Catéchèses S. J-Paul II 30299

Le Pape proche des personnes qui souffrent Mercredi 3 février 1999


30299   Une grippe m'a obligé à interrompre mes activités de ces derniers jours. Cependant, aujourd'hui je ne peux manquer de m'adresser à vous qui êtes venus pour le rendez-vous habituel du mercredi.

Très chers frères et soeurs, je vous salue tous avec affection. Que le Seigneur, que nous avons contemplé lors de la fête d'hier comme la Lumière qui illumine le chemin de salut de chaque homme, resplendisse dans la vie de chacun et la comble de sa joie et de sa paix. J'adresse un salut particulier aux diacres de l'archidiocèse de Milan et à tous les prêtres, religieux et religieuses présents.

Je voudrais également adresser une pensée cordiale à ceux qui souffrent le plus du froid, en particulier les sans-abris, les victimes des tremblements de terre, les malades, les personnes âgées et les enfants. Que chacun puisse trouver l'aide nécessaire.

J'espère que, comme le dit un célèbre proverbe: «Lorsque vient la Chandeleur, nous sommes hors de l'hiver», reviennent vite de belles et chaudes journées de soleil. Je donne à tous ma Bénédiction spéciale.

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Le Saint-Père s'adressait ensuite aux fidèles de langue française:

Je salue les pèlerins de langue française, en particulier les élèves du Centre Madeleine Daniélou de Rueil et les autres jeunes. A tous, j'accorde la Bénédiction apostolique




Mercredi 10 février 1999 Jean Paul II à Mexico et à Saint-Louis


10299 1. Les impressions que m'ont laissées mon récent pèlerinage au Mexique et aux Etats-Unis sont encore vives en moi, et c'est sur celles-ci que je désire aujourd'hui m'arrêter.

De mon âme s'élève spontanément une action de grâce au Seigneur: dans sa providence, Il a voulu que je retourne en Amérique, exactement vingt ans après mon premier voyage international, pour conclure aux pieds de la Vierge de Guadalupe l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Evêques, qui s'est déroulée au Vatican à la fin de l'année 1997. De cette Assemblée — comme cela a été le cas pour l'Afrique et sera également le cas pour l'Asie, l'Océanie et l'Europe — j'ai recueilli des analyses et des propositions dans une Exhortation apostolique intitulée Ecclesia in America, que j'ai officiellement remise à ses destinataires à Mexico.

Je désire aujourd'hui réitérer mon plus vif remerciement à ceux qui ont contribué à la réalisation de ce pèlerinage. Avant tout, je suis reconnaissant à MM. les Présidents du Mexique et des États-Unis d'Amérique, qui m'ont souhaité la bienvenue avec une grande courtoisie; aux Archevêques de Mexico et de Saint-Louis, qui m'ont accueilli avec affection. Je remercie en outre les prêtres, les religieux et les religieuses ainsi que mes innombrables frères et soeurs qui m'ont accompagné avec tant de foi et de chaleur au cours de ces jours de grâce. Nous avons vécu ensemble l'expérience émouvante d'une «rencontre avec Jésus-Christ vivant, voie de la conversion, de la communion et de la solidarité».

2. J'ai déposé les fruits du premier Synode américain aux pieds de la Sainte Vierge Marie de Guadalupe, sous la protection maternelle de laquelle s'est développée l'évangélisation du Nouveau Continent. Elle est à juste titre invoquée aujourd'hui comme l'étoile de sa nouvelle évangélisation. C'est pourquoi j'ai établi que la fête ou la solennité liturgique qui lui est consacrée, le 12 décembre, soit proclamée comme fête sur tout le Continent américain.

Sur le modèle de la Vierge Marie, l'Eglise qui est en Amérique a accueilli la Bonne Nouvelle de l'Evangile, et, en l'espace de presque cinq siècles, a engendré de nombreux peuples à la foi. Aujourd'hui — comme le disait le thème de la visite au Mexique «Un nouveau millénaire naît. Réaffirmons notre foi» — les communautés chrétiennes du Nord, du Centre, du Sud et des Caraïbes sont appelées à se renouveler dans la foi, pour développer une solidarité toujours plus profonde. Celles-ci sont invitées à collaborer dans des projets pastoraux coordonnés, chacune apportant ses richesses spirituelles et matérielles à l'engagement commun.

