Catéchèses Benoît XVI 51212

Mercredi 5 décembre 2012: L'Année de la foi. Dieu révèle son « dessein bienveillant »

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Chers frères et soeurs,

Au début de sa lettre aux chrétiens d’Ephèse (cf.
Ep 1,3-4), l’apôtre Paul élève une prière de bénédiction à Dieu, Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous introduit à vivre le temps de l’Avent, dans le cadre de l’Année de la foi. Le thème de cet hymne de louange est le projet de Dieu à l’égard de l’homme, défini à travers des termes pleins de joie, d’émerveillement et d’action de grâce, comme un « dessein bienveillant » (v. 9), de miséricorde et d’amour.

Pourquoi l’apôtre élève-t-il à Dieu, du plus profond de son coeur, cette bénédiction ? Parce qu’il contemple son action dans l’histoire du salut, qui a culminé dans l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus et il voit que le Père céleste nous a choisis avant même la création du monde, pour être ses fils adoptifs, dans son Fils unique, Jésus Christ (cf. Rm 8,14s ; Ga 4, 4s). Nous existons, dès l’éternité, dans l’esprit de Dieu, dans un grand projet que Dieu a conservé en lui et qu’il a décidé de réaliser et de révéler « quand les temps seraient accomplis » (cf. Ep 1,10). Saint Paul nous fait donc comprendre que toute la création et, en particulier, l’homme et la femme, ne sont pas le fruit du hasard, mais répondent à un dessein bienveillant de la raison éternelle de Dieu qui, en vertu de la puissance créatrice et rédemptrice de sa Parole, donne origine au monde. Cette première affirmation nous rappelle que notre vocation n’est pas simplement d’exister dans le monde, d’être insérés dans une histoire, ni même d’être uniquement des créatures de Dieu ; c’est quelque chose de beaucoup plus grand : c’est être choisis par Dieu, avant même la création du monde, dans le Fils, Jésus Christ. En Lui, donc, nous existons déjà, pour ainsi dire, depuis toujours. Dieu nous contemple dans le Christ, comme des fils adoptifs. Le « dessein bienveillant » de Dieu, qui est qualifié par l’apôtre également de « dessein d’amour » (Ep 1,5) est défini comme le « mystère » de la volonté divine (v. 9), caché et à présent manifesté dans la Personne et dans l’oeuvre du Christ. L’initiative divine précède toute réponse humaine : c’est un don gratuit de son amour qui nous enveloppe et nous transforme.

Mais quel est l’objectif ultime de ce dessein mystérieux ? Quel est le centre de la volonté de Dieu ? C’est celui — nous dit saint Paul — « de ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ » (v. 10). Dans cette expression, nous trouvons l’une des formulations centrales du Nouveau Testament qui nous font comprendre le dessein de Dieu, son projet d’amour à l’égard de l’humanité tout entière, une formulation que, au siècle dernier, saint Irénée de Lyon plaça au centre de sa christologie : « récapituler » toute la réalité dans le Christ. Certains de vous se souviennent peut-être de la formule utilisée par le Pape saint Pie x pour la consécration du monde au Sacré Coeur de Jésus : « Instaurare omnia in Christo », formule qui rappelle cette expression de saint Paul et qui était également la devise de ce saint Pape. Mais l’apôtre parle plus précisément de récapituler l’univers dans le Christ, et cela signifie que, dans le grand dessein de la création et de l’histoire, le Christ s’élève comme centre du chemin tout entier du monde, axe porteur de tout, qui attire à Lui la réalité tout entière, pour surmonter la dispersion et la limite et conduire tout à la plénitude voulue par Dieu (cf. Ep 1,23).

