Catéchèses S. J-Paul II 29122


Février 1984

Mercredi 29 février 1984

29284
1. « Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (
2Co 5,20) Dans la prière de mercredi dernier nous avons réfléchi sur la signification et la valeur commune du pardon jusque sur le plan humain, en tant qu’il est offert par l’Église à travers le ministre du sacrement de pénitence.

Aujourd’hui et dans les prochaines semaines, je voudrais continuer à considérer les gestes auxquels nous sommes appelés quand nous nous approchons du sacrement du pardon. Il s’agit d’actes très simples, de paroles d’usage courant qui couvrent toutefois toute la richesse de la présence de Dieu et exigent que nous soyons prêts à nous laisser former suivant la pédagogie du Christ, continuée et appliquée par l’Église avec sagesse maternelle.

2. Quand nous, les croyants, nous nous détachons de notre foyer et de notre vie de chaque jour pour aller recevoir la miséricorde du Seigneur qui nous libère de nos fautes dans le sacrement de la réconciliation, quels sont les convictions et les sentiments que nous devons nourrir dans notre esprit ?

En premier lieu, nous devons être certains que notre démarche est déjà « une réponse ». À un regard superficiel cette observation peut paraître étrange. On peut se demander : « N’est-ce pas nous — et seulement nous — qui prenons l’initiative de demander le pardon des péchés ? N’est-ce pas nous — et seulement nous — qui, ressentant le poids de nos fautes et des déviations de notre vie, et comprenant que nous avons offensé l’amour de Dieu, choisissons de nous ouvrir à la miséricorde ?

Certes, notre liberté est également exigée. Dieu n’impose pas son pardon à celui qui refuse de l’accepter. Toutefois, cette liberté a des racines plus profondes et des objectifs plus élevés que tout ce que notre conscience pourrait jamais comprendre. Dieu qui est, dans le Christ, la vivante et suprême miséricorde, attend de nous que nous demandions « les premiers » à être réconciliés. Il nous attend. Nous ne nous serions jamais écartés de notre péché si Dieu ne nous avait pas déjà offert son pardon. « C’est Dieu en effet qui s’est réconcilié le monde », affirme saint Paul (2Co 5,19). Bien plus, nous n’aurions jamais décidé de nous ouvrir au pardon si Dieu, moyennant l’Esprit que le Christ nous a donné, n’avait pas déjà opéré, en nous pécheurs, un début de changement d’existence : le désir et la volonté de conversion sont précisément cela. « Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu », implore saint Paul (2Co 5,20). En apparence, c’est nous qui faisons les premiers pas ; en réalité, au début de la réforme de notre vie, il y a le Seigneur qui nous éclaire et nous sollicite. C’est lui que nous suivons, c’est à ses initiatives que nous nous adaptons. Nous devons avoir le coeur plein de reconnaissance, même avant que l’absolution de l’Église nous ait libérés de nos fautes.

3. Il est une deuxième certitude qui doit nous animer quand nous nous approchons du sacrement de la pénitence. Il nous est demandé d’accueillir un pardon qui ne se limite pas à « oublier » le passé, comme si on étendait dessus un voile éphémère, mais nous sommes invités à un changement radical de l’esprit, du coeur et du comportement pour devenir, par le Christ, « justice de Dieu » (2Co 5,21).

Dieu, en effet, est un ami extrêmement doux, mais aussi extrêmement exigeant. Quand on le rencontre, il n’est plus permis de vivre encore comme si ce n’était pas lui qu’on avait rencontré. Il veut être suivi non par les voies que nous avons décidé de parcourir, mais par celles qu’il nous a indiquées. On lui donne un bout d’existence et l’on s’aperçoit peu à peu qu’il nous la demande tout entière.

Une religion uniquement consolatrice est une fable à laquelle croit uniquement celui qui n’a pas encore expérimenté la communion avec Dieu. Cette communion offre néanmoins des satisfactions extrêmement profondes, mais elle les offre à l’intérieur d’un effort inépuisable de conversion.

4. En particulier — et ceci est un troisième aspect de l’approche du sacrement de la réconciliation — le Seigneur nous demande d’être prêts à notre tour à pardonner aux frères, si nous voulons recevoir son pardon.

