Vita consecrata FR 44
44
L'attention pour les anciens et les malades a un rôle important dans la vie fraternelle, surtout à une époque comme la nôtre où, dans certaines régions du monde, le nombre de personnes consacrées désormais avancées en âge augmente. Les égards empressés qu'elles méritent ne répondent pas seulement à un juste devoir de charité et de reconnaissance, mais ils expriment aussi la conviction que leur témoignage est très utile à l'Eglise comme aux Instituts et que leur mission demeure valable et méritoire, même si, pour des motifs d'âge ou d'infirmité, elles ont dû abandonner leur emploi. Elles ont certainement à donner beaucoup de sagesse et d'expérience à la communauté, si celle-ci sait leur demeurer proche, les entourer de prévenance et les écouter.
En réalité, la mission apostolique, avant d'être action, consiste en un témoignage de remise totale de soi à la volonté salvifique du Seigneur, en puisant aux sources de l'oraison et de la pénitence. Les anciens peuvent donc être appelés de multiples manières à vivre leur vocation: la prière assidue, le consentement patient à sa condition, la disponibilité pour servir comme directeur spirituel, comme confesseur et comme guide dans la prière (93).
93- Cf.Congregavit nos in unum Christi amor n. 68, l. c. pp 432-433 : Proposition 21.
45
La vie fraternelle est un élément fondamental du cheminement spirituel des personnes consacrées, pour qu'elles se renouvellent constamment et pour qu'elles accomplissent pleinement leur mission dans le monde: cela découle des motivations théologiques qui en sont la base, et l'expérience elle-même en donne une ample confirmation. J'exhorte donc les personnes consacrées à la cultiver avec zèle, selon l'exemple des premiers chrétiens de Jérusalem, qui étaient assidus à l'écoute de l'enseignement des Apôtres, à la prière commune, à la participation à l'Eucharistie, au partage des biens matériels et spirituels (cf. Ac 2,42-47). J'exhorte surtout les religieux, les religieuses et les membres des Sociétés de vie apostolique à vivre sans réserve l'amour mutuel, l'exprimant de la manière qui convient à la nature de chaque Institut, pour que chaque communauté constitue un signe lumineux de la nouvelle Jérusalem, "demeure de Dieu avec les hommes" (Ap 21,3).
Toute l'Eglise compte beaucoup sur le témoignage de communautés riches "de joie et de l'Esprit Saint" (Ac 13,52). Elle désire présenter au monde l'exemple de communautés dans lesquelles l'attention mutuelle aide à dépasser la solitude, la communication pousse chacun à se sentir corresponsable et le pardon cicatrise les blessures et renforce de la part de tous l'engagement à la communion. Dans des communautés de ce type, la nature du charisme oriente les énergies, soutient la fidélité et guide le travail apostolique de tous, pour l'unique mission. Afin de présenter à l'humanité d'aujourd'hui son vrai visage, l'Eglise a réellement besoin de telles communautés fraternelles qui, par leur existence même, représentent une contribution à la nouvelle évangélisation, parce qu'elles montrent de façon concrète les fruits du "commandement nouveau".
46
Une tâche importante est confiée à la vie consacrée, notamment à la lumière de la doctrine de l'Eglise comme communion, proposée par le Concile Vatican II avec tant de vigueur. Aux personnes consacrées, il est demandé d'être vraiment expertes en communion et d'en pratiquer la spiritualité (94), comme "témoins et artisans du projet de communion qui est au sommet de l'histoire de l'homme selon Dieu" (95).Le sens de la communion ecclésiale, qui devient une spiritualité de la communion, encourage une façon de penser, de parler et d'agir qui fait progresser l'Eglise en profondeur et en extension. En effet, la vie de communion "devient un signe pour le monde et une force d'attraction qui conduit à croire au Christ (...). De cette manière, la communion s'ouvre à la mission, elle se fait elle-même mission", ou plutôt "la communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire" (96).
94- Cf. Proposition 28.
95- Congrégation des Religieux et des Instituts séculiers, Document Vie et mission des religieux dans l'Eglise (12 août 1980), II, n.24 : La Documentation Catholique 78 (1981), p. 172.
