Catéchèses S. J-Paul II 28114


Mai 1985

Mercredi 8 mai 1985

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1. Comme on le sait, la Sainte Écriture se compose de deux grands recueils de livres : l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament, entièrement rédigé avant la venue du Christ, est un recueil de 46 livres de caractère divers. Nous les énumérerons en les regroupant de manière à distinguer, au moins le genre, le caractère de chacun d’eux.

2. Le premier groupe que nous rencontrons est ce que l’on appelle le « Pentateuque » qui est composé de : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Presque comme un prolongement du Pentateuque, on trouve le livre de Josué puis celui des Juges. Le livre de Ruth — avec sa concision — constitue en un certain sens l’introduction au groupe suivant, de caractère historique, composé des deux livres de Samuel et des deux livres des Rois. Parmi ces livres, on doit inclure aussi les deux livres des Chroniques, le livre d’Esdras et celui de Néhémie, qui concernent la période de l’histoire d’Israël postérieure à la captivité de Babylone.

Le livre de Tobie, celui de Judith et celui d’Esther, même s’ils regardent l’histoire de la nation élue, ont un caractère de narration allégorique et morale plutôt que d’histoire véritable. À l’inverse, les deux livres des Macchabées ont un caractère historique (de chronique).

3. Les livres que l’on appelle « didactiques » constituent un groupe en soi dans lequel on inclut des oeuvres de caractère divers. Appartiennent à ce groupe : le livre de Job, les Psaumes et le Cantique des cantiques, et pareillement quelques oeuvres de caractère sapientiel-éducatif : le livre des Proverbes celui de Qohélet (c’est-à-dire l’Ecclésiaste), le livre de la Sagesse et le livre du Siracide (c’est-à-dire l’Ecclésiastique).

4. Enfin le dernier groupe de l’Ancien Testament est constitué par les « livres prophétiques ». On distingue ceux que l’on appelle les « grands » prophètes : Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel. Au livre de Jérémie, on joint les Lamentations et le livre de Baruch. Puis viennent ceux que l’on appelle les « petits » prophètes : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

5. À l’exception des premiers chapitres de la Genèse, qui concernent l’origine du monde et de l’humanité, les livres de l’Ancien Testament, en commençant par l’appel d’Abraham, concernent une nation qui a été choisie par Dieu. Voici ce que nous lisons dans la Constitution Dei Verbum : « Dieu, projetant et préparant en la sollicitude de son amour extrême le salut de tout le genre humain, se choisit, selon une disposition particulière, un peuple auquel confier les promesses. En effet, une fois conclue l’alliance avec Abraham (cf. Gn
Gn 15,18), et avec le peuple d’Israël, par Moïse (cf. Ex Ex 24,8), Dieu se révéla, en paroles et en actes, au peuple de son choix comme l’unique Dieu véritable et vivant ; de ce fait, Israël fit l’expérience des « voies » de Dieu vers les hommes et, Dieu lui-même parlant par les prophètes, il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire, et en porta un témoignage grandissant parmi les nations (cf. Ps Ps 21,28-29 Ps 95, 1-3, Is 2,14 Jr 3,17). L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de Dieu. C’est pourquoi ces livres divinement inspirés conservent une valeur impérissable. » (DV 14)

6. La Constitution conciliaire indique ensuite quel fut le but principal de l’économie du salut dans l’Ancien Testament : « Préparer », annoncer de manière prophétique (cf. Lc Lc 24,44 Jn 5,39 1P 1,10) et signifier par des types divers (cf. 1Co 10,11) l’avènement du Christ Rédempteur de l’univers et du règne messianique (cf. DV DV 15).

En même temps, les livres de l’Ancien Testament, selon la situation du genre humain qui précède le Christ, « manifestent à tous la connaissance de Dieu et de l’homme et la manière par laquelle Dieu juste et miséricordieux se comporte à l’égard des hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent aussi des choses imparfaites et des choses caduques, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine » (DV 15). En eux, sont exprimés « un vif sens de Dieu », « une sagesse salutaire pour la vie de l’homme », et enfin « d’admirables trésors de prière, dans lesquels… est caché le mystère de notre salut » (ibid). C’est pour cela que les livres de l’Ancien Testament doivent être aussi reçus par les chrétiens avec dévotion.

