Catéchèses S. J-Paul II 27102

L’indissolubilité du mariage - 27 octobre 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 28 octobre. Traduction et titre de la DC.


1. Le texte de l'Épître aux Éphésiens (
Ep 5,22-33) parle des sacrements de l'Église, en particulier du baptême et de l'eucharistie, mais seulement de manière indirecte et, dans un certain sens, de manière allusive, en développant l'analogie du mariage en référence au Christ et à l'Église. C'est ainsi que nous lisons d'abord que le Christ, qui « a aimé l'Église et qui s'est livré pour elle » (Ep 5,25), a fait cela pour « la sanctifier en la purifiant par le bain d'eau qu'une parole accompagne » (Ep 5,26). Il s'agit ici incontestablement du sacrement de baptême qui, par l'institution du Christ, se trouve conféré depuis l'origine à ceux qui se convertissent. Les paroles citées montrent avec beaucoup de relief de quelle manière le baptême atteint sa signification essentielle et sa force sacramentelle à travers cet amour sponsal du Rédempteur par lequel se constitue surtout la sacramentalité de l'Église elle-même, qui est un grand sacrement. On peut peut-être dire la même chose de l'eucharistie qui semblerait être montrée par les paroles suivantes sur l'action de nourrir son corps que tout homme fait et dont il prend soin « comme le fait le Christ avec l'Église puisque nous sommes les membres de son corps » (Ep 5,29-30). En effet, le Christ nourrit l'Église de son corps, précisément dans l'eucharistie.

2. On voit cependant que ni dans le premier ni dans le second cas, nous ne pouvons parler d'une sacramentalité amplement développée. On ne peut même pas en parler quand il s'agit du sacrement de mariage comme un des sacrements de l'Église. En exprimant la relation sponsale du Christ avec l'Église, l'Épître aux Éphésiens permet de comprendre que, sur la base de cette relation, l'Église elle-même est le « grand sacrement », le nouveau signe de l'alliance et de la grâce qui tire ses racines des profondeurs du sacrement de la rédemption, de même que des profondeurs du sacrement de la création est sorti le mariage, signe primordial de l'alliance et de la grâce. L'auteur de l'Épître aux Éphésiens proclame que ce sacrement primordial se réalise d'une manière nouvelle dans le « sacrement » du Christ et de l'Église. C'est même pour cette raison que l'Apôtre, dans le même texte « classique » d'Éphésiens 5, 21-33, s'adresse aux conjoints pour qu'ils soient « soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Ep 5,21) et qu'ils modèlent leur vie conjugale en la fondant sur le sacrement institué à « l'origine » par le Créateur : sacrement qui a trouve sa grandeur et sa sainteté définitive dans l'alliance sponsale de grâce entre le Christ et l'Église.

3. Bien que l'Épitre aux Éphésiens ne parle pas directement et immédiatement du mariage comme d'un des sacrements de l'Église, la sacramentalité du mariage s'y trouve cependant particulièrement confirmée et approfondie. Dans « le grand sacrement » du Christ et de l'Église, les conjoints chrétiens sont appelés à modeler leur vie et leur vocation sur le fondement sacramentel.

4. Après l'analyse du texte classique d'Éphésiens 5, 21-33, adressé aux conjoints chrétiens, ou Paul leur annonce le « grand mystère » (le grand sacrement) de l'amour sponsal du Christ et de l'Église, il importe de revenir à ces paroles significatives de l'Évangile que nous avons déjà analysées précédemment, en y voyant les énoncés clés pour la théologie du corps. Le Christ prononce ces paroles, pour ainsi dire, à partir de la profondeur divine de la « rédemption du corps » (Rm 8,23). Toutes ces paroles ont une signification fondamentale pour l'être humain en ce qu'il est précisément corps, en ce qu'il est homme et femme. Elles ont une signification pour le mariage où l'homme et la femme s'unissent de manière que les deux deviennent « une seule chair », selon l'expression du livre de la Genèse (Gn 2,24) bien que, dans le même temps, les paroles du Christ indiquent aussi la vocation à la continence « à cause du royaume des cieux » (Mt 19,12).

