Discours 1977 56
Le vendredi 27 mai le Saint-Père a reçu en audience les participants à la Session Plénière de la Commission Pontificale de Révision du Droit Canon, qui coïncidait avec le 60ème anniversaire de la promulgation du premier Code par le Pape Benoît XV, le 27 mai 1917. Paul VI s’est adressé à eux en latin. Voici notre traduction :
Vénérables Frères et chers Fils,
Nous nous réjouissons vivement de vous rencontrer aujourd’hui, vous qui allez mettre un terme à cette assemblée plénière de la Commission de révision du Code de Droit Canon. Pendant ces journées vous avez pris connaissance de tous les travaux accomplis jusqu’ici par cette Commission et vous avez débattu de certaines questions graves.
Certes, nous avons une grande estime pour votre travail, qui rend un très grand service à l’Eglise depuis que le Concile Vatican II a eu lieu. La vie de l’Eglise ne peut subsister sans règle juridique ; car, vous le savez bien, l’Eglise, société instituée par le Christ, est spirituelle mais visible ; elle s’édifie par la parole et par les sacrements dont le but est d’apporter le salut aux hommes, et elle a besoin de ce droit sacré, selon les paroles de l’apôtre : « Mais que tout se passe dignement et dans l’ordre » (1Co 14,40).
Cette conscience d’Eglise a guidé les travaux que vous avez poursuivis jusqu’ici et il importe, nous le souhaitons de tout coeur, que ce même esprit continue à vous animer. De cette façon, par votre zèle et votre labeur, vous contribuez parfaitement à l’édification de l’Eglise qui doit avancer sur un chemin sûr et en sécurité au milieu des si nombreuses « variations du monde ».
Nous vous félicitons donc comme des bâtisseurs de l’Eglise, et nous vous manifestons un grand intérêt et ceci en tout premier lieu à l’égard de votre président si qualifié, le Cardinal Pericle Felici qui est le modérateur de cet énorme travail de révision.
L’achèvement de cette oeuvre est très attendue, car le Droit Canon doit être adapté, selon l’impulsion nouvelle qui a sa source dans le Concile Vatican II, ou, plutôt, du fait du changement des conditions de vie dans lesquelles l’Eglise de notre temps est immergée.
Enfin, nous prions ardemment l’Esprit Saint, dont nous célébrons bientôt la venue et qui est l’âme de l’Eglise, qu’il vous vienne en aide par sa lumière et qu’il vous comble de ses dons. Que la Bénédiction apostolique que nous vous donnons avec grande affection, vénérables frères et chers fils, en soit le gage.
6 juin
57 Le Pape reçoit les Evêques de France (Région Midi-Pyrénées)
Lundi 6 juin le Saint-Père a reçu dans sa bibliothèque privée les Evêques français de la région Midi-Pyrénées.
Les Archevêques et Evêques présents étaient: M. le Cardinal Jean Guyot, Archevêque de Toulouse ; NN.SS. André Collini, Coadjuteur du Cardinal Guyot ; Maurice Rigaud, Archevêque d’Auch; René Boudon, Evêque de Mende ; Roger Bourrât, Evêque de Rodez ; Robert Coffy, Archevêque d’Albi ; Henri Clément Donze, Evêque de Tarbes et Lourdes ; Louis de Courréges d’Ustou, ancien Evêque de Montauban ; Henry Camille L’Heureux, Evêque de Perpignan-Elne ; Maurice Pourchet, Evêque de St Flour ; Pierre Puech, Evêque de Carcassonne ; Joseph Rabine, Evêque de Cahors ; Léon Soulier, Evêque de Pamiers.
A ses visiteurs le Pape a adressé le discours suivant :
Chers Frères dans le Christ,
C’est avec joie que nous vous accueillons aujourd’hui tous les Evêques d’une vaste région apostolique, qui s’étend de l’Auvergne aux Pyrénées, des Cévennes au Languedoc et au Roussillon, et gravite autour de la grande et célèbre métropole de Toulouse.