7. Le rapport entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament est, par la suite, illustré ainsi par la Constitution conciliaire : « Inspirateur et auteur de l’un et l’autre Testament, Dieu les a donc sagement disposés de telle sorte que le Nouveau soit caché dans l’Ancien et que, dans le Nouveau, l’Ancien soit dévoilé. » (Selon les paroles de saint Augustin : « Novum in Vetero latet, Vetus in Novo patet…») « Car encore que le Christ ait fondé dans son sang la Nouvelle Alliance (cf. Lc Lc 22,20 1Co 11,25), néanmoins les livres de l’Ancien Testament, intégralement repris dans le message évangélique, atteignent et montrent leur complète signification dans le Nouveau Testament (cf. Mt Mt 5,17 Lc 24, 27, Rm 16,25-26 2Co 3,14-16), auquel ils apportent en retour lumière et explication. » (DV 16)

Comme vous le voyez, le Concile nous offre une doctrine précise et claire, suffisante pour notre catéchèse. Elle nous permet de faire un nouveau pas dans la détermination de la signification de notre foi. « Croire de manière chrétienne » signifie atteindre, selon l’esprit que nous avons dit, la lumière de la divine révélation aussi à partir des livres de l’Ancienne Alliance.
* * *


Chers frères et Soeurs de langue française, parmi vous je voudrais saluer notamment un groupe d’hommes d’affaires du Québec. Leur présence évoque pour moi les bons souvenirs de mon voyage au Canada l’an dernier. Je les remercie de venir à leur tour rendre visite à l’Evêque de Rome, et je leur offre mes voeux pour leurs travaux, pour eux-mêmes et tout leur entourage.

C’est une joie pour moi de saluer les participants au Congrès de la Fédération européenne pour les personnes âgées. Votre réflexion porte sur votre vie en notre temps. Vous étudiez aussi bien les aspects psychologiques et sociaux que les aspects techniques de la vie des aînés dans la cité. J’apprécie l’importance de cette étude à un plan international. Il est bon que les personnes âgées elles-mêmes s’entraident pour affronter leurs difficultés spécifiques, leur solitude et leur souffrance, – et pour mener une vie digne et utile dans une bonne relation avec leurs familles et toute la société. Vous savez que l’Eglise s’intéresse vivement aux questions qui vous préoccupent. Aussi est-ce bien volontiers que je vous encourage et que je souhaite le succès de votre effort commun.

Il y a aussi parmi vous des jeunes, en particulier ceux du Collège Saint-Jean de Passy à Paris. Votre pèlerinage à Rome vous unit dans la foi au successeur de Pierre et aussi à tous les chrétiens du monde. Je vous encourage à garder un lien solide avec toute l’Eglise, à prendre votre part de responsabilité dans la communauté, à devenir de vrais témoins du Christ.

A l’approche de l’Ascension et de la Pentecôte, je souhaite à tous la joie de l’Esprit Saint. Je vous bénis de tout coeur.





Mercredi 22 mai 1985

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1. Le Nouveau Testament est de dimension moindre que l’Ancien Testament. Sous l’aspect de la rédaction historique, les livres qui le composent ont été écrits dans un laps de temps beaucoup plus bref que ceux de l’Ancienne Alliance. Il se compose de vingt-sept livres, dont quelques-uns sont très brefs.

Énumérons d’abord les quatre Évangiles : selon Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ensuite vient le livre des Actes des apôtres, dont l’auteur est encore Luc. Le groupe le plus nombreux est constitué par les lettres des apôtres, dont les plus nombreuses sont les lettres de saint Paul : une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, deux à Timothée, une à Tite, et une à Philémon. Ce que l’on appelle le « corpus paulinien » se termine avec la lettre aux Hébreux, écrite dans l’entourage et la sphère d’influence de Paul.

