Catéchèses S. J-Paul II 9693

Mercredi 9 juin 1993 - L'Eucharistie dans la vie spirituelle du prêtre

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(
1Co 10,15-17)



Le regard des croyants du monde entier se tourne ces jours-ci vers Séville où, comme vous le savez bien, on célèbre le Congrès eucharistique international ; j’aurai la joie de m’y rendre samedi et dimanche prochains.

Au début de notre rencontre de ce jour, où nous réfléchirons sur la valeur de l’Eucharistie dans la vie spirituelle du prêtre, je vous invite paternellement à vous unir spirituellement à cette grande et importante célébration qui appelle chacun à un véritable renouveau de la foi et de la dévotion à la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie.

1. Les catéchèses que nous faisons sur la vie spirituelle du prêtre valent spécialement pour les prêtres, mais elles s’adressent à tous les fidèles. En effet, il est bon que tous connaissent la doctrine de l’Église sur le sacerdoce et ce qu’elle souhaite de ceux qui, parce qu’ils en ont été revêtus, ont été rendus conformes à l’image sublime du Christ, Prêtre éternel et Hostie très sainte du sacrifice salvifique. Cette image se dessine dans la Lettre aux Hébreux et dans d’autres textes des Apôtres et des Évangélistes, et elle a été fidèlement transmise par la tradition de pensée et de vie de l’Église. Aujourd’hui encore, il est nécessaire que le clergé demeure fidèle à cette image où se reflète la vérité vivante du Christ Prêtre et Hostie.

2. La reproduction de cette image chez les prêtres se réalise principalement dans leur participation vitale au mystère eucharistique, auquel le sacerdoce chrétien est essentiellement ordonné et lié. Le Concile de Trente a souligné que le lien existant entre sacerdoce et sacrifice dépend de la volonté du Christ, qui a communiqué à ses ministres “ le pouvoir de consacrer, d’offrir et de distribuer son corps et son sang ” (cf. DS DS 1764 FCC 9288). Il y a en cela un mystère de communion avec le Christ dans l’être et dans l’agir, qui exige d’être traduit dans une vie spirituelle imprégnée de foi et d’amour envers l’Eucharistie.

Le prêtre est bien conscient qu’il ne peut pas compter sur ses propres efforts pour atteindre les buts du ministère, mais qu’il est appelé à servir d’instrument à l’action victorieuse du Christ, dont le sacrifice, rendu présent sur l’autel, procure à l’humanité l’abondance des dons divins. Mais il sait aussi que, pour prononcer dignement, au nom même du Christ, les paroles consécratoires : “ Ceci est mon corps ”, “ Ceci est le calice de mon sang ”, il doit vivre profondément uni au Christ, et chercher à reproduire en lui son visage. Plus il vit intensément de la vie du Christ, plus il peut authentiquement célébrer l’Eucharistie.

Le Concile Vatican II a rappelé que, “ surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres agissent d’une manière spéciale au nom et en la personne du Christ ” (PO 13) et que, donc, sans prêtre, il ne peut y avoir de sacrifice eucharistique ; mais il a également réaffirmé que ceux qui célèbrent ce sacrifice doivent remplir leur rôle dans une intime union spirituelle avec le Christ, avec grande humilité, comme ses ministres au service de la communauté : ils doivent “ imiter ce qu’ils traitent, au sens où célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent chercher à mortifier leurs membres vis-à-vis des vices et des concupiscences ” (PO 13). Quand ils offrent le sacrifice eucharistique, les prêtres doivent s’offrir personnellement avec le Christ, acceptant tous les renoncements et tous les sacrifices demandés par la vie sacerdotale. Encore et toujours, avec le Christ et comme le Christ, Sacerdos et Hostia.

3. Si le prêtre “ ressent ” cette vérité qui lui est proposée, ainsi qu’à tous les fidèles, comme la voix du Nouveau Testament et de la Tradition, il comprend la chaude recommandation du Concile en faveur d’une “ célébration quotidienne (de l’Eucharistie), qui est toujours un acte du Christ et de son Église, même quand il n’est pas possible que des fidèles y assistent ” (PO 13). En ces années, était apparue la tendance à ne célébrer l’Eucharistie que quand il y avait l’assemblée des fidèles. Selon le Concile, s’il est vrai qu’il faut faire ce qui est possible pour réunir les fidèles pour la célébration, il est tout aussi vrai que, même quand le prêtre reste seul, l’offrande eucharistique qu’il accomplit au nom du Christ a l’efficacité qui provient du Christ et procure toujours de nouvelles grâces à l’Église. Je recommande donc moi aussi aux prêtres et à tout le peuple chrétien de demander au Seigneur une foi plus intense en cette valeur de l’Eucharistie.

4. Le Synode des évêques de 1971 a repris la doctrine conciliaire en déclarant : “ La célébration eucharistique, même si elle se fait sans la participation des fidèles, demeure cependant le centre de la vie de toute l’Église et le coeur de l’existence sacerdotale ” (cf. Le sacerdoce ministériel, III, I, 3 : Ench. Vat., 4, 1201 ; SMME 601).