L’habitude, dans certaines traditions chrétiennes, d’échanger le signe de la paix avec les plus proches voisins avant de s’approcher du sacrement de la miséricorde de Dieu traduit dans ce geste l’impératif évangélique : « Oui, si vous pardonnez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos manquements. » (Mt 6,14-15)

Cette remarque revêt toute son importance si on pense que le péché, même le plus secret et le plus personnel, est toujours une blessure infligée à l’Église (cf. Lumen gentium LG 11) et si on pense que la concession du pardon de Dieu, tout en étant de manière spéciale et exclusive un acte réservé au seul ministre du sacrement de la pénitence — le prêtre —, a toujours lieu dans le contexte d’une communauté qui aide, soutient et accueille de nouveau le pécheur par la prière, par l’union à la souffrance du Christ et l’esprit de fraternité qui découle de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus (cf. Lumen gentium LG 11).

Écoutons donc, chers frères et soeurs, l’invitation de l’apôtre saint Paul, comme si Dieu lui-même nous exhortait par sa voix : « Laissons-nous réconcilier avec Dieu ! »




Mercredi des Cendres, 7 mars 1984

7384
1. « Mortifiez cette part de vous-mêmes qui appartient à la terre. » (
1Co 3,5)

L’exhortation de l’apôtre Paul a un ton tout particulièrement actuel en ce jour où le temps de Carême s’ouvre par le rite austère de l’imposition des cendres : un temps tout spécialement marqué par la pénitence ; un temps où l’Église invite les fidèles à s’approcher plus fréquemment, et avec plus de ferveur, du sacrement de la pénitence.

La vie chrétienne est entièrement une vie de mortification. L’Église établit par ses règles, avec la sagesse d’une mère, « … des jours de pénitence durant lesquels les fidèles s’adonnent de manière spéciale à la prière, se livrent aux oeuvres de piété et de charité, se sacrifient en accomplissant plus fidèlement leurs propres devoirs et, surtout, en observant le jeûne et l’abstinence ». (CIC 1249 CIC 1249.)

Puis, durant le Carême, en plus de « l’abstinence de la viande et d’autres nourritures selon les dispositions de la Conférence épiscopale du lieu » (CIC 1251), chaque vendredi, l’Église impose pour notre bien spirituel « le jeûne et l’abstinence le mercredi des Cendres (aujourd’hui) et le vendredi de la Passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ » (ibid. CIC CIC 1251). Et il s’agit de préceptes que l’on devrait considérer comme un minimum indispensable : tout un style de pénitence devrait accompagner le déroulement de la vie de foi et se concrétiser en gestes précis, fruits de la générosité.

2. Poursuivant la réflexion que nous développons depuis plusieurs mercredis, je voudrais attirer l’attention sur cette pénitence particulière liée au sacrement du pardon et qu’on appelle communément « satisfaction ». Cette pratique, il faut la redécouvrir dans sa signification la plus profonde. Peut-être faut-il également qu’elle soit rendue plus significative et plus dense qu’elle ne l’est souvent dans l’usage courant.

Sollicité par l’interpellation de Dieu, le pécheur s’est approché du sacrement de la miséricorde et il a obtenu le pardon de ses propres péchés. Toutefois, avant l’absolution, il a écouté l’indication de pratiques pénitentielles qu’il devra, avec la grâce du Seigneur, réaliser dans sa vie.

On ne se trouve pas devant une sorte de « prix » qu’il faudrait « payer » pour l’inestimable don que Dieu nous fait en nous libérant de nos fautes. La « satisfaction » est plutôt l’expression d’une existence rénovée qui, avec une nouvelle aide de Dieu, tend à sa propre réalisation concrète. C’est pourquoi, dans ses manifestations pratiques, elle ne devrait pas se limiter au seul domaine de la prière mais agir dans les divers secteurs où le péché a dévasté l’homme. Saint Paul parle de « fornication, impureté, passion coupable mauvais désirs et de cette cupidité qui est idolâtrie, toutes choses qui attirent la colère divine sur ceux qui désobéissent » (Col 3,5-6).