Viennent ensuite : la lettre de saint Jacques, deux lettres de saint Pierre, trois lettres de saint Jean et la lettre de saint Jude. Le dernier livre du Nouveau Testament est l’Apocalypse de saint Jean.

2. En ce qui concerne ces livres, la Constitution Dei Verbum s’exprime ainsi : « Il n’échappe à personne qu’entre toutes les Écritures, même celles du Nouveau Testament, les Évangiles possèdent une supériorité méritée, en tant qu’ils constituent le témoignage par excellence sur la vie et sur l’enseignement du Verbe incarné, notre Sauveur.

Toujours et partout, l’Église a tenu et tient l’origine apostolique des quatre Évangiles. Ce que les apôtres en effet sur l’ordre du Christ ont prêché par la suite, eux-mêmes et des hommes de leur entourage nous l’ont, sous l’inspiration divine de l’Esprit, transmis dans des écrits qui sont le fondement de la foi, à savoir l’Évangile quadriforme selon Matthieu, Luc, Marc et Jean. » (
DV 18)

3. La Constitution conciliaire souligne de manière particulière l’historicité des quatre Évangiles. Elle écrit que l’Église « en affirme sans hésitation l’historicité », retenant avec constance que « les quatre Évangiles transmettent fidèlement ce que Jésus Fils de Dieu, durant sa vie parmi les hommes, a effectivement fait et enseigne pour leur salut éternel, jusqu’au jour où il fut enlevé dans le ciel » (cf Ac 1,1-2) (DV 19).

S’il s’agit de la manière dont sont nés les quatre Évangiles, la Constitution conciliaire les relie avant tout à l’enseignement apostolique, qui commença après la descente de l’Esprit-Saint au jour de la Pentecôte. Voici ce que nous lisons : « En effet, ce que le Seigneur avait dit et fait, les apôtres, après son Ascension, le transmirent à leurs auditeurs avec cette intelligence plus profonde des choses dont eux-mêmes, instruits par les événements glorieux du Christ et éclairés par la lumière de l’Esprit de vérité, jouissaient. » (DV 19) Ces événements glorieux sont constitués principalement par la résurrection du Seigneur et par la descente du Saint-Esprit. On comprend que, à la lumière de la Résurrection, les apôtres crurent définitivement dans le Christ. La résurrection jeta une lumière fondamentale sur sa mort en croix, et aussi sur tout ce qu’il avait fait et proclamé avant sa passion. Au jour de la Pentecôte, ensuite, il advint que les apôtres furent « illuminés par l’Esprit de vérité ».

4. De l’enseignement apostolique oral, on passa à la rédaction des Évangiles, sur laquelle la Constitution conciliaire s’exprime ainsi : « Les auteurs sacrés composèrent les quatre Évangiles, choisissant certains des nombreux éléments transmis soit oralement, soit déjà mis par écrit, rédigeant un résumé des autres, ou les expliquant en fonction de la situation des Églises gardant enfin la forme d’une prédication, de manière à nous livrer toujours sur Jésus des choses vraies et sincères. Que ce soit, en effet, à partir de leur propre mémoire et de leurs souvenirs, ou à partir du témoignage de ceux qui « furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole », ils composèrent leurs écrits dans le but de nous faire éprouver la « solidité des enseignements que nous avons reçus. » (DV 19)

Cet énoncé concis du Concile reflète et synthétise brièvement toute la richesse des enquêtes et des études que les biblistes n’ont pas cessé de consacrer à la question de l’origine des quatre Évangiles. Pour notre catéchèse, ce résumé suffit.

