Augustin contre Fauste



CONTRE FAUSTE LE MANICHEEN



LIVRE PREMIER. PROLOGUE.

Ce premier livre est une espèce de prologue. L'auteur y démontre que les Manichéens ne peuvent se considérer comme de vrais chrétiens.



CHAPITRE PREMIER. DESSEIN DE L'AUTEUR.

Fauste, né en Afrique, dans la ville de Milève, unissait au charme de la parole la souplesse du génie. En s'attachant à la secte des Manichéens, il s'était égaré dans les plus monstrueuses erreurs. J'avais eu occasion de le connaître, comme j'en ai parlé dans mes Confessions (1). II avait publié un livre contre la vraie foi chrétienne et la vérité catholique. Ce livre vint à tomber entre nos mains; et nos frères, après l'avoir lu, nous prièrent et nous conjurèrent au nom de la charité qui m'unissait à eux, d'y répondre. Je vais donc l'entreprendre au nom et avec l'aide du Seigneur, afin de montrer à tous ceux qui liront cet ouvrage, que le plus perçant génie et la langue la plus éloquente ne sont rien, si le Seigneur lui-même ne dirige les pas de l'homme (2). Par un juste et secret jugement de Dieu, la divine miséricorde, les intelligences les plus tardives et les plus faibles ont su comprendre cette vérité, tandis que tant d'autres génies, fiers de leur pénétration et de leur faconde, mais privés du secours de Dieu, n'ont abouti, dans leur course rapide et obstinée, qu'à s'éloigner de plus en plus de la voie de la vérité. Il m'a paru avantageux d'exposer sa doctrine et mes réponses sous notre nom respectif.

1. Liv. 5,ch. 3,VI. - 2. Ps 36,23


CHAPITRE II. PROLOGUE DE FAUSTE.

Fauste. Adimantus, ce prodige de science, et le seul homme, après notre bienheureux père Manès, digne de notre attachement, ayant clairement signalé les erreurs, et dévoilé la fausseté de la superstition juive et des demi-chrétiens, nous avons jugé utile, frères bien-aimés, de vous offrir en outre un recueil de réponses courtes et frappantes à opposer aux enseignements subtils et dangereux de nos adversaires, afin que vous soyez toujours prêts à leur répondre, toutes les fois que, comme le serpent leur père, ils chercheront à vous surprendre par leurs questions captieuses. Forcés par là à rester dans la question proposée, il ne leur sera plus possible de se livrer à des divagations sans fin. Pour ne pas noyer l'intelligence des lecteurs dans des discours trop longs ou confus, je mets en regard leur doctrine avec la nôtre, sous la forme la plus claire et la plus concise.


CHAPITRE 3. LES MANICHÉENS SONT DE FAUX CHRÉTIENS.

Augustin. Vous pensez qu'on doit éviter les demi-chrétiens, tels que nous sommes, dites-vous; et nous, nous fuyons les faux chrétiens, et nous montrons que vous l'êtes. Etre quelque (145) chose à demi, c'est être imparfait sous un rapport, mais c'est n'être faux sous aucun. Quoi donc? parce qu'il manque quelque chose à la foi de ceux que vous cherchez à séduire, s'ensuit-il qu'on doive détruire ce qu'ils possèdent déjà, et non pas plutôt édifier en eux ce qui leur manque? C'est ainsi que s'exprimait l'Apôtre en s'adressant à des imparfaits: «Je vois avec joie votre conduite exemplaire, et ce qui manque à votre foi en Jésus-Christ (1)». Il voyait sans doute un édifice spirituel, comme il le dit ailleurs: «Vous êtes a l'édifice que Dieu bâtit (2)»; et il y découvrait à la fois un sujet de joie, et un stimulant à son zèle. Il se réjouissait en voyant ce qui était déjà élevé; et il sentait son zèle s'enflammer à la pensée de ce qui restait à élever jusqu'au sommet de la perfection. Oui, ce sont véritablement des catholiques encore imparfaits, ou, comme vous le dites, des demi-chrétiens, que vous cherchez à tromper et à séduire par vos doctrines perverses. Mais s'il se rencontre encore de ces chrétiens imparfaits,

1. Col 2,5 - 2. 1Co 3,9

lors même que, en raison de l'imperfection de leur foi, ils ne pourraient répondre à vos raisonnements captieux, dès qu'ils ne découvrent en vous que de faux chrétiens, ils savent qu'il faut, non pas vous suivre, mais vous éviter. Puisque vous vous attachez à rechercher ces demi-chrétiens pour les envelopper dans vos filets, nous voulons de notre côté, montrer que vous n'êtes que de faux chrétiens; nous voulons que les chrétiens éclairés vous démasquent en vous convainquant d'imposture, et que les moins instruits assurent leur salut en vous fuyant. Et pourquoi dites-vous que le serpent est notre père? Oubliez-vous donc que c'est coutume parmi vous d'outrager Dieu, à cause du commandement qu'il fit à l'homme dans le paradis, et de décerner des louanges au serpent pour lui avoir ouvert les yeux par ses conseils? C'est plutôt à vous, je crois, à reconnaître pour votre père ce serpent qui n'est autre que le diable, et que vous louez si fort. Lui, malgré les injures que vous venez de lui prodiguer, il vous reconnaît pour son fils.