Voici une grande affirmation : “ le centre de la vie de toute l’Église ”. C’est l’Eucharistie qui fait l’Église, comme l’Église fait l’Eucharistie. Le prêtre, chargé de construire l’Église, réalise cette tâche essentiellement par l’Eucharistie. Même quand il n’y a pas de participation des fidèles, il coopère à rassembler les hommes autour du Christ dans l’Église par l’offrande eucharistique.

Le Synode parle en outre de l’Eucharistie comme du “ coeur de l’existence sacerdotale ”. Cela signifie que le prêtre, désireux d’être et de rester personnellement et profondément attaché au Christ, est le premier à trouver dans l’Eucharistie le sacrement qui réalise cette union intime, ouverte à une croissance qui peut atteindre jusqu’au niveau d’une identification mystique.

5. À ce niveau également, qui est celui de tant de saints prêtres, l’âme sacerdotale ne se ferme pas sur elle-même, précisément parce que, dans l’Eucharistie, elle puise d’une manière particulière à “ la charité de celui qui se donne en nourriture aux fidèles ” (PO 13). Elle se sent donc portée à se donner elle-même aux fidèles auxquels elle distribue le Corps du Christ. C’est justement en se nourrissant de ce Corps qu’elle est poussée à aider les fidèles à s’ouvrir à leur tour à cette même présence en se nourrissant de son infinie charité, pour tirer du sacrement un fruit toujours plus riche.

Dans ce but, le prêtre peut et doit assurer le climat nécessaire à une célébration eucharistique profitable. C’est le climat de la prière. Prière liturgique, à laquelle le peuple doit être appelé et éduqué. Prière de contemplation personnelle. Prière des saines traditions populaires chrétiennes, qui peut préparer et suivre et, d’une certaine manière, aussi accompagner la messe. Prière des lieux saints, de l’art sacré, du chant sacré, des exécutions musicales (spécialement avec l’orgue), qui se trouve comme incarnée dans les formules et les rites, et qui anime et réanime continuellement toutes choses, afin qu’elles puissent participer à la glorification de Dieu et à l’élévation spirituelle du peuple chrétien réuni dans l’assemblée eucharistique.

6. Le Concile recommande également au prêtre, en plus de la célébration quotidienne de la messe, “ le culte personnel de la sainte Eucharistie ” et particulièrement “ le dialogue quotidien avec le Christ, en allant lui rendre visite au tabernacle ” (PO 18). La foi et l’amour pour l’Eucharistie ne peuvent permettre que la présence du Christ au tabernacle demeure solitaire (cf. CEC, CEC 1418). Déjà dans l’Ancien Testament, on lit que Dieu habitait sous une “ tente ” (ou “ tabernacle ”), qui s’appelait la “ Tente du Rendez-Vous ” (Ex 33,7). La rencontre était désirée par Dieu. On peut dire que, également dans le tabernacle de l’Eucharistie, le Christ est présent en vue d’un dialogue avec son nouveau peuple et avec chaque fidèle. Le prêtre est le premier appelé à entrer sous cette tente du rendez-vous, à rendre visite au Christ présent dans le tabernacle pour un “ dialogue quotidien ”.

Je veux enfin rappeler que le prêtre est appelé plus que quiconque à partager la disposition fondamentale du Christ en ce sacrement, c’est-à-dire “ l’action de grâces ”, d’où il tire son nom. En s’unissant au Christ Prêtre et Hostie, le prêtre, non seulement partage son oblation, mais aussi ses sentiments, sa disposition de gratitude envers le Père pour les bienfaits accordés à l’humanité, à toute âme, au prêtre lui-même, à tous ceux qui, au ciel et sur la terre, sont admis à la participation de la gloire de Dieu. Gratias agimus tibi propter magnam gloriam tuam… Ainsi, aux expressions d’accusation et de protestation contre Dieu – que l’on entend souvent dans le monde –, le prêtre oppose le choeur de louanges et de bénédictions qui monte de ceux qui savent reconnaître dans l’homme et dans le monde les signes d’une bonté infinie.


Mercredi 30 juin 1993 - La dévotion à la très sainte Vierge Marie dans la vie du Prêtre

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(
Jn 19,25-27)

1. Dans les biographies des prêtres saints, on traite toujours de la grande part qu’ils ont attribuée à Marie dans leur vie sacerdotale. Aux “ vies écrites ” correspond l’expérience des “ vies vécues ” de tant de chers et vénérés prêtres que le Seigneur a placés comme de vrais ministres de la grâce divine au milieu des populations confiées à leur soin pastoral, ou comme prédicateurs, aumôniers, confesseurs, professeurs, écrivains. Les directeurs et les maîtres spirituels insistent sur l’importance de la dévotion à Notre-Dame dans la vie du prêtre, comme soutien efficace sur le chemin de la sanctification, réconfort constant dans les épreuves personnelles, énergie puissante dans l’apostolat.