5. Quant aux livres restants du Nouveau Testament, la Constitution conciliaire Dei Verbum se prononce de la manière suivante : « … Ces écrits, selon les sages dispositions de Dieu, confirment ce qui touche au Christ Notre-Seigneur, présentent sa doctrine authentique avec des précisions toujours plus grandes, font connaître aux hommes l’oeuvre divine du Christ avec sa puissance de salut, racontent les débuts de l’Église et son admirable diffusion et annoncent par avance sa glorieuse consommation. » (DV 20) C’est une présentation brève et synthétique du contenu de ces livres, indépendamment de questions chronologiques, qui nous intéressent moins ici. Nous rappellerons seulement que les savants fixent pour leur composition la seconde moitié du Ier siècle.

Ce qui compte le plus pour nous, c’est la présence du Seigneur Jésus et de son Esprit dans les auteurs du Nouveau Testament, qui sont donc les intermédiaires par lesquels Dieu nous introduit dans la nouveauté révélée. « Le Seigneur Jésus, en effet, comme il l’avait promis, assista ses apôtres (cf. Mt Mt 28,20) et il leur envoya l’Esprit consolateur qui devait les introduire dans la plénitude de la vérité » (cf. Jn Jn 16,13 Jn ) (DV 20) Les livres du Nouveau Testament nous introduisent sur le chemin qui porte à la plénitude de la vérité de la divine révélation.

6. Et voici une autre conclusion pour une conception plus complète de la foi. Croire de manière chrétienne signifie accepter l’autorévélation de Dieu en Jésus-Christ, qui constitue le contenu essentiel du Nouveau Testament.

C’est ce que dit le Concile : « Dès que fut venue en effet la plénitude des temps (cf. Ga Ga 4,4), le Verbe de Dieu s’est fait chair et il a habité parmi nous plein de grâce et de vérité (cf. Jn Jn 1,14). Le Christ a instauré le règne de Dieu sur terre ; par gestes et paroles, il a révélé et son Père et lui-même ; par sa mort, sa résurrection, son ascension glorieuse et par l’envoi de l’Esprit-Saint, il a parachevé son oeuvre. Élevé de terre, il attire à lui tous les hommes (cf. Jn Jn 12,32 grec), lui qui seul possède les paroles de la vie éternelle » (cf. Jn Jn 6,69). (DV 17)

« De ces faits, les écrits du Nouveau Testament présentent un témoignage permanent et divin. » (DV 17)

Aussi constituent-ils un soutien particulier pour notre foi.



Mercredi 5 juin 1985

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1. La foi chrétienne rencontre dans le monde des religions diverses inspirées par d’autres maîtres et par d’autres traditions, en dehors du courant de la Révélation. Elles constituent un fait dont il faut tenir compte. Comme le dit le Concile, les hommes attendent des différentes religions « la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, troublent profondément le coeur humain : la nature de l’homme, le sens et le but de notre vie, le bien et le péché, l’origine et le but de la souffrance, la voie pour parvenir au vrai bonheur, la mort, le jugement et la rétribution après la mort, enfin le mystère dernier et ineffable qui entoure notre existence, d’où nous tirons notre origine et vers lequel nous tendons » (
Na 1).

C’est de cela que fait part le Concile dans la Déclaration Nostra Aetate sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Il est très significatif que le Concile se soit prononcé sur ce sujet. Si croire de manière chrétienne veut dire répondre à l’auto-révélation de Dieu, dont la plénitude est en Jésus-Christ, cette foi n’échappe cependant pas, en particulier dans le monde contemporain, à des relations conscientes avec les religions non chrétiennes du fait que, dans chacune, s’exprime de quelque manière « ce que les hommes ont en commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destin commun » (NAE 1). L’Église ne fuit pas ces relations ; au contraire, elle les désire et elle les cherche.

Sur le fond d’une grande communion dans des valeurs positives de spiritualité et de moralité, se précise avant tout le rapport de la « foi » avec la « religion » en général, qui est une composante particulière de l’existence terrestre de l’homme. Dans la religion, l’homme cherche la réponse aux interrogations que j’ai énumérées et il établit d’une certaine façon son propre rapport avec le « mystère qui entoure notre existence ». Or, les différentes religions non chrétiennes sont avant tout l’expression de cette recherche de la part de l’homme, tandis que la foi chrétienne à sa propre base dans la révélation de Dieu. Malgré quelques affinités avec d’autres religions, c’est en cela que consiste sa différence essentielle par rapport à elles.