LIVRE DEUXIÈME. GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST.

Justification de ce qui est dit dans l'Évangile de la généalogie et de la naissance de Jésus-Christ selon la chair.



CHAPITRE PREMIER. FAUSTE RETRANCHE DE L'ÉVANGILE LES GÉNÉALOGIES DU CHRIST.

Fauste. Admettez-vous l'Évangile? - Assurément. - Vous admettez donc, par conséquent, que le Christ est né? - Non. Car de ce que je reçoive l'Évangile, il ne s'ensuit pas que j'admette que le Christ soit né. - Et pourquoi? - Parce que l'Évangile n'a commencé d'exister et d'être ainsi nommé qu'à la prédication du Christ, et que nulle part il n'y affirme qu'il soit né de l'homme. - D'ailleurs la généalogie est si peu l'Évangile, que son auteur même n'a pas osé lui donner ce nom.Qu'a-t-il écrit en effet? «Le livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David (1)». Il ne dit pas: Livre de l'Évangile de Jésus-Christ; mais: «Livre de la génération»; et on y voit paraître une étoile qui atteste une naissance (2); en sorte que ce récit serait mieux désigné sous le nom de Genèse que sous celui d'Évangile. Enfin voyez comme Marc qui s'est attaché à décrire, non la génération, mais seulement la prédication du Fils de Dieu, qui est proprement l'Evangile, débute convenablement en ces termes «Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu (3)». Ce qui démontre clairement qu'une généalogie n'est pas un Évangile. D'après Matthieu lui-même, ce fut après l'incarcération de Jean que Jésus commença à prêcher l'Évangile du royaume (4). Il est donc certain, que tout le récit qui précède est une généalogie, et non un Evangile. Autrement, pourquoi n'a t-il pas écrit: Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu, sinon parce qu'il a senti qu'il n'était pas juste de donner le nom d'Évangile à une généalogie? Maintenant donc, si vous voyez assez clairement ce que vous avez ignoré jusqu'alors, que l'Évangile est tout autre chose qu'une généalogie, sachez, comme je l'ai dit, que j'admets l'Évangile, c'est-à-dire, la prédication du Christ. Sur cet Evangile faites-moi toutes les questions qu'il vous plaira, mais laissez de côté les générations. Et si vous voulez entrer

1. Mt 1,1 - 2. Mt 2,2 - 3. Mc 1,1 - 4. Mt 4,12-17

aussi en discussion sur ce point, je ne m'y refuse pas; je ne serai point en peine de vous répondre; mais de votre côté sachez procéder par ordre dans vos questions. Car vous me paraissez désirer maintenant savoir si j'admets, non l'Évangile, mais les générations.


CHAPITRE II. L'ÉVANGILE ENSEIGNE LA NAISSANCE CORPORELLE DE JÉSUS-CHRIST.

Augustin. Vous vous demandez en notre nom, si vous recevez l'Évangile, et vous répondez: Assurément. Vous vous demandez ensuite si vous admettez que le Christ soit né, et vous répondez: Nullement, parce que, dites-vous, la génération du Christ ne fait pas partie de l'Évangile. Que répondrez-vous donc à ce témoignage de l'Apôtre: «Souvenez-vous que Jésus-Christ, de la race de David, est ressuscité d'entre les morts, selon l'Évangile que je prêche (1)?» Voyez jusqu'à quel point vous ignorez, ou vous feignez d'ignorer ce que c'est que l'Évangile, et que pour le déterminer vous suivez, non l'enseignement des Apôtres, mais vos principes erronés. Ou si vous appelez Évangile ce que les Apôtres ont ainsi appelé, vous vous écartez de l'Évangile en refusant de croire que le Christ est de la race de David; vérité que l'Apôtre affirme être annoncée conformément à son Evangile. Or, l'Évangile de Paul était l'Évangile des autres Apôtres, et de tous les fidèles dispensateurs de ce grand mystère. Il le dit lui-même: «Soit que ce soit moi, soit que ce soient eux qui vous prêchent, voilà ce que nous prêchons, et voilà ce que vous avez cru (2)». Tous n'ont pas écrit l'Évangile, mais tous ont annoncé l'Évangile. Ceux qui ont raconté l'origine, les actions, les paroles, les souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ont reçu à juste titre le nom d'Évangélistes. Car, d'après la signification du mot, Evangile veut dire bonne nouvelle, ou bonne annonce. Ce terme peut sans doute s'appliquer à toute bonne nouvelle;

