Catéchèses S. J-Paul II 12593

Mercredi 12 mai 1993 - Le culte eucharistique principale mission des prêtres

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1. On comprend la dimension complète de la mission du prêtre à l'égard de l'Eucharistie si l'on considère que ce sacrement est avant tout le renouvellement, sur l'autel, du Sacrifice de la Croix, moment central dans l'oeuvre de la Rédemption. Le Christ Prêtre et Hostie est, comme tel, l'artisan du salut universel, dans l'obéissance au Père. Il est l'unique Souverain Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle qui, réalisant notre salut, rend au Père le culte parfait dont les anciennes célébrations vétérotestamentaires n'étaient qu'une préfiguration. Par le sacrifice de son propre sang sur la Croix, le Christ « est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire… nous ayant acquis une rédemption éternelle » (
He 9,12). Il a ainsi aboli tous les sacrifices anciens pour en établir un nouveau par l'offrande de lui-même à la volonté du Père (cf. Ps 40/39, 9). « C'est en vertu de cette volonté que nous avons été sanctifiés par l'oblation du corps de Jésus-Christ, faite une fois pour toutes… Par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il sanctifie » (He 10,9 He 10,14).

En renouvelant de manière sacramentelle le sacrifice de la Croix, le prêtre ouvre à nouveau cette source de salut dans l'Église, dans le monde entier (cf. CEC, CEC 1362-1372).

2. Aussi le Synode des évêques de 1971, en harmonie avec les documents de Vatican II, a-t-il souligné que « le ministère sacerdotal atteint son sommet dans la célébration eucharistique, qui est la source et le centre de l'unité de l'Église » (cf. Le sacerdoce ministériel, I, 4 : Ench. Vat., 4, 1166 ; cf. AG Ag 39).

La Constitution dogmatique sur l'Église réaffirme que, pour les prêtres, « c'est dans le culte ou assemblée eucharistique que s'exerce par excellence leur charge sacrée ; là, agissant en nom et place du Christ et proclamant son mystère, ils réunissent les demandes des fidèles au sacrifice de leur Chef, rendant présent et appliquant dans le sacrifice de la messe, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, l'unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ qui s'est offert une fois pour toutes à son Père en victime immaculée » (LG 28 cf. CEC, CEC 1566).

À cet égard, le Décret Presbyterorum ordinis présente deux affirmations fondamentales : a) la communauté est rassemblée par l'annonce de l'Évangile, afin que tous puissent faire l'offrande spirituelle d'eux-mêmes ; b) le sacrifice spirituel des fidèles est rendu parfait par l'union au sacrifice du Christ, offert d'une manière non sanglante et sacramentelle par la main des prêtres. C'est de cet unique sacrifice que tout leur ministère sacerdotal tire sa force (cf. PO, PO 2 CEC 1566).

Ainsi apparaît le lien entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles. Il apparaît aussi que le prêtre, parmi tous les fidèles, est appelé spécialement à s'identifier mystiquement - et aussi sacramentellement - au Christ, pour être, lui aussi, d'une certaine manière, Sacerdos et Hostia, selon la belle expression de saint Thomas d'Aquin (cf. Somme théol., III 83,1 ad 3m).

3. Le prêtre parvient dans l'Eucharistie au sommet de son ministère quand il prononce les paroles de Jésus : « Ceci est mon corps… Ceci est le calice de mon sang… ». Ces paroles concrétisent le plus haut exercice de ce pouvoir qui rend le prêtre apte à rendre présente l'offrande du Christ. Alors, vraiment - par la voie sacramentelle, et donc avec une efficacité divine -, se réalise l'édification et le développement de la communauté. L'Eucharistie est en effet le sacrement de la communion et de l'unité, comme l'ont rappelé le Synode des évêques de 1971 et, plus récemment, la Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur certains aspects de l'Église comprise comme communion (cf. Communionis notio, 11) (DC 1992, n° 2055, p. 729-733. NDLR).

On s'explique alors la piété, la ferveur avec lesquelles les saints prêtres - dont nous parle abondamment l'hagiographie - ont toujours célébré la messe, n'hésitant pas à la faire précéder d'une préparation adéquate et la faisant suivre des actes de remerciement opportuns. Pour aider l'exercice de ces actes, le Missel offre des prières adaptées, qui sont souvent - et cela doit être loué - apposées dans les sacristies. On sait en outre que, sur ce thème du Sacerdos et Hostia, on a écrit diverses oeuvres de spiritualité sacerdotale, qui se recommandent toujours à l'attention des prêtres.

4. Et voici un autre point fondamental de la théologie eucharistico-sacerdotale, qui est l'objet de notre catéchèse : tout le ministère et tous les sacrements sont orientés vers l'Eucharistie, laquelle « contient tout le trésor spirituel de l'Église (cf. S. Thomas d'Aquin, Somme théol., III 65,3 ad 1m ; III 79,1), c'est-à-dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui le Pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création » (PO 5).

