Catéchèses S. J-Paul II 9682

Le voyage en Grande-Bretagne - 9 juin 1982(1)

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 18 juin. Traduction, titre et sous-titre de la DC.


1. Lorsqu'il m'a été donné de célébrer le sacrifice eucharistique à la cathédrale de Westminster, à Londres, avec l'épiscopat d'Angleterre, d'Écosse et du pays de Galles, j'ai remercié le Christ pour ce signe d'unité qui embrasse tous les hommes : le signe dans lequel les peuples, même s'ils sont divisés par des conflits temporaires, ne cessent d'être unis dans le mystère du Corps du Christ. Le Christ est « en effet notre paix » (
Ep 2,14) vers laquelle il faut toujours tendre par la pensée, le coeur et l'action pour que « l'esprit du monde » (1Co 2,12), qui pousse vers les divisions et les guerres, ne domine pas sur l'humanité.

2. Le voyage du Pape en Grande-Bretagne avait été préparé depuis longtemps. Il avait eté fixé depuis deux ans et élaboré avec sollicitude depuis huit mois dans chaque diocèse et paroisse d'Angleterre, d'Écosse et du pays de Galles. Aujourd'hui, en parlant de la perspective de la visite maintenant terminée, on ne peut pas ne pas souligner surtout les dimensions de cette préparation et de son niveau élevé. Il s'agit ici non seulement des moyens matériels, mais surtout de la dimension spirituelle de ce grand travail commun. Il s'y est manifesté l'héritage pluriséculaire qui, en Angleterre, a son origine dans la personne de saint Augustin, le premier évêque de Cantorbéry. En Écosse, cette origine est liée aux noms des saints Ninian, Colomban, et Kentigern et, au pays de Galles, à saint David.

Cet héritage a derrière lui non seulement de lointaines origines (qui, du reste, nous reportent encore plus loin que les noms auxquels nous avons fait allusion, jusqu'aux temps de l'empire romain) mais aussi une série de siècles difficiles, scellés par le sang des martyrs modernes, dont on parle avec vénération mais aussi sans aucune amertume, comme des martyrs des premiers siècles. On parle d'eux avec un amour digne de celui à qui eux-mêmes — pour citer saint John Fisher ou saint Thomas More — ont rendu témoignage. C'est enfin, au siècle dernier, l'héritage lié au nom du grand cardinal Newman : I'heritage de la laborieuse recherche de la vérité comme voie de l'unité dans la foi. Le christianisme en Grande-Bretagne est un terrain oecuménique important. L'Église catholique se trouve sur ce terrain en acceptant comme sienne la voie de l'unité des chrétiens qu'a montrée le Concile Vatican II.

3. De la visite en elle-même, on peut dire qu'elle a été comme un pèlerinage à travers les sept saints sacrements, dans lesquels se forme et se développe la vie du Peuple de Dieu. Cette forme théologique et, en même temps, pastorale a tissé avec une trame uniforme toute la géographie de la visite, en commençant par la cathédrale de Westminster où le thème a été le baptême. Le jour suivant (à la veille de la Pentecôte), au stade de Wembley, devant la statue de la Vierge de Walsingham, s'est déroulé le renouvellement des promesses du baptême. Nous étions unis, dans cette prière, à la Mère de l'Église, comme les apôtres au cénacle, lorsqu'ils attendaient la venue de l'Esprit consolateur. Le matin du même jour, dans la cathédrale de Cantorbéry, tous ceux qui participaient à la rencontre, anglicans et catholiques, ont renouvelé les voeux du baptême.

Au cours du premier jour du pèlerinage s'est encore déroulée la liturgie solennelle et profondément pénétrante de l'onction des malades dans la cathédrale de Southwark, une grande rencontre avec l'Église des souffrants qui sont unis au Christ.

4. L'eucharistie célébrée le jour même de la Pentecôte sur un grand terrain près de Coventry a rendu présente la venue du Paraclet sur le lieu qui a subi une destruction particulière durant la Seconde Guerre mondiale. Le symbole de cette destruction se trouve dans l'ancienne cathédrale à côté de laquelle a été construite une nouvelle. Le sacrement de confirmation, administré au cours de la sainte messe, a manifesté la construction de l'Église à travers la foi et les oeuvres qui en découlent dans la communauté du Peuple de Dieu.