1. 2Tm 2,8 - 2. 1Co 15,11

147

mais il a été consacré à désigner proprement la prédication du Sauveur. Si donc vous annoncez autre chose, vous êtes sans contredit en dehors de l'Evangile. Ils sont assurément contre vous, les petits que vous appelez des demi-chrétiens, s'ils entendent la voix de la charité leur mère, qui leur crie par la bouche de l'Apôtre: «Si quelqu'un vient vous annoncer autre chose que ce que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème (1)». Or, Paul a annoncé, selon son Evangile, que le Christ est de la race de David; vous donc, qui le niez, et qui annoncez autre chose, vous êtes anathème. Qui ne voit qu'il n'y a que le plus profond aveuglement pour soutenir que le Christ n'a jamais dit qu'il était né de l'homme, quand il ne cesse, pour ainsi dire, de proclamer qu'il est fils de l'homme?


CHAPITRE 3. LA RACE DE TÉNÈBRES.

Mais voici: du trésor de votre haute science, vous nous produisez je ne sais quel premier homme, qui descendit de la race de lumière pour combattre la race de ténèbres; vous nous le représentez armé de ses eaux contre les eaux de ses ennemis, de son feu contre leur feu, de ses vents contre leurs vents. Et pourquoi ne pas dire de sa fumée contre leur fumée, et de ses ténèbres contre leurs ténèbres? Pourquoi l'armer de l'air contre la fumée, et de la lumière contre les ténèbres? Serait-ce parce que la fumée et les ténèbres sont mauvaises, que lui, essentiellement bon, n'a pu les admettre? Ces trois éléments, l'eau, le vent et le feu sont donc bons. Mais comment peuvent-ils se trouver chez la race ennemie, essentiellement mauvaise? Vous répondez que l'eau de la race de ténèbres était mauvaise, et que celle du premier homme était bonne, et que son feu qui était bon combattit le feu de cette race qui était mauvais. Comment donc n'a-t-il pu opposer une fumée bonne à la fumée mauvaise? Est-ce que vos fictions mensongères s'évanouissent et disparaissent en fumée, comme la fumée elle-même? Votre premier homme, selon vous, combattit la nature contraire. Mais pourquoi, à ces cinq éléments que vous prêtez à la race ennemie, n'opposa-t-il qu'un élément contraire tiré des régions divines, la lumière aux ténèbres? Les

1. Ga 1,8

quatre autres ne sont pas contraires les uns aux autres. Car l'air n'est pas opposé à la fumée, et encore moins l'eau à l'eau, le vent au vent, le feu au feu.


CHAPITRE IV. LE PREMIER HOMME DES MANICHÉENS.

Maintenant, que dire de ces sacrilèges extravagances par lesquelles vous prétendez quo votre premier homme a changé et transformé, au gré de ses ennemis, pour mieux les surprendre, les éléments qu'il portait, afin que l'empire du mensonge, ainsi que vous l'appelez, conservant sa même nature, ne pût user de ruse dans le combat, et que la substance de ta vérité trompât son adversaire, en revêtant des formes diverses? Vous voulez faire croire que Jésus-Christ est fils de ce premier homme. Vous dites que la Vérité est fille de cette fable inventée à plaisir. Ce premier homme, vous le louez pour avoir lutté avec la race son ennemie sous des formes changeantes et trompeuses; mais si vous dites vrai, vous n'imitez pas cet homme; et si vous l'imitez, vous êtes vous-mêmes des imposteurs. Mais notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, vrai et véridique Fils de Dieu, vrai et véridique fils de l'homme, selon le témoignage qu'il a donné de lui-même, a puisé sa divinité éternelle dans le sein du vrai Dieu, et tire véritablement son origine charnelle de l'homme. Votre premier homme est inconnu dans l'enseignement apostolique. Ecoutez l'Apôtre saint Paul: «Le premier homme», dit-il, «est l'homme terrestre formé de la terre; et le second est l'homme céleste descendu du ciel. Comme le premier homme a été terrestre, ses descendants aussi sont terrestres; et comme le second homme est céleste, ses enfants aussi sont célestes. Comme nous avons porté l'image de l'homme terrestre, portons aussi l'image de l'homme descendu du ciel (1)». Le premier homme terrestre tiré de la terre fut Adam, formé de limon; et le second homme céleste descendu du ciel est le Seigneur Jésus-Christ. Le Fils de Dieu est venu prendre chair pour se faire homme visible, tout en demeurant Dieu invisible; il devait être en même temps le vrai Fils de Dieu par qui nous avons été créés, et le vrai fils de l'homme par qui nous avons été

1. 1Co 15,47-49

148

régénérés. Pourquoi donc admettre votre premier homme imaginaire sorti je ne sais d'où, et refuser de reconnaître celui dont parle la doctrine apostolique? Doit-elle donc s'accomplir en vous, cette parole de l'Apôtre: «Ils fermeront l'oreille à la vérité, et ils l'ouvriront à des fables (1)?» Paul montre un premier homme terrestre formé de la terre; et Manès prêche un premier pomme non terrestre, enveloppé de je ne sais quels éléments trompeurs au nombre de cinq. Et Paul dit: «Si quelqu'un vient vous prêcher autre chose que ce que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème». Si Paul n'est pas menteur, Manès est donc anathème.