3. De plus, la « satisfaction », non seulement acquiert une particulière efficacité par son lien avec le sacrement de la pénitence et par le fait qu’elle en découle, mais elle révèle aussi les riches significations que la mortification possède dans la perspective de la foi. On ne répétera jamais assez que le christianisme n’est pas un « état de douleur » qui a sa propre fin en soi. Au contraire, le christianisme est une joie et une paix (cf. Col Col 3,15) qui comprennent et exigent le sacrifice.

Bien qu’effacé par le baptême, le péché originel a laissé normalement au plus intime de l’homme un désordre qui doit être surmonté, une tendance au péché qui doit être freinée par les efforts humains qui s’associent à la grâce du Seigneur (cf. Concile de Trente, Decretum de Justificatione, ch. 10 ; DS 1535). Le sacrement de la réconciliation lui-même, tout en offrant le pardon des fautes, ne supprime pas complètement la difficulté que le chrétien éprouve à réaliser la loi inscrite dans le coeur de l’homme et perfectionnée par la Révélation : cette loi, même si elle est intériorisée par le don de l’Esprit-Saint, laisse normalement la possibilité du péché et même une certaine inclination à celui-ci (cf. Concile de Trente, Decretum de Justificatione, chap. 11 ; DS 1536 DS 1536 ; 1568-1573). En conséquence, la vie humaine et chrétienne se révèle toujours comme une « lutte » contre le mal (cf. Concile Vatican II Gaudium et spes GS 13 et 19). Un sérieux effort d’ascétisme s’impose donc pour que le fidèle se rende toujours plus capable d’aimer Dieu et le prochain en cohérente harmonie avec sa propre situation d’être né à nouveau dans le Christ.

Il faut ajouter à ceci que la douleur — celle qui est subie avec résignation et celle qui est librement voulue pour une pleine conformation à la proposition évangélique — doit être vécue en union avec le Christ pour prendre part à sa Passion, sa Mort et sa Résurrection. De cette manière le chrétien pourra dire avec saint Paul : « En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j’éprouve pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps, qui est l’Église. » (Col 1,24)




Mercredi 14 novembre 1984

14114
1. À la lumière de l’encyclique Humanae vitae, l’élément fondamental de la spiritualité conjugale est l’amour répandu dans le coeur des époux comme don de l’Esprit-Saint (cf. Rm
Rm 5,5). Les époux reçoivent ce don dans le sacrement en même temps qu’une particulière « consécration » . L’amour est uni à la chasteté conjugale qui, se manifestant comme continence, réalise l’ordre intérieur de la convivialité conjugale.

La chasteté, c’est vivre dans l’ordre du coeur. Cet ordre permet le développement des « manifestations d’affection » dans la proportion et au sens qui leur sont propres. De cette manière se trouve également confirmée la chasteté en tant que « vie de l’Esprit » (cf. Ga Ga 5,25), selon l’expression de saint Paul. L’Apôtre pensait non seulement aux énergies immanentes de l’esprit humain mais surtout à l’influence sanctifiante de l’Esprit-Saint et à ses dons particuliers.

2. Au centre de la spiritualité conjugale, il y a donc la chasteté, non seulement comme vertu morale (formée par l’amour) mais aussi vertu liée aux dons de l’Esprit-Saint — avant tout au don du respect de ce qui vient de Dieu (donum pietatis). C’est à ce don que pense l’auteur de l’Épître aux Éphésiens quand il exhorte les époux à être « soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Ep 5,21). Ainsi donc, l’ordre intérieur de la convivialité conjugale qui permet que les « manifestations d’affection » se développent selon leur juste proportion exacte et leur signification, est le fruit non seulement de la vertu à laquelle les époux s’exercent, mais aussi des dons de l’Esprit-Saint avec lequel ils collaborent.

Dans quelques passages (particulièrement en HV 21 et HV 26), traitant de l’ascèse conjugale spécifique, c’est-à-dire des efforts pour acquérir les vertus d’amour, de chasteté et de continence, l’encyclique Humanae vitae parle indirectement des dons de l’Esprit-Saint auxquels les époux deviennent sensibles dans la mesure où ils ont acquis la maturité dans la vertu.