Vos diocèses évoquent pour nous tant de hauts-lieux chrétiens ! D’abord Toulouse et l’antique église des Jacobins, avec le rayonnement des Frères Prêcheurs, depuis Saint Dominique ! Et aussi des lieux de pèlerinages aujourd’hui très fréquentés : Notre-Dame de Roc Amadour, Sainte-Germaine de Pibrac, Saint-Bertrand de Comminges, et principalement Lourdes. La grotte de Massabielle est devenue le rendez-vous de tant de pèlerins de chez vous, de toute la France, du monde entier ! Nos diocésains de Rome, aussi, sont de plus en plus nombreux à en bénéficier. Vous avez su garder au sanctuaire mariai sa signification originale, sa note évangélique : autour de l’exemple de Marie Immaculée et avec son intercession, ce pèlerinage permet un ressourcement de la foi, dans la prière, la réconciliation avec Dieu, le partage fraternel. La piété populaire peut s’y déployer avec aisance — et c’est important pour la vitalité du Peuple de Dieu — en même temps que les différents groupes trouvent une nourriture substantielle, adaptée à leurs besoins spirituels. Toutes nos félicitations et nos encouragements à ceux qui sont, avec vous, les artisans de cette pastorale !
Vos rapports témoignent des efforts déployés pour donner ou redonner une vigueur spirituelle à des communautés chrétiennes anciennes ou nouvelles, disséminées dans les montagnes, ou dans les populeuses cités, et pour les rendre elles-mêmes évangélisatrices.
Nous avons bien noté les difficultés que vous rencontrez pour l’évangélisation. Celle-ci ne peut ignorer les problèmes humains posés à votre région : un vieillissement de la population, un départ assez massif des jeunes, les difficultés de l’agriculture et de la viticulture, le manque d’emplois... Et sur le plan spirituel, vous relevez notamment la difficulté d’assurer une présence active de l’Eglise en maints secteurs ou milieux, le manque d’apôtres de l’Evangile, l’indifférence religieuse en certains diocèses, plus encore la montée accrue de l’incroyance et la tâche délicate de proposer la foi dans les nouvelles formes de culture, sans compter les secteurs particuliers qui demandent une pastorale adaptée : celui des migrants si nombreux en votre région, celui des multiples établissements de soins pour les malades ou handicapés qui viennent profiter de votre bon climat ou des sources thermales.
Mais nous regardons avec vous les éléments positifs. Même la présence des frères séparés et des non chrétiens peut aider les catholiques à prendre mieux conscience de l’identité de leur foi et de leur mission. Certes les forces apostoliques sont réduites, mais vous avez su promouvoir entre elles la concertation, la mise en commun des efforts, en associant au mieux les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs. Vous constatez que les textes du Concile sont assez bien assimilés. Nous vous encourageons à compter beaucoup sur la catéchèse, la préparation aux sacrements, l’enseignement catholique, la responsabilité des laïcs bien formés. Vous mentionnez comme signe de vitalité la forte coopération de vos prêtres à la mission universelle de l’Eglise. De tout cela nous nous réjouissons.
Nous notons deux axes principaux selon lesquels vos effort pastoraux peuvent se développer, parce qu’ils correspondent à la fois à vos possibilités et à vos besoins : une pastorale universitaire, une pastorale rurale.
58 Il nous semble que vous avez bien mis à profit la présence de l’Institut catholique de Toulouse. Non seulement il assure une préparation solide des ouvriers apostoliques, afin qu’ils soient dignes de l’Evangile dont ils seront porteurs; mais il contribue de façon notable à la formation permanente de ceux qui sont dispersés dans toute la région, pour leur permettre de faire face aux nouvelles questions, dans la fidélité à la Tradition vivante de l’Eglise. Vous soulignez vous-mêmes le besoin et la soif de formation biblique, théologique et spirituelle, y compris chez les jeunes. En ce domaine, nous vous encourageons de toutes nos forces.
La pastorale rurale est aussi un terrain de première importance pour tous vos diocèses. Nous imaginons sans peine les problèmes que vivent vos populations rurales, très dispersées et très amenuisées. S’il n’est pas question de revenir à la pastorale d’antan, il est encore possible de faire quelque chose pour sauver vos campagnes. Nous encourageons avec vous les équipes de laïcs et de prêtres qui se consacrent à cette pastorale. Il leur revient de promouvoir une collaboration des ruraux, pour une réflexion chrétienne sur leurs conditions de vie, une entraide efficace, un appel à leur propre responsabilité, les interventions adéquates auprès des instances compétentes, susceptibles de leur apporter l’aide nécessaire, avec le souci du bien commun de tous, une participation aussi à la vitalité de leurs communautés chrétiennes.