CHAPITRE V. LE CHRIST DES MANICHÉENS ENCHAÎNÉ AUX ASTRES ET AUX AUTRES CRÉATURES.

Vous vous récriez en outre contre cette étoile qui conduisit les Mages au berceau du Christ, et vous ne rougissez pas, non plus de donner à votre Christ fabuleux, fils de votre premier homme imaginaire, le témoignage d'une étoile, mais de l'enchaîner à toutes les étoiles. Car, selon vous, dans le combat que votre premier homme livra à la race des ténèbres, il se mêla aux princes des ténèbres, pour s'en emparer et en faire la matière dont le monde est formé. Par suite de ces sacrilèges extravagances, vous êtes contraints d'admettre que votre Christ est enchaîné et incorporé, non-seulement au ciel et à toutes les étoiles, mais encore à la terre et à toutes ses productions, et que, loin d'être votre Sauveur, c'est de vous qu'il attend sa délivrance dans ce que vous mangez et ce que vous digérez.

En effet, entichés d'une doctrine aussi puérile qu'impie, vous persuadez à vos auditeurs de vous fournir des aliments, afin de prêter le secours de vos dents et de vos ventres au Christ retenu captif dans ces aliments. C'est par des moyens aussi étranges que vous prétendez rompre ses liens et le rendre à la liberté. Encore n'est-il pas délivré tout entier; il reste de lui dans l'ordure quelques parties faibles et viles, destinées à être emprisonnées de nouveau dans une succession de formes corporelles et diverses, et à être enfin délivrées et purifiées par le feu qui embrasera

1. 2Tm 4,4

l'univers au dernier jour, si elles n'ont pu l'être pendant l'existence de ce monde. Et alors même sa délivrance ne pourra-t-elle être parfaite, dites-vous; le reste des parties les plus infimes de sa nature bonne et divine, tellement souillées que rien n'aura été capable de les purifier, sera condamné à rester éternellement attaché à l'affreux abîme des ténèbres. Et voilà des hommes qui semblent s'indigner comme d'une injure faite au Fils de Dieu, quand nous disons qu'une étoile a révélé sa naissance, comme si nous faisions dépendre cette naissance de la puissance aveugle d'une constellation; tandis qu'eux-mêmes le soumettent à l'empire des étoiles, et bien plus, le représentent tellement enchaîné et souillé dans les entraves de la matière, dans le suc de toutes les plantes, dans la putréfaction de toutes les chairs, dans le résidu de tous les aliments, qu'il ne peut être délivré et purifié, et encore très-imparfaitement, que par les hommes, c'est-à-dire par les élus de la secte, qui, en digérant, le dégagent du sein même des porreaux et des radis.

Loin de nous la pensée de regarder la naissance d'aucun homme comme soumise à l'empire fatal des étoiles; car, pour sauvegarder la justice du jugement de Dieu, nous affranchissons de toute contrainte le libre arbitre de la volonté, principe du bien ou du mal. Combien plus encore croyons-nous l'influence des astres étrangère à la génération de Celui qui est le Créateur et le Seigneur de toutes choses! Ainsi, l'étoile qu'aperçurent les Mages à la naissance du Christ selon la chair, n'exerçait aucune puissance sur sa destinée, mais lui rendait témoignage; elle ne le soumettait point à son empire, mais indiquait le lieu de sa présence. Elle n'était donc pas du nombre de ces étoiles qui, dès l'origine du monde, marchent dans la voie qui leur a été tracée par le Créateur; mais à la naissance du fruit miraculeux de la Vierge parut un nouvel astre qui devait servir de guide aux Mages dans la recherche du Christ, et les conduire, en marchant devant eux, jusqu'au lieu où était le Verbe de Dieu fait enfant. Quels sont d'ailleurs les astrologues qui, en rattachant à l'empire des astres la destinée des hommes à leur naissance, ont prétendu que quelqu'une des étoiles quittait son orbite et se dirigeait vers l'enfant qui venait de naître? N'enseignent-ils pas que l'homme alors est soumis à l'ordre des astres, mais que (149) l'époque de sa naissance ne peut faire déroger à cet ordre? Si donc cette étoile était de celles qui ont leur cours régulier dans les cieux, comment pouvait-elle décréter d'autorité ce que ferait le Christ qui venait de naître, quand à sa naissance elle reçut elle-même l'ordre d'interrompre sa course? Mais si, comme il est plus probable, cette étoile qui n'existait pas auparavant, parut pour annoncer le Christ, la naissance du Christ ne dépendit donc pas de son existence, mais elle-même n'exista que par suite de cette naissance. En sorte que, s'il était nécessaire de nous servir d'une telle expression, nous dirions que le Christ a été pour l'étoile le décret du destin, et non l'étoile pour le Christ. Car il a été la cause de son apparition, et elle n'a pas été celle de sa naissance. Si le terme fatum, oracle, décret, tire son origine du verbe qui signifie porter, décréter, comme le Christ est le Verbe de Dieu, en qui toutes choses ont été décrétées avant leur existence, ce ne sont donc pas les astres qui sont le fatum du Christ, mais le Christ qui est le fatum des astres, lui qui a pris la chair de l'homme créée sous le ciel, en vertu de cette même volonté par laquelle il a créé le ciel même, et qu'il a quittée et reprise par l'effet de cette même puissance avec laquelle il commande aux astres.