Par la célébration de l'Eucharistie se réalise donc la plus haute participation au culte parfait que le Christ, Souverain Prêtre, rend au Père, en tant que représentant et porte-parole de toute la création. Le prêtre, qui voit et reconnaît sa vie si profondément liée à l'Eucharistie, d'une part, ressent que les horizons de son esprit s'élargissent aux dimensions du monde entier, et même de la terre et du ciel, et d'autre part, il ressent que grandissent en lui le besoin et la responsabilité de communiquer ce trésor - « tout le trésor de l'Église » - à la communauté.

5. Aussi, dans ses intentions et son programme de ministère pastoral, conscient que la vie sacramentelle des fidèles est ordonnée à l'Eucharistie (cf. PO, PO 5), il veillera à ce que la formation chrétienne tende à une participation active et consciente des fidèles à la célébration eucharistique.

Il faut aujourd'hui redécouvrir le caractère central de cette célébration dans la vie chrétienne et donc dans l'apostolat. Les données concernant la participation des fidèles à la messe ne sont pas satisfaisantes : bien que le zèle de nombreux prêtres ait suscité une participation généralement fervente et active, le pourcentage des présences reste faible. Il est vrai que dans ce domaine, plus qu'en tout autre concernant la vie intérieure, la valeur des statistiques est très relative et que, par ailleurs, ce n'est pas la manifestation extérieure systématique du culte qui prouve sa consistance réelle. Mais on ne peut ignorer que le culte extérieur est normalement une conséquence logique du culte intérieur (cf. s. Thomas d'Aquin, Somme théol. , II-II II-II 81,7) et, dans le cas du culte eucharistique, c'est la conséquence de la foi même dans le Christ Prêtre et en son sacrifice rédempteur. Il ne serait pas sage non plus de minimiser l'importance de la célébration du culte en invoquant le fait que la vitalité de la foi chrétienne se manifeste par tout un comportement conforme à l'Évangile plutôt que par des gestes rituels. En effet, la célébration eucharistique n'est pas un simple geste rituel : elle est un sacrement, c'est-à-dire une intervention du Christ lui-même qui nous communique le dynamisme de son amour. Ce serait une illusion pernicieuse que de prétendre avoir un comportement conforme à l'Évangile sans en recevoir la force du Christ lui-même dans l'Eucharistie, sacrement qu'il a institué dans ce but. Une telle prétention serait une attitude d'autosuffisance, radicalement antiévangélique. L'Eucharistie donne au chrétien davantage de force pour vivre selon les exigences de l'Évangile ; elle l'insère toujours mieux dans la communauté ecclésiale dont il fait partie ; elle renouvelle et enrichit en lui la joie de la communion avec l'Église.

Aussi le prêtre s'efforce-t-il de favoriser de toutes les manières la participation à l'Eucharistie, par la catéchèse et les exhortations pastorales, et aussi par l'excellente qualité de la célébration, sous l'aspect liturgique et cérémonial. Aussi, comme le souligne le Concile (cf. PO, PO 5), il s'efforcera d'enseigner aux fidèles à offrir la Victime divine à Dieu le Père dans le sacrifice de la messe et à faire, en union avec cette Victime, l'offrande de leur propre vie au service de leurs frères. Les fidèles apprendront en outre à demander pardon pour leurs péchés, à méditer la Parole de Dieu, à prier d'un coeur sincère pour tous les besoins de l'Église et du monde, à mettre toute leur confiance dans le Christ Sauveur.

6. Enfin, je veux rappeler que le prêtre a aussi la mission de promouvoir le culte de la présence eucharistique, même en dehors de la célébration de la messe, en s'efforçant de faire de son église une « maison de prière » chrétienne : c'est-à-dire, selon le Concile, cette maison « où la présence du Fils de Dieu, notre Sauveur, qui s'est offert pour nous sur l'autel du sacrifice, est vénérée pour le soutien et le réconfort des chrétiens » (PO 5). Cette maison doit être adaptée à la prière et aux fonctions sacrées, que ce soit par le bon ordre, la propreté dans laquelle elle est tenue, comme aussi parla beauté artistique du cadre, qui a une grande importance pour la formation et inciter à la prière. Aussi le Concile recommande-t-il aux prêtres de « veiller à cultiver comme il se doit la science et l'art liturgiques » (PO 5).

J'ai mis l'accent sur certains aspects, car ils appartiennent eux aussi au cadre d'ensemble d'une bonne « pastorale » de la part des prêtres, spécialement des curés et de tous les responsables des églises et autres lieux de culte. En tout cas, je réaffirme le lien étroit entre le sacerdoce et l'Eucharistie, comme l'Église nous l'enseigne, et je réaffirme avec conviction, et aussi une joie profonde dans mon âme, que le prêtre est surtout l'homme de l'Eucharistie : le serviteur et le ministre du Christ en ce sacrement dans lequel - selon le Concile qui résume la doctrine des anciens Pères et Docteurs - « est renfermé tout le trésor spirituel de l'Église » (PO 5) ; tout prêtre, à tous les niveaux, dans tous les domaines de son travail, est serviteur et ministre du mystère pascal accompli sur la Croix et revécu sur l'autel, pour la Rédemption du monde



