de son ministère pastoral. Il possède donc un domaine propre d'exercice autonome de cette autorité, domaine reconnu et protégé par la législation universelle.214 D'autre part, le pouvoir de l'Évêque coexiste avec le pouvoir suprême du Pontife romain, lui aussi épiscopal, ordinaire et immédiat sur toutes les Églises et leurs regroupements, sur tous les pasteurs et tous les fidèles.215
Autre point ferme à garder présent à l'esprit: l'unité de l'Église est enracinée dans l'unité de l'épiscopat; pour que celui-ci soit un, il faut qu'il y ait un Chef du Collège. De manière analogue, pour que l'Église soit une, il faut qu'il y ait une Église à la tête des Églises, celle de Rome, dont l'Évêque, successeur de Pierre, est le Chef du Collège.216 Donc, « afin que chaque Église particulière soit pleinement Église, c'est-à-dire présence particulière de l'Église universelle avec tous ses éléments essentiels et constituée par conséquent à l'image de l'Église universelle, l'autorité suprême de l'Église [...] doit être présente en elle comme élément propre. Le Primat de l'Évêque de Rome et le Collège épiscopal sont des éléments propres à l'Église universelle, “non pas dérivés de la particularité des Églises”, bien qu'intérieurs à toute Église particulière. Le fait que le ministère du Successeur de Pierre soit intérieur à toute Église particulière découle nécessairement de cette intériorité mutuelle fondamentale entre Église universelle et Église particulière ».217
En raison de sa catholicité, l'Église du Christ se réalise pleinement dans toute Église particulière, et celle-ci reçoit tous les moyens naturels et surnaturels pour accomplir sa mission, que Dieu a confiée à l'Église pour qu'elle l'accomplisse dans le monde. Parmi ces moyens, il y a aussi le pouvoir ordinaire, propre et immédiat de l'Évêque, exigé pour l'exercice de son ministère pastoral (munus pastorale), exercice qui est toutefois soumis aux lois universelles et à ce qui est réservé, par le droit ou par un décret du souverain Pontife, à l'autorité suprême ou à une autre autorité ecclésiastique.218
La capacité de gouverner, qui comprend aussi l'exercice du Magistère authentique219 et qui appartient intrinsèquement à l'Évêque dans son diocèse, se trouve au coeur de la réalité mystérieuse de l'Église, qui fait en sorte que dans l'Église particulière réside l'Église universelle; celle-ci rend présente l'autorité suprême, c'est-à-dire le Pontife romain et le Collège des Évêques avec leur pouvoir suprême, plénier, ordinaire et immédiat sur tous les fidèles et tous les pasteurs.220
Conformément à la doctrine du Concile Vatican II, on doit affirmer que la fonction d'enseigner (munus docendi) et celle de gouverner (munus regendi) – et donc le pouvoir correspondant de magistère et de gouvernement – dans l'Église particulière sont de par leur nature exercées par chaque Évêque diocésain dans la communion hiérarchique avec le Chef du Collège et avec le Collège lui-même.221 Cela n'affaiblit pas mais au contraire renforce l'autorité épiscopale, en ce sens que les liens de la communion hiérarchique qui unissent les Évêques au Siège apostolique exigent une coordination nécessaire entre la responsabilité de l'Évêque diocésain et celle de l'Autorité suprême, qui est dictée par la nature même de l'Église. C'est le droit divin lui-même qui impose des limites à l'exercice de l'une et de l'autre. C'est pourquoi le pouvoir des Évêques « n'est pas annulé par le pouvoir suprême et universel, mais au contraire est confirmé, fortifié et défendu par lui, l'Esprit Saint assurant indéfectiblement le maintien de la forme de gouvernement instituée par le Christ Seigneur dans son Église ».222
Le Pape Paul VI avait donc raison de dire, en ouvrant la troisième session du Concile Vatican II: « De même que vous, vénérables Frères dans l'Épiscopat, qui êtes dispersés sur la terre, vous avez besoin, pour donner consistance et figure à la vraie catholicité de l'Église, d'un centre, d'un principe d'unité dans la foi et la communion, tel que vous le trouvez précisément dans la chaire de Pierre, ainsi Nous-même, Nous avons besoin que vous Nous soyez toujours proches pour donner toujours davantage au visage du Siège apostolique toute sa beauté, sa réalité humaine et historique, et même pour maintenir l'accord de sa foi, pour offrir un exemple à l'accomplissement de ses devoirs, pour le réconforter dans ses épreuves ».223