Ce « dessein bienveillant » n’est pas resté, pour ainsi dire, dans le silence de Dieu, dans les sommets de son Ciel, mais Il l’a fait connaître en entrant en relation avec l’homme, à qui il n’a pas seulement révélé quelque chose, mais Lui-même. Il n’a pas simplement communiqué un ensemble de vérités, mais il s’est auto-communiqué à nous, jusqu’à être l’un de nous, à s’incarner. Le Concile oecuménique Vatican ii, dans la Constitution dogmatique Dei Verbum dit : « Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en personne [pas seulement quelque chose de lui-même, mais lui-même] et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (DV 2). Dieu dit non seulement quelque chose, mais Il se communique, il nous attire dans la nature divine si bien que nous sommes introduits en elle, divinisés. Dieu révèle son grand dessein d’amour en entrant en relation avec l’homme, en s’approchant de lui au point de se faire Lui-même homme. Le Concile poursuit : « Le Dieu invisible (cf. Col 1,15 1Tm 1,17) s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis (cf. Ex Ex 33,11 Jn 15,14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba Ba 3,28) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie » (ibid.). Par sa seule intelligence et ses capacités, l’homme n’aurait pas pu atteindre cette révélation aussi lumineuse de l’amour de Dieu; c’est Dieu qui a ouvert son Ciel et qui s’est abaissé pour guider l’homme dans l’abîme de son amour.

Saint Paul écrit également aux chrétiens de Corinthe : « Mais ce que nous proclamons, c'est, comme dit l'Écriture : ce que personne n'avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l'homme n'avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu. Et c'est à nous que Dieu, par l'Esprit, a révélé cette sagesse. Car l'Esprit voit le fond de toutes choses, et même les profondeurs de Dieu » (1Co 2,9-10). Et saint Jean Chrysostome, dans une page célèbre qui commente le début de la Lettre aux Éphésiens, invite à goûter toute la beauté de ce « dessein bienveillant » de Dieu révélé dans le Christ, par ces mots : « Qu’est-ce qui te manque ? Tu es devenu immortel, tu es devenu libre, tu es devenu fils, tu es devenu juste, tu es devenu frère, tu es devenu cohéritier, tu règnes avec le Christ, tu es glorifié avec le Christ. Tout nous a été donné et — comme il est écrit — “comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ?” (Rm 8,32). Tes prémisses (cf. 1Co 15,20 1Co 15,23) sont adorées par les anges [...] : qu’est-ce qu’il te manque ? » (PG 62,11).

Cette communion dans le Christ par l’oeuvre de l’Esprit Saint, offerte par Dieu à tous les hommes avec la lumière de la Révélation, n’est pas quelque chose qui vient se superposer à notre humanité, mais elle est l’accomplissement des aspirations les plus profondes, de ce désir de l’infini et de plénitude qui demeure au plus profond de l’être humain, et l’ouvre à un bonheur qui n’est pas momentané et limité, mais éternel. Saint Bonaventure de Bagnoregio, en se référant à Dieu qui se révèle et nous parle à travers les Écritures pour nous conduire à Lui, affirme ce qui suit : « L’Écriture Sainte est [...] le livre dans lequel sont écrites les paroles de vie éternelle car, non seulement nous croyons, mais nous possédons aussi la vie éternelle, dans laquelle nous verrons, nous aimerons et seront réalisés tous nos désirs » (Breviloqum, Prol. ; Opera Omnia v, 201s). Enfin, le bienheureux Pape Jean-Paul II rappelait que « la Révélation introduit dans l'histoire un point de repère que l'homme ne peut ignorer s'il veut arriver à comprendre le mystère de son existence ; mais, d'autre part, cette connaissance renvoie constamment au mystère de Dieu que l'esprit ne peut explorer à fond mais seulement recevoir et accueillir dans la foi ». (Enc. Fides et ratio FR 14).