Mercredi 19 mai 1993 - Le Prêtre, pasteur de la communauté

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(
Jn 10,1-4)

1. Lors de nos catéchèses précédentes, nous avons expliqué la tâche des prêtres en tant que coopérateurs des évêques dans le domaine du magistère (instruire) et du ministère sacramentel (sanctifier). Nous allons parler aujourd’hui de leur coopération au gouvernement pastoral de la communauté. C’est pour les prêtres, comme pour les évêques, une participation au troisième aspect du triple munus du Christ (prophétique, sacerdotal, royal) : un reflet du sacerdoce suprême du Christ, unique Médiateur entre les hommes et Dieu, unique Maître, unique Pasteur. Dans une perspective ecclésiale, la tâche pastorale consiste principalement dans le service de l’unité, c’est-à-dire à assurer l’union de tous dans le Corps du Christ, qui est l’Église (cf. Pastores dabo vobis PDV 16).

2. Dans cette perspective, le Concile dit que, “ exerçant, pour la part d’autorité qui est la leur, la charge du Christ Chef et Pasteur, les prêtres, au nom de l’évêque, rassemblent la famille de Dieu comme une fraternité qui n’a qu’une âme, et la conduisent au Père par le Christ, dans l’Esprit ” (PO 6). C’est là le but essentiel de leur action de pasteurs et de l’autorité qui leur est conférée pour qu’ils l’exercent au niveau de responsabilité qui est le leur : mener à son plein développement de vie spirituelle et ecclésiale la communauté qui leur est confiée. Cette autorité, le prêtre-pasteur doit l’exercer en se conformant au modèle du Christ-Bon Pasteur, qui n’a pas voulu l’imposer par une contrainte extérieure mais en formant la communauté par l’action intérieure de son Esprit. Il a cherché à communiquer son ardent amour au groupe des disciples et à tous ceux qui accueillaient son message, pour faire naître une “ communauté d’amour ” que, au moment voulu, il a constitué aussi visiblement comme Église. En tant que coopérateurs des évêques, successeurs des Apôtres, les prêtres accomplissent eux aussi leur mission dans la communauté visible, en l’animant par la charité, pour qu’elle vive de l’Esprit du Christ.

3. C’est une exigence intrinsèque de la mission pastorale que l’animation ne soit pas régie par les désirs et les opinions personnelles du prêtre, mais par la doctrine de l’Évangile, comme le dit le Concile : “ Dans leur comportement envers les hommes, (les prêtres) ne doivent pas se régler en fonction de leurs goûts, mais selon les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes ” (PO 6).

Le prêtre a la responsabilité du fonctionnement organique de la communauté ; pour accomplir cette tâche l’évêque lui communique l’autorité nécessaire. Il lui appartient d’assurer l’harmonieux développement des divers services qui sont indispensables au bien de tous : trouver les collaborations adéquates pour la liturgie, la catéchèse, le soutien spirituel des époux ; favoriser le développement des diverses associations ou “ mouvements ” spirituels et apostoliques dans l’harmonie et la collaboration ; organiser l’aide caritative à ceux qui sont dans le besoin, aux malades, aux immigrés. En même temps, il doit assurer et promouvoir l’union de la communauté avec l’évêque et le Pape.

4. La dimension communautaire du soin pastoral ne peut pourtant négliger les besoins de chaque fidèle. Comme nous le lisons dans le Concile, “ il revient aux prêtres, en tant qu’éducateurs dans la foi, de veiller personnellement ou par d’autres à ce que chacun des fidèles soit conduit dans l’Esprit Saint à développer sa vocation propre et spécifique selon l’Evangile, à pratiquer une charité sincère et active, et à exercer cette liberté par laquelle le Christ nous a libérés ” (Presbyterorum ordinis PO 6). Le Concile souligne la nécessité d’aider chaque fidèle à découvrir sa vocation spécifique, comme une tâche propre et caractéristique du Pasteur qui veut respecter et promouvoir la personnalité de chacun. On peut dire que Jésus lui-même, Bon Pasteur qui “ appelle ses brebis une par une ” d’une voix qu’elles reconnaissent bien (cf. Jn Jn 10,3-4), a établi par son exemple le premier canon de la pastorale individuelle : la connaissance et la relation d’amitié avec les personnes. Il revient au prêtre d’aider chacun à faire bon usage de son don, et aussi à exercer avec droiture la liberté qui dérive du salut du Christ, comme le recommande Saint Paul (cf. Gal Ga 4,3 Ga 5,1 Ga 5,13 cf. également Jn 8,36).

Tout doit être orienté vers la pratique d’une “ charité sincère et active ”. Cela veut dire que “ les chrétiens doivent être formés à vivre non pas égoïstement, mais selon les exigences de la Loi nouvelle de la charité, qui veut que chacun administre en faveur du prochain la mesure de grâce qu’il a reçue, et qu’ainsi tous remplissent en chrétiens le rôle qui leur revient dans la communauté des hommes ” (PO 6). Aussi rentre-t-il dans la mission du prêtre de rappeler les obligations de la charité ; de montrer les applications de la charité à la vie sociale ; de favoriser un climat d’unité, dans le respect des différences ; de stimuler des initiatives et des oeuvres de charité pour lesquelles s’ouvrent, pour tous les fidèles, de grandes possibilités, spécialement avec le nouvel élan pris par le volontariat, pratiqué consciemment comme un bon emploi du temps libre et, en de nombreux cas, comme choix de vie.