Cet esprit de coopération est indispensable, naturellement, également sur le plan civil et exige donc des bases éthiques communes, comme je l'ai souligné lors de ma rencontre avec le Corps diplomatique au Mexique.

3. Les chrétiens sont l'«âme» et la «lumière» du monde: j'ai rappelé cette vérité à l'immense foule réunie pour la célébration eucharistique du dimanche à l'autodrome de la capitale mexicaine. A tous, et en particulier aux jeunes, j'ai adressé l'appel contenu dans le grand Jubilé: se convertir et suivre le Christ. Les Mexicains ont répondu avec leur enthousiasme caractéristique à l'invitation du Pape, et sur leur visage, dans leur foi ardente, dans leur adhésion convaincue à l'Evangile de la vie, j'ai reconnu une fois de plus les signes réconfortants d'espérance pour le grand Continent américain.

J'ai touché du doigt également ces signes lors de la rencontre avec le monde de la souffrance, là où l'amour et la solidarité humaine savent rendre présentes dans la faiblesse la force et la sollicitude du Christ ressuscité.

A Mexico, le Stade aztèque, célèbre pour ses mémorables compétitions sportives, a été le siège d'un moment extraordinaire de prière et de fête avec les représentants de toutes les générations du XX siècle, des plus âgés aux plus jeunes: un témoignage merveilleux de la façon dont la foi réussit à unir les générations et sait répondre aux défis de chaque moment de la vie.

En cette transition vers un nouveau siècle et un nouveau millénaire, l'Eglise qui est en Amérique et dans le monde entier, voit chez les jeunes chrétiens le fruit le plus beau et le plus prometteur de son travail et de ses souffrances. Je suis extrêmement heureux d'avoir rencontrer un grand nombre de jeunes, que ce soit au Mexique ou aux Etats-Unis. Avec leur participation riche d'enthousiasme et à la fois attentive et fervente, avec leurs applaudissements lors des passages des discours qui présentaient les aspects les plus exigeants de la proposition chrétienne, ils ont démontré vouloir être les protagonistes d'une nouvelle ère de témoignage courageux, de solidarité effective, d'engagement généreux au service de l'Evangile.

4. J'ai plaisir à ajouter que j'ai trouvé les catholiques américains très attentifs et engagés dans la défense de la vie et de la famille, des valeurs inséparables qui représentent un grand défi pour le présent et l'avenir de l'humanité. Mon voyage a constitué, dans un certain sens, un grand appel à l'Amérique, afin qu'elle accueille l'Evangile de la vie et de la famille; afin qu'il rejette et qu'il combatte toute forme de violence contre la personne humaine, de sa conception à sa mort naturelle, avec cohérence intellectuelle et morale. Non à l'avortement et à l'euthanasie; non au recours inutile à la peine de mort; non au racisme et aux abus sur les enfants, sur les femmes et sur les autochtones; que l'on mette fin aux spéculations sur les armes et sur la drogue et à la destruction du patrimoine naturel!

Pour vaincre ces batailles, il faut diffuser la culture de la vie, qui unit la liberté et la vérité. L'Eglise oeuvre quotidiennement pour cela en annonçant le Christ, vérité sur Dieu et vérité sur l'homme. Elle oeuvre avant tout dans les familles, qui constituent les sanctuaires de la vie et les écoles fondamentales de la culture de la vie: en effet, dans la famille, la liberté apprend à croître sur de solides bases morales et, au fond, sur la loi de Dieu. L'Amérique ne pourra accomplir son rôle important dans l'Eglise et dans le monde que si elle défend et promeut l'immense patrimoine spirituel et social de ses familles.

5. Mexique et Etats-Unis, deux grands pays qui représentent bien la richesse multiforme du Continent américain, de même que ses contradictions. Profondément insérée dans le tissu culturel et social, l'Eglise invite chacun à rencontrer Jésus-Christ, qui continue à être aujourd'hui encore, «une voie pour la conversion, la communion et la solidarité».

Cette rencontre, placée sous la protection maternelle de la Sainte Vierge de Guadalupe, a marqué de façon indélébile l'histoire de l'Amérique. Je confie à l'intercession de la Patronne de ce bien-aimé Continent le souhait que la rencontre avec le Christ continue à illuminer les peuples du Nouveau Monde au cours du millénaire qui s'apprête à commencer.


