Discours 1970 70
Aéroport de Teheran, Iran
Jeudi 26 novembre 1970
Majesté,
Nous apprécions vivement la courtoisie que Vous Nous manifestez en venant personnellement Nous accueillir à cette escale de Notre voyage vers l’Asie Orientale. Veuillez accepter Notre salut respectueux.
71 Nous savons les grandes oeuvres réalisées par votre Majesté pour le bien-être de votre peuple. Nous prions Dieu de vous conserver sa protection pour la poursuite d’une action si méritoire et de vous bénir avec votre famille.
Nous saluons également avec déférence les Autorités du Gouvernement et les membres de la Cour Impériale qui Nous manifestent, en cette circonstance, les nobles traditions d’hospitalité de ce peuple.
Notre salut va aussi vers les Membres du Corps Diplomatique qui Nous ont fait l’honneur de venir jusqu’ici pour Nous rencontrer. Nous avons la joie d’entretenir avec un grand nombre de leurs peuples, comme avec le peuple iranien, les relations les plus cordiales. Nous les prions de transmettre à leurs Gouvernements l’expression de Notre estime et Nos souhaits de prospérité.
A tous les habitants de Téhéran venus au devant de Nous, Nous disons Notre reconnaissance pour leur accueil si fervent et si amical. Nous invitons tous les croyants à se joindre à Nous pour prier le Dieu Tout-Puissant de bénir cette grande et antique cité à l’histoire si riche et d’accorder paix et bonheur à tout le peuple iranien.
A tous Nos fils catholiques, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, groupés autour de leurs évêques. Nous affirmons Notre paternelle affection, Notre joie de Nous trouver pour quelques instants au milieu d’eux. Le but du voyage qui Nous conduit si loin est d’ordre spirituel. Il s’inscrit dans la mission que Nous avons reçue de Jésus-Christ, en tant que successeur du chef des apôtres, d’avoir le souci de toutes les Eglises. Nous sommes heureux d’avoir ce contact avec l’Eglise d’Iran et de grand coeur Nous vous accordons Notre bénédiction apostolique.
A tous ceux qui s’honorent du nom de chrétien, Nous disons notre fraternelle amitié, Nous réjouissant de cette occasion pour les assurer de notre respect pour la richesse de leurs traditions spirituelles, notre grand désir d’unité dans la soumission aux voies de la Providence, de Notre prière pour qu’en tout triomphe l’esprit de charité.
Nous espérons que Notre voyage portera des fruits d’entente plus étroite entre les communautés de toutes origines et de toutes confessions religieuses de cette partie du monde; qu’il encouragera à une action solidaire pour le progrès, pour la justice et pour la paix; qu’il stimulera les esprits à chercher les voies de la paix tant désirée du coeur des hommes.
Dieu veuille Nous exaucer! Nous le prions de faire descendre sur les Autorités et sur tout le peuple d’Iran ses plus abondantes bénédictions.
Manille, Philippines
Vendredi 27 novembre 1970
Messieurs,
72 Venant dans cette partie du monde pour rencontrer l’épiscopat catholique de toute l’Asie, il Nous est agréable de saisir cette occasion pour présenter Nos voeux de prospérité à vos peuples respectifs. Plusieurs d’entre eux entretiennent d’ailleurs avec le Saint-Siège des relations les plus cordiales.
C’est dans l’accomplissement de Notre mission spirituelle que Nous avons entrepris ce long voyage, qui doit Nous conduire à divers centres de l’immense Asie, et également en Australie où Nous devons rencontrer la hiérarchie catholique de ce Continent. Si donc Notre voyage n’a aucun caractère politique, il n’en demeure pas moins que c’est avec la plus grande joie que Nous saluons les populations des divers pays où Nous passons, et leur donnons l’assurance de l’affection et de la volonté de les servir qui animent l'Eglise Catholique ainsi que de la profonde estime qu’elle porte à la noblesse de leurs traditions culturelles et religieuses.