L'après-midi du même jour de la Pentecôte, j'étais à Liverpool, le plus grand centre catholique en Grande- Bretagne. Il y a eu la salutation à la foule immense à l'aéroport et tout le long des rues de la ville avec, d'abord, la visite à la cathédrale anglicane et, ensuite, à la cathédrale catholique, récemment construite. Le thème durant la messe a été le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, conformément aux paroles de la liturgie : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » (Jn 20,23) et conformément aussi au grand effort que les chrétiens catholiques et anglicans font dans cette ville en direction de la réconciliation réciproque selon l'esprit de l'Évangile.

5. Le lundi, le thème fut avant tout le sacrement de l'ordre, mis en évidence par les ordinations sacerdotales durant l'eucharistie solennelle à Manchester.

Puis, ce fut le sacrement du mariage durant la rencontre avec les représentants des familles sur un grand terrain près de York. En lien avec la liturgie de la Parole et l'homélie, les époux et les membres des familles ont renouvelé les promesses qui constituent le fondement de leur communauté dans le Christ et dans l'Église.

Dans ce contexte, il est nécessaire d'ajouter tout ce qui s'est référé, durant le pèlerinage, à la vocation chrétienne et, en particulier, à la vocation sacerdotale et religieuse par des rencontres avec les prêtres, les frères et les religieuses des ordres et des congrégations religieuses, avec les élèves des séminaires et des noviciats : rencontres, discours, prière.

6. L'Eucharistie a été, dans un certain sens, un thème continuel qui se trouvait au centre de toutes les rencontres. Cependant, elle a été mise en relief de manière particulière et détaillée à Cardiff, la dernière étape du voyage où a également eu lieu la première communion de jeunes chrétiens.

La jeunesse a eu, au cours de ce pèlerinage, sa place spéciale. Deux fois, sa présence dans l'Église a été témoignée de manière particulière : la première fois, à l'occasion de la rencontre d'Edimbourg (également avec les plus jeunes). La seconde fois, à la fin de tout le programme de la visite, à Cardiff. Ces rencontres étaient pleines d'une spontanéité juvénile et, en même temps, d'un profond contenu chrétien. Le dernier discours adressé à l'Église en Grande-Bretagne avait pour thème la prière et s'adressait précisément à la jeunesse à Cardiff.

7. La visite en Écosse a eu ses deux pôles à Edimbourg et à Glasgow. Ils ont permis de réunir et de faire voir l'Église qui, en terre écossaise, a une histoire spéciale et un profil propre. Cela s'est manifesté dans l'une et l'autre ville, mais la principale rencontre liturgique a eu lieu à Glasgow, mardi après-midi, avec une grande participation de fidèles. Le sujet de l'homélie a été une synthèse : le règne de Dieu dans sa réalisation historique et actuelle en terre écossaise et dans l'histoire de ses habitants.

Entre autres choses, j'ai également eu l'occasion de visiter la communauté éducatrice de Glasgow. La visite à la communauté des malades à Edimbourg a été aussi inoubliable.

8. L'Église, qui est le sacrement de l'union de l'homme avec Dieu et le signe de l'unité de toute la famille humaine, se trouve, dans les îles Britanniques sur un terrain oecuménique particulier. Cela s'est manifesté dans toutes les étapes de la visite. Avant tout, en Angleterre, avec la rencontre historique dans la cathédrale de Cantorbéry qui est le siège du président de la Communion anglicane tout entière.

On peut dire que la préparation de cette rencontre a été particulièrement longue et laborieuse : douze ans de travail de la commission internationale anglicane-catholique qui vient de présenter au Pape et au président de la Communion anglicane les résultats de ses études. Ces résultats sont devenus une base pour la Déclaration commune, signée la veille de la Pentecôte. Elle constitue un fondement pour la collaboration oecuménique ultérieure qui a pour but de faire route vers la pleine unité.