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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 10 février 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de l'Ecole des Ministères du diocèse de Langres; Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison; pèlerins de Lauraguais; jeunes du pensionnat du Sacré-Coeur, de Reims; groupe de jeunes de Tours.

Chers frères et soeurs,

Je rends grâce au Seigneur pour mon récent voyage au Mexique et aux Etats-Unis, au cours duquel j'ai conclu l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Evêques. Après avoir été évangélisé il y a cinq siècles, le Continent américain est invité à se convertir toujours davantage au Christ, à affermir sa foi et à développer une solidarité de plus en plus forte. Tous les peuples sont appelés à collaborer à des projets pastoraux, chacun apportant ses richesses spirituelles, culturelles et matérielles.

Les différentes manifestations qui ont eu lieu au cours de ma visite sont des signes d'espérance pour l'Eglise et pour la société. Elles ont rassemblé des personnes de toutes les générations et de toutes conditions. De manière particulière, ma joie est grande d'avoir vu se réunir de nombreux jeunes, qui sont les protagonistes de la société de demain. Puissent-ils entendre l'appel exigeant du Christ et être des témoins courageux de l'Evangile! J'ai été heureux de découvrir l'attention des Américains à la défense de la vie. Je demande à Notre-Dame de Guadalupe d'éclairer les peuples du Nouveau Monde tout au long du troisième millénaire.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier le groupe du diocèse de Langres ainsi que les jeunes, notamment les filles du Centre Madeleine Daniélou et leurs accompagnatrices. J'accorde à tous les fidèles présents la Bénédiction apostolique.

  

Mercredi des Cendres, 17 février 1999

17299 1. Aujourd'hui, avec l'austère cérémonie de l'imposition des cendres, commence le chemin pénitentiel du Carême. Cette année, celui-ci est marqué en particulier par le rappel à la miséricorde divine: nous sommes en effet dans l'Année du Père, qui nous prépare immédiatement au grand Jubilé de l'An 2000.

«Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi...» (
Lc 15,18). Ces paroles, au cours de la période du Carême, suscitent une émotion particulière, car il s'agit d'un temps au cours duquel la communauté ecclésiale est appelée à une profonde conversion. S'il est vrai que le péché ferme l'homme à Dieu, au contraire, la confession sincère des péchés ouvre à nouveau sa conscience à l'action régénératrice de sa grâce. En effet, l'homme ne retrouve pas l'amitié avec Dieu tant que ne jaillissent pas de ses lèvres et de son coeur les paroles: «Père, j'ai péché». Son effort est alors rendu fructueux par la rencontre de salut qui a lieu grâce à la mort et à la résurrection du Christ. C'est dans le mystère pascal, coeur de l'Eglise, que le pénitent reçoit en don le pardon des fautes et la joie de la renaissance à la vie immortelle.

2. A la lumière de cette extraordinaire réalité spirituelle, la parabole du fils prodigue, à travers laquelle Jésus a voulu nous parler de la tendre miséricorde du Père céleste, acquiert une éloquence immédiate. Il y a trois moments clefs dans l'histoire de ce jeune, avec lequel chacun de nous, dans un certain sens, s'identifie lorsqu'il cède à la tentation et tombe dans le péché.

Le premier moment: l'éloignement. Nous nous éloignons de Dieu, comme ce fils de son Père lorsque, oubliant que les biens et les talents que nous possédons nous sont donnés par Dieu comme un devoir, nous les gaspillons avec une grande légèreté. Le péché est toujours un gaspillage de notre humanité, un gaspillage de valeurs profondément précieuses, telles que la dignité de la personne et l'héritage de la grâce divine.

Le second moment est le processus de conversion. L'homme, qui avec le péché s'est éloigné volontairement de la maison paternelle, réalisant combien il a perdu, mûrit le passage décisif du retour en lui-même: «Je veux partir aller vers mon Père» (Lc 15,18). La certitude que Dieu «est bon et m'aime» est plus forte que la honte et que le découragement: elle illumine d'une lumière nouvelle le sens de la faute et de l'indignité.