96- CL 31-32
Les fondateurs et les fondatrices font toujours preuve d'un vif sens de l'Eglise, qui se manifeste par leur pleine participation à la vie ecclésiale dans toutes ses dimensions et par leur prompte obéissance aux Pasteurs, spécialement au Pontife romain. C'est en raison de cet amour pour la sainte Eglise, "colonne et support de la vérité" (1Tm 3,15) , que se comprennent la dévotion de François d'Assise pour "le Seigneur Pape" (97), l'audace filiale de Catherine de Sienne envers celui qu'elle appelle "le doux Christ sur la terre" (98), l'obéissance apostolique et le sentire cum Ecclesia d'Ignace de Loyola (99), la joyeuse profession de foi de Thérèse de Jésus: "Je suis fille de l'Eglise" (100).On comprend aussi le désir ardent de Thérèse de Lisieux: "Dans le coeur de l'Eglise, ma mère, je serai l'amour" (101).Ces témoignages sont représentatifs de la pleine communion ecclésiale que des saints et des saintes, des fondateurs et des fondatrices, ont vécue en des époques et des circonstances diverses et souvent très difficiles. Ce sont des exemples auxquels les personnes consacrées doivent constamment se référer, pour résister aux poussées centrifuges et destructrices, aujourd'hui particulièrement fortes.
97- Regula Bullata, I,1.
98- Lettres 109, 171, 196.
99- Cf. les Règles " pour avoir un sens sûr et vrai dans l'Eglise militante ", qu'il place à la fin du livre des Exercices spirituels, en particulier la R-gle treizième.
100- Dichos, n. 217 : Obras completas, III, Madrid (1959), p. 899 (Paroles recueillies par ses Soeurs sur son lit de mort : témoignage au procès de canonisation ".
101- Manuscrits autobiographiques, B, 3 v.8.
L'adhésion d'esprit et de coeur au magistère des Evêques est un aspect déterminant de cette communion ecclésiale; elle doit être vécue avec loyauté et clairement manifestée devant le Peuple de Dieu par toutes les personnes consacrées, particulièrement celles qui sont engagées dans la recherche théologique, dans l'enseignement, dans les publications, dans la catéchèse, dans l'usage des moyens de communication sociale (102). Puisque les personnes consacrées occupent une place particulière dans l'Eglise, leur attitude à ce sujet a une grande importance pour tout le Peuple de Dieu. Leur témoignage d'amour filial donne force et intensité à leur activité apostolique qui, dans le cadre de la mission prophétique de tous les baptisés, se caractérise en général par des tâches accomplies en collaboration étroite avec l'ordre hiérarchique (103). De cette façon, avec la richesse de leurs charismes, elles apportent leur contribution propre à la réalisation toujours plus profonde par l'Eglise de sa nature de sacrement d'unité des hommes avec Dieu et des hommes entre eux (104).
102- Cf. Proposition 30, A.
103- Cf. Jean Paul II, Exhort. Ap. Redemptionis donum (25 mars 1984), n. 15 : AAS 76 (1984), pp. 541-542.
104- LG 1
47
Les personnes consacrées sont appelées à être des ferments de communion missionnaire dans l'Eglise universelle par le fait même que les multiples charismes des divers Instituts sont donnés par l'Esprit Saint, en vue du bien du Corps mystique tout entier, à l'édification duquel ils doivent servir (cf. 1Co 12,4-11). Il est significatif que "la voie meilleure" (1Co 12,31), la réalité "la plus grande de toutes" (1Co 13,13), selon la parole de l'Apôtre, soit la charité, qui harmonise toutes les diversités et donne à tous la force du soutien mutuel dans leur élan apostolique. C'est à cela que tend le lien particulier de communion des diverses formes de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique avec le Successeur de Pierre, dans son ministère d'unité et d'universalité missionnaire. L'histoire de la spiritualité montre bien comment ce lien remplit un rôle providentiel pour garantir l'identité de la vie consacrée et l'expansion missionnaire de l'Evangile. La large diffusion de l'annonce évangélique, le solide enracinement de l'Eglise dans bien des régions du monde et le printemps chrétien qui se lève aujourd'hui dans les jeunes Eglises seraient impensables comme l'ont fait observer les Pères synodaux sans la contribution de nombreux Instituts de vie consacrée et de nombreuses Sociétés de vie apostolique. Au cours des siècles, ils ont maintenu ferme la communion avec les Successeurs de Pierre, qui ont trouvé en eux un généreux empressement dans le dévouement à la mission ainsi qu'une disponibilité qui, suivant les circonstances, a su aller jusqu'à l'héroïsme.