Nous ne pouvons pas nous étendre aujourd’hui sur les autres points mis en relief dans vos rapports. Sur le plus grand nombre d’entre eux, nous avons déjà exprimé devant vos confrères des autres régions ce qui nous tient à coeur. Nous nous arrêterons plutôt sur un aspect particulier, qui n’est nullement propre à votre région, mais qui nous semble conditionner de façon importante l’engagement des chrétiens et des mouvements chrétiens dans le domaine temporel Vous venez vous-mêmes d’y faire allusion en reprenant une phrase de notre Exhortation Evangelii Nuntiandi, « partageant la ferme conviction que toute libération temporelle déchoit de l’idéal qu’elle se propose... tarit que l’élan qui l’entraîne n’a pas de dimension vraiment spirituelle ».
Le rôle des Evêques est de veiller à ce que l’Eglise soit d’abord témoin de l’Evangile. Aujourd’hui, dans la vie sociale telle qu’elle évolue, certains ne savent plus aborder un problème quel qu’il soit, même concernant la famille, l’éducation, telle réalité professionnelle, sans le placer aussitôt sur un plan politique et se limiter à cette perspective. Une telle réduction, déjà critiquable intellectuellement, est dommageable à la société et ouvre la voie à bien des sectarismes. Les chrétiens devraient être les premiers à témoigner de ces risques. A plus forte raison, est-il regrettable que certaines personnes ou certains groupes, dans l’Eglise elle-même, aient également tendance à juger les choses d’un point de vue d’abord et essentiellement politique.
Les méthodes d’apostolat et les pédagogies de la foi s’égarent et s’enlisent si elles ne se développent pas sous le rayonnement de la personne même de Jésus-Christ et de son message, proposés sans altération. Car la foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu (cf. 1Co 2,4). C’est la responsabilité et la joie de notre commun ministère apostolique de veiller à ce que les communautés et les organisations ecclésiales, dans leur légitime diversité, ne se réunissent sous nul autre signe que le signe de Jésus-Christ. Qu’elles donnent donc le témoignage d’une foi qui se préoccupe d’abord d’accueillir le don de Dieu, dans la méditation de la Parole insurpassable de l’Evangile, dans une célébration eucharistique dont le mouvement vient de Dieu et conduit à Dieu.
De ce retour incessant aux sources surgissent des énergies et des lumières pour l’existence entière. Tout l’homme s’y régénère. Il y fortifie tout ce qu’il porte d’authentiquement humain et les solidarités multiformes dans lesquelles il est engagé. Dans la lumière de l’Evangile, il perçoit, par-delà les sophismes trompeurs ou rassurants, l’incompatibilité avec la foi de tant d’idéologies athées et réductrices : il en naît un besoin renouvelé de fortifier et de purifier la foi et d’aider tout homme à s’ouvrir à sa force de libération. Apparaît aussi l’incompatibilité, avec une vie chrétienne cohérente, de tant de pratiques sociales, économiques et politiques qui mutilent l’homme et lui dénient ses droits fondamentaux : il en surgit un appel à une action résolue, et d’abord sur soi-même. L’Evangile invite chacun à la conversion. S’il est légitime de distinguer idéologies et mouvements historiques (cf. Octogesima adveniens, n. 30), il convient aussi de voir avec lucidité les liens réciproques qui demeurent (ibid., n. 34) ; cf. aussi « Compte rendu sommaire de la réunion du Conseil permanent de l’Episcopat français », 14-16 juin 1976, n. 6, dans La Documentation Catholique, 1976, p. 636). Un tel discernement s’impose aussi bien aux communautés et associations chrétiennes comme telles, qu’aux personnes. Nous ne voyons pas sans une profonde inquiétude comment certains peuvent penser, au nom de la solidarité et pour une plus grande efficacité, qu’il est possible d’être vraiment chrétien tout en donnant son adhésion à un parti dont les principes d’analyses et d’action relèvent d’une idéologie incompatible avec la foi chrétienne. Car de toute manière la pratique aussi, avec les structures qu’elle sécrète et dans lesquelles elle se déploie, est tributaire d’une loyale confrontation avec l’Evangile.