5. C’est aussi personnellement que le prêtre est appelé à s’engager dans les oeuvres de charité, parfois même selon des formes extraordinaires, comme cela est arrivé dans l’histoire et se produit encore aujourd’hui. Je voudrais ici surtout souligner cette charité simple, habituelle, presque rejetée mais constante et généreuse, qui se manifeste non pas tant par des oeuvres voyantes – pour lesquelles tous n’ont pas le talent et la vocation –, mais dans l’exercice quotidien de la bonté qui vient en aide, soutient, réconforte, selon ce qui est possible à chacun. Il est clair que l’attention principale, et l’on peut dire la préférence, doit aller aux “ pauvres et aux plus faibles, dont l’évangélisation est donnée comme un signe de l’oeuvre messianique ” ; aux “ malades et aux mourants ”, que le prêtre doit porter dans le coeur également “ en les visitant et en les réconfortant dans le Seigneur ” ; aux “ jeunes, qu’il faut suivre avec particulièrement de soin ” ; et encore aux “ époux et aux parents ” (PO 6). Particulièrement aux jeunes, qui sont l’espérance de la communauté, le prêtre doit consacrer son temps, ses énergies, ses capacités, pour favoriser leur éducation chrétienne et leur maturation dans l’obligation de cohérence avec l’Évangile.

Le Concile recommande aussi aux prêtres “ les catéchumènes et les néophytes, qu’il faut éduquer graduellement à connaître et pratiquer la vie chrétienne ” (PO 6).

6. Enfin, il faut attirer l’attention sur la nécessité de dépasser toute vision trop restreinte de la communauté locale, toute attitude particulariste et, comme on dit, de clocher, pour nourrir au contraire l’esprit communautaire qui sait s’ouvrir aux horizons de l’Église universelle. Même quand le prêtre doit consacrer son temps et ses soucis à la communauté locale qui lui est confiée, comme c’est spécialement le cas des curés et de leurs collaborateurs directs, son esprit doit rester ouvert aux “ moissons des champs ” au-delà de toutes frontières, soit comme dimension universelle de l’esprit, soit comme participation personnelle aux tâches missionnaires de l’Église, soit comme zèle pour promouvoir la collaboration de sa propre communauté par les aides spirituelles et matérielles dont on a besoin (cf. Redemptoris missio RMi 67 Pastores dabo vobis, PDV 32).

“ En vertu du sacrement de l’Ordre – affirme le Catéchisme de l’Église catholique –, les prêtres participent aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres. “Le don spirituel qu’ils ont reçu dans l’ordination les prépare, non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut très vaste et universelle, jusqu’aux extrémités de la terre” (PO 10), “prêts au fond du coeur à prêcher l’Évangile en quelque lieu que ce soit” (OT 20) ” (CEC 1565).

7. De toute façon, tout sera référé à l’Eucharistie, où se trouve le principe vital de l’animation pastorale. Comme le dit le Concile, “ il est impossible que se forme une communauté chrétienne si ce n’est en ayant la célébration de la Sainte Eucharistie comme racine et pivot : c’est donc par celle-ci que doit commencer toute éducation qui vise à former l’esprit de communauté ” (PO 6). L’Eucharistie est la source de l’unité et l’expression la plus parfaite de l’union de tous les membres de la communauté chrétienne. C’est la tâche des prêtres de faire en sorte qu’il en soit ainsi. Il arrive malheureusement que les célébrations eucharistiques ne sont pas, parfois, des expressions d’unité. Chacun y assiste de manière isolée, ignorant les autres. Avec une grande charité pastorale, les prêtres rappelleront à tous l’enseignement de saint Paul : “ Parce qu’il n’y a qu’un seul pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un seul corps, car tous nous participons à ce pain unique ”, qui “ est communion au Corps du Christ ” (1Co 10,16-17). La conscience de cette union dans le Corps du Christ stimulera une vie de charité et de solidarité effective.

L’Eucharistie est donc le principe vital de l’Église comme communauté des membres du Christ : c’est d’elle que l’animation pastorale tire son inspiration, sa force et sa dimension.