5. Dans chacune de ces voies, « la rédemption du corps » n'est pas seulement une grande attente de ceux qui possèdent « les prémices de l'Esprit » (Rm 8,23), mais aussi une source permanente d'espérance que la création sera « libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des fils de Dieu » (ibid., Rm 8,21). Les paroles du Christ, prononcées à partir de la profondeur divine du mystère de la Rédemption et de la « rédemption du corps », portent en elle, le levain de cette espérance : elles lui ouvrent une perspective aussi bien dans la dimension eschato- logique que dans la dimension de la vie quotidienne. En effet, les paroles adressées aux auditeurs immédiats sont adressées en même temps à l'homme « historique » des différents temps et des différents lieux. Cet homme qui possède précisément « les prémices de l'Esprit gémit en attendant la rédemption du corps » (ibid. Rm 8,23). En lui se concentre aussi l'espérance « cosmique » de toute la création qui « attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (ibid., Rm 8,9).

6. Le Christ s'entretient avec les pharisiens qui lui demandent : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour n'importe quel motif ? » (Mt 19,3) Ils l'interrogent précisément de cette manière parce que la loi attribuée à Moïse admettait ce que l'on appelle « l'acte de répudiation » (Dt 24,1). Voici la réponse du Christ : « N'avez-vous pas lu que le Créateur, dès l'origine, les fit homme et femme et qu'il a dit : Ainsi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair ? Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair. Eh bien, ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le séparer. » (Mt 19,4-6) Quant à « la lettre de répudiation », le Christ répond ainsi : « C'est à cause de votre caractère intraitable que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais à l'origine, il n'en fut pas ainsi. Or, je vous le dis : quiconque répudie sa femme — je ne parle pas de la fornication — et en épouse une autre, commet un adultère. » (Ibid., Mt 19,8-9) « Qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. » (Lc 16,28)

7. L'horizon de la « rédemption du corps » s'ouvre par ces paroles qui constituent la réponse à une question concrète de caractère juridique et moral. Il s'ouvre avant tout par le fait que le Christ se place sur le plan de ce sacrement primordial, dont ses interlocuteurs héritaient de manière singulière, puisqu'ils héritaient aussi du mystère de la création, contenue dans les premiers chapitres du livre de la Genèse.

Ces paroles contiennent en même temps une réponse universelle, adressée à l'homme « historique » de tous les temps et de tous les lieux, puisqu'elles sont décisives pour le mariage et son indissolubilité. Elles se réfèrent en effet à ce qu'est l'être humain, homme et femme, à ce qu'il est devenu de manière irréversible par le fait qu'il a été créé « à l'image et à la ressemblance de Dieu » : l'homme qui ne cesse d'être tel, même après le péché originel, bien que celui-ci l'ait privé de l'innocence originelle et de la justice. Le Christ qui, dans sa réponse à la question des pharisiens, se réfère à « l'origine », semble souligner particulièrement de cette manière le fait qu'il parle de la profondeur du mystère de la rédemption et de la rédemption du corps. La rédemption signifie en effet presque une « nouvelle création », elle signifie l'assomption de tout ce qui est créé pour exprimer dans la création la plénitude de justice, d'équité et de sainteté choisie par Dieu, et pour exprimer cette plénitude surtout dans l'être humain, créé comme homme et femme « à l'image de Dieu ».

Dans l'optique des paroles du Christ adressées aux pharisiens sur ce qu'était le mariage « dès l'origine », relisons aussi le texte classique de l'Épître aux Éphésiens (Ep 5,22-33) comme témoignage de la sacramentalité du mariage, fondée sur le « grand mystère » du Christ et de l'Église.



Aux fidèles d'expression française

Chers Frères et Sœurs

J’ai déjà exprimé le mercredi plusieurs méditations sur le texte de la Lettre aux Ephésiens relatif aux époux. L’amour des époux y est présenté en rapport avec l’amour du Christ, par lequel “le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne”, en la nourrissant aussi “comme les membres de son Corps”. Vous reconnaissez ici des allusions aux signes sacrés que nous appelons aujourd’hui les sacrements: baptême, eucharistie, mariage. Mais on peut dire surtout que c’est l’Eglise elle-même qui est “le grand Sacrement”, le nouveau signe de l’Alliance et de la grâce, par le mystère ou le “sacrement” unique mais toujours fécond de la Rédemption. Et les époux croyants sont invités à modeler leur vie sur ce fondement sacramentel.