Et l’on ne saurait négliger non plus l’expérience des frères dans la foi qui, partout dans le monde, sous des régimes divers, souffrent persécution ou oppressions, et luttent pour défendre ensemble leur foi, leur liberté religieuse et les libertés de tous ceux qui sont opprimés. Les Evêques ont une responsabilité particulière dans ce discernement.
En bref, nous connaissons et nous apprécions les capacités que les catholiques français ont si souvent manifestées au cours de leur histoire pour répondre aux besoins de leur temps. Nous les exhortons donc à ne pas se laisser glisser vers une atténuation ou une dissolution de leur témoignage spécifique au profit d’idéologies ou de pratiques non évangéliques et non ecclésiales. Nous faisons appel à leur fidélité dans la foi, à leur courage, à leur charité inventive, pour qu’ils apportent à leur pays, en tant de domaines qui conditionnent son avenir social, moral et spirituel, une contribution en harmonie avec les exigences éthiques de l’Evangile et avec l’enseignement social de l’Eglise.
Sur ces catholiques français toujours si chers à notre coeur, et d’abord sur vous-mêmes, qui avez charge de les éclairer et de les guider selon l’Evangile, nous implorons l’aide et la force de l’Esprit Saint, nous demandons la protection de la Vierge Marie. Et en vous exprimant notre confiance, nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique.
Vendredi 10 juin 1977
Monsieur l’ Ambassadeur,
59 Nous Vous remercions des aimables paroles que vous venez de prononcer. Nous sommes heureux de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue au Vatican. Puissent les contacts que vous aurez ici se révéler toujours cordiaux et pleinement fructueux!
Votre Excellence a rappelé la longue tradition de foi chrétienne d’Haïti, son attachement à l’Eglise et la présence heureusement agissante de cette dernière. Il est certain que, fidèle à l’enseignement et à l’exemple de son divin fondateur, l’Eglise cherche à promouvoir l’élévation humaine des peuples auxquels elle apporte la foi au Christ. Cette oeuvre, elle s’est efforcée depuis longtemps de l’accomplir en Haïti - le Saint-Siège ne fut-il pas parmi les premiers, en son temps, à reconnaître et à encourager votre pays au moment où celui-ci proclamait son indépendance? - et l’Eglise s’efforce encore d’y contribuer, en donnant à ce progrès humain ses dimensions les plus vastes. C’est en effet le développement intégral, de tout l’homme et de tous les hommes, qu’il faut assurer. Et Nous en évoquions quelques aspects essentiels dans notre Encyclique «Populorum Progressio», en souhaitant l’accession à des conditions plus humaines, telles que, disions-Nous, «la montée de la misère vers la possession du nécessaire, la victoire sur les fléaux sociaux, l’amplification des connaissances . . ., la considération accrue de la dignité d’autrui . . . . la coopération au bien commun . . . . la reconnaissance par l’homme des valeurs suprêmes, et de Dieu qui en est la source et le terme» (PAULI PP. VI Populorum Progressio PP 21).
Pour favoriser une collaboration fructueuse en ces domaines, Nous souhaitons que s’intensifient les bonnes relations entre les responsables civils que vous représentez et les autorités de l’Eglise, pour entretenir le climat indispensable de confiance, de liberté, dans le respect de la sphère d’autonomie de chacun correspondant à sa compétence, selon l’esprit et les voeux explicites du récent Concile Vatican II. C’est dans ces conditions que les uns et les autres pourront exercer au mieux leur propre responsabilité, qui est d’abord un service exigeant, désintéressé, au profit de toute la population. Et Nous sommes certain que nos fils d’Haïti, guidés par leurs Evêques si estimés, si soucieux de la qualité de vie de leurs compatriotes, sont prêts à contribuer de toutes leurs forces, dans la fidélité à leur vocation chrétienne et humaine, au bien-être de leur pays.
C’est l’honneur de la République d’Haïti de compter d’abord sur ses propres forces, sur la valeur de ses hommes et ses possibilités naturelles pour faire face à son destin, en favorisant à tous les échelons cette responsabilité et cet esprit de service. Mais Nous espérons aussi avec vous que la coopération internationale aidera votre pays à résoudre ses problèmes de développement. Pour notre part, Nous n’avons cessé durant notre Pontificat, et Nous ne cesserons de rappeler le devoir moral de solidarité entre nations plus favorisées et moins favorisées, et de faire appel à cette fraternité des peuples qui seule permet de bâtir un monde nouveau vraiment humain.