Ainsi se manifeste le caractère d'universalité et de communion propre aux Instituts de vie consacrée et aux Sociétés de vie apostolique. Par leur nature supra-diocésaine fondée sur leur rapport spécial avec le ministère pétrinien, ils sont aussi au service de la collaboration entre les différentes Eglises particulières (105), au sein desquelles ils peuvent efficacement promouvoir "l'échange de dons" et contribuer à une inculturation de l'Evangile qui purifie, met en valeur et assume les richesses des cultures de tous les peuples (106). Aujourd'hui, dans les jeunes Eglises, la floraison de vocations à la vie consacrée montre qu'elle exprime bien, dans l'unité catholique, les attentes des divers peuples et des diverses cultures.
105- Congrégation pour la Doctrine de la foi, Lettre aux Evêques de l'Eglise catholique sur certains aspects de l'Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), n.16 : AAS 85 (1993), p. 847-848 Kononia .
106- LG 13
48
A l'intérieur des Eglises particulières, les personnes consacrées ont également un rôle significatif. A partir de la doctrine conciliaire sur l'Eglise comme communion et mystère, et sur les Eglises particulières comme portions du Peuple de Dieu dans lesquelles "est vraiment présente et agissante l'Eglise du Christ, une, sainte, catholique et apostolique" (107), ce fait a été approfondi et codifié dans plusieurs documents. Ces textes mettent clairement en évidence l'importance fondamentale de la collaboration des personnes consacrées avec les Evêques pour le développement harmonieux de la pastorale diocésaine. Les charismes de la vie consacrée peuvent fortement contribuer à l'édification de la charité dans l'Eglise particulière.
107- CD 11
Les diverses façons de vivre les conseils évangéliques, en effet, sont l'expression et le fruit des dons spirituels reçus par les fondateurs et les fondatrices et, comme telles, elles constituent une "expérience de l'Esprit, transmise à leurs disciples pour être vécue par ceux-ci, gardée, approfondie, développée constamment en harmonie avec le Corps du Christ en croissance perpétuelle" (108). La nature de chaque Institut comporte un style particulier de sanctification et d'apostolat, qui tend à se fixer dans une tradition déterminée, caractérisée par des éléments objectifs (109). C'est dans ce sens que l'Eglise a le souci de la croissance et du développement des Instituts, dans la fidélité à l'esprit des fondateurs et des fondatrices et à leurs saines traditions (110).
108- Congrégation des Religieux et des Instituts séculiers et Congrégation des Evêques, Directives Mutuae relationes (14 mai 1978), n.11 : AAS 70 (1978), p. 480.
109- cf. Ibid.
110- CIC 576
En conséquence, chaque Institut se voit reconnaître une juste autonomie, grâce à laquelle il peut conserver une discipline propre et garder intact son patrimoine spirituel et apostolique. Les Ordinaires des lieux ont le devoir de préserver et de protéger cette autonomie (111). Il est donc demandé aux Evêques d'accueillir et d'estimer les charismes de la vie consacrée, en leur donnant une place dans les projets de la pastorale diocésaine. Ils doivent être spécialement attentifs aux Instituts de droit diocésain, qui sont confiés à la sollicitude particulière de l'Evêque du lieu. Un diocèse sans vie consacrée serait privé de beaucoup de dons spirituels, de lieux réservés à la recherche de Dieu, d'activités apostoliques et de méthodes pastorales spécifiques; de plus, il risquerait de se trouver grandement affaibli par l'absence de l'esprit missionnaire propre à la majorité des Instituts (112). Il convient donc d'accueillir le don de la vie consacrée, que l'Esprit suscite dans l'Eglise particulière, en le recevant généreusement dans l'action de grâce.
111- CIC 586 ; Mutuae relationes (14 mai 1978), n.13 : AAS 70 (1978), p. 481-482.