CHAPITRE VI. L'ÉVANGILE DES MANICHÉENS.

Pourquoi donc ne regarderions-nous pas comme véritable Evangile le récit qui a trait à cette génération, puisqu'elle nous est annoncée comme la source de tant de biens, qu'elle est devenue le remède qui guérit notre infirmité? Est-ce parce que saint Matthieu n'a pas débuté en ces termes, comme saint Marc: «Le commencement de l'Evangile de Jésus-Christ», mais de cette manière: «Le Livre de la génération de Jésus-Christ?» A ce titre, il faut dire que saint Jean n'a pas écrit l'Evangile, parce que lui aussi n'a pas dit: Le commencement de l'Evangile, ou le Livre de l'Evangile, mais: «Au commencement était le Verbe (1)». Peut-être Fauste, avec son talent si remarquable pour forger des termes, a-t-il su désigner le début de saint Jean sous le titre de Verbidium, à cause du mot Verbum, comme il n'a pas craint de désigner celui de saint Matthieu sous celui de Genesidium, à cause du mot Genesis. Mais comment ne voyez-vous pas plutôt quelle impudence est la vôtre d'oser appeler Evangile vos fables interminables et impies? Quelle bonne nouvelle, je le demande, nous apportent ces rêveries où vous débitez que Dieu ne trouva d'autre moyen de pourvoir à la sûreté et au maintien de son empire, contre les efforts de je ne sais quelle nature étrangère et ennemie, que de jeter en proie à sa voracité une partie de sa nature, laquelle devait être tellement souillée, que les plus longues épreuves et les plus cruelles souffrances ne pourraient la purifier entièrement? Une nouvelle aussi mauvaise doit-elle donc s'appeler Evangile? Tous ceux qui ont la plus légère connaissance du grec savent que Evangile signifie Bonne nouvelle, ou Bonne annonce. Mais qu'y a-t-il de bon dans cette nouvelle qui nous apprend que Dieu, couvert d'un voile, en est réduit à gémir, jusqu'à ce que ses membres soient guéris de leurs plaies et purifiés de leurs souillures? Et quand son deuil finira, ce sera pour faire place à la cruauté. Car, que lui a fait cette portion de lui-même qui sera attachée à la masse des ténèbres? Ne devrait-elle pas être éternellement pleurée, puisqu'elle sera vouée à une damnation éternelle? Mais je ne voulais pas dire que la moindre attention suffit pour reconnaître qu'une telle nouvelle fait moins couler les larmes par sa tristesse, qu'elle ne prête à rire par sa fausseté.

1. Jn 1,1




LIVRE TROISIÈME. LES DEUX GÉNÉALOGIES.

Contrariétés apparentes entre la généalogie de saint Matthieu et celle de saint Luc.



CHAPITRE PREMIER. DIVERGENCES DES DEUX GÉNÉALOGIES.