2. La Déclaration Nostra Aetate cherche cependant à souligner les affinités. Nous lisons : « Depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la divinité suprême, ou encore du Père. Cette sensibilité et cette connaissance pénètrent leur vie d’un profond sens religieux. » (Na 2) À ce propos, nous pouvons rappeler que dès les premiers siècles du christianisme on s’est plu à voir la présence ineffable du Verbe dans les mentalités humaines et dans les réalisations de la culture et de la civilisation : « Tous les écrivains pourraient, en effet, grâce à la semence innée du Logos, insérée en eux, entrevoir obscurément la réalité », a relevé saint Justin (II, 13, 3) qui, avec d’autres Pères, n’a pas hésité à voir dans la philosophie une sorte de « révélation mineure ».

Ici, toutefois, il faut s’entendre. Ce « sens religieux », c’est-à-dire la connaissance religieuse de Dieu par les peuples, nous ramène à la connaissance rationnelle dont l’homme est capable par les forces de sa nature, comme nous l’avons déjà vu. En même temps, elle se distingue des spéculations purement rationnelles des philosophes et des penseurs au sujet de l’existence de Dieu. Elle implique tout l’homme et devient en lui une impulsion de vie. Elle se distingue surtout de la foi chrétienne, soit comme connaissance fondée sur la Révélation, soit comme réponse consciente au don de Dieu présent et agissant en Jésus-Christ. Cette nécessaire distinction n’exclut pas, je le répète, une affinité et une concordance de valeurs positives, tout comme elle n’empêche pas de reconnaître, avec le Concile que les différentes religions non chrétiennes (parmi lesquelles le document conciliaire évoque spécialement l’hindouisme et le bouddhisme qu’elle décrit brièvement) « s’efforcent de dépasser, de façons diverses, l’inquiétude du coeur humain en proposant des voies, c’est-a-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés » (Na 2).

3. « L’Église catholique, poursuit le document, ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. » (Na 2) Mon prédécesseur de vénérée mémoire, Paul VI, a souligné de manière suggestive cette position de l’Église dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi. Voici ses paroles, qui reprennent des écrits des anciens Pères : « Elles (les religions non chrétiennes) portent en elles l’écho de millénaires de recherche de Dieu, recherche incomplète mais réalisée souvent avec sincérité et droiture de coeur. Elles possèdent un patrimoine impressionnant de textes profondément religieux. Elles ont appris à des générations de personnes à prier. Elles sont toutes parsemées d’innombrables semences du Verbe et elles peuvent constituer une authentique préparation évangélique » (Evangelii nuntiandi EN 53).

C’est pourquoi l’Église exhorte également les chrétiens et les catholiques pour que, « par le dialogue et la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en eux » (NAE 2).

4. On pourrait donc dire que croire de manière chrétienne signifie accepter, professer et annoncer le Christ qui est « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6) d’autant plus pleinement que se révèlent davantage dans les valeurs des autres religions des signes, des reflets et des présages de lui.

5. Parmi les religions non chrétiennes, celle des disciples de Mahomet en raison de son caractère monothéiste et de son lien avec la foi d’Abraham, que saint Paul a défini comme le « père de notre foi (chrétienne) » (cf. Rm Rm 4,16), mérite une attention particulière.

Les musulmans « adorent le Dieu un, vivant et subsistant miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers ». Mais il y a plus : les disciples de Mahomet honorent aussi Jésus : « Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. En outre, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. » (NAE 3)

6. Quant aux autres religions non chrétiennes, l’Église a une relation étroite avec ceux qui professent la foi dans l’Ancienne Alliance, les héritiers des patriarches et des prophètes d’Israël. Le Concile rappelle en effet « le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham » (NAE 4).