112- AGD 18
49
L'Evêque est père et pasteur de l'Eglise particulière tout entière. Il lui revient de reconnaître et de respecter les différents charismes, de les promouvoir et de les coordonner. Dans sa charité pastorale, il accueillera donc le charisme de la vie consacrée comme une grâce qui ne concerne pas seulement un Institut, mais qui profite à toute l'Eglise. Il cherchera ainsi à soutenir et à aider les personnes consacrées, afin que, en communion avec l'Eglise, elles s'ouvrent à des perspectives spirituelles et pastorales qui répondent aux exigences de notre temps, demeurant fidèles à leur charisme fondateur. De leur côté, les personnes consacrées ne manqueront pas d'offrir généreusement leur collaboration à l'Eglise particulière selon leurs forces et dans le respect de leur charisme, ouvrant en pleine communion avec l'Evêque dans les domaines de l'évangélisation, de la catéchèse, de la vie des paroisses.
Il est bon de se rappeler que, dans la coordination du service de l'Eglise universelle avec celui de l'Eglise particulière, les Instituts ne peuvent invoquer leur juste autonomie et même l'exemption dont jouissent (113) beaucoup d'entre eux, pour justifier des choix qui iraient en réalité à l'encontre des nécessités de la communion organique indispensable à une saine vie ecclésiale. Il faut, au contraire, que les initiatives pastorales des personnes consacrées soient décidées et mises en ouvre dans un dialogue cordial et ouvert entre Evêques et Supérieurs des divers Instituts. L'attention spéciale des Evêques à la vocation et à la mission des Instituts et le respect de ces derniers pour le ministère des Evêques, traduit par l'accueil empressé des directives pastorales diocésaines concrètes, représentent deux formes intimement liées de cette unique charité ecclésiale, qui engage chacun au service de la communion organique - charismatique et en même temps hiérarchiquement structurée - du Peuple de Dieu tout entier.
113- CIC 586 p2 CIC 591 CIO 412 p2.
50
Pour promouvoir la connaissance mutuelle, condition nécessaire d'une coopération efficace, surtout dans le domaine pastoral, il est des plus opportuns que les Supérieurs et Supérieures des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique restent en dialogue constant avec les Evêques. Grâce à ces contacts habituels, les Supérieurs et les Supérieures pourront informer les Evêques des initiatives apostoliques qu'ils envisagent de prendre dans leurs diocèses, pour parvenir avec eux aux accords nécessaires à leur mise en ouvre. De la même façon, il convient que des personnes déléguées par les Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs soient invitées à assister aux assemblées des Conférences des Evêques et, inversement, que des délégués des Conférences épiscopales soient invités aux Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs, selon des modalités à déterminer. Dans cette perspective, on pourra tirer un grand avantage, là où elles n'existeraient pas encore, de la constitution et des travaux, au niveau national, de commissions mixtes d'Evêques et de Supérieurs et Supérieures majeurs (114), qui examineront ensemble les questions d'intérêt commun. Introduire la théologie et la spiritualité de la vie consacrée dans le programme des études théologiques des prêtres diocésains, de même que prévoir, dans la formation des personnes consacrées, de traiter suffisamment la théologie de l'Eglise particulière et la spiritualité du clergé diocésain, tout cela contribuera aussi à une meilleure connaissance mutuelle (115).
114- Cf. Proposition 29,4.
115- Cf. Proposition 49, B.
Enfin, il est réconfortant de rappeler qu'au Synode les interventions sur la doctrine de la communion ont été nombreuses et qu'on a fait avec satisfaction l'expérience d'un dialogue vécu dans un climat de confiance et d'ouverture réciproques entre les Evêques, les religieux et les religieuses présents. Cela a suscité le désir que "cette expérience spirituelle de communion et de collaboration s'étende à toute l'Eglise", également après le Synode (116). Je fais mien ce souhait en vue du progrès chez tous d'une attitude et d'une spiritualité de communion.
116- Cf. Proposition 54.