Mais quand le Christ discutait avec les pharisiens sur le divorce en concluant “que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni”, il se référait au “commencement”, au mystère de l’homme et de la femme créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, on pourrait dire au “sacrement” de la Création. Autrement dit, sa perspective, qui est bien celle de la rédemption du corps, est celle d’une nouvelle création, assumant tout ce qui est créé et le portant à la plénitude de justice et de sainteté, après la rupture du péché originel. La réponse du Christ acquiert ainsi une valeur d’universalité pour tous les hommes et pour tous les temps, ce qui est très important pour la conception du mariage et en particulier pour son indissolubilité.

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Je souhaite la bienvenue au groupe de pèlerins catholiques, orthodoxes et protestants, venus de Grèce en ce lieu où les Apôtres Pierre et Paul ont donné leur suprême témoignage. Puissions-nous, sur leurs traces, être conduits par l’Esprit Saint dans la recherche de la volonté du Seigneur, vers la pleine communion des disciples du Christ!

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J’exprime mes meilleurs souhaits à tous les visiteurs de langue française, prêtres, frères, religieuses et laïcs, et je les invite à bien se préparer à la grande fête de tous les Saints. Avec ma Bénédiction Apostolique.

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J’ai plaisir à saluer aussi un groupe d’amis et de bienfaiteurs de l’Université Grégorienne, de l’Institut Biblique et de l’Institut Oriental. Je sais avec quelle générosité vous contribuez au fonctionnement de ces Institutions, et donc à la formation des prêtres qui feront bénéficier les Eglises locales de leur haute qualification. Je vous en félicite et, en demandant au Seigneur de vous en récompenser, je vous bénis de tout cœur.




17 novembre 1982, Le voyage en Espagne

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Texte italien dans l'Osservatore Romano du 18 novembre. Traduction et titre de la DC.




1. Je désire remercier encore une fois le roi d’Espagne et les autorités de ce pays ainsi que la Conférence épiscopale espagnole pour l’invitation à la clôture du 400e anniversaire de la mort de sainte Thérèse de Jésus. Il ne m’a pas été donné de participer à l’inauguration de ce jubilé, il y a un an, mais j’ai pu me rendre en Espagne pour sa clôture solennelle.

La solennité de la clôture de l’année théresienne a eu lieu le jour de la Toussaint, d’abord à Avila où est née la grande réformatrice du Carmel et Docteur de l’Église, puis à Alba de Tormes où elle est décédée en 1582. De cette manière, s’est accomplie la clôture de l’année thérésienne en Espagne avec la présence et la participation du Pape.

2. Le jubilé thérésien a une éloquence spécifique non seulement lorsqu’on considère la figure de la sainte, mais aussi, indirectement, lorsqu’on considère la période où elle a vécu et qui est très importante pour l’histoire de l’Église. En même temps que la grande oeuvre de Thérèse de Jésus, apparaît à l’horizon du Carmel rénové saint Jean de la Croix. C’est donc dans le cadre du même pèlerinage qu’il m’a été donné de visiter aussi, le 4 novembre, sa tombe à Ségovie. La mission des deux saints Docteurs de l’Église tombe dans la période qui est immédiatement postérieure à la Réforme et se place en même temps après le Concile de Trente qui marque le début d'un renouveau de l'Église, significatif pour cette époque.

Dans ce processus, l’Espagne a eu sa part importante. Le renouveau, qui a commencé dans la péninsule, a embrassé, grâce aux saints du Carmel, la sphère de la vie spirituelle, le domaine de l’ascèse et de la mystique et il s’est étendu en même temps au domaine de l'apostolat et des missions, au sens moderne du terme. Au cours de mon pèlerinage en Espagne, il m’a été donné de visiter aussi les deux lieux qui sont liés à ce trait de renouveau : Loyola et Javier. Le premier, dans le Pays Basque, est le lieu de naissance de saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus ; le second est le lieu de naissance de saint François Xavier, grand pionnier et patron des missions. Les routes missionnaires du saint, un des premiers compagnons d’lgnace de Loyola, l’ont conduit avant tout vers l'Extrême-Orient. Il ne faut pas oublier en même temps qu’à l’époque, déjà presque un siècle après la découverte de l’Amérique, les missionnaires se dirigeaient vers l’Occident pour annoncer l’Évangile.