Dan la ligne même de Notre responsabilité pastorale, Nous espérons que Notre voyage se manifestera aussi comme un signe en faveur de la paix et du progrès social. Nous en avons fait l’un des grands objectifs de Notre pontificat et Notre prière instante est que les coeurs des hommes, à quelque rang de la société qu’ils appartiennent, mais surtout ceux des responsables, s’ouvrent à des sentiments de paix, de solidarité, de justice sociale, de service du bien commun. Le développement est le grand défi de cette décennie. C’est notre génération qui est interpellée et c’est elle qui doit fournir la réponse: nous serons jugés sur la générosité de notre engagement.
Vous, Messieurs, qui avez la si belle mission d’être les hommes du dialogue, soyez les artisans de la paix entre les nations, car la paix est le premier des biens: elle conditionne et perfectionne les autres. Soyez aussi auprès de vos Gouvernements les avocats de l’entr’aide internationale en faveur des peuples les moins favorisés, au nom de notre fraternité universelle. «La solidarité mondiale toujours plus efficiente, disions-Nous dans Notre encyclique Populorum progressio, doit permettre à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin . . . les peuples plus jeunes ou plus faibles demandent leur part active dans la construction d’un monde meilleur, plus respectueux des droits et de la vocation de chacun. Cet appel est légitime; à chacun de l’entendre et d’y répondre» (Populorum Progressio PP 65). Ce faisant, vous aurez bien mérité de l’humanité entière et Dieu vous bénira. De grand coe ur Nous invoquons sa divine assistance sur vos personnes, sur vos familles, sur vos pays respectifs et sur vos efforts.
*AAS 63 (1971), p.18-19.
Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.1200-1201.
L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.49 p.6.
Philippines, Manille
Samedi 28 novembre 1970
Vénérables Frères,
Chers Fils et amis du Vietnam,
73 Bien souvent, au Vatican, Nous avons accueilli des groupes de vos compatriotes. Et voici qu’aujourd’hui il Nous est donné de venir en personne dans l’Extrême-Orient et d’y rencontrer des représentants nombreux et qualifiés du Vietnam. Nous vous accueillons avec joie et désirons avant tout vous manifester Notre paternelle affection pour vous et pour votre chère Patrie, que Nous aimerions considérer comme tout entière présente devant Nous en ce moment.
Celle-ci, depuis tant d’années ne connait plus les bienfaits de la paix! Soyez sûrs que Nous partageons les peines, et aussi les espoirs et les aspirations des Vietnamiens. Ils désirent, comme tout le monde, vivre en paix, dans la concorde et la tranquillité: c’est la condition d’un développement social et économique normal, auquel ont droit tous les peuples du monde. Et il faut malheureusement constater que, depuis trop longtemps, ils sont privés de ces bienfaits. Laissez-Nous vous dire d’abord que Nous admirons la patience, la constance, la force d’âme des populations vietnamiennes: sans se laisser abattre, d’un côté, par les opérations belliqueuses - qui, malheureusement, se poursuivent ces derniers jours encore - ni décourager, de l’autre, par les actes de terrorisme qu’entraîne cette guerre interminable, elles reconstruisent, elles pansent les plaies, elles préparent des lendemains meilleurs pour leurs fils et leurs filles.
Qu’elles continuent à garder les yeux fixés sur l’avenir heureux qu’il faut assurer au Vietnam, sur le bien commun de leur Pays, aujourd’hui dans l’épreuve, mais qui, demain, grâce à l’union de toutes les énergies pourra connaître, Nous en sommes sûr, des jours meilleurs.
Qu’elles aient par-dessus tout ce souci du bien commun. Ceux qui servent utilement leur Patrie, ce sont ceux qui lui apportent leur contribution de probité morale, de sens des responsabilités, de solide préparation culturelle et professionnelle. Et en ce moment surtout, la contribution peut-être la plus nécessaire, c’est celle qui s’exerce au plan social, à tout ce qui peut et doit être fait en faveur des plus malheureux. Ceux qui laissent courageusement de côté tout individualisme qui pourrait nuire en ce domaine au bien de la communauté, ceux-là travaillent efficacement à l’avènement de la paix tant désiré.
Mais, direz-vous, que fait le Pape pour nous aider à atteindre cette paix à laquelle tous aspirent? Nous faisons, chers fils et amis, tout ce qui est en Notre pouvoir. En particulier, Nous ne cessons d’exhorter à poursuivre la négociation honnête et loyale, qui Nous paraît non seulement le chemin le plus sûr, mais encore le seul digne de l’homme pour conduire à une paix juste et durable.