51
L'Eglise confie aux communautés de vie consacrée le devoir particulier de développer la spiritualité de la communion d'abord à l'intérieur d'elles-mêmes, puis dans la communauté ecclésiale et au-delà de ses limites, en poursuivant constamment le dialogue de la charité, surtout là où le monde d'aujourd'hui est déchiré par la haine ethnique ou la folie homicide. Insérées dans les sociétés de ce monde des sociétés souvent traversées de passions et d'intérêts conflictuels, aspirant à l'unité, mais incertaines sur les voies à prendre, les communautés de vie consacrée, où se rencontrent comme des frères et des soeurs des personnes d'âges, de langues et de cultures divers, se situent comme signes d'un dialogue toujours possible et d'une communion capable d'harmoniser toutes les différences.
Les communautés de vie consacrée sont envoyées pour annoncer, par le témoignage de leur vie, la valeur de la fraternité chrétienne et la force transformante de la Bonne Nouvelle (117), qui fait reconnaître chacun comme enfant de Dieu et pousse à l'amour oblatif envers tous et spécialement envers les plus humbles. Ces communautés sont des lieux d'espérance et de découverte des Béatitudes, des lieux où l'amour, s'appuyant sur la prière, source de la communion, est appelé à devenir logique de vie et source de joie.
117- Congregavit nos in unum Christi amor n.56 : La Doc. Catho. 91 (1994), p. 427.
A notre époque, caractérisée par la mondialisation des problèmes et par le retour des idoles du nationalisme, les Instituts internationaux ont la responsabilité particulière d'entretenir le sens de la communion entre les peuples, les races, les cultures, et d'en témoigner. Dans un climat de fraternité, l'ouverture à la dimension mondiale des problèmes n'étouffera pas leurs richesses propres, et l'affirmation d'une particularité ne les mettra en opposition ni avec les autres ni avec l'unité. Les Instituts internationaux peuvent réaliser cela avec efficacité, puisqu'ils doivent eux-mêmes relever le défi de l'inculturation en faisant preuve de créativité et qu'ils doivent en même temps conserver leur identité.
52
Les relations spirituelles fraternelles et la collaboration mutuelle entre les divers Instituts de vie consacrée et les diverses Sociétés de vie apostolique sont renforcées et nourries par le sens ecclésial de la communion. Des personnes unies par un engagement commun dans la sequela Christi et animées par le même Esprit Saint ne peuvent que manifester visiblement la plénitude de l'Evangile de l'amour, comme des sarments de l'unique Vigne. Se souvenant de l'amitié spirituelle qui a souvent lié sur la terre les divers fondateurs et fondatrices, tout en restant fidèles à la nature de leur Institut, ces personnes sont appelées à vivre une fraternité exemplaire qui soit stimulante pour les autres composantes de l'Eglise, dans l'engagement quotidien à témoigner de l'Evangile.
Les paroles de saint Bernard à propos des divers Ordres religieux sont toujours actuelles: "Je les admire tous (...). J'appartiens à l'un d'eux par l'obédience, mais à tous par la charité. Nous avons tous besoin les uns des autres: le bien spirituel que je n'ai pas et que je ne possède pas, je le reçois des autres (...). Dans cet exil, l'Eglise étant encore en pèlerinage, son unité est, pour ainsi dire, plurielle et sa pluralité unique (...). Et toutes nos diversités, qui manifestent la richesse des dons de Dieu, subsisteront dans l'unique maison du Père, qui comporte de nombreuses demeures. Maintenant il y a la répartition des grâces: alors il y aura distinction des gloires. L'unité, ici comme là-bas, réside dans une même charité" (118).
118- Apologie de Guillaume de Saint-Thierry, IV,8 : PL 182, 903-904.
53
Les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs et les Conférences des Instituts séculiers peuvent apporter une contribution notable à la communion. Encouragés et dotés de normes par le Concile Vatican II (119) et par des documents ultérieurs (120), ces organismes ont pour but principal la promotion de la vie consacrée intégrée dans l'ensemble de la mission ecclésiale.