3. Ainsi donc, au centre de la visite du Pape, se sont trouvés les grands saints que la terre espagnole a engendrés. Les saints sont aussi le couronnement le plus absolu de l’histoire de l’Église dans la péninsule Ibérique, histoire qui remonte aux temps apostoliques. C’est vers cette péninsule que saint Paul est parti dans ses voyages missionnaires. Cependant, c’est surtout le souvenir et la tradition de saint Jacques le Majeur qui se sont fixés à Compostelle, à l’extrémité nord-ouest de l’Espagne, où sont venus, au cours de tant de siècles, les pèlerins de différents pays d’Europe.

Se joignant à leur longue file, le Pape a voulu se référer aux traditions apostoliques de l’Église et de la nation dans la péninsule Ibérique. Ces traditions ont été également continuées au cours des siècles lorsque la grande partie de la péninsule s’est trouvée sous la domination des musulmans, et elles se sont de nouveau développées lorsque les rois catholiques, Isabelle et Ferdinand, ont réuni toute l’Espagne sous leur pouvoir.

Le pèlerinage dans ce pays m’a conduit dans les centres les plus anciens de la foi et de l’Église au cours de presque deux mille ans. Cette foi et l’Église ont fructifié dans une mesure particulière avec les saints et les bienheureux de toutes les époques. La béatification de l’humble servante des pauvres, la bienheureuse Angela de la Croix, à Séville, a été un dernier cachet de ce processus historique.

4. En même temps, ce pèlerinage du Pape en Espagne est entré dans le contexte de toute la réalité contemporaine de l’Église et du peuple de Dieu dans la péninsule Ibérique. Dans le cadre de la tradition séculaire, sont apparus les problèmes et les thèmes qui composent la vie de l’Église et de la société d’aujourd’hui, et qui ont été confiés au Seigneur dès le premier jour, avec la participation à l’acte eucharistique de l’adoration nocturne.

De ce point de vue, la visite à Tolède, siège primatial de l’Espagne et lieu d’importants Conciles dans les siècles passés de l’Église, a été particulièrement éloquente. En même temps, la célébration eucharistique à Tolède a réuni les représentants de l'apostolat des laïcs de tout le pays, et c'est à eux qu'a été adressée l'homélie de la sainte messe.

La problématique de la vie des laïcs a aussi trouvé son expression durant la sainte messe pour les familles à Madrid. Durant le voyage, cette assemblée a été la plus nombreuse de toutes et les problèmes sur la responsabilité du mariage catholique et de la famille y ont été mis en relief.

Immédiatement à côté de cette assemblée, on peut mettre la rencontre avec les jeunes au stade Santiago Bernabeu, à Madrid, qui a réuni quelques centaines de milliers de jeunes participants (bien plus d'un demi-million), la majeure partie étant restée en dehors du stade.

5. Le trajet de la visite en Espagne conduisait non seulement sur les traces des grands saints, mais aussi aux grands centres qui contiennent la partie la plus importante de la population, comme Madrid, Barcelone, Séville, Saragosse. Près de Valence, j'ai également vlsité les terres frappées récemment par les inondations. À Barcelone, la rencontre principale, en plus de la célébration eucharistique centrale, a été consacrée au monde du travail, aux ouvriers et aux industriels. Les paroles de l'homélie à Séville ont été consacrées aux agriculteurs. Les hommes de la mer ont eu une rencontre spéciale à Saint-Jacques-de-Compostelle. La rencontre de Guadalupe a été consacrée à l'émigration et aux migrants. Ensuite, les centres de la science et de la culture ont occupé beaucoup de place dans le programme de la visite : la rencontre avec les représentants des Académies royales, de la recherche scientifique et de l'université à Madrid, complétée par la rencontre avec la jeunesse universitaire. À Salamanque, il y a eu le discours aux spécialistes des sciences ecclésiastiques, principalement aux théologiens.