Il serait difficile de dire quelque chose de plus dans cette description concise. Il faut seulement remercier l'Esprit d'unité et de vérité qui a guidé nos pas dans cette rencontre et qui, espérons-le, continuera de les guider.

Du point de vue oecuménique, la rencontre avec les représentants du Conseil britannique des Églises à Cantorbéry et, ensuite, une autre rencontre avec les représentants des communautés chrétiennes d'Écosse ont également eu leur importance.

Il faut cependant attribuer également une particulière importance à la rencontre avec le Modérateur de l'Assemblée générale de l'Église d'Écosse (presbytérienne) dans la même ville d'Edimbourg : ce qui indique la spécificité de la voie oecuménique propre à l'Écosse.

9. À l'occasion de cette visite, surtout pastorale, je me suis senti honoré de la rencontre avec la reine Elisabeth II, le premier jour de mon voyage.

Étant donné la situation internationale née des relations avec l'Argentine, les représentants des autorités politiques ont, pour leur part, pris l'initiative de se retirer du programme de la visite.

En me rendant compte de tout ce qui a dépendu, dans une préparation aussi excellente du pèlerinage à travers l'Angleterre, l'Écosse et le pays de Galles, des différents agents et instances de l'autorité, je désire exprimer à tous, encore une fois, mon cordial remerciement.

10. La première visite dans l'histoire faite par l'Évêque de Rome en Grande-Bretagne a certainement son éloquence historique particulière. Qu'il me soit permis de la déposer dans le coeur de Celui qui est Seigneur de l'histoire, Roi de la paix et Prince du siècle à venir..



Aux pèlerins de langue française

Chers Frères et Sœurs,

Durant mon récent voyage pastoral en Grande-Bretagne, il m’a été donné de remercier le Christ pour le signe d’unité qu’il nous a laissé dans l’Eucharistie. Ce voyage, préparé de longue date, a pris, dans les villes d’Angleterre, d’Ecosse et du Pays de Galles que j’ai visitées, la forme d’un pèlerinage à travers les sept sacrements.

La communauté catholique en Grande-Bretagne est, de par son histoire, un terrain privilégié pour l’œcuménisme. Dans mon discours en italien, j’ai évoqué à ce propos tant la réunion de prière en la cathédrale de Cantorbéry, aux côtés du Primat de l’Eglise anglicane, que ma rencontre non moins significative avec le Modérateur de l’Eglise Presbytérienne d’Ecosse. Cela a supposé un travail intense de préparation, qui doit mantenant se poursuivre sur la voie de l’unité.

Avec mon salut, j’adresse à chacun de vous, à vos familles, et sourtout à tous ceux qui souffrent d’une manière ou d’une autre, ma Bénédiction Apostolique.


Appel en faveur du Liban

A la fin de l'audience générale, le Saint-Père a lancé l'appel suivant pour la paix au Liban :

Mon invocation au Prince de la paix se fait plus ardente tandis que les combats font rage au Liban, un pays martyrisé depuis tant d'années et dont les aspirations à la paix ont toujours été déçues jusqu'ici.

Le conflit actuel paraît particulièrement grave en raison de son intensité et de ses effets : elle est profonde notre peine pour les centaines de victimes de toutes les parties, pour leurs familles, pour tous ceux qui, de manière innocente, souffrent de la violence et qui sont obligés, en proie à la terreur, d'abandonner leurs maisons.

À la douleur pour ces événements s'ajoute la vive préoccupation pour les terribles conséquences du conflit au Liban lui-même et pour le danger de son élargissement ultérieur dans la région, déjà si troublée. La paix mondiale elle-même pourrait en être menacée.

Le Saint-Siège continuera à s'employer, par tout ce qui lui sera possible, pour que cette dure épreuve soit abrégée et que les armes laissent la place à la trêve et aux négociations.

Je vous invite à vous unir à ma prière au Seigneur pour que soient accueillis les appels à la cessation de la guerre qui proviennent de la communauté internationale, et que la solution des problèmes du Moyen-Orient soit recherchée non pas par la violence mais dans la clairvoyance, le courage et la sagesse.