119- PC 23
120- Mutuae relationes (14 mai 1978), nn. 21 61 : AAS 70 (1978), pp. 486 ; 503-504 ; CIC 708-709
Par leur intermédiaire, les Instituts expriment leur communion et cherchent les moyens de la renforcer, dans le respect et la mise en valeur des particularités des différents charismes où se reflètent le mystère de l'Eglise et la sagesse multiforme de
121- PC 1 LG 46
122- GS 4
123- Jean Paul II, Message à la XIVe Assemblée générale de la Conférence des Religieux du Bresil (11 juillet 1986), n.4 : La Documentation Catholique 83 (1986), p. 893 ; cf. Proposition 31.
J'invite les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs à prendre des contacts fréquents et réguliers avec la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, afin de manifester leur communion avec le Saint-Siège. Il faudra aussi entretenir des relations actives et confiantes avec les Conférences épiscopales de chaque pays. Dans l'esprit du document Mutuae relationes, il conviendra que ces relations prennent une forme stable, pour rendre possible une coordination constante et opportune, au fur et à mesure des initiatives. Si tout cela est mis en ouvre avec persévérance et dans un esprit de fidèle adhésion aux directives du Magistère, les organismes de coordination et de communion se révéleront particulièrement utiles pour trouver des solutions qui évitent les incompréhensions et les tensions aussi bien sur le plan théorique que pratique (124); ils contribueront alors au développement de la communion entre les Instituts de vie consacrée et les Evêques, ainsi qu'à l'accomplissement de la mission même des Eglises particulières.
124- Mutuae relationes 63 65 ; AAS 70 (1978), pp. 504-505.
54
Ces dernières années, la doctrine de l'Eglise comme communion a permis de mieux comprendre que ses diverses composantes peuvent et doivent unir leurs forces, dans un esprit de collaboration et d'échange des dons, pour participer plus efficacement à la mission ecclésiale. Cela contribue à donner une image plus juste et plus complète de l'Eglise, et surtout à rendre plus vigoureuse la réponse aux grands défis de notre temps, grâce à l'apport concerté des divers dons.
En ce qui concerne les Instituts monastiques et contemplatifs, les relations avec les laïcs se situent essentiellement sur le plan spirituel, alors que, pour les Instituts engagés dans l'apostolat, ils se traduisent aussi par une collaboration pastorale. Les membres des Instituts séculiers, laïcs ou clercs, entretiennent des relations avec les autres fidèles dans les formes ordinaires de la vie quotidienne. Aujourd'hui, beaucoup d'Instituts, souvent en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur charisme peut être partagé avec les laïcs, qui, par conséquent, sont invités à participer de façon plus intense à la spiritualité et à la mission de l'Institut lui-même. On peut dire que, dans le sillage des expériences historiques comme celles des divers Ordres séculiers ou Tiers-Ordres, un nouveau chapitre, riche d'espérance, s'ouvre dans l'histoire des relations entre les personnes consacrées et le laïcat.
55
Ces nouvelles expériences de communion et de collaboration méritent d'être encouragées pour divers motifs. En effet, il pourra en résulter, avant tout, le rayonnement d'une spiritualité qui porte à l'action au-delà des frontières de l'Institut; ce dernier comptera ainsi sur de nouvelles forces pour assurer dans l'Eglise la continuité de certaines de ses activités caractéristiques. Une autre conséquence positive pourra aussi être de faciliter une entente approfondie entre personnes consacrées et laïcs, en vue de la mission: inspirés par les exemples de sainteté des personnes consacrées, les laïcs seront introduits à l'expérience directe de l'esprit des conseils évangéliques et, en vue de la transformation du monde selon le coeur de Dieu, seront ainsi encouragés à vivre l'esprit des Béatitudes et à en témoigner (125).
125- LG 31
La participation des laïcs suscite souvent des approfondissements inattendus et féconds de certains aspects du charisme, en leur donnant une interprétation plus spirituelle et en incitant à en tirer des suggestions pour de nouveaux dynamismes apostoliques. Dans toutes les activités ou ministères où elles sont engagées, les personnes consacrées se souviendront donc qu'elles doivent être, avant tout, des guides compétents de vie spirituelle, et, dans cette perspective, elles feront fructifier "le talent le plus précieux: l'esprit" (126).A leur tour, les laïcs offriront aux familles religieuses la précieuse contribution de leur caractère séculier et de leur service spécifique.
126- S. Antoinio M. Zaccaria, Scritti, Sermon II, Roma (1975), p. 129.