6. L'Église qui est en Espagne accomplit sa mission en introduisant dans la vie la doctrine du Concile Vatican II. Toutes les rencontres indiquées ci-dessus donnent la preuve que l'Église cherche à être présente dans le monde contemporain. Il conviendrait ici d'ajouter encore la rencontre avec le monde des moyens de communication sociale, principalement avec les journalistes, et la visite à l'organisation mondiale du tourisme.

Cependant, il convient de consacrer une attention particulière à ceux qui, d'une manière spéciale, servent par leur vocation et leurs activités, la mission de l'Église. Il faut mentionner en premier lieu la Conférence épiscopaleque j'ai rencontrée à son nouveau siège tout de suite après l'arrivée en Espagne, le premier soir.

La journée sacerdotale a eu lieu le 8 novembre à Valence où il m'a été donné de conférer l'ordination sacerdotale à 141 diacres et de parler aux prêtres représentant tous les diocèses. Un message particulier écrit a été adressé aux séminaristes. La visite à une nouvelle Église, la paroisse de Saint-Bartholomée, dans un quartier periphérique de la ville de Madrid en expansion, a été également éloquente.

Les rencontres avec les représentants des ordres et des congrégations religieuses masculines et des ordres et des congrégations religieuses féminines toutes les deux à Madrid, ont eu lieu séparément. Les congrégations religieuses cloîtrées avaient envoyé leurs représentants à Avila.

Les grands mérites missionnaires de l'Église qui est en Espagne ont été rappelés durant la rencontre à Javier, où cinquante nouveaux missionnaires ont reçu le crucifix.

Le mission de l'Église s'accomplit à travers l'éducation continue de la foi. Une rencontre à Grenade a été consacrée à ce problème important.

7. Le Concile Vatican II a rappelé la vérité de la présence particulière de Marie, la Mère de Dieu, dans la mission du Christ et de l'Église. Cette vérité est aussi particulièrement vive dans toute la tradition de l'Église en terre espagnole. En rendent témoignage les images sacrées et les sculptures dans les différentes cathédrales et églises de cette terre. En rendent témoignage les différentes invocations par lesquelles les confesseurs du Christ s'adressent à sa Mère. En rendent enfin témoignage les différents sanctuaires, parmi lesquels je mentionne au moins celui de Guadalupe, que j'ai déjà rappelé et qui est, dans un certain sens, le prototype du sanctuaire américain à Mexico, et celui de Montserrat proche de Barcelone. Le sanctuaire de la Mère de Dieu du « Pilar » à Saragosse, a été choisi comme lieu de l'Acte marial national.

8. En rappelant au moins brièvement toutes ces rencontres, y compris celles avec les communautés oecuméniques, avec les Juifs et avec mes compatriotes, rencontres avec les vivants et aussi avec les morts, puisqu'il m'a été, en effet, donné de passer précisément en Espagne le jour de la commémoration de tous les défunts, je désire exprimer une fervente action de grâces au Seigneur pour la richesse de saines énergies et de propositions généreuses que j'ai trouvées dans cette terre aux traditions si anciennes et si illustres. Je rends grâces en particulier pour la vitalité de ce peuple et pour ses sentiments profondément religieux. De même que je suis reconnaissant au Seigneur pour l'engagement de vie chrétienne manifesté par cette Église à laquelle je souhaite, avec l'aide de Dieu, des résultats toujours plus efficaces et plus éclairants.

En même temps, je prie pour que cette visite serve la grande cause de la mission de l'Église dans la société de l'Espagne contemporaine, aujourd'hui et demain. À ce problème important a été consacré le dernier acte dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, en présence des autorités royales et des représentants de différents pays et épiscopats européens.

Que les nouvelles générations du Peuple de Dieu dans la péninsule Ibérique et sur le continent européen se construisent sur les splendides fondements de deux mille ans.