Monsieur l’Ambassadeur, Nous vous assurons de notre bienveillance et vous exprimons nos voeux pour l’heureux accomplissement de votre mission, Nous vous prions de vous faire l’interprète de nos salutations et de nos souhaits auprès de Son Excellence Monsieur Jean-Claude Duvalier et du cher peuple d’Haïti, sur lequel Nous invoquons les bénédictions du Seigneur Tout-Puissant.
*AAS 69 (1977), p.424-425.
Insegnamenti di Paolo VI, vol. XV, p.581-582.
L’Osservatore Romano, 10-11.6.1977, p.1, 2;
L’Attività della Santa Sede 1977, p.181-182.
L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.25 p.2.
13 juin
60 Le Pape reçoit un groupe d’Evêques du Portugal
Le 13 juin le Saint-Père a reçu les Archevêques et Evêques des Provinces ecclésiastiques de Lisbonne et d’Evora venus à Rome pour leur visite « ad limina ». Le groupe, présidé par S.E. M. le Cardinal Antonio Ribeiro Patriarche de Lisbonne, accompagné de ses Evêques Auxiliaires, comprenait l’Archevêque d’Evora et les Evêques de Guarda, de Leiria, de Portalegre-Castelo Branco, de Santarem, de Setubal, de Beja, de Faro ainsi que le Vicaire général de Beja. A l’adresse d’hommage du Cardinal Ribeiro, le Saint-Père a répondu par un discours en langue latine dont voici notre traduction :
Vénérable Frère Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Patriarche de Lisbonne, bien-aimés Frères en l’Episcopat,
Nous vous souhaitons cordialement la bienvenue, à vous qui, des provinces ecclésiastiques de Lisbonne et Evora, êtes venus à Rome pour effectuer la visite « ad limina Apostolorum » et avez exprimé le désir de vous rencontrer avec nous, en cette circonstance. Par une heureuse coïncidence, votre visite a lieu le jour où l’Eglise commémore Saint Antoine dit de Padoue, mais, en réalité, né à Lisbonne vers 1195 et qui reçut au baptême le nom de Fernand. En 1221 il se transféra à Assise et, après quelque temps, à Padoue où il mourut, jeune encore, le 13 juin 1231. Il fut un orateur sacré, d’une brillante éloquence et de grand savoir, raison pour laquelle il compte au nombre des Docteurs de l’Eglise. Toutefois, le peuple le connaît surtout pour les miracles qu’il opéra. Aujourd’hui, invoquons-le pour que, par son intercession, se répande une abondance de grâces sur sa patrie le Portugal, cette nation qui nous est très chère.
Une époque nouvelle commence pour votre pays, « Natione Fidelissima », comme on l’appelle, mais aussi Natio Missionaria, pays missionnaire — il suffit de penser à ces hommes généreux qui ont propagé la foi dans des régions lointaines et, parmi eux, Saint François Xavier ; votre pays, qui est également Natio Marialis, possède à Fatima un Sanctuaire pieusement fréquenté par des fidèles du monde entier.
De nouvelles formes politiques et sociales ont surgi dans votre pays et elles nous incitent à rechercher et à découvrir « l’âme religieuse » du Portugal ; en effet, notre intérêt se porte avant tout et principalement sur ce qui se rattache à la sainte religion.
Car nous sommes, nous les Evêques, les premiers à être mis en cause, du fait que le salut et les progrès du troupeau dépendent en grande partie de nous. Pour être à la hauteur des temps nouveaux, il importe que nous fassions un examen de notre vie sacerdotale ; et peut-être conviendrait-il que, pratiquant des exercices spirituels, nous consacrions quelques moments aux choses de nos âmes et que nous examinions la méthode de notre action pastorale sous l’éclairage de la lumière divine. N’oublions jamais que, comme guides et maîtres du peuple fidèle, la première des tâches de notre ministère est de veiller à notre propre conduite. Il est certain qu’aujourd’hui demeure toujours et incontestablement vrai ce qu’a dit Saint Grégoire le Grand : « La parole qui pénètre le plus facilement dans le coeur qui écoute, est celle qui est rendue aimable par la vie de celui qui la prononce » (Reg. Past. 2, 3 ; PL 77, 28).