Fauste. Vous admettez donc la génération? - Longtemps j'ai fait tous les efforts pour me persuader cette étrange doctrine que Dieu est né; mais choqué de la divergence des deux évangélistes qui décrivent sa généalogie, Luc et Matthieu (1), je suis resté dans l'incertitude sur celui que je devais suivre de préférence. Il est possible, me disais-je, que n'ayant pas la science infuse, je me trompe en croyant l'erreur du côté où serait précisément la vérité, et réciproquement. Laissant donc de côté ce débat sans fin, et auquel je ne voyais pas de solution, je m'adressai à Marc et à Jean; c'étaient deux autorités pour deux autorités, évangélistes pour évangélistes. Leur début me plut à juste titre, parce qu'il n'y est question ni de David, ni de Marie, ni de Joseph. Jean dit qu'au commencement était le Verbe, que le Verbe était en Dieu, et que le Verbe était Dieu (2), désignant ainsi le Christ; et Marc s'exprime ainsi: «Evangile de Jésus-Christ, fils de Dieu (3)». Comme s'il reprochait à Matthieu de l'avoir dit fils de David; à moins qu'ils n'annoncent chacun un Jésus différent. Telle est la raison pour laquelle je n'admets pas que le Christ soit né. Pour vous, si vous vous croyez capable de renverser cet obstacle qui m'arrête, conciliez entre eux ces évangélistes, faites que je ne puisse échapper à une entière défaite; toujours néanmoins, je regarderai comme indigne de croire que Dieu, et le Dieu des chrétiens, soit né du sein d'une femme.


CHAPITRE II. CONFIANCE MÉRITÉE PAR LES AUTEURS CHRÉTIENS.

Augustin. Si votes aviez lu l'Evangile avec un zèle vraiment pieux, vous auriez préféré examiner attentivement les contradictions qui vous choquaient dans les évangélistes,

1. Mt 1,1-17 Lc 3,23-38 - 2. Jn 1,1 - 3. Mc 1,1

plutôt que de les condamner témérairement. Du moins, cette contradiction évidente, qui frappe de prime abord, vous aurait fait penser que si elle ne cachait u n profond mystère, il eût été difficile aux évangélistes d'obtenir dans tout l'univers cette grande autorité devant laquelle se sont inclinés les génies les plus distingués par leurs lumières. Quelle merveille, que vous ayez découvert que saint Luc et saint Matthieu ont assigné au Christ selon la chair des ancêtres différents, au nombre desquels cependant tous deux citent Joseph, qui termine la série de saint Matthieu, et commence celle de saint Luc Joseph qui, par suite de son union sainte et virginale avec la mère du Christ, mérita d'être appelé son père, et en qui put être établie la suite de ses générations selon la ligne virile? Quelle merveille que vous ayez découvert que saint Matthieu assigne à Joseph un père différent de celui que lui donne saint Luc que l'un lui donne un aïeul et l'autre un autre; et qu'en remontant la longue suite des générations jusqu'à David, le premier établit une série d'ancêtres différente de celle du second? Une divergence aussi frappante et aussi manifeste a-t-elle donc échappé à tant d'esprits si pénétrants et si éclairés, qui ont étudié avec tant de soin les divines Ecritures? On en compte peu, il est vrai, parmi les Latins; mais n'y en a-t-il pas une foule parmi les Grecs? Assurément, ils l'ont remarquée. Quoi de plus facile à saisir? La moindre attention n'y suffit-elle pas? Mais saintement frappés du caractère de cette haute et éminente autorité, ils ont été convaincus que cette apparente contradiction voilait un mystère, qui serait montré à ceux qui demanderaient, refusé à ceux qui insulteraient, trouvé par ceux qui chercheraient, soustrait à ceux qui critiqueraient, ouvert à ceux qui frapperaient, fermé à ceux qui attaqueraient (1): ils ont demandé, ils ont cherché, ils ont frappé; ils ont reçu, ils ont trouvé, ils sont entrés.

1. Mt 7,7

151


CHAPITRE 3. COMMENT SAINT JOSEPH A PU AVOIR DEUX PÈRES.

Toute la question se résume à savoir comment Joseph a pu avoir deux pères. Une fois cette possibilité démontrée, il n'y a plus de raison d'accuser aucun évangéliste de fausseté, pour avoir établi différentes généalogies. D'abord, en supposant deux pères, rien d'étonnant ni de contradictoire qu'il y ait deux aïeuls, et ainsi de suite deux lignes divergentes d'ancêtres en remontant jusqu'à David, lequel avait pour fils Salomon, qui appartient à la ligne suivie par saint Matthieu, et pour autre fils Nathan, qui appartient à la ligné adoptée par saint Luc. Frappés de ce fait, certains esprits regardent comme impossible que deux hommes puissent engendrer un autre homme par le commerce charnel, et ils en concluent que la question présente est insoluble. Ils né remarquent pas que, d'après l'usage le plus fréquent et le plus répandu, le nom de père se donne, non-seulement à celui qui engendre, mais encore à celui qui adopte quelqu'un.