Enfin, le troisième moment: le retour. Pour le Père, une chose est importante: le fils a été retrouvé. Le moment où il embrasse son fils prodigue devient la fête du pardon et de la joie. Cette scène évangélique est émouvante, et manifeste en détail l'attitude du Père du Ciel, «riche de miséricorde» (cf. Ep Ep 2,4).

3. Combien d'hommes de tout temps ont reconnu dans cette parabole les traits fondamentaux de leur histoire personnelle! Le chemin qui, après l'expérience amère du péché, reconduit à la maison du Père, passe à travers l'examen de conscience, le repentir et la ferme intention de conversion. Il s'agit d'un processus intérieur qui change la façon de voir la réalité, qui fait toucher du doigt sa propre fragilité et qui pousse le croyant à s'abandonner dans les bras de Dieu. Lorsque l'homme, soutenu par la grâce, parcourt ces étapes à l'intérieur de son esprit, alors naît en lui le besoin profond de se retrouver lui-même, ainsi que sa dignité de fils en embrassant le Père.

Cette parabole, si chère à la tradition de l'Eglise, décrit ainsi, de façon simple et profonde, la réalité de la conversion, en offrant l'expression la plus concrète de l'oeuvre de la miséricorde divine dans le monde humain. L'amour miséricordieux de Dieu «revalorise, quand il promeut, et quand il tire le bien de toutes les formes de mal qui existent dans le monde et dans l'homme [...] il constitue le contenu fondamental du message messianique du Christ et la force constitutive de sa mission» (cf. Dives et misericordia, n. 6).

4. Au début du Carême, il est important de préparer notre esprit à recevoir en abondance le don de la miséricorde divine. La Parole de Dieu nous exhorte à nous convertir et à croire à l'Evangile, et l'Eglise nous indique dans la prière, dans la pénitence et dans le jeûne, ainsi que dans l'aide généreuse à nos frères, les moyens à travers lesquels nous pouvons entrer dans le climat d'authentique renouveau intérieur et communautaire. De cette façon, il nous est donné de faire l'expérience de la surabondance de l'amour du Père céleste, donné en plénitude à l'humanité tout entière, dans le mystère pascal. Nous pourrions dire que le Carême est le temps d'une sollicitude particulière de Dieu: celle du pardon et de la rémission de nos péchés: c'est le temps de la réconciliation. C'est pourquoi il s'agit d'une période véritablement propice pour nous approcher avec efficacité du sacrement de la Pénitence.

Très chers frères et soeurs, conscients que notre réconciliation avec Dieu se réalise grâce à une conversion authentique, parcourons le pèlerinage quadragésimal, le regard fixé sur le Christ, notre unique Rédempteur.

Le Carême nous aidera à rentrer en nous-mêmes, à abandonner avec courage ce qui nous empêche de suivre fidèlement l'Evangile. Contemplons, en particulier en ces jours, l'icône du Père embrassant le Fils retourné à la maison paternelle, qui symbolise bien le thème de cette année, qui nous introduit au grand Jubilé de l'An 2000.

Le baiser de réconciliation entre le Père et toute la communauté des pécheurs a eu lieu sur le Calvaire. Le Crucifix, signe de l'amour du Christ qui s'est immolé pour notre salut, suscite dans le coeur de chaque homme et de chaque femme de notre temps la même confiance qui poussa le fils prodigue à dire: «Je veux partir, aller vers mon Père et lui dire: Père j'ai péché». Il reçut en don le pardon et la joie.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 17 février 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Paroisse Sainte-Madeleine, de Hyères; paroisse Saint-André, de Reims; Collège Saint-Just, d'Arbois; Collège Victor de Laprade, de Montbrison; groupe de scouts, de Tassin; groupe de pèlerins, de Digne.

De Suisse: Groupe du Séminaire diocésain, de Villars-sur-Glâne; Ecole de la Foi, de Fribourg.

De Belgique: Groupe de pèlerins, de Liège.

  Chers frères et soeurs,

Aujourd'hui, avec l'imposition des cendres, commence le chemin pénitentiel du Carême, qui, en l'année du Père, est une invitation à redécouvrir la miséricorde divine.