Ce lien auquel nous avons déjà fait allusion dans la catéchèse consacrée à l’Ancien Testament et qui rapproche des juifs, est mis encore une fois en relief par la Déclaration Nostra Aetate quand elle se réfère à ces débuts communs de la foi qui se trouvent chez les patriarches, Moïse et les prophètes. L’Église affirme que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche… L’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans son ineffable miséricorde, a daigné conclure « l’Ancienne Alliance » (NAE 4). C’est de ce peuple que « le Christ est issu selon la chair » (Rm 9,5), le Christ, fils de la Vierge Marie, tout comme les apôtres en sont les fils.

Tout cet héritage spirituel, commun aux chrétiens et aux juifs, constitue comme le fondement organique d’une relation réciproque, même si une grande partie des fils d’Israël « n’acceptent pas l’Évangile ». L’Église cependant (avec les prophètes et l’apôtre Paul) « attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples acclameront le Seigneur d’une seule voix et le serviront sous un même joug » (So 3,9) (NAE 4).

7. Comme vous le savez, après le Concile Vatican II, a été constitué un Secrétariat spécial pour les relations avec les religions non chrétiennes. Paul VI a vu dans ces relations une des voies du « dialogue du salut » que l’Église doit poursuivre avec tous les hommes dans le monde d’aujourd’hui (cf. Encyclique Ecclesiam suam, AAS 56, 1964, 654). Nous sommes tous appelés à prier et à travailler pour que le réseau de ces relations devienne plus dense et plus étendu, suscitant de manière toujours plus vaste la volonté d’une connaissance mutuelle, de collaboration et de recherche de la plénitude de la vérité dans la charité et dans la paix. C’est précisément à cela que nous pousse notre foi.
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Je salue avec joie tous les pèlerins et visiteurs de langue française. Je les encourage à bien célébrer cette semaine la fête du Corps du Christ, présent dans le Saint Sacrement.

J’ai noté la présence de nombreux congressistes de la Fédération internationale des professions immobilières. Je les remercie de leur visite et je forme les meilleurs voeux pour leur activité professionnelle, conçue comme un service de leurs frères.

A tous je donne ma Bénédiction Apostolique.



Mars 1987

Mercredi des Cendres, 4 mars 1987

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1. Dans nos catéchèses précédentes, nous avons essayé de montrer les aspects les plus significatifs de la vérité sur le Messie telle qu’elle a été annoncée à l’avance dans l’ancienne Alliance, puis donnée en héritage à la génération des contemporains de Jésus de Nazareth, entrés dans une nouvelle étape de la Révélation divine. Parmi cette génération, ceux qui ont suivi Jésus l’ont fait parce qu’ils étaient convaincus qu’en lui s’accomplissait la vérité sur le Messie que c’était bien lui, le Christ, qui était le Messie. Les paroles d’André, le premier apôtre appelé par Jésus, sont pleines de signification, quand il annonce à son frère Simon : « Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ). » (
Jn 1,41)

On doit cependant reconnaître que de telles constatations aussi explicites sont plutôt rares dans les Évangiles. Cela est dû aussi au fait que dans la société hébraïque de cette époque une image du Messie était assez répandue, à laquelle Jésus n’a pas voulu adapter sa figure et son oeuvre malgré l’étonnement et l’admiration suscités par tout ce qu’il a « fait et enseigné » (Ac 1,1).

2. Nous savons aussi que Jean-Baptiste lui-même, qui, sur les bords du Jourdain, avait indiqué Jésus comme « Celui qui devait venir » (cf. Jn Jn 1, 15, 30) car, dans un esprit prophétique, il avait vu en lui « l’agneau de Dieu » venu pour enlever les péchés du monde, Jean qui, à l’avance, avait annoncé le « nouveau baptême » que Jésus devait conférer avec la force de l’Esprit-Saint, envoya ses disciples, alors qu’il se trouvait en prison, poser à Jésus la question : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11,3)

3. Jésus ne laisse pas Jean et ses messagers sans réponse : « Allez, et dites à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Lc 7,22) Par cette réponse, Jésus entend confirmer sa mission messianique en recourant en particulier aux paroles d’Isaïe (cf. Is Is 35,4-5 Is 61,1). Et il conclut : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi. » (Lc 7,23) Ces dernières paroles résonnent comme un appel adressé directement à Jean, son héroïque précurseur, qui avait une autre conception du Messie.