Le Synode des évêques de 1971 a transmis lui aussi cette voix de la tradition chrétienne aux prêtres d’aujourd’hui, quand il a recommandé : “ L’esprit tourné vers les choses célestes et participant à la communion des saints, que le prêtre regarde très souvent vers Marie, la Mère de Dieu, qui a accueilli le Verbe de Dieu avec une foi parfaite. Qu’il l’invoque chaque jour pour obtenir la grâce d’être rendu conforme à son Enfant ” (cf. Le sacerdoce ministériel, III, I, 3 ; SMME 601 ; Ench. Vat. 4, 1202). La raison profonde de la dévotion du prêtre à la très sainte Vierge Marie se fonde sur la relation essentielle qui a été établie, dans le plan divin, entre la Mère de Jésus et le sacerdoce des ministres de son Fils. Nous voudrions approfondir cet aspect important de la spiritualité sacerdotale et en tirer les conséquences pratiques.

2. La relation entre Marie et le sacerdoce résulte avant tout du fait de sa maternité. En devenant – par son consentement au message de l’Ange – Mère du Christ, Marie est devenue la Mère du Souverain Prêtre. C’est une réalité objective : en assumant lors de l’Incarnation la nature humaine, le Fils éternel de Dieu a réalisé la condition nécessaire pour devenir, par sa mort et sa résurrection, le Prêtre unique de l’humanité (cf. He He 5,1). Au moment de l’Incarnation, nous pouvons admirer une parfaite correspondance entre Marie et son Fils. En effet, la Lettre aux Hébreux nous révèle que, “ en entrant dans le monde ”, Jésus a pris une orientation sacerdotale vers son sacrifice personnel, en disant à Dieu : “ Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation, mais tu m’as façonné un corps… Alors j’ai dit : “voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté” ” (He 10, 5, 7). L’Évangile nous rapporte que, au même moment, la Vierge Marie a exprimé la même disposition en disant : “ Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole ” (Lc 1,38). Cette parfaite correspondance nous démontre que, entre la maternité de Marie et le sacerdoce du Christ, une relation intime s’est établie. Il résulte de ce même fait qu’il existe un lien spécial du sacerdoce ministériel avec la très sainte Vierge Marie.

3. Comme nous le savons, la très sainte Vierge a joué son rôle de mère non seulement dans l’engendrement physique de Jésus, mais aussi dans sa formation morale. En vertu de sa maternité, il lui revenait d’éduquer l’Enfant Jésus conformément à sa mission sacerdotale, dont elle avait compris la signification dans l’annonce de l’Incarnation.

On peut donc reconnaître dans le consentement de Marie une adhésion à la vérité substantielle du sacerdoce du Christ et l’acceptation de coopérer à sa réalisation dans le monde. Ainsi était posée la base objective du rôle que Marie était appelée à jouer également dans la formation des ministres du Christ, participants de son sacerdoce. J’y ai fait allusion dans mon Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis: tous les aspects de la formation sacerdotale peuvent être mis en rapport avec Marie (PDV 82).

4. Nous savons de plus que Notre-Dame a vécu en plénitude le mystère du Christ, découvert toujours plus à fond grâce à sa réflexion personnelle sur les événements de la nativité et de l’enfance de Jésus (cf. Lc Lc 2,19 Lc 2,51). Elle s’efforçait de pénétrer, par l’intelligence et le coeur, dans le dessein de Dieu, afin d’y collaborer d’une manière consciente et efficace. Qui mieux qu’elle pourrait aujourd’hui éclairer les ministres de son Fils, en les guidant pour pénétrer les “ insondables richesses ” de son mystère pour agir en conformité avec sa mission sacerdotale ?

Marie a été associée d’une manière unique au sacrifice sacerdotal du Christ, partageant sa volonté de sauver le monde par la Croix. Elle a été la première et la plus parfaite participante spirituelle de son offrande de Sacerdos et Hostia. Comme telle, elle peut obtenir et donner à ceux qui participent, au plan ministériel, au sacerdoce de son Fils, la grâce de l’élan pour répondre toujours davantage aux exigences de l’offrande spirituelle que comporte le sacerdoce, et tout particulièrement : la grâce de la foi, de l’espérance et de la persévérance dans les épreuves, reconnues comme stimulants à une participation plus généreuse à l’offrande rédemptrice.

5. Au Calvaire, Jésus a confié à Marie une nouvelle maternité quand il lui a dit : “ Femme, voici ton fils ! ” (Jn 19,26). Nous ne pouvons ignorer que, en cet instant, cette maternité était proclamée à l’égard d’un “ prêtre ”, le disciple préféré. En effet, selon les Évangiles synoptiques, Jean avait lui aussi reçu du Maître, au cours de la Cène de la veille, le pouvoir de renouveler le sacrifice de la Croix en mémoire de lui ; avec les autres Apôtres, il appartenait au groupe des premiers “ prêtres ” ; il remplaçait désormais près de Marie le Prêtre unique et souverain qui quittait ce monde. Certes, l’intention de Jésus en cet instant était d’établir la maternité universelle de Marie dans la vie de la grâce à l’égard de chacun des disciples d’alors et de tous les siècles. Mais nous ne pouvons ignorer que cette maternité prenait une force concrète et immédiate par rapport à un Apôtre-“ Prêtre ”. Et nous pouvons penser que le regard de Jésus vit, au-delà de Jean, de siècle en siècle, la longue série de ses “ prêtres ”, jusqu’à la fin du monde. Et que c’est spécialement pour eux, pris un à un, comme pour le disciple bien-aimé, qu’il réalisa cette remise à la maternité de Marie.