La réalité de la communion, qui est à la base de toutes les relations intra-ecclésiales224 et qui a été mise en relief aussi lors du débat synodal, est un rapport de réciprocité entre le Pontife romain et les Évêques. En effet, si d'une part l'Évêque, pour exprimer en plénitude sa fonction elle-même et fonder la catholicité de son Église, doit exercer le pouvoir de gouvernement qui lui est propre (munus regendi) dans la communion hiérarchique avec le Pontife romain et avec le Collège épiscopal, d'autre part le Pontife romain, Chef du Collège, dans l'exercice de son ministère de pasteur suprême de l'Église (munus supremi Ecclesiae pastoris), agit toujours dans la communion avec tous les autres Évêques, et même avec toute l'Église.225 Alors, dans la communion de l'Église, de même que l'Évêque n'est pas seul mais qu'il se réfère continuellement au Collège et à son Chef, et qu'il est soutenu par eux, de même aussi le Pontife romain n'est pas seul, mais il est toujours en référence aux Évêques et il est soutenu par eux. C'est là un autre motif pour lequel l'exercice du pouvoir suprême du Pontife romain n'annule pas mais confirme, fortifie et défend le pouvoir ordinaire, propre et immédiat de l'Évêque dans son Église particulière.
210 Décr. Christus Dominus, n. CD 8.
211 Cf. Encycl. Quadragesimo anno (15 mai 1931): AAS 23 (1931), p. 203; La Documentation catholique 25 (1931/1), col. 1427.
212 Cf. Proposition 20.
213 Cf. Rapport après la discussion, n. 15-17: L'Oss. Rom., 14 octobre 2001, p. 4; Proposition20.
214 Cf. Code de Droit canonique, can. CIC 381, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 178.
215 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 22; Code de Droit canonique, cann. CIC 331 CIC 333; Code des Canons des Églises orientales, cann. CIO 43 CIO 45, § 1.
216 Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), n. 12:AAS 85 (1993), pp. 845-846; La Documentation catholique 89 (1992), p. 732.
217 Ibid., n. 13: AAS, l.c., p. 846; La Documentation catholique, l.c., p. 732.
218 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27. Décr. Christus Dominus, n. CD 8; Code de Droit canonique, can. CIC 381, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 178.
219 Cf. Code de Droit canonique, can. CIC 753; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 600.
220 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 22; Code de Droit canonique, cann. CIC 333, § 1; CIC 336; Code des Canons des Églises orientales, cann. CIO 43 CIO 45, § 1; CIO 49.
221 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 21; Code de Droit canonique, can. CIC 375, § 2.
222 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27; cf. Code de Droit canonique, can. CIC 333, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 45, § 1.
223 Cf. Discours d'ouverture de la IIIe session du Concile Vatican II (14 septembre 1964): AAS 56 (1964), p.813; La Documentation catholique 61 (1964), col. 1225.
224 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée générale extraordinaire, Rapport final Exeunte coetu (7décembre 1985), C. 1: L'Oss. Rom., 10 décembre 1985, p.7; La Documentation catholique 83 (1986), p. 39.
225 Cf. Code de Droit canonique, can. CIC 333, § 2; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 45, § 2.
57 Les visites ad limina Apostolorum sont une manifestation et en même temps un moyen de communion entre les Évêques et le Siège de Pierre.226 Il y a en effet trois moments principaux de ces événements, chacun ayant une signification propre.227 Avant tout le pèlerinage aux tombeaux des princes des Apôtres Pierre et Paul, qui montre le rapport à l'unique foi à laquelle ils rendirent témoignage à Rome par leur martyre.