Mercredi 26 mai 1993 - Le Prêtre, homme consacré a Dieu

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(
Jn 17,15-19)


1. Toute la tradition chrétienne, qui découle de la sainte Écriture, parle du prêtre comme d’un “ homme de Dieu ”, un homme consacré à Dieu. Homo Dei : c’est une définition qui vaut pour tout chrétien, mais que saint Paul adresse en particulier à l’évêque Timothée, son disciple, en lui recommandant d’utiliser la sainte Écriture (cf. 2Tm 3,16). Elle convient au prêtre, comme à l’évêque, en raison de sa spéciale consécration à Dieu. En vérité, il y a déjà dans le baptême une consécration première et fondamentale de la personne, avec libération du mal et entrée dans un état de particulière appartenance ontologique et psychologique à Dieu (cf. S. Thomas, Somme théol. , II-II 81,8). L’ordination sacerdotale confirme et approfondit cet état de consécration, comme l’a rappelé le Synode des évêques de 1971, en se référant au sacerdoce du Christ auquel le prêtre participe par l’onction de l’Esprit Saint (cf. Le sacerdoce ministériel, II, I, 3 : Ench. Vat., 4, 1200-1201).

Ici, le Synode a repris la doctrine du Concile Vatican II qui, après avoir rappelé aux prêtres le devoir de tendre à la perfection en vertu de la “ consécration ” baptismale, ajoutait : “ Cette perfection, les prêtres sont spécialement tenus d’y tendre puisque - ayant reçu une nouvelle consécration à Dieu à travers l’Ordination - ils sont élevés à cette condition d’instruments vivants du Christ Prêtre éternel, pour poursuivre dans le temps son oeuvre admirable qui a réintégré avec une efficacité divine tout le genre humain ” (PO 12). C’était aussi la recommandation de Pie XI dans l’Encyclique Ad catholici sacerdotii, du 20 décembre 1935 (cf. AAS 28, 1936, p. 10).

Selon la foi de l’Église, par l’Ordination sacerdotale ce n’est donc pas seulement une nouvelle mission dans l’Église qui est conférée, un ministère, mais une nouvelle “ consécration ” de la personne, liée au caractère imprimé par le sacrement de l’Ordre, comme signe spirituel et indélébile d’une appartenance spéciale au Christ dans l’être et, par conséquent, dans l’agir. Dans le prêtre, l’exigence de la perfection est donc à la mesure de la participation au sacerdoce du Christ comme auteur de la Rédemption : le ministre ne peut se dispenser de reproduire en lui les sentiments, les tendances intimes et les intentions, l’esprit d’oblation au Père et de service aux frères qui est le propre de l’“ Agent principal ”.

2. Il en découle chez le prêtre une sorte de seigneurie de la grâce, qui lui donne de jouir de l’union avec le Christ et, en même temps, d’être dédié au service pastoral de ses frères. Comme le dit le Concile, puisque le prêtre “ d’une façon qui lui est propre, agit au nom et dans la personne du Christ lui-même, il jouit aussi d’une grâce spéciale, en vertu de laquelle, tandis qu’il est au service de ceux qui lui sont confiés et du peuple de Dieu tout entier, il peut s’approcher plus efficacement de la perfection de celui dont il est le représentant, et à la faiblesse de la nature humaine il est remédié par la sainteté de Celui qui est devenu pour nous le Grand Prêtre, “saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs”, comme le dit la Lettre aux Hébreux (7, 26) ” (PO 12 cf. Pastores dabo vobis PDV 20). De cette façon, le prêtre est tenu à une imitation spéciale du Christ Prêtre, qui est le fruit de la grâce spéciale de l’Ordre : grâce d’union au Christ Prêtre et Hostie et, en vertu de cette union elle-même, grâce d’un bon service pastoral de ses frères.

À ce propos, il est utile de rappeler l’exemple de saint Paul. Il vivait en apôtre entièrement consacré, lui qui avait été “ conquis par le Christ Jésus ”, et il tout abandonné pour vivre uni à lui (cf. Ph Ph 3,7-12). Il se sentait tellement comblé de la vie du Christ qu’il pouvait dire en toute franchise : “ Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi ” (Ga 2,20). Et pourtant, après avoir fait allusion aux faveurs extraordinaires qu’il avait reçues en tant qu’“ homme dans le Christ ” (2Co 12,2), il ajoutait qu’il souffrait d’une écharde dans sa chair, d’une épreuve dont il n’avait pas obtenu d’être libéré. Malgré une triple demande adressée au Seigneur, il l’avait entendu lui répondre : “ Ma grâce te suffit, car la force se déploie dans la faiblesse ” (2Co 12,9).

À la lumière de cet exemple, le prêtre peut mieux comprendre qu’il doit s’efforcer de vivre pleinement sa propre consécration en demeurant uni au Christ et en se laissant pénétrer de son Esprit, malgré l’expérience de ses limites humaines. Celles-ci ne l’empêcheront pas d’accomplir son ministère, parce qu’il bénéficie d’une “ grâce qui lui suffit ”. C’est donc en cette grâce que le prêtre doit mettre sa confiance et c’est à elle qu’il doit recourir, sachant que, ainsi, il peut tendre à la perfection, avec l’espérance de progresser toujours davantage dans la sainteté.