Notre conscience doit trouver un stimulant dans la grandeur du ministère épiscopal. Saint Augustin ressentait très vivement son poids ; s’adressant au peuple d’Hippone à l’occasion de l’anniversaire de son ordination, il prononça ces mots : « Plus les années passent, m’entraînant vers mon dernier jour qui arrivera fatalement, et plus vive et stimulante se fait l’idée de ce que j’aurai à rendre compte de vous au Seigneur notre Dieu » (Sermons, 339, 1 ; PL 38, 1480).
Comme nous le lisons dans les Actes des Apôtres : « ... le Saint-Esprit vous a constitués évêques pour paître l’Eglise de Dieu, acquise par lui au prix de son propre sang » (Ac 20,28). Si donc nous voulons que notre action soit féconde il faut que l’Esprit Saint qui donne la sainteté soit présent en nous-mêmes et qu’il alimente, confirme et encourage notre vie spirituelle. Cette présence purifie nos âmes et les renforce d’une vigueur surnaturelle, ce qui nous est absolument nécessaire. Nous ne sommes pas des intendants qui peuvent mener une vie tranquille et pacifique ; nous sommes appelés à affronter des temps difficiles et à résoudre des problèmes extrêmement graves.
L’heure même exige que nous soyons des saints, de la sainteté propre aux évêques. Voici maintenant quelques observations que nous désirons mettre en lumière : a) d’abord, imposons-nous l’habitude de prier, « quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole » (Ac 6,4). Il convient donc que nous soyons des hommes adonnés, le plus de temps possible, à la prière et que celle-ci soit constante et vive ; b) il faut aussi que nous nous consacrions à l’étude et que nous soyons de véritables experts, principalement en ce qui concerne la doctrine religieuse ; nous devons lire, méditer et nous tenir au courant de nombreuses choses. Nous pensons de nouveau à Saint Augustin qui avait une grande admiration pour Saint Ambroise, Evêque de Milan, qui « lisait en silence » (cf. Confessions 6, 3, 3 ; PL 32, 720) ; c) notre manière de penser et d’agir doit se conformer aux normes et aux principes du Concile Vatican II que l’on pourrait appeler le « vade mecum » de notre époque ; d) nous devons conduire les âmes au Christ, principalement par la prédication de la Parole de Dieu; en effet, le Concile Vatican II dit : « Parmi les fonctions principales de l’Evêque, la première est la prédication de l’Evangile » (Lumen Gentium, LG 25). Même si elle est brève et simple, cette prédication doit toujours être le fruit d’une méditation et avoir un caractère grave et pieux ; e) il appartient enfin aux évêques de promouvoir les oeuvres qui se conjuguent avec leur ministère, comme les écoles, que tant de périls menacent aujourd’hui et les séminaires qui sont « le coeur du diocèse » (cf. Optatam Totius, OT 5). En outre, vos fonctions de maîtres peuvent, au moins parfois, s’exercer plus amplement, en. faisant recours aux moyens de la communication sociale, comme la radio; en fait votre pays possède un émetteur catholique.
En résumé, nous avons besoin d’une évangélisation sainte et sanctifiante : « Les ‘signes des temps’ devraient nous trouver vigilants. Tacitement ou à grands cris, toujours avec force, l’on demande : Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? Plus que jamais le témoignage de la vie est devenu une condition essentielle de l’efficacité profonde de la prédication. Par ce biais-là, nous voici jusqu’à un certain point, responsables de la marche de l’Evangile que nous prêchons » (Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, EN 76, AAS 68, 1976, p. 67).
61 Voilà ce que nous avons tenu à vous dire d’un coeur aimant, accomplissant le mandat divin qui, par l’intermédiaire des successeurs de Saint Pierre, est venu jusqu’à nous : « Confirme tes frères » (Lc 22,32). Pour conclure, avec grande joie nous vous donnons la Bénédiction Apostolique, à vous tous ici présents, ainsi qu’aux prêtres et aux fidèles confiés aux soins de chacun de vous.
16 juin
Le Pape reçoit les Evêques de la Province de Braga (Portugal)
Le Saint-Père a reçu le 16 juin un deuxième groupe d’Evêques portugais venus à Rome pour la visite quinquennale « ad limina ». Formé par l’épiscopat de la province ecclésiastique de Braga, le groupe comprenait l’Archevêque de Lamego, les Evêque de Porto, de Vila Real, d’Aveiro, de Dume, de Coimbra, de Drusiliana, ainsi que les Evêques auxiliaires de Bragance et d’Aveiro.