La rencontre avec le Successeur de Pierre est connexe à ce moment. En effet, à l'occasion de la visite ad limina, les Évêques se réunissent autour de lui et mettent en oeuvre, selon le principe de catholicité, une communication de dons entre tous les biens qui se retrouvent dans l'Église grâce à l'Esprit, que ce soit au niveau particulier et local ou au niveau universel.228 Ce qui se produit alors, ce n'est pas une simple information réciproque, c'est surtout l'affirmation et la consolidation de la collégialité (collegialis confirmatio) dans le corps de l'Église, par laquelle on a l'unité dans la diversité, laquelle engendre une sorte de « perichoresis » entre l'Église universelle et l'Église particulière, qui peut se comparer au mouvement du sang partant du coeur vers les extrémités du corps puis de là retournant au coeur.229 La lymphe vitale qui vient du Christ unifie toutes les parties, comme la sève de la vigne qui se répand dans les sarments (cf. Jn 15,5). Cela se manifeste avec évidence, en particulier, dans la Célébration eucharistique des Évêques avec le Pape. Chaque Eucharistie est en effet célébrée en communion avec l'Évêque propre, avec le Pontife romain et avec le Collège épiscopal et, à travers ces derniers, avec les fidèles de l'Église particulière et de toute l'Église, de telle sorte que l'Église universelle est présente dans l'Église particulière, et que celle-ci est insérée, avec les autres Églises particulières, dans la communion de l'Église universelle.
Depuis les premiers siècles, la communion a pour référence ultime l'Église de Rome, où Pierre et Paul ont donné leur témoignage de foi. Il est en effet nécessaire que toute Église soit d'accord avec elle, en raison de sa position prééminente, car elle est la garantie ultime de l'intégrité de la tradition transmise par les Apôtres.230 L'Église de Rome préside à la communion universelle de la charité,231 elle protège les légitimes différences et en même temps elle veille à ce que la particularité, au lieu de nuire à l'unité, lui soit profitable.232 Tout cela comporte la nécessité de la communion des diverses Églises avec l'Église de Rome, afin que toutes puissent se trouver dans l'intégrité de la Tradition apostolique et dans l'unité de la discipline canonique pour la sauvegarde de la foi, des sacrements et de la voie concrète vers la sainteté. Cette communion des Églises est exprimée par la communion hiérarchique entre les divers Évêques et le Pontife romain.233 De la communion cum Petro et sub Petro de tous les Évêques, réalisée dans la charité, découle le devoir de la collaboration de tous avec le Successeur de Pierre, pour le bien de l'Église entière et donc de chaque Église particulière. La visite ad limina poursuit précisément cette fin.
Le troisième aspect des visites ad limina est constitué par la rencontre avec les responsables des Dicastères de la Curie romaine : en traitant avec eux, les Évêques ont un accès direct aux questions qui sont de la compétence des Dicastères, et ils sont ainsi introduits dans les divers aspects de la sollicitude pastorale commune. Les Pères synodaux ont demandé à ce sujet que, sous le signe de la connaissance et de la confiance mutuelles, les rapports deviennent plus fréquents entre les Évêques, individuellement ou réunis en Conférences épiscopales, et les Dicastères de la Curie romaine,234 de façon que ces derniers, directement informés des questions concrètes des Églises, puissent mieux accomplir leur service universel.
Sans aucun doute, les visites ad limina, avec les rapports quinquennaux sur l'état des diocèses,235 sont des moyens efficaces pour répondre à l'exigence de connaissance réciproque qui découle de la réalité même de la communion entre les Évêques et le Pontife romain. La présence des Évêques à Rome pour la visite peut même être une bonne occasion d'une part pour hâter la réponse aux questions qu'ils ont posées aux Dicastères et d'autre part, selon le voeu qu'ils ont exprimé, pour permettre de les consulter plus facilement, individuellement ou en groupe, en vue de l'élaboration de documents d'une grande importance générale; à cette même occasion, on pourra aussi commenter aux Évêques, avant de les publier, les éventuels documents que le Saint-Siège aurait l'intention d'adresser à l'ensemble de l'Église, ou précisément aux Églises particulières des Évêques présents.
226 Cf. Proposition 27.
227 Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Pastor bonus (28 juin 1988), art. : AAS 80 (1988), p. 868; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 906-907; Annexe I, 6: AAS, l.c., pp. 916-917; La Documentation catholique, l.c, p. 981; Code de Droit canonique, can. CIC 400, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 208.
228 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 13.
229 Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Pastor bonus (28 juin 1988), Annexe I, 2; I, 5: AAS 80 (1988), pp. 913, 915; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 990-991.