Cette rencontre d’aujourd’hui Nous fournit l’occasion de renouveler Notre pressant appel à tous les responsables: qu’ils aient à coe ur d’éviter tout acte qui puisse nuire à un climat d’entente si nécessaire pour le succès des pourparlers en cours. Que le spectacle de tant de douleurs et de larmes d’innocentes victimes leur soit un constant stimulant à surmonter les difficultés, à vaincre les obstacles et à travailler à l’avènement de la paix.
En travaillant à la paix du Vietnam, ils travaillent par le fait même à la paix du monde et au bien-être de toute l’humanité, pour laquelle il n’y a de salut que dans la paix et la fraternité.
Que Dieu bénisse ces efforts, chers fils et amis, qu’Il bénisse vos personnes et vos familles, Nous le Lui demandons de tout coe ur, tandis que Nous vous donnons Nous-même à tous Notre Bénédiction Apostolique.
28 novembre
Discours aux Evêques d'Asie.
Vénérables Frères,
74 A vous, Evêques des Philippines, à vous Evêques de l'Asie, à tous, salut dans le Christ notre Seigneur ! Salut à toi, Cardinal Rufino Santos, Archevêque de cette Eglise de Manille qui reçoit cette réunion extraordinaire. Pour chacun de vous, Frères, Nous avons le salut de la foi et de la charité. A vos Eglises, à vos terres, vont nos voeux pleins de respect, d'amitié et de paix.
Nous voici enfin réunis. Nous sommes heureux de cette rencontre. C'est une nouveauté, mais qui répond à la nature profonde de l'Eglise. Celle-ci a toujours été ainsi : c'est la famille de ceux qui croient au Christ, et qui sont « de toutes les nations qui sont sous le ciel » (Ac 2,5). La scène de la Pentecôte se présente à notre mémoire, et l'invocation à l'Esprit-Saint monte de notre coeur à nos lèvres : Veni, Sancte Spiritus ! Pour jouir avec vous de cet instant qui Nous semble historique et mystérieux, Nous avons accompli le long voyage de Rome à Manille : pour vous rencontrer, Frères très chers, pour mieux vous connaître, pour rendre honneur à votre assemblée, pour encourager votre travail, pour appuyer vos résolutions. Vous êtes le but de notre présence. Vous êtes le thème de nos paroles et, pour Nous qui sommes venu dans cet immense continent, le premier objet de notre amour.
Plus encore que le caractère nouveau et singulier de cette rencontre, c'est la signification théologique qu'elle manifeste et le mystère qu'elle réalise, qui Nous semble devoir attirer immédiatement notre attention : le Christ est ici. Il est ici par le simple fait, qui toujours se répète, d'une réunion en son nom (Mt 18,20). Il est ici également du fait de l'intervention de notre humble personne, à laquelle, comme infime successeur de Pierre, revient par antonomase le titre de Vicaire du Christ. Et il est ici, le Christ notre Seigneur, par le ministère apostolique confié à chacun de nous (cf. Lumen Gentium, LG 21), et par la relation collégiale qui nous unit ensemble (ib., 22) nous, successeurs des Apôtres, nous, Pasteurs de l'Eglise de Dieu, nous sommes investis du pouvoir non seulement de représenter, mais de rendre présentes sur la terre et dans le temps sa voix (Lc 10,16) et son action salvatrice (Mt 28,19). Le Christ est ici.
Rendons-nous bien compte, par un acte de foi conscient et fort, de cette mystérieuse réalité. C'est vrai : nous croyons fermement que la promesse du Seigneur : « Voici que moi, je vais être avec vous toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20) se réalise maintenant, historiquement, d'une manière singulière et surprenante. Le Christ est avec nous.
Comment se réalise cette promesse en ce moment ? Elle se réalise dans le visage de l'Eglise, qui est elle-même « signe et sacrement » du Christ (cf. Lumen Gentium, LG 1 R. P. lubac, Méditation sur l’Eglise, p. LG 157 sq. ), ce visage qui, ici, semble rayonner avec une lumineuse évidence les notes caractéristiques de l'Eglise : une, sainte, catholique et apostolique. Cette dernière note, l'apostolicité, nous concerne actuellement d'une façon particulière. Réfléchissons-y un moment.