3. Ceci correspond à la vocation de l’homme au mariage. Ces « deux » êtres qui — selon l’expression la plus ancienne de la Bible — « seront une seule chair » (Gn 2,24) ne peuvent réaliser une telle union au niveau des personnes (communio personarum) si ce n’est moyennant les forces provenant de l’esprit, et précisément de l’Esprit-Saint qui purifie, vivifie fortifie et perfectionne les forces de l’esprit humain « C’est l’esprit qui donne la vie, la chair ne sert de rien. » (Jn 6,63)

Il en résulte que les lignes essentielles de la spiritualité conjugale sont inscrites « dès l’origine » dans la vérité biblique sur le mariage. Cette spiritualité est aussi, « depuis l’origine », ouverte aux dons de l’Esprit-Saint. Si l’encyclique Humanae vitae exhorte les époux à une « prière persévérante » et à la vie sacramentelle (en disant « qu’ils cherchent surtout dans l’Eucharistie la source de la grâce et de la charité » ; qu’ « ils recourent avec humble persévérance à la miséricorde de Dieu qui est accordée dans le sacrement de la pénitence », (Humanae vitae HV 25), elle le fait en se rappelant que c’est l’Esprit-Saint qui « donne la vie » (2Co 3,6).

4. Les dons de l’Esprit-Saint, et en particulier le don du respect de ce qui est sacré, semblent avoir ici une importance fondamentale. En effet, ce don soutient et développe chez les conjoints une sensibilité particulière à l’égard de tout ce qui dans leur vocation et leur convivialité, porte le signe du mystère de la création et de la rédemption : à l’égard de tout ce qui est un reflet créé par la sagesse et l’amour de Dieu. C’est pourquoi ce don semble initier l’homme et la femme de manière particulièrement profonde au respect des deux significations inséparables de l’acte conjugal dont parle l’encyclique (HV 12), par rapport au sacrement de mariage. Le respect des deux significations de l’acte conjugal ne peut se développer pleinement que sur la base d’une référence profonde à la dignité personnelle de ce qui, dans la personne humaine, appartient de manière intrinsèque à la masculinité et à la féminité et, inséparablement, en référence aussi à la dignité personnelle de la nouvelle vie qui peut naître de l’union conjugale de l’homme et de la femme. Le don du respect de ce que Dieu a créé s’exprime précisément dans cette référence.

5. Le respect de la double signification de l’acte conjugal dans le mariage, qui naît du don de respect pour la création de Dieu, se manifeste également comme crainte salvifique : crainte de détruire ou de dégrader ce qui porte en soi le signe du mystère divin de la création et de la rédemption. C’est précisément de cette crainte que saint Paul parle aux Éphésiens : « Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. » (Ep 5,21)

Si cette crainte salvifique s’associe immédiatement à la fonction « négative » de la continence (ou à la résistance opposée à la convoitise de la chair), elle se manifeste également — et de manière croissante au fur et à mesure que cette vertu mûrit — comme une sensibilité pleine de vénération pour les valeurs essentielles de l’union conjugale : pour « les deux significations de l’acte conjugal » (ou, pour parler le langage des précédentes analyses : pour la vérité intérieure du réciproque « langage du corps »).

Sur la base d’une profonde référence à ces deux valeurs essentielles, ce que signifie l’union des époux s’harmonise dans le sujet avec ce que signifie paternité et maternité responsables. Le don du respect pour tout ce que Dieu crée fait graduellement disparaître l’apparente « contradiction » et réduit graduellement la difficulté découlant de la concupiscence, grâce à la maturité de la vertu et à la force du don de l’Esprit-Saint.

6. S’il s’agit de la problématique de la continence périodique (du recours aux « méthodes naturelles »), le don du respect pour l’oeuvre de Dieu aide, en principe, à concilier la dignité humaine avec les « rythmes naturels de fécondité », c’est-à-dire avec la dimension biologique de la féminité et de la masculinité des conjoints, dimension qui a également une signification propre pour la vérité du « langage mutuel du corps » dans la coexistence conjugale.

De cette manière également, ce qui se réfère à « l’union conjugale dans le corps » — moins au sens biblique qu’au sens « biologique » — trouve sa forme humainement mûre grâce à la vie « selon l’Esprit ».

Toute la pratique de la régulation honnête de la fertilité, si étroitement liée à la paternité et à la maternité responsables, fait partie de la spiritualité conjugale et familiale chrétienne ; et ce n’est qu’en vivant « selon l’Esprit » qu’elle devient intérieurement vraie et authentique.
* * *


Je salue avec joie tous les pèlerins présents à cette audience.