À Jean, Jésus dit aussi : “ Voici ta mère ! ” (Jn 19,27). Il confiait à l’Apôtre bien-aimé le soin de traiter Marie comme sa propre mère, de l’aimer, de la vénérer et de veiller sur elle pendant les années qui lui restaient à vivre sur cette terre, mais dans la lumière de ce qui était écrit pour elle dans les Cieux, où elle devait être enlevée et glorifiée. Ces paroles sont l’origine du culte marial : il est significatif qu’elles soient adressées à un “ prêtre ”. Ne pouvons-nous pas en déduire que le “ prêtre ” est chargé de promouvoir et de développer ce culte ? Qu’il en est le principal responsable ?

Dans son Évangile, Jean tient à souligner que, “ à partir de cet instant, le disciple la prit chez lui ” (Jn 19,27). Il a donc répondu immédiatement à l’invitation du Christ et il a pris Marie avec lui, avec une vénération correspondant aux circonstances. Je voudrais dire que, sous cet aspect aussi, il s’est montré un “ vrai prêtre ” : oui, un fidèle disciple de Jésus.

Pour tout prêtre, prendre Marie dans sa maison veut dire lui faire une place dans sa vie en demeurant dans une union habituelle avec elle dans les pensées, les affections, le zèle pour le Royaume de Dieu et pour son culte même (cf. CEC CEC 2673-2679).

6. Que demander à Marie en tant que “ Mère du prêtre ” ? Aujourd’hui, comme et peut-être plus qu’en tout autre temps, le prêtre doit demander à Marie, particulièrement, la grâce de savoir recevoir le don de Dieu avec un amour reconnaissant, en l’appréciant pleinement comme elle l’a fait dans le Magnificat ; la grâce de la générosité dans le don personnel, pour imiter son exemple de “ Mère généreuse ” ; la grâce de la pureté et de la fidélité dans l’engagement du célibat, à son exemple de “ Vierge fidèle ” ; la grâce d’un amour ardent et miséricordieux, à la lumière de son témoignage de “ Mère de miséricorde ”.

Le prêtre doit toujours se souvenir que, dans les difficultés qu’il rencontre, il peut compter sur l’aide de Marie. Il a confiance en elle et il lui confie lui-même et son ministère pastoral, lui demandant de le faire fructifier en abondance. Et enfin, il regarde vers elle comme vers un modèle parfait de sa vie et de son ministère parce qu’elle est celle qui, comme le dit le Concile, “ sous la conduite de l’Esprit Saint, s’est consacrée pleinement au mystère de la rédemption humaine… Elle est la Mère du Prêtre souverain et éternel, la Reine des Apôtres, le Secours des prêtres dans leur ministère : ils doivent donc la vénérer et l’aimer avec dévotion et d’un culte filial ” (PO 18).

J’exhorte mes confrères dans le sacerdoce à nourrir toujours davantage cette “ vraie dévotion à Marie ” et à en tirer les conséquences pratiques pour leur vie et leur ministère. J’exhorte tous les fidèles à s’unir à nous, prêtres, dans la remise d’eux-mêmes à Notre-Dame et dans l’invocation de ses grâces pour eux-mêmes et pour toute l’Église.



Mercredi 7 juillet 1993 - Le prêtre homme de la charité

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(
Jn 10,11-15)

1. Lors de nos catéchèses précédentes consacrées aux prêtres, nous avons déjà signalé plusieurs fois l'importance que tient dans leur vie la charité à l'égard de leurs frères. Traitons maintenant ce sujet de manière plus explicite, en partant de la racine même de cette charité dans la vie du prêtre. Cette racine se trouve dans son identité d' " homme de Dieu ". La première Lettre de saint Jean nous enseigne que " Dieu est amour " (1Jn 4,8). En tant qu' " homme de Dieu ", le prêtre ne peut donc être que l'homme de la charité. Il n'y aurait pas en lui de véritable amour de Dieu - ni non plus une vraie piété, un vrai zèle apostolique - sans l'amour du prochain.

Jésus lui-même a montré le lien entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain, puisque " aimer le Seigneur Dieu de tout son coeur " ne peut être séparé de " l'amour du prochain " (cf. Mt Mt 22,36-40). Aussi est-ce avec cohérence que l'auteur de la Lettre que nous avons citée argumente : " Voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère " (1Jn 4,21).