Le voyage à Genève - 16 juin 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 11 juin. Traduction, titre et sous-titre de la DC.


1. Accomplissant un engagement que j'avais pris depuis l'année dernière à l'occasion du 90e anniversaire de Rerum novarum, je me suis rendu hier à Genève pour rendre visite à la Conférence Internationale du Travail qui est en train de tenir, ces jours-ci, sa 60e session. J'ai rencontré en outre d'autres organismes internationaux importants qui ont leur siège dans cette ville et, à la fin de la journée, la population de Genève et des environs réunie au Palexpo pour participer à la sainte messe

J'ai ainsi pu exécuter une partie du programme qui était demeuré jusqu'ici en suspens en raison de ce qui est arrivé le 13 mai de l'année dernière. En son temps, avec l'aide de Dieu, je compte également réaliser le reste de ce programme par une visite pastorale à l'Église qui croit, prie et travaille en Suisse, en rencontrant également les représentants des autres confessions chrétiennes et en visitant aussi le Conseil oecuménique des Églises.

Aujourd'hui, cependant, je remercie Dieu pour le devoir pastoral qu'il m'a été donné d'accomplir dans la ligne de la mission que l'Église est appelée à accomplir dans le monde d'aujourd'hui. Cette mission concerne non seulement les biens éternels, mais s'accomplit également avec une sollicitude particulière pour les « réalités terrestres », à savoir les biens de la culture, de l'économie, des arts, des professions, des institutions politiques et sociales dans lesquels s'inscrit la vie de l'homme sur la terre. Le Concile Vatican II en a traité avec une lumineuse clarté, en reconnaissant en tout premier lieu que ces valeurs temporelles ont leur légitime autonomie, mais en affirmant aussi avec force qu'elles sont destinées à s'harmoniser avec les valeurs de la foi et à se mettre au service de l'homme pour la réalisation de sa « vocation intégrale » (cf. Gaudium et spes,
GS 34-35 Apostolicam actuositatem, AA 7).

La mission de l'Église est de rappeler aux hommes un plus vaste horizon, au sein duquel se meut leur activité, en les mettant en garde contre les déviations possibles aux-quelles est constamment exposé leur effort, et en les soutenant dans leur généreux engagement dans la cause du progrès authentique, de la paix et de la dignité de la personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gaudium et spes, GS 37-39).

2. C'est animé de cette conscience que j'ai voulu avant tout aller rendre hommage aux représentants de l'Organisation Internationale du Travail, pour reconnaître, comme il se doit, tout ce qui a été accompli ces dernières années par cet organisme pour protéger l'homme qui travaille, la dignité qui lui est propre et les droits inaliénables qui en découlent logiquement. Ce fut une rencontre avec le monde du travail dans l'un de ses centres historiques et juridiques, riche de tant de signification associative et humaine.

Parmi les nombreux points que j'aurais voulu aborder sur un thème si important, j'en ai choisi un que je considère comme particulièrement urgent dans la situation internationale actuelle : j'ai insisté sur le devoir de la solidarité, car il m'apparaît qu'une telle dimension est inscrite dans la nature même du travail et que, aujourd'hui, tout pousse vers une mise en oeuvre toujours plus pleine de cette solidarité. Le travail unit, parce que sa réalité profonde est identique dans toutes les parties du monde et que son rapport avec le sens de la vie humaine est identique lui aussi, en quelque endroit qu'elle se déroule.

Une telle réalité profonde et un tel rapport essentiel peuvent s'exprimer par des paroles simples et brèves : le travail doit être en fonction de l'homme et non l'homme en fonction du travail. Affirmation en apparence claire et allant de soi. Mais affirmation aussi que la réalité concrète dément bien souvent, quand se présentent des situations dans lesquelles l'homme est évalué par rapport à l'utilité qu'il est en mesure d'apporter aux structures de production, et quand, à l'inverse, ces dernières ne sont pas évaluées par rapport à l'utilité qu'elles peuvent apporter à la pleine réalisation de chaque homme en particulier.