Et tout d'abord les religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie qui tiennent un important chapitre à Grottaferrata, avec leur nouvelle Supérieure générale. Chères Soeurs, votre Institut, fondé voilà un peu plus de cent ans, a mis aussitôt et toujours davantage à la disposition de la mission universelle de l’Eglise un très grand nombre de religieuses, de toute nationalité, capables de tout quitter pour que le Christ soit annoncé et son Evangile vécu dans les cinq continents. Le Saint-Siège n’a cessé d’apprécier votre ardeur apostolique, votre générosité ecclésiale, l’opportunité de vos engagements s’adaptant aux besoins spirituels des populations et suscitant partout des vocations autochtones. Je vous encourage à poursuivre cette mission – ma Bénédiction particulière en est le signe – et je recommande à Dieu l’apostolat de toutes vos Soeurs et la vie parfois très éprouvée de certaines d’entre elles, en plusieurs pays.

Je bénis d’un même coeur les Petites Soeurs de Jésus, et notamment leurs responsables régionales, qui manifestent également l’universalité de l’Eglise par leur origine et leur insertion. Vous aussi, chères Petites Soeurs, selon votre vocation propre, dans le sillage de Frère Charles de Jésus, vous vivez au coeur des milieux les plus divers; vous y témoignez – par votre prière, votre amitié fraternelle, votre simplicité de vie – de Jésus de Nazareth que vous rendez en quelque sorte présent. Vous savez combien ce témoignage est cher à l’Eglise.

Je salue et encourage encore les autres Soeurs présentes à cette audience, les militaires, spécialement ceux de Périgueux, dont l’aumônerie sait si bien assurer le cheminement des jeunes soldats vers le baptême et la plénitude de la foi. Je salue tous les pèlerins et leur donne ma Bénédiction Apostolique.






Mercredi 21 novembre 1984

21114
1. Nous basant sur la doctrine contenue dans l’encyclique Humanae vitae nous entendons tracer une esquisse de la spiritualité conjugale. Dans la vie spirituelle des époux, les dons de l’Esprit-Saint sont aussi à l’oeuvre et, en particulier, le « donum pietatis », c’est-à-dire le don du respect pour ce qui est oeuvre de Dieu.

2. Ce don, uni à l’amour et à la chasteté, aide à identifier, dans l’ensemble de la convivialité conjugale, cet acte, dans lequel, au moins potentiellement, la signification nuptiale du corps est liée à sa signification procréatrice. Cela aide à comprendre, parmi les possibles « manifestations d’affection », la signification particulière et même exceptionnelle de cet acte : sa dignité et donc la grave responsabilité qui y est attachée. De ce fait, l’antithèse de la spiritualité conjugale est constituée, en un certain sens, par le manque subjectif de cette compréhension, liée à la pratique et à la mentalité anticonceptionnelles. Plus que tout, ceci constitue un énorme dommage au point de vue de la culture intérieure de l’homme. La vertu de chasteté conjugale et, plus encore, le don de respect pour ce qui vient de Dieu, modèlent la spiritualité des époux afin de protéger la dignité particulière de cet acte, de cette « manifestation d’affection » dans laquelle la vérité du « langage du corps » ne peut être exprimée qu’en sauvegardant la potentialité procréatrice.

La paternité et la maternité responsables signifient l’évaluation spirituelle — conforme à la vérité — de l’acte conjugal dans la conscience et dans la volonté de chacun des deux époux qui, dans cette « manifestation d’affection », après avoir considéré les circonstances internes et externes et en particulier les circonstances biologiques, expriment leur mûre disponibilité à la paternité et à la maternité.

3. Le respect pour l’oeuvre de Dieu contribue à faire en sorte que l’acte conjugal ne soit pas dévalué et privé d’intériorité dans l’ensemble de la convivialité conjugale — qu’il ne devienne pas « habitude » — et qu’en lui s’exprime une adéquate plénitude de contenus personnels et éthiques, et aussi de contenus religieux c’est-à-dire la vénération pour la majesté du Créateur, unique et ultime dépositaire de la source de la vie, et pour l’amour nuptial du Rédempteur. Tout ceci crée et élargit, pour ainsi dire, l’espace intérieur de la mutuelle liberté du don dans lequel se manifeste pleinement la signification nuptiale de la masculinité et de la féminité.