56
Une expression significative de la participation des laïcs aux richesses de la vie consacrée se voit dans l'adhésion de fidèles laïques aux divers Instituts, sous la forme nouvelle de ce qu'on appelle "membres associés" ou bien, suivant les besoins actuels dans certains contextes culturels, sous la forme d'un partage temporaire de la vie communautaire et l'engagement particulier de l'Institut dans la contemplation ou dans l'apostolat, à condition évidemment que la nature de sa vie interne n'en souffre pas (127).
127- Proposition 33, A et C.
Il est juste d'avoir une grande estime pour ce genre de volontariat qui s'inspire des richesses de la vie consacrée; il faut cependant veiller à la formation des volontaires, pour que, en plus de la compétence, ils aient toujours des motivations spirituelles profondes dans leurs intentions et un vif sens communautaire et ecclésial dans leurs projets (128). Il faut ensuite se rappeler que, pour être considérées comme ouvres d'un Institut déterminé, les initiatives dans lesquelles sont impliqués des laïcs à un niveau de décision doivent en poursuivre les fins et être réalisées sous sa responsabilité. Donc, si des laïcs en assurent la direction, ils rendront compte de leur responsabilité aux Supérieurs et aux Supérieures compétents. Il est opportun que tout cela soit précisé et organisé selon des directives propres à chaque Institut, approuvées par l'autorité supérieure, en précisant les compétences respectives de l'Institut lui-même, celles de la communauté et celles des membres associés ou des volontaires.
128- Proposition 33, B.
Les personnes consacrées, envoyées par leurs Supérieurs et Supérieures, tout en restant sous leur dépendance, peuvent collaborer selon des modalités appropriées à des initiatives laïques, particulièrement dans des organisations et des institutions qui s'occupent des marginaux et qui ont pour but de soulager la souffrance humaine. Si elle est animée et soutenue par une claire et forte identité chrétienne, et si elle respecte les caractéristiques de la vie consacrée, cette collaboration peut faire rayonner la force et la lumière de l'Evangile dans les situations les plus obscures de l'existence humaine.
Au cours de ces dernières années, beaucoup de personnes consacrées sont entrées dans l'un des mouvements ecclésiaux qui se développent actuellement. En général, les intéressés tirent profit de telles expériences, particulièrement pour leur renouveau spirituel. Toutefois, on ne peut nier que, dans certains cas, cela risque de gêner ou de désorienter au niveau personnel et communautaire, notamment quand ces expériences entrent en conflit avec les exigences de la vie communautaire et de la spiritualité de l'Institut. Il faudra donc prendre soin que l'adhésion aux mouvements ecclésiaux se fasse dans le respect du charisme et de la discipline de l'Institut (129), avec la permission des Supérieurs ou des Supérieures, et en étant pleinement disposé à accueillir leurs décisions.
129- Instruction La vie fraternelle en communauté " Congregavit nos in unum Christi amor " (2 février 1994), n.62 : La Documentation catholique 91 (1994), pp. 429-430 ; Instruction Potissimum institutioni (2 février 1990), nn 92-93 : AAS 82 (1990), pp. 123-124.
57
L'Eglise montre les multiples formes de sa richesse spirituelle quand, ayant surmonté les discriminations, elle accueille comme une véritable bénédiction les dons de Dieu répandus aussi bien sur les hommes que sur les femmes, tous mis en valeur dans leur égale dignité. Les femmes consacrées sont appelées de façon tout à fait spéciale à être, par le don d'elles-mêmes vécu en plénitude et avec joie, un signe de la tendresse de Dieu pour le genre humain et un témoignage particulier du mystère de l'Eglise, vierge, épouse et mère (130). Leur mission n'a pas manqué d'être mise en relief au Synode; elles ont été nombreuses à y participer et à pouvoir faire entendre leur voix, écoutée et appréciée de tous. Grâce aussi à leurs contributions, on a vu se dégager des indications utiles pour la vie de l'Eglise et pour sa mission évangélisatrice. Certes, on ne peut nier le bien-fondé de beaucoup de revendications concernant la position de la femme dans divers milieux sociaux et ecclésiaux. Il convient également de remarquer que la nouvelle conscience que les femmes ont d'elles-mêmes aide aussi les hommes à revoir leurs schémas mentaux, leur façon de se comprendre eux-mêmes, de se situer dans l'histoire et de l'interpréter, d'organiser la vie sociale, politique, économique, religieuse et ecclésiale.