Nous tous ici réunis, nous sommes les continuateurs des Apôtres, qui ont reçu du Christ lui-même le mandat, le pouvoir, avec son Esprit, de perpétuer et d'étendre sa mission. Nous sommes les héritiers des Apôtres ; nous sommes le Christ agissant dans l'histoire et dans le monde ; nous sommes les ministres de son gouvernement pastoral de l'Eglise ; nous sommes l'organe institutionnel « dispensateur des mystères de Dieu » (cf. 1Co 4,1 2Co 6,4 Lumen Gentium, LG 20).
Vous savez que le Concile, a clairement proclamé cette doctrine, qui fait partie de la constitution divine et perpétuelle de l'Eglise ; et vous savez aussi qu'autour de cette doctrine ont surgi de nombreuses discussions, pas toutes utiles pour la confirmer ou la clarifier comme elles le devraient, parfois même pour la combattre et l'affaiblir. Il Nous semble que cette occasion est bonne pour réaffirmer notre ferme adhésion à la doctrine de l'apostolicité de l'Eglise. Voyez. Cette doctrine établit la permanence et l'authenticité de la fondation de l'Eglise par le Christ ; elle précise les limites de la communion ecclésiale (cf. Lc Lc 10,16 Lc 11,23 Unitatis redintegratio, UR 2) ; elle qualifie, en leur conférant un caractère sacramentel, nos personnes en fonction du ministère qui nous est confié ; elle nous insère dans un unique Collège apostolique, présidé par Pierre, établissant entre nous clés liens d'unité, de charité, de paix, de solidarité et de collaboration ; elle insiste sur l'importance et la fidélité de la tradition, et en même temps démontre la vitalité actuelle et la jeunesse toujours renaissante de l'Eglise ; elle explique la raison de son organisation hiérarchique et du caractère vital du Corps mystique ; elle protège l'existence et l'exercice des pouvoirs ministériels propres du sacerdoce chrétien, qui participe à l'unique sacerdoce du Christ ; elle est la source première, autorisée et responsable, de l'activité missionnaire (cf. journet, L'Eglise..., II, 1208, n. 2) elle ne constitue pourtant pas l'épiscopat comme une caste privilégiée, car son autorité ne vient pas de la « base » mais du Christ, tout en étant un organe pour le bien, pour le service de toutes les églises particulières, et de l'Eglise catholique tout entière, agissant par amour, jusqu'au sacrifice (cf. Christus Dominus, CD 6).
Si Nous vous rappelons tout cela, Frères, c'est pour qu'augmenté votre confiance dans l'assistance du Christ, sur vos personnes, sur vos fatigues, sur vos souffrances, sur vos espoirs. Vous devez avoir conscience de votre vocation, de votre élection, de votre responsabilité. Vous devez toujours entendre résonner au fond de vos âmes les paroles de saint Paul : « Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a institués surveillants pour paître l'Eglise de Dieu, cette Eglise qu'il s'est acquise de son propre sang » (Ac 20,28). Soyez forts, soyez patients. Vous avez devant vous un champ immense d'apostolat ; il suffirait de l'immensité géographique et de la multitude démesurée de ses habitants pour exalter votre énergie apostolique.
Ici, Nous devrions donner un regard sur ce panorama humain, dans lequel doit se dérouler votre ministère ; mais Nous savons que vous êtes déjà engagés et experts, aussi bien dans l'étude que dans l'action.
Vous avez devant vous un immense champ d'apostolat. Il est difficile de parler, comme d'un tout, de cette Asie où vit plus de la moitié de l'humanité. L'on peut cependant y retenir quelque réseau d'intérêts communs, quelque parité dans la conception de la vie, quelque concordance dans les aspirations. Jeune par sa population mais riche de civilisations parfois millénaires, l'Asie est poussée comme par une volonté irrésistible à occuper la place qui lui revient dans le monde et son influence va effectivement croissant. L'attrait pour le changement, le désir de progrès sont présents partout et Nous y voyons une chance nouvelle pour l'homme d'aujourd'hui.