La parabole de l'enfant prodigue est particulièrement éloquente. Dans l'histoire de ce jeune, avec lequel chacun de nous peut s'identifier, nous retrouvons trois moments clefs. Il y a tout d'abord l'éloignement de Dieu, qui se produit lorsque l'on gaspille les dons reçus et la grâce divine. Puis il y a le processus de conversion où, prenant conscience de ce qu'il a perdu, l'homme fait le pas décisif de rentrer en lui-même. La certitude que Dieu aime devenant alors plus forte que la honte et le découragement, la personne se décide à revenir vers le Père. Enfin, il y a le retour où le Père retrouve son fils: c'est la fête du pardon et de la joie.

Il est important de nous préparer à accueillir la miséricorde divine. Le Carême est le temps d'une sollicitude particulière de Dieu qui pardonne les péchés: c'est le temps de la réconciliation.



Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience en particulier des membres de l'Ecole de la Foi de Fribourg, un groupe du Séminaire diocésain de Villars-sur-Glâne, des jeunes de Lyon, Montbrison, Arbois et Reims. J'accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Mercredi 3 mars 1999 L'expérience du Père en Jésus de Nazareth

30399   Lecture: Mt 11, 25-27

1. «Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ» (
Ep 1,3). Ces paroles de Paul nous introduisent dans la grande nouveauté de la connaissance du Père, telle qu'elle ressort du Nouveau Testament. Ici, Dieu apparaît sous son visage trinitaire. Sa paternité ne se limite plus à indiquer le rapport avec les créatures, mais exprime la relation fondamentale qui caractérise sa vie intime; il ne s'agit plus d'un trait générique de Dieu, mais d'une propriété de la première Personne en Dieu; Dans son mystère trinitaire, en effet, Dieu est le père par essence, père depuis toujours, dans la mesure où, de l'éternité, il engendre le Verbe qui lui est consubstantiel et uni à lui dans l'Esprit Saint «qui procède du Père et du Fils». A travers son incarnation rédemptrice, le Verbe devient solidaire avec nous précisément pour nous introduire à cette vie filiale qu'il possède de toute éternité. «A tous ceux qui l'ont accueilli - dit l'Evangéliste Jean - il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1,12).

2. A la base de cette révélation spécifique du Père, se trouve l'expérience de Jésus. De ses paroles et de son comportement, il transparaît qu'Il considère son rapport avec le Père de façon tout à fait particulière. Dans les Evangiles, nous pouvons constater que Jésus distingue «sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais "notre Père", sauf pour leur ordonner: "Vous donc priez ainsi: "Notre Père" (Mt 6,9); et Il a souligné cette distinction: "Mon Père et votre Père" (Jn 20,17)» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 443).

Tout petit déjà, à Marie et à Joseph, qui le cherchaient avec angoisse, il répond: «Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père?» (Lc 2,48 sq). Aux Juifs, qui continuaient de le persécuter car il avait accompli une guérison miraculeuse un samedi, il répond: «Mon Père est à l'oeuvre jusqu'à présent et j'oeuvre moi aussi» (Jn 5,17). Sur la croix, il invoque le Père afin qu'il pardonne à ses bourreaux et accueille son esprit (Lc 23,34 Lc 23,46). La distinction entre la façon dont Jésus perçoit la paternité de Dieu à son égard et celle qui concerne tous les autres êtres humains, est enracinée dans sa conscience et est répétée par lui à travers les paroles qu'il adresse à Marie de Magdala après la résurrection: «Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver les frères et dis-leur: je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu» (Jn 20,17).

3. Le rapport de Jésus avec le Père est unique. Il sait qu'il est toujours exaucé, il sait que le Père manifeste à travers Lui sa gloire, même lorsque les hommes peuvent en douter et ont besoin d'en être convaincus par Lui-même. Nous constatons tout cela dans l'épisode de la résurrection de Lazare: «On enleva donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit: "Père, je te rends grâce de m'avoir écouté. Je savais que tu m'écoutes toujours; mais c'est à cause de la foule qui m'entoure que j'ai parlé, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé"» (Jn 11,41 sq). En vertu de cette entente singulière, Jésus peut se présenter comme celui qui révèle le Père, avec une conscience qui est le fruit d'une réciprocité intime et mystérieuse, comme il le souligne dans l'hymne de la joie: «Tout m'a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler» (Mt 11,27) (cf. C.E.C. CEC 240). Pour sa part, le Père manifeste ce rapport singulier que le Fils entretient avec lui en l'appelant son «bien-aimé»: ainsi, lors du baptême dans le Jourdain (cf. Mc Mc 1,11) et lors de la Transfiguration (cf. Mc Mc 9,7). Jésus est également offensé en tant que fils dans un sens particulier dans la parabole des vignerons homicides qui maltraitent d'abord les deux premiers serviteurs, puis le «fils bien-aimé» du maître, envoyés pour recevoir les fruits de la vigne (cf. Mc Mc 12, 1-11, spéc. Mc Mc 12,6).

