Augustin, de la correction et de la grâce. - CHAPITRE XVI. CONCLUSION.

CHAPITRE XVI. CONCLUSION.

Sur la foi de tels sophismes gardons-nous de nous croire en sûreté dans notre négligence. Il est bien vrai qu'il n'y a pour périr que l'enfant de perdition, mais Dieu nous dit par la voix du prophète Ezéchiel: «Il mourra dans son péché, mais je demanderai compte de son sang à celui qui devait veiller à son salut (1)».


49. Pour nous qui ne pouvons discerner ceux qui sont prédestinés de ceux qui ne le sont pas, et qui par là même devons vouloir le salut de tous, c'est pour nous une obligation rigoureuse d'user médicinalement d'une correction sévère à l'égard des coupables pour les empêcher ou de périr, ou d'en entraîner d'autres à leur perte. Du reste, à Dieu seul il appartient de rendre cette correction utile et efficace à l'égard de ceux qu'il a connus dans sa prescience et qu'il a prédestinés pour devenir conformes à l'image de son Fils. Si donc quelquefois nous nous abstenons de corriger, dans la crainte que cette correction ne soit pour quelques-uns une occasion de périr, pourquoi ne ferions-nous pas cette correction dans le but d'empêcher que la perte ne devienne plus grande? Ne nous flattons pas de mieux comprendre la charité que l'Apôtre, qui disait: «Corrigez ceux qui sont déréglés, consolez ceux qui ont l'esprit abattu, supportez les faibles, soyez patients envers tous, prenez garde que nul ne rende à un autre le mal pour le mal (2)». Ces paroles ne signifient-elles pas que, si l'on rend le mal pour le mal, c'est surtout en s'abstenant de corriger celui qui a besoin de correction, et en l'abandonnant par une coupable dépravation? L'Apôtre nous dit ailleurs: «Corrigez les pécheurs en présence de tous les autres fidèles, afin d'inspirer aux autres une crainte salutaire (3)». Il est évidemment question des péchés publics, car autrement le langage de saint Paul serait en contradiction avec celui du Sauveur. En effet, Jésus disait à ses disciples: «Si votre frère pèche contre vous, reprenez-le entre vous et lui»; ce qui ne l'empêche pas de porter la sévérité de la correction jusqu'à s'écrier: «S'il n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour vous comme un


1. Ez 3,18 - 2. 1Th 5,14-15 - 3. 1Tm 5,20

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païen et un publicain (1)». Qui donc a plus aimé les faibles que celui qui s'est fait faible pour tous et qui, dans sa faiblesse volontaire, a été crucifié pour le genre humain tout entier?

De là concluons que la grâce n'exclut pas la correction, pas plus que la correction n'exclut la grâce. Par conséquent, nous devons, en prescrivant ce qui est juste, implorer de Dieu par la prière la grâce dont on a besoin pour faire ce qui est commandé; et ni la grâce, ni la prière n'excluent une juste correction. Du reste, tout doit se faire avec la plus grande charité, car la charité ne pèche jamais et couvre la multitude des péchés.


1. Mt 18,15-17

Traduction de M. l'abbé BURLERAUX.



BURLERAUX.aduction s>CHAPITRE XVI. CONCLUSION.</a></h2>
Augustin, de la correction et de la grâce. - CHAPITRE XVI. CONCLUSION.