L’obstacle à cette liberté est constitué par la contrainte intérieure de la concupiscence, orientée vers l’autre « ego » comme objet de jouissance. Le respect de ce que Dieu a créé libère de cette contrainte, libère de tout ce qui réduit l’autre « ego » à un simple objet : il fortifie la liberté intérieure du don.

4. Ceci ne peut se réaliser que par une profonde compréhension de la dignité personnelle, tant de l’« ego » féminin que de l’« ego » masculin, dans la convivialité réciproque. Cette compréhension spirituelle est le fruit fondamental du don de l’Esprit qui pousse la personne à respecter l’oeuvre de Dieu. C’est de cette compréhension, et donc indirectement de ce don, que prennent leur vraie signification nuptiale toutes les « manifestations d’affection » qui constituent la trame de la persistance de l’union conjugale. Cette union s’exprime par l’acte conjugal, seulement dans des circonstances déterminées, mais elle peut et elle doit se manifester continuellement, chaque jour grâce à différentes « manifestations d’affection » qui sont déterminées par la capacité de l’« ego » d’éprouver une émotion « désintéressée » par rapport à la féminité et — réciproquement — par rapport à la masculinité.

L’attitude de respect pour l’oeuvre de Dieu que l’Esprit suscite chez les époux a une énorme signification pour ces « manifestations d’affection », car va de pair avec cela la capacité de la profonde satisfaction, de l’admiration, de l’attention désintéressée à l’égard de la beauté « visible » et en même temps « invisible » de la féminité et de la masculinité, et enfin l’appréciation profonde du don désintéressé de l’autre.

5. Tout ceci décide de l’identification spirituelle de ce qui est masculin ou féminin, de ce qui est « corporel » et en même temps personnel. De cette identification spirituelle émerge la conscience de l’union « à travers le corps » en sauvegardant la liberté intérieure du don.

Au moyen des « manifestations d’affection » les époux s’aident l’un l’autre à persister dans l’union et, en même temps, ces manifestations protègent en chacun d’eux « cette paix intérieure » qui est, en un certain sens, la résonance intérieure de la chasteté guidée par le don du respect pour ce qui est créé par Dieu.

Ce don comporte une profonde et universelle attention à la personne dans sa masculinité et sa féminité, créant ainsi le climat intérieur favorisant la communion personnelle. Ce n’est que dans un tel climat de communion personnelle des époux que mûrit correctement cette procréation que nous qualifions de « responsable ».

6. L’encyclique Humanae vitae nous permet de tracer une esquisse de la spiritualité conjugale. Voilà le climat humain et surnaturel dans lequel — tenant compte de l’ordre biologique et, en même temps, se basant sur la chasteté soutenue par le donum pietatis se forme l’harmonie intérieure du mariage dans le respect de ce que l’encyclique appelle « double signification de l’acte conjugal » (Humanae vitae
HV 12). Cette harmonie signifie que les époux vivent ensemble dans la vérité intérieure du « langage du corps ». L’encyclique Humanae vitae proclame que le lien entre cette « vérité » et l’amour est indissoluble.
* * *


Je salue les familles présentes et tous les pèlerins, notamment ceux du Canada, dont le peuple reste présent à mon souvenir et à ma prière. A tous, ma Bénédiction Apostolique.




Mercredi 28 novembre 1984

28114
1. L’ensemble des catéchèses que j’ai entrepris il y a plus de quatre ans et que je conclus aujourd’hui peut être groupé tout entier sous le titre : « L’amour humain dans le plan divin » ou, pour être plus précis : « La rédemption du corps et le caractère sacramentel du mariage ». Cette catéchèse se divise en deux parties.

La première partie est consacrée à l’analyse des paroles du Christ qui s’avèrent aptes à ouvrir le thème présent. Ces paroles ont été analysées longuement dans l’ensemble du texte biblique ; et à la suite de cette réflexion de plusieurs années, il a semblé indiqué de mettre en relief les trois textes qui ont été soumis à l’analyse précisément dans la première partie de la catéchèse.