230 Cf. S. Irénée, Contre les hérésies, 3, 3, 2: PG 7, 848; SCh 211 (1974), p. 33.
231 Cf. S. Ignace d'Antioche, Aux Romains, I,1: PG 5, 685; SCh 10 (1969), p. 107.
232 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 13.
233 Cf. ibid., nn. LG 21-22; Décr. Christus Dominus, n. CD 4.
234 Cf. Propositions 26 et 27.
235 Cf. Code de Droit canonique, can. CIC 399; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 206.
58 Selon une expérience désormais confirmée, toute Assemblée générale du Synode des Évêques, qui est en quelque sorte une expression de l'épiscopat, manifeste d'une manière particulière l'esprit de communion qui unit les Évêques au Pontife romain et les Évêques entre eux, ce qui permet d'exprimer un jugement ecclésial approfondi, sous l'action de l'Esprit, relativement aux diverses questions qui assaillent la vie de l'Église.236
Durant le Concile Vatican II, on le sait, se manifesta l'exigence que les Évêques puissent mieux aider le Pontife romain dans l'exercice de sa charge. C'est précisément dans cette perspective que mon prédécesseur Paul VI institua le Synode des Évêques,237 tout en tenant compte de l'apport que fournissait déjà le Collège des Cardinaux au Pontife romain. Par le nouvel organisme pouvaient s'exprimer plus efficacement l'affection collégiale et la sollicitude des Évêques pour le bien de toute l'Église.
Les années passées ont montré que les Évêques, en union de foi et de charité, peuvent apporter par leurs conseils une aide efficace au Pontife romain dans l'exercice de son ministère apostolique, tant pour la protection de la foi et des moeurs que pour l'observance de la discipline ecclésiastique. En effet, l'échange de nouvelles sur les Églises particulières, tout en facilitant la concordance des décisions, même sur des questions doctrinales, est un moyen valable pour renforcer la communion.238
Toute Assemblée générale du Synode des Évêques est une forte expérience ecclésiale, bien qu'elle reste toujours perfectible dans les modalités de ses procédures.239 Les Évêques réunis en Synode représentent avant tout leur Église, mais ils ont également présents à l'esprit les apports des Conférences épiscopales par lesquelles ils sont désignés, se faisant porteurs de leurs opinions sur les sujets à traiter. Ils expriment ainsi les souhaits de tout le Corps hiérarchique de l'Église et, en quelque sorte, ceux du peuple chrétien dont ils sont les pasteurs.
Le Synode est un événement où il est particulièrement mis en évidence que le Successeur de Pierre, dans l'accomplissement de sa charge, est toujours lié dans la communion aux autres Évêques et à toute l'Église.240 « Il appartient au Synode des Évêques – stipule à ce sujet le Code de Droit canonique – de discuter des questions à traiter et d'exprimer des souhaits, mais non de trancher ces questions ni de porter des décrets, à moins que, dans des cas précis, il n'ait reçu pouvoir délibératif du Pontife romain à qui il revient alors de ratifier les décisions du Synode ».241 D'autre part, le fait que le Synode n'ait normalement qu'une fonction consultative ne diminue pas son importance. Dans l'Église, en effet, la fin de tout organe collégial, qu'il soit consultatif ou délibératif, est toujours la recherche de la vérité ou du bien de l'Église. Par ailleurs, quand il s'agit de vérifier la même foi, le consensus Ecclesiae n'est pas donné par le nombre des voix mais il est le fruit de l'action de l'Esprit, âme de l'unique Église du Christ.
Précisément parce que le Synode est au service de la vérité et de l'Église, comme expression de la véritable coresponsabilité de la part de tout l'épiscopat uni à son Chef pour ce qui concerne le bien de l'Église, en donnant leur vote, consultatif ou délibératif, les Évêques, en même temps que les autres membres du Synode non revêtus du caractère épiscopal, expriment de toute façon leur participation au gouvernement de l'Église universelle. Comme l'a fait mon prédécesseur Paul VI, j'ai moi-même toujours mis à profit les propositions et les opinions exprimées par les Pères synodaux, les faisant entrer dans le processus d'élaboration du document qui reprend les résultats du Synode et que, pour cette raison même, j'aime qualifier de « post-synodal ».
236 Cf. Proposition 25.
237 Cf. Motu proprio Apostolica sollicitudo (15 septembre 1965): AAS 57 (1965), pp. 775-780; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1663-1668; Conc. oecum. Vat. II, Décr. Christus Dominus, n. CD 5.