L'adoption était tellement entrée dans les moeurs de l'antiquité, que nous voyons des femmes même adopter des enfants issus d'un autre sein. Ainsi Sara adopte les enfants d'Agar (1); Lia ceux de sa servante (2); la fille de Pharaon adopte Moïse (3); Jacob lui-même adopte ses petits-fils, enfants de Joseph (4). Ce nom même d'adoption joue un très-grand rôle dans le mystère de notre foi, comme l'attestent les écrits des Apôtres. Saint Paul, parlant des mérites des Juifs: «C'est à eux, dit-il, qu'appartiennent l'adoption, la gloire, le Testament et la loi; ce sont eux qui ont les patriarches pour pères, et desquels est sorti, selon la chair, Jésus-Christ même, qui est le Dieu élevé au-dessus de tout, et béni dans tous les siècles (5)». - «Nous gémissons en nous-mêmes», avait-il dit auparavant, «soupirant après l'adoption des enfants de Dieu, qui sera la rédemption de nos corps (6)». - «Lorsque le temps a été accompli», ajoute-t-il ailleurs, «Dieu a envoyé son Fils, formé d'une femme, et assujéti à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi, et pour nous faire recevoir l'adoption des enfants (7)». Ces témoignages, et d'autres semblables, montrent assez quel profond mystère renferme cette

1. Gn 16,2 - 2. Gn 30,9-13 - 3. Ex 2,9-10 - 4. Gn 48,5 - 5. Rm 9,4-5 - 6. Rm 8,23 - 7. Ga 4,4-5

adoption. Dieu n'a qu'un Fils unique qu'il a engendré de sa substance, et dont il est dit, qu'«ayant la forme et la nature de Dieu, il n'a pas cru que ce fût en lui une usurpation de se dire égal à Dieu (1)». Pour nous, il ne nous a point engendrés de sa substance: nous ne sommes que de pures créatures qu'il a, non engendrées, mais créées; et c'est pourquoi il nous a adoptés pour nous faire devenir, selon sa manière, les frères de Jésus Christ. Or, c'est le mode par lequel Dieu nous a engendrés par sa parole et par sa grâce, pour que nous fussions ses enfants, après que nous avions déjà été, non pas engendrés, mais créés et formés par lui; c'est ce mode, dis-je, que nous appelons adoption. Ce qui a fait dire à saint Jean: «Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (2)». Le droit d'adoption ayant donc été en usage parmi nos pères et dans l'Ecriture sainte, quelle impiété et quelle folie de commencer par accuser de fausseté les évangélistes, pour avoir dressé des généalogies différentes, comme si elles ne pouvaient être vraies en même temps, avant de réfléchir, de considérer et de se convaincre, comme il est si facile, que d'après la coutume la plus universellement admise, le même homme peut avoir deux pères, l'un qui l'ait engendré de sa chair, et l'autre qui l'ait adopté pour son fils, par une disposition particulière dé sa volonté? Si le none de père ne convient pas à ce dernier, nous n'avons pas non plus le droit de dire: «Notre Père, qui êtes aux cieux», à Celui qui ne nous a point engendrés de sa substance, mais qui, d'après l'enseignement des Apôtres et la règle infaillible de la vérité, nous a adoptés par sa grâce et par sa très-miséricordieuse volonté. Car nous le connaissons et pour Dieu, et pour Seigneur, et pour Père; pour Dieu, parce que, bien qu'issus de nos parents selon la chair, nous avons été formés par lui; pour Seigneur, parce que nous sommes soumis à sa puissance; pour Père, parce que nous avons reçu dans son adoption une nouvelle naissance.

Il était donc facile à ces hommes, qui apportaient un zèle religieux à l'étude des divines Lettres, de découvrir, avec la plus simple attention, dans les différentes générations du Christ, telles que les rapportent les deux évangélistes, comment Joseph a pu avoir deux pères, issus chacun d'une ligne

1. Ph 2,6 - 2 Jn 1,12

152

divergente. Vous le verriez assurément vous-mêmes, si l'esprit de chicane ne vous aveuglait. En interprétant les diverses parties de ce récit des évangélistes, ces hommes y ont cherché et découvert bien d'autres mystères encore; mais ces mystères sont entièrement hors de la portée de votre intelligence. Toutefois, malgré l'erreur dans laquelle vous êtes, et sans cet esprit d'opposition avec lequel vous lisez l'Evangile, la moindre réflexion suffirait pour vous faire reconnaître un fait passé en usage dans la vie commune, savoir, qu'un homme peut, par un acte de sa volonté, adopter un enfant engendré par un autre, et qu'ainsi le même homme peut avoir deux pères.


CHAPITRE IV. MYSTÈRES COMPRIS DANS LES DEUX GÉNÉALOGIES.