Certes, sauf en certaines régions comme les Philippines, l'Eglise, malgré une histoire déjà longue, n'est représentée en Asie que par de faibles minorités. Et cependant, qui dira la somme de dévouement héroïque, de foi en l'homme asiatique qui a présidé, dès les débuts, aux destinées de la mission dans ce continent ? Qui dira les péripéties souvent douloureuses et tragiques — et jusqu'en nos temps — d'un apostolat missionnaire que seul un appui, venu d'en-haut, pouvait soutenir ! Nous devons à cet effort missionnaire le témoignage de la reconnaissance et de la louange de toute l'Eglise. Aussi notre espérance est grande, fondée qu'elle est sur l'ordre du Seigneur d'aller à toutes les nations, et sur ses promesses traduites dans les paraboles du grain de sénevé et du levain dans la pâte (Lc 13,18-2).
75 Nous Nous limitons à mentionner quelques points de votre présente mission qui Nous paraissent capitaux. Vous n'ignorez rien de ce que Nous vous disons : mais il vous sera agréable de trouver dans notre parole la confirmation de vos pensées et de vos résolutions.
Voici la première chose que Nous vous proposons : ayons soin de prendre pour guide l'enseignement du récent Concile oecuménique. Celui-ci résume et affermit le patrimoine de la tradition catholique, et il ouvre la voie à un renouveau de l'Eglise selon les nécessités et les possibilités des temps modernes. Cette adhésion à la doctrine du Concile peut stabiliser une magnifique harmonie dans toute l'Eglise. Et cette harmonie décuple l'efficience de notre action pastorale et nous protège des erreurs et des faiblesses de ce temps. En un domaine, tout spécialement : celui de la foi. Il Nous semble que c'est à la défense et à la diffusion de la foi que doivent aller notre première préoccupation spirituelle, notre premier souci pastoral. Nous évêques, nous sommes les prédicateurs, nous sommes les promoteurs de l'enseignement de la foi. Ceci est pour nous un devoir primordial. Tout ce que nous faisons pour promouvoir l'étude de la foi, la catéchèse, la connaissance et la méditation de la parole de Dieu, la culture et l'école catholiques, notre presse, l'usage des moyens de communication sociale, le dialogue oecuménique, tout cela relève de ce devoir. Nous ne pouvons pas nous taire. Nous ne devons pas fourvoyer la vérité et l'unité de la foi. Nous devons faire de la foi le principe original et agissant de la vie chrétienne de nos communautés.
Permettez-Nous d'ajouter à cette recommandation pour l'affirmation et l'orthodoxie de la foi, celle de la prière, Nous assistons à la décadence de la prière en notre temps, et vous en connaissez les causes. Mais nous avons en faveur de la prière deux grandes ressources (encore que bien différentes l'une de l'autre) : l'une est la réforme liturgique, promue par le récent Concile, qui n'a pas seulement renouvelé les expressions rituelles — et toujours selon certaines normes traditionnelles —, mais a ravivé les sources doctrinales, sacramentelles, communautaires et pastorales de la prière eucharistique. Nous devons profiter de cet enseignement traditionnel, si nous voulons que la prière soit toujours l'expression vive et sincère des fidèles et maintienne dans l'Eglise le primat des valeurs religieuses. L'autre ressource pour la prière, c'est la prédisposition naturelle de l'esprit asiatique. Nous devons honorer et cultiver ce sens religieux originel et profond, qui caractérise l'âme du monde oriental. Nous devons défendre la spiritualité propre de ces peuples et empêcher que leur contact, avec la civilisation moderne profane et matérialiste n'en étouffe la respiration intérieure. Nous sommes sûr que l'Eglise possède le secret de la vraie rencontre avec Dieu. Vous devez donc ouvrir l'âme de vos fidèles à l'écoute de la parole mystérieuse et authentique de Dieu et à l'expression intense et filiale du dialogue religieux, auquel le Christ nous a autorisés, et que l'Esprit nous rend aptes à établir avec le Père céleste.
A ce sujet se pose un autre problème fondamental, qui regarde non seulement la langue de l'oraison et de l'enseignement religieux, mais le génie et le style de l’évangélisation, qui, comme le dit le Concile, doit « s'adapter au mode particulier de penser et d'agir » des peuples auxquels elle s'adresse (cf. Ad Gentes, AGD 16-18, etc.).