130- Proposition 9, A.
L'Eglise, qui a reçu du Christ un message de libération, a la mission prophétique de le répandre, en encourageant des états d'esprit et des conduites conformes aux intentions du Seigneur. Dans ce contexte, la femme consacrée peut, à partir de son expérience de l'Eglise et sa vie de femme dans l'Eglise, contribuer à éliminer certaines conceptions unilatérales, qui entravent la pleine reconnaissance de sa dignité, de son apport spécifique à la vie et à l'action pastorale et missionnaire de l'Eglise. De la sorte, il est légitime que la femme consacrée aspire à voir reconnaître plus clairement son identité, sa compétence, sa mission et sa responsabilité, aussi bien dans la conscience ecclésiale que dans la vie quotidienne.
L'avenir même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes d'action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, spécialement des femmes consacrées.
58
Il est donc urgent de faire quelques pas concrets, en commençant par ouvrir aux femmes des espaces de participation dans divers secteurs et à tous les niveaux, y compris dans les processus d'élaboration des décisions, surtout pour ce qui les concerne.
Il est nécessaire aussi que la formation des femmes consacrées, à l'égal de celle des hommes, soit adaptée aux nouvelles urgences et prévoie un temps et un cadre institutionnel suffisants pour une éducation systématique, portant sur tous les domaines, depuis celui de la théologie et de la pastorale jusqu'au domaine professionnel. La formation pastorale et catéchétique, toujours importante, est particulièrement utile à la nouvelle évangélisation, qui demande aussi aux femmes de nouvelles formes de participation.
On peut considérer qu'une formation, en aidant la femme consacrée à mieux comprendre ses propres dons, ne manquera pas de stimuler la nécessaire réciprocité à l'intérieur de l'Eglise. Dans le domaine de la réflexion théologique, culturelle et spirituelle, on attend beaucoup du génie de la femme non seulement pour la spécificité de la vie consacrée féminine, mais encore pour l'intelligence de la foi dans toutes ses expressions. A ce propos, que ne doit pas l'histoire de la spiritualité à des saintes comme Thérèse de Jésus et Catherine de Sienne, les deux premières femmes honorées du titre de Docteur de l'Eglise, et à tant d'autres mystiques pour l'approfondissement du mystère de Dieu et pour la mise en lumière de son action sur les croyants! L'Eglise compte beaucoup sur une contribution originale des femmes consacrées pour promouvoir la doctrine, les bonnes moeurs, la vie familiale et sociale, spécialement en ce qui concerne la dignité de la femme et le respect de la vie humaine (131). En effet, "les femmes jouent un rôle unique et sans doute déterminant: il leur revient de promouvoir un nouveau féminisme qui, sans succomber à la tentation de suivre les modèles masculins, sache reconnaître et exprimer le véritable génie féminin dans toutes les manifestations de la vie en société, travaillant à dépasser toute forme de discrimination, de violence et d'exploitation" (132).
131- Proposition 9.
132- EV 99
Il y a des raisons d'espérer que, à partir d'une reconnaissance plus grande de la mission de la femme, la vie consacrée féminine prendra une conscience toujours plus vive de son propre rôle et se dévouera mieux encore à la cause du Règne de Dieu. Cela pourra se traduire par de multiples ouvres, comme l'engagement dans l'évangélisation, l'action éducative, la participation à la formation des futurs prêtres et des personnes consacrées, l'animation de la communauté chrétienne, l'accompagnement spirituel, la promotion des biens fondamentaux de la vie et de la paix. Aux femmes consacrées, avec leur extraordinaire capacité de dévouement, j'exprime encore une fois l'admiration et la reconnaissance de toute l'Eglise, qui les soutient parce qu'elles vivent en plénitude et avec joie leur vocation et qu'elles se sentent appelées à la haute charge d'aider à former la femme d'aujourd'hui.
Vita consecrata FR 44