4. L'Evangile de Marc nous a conservé le terme araméen de «Abba» (cf. 14, 36) avec lequel Jésus, à l'heure douloureuse du Gethsémani, a invoqué le Père, le priant d'éloigner de lui la coupe de la passion. L'Evangile de Matthieu nous en a rapporté dans le même épisode la traduction: «Mon Père» (cf. Mt Mt 26, 39, cf. également v. 42), tandis que Lucas utilise simplement «Père» (cf. Lc Lc 22,42). Le terme araméen, que nous pourrions traduire dans les langues modernes par «papa», «cher papa», exprime la tendresse affectueuse d'un fils. Jésus l'utilise de manière originale pour s'adresser à Dieu et pour indiquer, dans la pleine maturité de sa vie qui s'apprête à se conclure sur la croix, le rapport étroit qui, en cette heure dramatique également, le lie à son Père. «Abba» indique la proximité extraordinaire entre Jésus et Dieu le Père, une intimité sans précédent dans le contexte religieux biblique ou extrabiblique. En vertu de la mort et de la résurrection de Jésus, Fils unique de ce Père, nous aussi, aux dires de saint Paul, sommes élevés à la dignité de fils et nous possédons l'Esprit Saint qui nous pousse à crier: «Abba, Père!» (cf. Rm Rm 8,15 Ga 4,6). Cette simple expression du langage infantile, utilisé quotidiennement dans le milieu de Jésus et chez tous les peuples, a revêtu ainsi une signification doctrinale d'une importance fondamentale pour exprimer la paternité divine particulière à l'égard de Jésus et de ses disciples.

5. Bien qu'il se sentît uni au Père de façon si intime, Jésus a déclaré ignorer l'heure de l'avènement final et décisif du Royaume: «Quant à la date de ce jour, et à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne que le Père, seul» (Mt 24,36). Cet aspect nous montre Jésus dans la condition d'abaissement propre à l'Incarnation, qui cache à son humanité la fin eschatologique du monde. De cette façon, Jésus déçoit les calculs humains pour nous inviter à la vigilance et à la confiance dans l'intervention sage du Père. D'autre part, dans la perspective des évangiles, l'intimité et le caractère absolu de son identité de «fils» ne sont pas le moins du monde diminués par ce manque de connaissance. Au contraire, c'est précisément le fait d'être si solidaire de nous qui le rend décisif pour nous face au Père: «Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux; mais celui qui m'aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux» (Mt 10,32 sq.).

Reconnaître Jésus devant les hommes est indispensable pour être reconnu par lui devant le Père. En d'autres termes, notre relation filiale avec le Père céleste dépend de notre fidélité courageuse à l'égard de Jésus, Fils bien-aimé.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 3 mars 1999 se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Séminaristes du diocèse du Puy; pèlerins du diocèse de Bayonne; Collège Notre-Dame, de Vaux; groupe de Champfaillis-Allonnes.

Du Canada: Ecole «Paul Gérin-La-joie», d'Outremont.

Chers Frères et Soeurs,

Dans son mystère trinitaire, Dieu est Père par essence. De toute éternité, en effet, il engendre le Verbe qui lui est consubstantiel et uni dans l'Esprit Saint. A la base de cette révélation, se trouve l'expérience de Jésus. Les Evangiles montrent qu'il entretient avec le Père une relation privilégiée. Sa filiation est unique. Jésus se présente comme celui qui révèle le Père, grâce à une connaissance réciproque intime et mystérieuse.

Le Père manifeste son rapport particulier avec le Fils en l'appelant son "bien-aimé"; et Jésus exprime sa tendresse affectueuse de fils et le lien étroit qu'il entretient avec son Père, en l'invoquant par le terme araméen "Abba".