238 Cf. Paul VI, Motu proprio Apostolica sollicitudo (15 septembre 1965), II: AAS 57 (1965), pp. 776-777; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1665; Allocution aux Pères synodaux (30 septembre 1967): AAS 59 (1967), pp. 970-971; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1737-1738.
239 Cf. Proposition 25.
240 Cf. Code de Droit canonique, can. CIC 333, § 2; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 45, § 2.
241 Can. CIC 343.
59 En plus du niveau universel, nombreuses et variées sont les formes dans lesquelles peut s'exprimer, et s'exprime en fait, la communion épiscopale et donc la sollicitude pour toutes les Églises soeurs. Les rapports mutuels entre les Évêques vont bien au-delà de leurs rencontres institutionnelles. La vive conscience de la dimension collégiale du ministère qui leur a été communiqué doit les pousser à réaliser entre eux, surtout dans le cadre de la même Conférence épiscopale, que ce soit au niveau de la Province ou de la Région ecclésiastique, les multiples expressions de la fraternité sacramentelle, qui vont de l'accueil et de l'estime réciproques aux diverses attentions de charité et de collaboration concrète.
Comme je l'ai écrit précédemment, « on a fait beaucoup aussi depuis le Concile Vatican II en ce qui concerne la réforme de la Curie romaine, l'organisation des Synodes, le fonctionnement des Conférences épiscopales. Mais il reste certainement beaucoup à faire pour exprimer au mieux les potentialités de ces instruments de la communion, particulièrement nécessaires aujourd'hui où il est indispensable de répondre avec rapidité et efficacité aux problèmes que l'Église doit affronter au milieu des changements si rapides de notre temps ».242 Le nouveau siècle doit alors nous trouver tous plus engagés que jamais à mettre en valeur et à développer les cadres et les instruments qui servent à assurer et à garantir la communion entre les Évêques et entre les Églises.
Toute action de l'Évêque accomplie dans l'exercice de son ministère pastoral est toujours une action accomplie dans le Collège. Qu'il s'agisse d'exercice du ministère de la Parole ou du gouvernement de l'Église particulière, ou encore de décision prise avec les autres Frères dans l'épiscopat et concernant les autres Églises particulières de la même Conférence épiscopale, dans le cadre provincial ou régional, cela reste toujours une action dans le Collège, parce qu'elle est accomplie en conservant la communion avec tous les autres Évêques et avec le Chef du Collège, tout en engageant la propre responsabilité pastorale. Tout cela se réalise, non pas en vertu d'une convenance humaine de coordination, mais d'une sollicitude à l'égard des autres Églises, qui découle du fait que chaque Évêque est inséré et accueilli dans un Corps ou Collège. En effet, tout Évêque est à la fois responsable, bien que sous des modes différents, de l'Église particulière, des Églises soeurs les plus voisines et de l'Église universelle.
Les Pères synodaux ont donc rappelé à juste raison que, « vivant dans la communion épiscopale, les Évêques doivent ressentir comme si elles étaient leurs les difficultés et les souffrances de leurs Frères dans l'épiscopat. Pour que cette communion épiscopale soit renforcée et devienne toujours plus forte, les Évêques et les Conférences épiscopales voudront bien considérer attentivement la possibilité pour leurs Églises d'aider celles qui sont plus pauvres ».243 Nous savons que cette pauvreté peut consister en une forte pénurie de prêtres ou autres agents pastoraux, ou bien en un grave manque de moyens matériels. Dans un cas comme dans l'autre, c'est l'annonce de l'Évangile qui souffre. C'est pourquoi, dans la ligne de ce que le Concile Vatican II indiquait déjà,244 je fais mienne la pensée des Pères synodaux: ils ont souhaité que soient favorisés les rapports de solidarité fraternelle entre les Églises d'évangélisation ancienne et celles que l'on appelle les « jeunes Églises », y compris en établissant des « jumelages », qui se concrétiseront dans la communication d'expériences et d'agents pastoraux, ainsi que d'aide financière. Cela confirme en effet l'image de l'Église comme « famille de Dieu », dans laquelle les plus forts soutiennent les plus faibles pour le bien de tous.245