Si, dans le passé, une connaissance insuffisante des richesses cachées des diverses civilisations a pu gêner la diffusion du message évangélique et donner de l'Eglise un certain visage étranger, il vous appartient de manifester que le salut apporté par Jésus-Christ est offert à tous, sans distinction de condition, sans lien privilégié avec une race, un continent ou une civilisation et que, loin de vouloir étouffer « les germes de bien dans le coeur et la pensée des hommes ou dans leurs rites! propres et leur culture », l'Evangile a pour effet de les guérir, de les élever, de les achever pour la gloire de Dieu ! (cf. Lumen Gentium, LG 17 Ad Gentes, AGD 22). A l'exemple de Jésus-Christ qui a partagé la condition des siens, l'homme d'Asie peut être catholique et demeurer pleinement asiatique. Comme Nous l'avons déclaré il y a un an en Afrique, si l'Eglise doit avant tout être catholique, un pluralisme d'expressions dans l'unité de la substance est légitime, et même souhaitable dans la manière de professer une commune foi en un même Jésus-Christ.
Et ceci fonde également, Frères, votre responsabilité particulière dans la poursuite de l'annonce de Jésus-Christ aux hommes de l'Asie. Nul mieux qu'un asiatique ne peut parler à un asiatique. Nul mieux que lui ne devrait savoir puiser dans les trésors de vos cultures si riches les éléments de l'édification en Asie d'une Eglise une et catholique, fondée sur les apôtres et pourtant diverse en ses styles de vie. Ne devons-Nous pas noter à la louange de vos peuples et pour le réconfort de votre action pastorale la disposition naturelle des Orientaux pour le mystère religieux et qui semble un signe prophétique de leur appel à la révélation chrétienne ?
Il manquerait certainement un aspect essentiel de la maturité de vos églises particulières si ne s'y développaient des vocations missionnaires. C'est aux évêques d'Asie, à leurs prêtres, à leurs religieux et religieuses, à leurs laïcs engagés dans l'apostolat, d'être les premiers apôtres de leurs frères d'Asie, aidés par les missionnaires étrangers, dont les mérites sont si grands et dont Dieu fasse que l'effort se poursuive et croisse, au nom de l'inaltérable solidarité qui s'impose à toute l'Eglise en ce domaine !
L'un des aspects de l'adaptation actuelle de l'activité missionnaire, que Nous avons souligné dans notre dernier Message pour la journée Missionnaire, est l'importance qu'elle accorde à l'action de développement. L'Evangile, qui est la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres (Lc 4,18), n'est-il pas source de développement ? Consciente des aspirations humaines à la dignité et au bien-être, souffrant des inégalités injustes qui subsistent et souvent s'accentuent entre les nations et à l'intérieur des nations, l'Eglise, tout en respectant la compétence des Etats, doit offrir son aide pour promouvoir un « humanisme plénier », c'est-à-dire « le développement intégral de tout l'homme et de tous les hommes » (Populorum Progressio, PP 42). C'est une conséquence logique de notre foi chrétienne. La hiérarchie des Philippines le rappelait tout récemment : « Le christianisme et la démocratie ont en commun un principe de base : le respect pour la dignité et pour la valeur de la personne humaine, le respect des moyens requis afin que l'homme puisse de lui-même parvenir à la plénitude de son humanité » (9 juillet 1970). C'est au nom de ce principe que l'Eglise doit favoriser de son mieux la lutte contre l'ignorance, la faim, la maladie et l'insécurité sociale. Se plaçant à l'avant-garde de l'action sociale, elle doit tendre tous ses efforts pour appuyer, encourager, pousser les initiatives qui travaillent à la promotion intégrale de l'homme. Témoin de la conscience humaine et de l'amour divin pour les hommes, elle doit prendre la défense du faible et du pauvre contre les injustices sociales.
Nous savons que beaucoup a été fait par vous en ce sens, tant sur le plan des études que sur celui de l'action. Nous sommes convaincu que vous contribuez par là au maintien de la paix : « La foi chrétienne, aussi bien que le rapport intime qui existe entre la promotion des droits de l'Homme et son progrès socio-économique, constitue la base véritable d'une paix authentique et durable » déclarait encore l'épiscopat philippin (mai 1968).