Grâce à la mort et à la résurrection de Jésus, nous sommes élevés à la dignité de fils et nous possédons l'Esprit Saint, qui nous pousse à crier, nous aussi, "Abba, Père!". En même temps, nous sommes appelés à reconnaître Jésus devant les hommes pour être reconnus par lui devant le Père. Notre relation filiale au Père céleste dépend de notre fidélité courageuse à l'égard du Fils bien-aimé.
Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, particulièrement les Petites Soeurs de Jésus du Père de Foucauld en année de renouveau, ainsi que les séminaristes du Puy. Je leur souhaite de se préparer avec une ardeur renouvelée aux célébrations des fêtes pascales. A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 10 mars 1999 La relation de Jésus avec le Père, révélation du mystère trinitaire


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  Lecture: (Jn 15,9-11)


1. Comme nous l'avons vu lors de la précédente catéchèse, à travers ses paroles et ses oeuvres, Jésus entretient avec «son» Père une relation tout à fait particulière. L'Evangile de Jean souligne que ce qu'il communique aux hommes est le fruit de cette union intime et particulière: «Moi et le Père nous sommes un» (Jn 10,30). Et encore: «Tout ce qu'a le Père est à moi» (Jn 16,15). Il existe une réciprocité entre le Père et le Fils, entre ce qu'ils connaissent d'eux-mêmes (cf. Jn Jn 10,15), entre ce qu'ils sont (cf. Jn Jn 14,10), entre ce qu'ils font (cf. Jn Jn 5,19 Jn 10,38) et entre ce qu'ils possèdent: «et tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi» (Jn 17,10). Il s'agit d'un échange réciproque qui trouve sa pleine expression dans la gloire que Jésus reçoit du Père dans le mystère suprême de la mort et de la résurrection, après l'avoir lui-même rendue au Père au cours de sa vie terrestre: «Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie [...] je t'ai glorifié sur la terre [...] et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi» (Jn 17,1 Jn 17,4 .

Cette union essentielle avec le Père n'accompagne pas seulement l'activité de Jésus, mais qualifie tout son être: «L'Incarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est consubstantiel au Père, c'est-à-dire qu'Il est en Lui et avec Lui le même Dieu unique» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 262). L'Evangéliste Jean met en évidence que c'est précisément à cette prétention divine que réagissent les chefs religieux du peuple, qui ne tolèrent pas qu'il appelle Dieu son Père et qu'il se fasse donc égal à Dieu (Jn 5,18 cf. Jn 10,33 Jn 19,7).

2. En vertu de cette harmonie dans l'être et dans l'agir, que ce soit à travers les paroles ou les actes, Jésus révèle le Père: «Nul n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l'a fait connaître» (Jn 1,18). La «prédilection» dont jouit le Christ est proclamée dans son baptême selon la narration des Evangiles synoptiques (cf. Mc Mc 1,11 Mt 3,17 Lc 3,22). Celle-ci est ramenée par l'Evangéliste Jean à sa racine trinitaire, c'est-à-dire à l'existence mystérieuse du Verbe «avec» Dieu (Jn 1,1), qui l'a engendré dans l'éternité. En partant du Fils, la réflexion du Nouveau Testament, puis la théologie enracinée en elle, ont approfondi le mystère de la «paternité» de Dieu. Le Père est celui qui, dans la vie trinitaire, constitue le principe absolu, celui qui n'a pas d'origine et dont jaillit la vie divine. L'unité des trois personnes est le partage de l'unique essence divine, mais dans le dynamisme des relations réciproques qui trouvent leur source et leur fondement dans le Père. «C'est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré et le Saint-Esprit qui procède» (Concile du Latran IV: DS 804).

3. De ce mystère, qui dépasse infiniment notre intelligence, l'Apôtre Jean nous offre une clé, lorsqu'il proclame dans la première Epître: «Dieu est amour» (1Jn 4,8). Ce sommet de la révélation indique que Dieu est agape, c'est-à-dire un don gratuit et total de soi, dont le Christ a témoigné en particulier à travers sa mort sur la Croix. Dans le sacrifice du Christ, se révèle l'amour infini du Père pour le monde (cf. Jn Jn 3,16 Rm 5,8). La capacité d'aimer infiniment, en se donnant sans réserve et sans mesure, est propre à Dieu. Etant Amour, Il est, bien avant la libre création du monde, le Père dans la vie divine elle-même: un Père aimant qui engendre le Fils aimé et qui donne origine avec lui à l'Esprit Saint, la Personne-Amour, lien réciproque de communion.