Il y a d’abord le texte où le Christ se réfère « à l’origine » dans son entretien avec les pharisiens sur l’unité et l’indissolubilité du mariage (cf. Mt
Mt 19,8 Mc 10,6-9). Puis il y a les paroles du Christ dans le Sermon sur la montagne sur « la concupiscence » comme « adultère commis dans le coeur » (cf. Mt Mt 5,28). Enfin, il y a les paroles transmises par tous les synoptiques, où Jésus se rapporte à la résurrection des corps dans « l’autre monde » (cf. Mt Mt 22,30 Mc 12,25 Lc 20,35).

La seconde partie de la catéchèse a été consacrée à l’analyse du sacrement sur la base de l’Épître aux Éphésiens (Ep 5,22-23), qui remonte à « l’origine » biblique du mariage exprimée dans les paroles du Livre de la Genèse : « … l’homme laissera son père et sa mère, s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair » (Gn 2,24).

La catéchèse de la première partie et de la seconde utilise de manière répétée le terme « théologie du corps ». Celui-ci est, en un certain sens, un terme « de travail ». L’introduction du terme et du concept de « théologie du corps » était nécessaire pour fonder le thème : « La rédemption du corps et la sacramentalité du mariage » sur une base plus large. Il convient en effet d’observer tout de suite que le terme « théologie du corps » embrasse bien plus que le contenu des réflexions que j’ai faites. Ces réflexions n’envisagent pas un bon nombre de problèmes qui, en raison de leur objet, appartiennent à la théologie du corps (comme, par exemple, le problème de la souffrance et de la mort, si important dans le message biblique. Il faut le dire clairement. Il faut néanmoins reconnaître de manière explicite que les réflexions au sujet du thème : « La rédemption du corps et le caractère sacramentel du mariage », peuvent se dérouler correctement en partant du moment où la lumière de la Révélation touche la réalité du corps humain (c’est-à-dire sur la base de la « théologie du corps »). Ceci est confirmé notamment par les paroles du Livre de la Genèse : « les deux deviendront une seule chair », paroles qui originairement et thématiquement, sont à la base de notre sujet.

2. Les réflexions sur le sacrement de mariage ont été menées en considérant les deux dimensions essentielles à ce sacrement (comme à tout autre sacrement), c’est-à-dire la dimension de l’Alliance et de la grâce et la dimension du signe.

À travers ces deux dimensions nous sommes revenus continuellement aux réflexions sur la théologie du corps, unies aux paroles clés du Christ. Nous sommes revenus à ces réflexions également, en entreprenant au terme de ce cycle de catéchèse, l’analyse de l’encyclique Humanae vitae.

La doctrine contenue dans ce document de l’enseignement contemporain de l’Église demeure en rapport organique soit avec le caractère sacramentel du mariage soit avec toute la problématique biblique de la théologie du corps, centrée sur les paroles clés du Christ. En un certain sens, on peut même dire que toutes les réflexions qui traitent de « la rédemption du corps et du caractère sacramentel du mariage » semblent constituer un ample commentaire de la doctrine contenue précisément dans l’encyclique Humanae vitae.

Ce commentaire semble tout à fait nécessaire. L’encyclique, en effet, en donnant une réponse à quelques interrogations que l’on se pose aujourd’hui dans le cadre de la morale conjugale et familiale, a suscité en même temps, comme on le sait, d’autres questions, de nature biomédicale. Mais ces questions sont aussi (et surtout) de nature théologique ; elles appartiennent à ce domaine de l’anthropologie et de la théologie que nous avons appelé « théologie du corps ».

Les réflexions faites consistent à affronter les interrogations qui ont surgi en relation avec l’encyclique Humanae vitae. La réaction qu’a suscitée l’encyclique confirme l’importance et la difficulté de ces interrogations. Elles sont réaffirmées également par les textes postérieurs de Paul VI, où il soulignait la possibilité d’approfondir l’exposé de la vérité chrétienne dans ce secteur.

L’exhortation Familiaris consortio, fruit du Synode des évêques de 1980 : « De muneribus familiae christianae », l’a réaffirmé. Ce document comprend un appel, adressé particulièrement aux théologiens, pour qu’ils élaborent de manière plus complète les aspects bibliques et personnels de la doctrine contenue dans « Humanae vitae ».