2. Parlant de lui-même, Jésus décrit cet amour comme celui d'un " bon pasteur " qui ne recherche pas ses intérêts propres, son profit, à la manière du mercenaire. Le bon pasteur, observe-t-il, aime tellement ses brebis qu'il offre sa propre vie pour elles (cf. Jn Jn 10,11 Jn 10,15). C'est donc un amour qui arrive jusqu'à l'héroïsme.

Nous savons avec quel réalisme tout cela a été réalisé dans la vie et la mort de Jésus. Ceux qui reçoivent du Christ, en raison de l'ordination sacerdotale, la mission de pasteurs, sont appelés à proposer de nouveau dans leur vie l'amour héroïque du bon pasteur et à en témoigner dans leur action.

3. Dans la vie de Jésus, on voit fort bien les caractéristiques essentielles de la " charité pastorale " qu'il a pour ses frères " les hommes ", et qu'il demande à ses frères " pasteurs " d'imiter. Tout d'abord, son amour est humble : " Je suis doux et humble de coeur " (Mt 11,29). Il est significatif qu'il recommande à ses Apôtres de renoncer à leurs ambitions personnelles et à tout esprit de domination pour imiter l'exemple du " Fils de l'homme " qui " n'est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mc 10,45 Mt 20,28 cf. Pastores dabo vobis PDV 21-22).

Il s'ensuit que la mission de pasteur ne peut être exercée avec une attitude de supériorité ou d'autoritarisme (cf. 1P 5,3), qui irriterait les fidèles et les éloignerait peut-être du bercail. Sur les traces du Christ Bon Pasteur, il doit se former à un esprit d'humble service (cf. CEC, CEC 876).

De plus, Jésus nous donne l'exemple d'un amour plein de compassion, c'est-à-dire de participation sincère et effective aux souffrances et aux difficultés des frères. Il ressent de la compassion pour les foules sans berger (cf. Mt Mt 9,36) : aussi se préoccupe-t-il de les conduire par ses paroles de vie et il se met à leur " enseigner beaucoup de choses " (Mc 6,34). En vertu de cette même compassion, il guérit de nombreux malades (Mt 14,14), donnant le signe d'une intention de guérison spirituelle ; il multiplie les pains pour les affamés (Mt 15,32) ; Mc 8, 2), éloquent symbole de l'Eucharistie ; il est ému devant les misères humaines (Mt 20,34 Mc 1,41) et il veut y remédier ; il participe à la douleur de ceux qui pleurent la perte d'un de leurs proches (Lc 7,13 Jn 11,33-35) ; il éprouve de la miséricorde même pour les pécheurs (cf. Lc Lc 15,1-2), en union avec le Père qui est plein de compassion pour son enfant prodigue (cf. Lc Lc 15,20) et il préfère la miséricorde au sacrifice rituel (cf. Mt 9,10-13) ; et les cas ne manquent pas où il reproche à ses adversaires de ne pas comprendre sa miséricorde (Mt 12,7).

4. À cet égard, il est significatif que la Lettre aux Hébreux, à la lumière de la vie et de la mort de Jésus, situe dans la solidarité et dans la compassion un trait essentiel du sacerdoce authentique. Elle réaffirme en effet que le grand Prêtre " pris d'entre les hommes, est établi pour le bien des hommes, (et est) capable de ressentir une juste compassion pour ceux qui sont dans l'ignorance et l'erreur " (He 5,1-2). Pour cela aussi, le Fils éternel de Dieu " devait se rendre en tout semblable à ses frères, afin de devenir dans leurs rapports avec Dieu un grand Prêtre miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple " (He 2,17). Aussi est-ce notre grande consolation de chrétiens que de savoir que " nous n'avons pas un grand Prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout comme nous, à l'exclusion du péché " (He 4,15).

Le prêtre trouve donc dans le Christ le modèle d'un amour véritable pour ceux qui souffrent, les pauvres, les affligés, et surtout pour les pécheurs, en tant que Jésus est proche des hommes par une vie semblable à la nôtre ; il a subi des épreuves et des tribulations comme les nôtres ; il est donc plein de compassion pour nous et " il peut ressentir de la commisération pour les ignorants et les égarés " (He 5,2). Enfin, il aide efficacement ceux qui sont dans l'épreuve, " car, du fait qu'il a lui-même été soumis à l'épreuve et qu'il a souffert personnellement, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés " (He 2,18).