Aux fidèles d'expression française

Chers Frères et Sœurs,

Aujourd'hui, il était normal que je consacre mon allocution du mercredi à mon récent voyage pastoral en Espagne. J’en ai rappelé les multiples étapes, les temps forts, les sanctuaires visités, ceux de la Vierge Marie et des grands saints, les rassemblements dans les cités les plus importantes, les diverses communautés rencontrées. Ce fut un panorama très vaste et très varié. Ainsi nous avons célébré notamment les maîtres de la vie spirituelle, sainte Thérèse de Jésus - en l’honneur du quatrième centenaire de sa mort - et saint Jean de la Croix; les héros de l’apostolat et des missions, saint Ignace de Loyola et saint François Xavier, et la nouvelle bienheureuse, Angèle de la Croix. Ce pèlerinage a permis aussi de regarder la réalité contemporaine de l’Eglise en Espagne, pour encourager la mission de celle-ci dans la ligne du Concile Vatican II; j’ai rencontré tour à tour les évêques, les prêtres, les religieuses cloîtrées et de vie active, les missionnaires, les éducateurs, et beaucoup de laïcs, en particulier les familles, les jeunes, le monde du travail - ouvriers, agriculteurs, pêcheurs, migrants - les hommes de la culture et de la science. Je voulais aujourd’hui évoquer toutes ces grâces pour remercier le Seigneur et aussi tous ceux qui ont permis le déroulement du voyage. Je souhaite que, sur ces splendides fondations de deux mille ans d’histoire chrétienne, s’édifient les nouvelles générations du peuple de Dieu, pour le bien de l’Espagne et de l’Europe.

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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins d’un autre continent. Chers amis du diocèse de Bouaké, en Côte d’Ivoire, je vous félicite d’être venus, vous aussi, en pèlerins, en Terre Sainte et à Rome, pour que votre foi, déjà profonde, prenne appui sur le Roc de l’Eglise et y puise une nouvelle vigueur, permettant à vos communautés catholiques de s’affermir, de témoigner plus largement encore de la sainteté et de l’amour de Dieu, au sein de votre pays dont je me souviens avec joie. A vous tous, à tous les pèlerins de langue française, je donne ma Bénédiction Apostolique.



24 novembre 1982, La rédemption du corps

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Texte italien dans l'Osservatore Romano du 25 novembre. Traduction et titre de la DC.



1. Nous avons analysé l'Épître aux Éphésiens et surtout le passage du chapitre
Ep 5,22-23 du point de vue de la sacramentalité du mariage. Nous examinons encore maintenant le même texte dans l'optique des paroles de l'Évangile.

Les paroles que le Christ adresse aux Pharisiens (cf. Mt 19) se réfèrent au mariage comme sacrement ou à la Révélation première de la volonté et de l'action salvifique de Dieu « à l'origine », dans le mystère même de la création. En vertu de la volonté et de l'action salvifique de Dieu, l'homme et la femme, en s'unissant l'un à l'autre de manière à devenir « une seule chair » (Gn 2,24), étaient en même temps destinés à être unis « dans la vérité et dans l'amour » comme fils de Dieu (cf. GS 24), fils adoptifs dans le Fils Premier-Né, aimé depuis l'éternité. Les paroles du Christ qui se réfèrent au mariage comme sacrement primordial et qui confirment en même temps ce sacrement sur la base du mystère de la Rédemption, sont consacrées à cette unité et tournées vers cette communion des personnes, à l'image de l'union des personnes divines (cf. GS 24). En effet, « I'unité originelle du corps » de l'homme et de la femme ne cesse de modeler l'histoire de l'homme sur la terre bien qu'il ait perdu la limpidité du sacrement, du signe du salut, qu'il possédait à l'origine.

2. Si, face à ses interlocuteurs, dans l'Évangile de Matthieu et celui de Marc (cf. Mt 19 Mc 10), le Christ confirme le mariage comme sacrement institué par le Créateur « à l'origine », si en conformité avec cela il exige son indissolubilité, il ouvre par cela même le mariage à l'action salvi- fique de Dieu, aux forces qui jaillissent « de la rédemption du corps » et qui aident à dépasser les conséquences du péché et à construire l'unité de l'homme et de la femme selon l'éternel dessein du Créateur. L'action salvifique qui découle du mystère de la Rédemption assume en elle-même l'action originelle et sanctifiante de Dieu dans le mystère même de la Création.