Ainsi se traduit dans la communion des Églises la communion des Évêques, qui s'exprime également dans les attentions pleines d'amour envers les Pasteurs qui, plus que les autres Frères et pour des motifs liés surtout à des situations locales, ont été éprouvés, ou malheureusement le sont encore, par la souffrance due la plupart du temps au partage des souffrances de leurs fidèles. Il y a une catégorie de Pasteurs qui mérite une attention particulière, en raison du nombre croissant de ceux qui en font partie: celle des Évêques émérites. Dans la liturgie de conclusion de la XeAssemblée générale ordinaire, en même temps que les Pères synodaux, j'ai souvent tourné ma pensée vers eux. L'Église entière a une grande considération pour ces Frères très chers, qui restent des membres importants du Collège épiscopal, et elle leur sait gré du service pastoral qu'ils ont accompli et qu'ils accomplissent encore en mettant leur sagesse et leur expérience à la disposition de la communauté. L'autorité compétente ne manquera pas de mettre en valeur ce patrimoine spirituel qui est le leur et dans lequel repose une précieuse partie de la mémoire des Églises qu'ils ont guidées durant des années. C'est un devoir que de faire tout ce qui est possible pour leur assurer des conditions de sérénité spirituelle et économique dans le contexte humain qu'ils désirent raisonnablement. De plus, on devra étudier la possibilité d'utiliser encore leurs compétences au sein des divers organismes des Conférences épiscopales.246
242 Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 44: AAS 93 (2001), p. 298; La Documentation catholique 98 (2001), p. 83.
243 Proposition 31; cf. Jean-Paul II, Motu proprio Apostolos suos (21 mai 1998), n. 13: AAS 90 (1998), pp. 650-651; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 754-755.
244 Cf. Décr. Christus Dominus, n. CD 6.
245 Cf. Proposition 32.
246 Cf. Proposition 33.
60 Dans cette même perspective de la communion entre les Évêques et entre les Églises, les Pères synodaux ont réservé une attention toute particulière aux Églises orientales catholiques, considérant encore une fois les vénérables et antiques richesses de leurs traditions; celles-ci constituent un trésor vivant qui coexiste avec des expressions analogues de l'Église latine. Les unes et les autres, ensemble, éclairent davantage l'unité catholique du peuple saint de Dieu.247
Il n'y a pas de doute que les Églises catholiques de l'Orient, en raison de leur affinité spirituelle, historique, théologique, liturgique et disciplinaire avec les Églises orthodoxes et les autres Églises orientales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Église catholique, ont un titre spécial pour oeuvrer à la promotion de l'unité des chrétiens, surtout de l'Orient. Et elles sont appelées, comme toutes les Églises, à le faire par la prière et par une vie chrétienne exemplaire; en outre, comme contribution qui leur est propre, elles sont appelées à ajouter leur fidélité religieuse aux antiques traditions orientales.248
247 Cf. Proposition 21.
248 Cf. Proposition 22.
61 Parmi les institutions propres aux Églises orientales catholiques ressortent particulièrement les Églises patriarcales. Elles appartiennent aux regroupements d'Églises qui, comme l'affirme le Concile Vatican II,249 se sont au fil du temps, par l'effet de la divine Providence, constitués organiquement, et qui jouissent de disciplines et d'usages liturgiques propres, ou bien d'un patrimoine théologique et spirituel commun, en conservant toujours l'unité de la foi et de l'unique constitution divine de l'Église universelle. Leur dignité particulière leur vient du fait que, telles des matrices de la foi, elles ont engendré d'autres Églises, qui sont comme leurs filles et qui leur sont donc jusqu'à nos jours liées par un lien plus étroit de charité dans la vie sacramentelle et dans le respect mutuel des droits et des devoirs.