5. Toujours dans cette lumière d'amour divin, le Concile Vatican II présente la consécration sacerdotale comme source de charité pastorale : " Par leur vocation et leur ordination, les prêtres de la nouvelle Alliance sont, d'une certaine manière, mis à part au sein du Peuple de Dieu ; mais ce n'est pas pour rester séparés de ce Peuple ni d'aucun homme, mais pour se consacrer totalement à l'oeuvre pour laquelle le Seigneur les a pris. Ils ne pourraient être ministres du Christ s'ils n'étaient témoins et dispensateurs d'une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s'ils se rendaient étrangers à leur vie et à leur condition " (PO 3). Il s'agit de deux exigences qui fondent les deux aspects du comportement sacerdotal : les prêtres, " par leur ministère même, sont tenus à un titre particulier de ne pas se conformer au siècle présent ; mais en même temps, ils sont tenus de vivre en ce siècle au milieu des hommes, de bien connaître leurs brebis comme de bons pasteurs, et de chercher à ramener y compris celles qui ne sont pas de ce bercail, pour qu'elles aussi écoutent la voix du Christ, et qu'il n'y ait qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur " (PO 3). Ainsi s'expliquent l'intense activité de Paul pour recueillir de l'aide en faveur des communautés les plus pauvres (cf. 1Co 16,1-4), et la recommandation de l'auteur de la Lettre aux Hébreux de pratiquer la communion des biens (koinonìa) par le soutien réciproque, comme de vrais disciples du Christ (cf. He He 13,16).

6. Selon le Concile, le prêtre qui veut se conformer au Bon Pasteur et reproduire en lui sa charité à l'égard de ses frères, devra faire porter ses efforts sur quelques points qui sont aujourd'hui de grande importance, comme et plus qu'en d'autres temps : - connaître ses brebis (PO 3), spécialement par les contacts, les visites, les rapports d'amitié, les rencontres organisées ou occasionnelles, etc., toujours avec la finalité et l'esprit du bon pasteur ; - réserver un accueil semblable à celui de Jésus aux gens qui s'adressent à lui, en restant disponible et capable d'écoute, désireux de comprendre, ouvert et franc dans la bienveillance, en s'engageant dans les oeuvres et dans les initiatives d'aide aux pauvres et aux malheureux ; - cultiver et pratiquer ces " vertus qui sont, à juste titre, très appréciées dans la société humaine… (comme) la bonté, la sincérité, la fermeté d'âme et la constance, le souci continuel de la justice, la gentillesse, etc… (PO 3), et aussi la patience, la facilité à pardonner avec empressement et générosité, l'affabilité, la sociabilité, la capacité à être disponible et serviable sans se poser en bienfaiteur. C'est tout un éventail de vertus humaines et pastorales que le parfum de la charité du Christ peut et doit amener dans la conduite du prêtre (cf. Pastores dabo vobis PDV 23).

7. Soutenu par la charité, le prêtre peut suivre, dans l'accomplissement de son ministère, l'exemple du Christ dont la nourriture était de faire la volonté de son Père. Dans l'adhésion amoureuse à cette volonté, le prêtre trouvera le principe et la source d'unité de sa vie. Le Concile l'affirme : les prêtres devront " s'unir au Christ dans la découverte de la volonté du Père… Ainsi, représentant le Bon Pasteur, ils trouveront dans l'exercice même de l'activité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui réalisera l'unité de leur vie et de leur activité " (PO 14). La source à laquelle puiser cette charité demeure toujours l'Eucharistie, qui constitue " le centre et la racine de toute la vie du prêtre ". Aussi l'âme de celui-ci devra s'efforcer de " refléter ce qui s'accomplit sur l'autel " (PO 14).

La grâce et la charité de l'autel se dilatent ainsi jusqu'à l'ambon, au confessionnal, aux archives paroissiales, à l'école, au patronage, aux maisons et aux rues, aux hôpitaux, aux moyens de transport et aux moyens de communication sociale, partout où le prêtre a la possibilité d'accomplir sa tâche de pasteur : en chacun de ces cas, c'est sa messe qui s'étend, c'est son union spirituelle au Christ Prêtre et Hostie qui le porte à être - comme le disait saint Ignace d'Antioche - " froment de Dieu, afin de pouvoir être trouvé pur pain du Christ " (cf. Ep. ad Romanos, IV, 1), pour le bien de ses frères.



Samedi 17 juillet 1993 - La logique de la consécration dans le célibat sacerdotal

17793 (Mt 19,10-12)

1. Dans les Évangiles, quand Jésus appela ses premiers Apôtres pour faire d’eux des “ pêcheurs d’hommes ” (Mt 4,19 Mc 1,17 cf. Lc 5,10), ils “ laissèrent tout et le suivirent ” (Lc 5,11 cf. Mt 4,20 Mt 4,22 Mc 1,18 Mc 1,20). Un jour, Pierre lui-même rappela cet aspect de la vocation apostolique, en disant à Jésus : “ Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi ” (Mt 19,27 Mc 10,28 cf. Lc 18,28). Jésus énuméra alors tous les détachements nécessaires “ à cause de moi – dit-il– et de l’Évangile ” (Mc 10,29). Il ne s’agissait pas de renoncer seulement à des biens matériels, comme “ une maison ” ou “ des champs ”, mais également de se séparer des personnes les plus chères : “ frères ou soeurs ou père ou mère ou enfants ” – comme le disent Matthieu et Marc –, “ femme ou frères ou parents ou enfants ”, comme le dit Luc (Lc 18,29).