Il est nécessaire de promouvoir toujours davantage l'humanisation du travail, lequel entretient un lien si profond avec le problème du sens de la vie humaine.

3. À Genève se trouve le « Centre européen de recherches nucléaires » qui rassemble des savants de diverses nationalités et coordonne leurs efforts au service d'une très noble cause : celle de la recherche pure. N'est-ce pas là une « réalité terrestre » d'une importance fondamentale pour la vie et l'avenir de l'homme ? Je ne pouvais manquer de rendre visite à un groupe aussi qualifié de personnes travaillant aux frontières les plus avancées de la science, pour leur exprimer, au nom de l'Église et de l'humanité elle-même, une sincère estime pour les progrès que, grâce à leurs efforts et à ceux de leurs collègues à travers le monde, on a pu réaliser dans la connaissance du mystère de l'univers.

En même temps, j'ai senti le devoir de rappeler que la démarche scientifique n'épuise pas tous les aspects de la réalité, mais exige au contraire, pour ne pas se réduire à une vision réductrice et déformante, d'intégrer les apports qui proviennent de la reconnaissance philosophique et, en particulier, les vérités supérieures de la révélation divine, accueillies dans la foi.

C'est précisément grâce aux plus amples perspectives offertes par ces diverses formes de connaissance que l'on peut éviter le danger que les développements de la recherche scientifique et l'utilisation des résultats atteints par elle ne viennent contrarier le vrai bien de l'homme. Qui n'est préoccupé aujourd'hui par les conséquences nuisibles, voire catastrophiques, que pourrait provoquer une application des fruits de la recherche scientifique, une application conduite de manière irresponsable ?

Je crois que le grand défi lancé à l'homme aujourd'hui par le stade avancé de ses connaissances est précisément celui- ci : harmoniser les valeurs de la connaissance et de la technologie avec les valeurs de la conscience.

4. Une contribution pacifique en ce sens peut être apportée par les Organisations internationales catholiques, auxquelles il revient de jouer un rôle de médiation entre l'Évangile et la société contemporaine, en se présentant comme un lieu de réflexion approfondie, par exemple sur les éléments fondamentaux d'une anthropologie chrétienne à la lumière des données des sciences modernes, sur les exigences de la morale appliquée à l'ordre économique international, sur l'incidence de la loi de la charité sur les relations internationales, et ainsi de suite.

C'est en considération de leurs tâches si importantes que j'ai voulu apporter aux représentants de ces organisations qui ont leur siège à Genève, le témoignage de mon estime, mon encouragement et l'assurance de mon soutien.

5. On ne peut parler de la Suisse, et en particulier de Genève, sans penser aussi à la bienfaisante institution connue dans le monde entier, qui est née dans cette chère nation et y a encore son siège central : la Croix-Rouge. Il n'y a aucune calamité naturelle, il n'y a pas de conflit douloureux entre les nations, qui ne stimule tout aussitôt les représentants de cet organisme à porter secours aux victimes, à soulager les souffrances, à favoriser la réconciliation et la paix. Dans les tristes événements qui viennent d'endeuiller l'Atlantique Sud et le Liban, la Croix-Rouge n'a pas manqué d'intervenir à temps par son action humanitaire.

C'est donc avec une vive joie et aussi avec émotion que j'ai apporté au président du Comité international de la Croix- Rouge et à ses collaborateurs ma salutation, de même que l'expression de mon cordial soutien à l'action qu'ils accomplissent avec un dévouement et une générosité admirables, dans le but de protéger toute personne humaine, de secourir tous ceux qui sont dans le besoin, de promouvoir l'amitié, la coopération et la paix durable entre les peuples. Ce sont là des idéaux que tout chrétien doit avoir à coeur.

En apportant le témoignage de cette solidarité, j'étais sûr d'interpréter la pensée de tous les fils de l'Église qui, à l'école du Christ, sommet et couronnement de toutes les valeurs accessibles ici-bas, ont appris à apprécier celle de l'amour. Puisse cette leçon évangélique pénétrer toujours plus profondément dans les coeurs des hommes et les convaincre de s'engager généreusement dans la construction de ce que mon prédecesseur Paul VI a appelé d'un nom inoubliable la « civilisation de l'amour » !