Cette institution patriarcale est très ancienne dans l'Église. Déjà attestée par le premier Concile oecuménique de Nicée, elle a été reconnue par les premiers conciles oecuméniques et elle est encore la forme traditionnelle de gouvernement dans les Églises orientales.250 Dans son origine et dans sa structure particulière, elle est donc d'institution ecclésiastique. C'est précisément pourquoi le Concile oecuménique Vatican II a exprimé le désir que, « là où c'est nécessaire, soient érigés de nouveaux Patriarcats, dont l'institution sera réservée au Concile oecuménique ou au Pontife romain ».251 Quiconque, dans les Églises orientales, a un pouvoir supra-épiscopal et supra-local – comme les Patriarches et les Synodes des Évêques des Églises patriarcales – participe de la suprême autorité que le Successeur de Pierre a sur toute l'Église, et il exerce ce pouvoir dans le respect non seulement de la primauté du Pontife romain252 mais aussi de la charge des Évêques pris individuellement, sans empiéter sur le domaine de leur compétence et sans limiter le libre exercice de leurs fonctions propres.
En effet, les rapports entre les Évêques d'une Église patriarcale et le Patriarche, qui pour sa part est l'Évêque de l'éparchie patriarcale, se déroulent sur la base établie déjà dans l'antiquité par les Canons des Apôtres: « Les Évêques de chaque nation doivent savoir que parmi eux il est le premier, qu'ils le considèrent comme leur chef et qu'ils ne font rien d'important sans son consentement; chacun ne s'occupera que de ce qui concerne son secteur et les territoires qui en dépendent; mais lui non plus ne doit rien faire sans le consentement de tous; ainsi la concorde régnera et Dieu sera glorifié, par le Christ dans l'Esprit ».253 Ce canon exprime l'antique usage de la synodalité dans les Églises d'Orient, indiquant en même temps son fondement théologique et sa signification doxologique, car il y est clairement affirmé que l'action synodale des Évêques dans la concorde offre un culte au Dieu Un et Trine et lui rend gloire.
Dans la vie synodale des Églises patriarcales doit donc être reconnue une mise en oeuvre effective de la dimension collégiale du ministère épiscopal. Tous les Évêques légitimement consacrés participent au Synode de leur Église patriarcale en tant que pasteurs d'une portion du peuple de Dieu. Toutefois, le rôle du premier, c'est-à-dire du Patriarche, est reconnu comme un élément qui constitue à sa manière l'action collégiale. Il n'existe en effet aucune action collégiale sans un « premier » reconnu comme tel. D'un autre côté, la synodalité ne détruit pas ni ne diminue la légitime autonomie de chaque Évêque dans le gouvernement de son Église; elle affermit cependant l'affection collégiale des Évêques coresponsables de toutes les Églises particulières comprises dans le Patriarcat.
Un vrai pouvoir de gouvernement est reconnu au Synode patriarcal. Celui-ci, en effet, élit le Patriarche et les Évêques pour leurs charges à l'intérieur de l'Église patriarcale, ainsi que les candidats à l'épiscopat à proposer au Pontife romain pour qu'il les nomme aux charges en dehors des limites du territoire de l'Église patriarcale.254 En plus du consentement ou de l'avis nécessaire pour la validité de certains actes qui sont de la compétence du Patriarche, il appartient au Synode d'établir les lois qui sont en vigueur à l'intérieur – et, en cas de lois liturgiques, également au-delà – des limites du territoire de l'Église patriarcale.255 En outre, restant sauve la compétence du Siège apostolique, le Synode est le tribunal supérieur à l'intérieur des limites du territoire de l'Église patriarcale.256 Pour la gestion des affaires les plus importantes, spécialement de celles qui concernent la mise à jour des formes et des modes d'apostolat et de la discipline ecclésiastique, le Patriarche et le Synode patriarcal bénéficient de la collaboration consultative de l'Assemblée patriarcale, que le Patriarche convoque au moins tous les cinq ans.257
249 Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 23; Décr. sur les Églises orientales catholiquesOrientalium Ecclesiarum, n. OE 11.
250 Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Sacri canones (18 octobre 1990): AAS 82 (1990), p. 1037.
251 Décr. Orientalium Ecclesiarum, n. OE 11.
252 Cf. Code des Canons des Églises orientales, cann. CIO 76 CIO 77.
253 Cf. Canons des Apôtres, VIII, 47, 34: éd. F.X. Funk, I, 572-574.
254 Cf. Code des Canons des Églises orientales, cann. CIO 110, § 3 et CIO 149.
255 Cf. ibid., cann. CIO 110, § 1 et CIO 150, §§ 2, 3.
256 Cf. ibid., cann. CIO 110, § 2 et CIO 1062.
257 Cf. ibid., cann. CIC 140-143.
Pastores gregis FR 56