Comment à ce nom de paix ne pas élever à nouveau notre âme pour implorer du Seigneur que les populations si douloureusement et si longuement touchées par la guerre puissent enfin, dans la justice et la dignité mener une vie heureuse et paisible !
Nous prions enfin le Christ de faire que ce voyage soit la confirmation à tous les peuples de l'Asie de l'invitation qu'il leur adresse de recevoir son Message, chargé de vérité et d'amour, divinement conçu pour eux, pour chacun d'eux, dans sa langue et en harmonie avec sa civilisation, comme l'a reçue et continue à l'accueillir le peuple philippin.
76 Que Marie, la mère du Verbe fait chair, la mère des apôtres, préside encore à cette Pentecôte !
28 novembre
Vénérables Frères,
Chers Fils et amis du Vietnam,
Bien souvent, au Vatican, Nous avons accueilli des groupes de vos compatriotes. Et voici qu'aujourd'hui il Nous est donné de venir en personne dans l'Extrême-Orient et d'y rencontrer des représentants nombreux et qualifiés du Vietnam. Nous vous accueillons avec joie et désirons avant tout vous manifester notre paternelle affection pour vous et pour votre chère Patrie, que Nous aimerions considérer comme tout entière présente devant Nous en ce moment.
Celle-ci, depuis tant d'années ne connaît plus les bienfaits de la paix ! Soyez sûrs que Nous partageons les peines, et aussi les espoirs et les aspirations des Vietnamiens. Ils désirent, comme tout le monde, vivre en paix, dans la concorde et la tranquillité : c'est la condition d'un développement social et économique normal, auquel ont droit tous les peuples du monde. Et il faut malheureusement constater que, depuis trop longtemps, ils sont privés de ces bienfaits. Laissez-Nous vous dire d'abord que Nous admirons la patience, la constance, la force d'âme des populations vietnamiennes : sans se laisser abattre, d'un côté, par les opérations belliqueuses — qui, malheureusement, se poursuivent ces derniers jours encore — ni décourager, de l'autre, par les actes de terrorisme qu'entraîné cette guerre interminable, elles reconstruisent, elles pansent les plaies, elles préparent des lendemains meilleurs pour leurs fils et leurs filles.
Qu'elles continuent à garder les yeux fixés sur l'avenir heureux qu'il faut assurer au Vietnam, sur le bien commun de leur Pays, aujourd'hui dans l'épreuve, mais qui, demain, grâce à l'union de toutes les forces, de toutes les énergies pourra connaître, Nous en sommes sûr, des jours meilleurs.
Qu'elles aient par-dessus tout ce souci du bien commun. Ceux qui servent utilement leur Patrie, ce sont ceux qui lui apportent leur contribution de probité morale, de sens des responsabilités, de solide préparation culturelle et professionnelle. Et en ce moment surtout, la contribution peut-être la plus nécessaire, c'est celle qui s'exerce au plan social, à tout ce qui peut et doit être fait en faveur des plus malheureux. Ceux qui laissent courageusement de côté tout individualisme qui pourrait nuire en ce domaine au bien de la communauté, ceux-là travaillent efficacement à l'avènement de la paix tant désiré.
Mais, direz-vous, que fait le Pape pour nous aider à atteindre cette paix à laquelle tous aspirent ? Nous faisons, chers fils et amis, tout ce qui est en notre pouvoir. En particulier, Nous ne cessons d'exhorter à poursuivre la négociation honnête et loyale, qui Nous paraît non seulement le chemin le plus sûr, mais encore le seul digne de l'homme pour conduire à une paix juste et durable.
Cette rencontre d'aujourd'hui Nous fournit l'occasion de renouveler notre pressant appel à tous les responsables : qu'ils aient à coeur d'éviter tout acte qui puisse nuire à un climat d'entente si nécessaire pour le succès des pourparlers en cours. Que le spectacle de tant de douleurs et de larmes d'innocentes victimes leur soit un constant stimulant à surmonter les difficultés, à vaincre les obstacles et à travailler à l'avènement de la paix.
En travaillant à la paix du Vietnam, ils travaillent par le fait même à la paix du monde et au bien-être de toute l'humanité, pour laquelle il n'y a de salut que dans la paix et la fraternité.