Dans la construction de cette civilisation de l'amour pour l'homme, qui se bâtit sur les valeurs du travail, de la science de la solidarité dans le besoin et la fraternité, les organismes internationaux ont à remplir une mission particulière qui mérite une profonde estime, de même que l'encouragement et le soutien. Là se trouve précisément la raison de ma visite d'hier.



Aux fidèles de langue française

Chers Frères et Sœurs,

Hier, vous le savez, j’ai accompli à Genève une partie du programme qui n’avait pas pu être réalisé l’an dernier. En plus de la messe qui a clôturé la journée pour la population de Genève, j’ai surtout rendu visite à quelques instances internationales. Celle d’abord de l’Organisation internationale du Travail, qui a beaucoup fait pour protéger l’homme qui travaille, sa dignité et ses droits; j’y ai surtout parlé de la solidarité, en demandant que le travail soit toujours au service de l’homme. J’ai visité le centre européen de recherche nucléaire, recherche merveilleuse sur la structure la plus infime de la matière, qui n’épuise pas pour autant la vérité d’ordre philosophique et religieuse, et qui laisse à l’homme tant de responsabilité dans les applications technologiques. J’ai encouragé des Organisations internationales catholiques. J’ai enfin exprimé au Comité international de la Croix-Rouge l’estime de l’Eglise pour tout ce que réalise chaque jour la Croix-Rouge afin d’alléger les souffrances de guerre ou autres. Oui, tous ces organismes contribuent à construire une civilisation de justice et d’amour, et de tels efforts méritent encouragement et soutien.

Je vous remercie vous-mêmes, chers Frères et Sœurs, de votre visite et de votre prière. Je vous encourage dans vos engagements humains et chrétiens. Je vous souhaite la paix et la joie, et je vous bénis de tout cœur.

Nouvel appel en faveur du Liban

À la fin de l'audience, le Pape a de nouveau lancé l'appel suivant en faveur de la paix au Liban :

FRÈRES ET SOEURS

Vous connaissez le déroulement des événements de la guerre dont est victime le Liban : le cessez-le feu est constamment violé ; il est difficile d'apporter les secours nécessaires à tant de gens sur lesquels s'est abattue la tempête du conflit.

Ma pensée va en particulier vers les quartiers assiégés de la capitale de Beyrouth, pour lesquels on craint un affrontement décisif ; il en résulterait une autre effusion de sang, très douloureuse et inutile. Mes craintes qui portent sur le sort de tant de personnes et surtout des populations sans défense ; je ressens le devoir de renouveler l'appel pressant à mettre définitivement fin à tout acte de guerre.

L'invocation que je fais est la suivante : que l'esprit de rivalité et de rancune des belligérants se transforme en un profond sens d'humanité, afin que soient évitées d'autres pertes de vies humaines et, ce qu'à Dieu ne plaise, un véritable massacre ; que triomphent, dans l'esprit de ceux qui semblent l'emporter, la magnanimité, la sagesse, la clairvoyance, pour ne pas compromettre encore davantage la future solution négociée des problèmes.

Je vous invite donc à vous unir à ma prière, afin que le Seigneur fasse comprendre à tous les hommes la nécessité et la valeur de la paix, dans toutes les circonstances de la vie des peuples.




Mariage et virginité selon saint Paul - 23 juin 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 25 juin. Traduction et titre de la DC.



1. Après avoir fait l'analyse des paroles du Christ rapportées par l'Évangile selon Matthieu (
Mt 19,10-12), il convient de passer à l'interprétation paulinienne du sujet : virginité et mariage.