3. La participation au sacerdoce du Christ ne peut pas ne pas susciter chez le prêtre également un esprit sacrificiel, une sorte de “ pondus crucis ”, de “ poids de la Croix ”, qui se manifeste spécialement par la mortification. Comme le dit le Concile, “ le Christ, que le Père a sanctifié et consacré, en l’envoyant dans le monde (cf. Jn Jn 10,36), s’est offert lui-même en notre faveur, afin de nous racheter de toute iniquité (Tt 2,14). De même, les prêtres, consacrés par l’onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, mortifient en eux-mêmes les oeuvres de la chair et se dévouent entièrement au service des hommes, et de cette façon peuvent progresser dans la sainteté dont le Christ leur a fait don, jusqu’à arriver à l’état de l’Homme parfait ” (PO 12).

C’est l’aspect ascétique du chemin de la perfection qui, chez le prêtre, ne peut pas être sans renoncements et sans luttes contre toutes sortes de désirs et d’aspirations qui lui feraient rechercher les biens de ce monde, compromettant son progrès intérieur. C’est le “ combat spirituel ” dont traitent les maîtres d’ascèse, qui s’impose à tout disciple du Christ, mais spécialement à tout ministre de l’oeuvre de la Croix, appelé à refléter en soi-même l’image de celui qui est Sacerdos et Hostia.

4. Évidemment, il faudra toujours une ouverture et une correspondance à la grâce, ce qui provient encore de celui qui suscite “ le vouloir et l’opération même ” (Ph 2,13), mais qui exige aussi l’emploi des moyens de mortification et de discipline de soi-même, sans lesquels on reste comme un terrain impénétrable. La tradition ascétique a toujours indiqué – et, d’une certaine manière, prescrit – aux prêtres, comme moyens de sanctification, spécialement la convenable célébration de la messe, la récitation ponctuelle de l’Office divin (à ne pas “ maltraiter ”, comme recommandait S. Alphonse M. de Liguori), la visite au Saint-Sacrement, la pratique journalière du chapelet, de la méditation et la réception périodique du sacrement de la Pénitence. Ces moyens sont toujours valables et indispensables. Il faut accorder une particulière importance au sacrement de la Pénitence, dont la pratique méthodique facilite chez le prêtre la formation d’une image réaliste de lui-même, avec pour conséquence la conscience d’être, lui aussi, un homme fragile et pauvre, pécheur parmi les pécheurs, qui a besoin de pardon. Il arrive ainsi à la “ vérité sur lui-même ” et s’éduque à recourir avec confiance à la miséricorde divine (cf. Reconciliatio et paenitentia, RP 31 Pastores dabo vobis, 26).

De plus, il faut toujours rappeler que, comme le dit le Concile, “ les prêtres rejoindront la sainteté de la façon qui leur est propre si, dans l’Esprit du Christ, ils exercent leurs fonctions en s’investissant sincèrement et inlassablement ” (PO 13). Ainsi, l’annonce de la Parole les encourage à réaliser en eux-mêmes ce qu’ils enseignent aux autres. La célébration des sacrements les fortifie dans la foi et dans l’union avec le Christ. Tout l’ensemble du ministère pastoral développe en eux la charité : “ En gouvernant et en faisant paître le Peuple de Dieu, les prêtres sont poussés par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour le troupeau, prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême ” (PO 13). Leur idéal sera de parvenir, dans le Christ, à l’unité de vie, en réalisant une synthèse entre prière et ministère, entre contemplation et action, grâce à la recherche constante de la volonté du Père et au don de soi pour le troupeau (cf. PO, PO 14).

5. Par ailleurs, c’est une source de courage et de joie pour le prêtre que de savoir que son engagement personnel de sanctification contribue à l’efficacité de son ministère. En effet, “ s’il est vrai – comme le rappelle le Concile – que la grâce de Dieu peut accomplir l’oeuvre du salut même à travers des ministres indignes, il n’empêche qu’à l’ordinaire, Dieu préfère manifester ses grandeurs à travers ceux qui, s’étant rendus plus dociles aux impulsions et à la direction du Saint-Esprit, peuvent dire avec l’Apôtre, grâce à leur intime union avec le Christ et à leur sainteté de vie : “Désormais ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi” (Ga 2,20) ” (PO 12).

Quand le prêtre reconnaît qu’il est appelé à servir d’instrument du Christ, il ressent le besoin de vivre en union intime avec le Christ, afin d’être un instrument valable de “ l’Agent principal ”. Aussi cherche-t-il à reproduire en lui-même la “ vie consacrée ” (sentiments et vertus) du Prêtre unique et éternel, qui lui communique non seulement son pouvoir mais aussi son état d’oblation à la réalisation du dessein divin. Sacerdos et Hostia.

6. Je terminerai par la recommandation du Concile : “ Ce Saint Synode, pour atteindre ses finalités pastorales de renouvellement intérieur de l’Église, de diffusion de l’Évangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde, exhorte vivement tous les prêtres à employer les moyens efficaces que l’Église a recommandés, pour pouvoir tendre à cette sainteté toujours plus grande qui leur permettra de devenir des instruments chaque jour plus adaptés au service de tout le Peuple de Dieu ” (PO 12). C’est là la contribution la plus importante que nous pourrons donner à l’édification de l’Église comme commencement du Royaume de Dieu en ce monde.