Observons ici la diversité des vocations. Jésus n’exigeait pas de tous ses disciples le renoncement radical à la vie en famille, bien qu’il ait exigé de tous la première place dans leur coeur, quand il disait : “ Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ” (Mt 10,37). L’exigence du renoncement effectif est propre à la vie apostolique ou à la vie de consécration spéciale. Appelés par Jésus, “ Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ”, ne laissèrent pas seulement la barque où “ ils raccommodaient leurs filets ”, mais aussi leur père, avec qui ils se trouvaient (Mt 4,22 cf. Mc Mc 1,20).

Ces constatations nous aident à comprendre le “ pourquoi ” de la législation ecclésiastique sur le célibat sacerdotal. En effet, l’Église a considéré et considère encore qu’il entre dans la logique de la consécration sacerdotale et de l’appartenance totale au Christ qui en découle, en vue de la réalisation consciente de son commandement de vie spirituelle et d’évangélisation.

2. En effet, dans l’Évangile selon saint Matthieu, un peu avant le passage sur la séparation des personnes chères que nous venons de citer, Jésus exprime dans un fort langage sémitique un autre renoncement qui est requis “ à cause du Royaume des Cieux ”, c’est-à-dire le renoncement au mariage. “ Il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux ” (Mt 19,12). C’est-à-dire qu’ils se sont engagés au célibat pour se mettre entièrement au service de “ l’Évangile du Royaume ” (cf. Mt Mt 4,23 Mt 9,35 Mt 24,34).

Dans sa première Lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul affirme qu’il a emprunté résolument cette voie et il démontre la cohérence de sa décision en déclarant : “ L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur. Celui qui s’est marié a souci des affaires du monde, des moyens de plaire à sa femme ; et le voilà partagé ” (1Co 7,32-34). Certes, il ne convient pas que celui qui a été appelé à s’occuper, en tant que prêtre, des affaires du Seigneur, soit “ partagé ”. Comme le dit le Concile, l’engagement au célibat, découlant d’une tradition qui se relie au Christ, est “ particulièrement approprié à la vie sacerdotale. Il est en effet à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, et source de fécondité spirituelle dans le monde ” (Presbyterorum ordinis PO 16).

Il est bien vrai que, dans les Églises orientales, de nombreux prêtres sont légitimement mariés selon le droit canonique qui les concerne. Mais, même dans ces Églises, les évêques vivent dans le célibat, ainsi qu’un certain nombre de prêtres. La différence de discipline, liée à des conditions de temps et de lieu évaluées par l’Église, s’explique par le fait que la continence parfaite, comme le dit le Concile, “ n’est pas requise par la nature même du sacerdoce ” (ibid. PO PO 16). Elle n’appartient pas à l’essence du sacerdoce en tant qu’Ordre, et n’est donc pas imposée d’une manière absolue dans toutes les Églises. Cependant, il n’y a absolument aucun doute quant à sa convenance et même sa congruence avec les exigences de l’Ordre sacré.Elle entre, comme nous l’avons dit, dans la logique de la consécration.

3. L’idéal concret de cette condition de vie consacrée est Jésus, modèle de tous, mais spécialement des prêtres. Il a vécu en célibataire et il a pu ainsi consacrer toutes ses forces à la prédication du Royaume de Dieu et au service des hommes, avec un coeur ouvert à toute l’humanité, comme archétype d’une nouvelle génération spirituelle. Son choix fut vraiment “ pour le Royaume des Cieux ” (cf. Mt Mt 19,12).

Par son exemple, Jésus donnait une orientation, et celle-ci a été suivie. À s’en tenir aux Évangiles, il semble que les Douze, destinés à être les premiers participants à son sacerdoce, aient renoncé, pour le suivre, à vivre en famille. Les Évangiles ne parlent jamais d’épouses ou d’enfants à propos des Douze, même s’ils nous laissent savoir que Pierre, avant d’être appelé par Jésus, était marié (cf. Mt Mt 8,14 Mc 1,30 Lc 4,38).

4. Jésus n’a pas promulgué une loi, mais a proposé un idéal du célibat, pour le nouveau sacerdoce qu’il instituait. Cet idéal s’est affirmé toujours plus dans l’Église. On peut comprendre que, dans la première phase de propagation et de développement du christianisme, un grand nombre de prêtres aient été des hommes mariés, choisis et ordonnés dans le sillage de la tradition juive. Nous savons que, dans les Lettres à Timothée (1Tm 3,2-3) et à Tite (Tt 1,6), il est demandé que, parmi les qualités des hommes choisis comme prêtres, ils soient de bons pères de famille, les époux d’une seule femme (c’est-à-dire fidèles à leur épouse). C’est une période où l’Église est en cours d’organisation et, si l’on peut dire, d’expérimentation de ce qui, comme discipline des états de vie, correspond le mieux à l’idéal et aux “ conseils ” proposés par le Seigneur. À partir de l’expérience et de la réflexion, la discipline du célibat s’est affirmée progressivement, jusqu’à se généraliser dans l’Église d’Occident en vertu de la législation canonique. Ce n’était pas seulement la conséquence d’un fait juridique et disciplinaire : c’était la maturation d’une conscience ecclésiale quant à l’opportunité du célibat sacerdotal, pour des raisons non seulement historiques et pratiques, mais aussi découlant de la congruence toujours mieux découverte entre le célibat et les exigences du sacerdoce.