L'énoncé du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux est concis et fondamental. Dans l'enseignement de Paul, comme nous le verrons sous peu, nous pouvons découvrir une corrélation avec les paroles du Maître. Cependant, la signification de son énoncé (1Co 7) dans son ensemble se trouve évaluée d'une manière différente. La grandeur de l'enseignement de Paul consiste dans le fait qu'en présentant la vérité proclamée par le Christ dans toute son authenticité et dans toute son identité, il lui donne un ton propre, une interprétation « personnelle » dans un certain sens, mais qui est issue surtout des expériences de son activité apostolique et missionnaire et peut-être directement de la nécessité de répondre aux questions concrètes des hommes auxquels s'adressait cette activité. C'est ainsi que nous trouvons chez Paul la question du rapport réciproque entre le mariage et le célibat ou la virginité comme thème qui tourmentait les esprits de la première génération des confesseurs du Christ, la génération des disciples des apôtres, des premières communautés chrétiennes. C'était le cas de ceux qui s'etaient convertis de l'hellénisme, donc du paganisme, plus que de ceux qui s'étaient convertis du judaisme. Et cela peut expliquer le fait que le thème soit présent dans une lettre adressée à la communauté de Corinthe, la première lettre.

2. Le ton de l'énoncé tout entier est sans doute magisté- riel. Cependant, le ton, comme le langage, est aussi pastoral. Paul enseigne la doctrine transmise par le Maître aux apôtres et, en même temps, il entretient comme un dialogue continuel avec les destinataires de sa lettre sur le sujet en question. Il parle comme un professeur de morale classique, en affrontant et en résolvant des problèmes de conscience et c'est pourquoi les moralistes aiment s'adresser de préférence aux éclaircissements et aux délibérations de cette Première Lettre aux Corinthiens (chapitre 7). Mais il faut rappeler que la base dernière de ces délibérations est cherchée dans la vie et dans l'enseignement du Christ lui-même.

3. Avec une grande clarté, l'apôtre souligne que la virginité, ou la continence volontaire, découle exclusivement d'un conseil et non d'un commandement. « Au sujet des vierges, je n'ai pas d'ordre du Seigneur ; c'est un conseil que je donne. » Paul donne ce conseil « comme celui d'un homme qui, par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance » (1Co 7,25). Comme on le voit d'après les paroles citées, l'apôtre, tout comme l'Évangile (cf. Mt 19,11-12) fait une distinction entre conseil et commandement. Sur la base de la règle « doctrinale » de la compréhension de l'enseignement proclamé, il veut conseiller, il désire donner des conseils personnels aux personnes qui s'adressent à lui. Ainsi donc, dans la première Lettre aux Corinthiens (chapitre 7), le « conseil » a clairement deux significations différentes. L'auteur affirme que la virginité est un conseil et non un commandement et, en même temps, il donne des conseils aussi bien aux personnes dejà mariées qu'à ceux qui doivent encore prendre une décision a cet égard et enfin à ceux qui sont dans un état de veuvage. La problématique est essentiellement la même que celle que nous rencontrons dans tout l'énoncé du Christ rapporté par Matthieu (Mt 19,2-12) : d'abord sur le mariage et sur son indissolubilité et ensuite sur la continence volontaire à cause du royaume des cieux. Cependant, le style de cette problématique est tout à fait propre : c'est celui de Paul.

4. « Si quelqu'un, débordant d'ardeur, pense qu'il ne pourra pas respecter sa fiancée et que les choses doivent suivre leur cours, qu'il fasse selon son idée. Il ne pêche pas : qu'ils se marient. Mais celui qui a pris dans son coeur une ferme résolution, hors de toute contrainte, et qui, en pleine possession de sa volonté, a pris en son for intérieur la décision de respecter sa fiancée, celui-là fera bien. Ainsi celui qui épouse sa fiancée fait bien et celui qui ne l'épouse pas fera mieux encore. » (1Co 7,36-38)

5. Celui qui avait demandé conseil pouvait être un jeune qui s'était trouvé devant la décision de se marier, ou peut- être un nouveau marié qui, face aux courants ascétiques existant à Corinthe, réfléchissait sur la ligne à donner à son mariage. Ce pouvait être aussi un père ou le tuteur d'une jeune fille qui avaient posé le problème de son mariage. Dans ce cas, il s'agissait directement d'une décision qui découlait de ses droits de tuteur. Paul écrit, en effet, en des temps où les décisions de ce genre appartenaient davantage aux parents ou aux tuteurs qu'aux jeunes eux-mêmes. En répondant à la question qui lui est posée de cette manière, il cherche donc d'expliquer, d'une manière très précise, que la décision au sujet de la continence, ou au sujet de la vie consacrée, doit être volontaire et que c'est seulement cette continence qui est meilleure que le mariage. Les expressions « fait bien », « fait mieux » sont, dans ce contexte, absolument univoques.