En effet, dans sa prédication, Jean avait dépeint la figure du Messie comme celle d’un juge sévère. En ce sens, il avait parlé de la « colère qui vient », de « la hache prête à frapper à la racine des arbres » (Lc 3, 7, 9) pour tailler tout arbre « qui ne porte pas de bons fruits » (Lc 3,9). Certes, Jésus ne devait pas hésiter à traiter avec fermeté et même avec âpreté, quand cela s’avérerait nécessaire, l’obstination et la rébellion envers la Parole de Dieu, mais il allait être avant tout l’annonciateur de la « Bonne Nouvelle aux pauvres » et, par ses oeuvres et ses prodiges, il allait révéler la volonté salvifique de Dieu, Père miséricordieux.

4. La réponse que Jésus donne à Jean présente également un autre élément qu’il est intéressant de relever : il évite de se présenter ouvertement comme le Messie. Dans le contexte social du temps, en effet, ce titre était extrêmement ambigu : les gens l’interprétaient communément dans un sens politique. Aussi Jésus préfère-t-il renvoyer au témoignage rendu par ses oeuvres, désireux surtout de persuader et de susciter la foi.

5. On trouve cependant dans les Évangiles des cas particuliers, comme la conversation avec la Samaritaine, que nous raconte l’Évangile de Jean. À la femme qui lui dit : « Je sais que le Messie (c’est-à-dire le Christ) doit venir et, quand il viendra, il nous annoncera toute chose », Jésus répond : « Je le suis, moi qui te parle. » (Jn 4,25-26)

Comme le montre le contexte de la conversation, Jésus a convaincu la Samaritaine (il avait senti qu’elle était disponible à l’écoute), puisque, retournée en ville, celle ci s’est empressée de faire savoir aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-ce pas le messie ? » (Jn 4,28-29) À sa parole, beaucoup de Samaritains allèrent au-devant de Jésus, ils l’écoutèrent et, à leur tour, ils conclurent : « Celui-ci est vraiment le Sauveur du monde. » (Jn 4,42)

6. Au contraire, parmi les habitants de Jérusalem, les paroles et les prodiges de Jésus suscitaient des questions sur sa messianité. Certains excluaient qu’il pût être le Messie : « Celui-ci, nous savons d’où il est. Au contraire, quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est. » (Jn 7,27) D’autres, au contraire, disaient : « Le Christ, quand il viendra, pourra-t-il accomplir des signes plus grands que ceux accomplis par celui-ci ? » (Jn 7,31) « Celui-ci n’est-il pas le fils de David ? » (Mt 12,23) Le Sanhédrin intervint également et décréta que « si quelqu’un l’a reconnu comme le Christ, qu’il soit expulsé de la Synagogue » (Jn 9,22).

7. Nous sommes ainsi en mesure de comprendre la signification essentielle de la conversation de Jésus avec les apôtres, dans les environs de Césarée de Philippe. « Jésus interrogea ses disciples en disant : Qui suis-je au dire des hommes ? Et ils lui répondirent : pour les uns, Jean- Baptiste, pour d’autres, Élie ou quelqu’un des prophètes. Mais il leur répliqua : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Pierre lui répondit : Tu es le Christ » (Mc 8,27-29 cf. aussi Mt Mc 16,13-16 et Lc 9,18-21), c’est-à-dire le Messie.