Recueillir les interrogations suscitées par l’encyclique veut dire les formuler et en même temps en chercher la réponse. La doctrine contenue dans Familiaris consortio demande que, soit la formulation des interrogations, soit la recherche d’une réponse adéquate se concentre sur les aspects bibliques et personnels. Cette doctrine indique également la voie à suivre pour le développement de la théologie du corps, la direction du développement et donc aussi la direction de son perfectionnement et de son approfondissement progressifs.

3. L’analyse des aspects bibliques parle de la manière d’enraciner la doctrine proclamée par l’Église contemporaine dans la Révélation. Ceci est important pour le développement de la théologie. Le développement, c’est-à-dire le progrès en théologie, se réalise, en effet, en reprenant constamment l’étude du dépôt révélé.

L’enracinement de la doctrine, proclamée par l’Église dans toute la Tradition et dans la Révélation divine elle-même, est toujours ouvert aux interrogations de l’homme et utilise également les instruments les plus conformes à la science moderne et à la culture d’aujourd’hui. Il semble que dans ce secteur l’intense développement de l’anthropologie philosophique (en particulier de l’anthropologie qui se trouve à la base de l’éthique) rencontre de très près les interrogations suscitées par l’encyclique Humanae vitae à l’égard de la théologie et spécialement de l’éthique théologique.

L’analyse des aspects personnels de la doctrine contenue dans ce document a une signification existentielle pour établir en quoi consiste le vrai progrès c’est-à-dire le développement de l’homme. En fait, dans toute la civilisation contemporaine — et particulièrement dans la civilisation occidentale — il existe une tendance cachée et en même temps suffisamment explicite à mesurer ce progrès selon la mesure des « choses », c’est-à-dire des biens matériels.

L’analyse des aspects personnels de la doctrine de l’Église contenue dans l’encyclique de Paul VI, met en évidence un appel résolu à mesurer le progrès de l’homme selon la mesure de « la personne », c’est-à-dire de ce qui est un bien de l’homme comme homme — qui correspond à sa dignité essentielle.

L’analyse des aspects personnels entraîne la conviction que l’encyclique présente comme problème fondamental le point de vue de l’authentique développement de l’homme ; ce développement se détermine, en effet, en principe, à la mesure de l’éthique et non seulement à celle de la « technique ».

4. Les catéchèses consacrées à l’encyclique Humanae vitae constituent seulement une partie, la partie finale, de celles qui ont traité de la rédemption du corps et du caractère sacramentel du mariage.

Si j’attire particulièrement l’attention précisément sur ces dernières catéchèses, je le fais non seulement parce que le thème dont elles traitent est plus étroitement lié à notre époque, mais avant tout parce que c’est d’elles que proviennent les interrogations qui imprègnent, en un certain sens, l’ensemble de nos réflexions. Il en résulte que cette partie finale n’est pas artificiellement ajoutée à l’ensemble mais qu’elle lui est unie de manière organique et homogène. En un certain sens, cette partie qui, dans la disposition d’ensemble est placée à la fin, se trouve en même temps au début de cet ensemble. Ceci est important du point de vue de la structure et de la méthode.

Le moment historique semble avoir lui aussi sa signification : en effet, les présentes catéchèses ont commencé durant la période de préparation au Synode des évêques de 1980 sur le thème du mariage et de la famille (« De muneribus familiae christianae ») et prennent fin après la publication de l’exhortation Familiaris consortio qui est le fruit des travaux de ce Synode. Et il est bien connu que le Synode de 1980 s’est référé également à l’encyclique Humanae vitae et a reconfirmé pleinement sa doctrine.

Toutefois le moment le plus important semble celui, essentiel, que, dans l’ensemble des réflexions accomplies, on peut préciser de la manière suivante : pour affronter les interrogations que suscite l’encyclique Humanae vitae, surtout en théologie, pour formuler ces interrogations et chercher la réponse, il importe de trouver ce cadre biblico-théologique auquel on fait allusion quand on parle de « rédemption du corps et caractère sacramentel du mariage ». Dans ce cadre se trouvent les réponses aux interrogations éternelles de la conscience des hommes et des femmes, et également à celles, difficiles, de notre monde contemporain en ce qui concerne le mariage et la procréation.




Catéchèses S. J-Paul II 29122