A l’adresse d’hommage de S.Exc. Mgr Antonio Ferreira Gomez, Evêque de Porto, le Saint-Père a répondu par un discours en langue latine dont voici notre traduction :
Vénérables Frères,
Nous vous saluons affectueusement et vous souhaitons la bienvenue avec les paroles de Saint Paul : « A vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus Christ ! » (2Co 1,2) ; nous désirons poursuivre avec vous le colloque que nous avons ouvert il y a quelques jours avec d’autres évêques portugais.
Votre présence ici, devant nous qui occupons le siège de Pierre, et dans cette sainte ville où vous accomplissez votre visite ad limina apostolorum constitue un véritable acte ecclésial : en effet, de cette manière vous affirmez votre attachement et votre fidélité au chef visible de l’Eglise et à ce Siège Apostolique, centre de l’unité catholique ; vous le faites, non seulement en votre propre nom, mais également au nom des diocèses de la Province ecclésiastique de Braga que vous représentez.
Nous avons lu avec grand intérêt et satisfaction le rapport que vous nous avez présenté afin de nous mettre au courant de la situation de vos diocèses. Connaissant donc ainsi votre action pastorale assidue et la vigueur religieuse du peuple fidèle, nous pouvons en quelque sorte vous donner l’assurance qu’il n’y a aucune observation à faire et qu’il n’y a rien à changer. Nous tenons seulement à répéter à chacun de vous les paroles, à la fois d’exhortation et de consolation, du divin Maître : « Faites cela et vous vivrez » (Lc 22,28), c’est-à-dire qu’il semble, à cet égard, que nous n’ayons autre chose à faire que « confirmer nos frères » (Lc 22,32). Nous désirons toutefois que vous sachiez avec quelle force, avec quelle gravité et de quelle manière consolante pour vous, nous voulons le faire, avec l’aide de Dieu. Nous nous rendons compte que vous avez bien compris la charge qui a été mise sur vos épaules. Vénérables Frères, tâchez toujours d’agir au mieux; soyez des âmes fortes !
Nous voudrions simplement vous rappeler que les temps que nous vivons exigent de nous un engagement spirituel renouvelé; qu’ils nous imposent d’adhérer à l’Evangile et à l’Eglise en travaillant avec une assiduité et une conscience croissantes (cf. Jn Jn 16,1-4). Acceptez donc que nous vous soumettions certaines idées, à vous qui êtes, nous le savons, de magnanimes Pasteurs.
Il convient de se rappeler ce qu’a affirmé le Concile Vatican II : « De notre temps surtout, il n’est pas rare que les Evêques ne puissent accomplir leur charge convenablement avec fruit, s’ils ne réalisent pas avec les autres évêques une concorde chaque jour plus étroite et une action plus coordonnée » (Christus Dominus, CD 37). Que brille donc, entre les évêques, cette union des coeurs, des esprits, des oeuvres qui exige d’étudier en commun les problèmes à résoudre et les initiatives à promouvoir, afin qu’après en avoir discuté, les actes puissent efficacement faire suite aux paroles.
62 Cette même unité qui doit se fortifier dans la charité, doit associer les Evêques et leurs prêtres de manière à former un seul corps dans lequel s’harmonisent la foi, l’amour, le culte divin le saint ministère et le témoignage qu’il faut donner devant le monde. Et que ce rapport mutuel s’établisse également avec les Conseils Presbytéraux et Pastoraux qui ont été créés par le Concile.
Quant aux Séminaires on peut, d’après certains indices, nourrir de bonnes espérances. Certainement, n’ont rien perdu de leur valeur, les graves paroles de notre Prédécesseur Pie XI qui a dit: « Vénérables Frères qui partagez avec nous la charge de gouverner l’Eglise, il faut que vous teniez à vos Séminaires comme à la prunelle de vos yeux. Les séminaires doivent constituer l’objet principal de vos soins » (Encycl. Ad catholici sacerdotii : AAS 28, 1936, p. 37). Soyez avant tout, pour les élèves des Séminaires, des maîtres qui gardent avec eux des contacts constants et bienveillants et les conduisent prudemment vers le service de Dieu dans l’Ordre Sacré. Nous n’ignorons pas les difficultés d’ordre personnel et matériel, mais en agissant et en priant avec persévérance, on peut avoir confiance que s’appliquent également à cette cause les paroles du Seigneur : « Or, le Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela » (Mt 6,32).