Maintenant pourquoi saint Matthieu parle-t-il d'Abraham en descendant jusqu'à Joseph, tandis que saint Luc commence à Joseph en remontant, non plus jusqu'à Abraham, mais jusqu'à Dieu, qui a créé l'homme et qui, après lui avoir imposé ses commandements, lui a donné le pouvoir de devenir par la foi enfant de Dieu? pourquoi le premier a placé sa généalogie au commencement de son livre, et le second après le baptême du Sauveur par saint Jean? quelle est la signification du nombre des générations selon saint Matthieu, qui en forme trois séries, de quatorze chacune, bien qu'on en retrouve une en moins dans la somme totale; et pourquoi le nombre des générations telles que saint Luc les rapporte à l'occasion du baptême du Seigneur, s'élève jusqu'à soixante-dix-sept, nombre que le Seigneur lui-même applique à la rémission des péchés, en disant: «Vous pardonnerez non-seulement sept fois, mais soixante-dix-sept fois (1)?» Ce sont là autant de questions insolubles pour vous, à moins que vous ne soyez éclairés par quelque catholique, spécialement adonné à l'étude et très-versé dans la connaissance des divines Ecritures, ou que, désabusés de vos erreurs, et animés des sentiments de la piété catholique, vous ne demandiez pour recevoir, vous ne cherchiez pour trouver, et vous ne frappiez pour entrer.

1. Mt 18,22


CHAPITRE V. INJURE FAITE PAR FAUSTE AUX ÉVANGÉLISTES QU'IL ADOPTE.

Ainsi se trouve résolue, par la double paternité de nature et d'adoption, la difficulté qui naissait, aux yeux de Fauste, de la diversité des générations, et qui consistait précisément à montrer comment Joseph pouvait avoir eu deux pères. C'est donc en vain qu'il a rejeté les deux évangélistes, pour s'attacher aux deux autres. C'était faire à ceux-ci une injure plus grave encore qu'aux premiers. Les saints n'aiment pas d'avoir pour adeptes ceux qui se montrent les contempteurs de leurs frères. L'unité est leur privilège, et ils en jouissent dans le Christ. Que l'un dise une chose, et l'autre une autre, l'un d'une manière, et l'autre d'une autre, tous ne disent que la vérité, jamais rien de contradictoire pour tout lecteur pieux qui les lit avec docilité, et qui s'attache à les expliquer, non dans un esprit de parti qui n'engendre que la chicane, mais avec un coeur sincère qui produit l'édification, Nous croyons que chaque évangéliste a voulu donner la suite des générations propres à l'un des deux pères qu'eut Joseph, selon un usage commun parmi les hommes; en quoi cette croyance est-elle contraire à la vérité? Maintenant donc que les évangélistes sont conciliés entre eux, avouez, comme Fauste s'y est engagé, que vous êtes complètement vaincus.


CHAPITRE VI. COMMENT LE CHRIST EST NÉ D'UNE FEMME.

Cette réflexion qu'ajoute Fauste, vous arrête-t-elle encore? «Toujours je regarderai comme indigne, dit-il, de croire que Dieu, et le Dieu des chrétiens soit né». Comme si nous croyions que la nature divine elle-même soit issue du sein d'une femme. N'ai-je pas cité plus haut le témoignage de l'Apôtre, où il dit des Juifs: «Ce sont eux qui ont les patriarches pour pères, et desquels est sorti, selon la chair, Jésus-Christ même, qui est le Dieu élevé au-dessus de tout, et béni dans tous les siècles?» Non, le Christ Notre-Seigneur et Sauveur, vrai Fils de Dieu selon la divinité, vrai fils de l'homme selon la chair, n'est pas né de la femme en tant qu'il est ce Dieu élevé au-dessus de toutes choses et béni dans tous les siècles; mais en tant (153) qu'il nous a emprunté l'infirmité de la chair, en laquelle il devait mourir, pour la guérir en nous; non, il n'est pas né de la femme selon la forme et la nature divine qu'il possédait, de manière à pouvoir, sans usurpation, se dire l'égal de Dieu; mais selon la forme d'esclave en laquelle «il s'est anéanti lui-même» en la prenant (1). Car il ne s'est anéanti qu'en prenant cette forme d'esclave, sans perdre sa forme divine. Il a conservé sans aucune altération cette nature et cette forme divine par laquelle il est égal au Père, pendant qu'il prenait notre nature sujette au changement, en laquelle il devait naître d'une vierge. Et vous, qui avez horreur de confier la chair du Christ

1. Ph 2,6

au sein d'une vierge, vous ne craignez pas d'enfermer la divinité même, non-seulement dans le sein de l'homme, mais jusque dans les entrailles des chiens et des pourceaux! Vous refusez de croire que la chair du Christ a été une seule fois conçue dans un sein virginal, où la Divinité n'a subi ni captivité, ni changement; et vous osez soutenir qu'une portion de Dieu, que la nature divine est en chaînée, opprimée, souillée dans ce qui concourt à la génération chez les hommes et les animaux, dans toutes les productions, dans toutes les parties de la terre, des eaux et des airs, sans qu'elle puisse jamais tout entière recouvrer la liberté!



Augustin contre Fauste