Sur cette base, la foi chrétienne comprend l'égalité des trois personnes divines; le Fils et l'Esprit sont égaux au Père, non pas comme principes autonomes, comme s'il s'agissait de trois dieux, mais dans la mesure où ils reçoivent du Père toute la vie divine, se distinguant de lui et réciproquement uniquement dans la diversité des relations (cf. C.E.C. CEC 254).

Grand mystère, mystère d'amour, mystère ineffable, face auquel la parole doit laisser la place au silence de l'émerveillement et de l'adoration. Mystère divin qui nous interpelle et nous touche, parce que la participation à la vie trinitaire nous a été offerte à travers l'incarnation rédemptrice du Verbe et le don de l'Esprit Saint: «Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui» (Jn 14,23).

4. La réciprocité entre le Père et le Fils, devient ainsi pour nous croyants un principe de vie nouvelle, qui nous permet de participer à la même plénitude de la vie divine: «Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu» (1Jn 4,15). Le dynamisme de la vie trinitaire est vécu par les créatures, de telle façon que tout converge vers le Père, à travers Jésus-Christ, dans l'Esprit Saint. C'est ce que souligne le Catéchisme de l'Eglise catholique: «Aussi, toute la vie chrétienne est-elle communion avec chacune des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui qui rend gloire au Père le fait par le Fils dans l'Esprit Saint» (CEC 259).

Le Fils est devenu «l'aîné d'une multitude de frères» (Rm 8,29); à travers sa mort, le Père nous a régénérés (1P 1,3 cf. également Rm 8,32 Ep 1,3), de telle sorte que dans l'Esprit Saint, nous pouvons l'invoquer à travers le même terme utilisé par Jésus: Abba (Rm 8,15 Ga 4,6). Saint Paul illustre ultérieurement ce mystère, en disant que «le Père [...] vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il nous a en effet arrachés à l'empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé» (Col 1,12-13). Et l'Apocalypse décrit ainsi le destin eschatologique de celui qui lutte et vainc avec le Christ la puissance du mal: «Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j'ai siégé avec mon Père sur son trône» (Ap 3,21). Cette promesse du Christ nous ouvre une perspective merveilleuse de participation à son intimité céleste avec le Père.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 10 mars 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de l'Hôpital Saint-Joseph, de Paris; groupe Notre-Dame-de-Salut.

De Côte d'Ivoire: Elèves du Lycée d'Abidjan.

Du Canada: Groupe de prêtres de Montréal.

Chers Frères et Soeurs,

L'union entre le Christ et son Père ne concerne pas uniquement l'activité du Fils, mais tout son être. Pour cela, Jésus nous révèle pleinement le Père, qui est le principe absolu, qui n'a pas d'origine et duquel provient la vie divine. Comme le dit le quatrième Concile du Latran, "c'est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré et le Saint Esprit qui procède" (DS 804).

Lorsqu'il proclame: "Dieu est amour" (1Jn 4,8), saint Jean nous offre une clé pour comprendre ce mystère qui dépasse notre intelligence. L'Esprit et le Fils sont égaux au Père, non comme des principes autonomes, mais en tant qu'ils reçoivent la vie du Père et que les personnes divines sont distinctes entre elles par leurs relations d'origine (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 254). Dire que "Dieu est amour" constitue le sommet de la Révélation, l'affirmation du don gratuit et total de lui-même, don infini qui se manifeste particulièrement dans la mort du Christ sur la Croix.

La participation à ce mystère ineffable nous est offerte par grâce, à travers l'Incarnation rédemptrice du Verbe et le don de l'Esprit Saint. Ainsi, nous avons accès au Père et nous sommes donc appelés à vivre en intimité avec Lui.
Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier le groupe de prêtres de Montréal et les jeunes du lycée d’Abidjan. J’accorde à tous les fidèles présents la Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 30299