Il importe également de réserver la plus grande attention aux religieux et aux religieuses qui servent Dieu dans vos diocèses; comme le dit le Concile : « Tous les Instituts doivent participer à la vie de l’Eglise, chacun selon son caractère propre, faire leurs et soutenir, selon leurs moyens, ses initiatives et ses projets en matières biblique, liturgique, dogmatique, pastorale, oecuménique, missionnaire et sociale » (Perfectae caritatis, ). Prenez donc grand soin d’eux et employez-vous à les associer aux oeuvres d’apostolat. Vous pourrez ainsi disposer d’un plus grand nombre de collaborateurs comme l’exigent les temps actuels.
« Notre temps n’exige pas un moindre zèle de la part des laïcs ; les circonstances actuelles réclament d’eux, au contraire, un apostolat toujours plus intense et plus étendu ». (Apostolicam actuositatem, AA 1). En conséquence il faut s’efforcer d’incorporer, dans toute la mesure du possible, les laïcs dans la vie pastorale de la communauté diocésaine. Il faut également veiller à ce que les associations laïques, principalement celles qui ont le titre d’Action catholique restent solidement unies et travaillent avec efficacité.
Imitant l’exemple du Christ qui est « Seigneur et Evêque des évêques » (St Augustin, Sermo, 32 8 ; Sermones post Maurinos reperti, Rome 1930, p. 570), votre charité, doit s’étendre largement aux malades, qui doivent être visités ; aux pauvres qu’il faut secourir ; en somme, tout le corps social du Peuple de Dieu réclame de vous une sollicitude toute particulière.
Et il importe aussi de ne pas oublier les écoles de tous genres et de tous degrés ; vous devez réfléchir sérieusement à tout ce que vous pouvez faire dans un domaine d’une telle importance : c’est-à-dire dans l’éducation et dans l’organisation de cette tâche aux multiples aspects. Il faut qu’il en ressorte toujours lumineusement les fins éducatives et religieuses. Dans une certaine mesure, s’harmonisent parfaitement avec ces fins, les moyens de communication sociale où votre présence est requise, et principalement la presse ; à cette tâche apostolique nous vous demandons de consacrer une activité toujours croissante.
Nous ne saurions oublier de mentionner les oeuvres chrétiennes de charité et d’assistance : c’est là un domaine qui offre un espace immense à l’activité religieuse, également au Portugal. Nous faisons allusion aux hôpitaux et cliniques de tout genre, aux maisons de repos, aux Instituts coopératifs et aux organismes similaires. La charité trouve un champ d’action dans toutes ces institutions — peu importe à qui elles appartiennent — afin de promouvoir la vie humaine selon l’esprit de l’Evangile « pour que les hommes voyant vos bonnes oeuvres, en rendent gloire à votre Père qui est dans les deux » (Mt 5,16).
Enfin pour que la communauté diocésaine, présidée par l’Evêque, soit riche de vigueur spirituelle, il est nécessaire de développer la vie de piété, principalement liturgique, à laquelle il faut préparer les fidèles par une sage catéchèse.
II importe aussi de ne pas négliger le chant sacré ; il faut aussi développer les autres moyens, tels que les exercices spirituels pratiqués avec sérieux comme il se doit, afin de détourner les âmes des choses passagères de ce monde pour les intéresser aux choses éternelles et durables.
Nous ne voulons pas vous quitter, vénérables Frères, sans avoir d’abord tourné nos pensées vers la Bienheureuse Vierge Marie de Fatima et lui avoir recommandé vos propres personnes, vos fidèles et la bien-aimée nation portugaise toute entière. Et à vous-mêmes, je dis ce que la Mère de Dieu dit aux serviteurs en montrant son Fils : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ». Ceci vous convient également à vous les Pasteurs du Portugal.
Après vous avoir confié ces pensées, nous voulons vous donner notre Bénédiction Apostolique à chacun de vous comme à toutes les communautés diocésaines confiées à votre diligence pastorale.
20 juin
Discours 1977 56