77 Que Dieu bénisse ces efforts, chers fils et amis, qu'il bénisse vos personnes et vos familles, Nous le Lui demandons de tout coeur, tandis que Nous vous donnons Nous-même à tous notre Bénédiction Apostolique.
28 novembre
Chers amis,
Nous saluons en vous le monde universitaire des Philippines ! Nous disons d'abord notre grande estime pour l'Université Pontificale Saint-Thomas qui Nous accueille, l'une des plus prestigieuses par la richesse de son histoire, l'une des plus importantes pour le nombre de ses étudiants, l'une des plus réputées par son souci d'un enseignement de valeur !
A Vous, Messieurs les Professeurs, Nous disons notre salut avec l'hommage qui est dû aux hommes de science et aux éducateurs. N'êtes-vous pas engagés dans cette recherche de la vérité, si chère au coeur des hommes ? Nous reconnaissons qu'il faut aujourd'hui beaucoup de sagesse pour distinguer les différentes voies par lesquelles on poursuit la recherche de la vérité totale ; la voie — pour tout dire en un mot — de la raison humaine, la voie de la science, qui jouit de la liberté et de l'autonomie propres à la pensée naturelle, et la voie de la foi, don d'une lumière de l'Esprit, et réponse de notre âme à la Parole de Dieu révélateur. La distinction et la synthèse exigent une opération délicate, mais possible, magnifique et vitale ; et ensuite il faudra un certain courage pour affirmer et défendre toute la vérité. Que le Christ soit votre modèle, lui qui a donné sa vie en témoignage de la vérité (cf. Jn Jn 18,37). Tout progrès vers la vérité tourne d'ailleurs à la gloire de Dieu ; ne mène-t-il pas à la rencontre du Maître par excellence, dont la parole est libératrice de l'erreur et du mensonge ? (cf. Mt Mt 23,8 Jn 8,32). Vous répondez à l'attente de vos frères en poursuivant votre tâche.
Quelle magnifique responsabilité que la vôtre et quelle contribution valeureuse à la marche de l'humanité dans sa découverte de celui qui s'est défini « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6), à travers sa quête laborieuse d'une cité terrestre où régneraient la justice et la liberté !
Chers étudiants, Nous vous saluons avec la plus profonde sympathie et avec toute notre paternelle affection. Aujourd'hui, c'est votre heure ! Vous êtes l'aile marchante de votre pays ; votre responsabilité d'intellectuels est capitale pour l'avenir de votre nation !
Nous comprenons votre aspiration à vous engager plus activement dans la vie de votre peuple et Nous savons que votre dynamisme, au service de votre sensibilité particulière, a contribué à une plus profonde prise de conscience des adultes vis-à-vis des problèmes à résoudre.
La jeunesse des Philippines, comme celle de toute l'Asie, est en mouvement. Permettez-Nous à ce propos quelques questions : Savez-vous dans quelle direction aller ? Avez-vous la claire conscience des buts de votre marche ? Vous attachez-vous à la recherche des vraies valeurs ? Votre Volonté de servir vos frères se traduit-elle par des choix pratiques qui vous préparent à promouvoir efficacement le progrès du grand nombre ? Etes-vous convaincu que l'on ne peut être vraiment libre que dans la mesure où l'on est responsable ?
Votre âge est celui de la critique — et elle peut être bénéfique à la société toujours perfectible, — il est aussi celui du généreux don de soi — et le peuple philippin l'attend de vous : c'est l'alliance équilibrée de ces deux attitudes qui est requise de vous. Votre nombre considérable dans les universités plaide en faveur de votre intelligence et de votre soif de culture, il vous crée aussi, par là même, des obligations dont le poids se rencontre rarement dans l'Histoire.
L'Eglise veut vous aider à répondre à ces questions vitales, pour vous comme pour vos frères. Elle a reçu mission de diffuser au monde l'Evangile du salut. Ce Message, qui nous vient de Dieu, est la réponse ultime aux aspirations de l'homme vers son épanouissement total. Mais qui croira à cet Evangile, s'il n'est porté par des témoins convaincus ? Qui s'ouvrira à sa force libératrice, si ses hérauts ne sont pas eux-mêmes libérés de l'égoïsme, du mensonge ; de l'esprit de division, du péché sous toutes ses formes ?
Discours 1970 70