3. Les paroles de l'Évangile de Matthieu (cf. Mt 19,3-9 et Mc 10,2-12) ont, en même temps, une éloquence éthique très expressive. Sur la base du mystère de la Rédemption, ces paroles confirment le sacrement primordial et, en même temps, établissent un éthos adéquat que nous avons déjà appelé dans nos précédentes réflexions « l'éthos de la rédemption ». Dans son essence théologique, l'éthos évangélique et chrétien, c'est l'éthos de la rédemption. Nous pouvons, certes, trouver pour cet éthos une interprétation rationnelle, une interprétation philosophique à caractère personnaliste. Cependant, dans son essence théologique, c'est un éthos de la rédemption et même un éthos de la rédemption du corps. La rédemption devient en même temps la base pour comprendre la dignité particulière du corps humain, et cette dignité est enracinée dans la dignité personnelle de l'homme et de la femme. La raison de cette dignité se trouve précisément à la racine de l'indissolubilité de l'alliance conjugale.

4. Le Christ se réfère au caractère indissoluble du mariage comme sacrement primordial et, en confirmant ce sacrement sur la base du mystère de la rédemption, il en tire en même temps les conclusions de nature éthique : « Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère contre elle ; si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » (Mc 10,11 s ; cf. Mt 19,9) On peut affirmer que, de cette manière, la rédemption est donnée à l'homme comme grâce de la nouvelle alliance avec Dieu dans le Christ et elle est en même temps assignée comme éthos : comme forme de la morale qui correspond à l'action de Dieu dans le mystère de la rédemption. Si le mariage comme sacrement est un signe efficace de l'action salvifique de Dieu « depuis l'origine », en même temps, à la lumière des paroles du Christ qui sont méditées ici, ce sacrement constitue aussi une exhortation adressée à l'être humain, à l'homme et à la femme, afin qu 'ilsparticipent consciencieusement à la rédemption du corps.

5. La dimension éthique de la rédemption du corps se dessine d'une manière particulièrement profonde quand nous méditons sur les paroles prononcées par le Christ dans le Discours sur la montagne en relation avec le commandement : « Tu ne commettras pas d'adultère. » « Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère. Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis l'adultère avec elle dans son coeur. » (Mt 5,27-28) Nous avons consacré précédemment un grand commentaire à cet énoncé lapidaire du Christ, étant convaincu qu'il a une signification fondamentale pour toute la théologie du corps, surtout dans la dimension de l'homme « historique ». Bien que ces paroles ne se réfèrent pas directement au mariage comme sacrement, il est cependant impossible de les séparer du substrat sacramentel tout entier où, pour ce qui est du contrat conjugal, a été placée l'existence de l'être humain comme homme et femme : aussi bien dans le contexte original du mystère de la création que également, par la suite, dans le contexte du mystère de la rédemption. Ce substrat sacramentel concerne toujours les personnes concrètes, pénètre dans ce qu'est l'homme et la femme (ou plutôt dans ce qui est l'homme et la femme), dans la dignité originelle propre d'image et de ressemblance de Dieu à cause de la création et, en même temps, dans la dignité héritée malgré le péché et de nouveau « assignée » de manière continue comme tâche à l'homme par la réalité de la rédemption.

6. Le Christ qui, dans le Discours sur la montagne, donne sa propre interprétation du commandement : « Tu ne commettras pas d'adultère » — interprétation qui constitue le nouvel éthos —, avec les mêmes paroles lapidaires, assigne comme tâche à tout homme la dignité de chaque femme. En même temps il assigne à toute femme la dignité de tout homme (1), bien que cela ne résulte du texte que de manière indirecte. Il assigne enfin à chacun, tant à l'homme qu'à la femme, sa propre dignité : dans un certain sens, le caractère « sacré » de la personne, et cela en considération de sa féminité ou de sa masculinité, en considération du « corps ». Il n'est pas difficile de relever que les paroles prononcées par le Christ dans le Discours sur la montagne concernent l'éthos. En même temps, après une réflexion approfondie, il n'est pas difficile d'affirmer que ces paroles jaillissent de la profondeur même de la rédemption du corps. Bien qu'elles ne se réfèrent pas directement au mariage comme sacrement, il n'est pas difficile de constater qu'elles atteignent leur signification propre et totale en relation avec le sacrement : aussi bien le sacrement primordial qui est uni au mystère de la création, que celui de l’homme « historique », après le péché et à cause de son péché héréditaire, doivent retrouver la dignité et la sainteté de l’union conjugale « dans le corps », sur la base du mystère de la rédemption.