                                                                                 

                                                                                  Juin 1993


Mercredi 2 juin 1993 - Le Prêtre, homme de la prière

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1. Revenons aujourd'hui sur quelques pensées auxquelles nous avons déjà fait allusion dans nos catéchèses précédentes, afin de souligner encore davantage les exigences et les conséquences de la réalité d'homme consacré à Dieu, que nous avons déjà indiquées.

En un mot, nous pouvons dire que, consacré à l'image du Christ, le prêtre doit, comme le Christ lui-même, être un homme de prière. Cette définition synthétique contient toute sa vie spirituelle : elle donne au prêtre une véritable identité chrétienne, elle le qualifie comme prêtre et elle est le principe qui anime son apostolat.

L'Évangile nous montre Jésus en prière à chaque moment important de sa mission. Sa vie publique, inaugurée au baptême, commence par la prière (cf. Lc
Lc 3,21). Même dans les moments de la plus intense prédication aux foules, il se réserve de longues haltes de prière (Mc 1,35 Lc 5,16). Avant de choisir les Douze, il passe une nuit en prière (Lc 6,12). Il prie avant de demander à ses Apôtres une profession de foi (Lc 9,18). Il prie après le miracle des pains, seul, sur la montagne (Mt 14,23 Mc 6,46). Il prie avant d'enseigner à ses disciples à prier (Lc 11,1). Il prie avant l'exceptionnelle révélation de la Transfiguration : il a gravi la montagne précisément pour prier (Mc 9,28). Il prie avant d'accomplir un miracle (Jn 11,41-42). Il prie au cours de la dernière Cène, pour confier au Père son avenir et celui de son Église (Jn 17). À Gethsémani, il adresse au Père la prière douloureuse de son âme affligée et presque effrayée (Mc 14,35-39 et par.). Sur la Croix, il lui adresse ses ultimes invocations, pleines d'angoisse (Mt 27,46) mais aussi de confiant abandon (Lc 23,46). On peut dire que toute la mission du Christ est animée par la prière, depuis le tout début de son ministère messianique jusqu'à l'acte sacerdotal suprême : le sacrifice de la Croix, qui s'est accompli dans la prière.

2. Ceux qui sont appelés à la mission et au sacrifice du Christ trouvent dans la comparaison avec son exemple l'élan qui les pousse à donner à la prière la place qui lui revient dans leur vie, comme fondement, racine, garantie de sainteté dans l'action. Nous apprenons de Jésus qu'un exercice fructueux du sacerdoce n'est pas possible sans la prière, qui garde le prêtre du danger de mettre de côté la vie intérieure en privilégiant l'action, et de la tentation de se lancer dans des activités jusqu'à s'y perdre.

Le Synode des évêques de 1971, après avoir affirmé que « la norme de la vie sacerdotale » se trouve dans la consécration du Christ, source de la consécration de ses Apôtres, applique cette norme à la prière par ces mots : « À l'exemple du Christ, qui était continuellement en prière, et sous l'impulsion de son Esprit par lequel nous crions : « Abba, Père », les prêtres doivent s'adonner à la contemplation de la Parole de Dieu et en tirer chaque jour l'occasion de juger les événements de la vie à la lumière de l'Évangile, de sorte que, se faisant auditeurs fidèles et attentifs du Verbe, ils deviennent des ministres crédibles de la parole ; qu'ils soient assidus à la prière personnelle, à la Liturgie des Heures, à l'usage fréquent du sacrement de pénitence et, surtout, à la dévotion envers le mystère de l'Eucharistie » (Ench. Vat., 4, 1201).

3. Quant à lui, le Concile Vatican II n'a pas manqué de rappeler au prêtre la nécessité d'être habituellement uni au Christ, et il a recommandé dans ce but l'assiduité à la prière : « Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d'oraison et les diverses formes de prière que chacun peut préférer, permettent aux prêtres de rechercher et d'implorer de Dieu le véritable esprit d'adoration qui unit au Christ, Médiateur de la nouvelle Alliance » (PO 18). Comme on le voit, parmi les formes possibles d'oraison, le Concile attire l'attention sur l'oraison mentale, qui est une manière libre de prier, sans formules rigides, qui n'exige pas que l'on prononce des paroles et qui répond à la conduite de l'Esprit Saint dans la contemplation du mystère divin.