6. L'apôtre enseigne que la virginité, ou bien la continence volontaire, le fait pour un jeune de s'abstenir du mariage, découle exclusivement d'un conseil et que, dans les conditions opportunes, elle est « meilleure » que le mariage. Il n'y figure, au contraire et en aucune manière, la question du péché : « Es-tu lié à une femme ? Ne cherche pas à rompre. N'es-tu pas lié à une femme ? Ne cherche pas de femme. Si cependant tu te maries, tu ne pèches pas, et si une vierge se marie, elle ne pèche pas » (1Co 7,27-28). Sur la seule base de ces paroles, nous ne pouvons certainement pas formuler des jugements sur ce que l'apôtre pensait et enseignait au sujet du mariage. Ce sujet sera expliqué déjà en partie dans le contexte de la première Lettre aux Corinthiens (chapitre 7), et d'une manière plus exhaustive dans la Lettre aux Éphésiens (Ep 5,21-33). Dans notre cas, il s'agit probablement de la réponse à la question de savoir si le mariage est un péché. On peut également penser que, dans cette question, il y a une influence de courants dualistes prégnostiques qui, plus tard, se transformeront en encratisme et en manichéisme. Paul répond que la question du péché n 'entre absolument pas enjeu. Il ne s'agit pas du discernement entre le « bien » et le « mal », mais seulement entre le « bien » et le « mieux ». Ensuite, il explique pourquoi celui qui choisit le mariage « fait bien » et celui qui choisit la virginité, ou la continence volontaire, « fait mieux ».

Durant la prochaine réflexion, nous passerons à l'argumentation paulinienne.



Aux pèlerins d'expression française

Chers Frères et Sœurs,

Vous savez que je profite de ces rencontres du mercredi pour faire réfléchir les pèlerins sur un aspect de l’Evangile. En ce moment, je continue sur le thème de la virginité, voulue pour le Royaume des cieux, en comparaison avec le mariage. Et dans mon allocution en italien, j’ai commenté les conseils de l’apôtre Paul aux Corinthiens. Paul y répond sans doute aux questions précises de gens convertis - jeunes, époux ou parents de fiancés - qui se demandent s’il est bien de se marier. Son argumentation nuancée, fondée sur son expérience et sur l’exemple du Christ Jésus, aboutit à ceci: “Celui qui se marie fait bien, celui qui ne se marie pas fait mieux”. C’est là qu’il faut bien comprendre. Dans ce domaine, n’entre donc pas du tout en jeu la question du péché - comme l’aurait voulu une mentalité manichéenne -, étant donné que le mariage indissoluble correspond bien au dessein de Dieu; il ne s’agit donc pas de bien ou de mal, mais de “bien” ou de “mieux”. Paul précise qu’il donne là un conseil, non un commandement; et il insiste sur le caractère volontaire de la continence: “Celui qui a pris dans son cœur cette ferme résolution, en dehors de toute contrainte, en gardant le plein contrôle de sa volonté . . . celui-là fait bien”. C’est cela qui donne son prix au célibat offert pour le Royaume de Dieu.

Je salue de tout cœur chacun des pèlerins et visiteurs ici présents. J’ai remarqué un groupe d’officiers de l’Ecole Militaire supérieure: je les remercie de leur visite, et leur exprime mes souhaits pour leur voyage d’études et l’accomplissement de leur devoir.

Je salue tous les autres groupes provenant du Danemark, de Suisse, de France, notamment un groupe de séminaristes d’Orléans à qui j’adresse mes encouragements à faire de leurs vacances un moment d’enrichissement humain et spirituel. A chacun de vous va ma Bénédiction Apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 9682