5. Dans le Discours sur la montagne, ainsi que dans son entretien avec les pharisiens sur l’indissolubilité du mariage, le Christ parle de la profondeur de ce mystère divin. En même temps, il pénètre dans la profondeur même du mystère humain. C’est pourquoi il se réfère au « coeur », à ce « lieu intime » où combattent dans l’homme le bien et le mal, le péché et la justice, la concupiscence et la sainteté. En parlant de la concupiscence (du regard concupiscent : cf. Mt 5,28), le Christ rend conscients ses auditeurs que chacun porte en lui, en même temps que le mystère du péché, la dimension intérieure « de l’homme de la concupiscence » — qui est triple : « La concupiscence de la chair, la concupis- cenoe des yeux et l’orgueil de la vie » (1Jn 2,16) —. C’est précisément à cet homme de la concupiscence qu'est donné dans le mariage le sacrement de la rédemption comme grâce et signe de l’alliance avec Dieu, et qu'il lui est assigné comme éthos. En même temps, en relation avec le mariage comme sacrement, il est assigné comme éthos à chaque être humain, à chaque homme et à chaque femme. Il est assigné à son « coeur », à sa conscience, à ses regards et à ses comportements. Selon les paroles du Christ (cf. Mt 19,4), le mariage est un sacrement, depuis « l’origine » même et, en même temps, sur la base du péché « historique » de l’homme, c’est un sacrement issu du mystère de la « rédemption du corps ».


(1) Le texte de saint Marc qui parle de l'indissolubilité du mariage affirme clairement que même la femme devient sujet de l'adultère, lorsqu'elle répudie son mari et en épouse un autre (cf. Mc 10,12).




Aux pèlerins français

Chers Frères et Sœurs,

Au cours d’un certain nombre d’audiences générales, j’ai médité sur le passage de l’Epître aux Ephésiens relatif au mariage-sacrement (Ep 5,22-33). Il est bon de lire ce texte dans l’optique des paroles de Jésus à ce sujet. Pour l’union indissoluble de l’homme et de la femme, Jésus se réfère au “commencement”, au mystère de la Création, par lequel l’un et l’autre époux, en ne faisant qu’un dans la chair, étaient destinés à s’unir dans la vérité et la charité, comme fils de Dieu, à la ressemblance de l’union des personnes divines. Mais Jésus se réfère en même temps à toute l’œuvre salvifique de Dieu, et donc au mystère de la Rédemption qui permet à l’homme et à la femme, affectés par leur situation pécheresse, de surmonter les conséquences du péché et de construire l’unité dans la dignité et la sainteté conformes au dessein de Dieu. Les exigences morales de cette union, en particulier l’indissolubilité, correspondent, certes, à une interprétation rationnelle, à une philosophie personnaliste; mais elles se rattachent surtout à la théologie de la rédemption du corps. De cette rédemption découle à la fois une grâce, signe de l’Alliance avec Dieu, et un “ethos”, une exhortation morale adressée à l’homme de la triple concupiscence, en lui formulant des exigences pour son union matrimoniale, touchant même le fond de son “cœur”, sa conscience, son regard, son comportement. Ainsi l’homme participe, avec l’aide de Dieu, à la rédemption de son propre corps. Les paroles du Christ dévoilent à la fois le mystère de Dieu et le mystère de l’homme.

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Dans cette assemblée, je salue specialement les représentants de d’Ordre Souverain et Militaire de Saint-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes et plus communément de Malte, réunis à Rome pour préparer leur prochain chapitre général.

Mesdames et Messieurs, l’“armée” nombreuse - si l’on conserve ce mot - que vous formez aujourd’hui à travers les cinq continents est d’ordre humanitaire. Elle exerce une action d’authentique charité, qui ne connaît pas de frontières et ignore les idéologies politiques. En vous exprimant une vive gratitude pour votre œuvre, je le fais au nom des malades, des déshérités, des victimes de guerres et de catastrophes que vous aidez efficacement, et aussi au nom de l’Eglise catholique, dont vous donnez ainsi un beau témoignage, qui s’unit à celui de tous les autres volontaires de la charité évangélique. De grand cœur, je vous encourage et je vous bénis. Et je bénis aussi tous les pèlerins de langue française présents à cette audience.





Catéchèses S. J-Paul II 27102