8. Selon l’Évangile de Matthieu, cette réponse fournit à Jésus l’occasion d’annoncer le primat de Pierre dans l’Église future (cf. Mt Mt 16,18). Selon Marc, après la réponse de Pierre, Jésus ordonna sévèrement aux apôtres « de ne parler de lui à personne » (Mc 8,30). Nous pouvons en déduire que non seulement Jésus ne proclamait pas qu’il était le Messie, mais qu’il ne voulait pas non plus que, pour le moment, les apôtres dévoilent sa véritable identité. Il voulait en effet que ses contemporains arrivent à cette conviction en voyant ses oeuvres et en écoutant son enseignement. D’autre part, le fait même que les apôtres étaient convaincus de ce que Pierre avait exprimé au nom de tous en proclamant : « Tu es le Christ », prouve que les oeuvres et les paroles de Jésus ont constitué une base suffisante sur laquelle la foi en lui comme Messie a pu se fonder et se développer.

9. Mais la suite de cette conversation, que nous lisons dans les deux textes parallèles de Marc et de Matthieu, est encore plus significative de la pensée de Jésus sur sa propre messianité (cf. Mc Mc 8,31-33 Mt 16,21-23). En effet, Jésus, comme en un lien étroit avec la profession de foi des apôtres, « commença à leur enseigner que le Fils de l’Homme devait beaucoup souffrir et être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il serait mis à mort et qu’après trois jours il ressusciterait » (Mc 8,31). L’évangéliste Marc remarque : « Jésus tint ouvertement ce langage. » (Mc 8,32) Marc dit que « alors Pierre le prit à part et se mit à lui faire des reproches ». (Mc 8,32). Selon Matthieu, ces reproches furent les suivants : « Dieu t’en préserve, Seigneur, cela ne t’arrivera jamais ! » (Mt 16,22) Et voici la réaction du Maître : Jésus « réprimanda Pierre et lui dit : Arrière, Satan ! Parce que tu ne penses pas selon Dieu mais selon les hommes » (Mc 8,33 Mt 16,23).

10. On peut percevoir dans cette réprimande du Maître comme un écho lointain de cette tentation dans le désert dont Jésus fit l’expérience au début de son activité messianique (cf. Lc Lc 4,1-13), quand Satan voulait le détourner d’accomplir la volonté du Père jusqu’au bout. Les apôtres, et Pierre particulièrement, qui avaient pourtant professé leur foi dans la mission messianique de Jésus — « Tu es le Christ » —, ne réussissaient pas à se libérer entièrement de leur conception trop humaine et terrestre du Messie, en admettant la perspective d’un Messie qui devait souffrir et subir la mort. Encore au moment de l’Ascension, ils lui demanderont : « Vas-tu rétablir le Royaume d’Israël ? » (Cf. Ac Ac 1,6 Ac )

11. C’est justement devant une telle attitude que Jésus réagit avec tant de décision et de sévérité. En lui, la conscience de la mission messianique correspondait aux chants d’Isaïe sur le Serviteur de Yahvé, et en particulier à ce que le prophète avait dit du Serviteur souffrant : « Devant Lui, il a végété comme un rejet, comme une racine qui sort d’une terre aride. Il n’a ni prestance ni beauté… Méprisé, rejeté par les hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, il a été méprisé et nous n’avons eu pour lui aucune estime… Et pourtant, il s’est chargé de nos souffrances, il a pris sur lui nos douleurs… il a été déshonoré à cause de nos fautes, broyé à cause de nos iniquités. » (Is 53,2-5)

Jésus a défendu avec fermeté cette vérité sur le Messie, voulant la réaliser à fond en lui-même, pour que, par elle, s’exprime la volonté salvifique du Père. « Le juste mon serviteur en justifiera beaucoup. » (Is 53,11) Il se prépare de cette manière, lui-même et les siens, à cet événement dans lequel le « mystère messianique » trouvera son plein accomplissement : la Pâque de sa mort et de sa résurrection.
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Chers Frères et Soeurs,

j’exprime ma joie de rencontrer les pèlerins de langue française, notamment les jeunes collégiens et lycéens de France et de Belgique. Sur la route du renouveau du Carême, je leur donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.






Catéchèses S. J-Paul II 28114