4. Le Synode des évêques de 1971 insiste en particulier sur « la contemplation de la Parole de Dieu » (cf. Ench. Vat., 4, 1201). Le mot « contemplation », avec le poids d'effort spirituel qu'il comporte, ne doit pas nous effrayer. On peut dire que, indépendamment des formes et des styles de vie, parmi lesquels la « vie contemplative » reste toujours le plus splendide joyau de l'Épouse du Christ, l'Église, l'appel à écouter et à méditer la Parole de Dieu dans un esprit contemplatif vaut pour tous, pour qu'elle nourrisse l'intelligence comme le coeur. Cela favorise chez le prêtre la formation d'une mentalité, d'une manière de regarder le monde avec sagesse, dans la perspective de sa finalité suprême : Dieu et son dessein de salut. Le Synode dit : « Juger les événements à la lumière de l'Évangile » (Ench. Vat., 4, 1201). C'est en cela que consiste la sagesse surnaturelle, surtout comme don de l'Esprit Saint, qui donne la faculté de bien juger à la lumière des « raisons ultimes », des « choses éternelles ». La sagesse devient ainsi le facteur principal de la totale identification au Christ dans la pensée, le jugement, l'évaluation de toutes choses, qu'elles soient grandes ou petite, afin que le prêtre - comme et plus que le chrétien - reflète en lui la lumière, l'adhésion au Père, l'activité, le rythme de prière et d'action, et comme - pourrait-on dire - la respiration spirituelle du Christ. On peut y parvenir en se laissant conduire par l'Esprit Saint dans la méditation de l'Évangile, qui favorise l'approfondissement de l'union au Christ, aide à entrer toujours davantage dans la pensée du Maître et renforce l'attachement de personne à personne avec lui. Si le prêtre y est assidu, il demeure plus facilement dans un état de joie consciente, qui naît de la perception de l'intime réalisation personnelle de la Parole de Dieu qu'il doit enseigner aux autres. En effet, comme le dit le Concile, les prêtres, « en cherchant le meilleur moyen de transmettre aux autres ce qu'ils ont contemplé, goûteront plus profondément «l'incomparable richesse du Christ » (Ep 3,8) et la sagesse de Dieu en sa riche diversité » (PO 13). Prions le Seigneur de bien vouloir nous accorder un grand nombre de prêtres qui, dans leur vie de prière, découvrent, assimilent, goûtent la sagesse de Dieu et qui, comme l'apôtre Paul, ressentent une inclination surnaturelle à l'annoncer et à la dispenser, comme la vraie raison de leur apostolat (cf. Pastores dabo vobis PDV 47).

5. Parlant de la prière des prêtres, le Concile rappelle et recommande aussi la « Liturgie des Heures », qui unit la prière personnelle du prêtre à celle de l'Église. « Par l'office divin - dit-il - ils prêtent leur voix à l'Église qui, sans interruption, prie au nom de toute l'humanité, en union avec le Christ, «toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (He 7,25) » (PO 13).

En vertu de la mission de représentation et d'intercession qui lui est confiée, le prêtre est formellement obligé d'accomplir cette forme de prière « officielle », faite par délégation de l'Église au nom, non seulement des croyants, mais de tous les hommes et, peut-on dire, de toutes les réalités de l'univers (cf. CIC, CIC 1174, § 1). Participant du sacerdoce du Christ, il intercède pour les besoins de l'Église, du monde, de tout être humain, sachant qu'il est l'interprète et le véhicule de la voix universelle qui chante la gloire de Dieu et demande le salut de l'homme.

6. Il n'est pas inutile de rappeler que, pour mieux assurer la vie de prière, la retremper et la renouveler en puisant à ses sources, les prêtres sont invités par le même Concile à consacrer - en plus du temps destiné à la pratique quotidienne de l'oraison - des périodes plus longues à l'intimité avec le Christ : « Ils doivent aimer les temps de retraite » (PO 18). Il leur recommande en outre de « tenir en grande estime la direction spirituelle » ( PO PO 18). Ce sera pour eux comme la main d'un ami et d'un père qui les aide dans leur marche. Et en faisant l'expérience des bienfaits de cette aide, à leur tour, ils seront d'autant plus disposés à offrir cette aide à ceux qui sont confiés à leur ministère sacerdotal. Cela sera une grande ressource pour beaucoup d'hommes d'aujourd'hui, spécialement pour les jeunes, et constituera un facteur déterminant dans la solution du problème des vocations, comme le montre l'expérience de tant de générations de prêtres et de religieux.

Dans notre catéchèse précédente, nous avons déjà signalé l'importance du sacrement de pénitence. Le Concile en recommande aux prêtres « l'usage fréquent ». Il est évident que celui qui exerce le ministère de réconciliation des chrétiens avec le Seigneur par le moyen du sacrement du pardon doit, lui aussi, recourir à ce sacrement. Il sera le premier à se reconnaître pécheur et à croire dans le pardon divin qui s'exprime par l'absolution sacramentelle. Dans l'administration du sacrement du pardon, cette conscience d'être lui-même pécheur l'aidera à mieux comprendre les pécheurs. La Lettre aux Hébreux ne dit-elle pas du prêtre, pris parmi les hommes : « Il peut ressentir de la commisération pour les ignorants et les égarés, puisqu'il est lui-même également enveloppé de faiblesse » (He 5,2) ? De plus, le recours personnel au sacrement de pénitence pousse le prêtre à une plus grande disponibilité à administrer ce sacrement aux fidèles qui le demandent.

Ceci est également une grande urgence de la pastorale de notre temps.

7. Mais la prière des prêtres atteint son sommet dans la célébration eucharistique, « leur fonction principale » (PO 13). C'est un point tellement important pour la vie de prière du prêtre que nous voulons lui consacrer notre prochaine catéchèse.




Catéchèses S. J-Paul II 12593