5. Le Concile Vatican II énonce les motifs de cette “ intime convenance ” du célibat avec le sacerdoce : “ Avec la virginité ou le célibat observé pour le Royaume des Cieux, les prêtres se consacrent au Christ à un titre nouveau et très élevé, ils adhèrent plus facilement à lui d’un amour sans partage, ils se consacrent plus librement, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, ils servent avec plus d’efficacité son Royaume et son oeuvre de régénération divine, et ainsi ils se disposent mieux à recevoir une plus large paternité dans le Christ ”. “ Évoquant ainsi les noces mystérieuses instituées par Dieu, qui se manifesteront pleinement dans les temps à venir, celles de l’Église avec son unique époux qui est le Christ… ils deviennent le signe vivant de ce monde à venir, déjà présent à travers la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne s’unissent pas en mariage ” (Presbyterorum ordinis PO 16 cf. Pastores dabo vobis PDV 29,50 CEC 1579).

Ce sont là des raisons de noble élévation spirituelle, dont nous pouvons résumer les éléments essentiels en ces termes : l’adhésion plus entière au Christ, aimé et servi avec un coeur non partagé (cf. 1Co 7,32-33) ; la disponibilité plus grande au service du Royaume du Christ et pour l’accomplissement de ses propres tâches dans l’Église ; le choix plus exclusif de fécondité spirituelle (cf. 1Co 4,15) ; la pratique d’une vie qui ressemble davantage à la vie définitive dans l’au-delà, et donc plus exemplaire en celle-ci. Cela vaut pour tous les temps – pour le nôtre aussi –, comme raison et critère suprêmes de tout jugement et de tout choix, en harmonie avec l’invitation à “ tout laisser ” que Jésus a adressée à ses disciples et spécialement aux Apôtres. Aussi le Synode des évêques de 1971 a-t-il confirmé : “ La loi du célibat sacerdotal, en vigueur dans l’Église latine, doit être intégralement conservée ” (Le sacerdoce ministériel, II, I, 4, e : SMME 611 ; Ench. Vat., IV, 1219).

6. Il est vrai que la pratique du célibat rencontre aujourd’hui des obstacles, parfois même graves, dans les conditions subjectives et objectives où se trouvent les prêtres. Le Synode des évêques les a prises en considération mais il a jugé que même les difficultés actuelles sont surmontables si l’on promeut “ les conditions opportunes, c’est-à-dire : l’accroissement de la vie intérieure à l’aide de la prière, de l’abnégation, de la charité ardente pour Dieu et le prochain, et avec les autres moyens de la vie spirituelle ; l’équilibre humain moyennant une insertion ordonnée dans les relations sociales ; les rapports fraternels et les contacts avec les autres prêtres et avec l’évêque, en adaptant mieux, pour y parvenir, les structures pastorales, et aussi avec l’aide de la communauté des fidèles ” (ibid., II, I, 4d ; SMME 612 ; EV IV, 1216).

C’est une sorte de défi que l’Église lance à la mentalité, aux tendances, aux charmes du siècle, avec une volonté toujours nouvelle de cohérence et de fidélité à l’idéal évangélique. Aussi, tout en admettant que le Souverain Pontife puisse évaluer et disposer de ce que l’on doit faire en certains cas, le Synode a réaffirmé que, dans l’Église latine, “ l’ordination presbytérale d’hommes mariés n’est pas admise, pas même en des cas particuliers ” (ibid., II, I, 4f ; SMME 612 ; EV IV, 1220). L’Église considère que la conscience d’une consécration totale, qui a mûri au cours des siècles, a toujours une raison d’être et de se perfectionner toujours davantage.

L’Église sait bien, et elle le rappelle aux prêtres et à tous les fidèles avec le Concile, que “ le don du célibat, si adapté au sacerdoce de la Loi Nouvelle, est largement accordé par le Père, à condition que tous ceux qui participent au sacerdoce du Christ par le sacrement de l’Ordre, et même l’Église tout entière, le demandent avec humilité et insistance ” (Presbyterorum ordinis PO 16).

Mais avant cela, peut-être est-il nécessaire de demander la grâce de comprendre le célibat sacerdotal, qui sans doute comporte un certain mystère : celui de la demande d’audace et de confiance dans l’attachement absolu à la personne et à l’oeuvre rédemptrice du Christ, avec un radicalisme de renoncements qui, humainement, peut paraître troublant. Jésus lui-même, quand il le suggère, avertit que tous ne peuvent pas le comprendre (cf. Mt Mt 19,10-12). Heureux ceux qui reçoivent la grâce de le comprendre et qui demeurent fidèles sur cette voie !




Catéchèses S. J-Paul II 9693