Dans cette perspective, qu’est-ce donc que l’acte de la foi ? C’est la réponse de l’homme à la Révélation de Dieu, qui se fait connaître, qui manifeste son dessein bienveillant ; c’est, pour utiliser une expression augustinienne, se laisser emporter par la Vérité qui est Dieu, une Vérité qui est Amour. C’est pourquoi saint Paul souligne qu’à Dieu, qui a révélé son mystère, est due « l’obéissance de la foi » (Rm 16,26 cf. Rm 1,5 2Co 10,5-6), l’attitude par laquelle « l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait » (Const. dogm. Dei Verbum DV 5). Tout cela conduit à un changement fondamental de la manière de se rapporter à la réalité tout entière ; tout apparaît sous une lumière nouvelle, il s’agit donc d’une véritable « conversion », la foi est un « changement de mentalité », parce que le Dieu qui s’est révélé dans le Christ et a fait connaître son dessein d’amour, nous emporte, nous attire à Lui, devient le sens qui soutient la vie, le roc sur lequel celle-ci peut trouver une stabilité. Dans l’Ancien Testament nous trouvons une riche expression sur la foi, que Dieu confie au prophète Isaïe afin qu’il la communique au roi de Juda, Achaz. Dieu affirme : « Si vous ne croyez pas — c’est-à-dire si vous ne restez pas fidèles à Dieu —, vous ne vous maintiendrez pas » (Is 7,9). Il existe donc un lien entre le fait d’être et celui de comprendre, qui exprime bien que la foi signifie accueillir dans sa propre vie la vision de Dieu sur la réalité, laisser Dieu nous guider avec sa Parole et les sacrements pour comprendre ce que nous devons faire, quel est le chemin que nous devons parcourir, comment vivre. Dans le même temps, toutefois, c’est précisément comprendre selon Dieu, voir avec ses yeux qui rend la vie solide, qui nous permet de « rester debout », de ne pas tomber.

Chers amis, l’Avent, le temps liturgique que nous venons de commencer et qui nous prépare à Noël, nous place face au lumineux mystère de la venue du Fils de Dieu, au grand « dessein bienveillant » par lequel il veut nous attirer à Lui, pour nous faire vivre en pleine communion de joie et de paix avec Lui. L’Avent nous invite encore une fois, au milieu de tant de difficultés, à renouveler la certitude que Dieu est présent : Il est entré dans le monde, en se faisant homme comme nous pour conduire à sa plénitude son dessein d’amour. Et Dieu demande que nous aussi devenions signe de son action dans le monde. À travers notre foi, notre espérance, notre charité, Il veut entrer dans le monde, toujours à nouveau et veut toujours à nouveau faire resplendir sa lumière dans notre nuit.

APPEL


Des nouvelles préoccupantes continuent d’arriver à propos de la grave crise humanitaire dans l’est de la République démocratique du Congo, qui depuis des mois est devenu le théâtre de conflits armés et de violences. Une grande partie de la population manque des moyens de subsistance fondamentaux et des milliers d’habitants ont été contraints d’abandonner leurs maisons, pour chercher refuge ailleurs. Je renouvelle par conséquent mon appel au dialogue et à la réconciliation et je demande à la communauté internationale d’oeuvrer pour subvenir aux besoins de la population.
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Je salue avec joie les pèlerins francophones, particulièrement le groupe du “Jour du Seigneur” ! L’Avent nous invite à renouveler notre certitude que Dieu est toujours présent dans nos vies. N’ayez pas peur de vous laisser guider par sa Parole et par les Sacrements ! Dieu est le roc qui nous donne la stabilité nécessaire pour rester toujours debout. Bon pèlerinage à tous !





Salle Paul VI

Mercredi 12 décembre 2012: L'Année de la foi. Les étapes de la Révélation

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Chers frères et soeurs,

Au cours de la dernière catéchèse, j’ai parlé de la Révélation de Dieu, comme communication qu’Il fait de Lui et de son dessein de bienveillance et d’amour. Cette Révélation de Dieu s’inscrit dans le temps et dans l’histoire des hommes : une histoire qui devient « le lieu où nous pouvons constater l’action de Dieu en faveur de l’humanité. Il nous rejoint en ce qui pour nous est le plus familier et le plus facile à vérifier parce que cela constitue notre cadre quotidien, sans lequel nous ne pourrions nous comprendre » (Jean-Paul II, Enc. Fides et ratio
FR 12).

L’évangéliste saint Marc — comme nous l’avons entendu — rapporte, en termes clairs et synthétiques, les débuts de la prédication de Jésus : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche » (Mc 1,15). Ce qui illumine et donne son plein sens à l’histoire du monde et de l’homme commence à briller dans la grotte de Bethléem ; c’est le mystère que nous contemplerons d’ici peu dans le Noël : le salut qui se réalise en Jésus Christ. En Jésus de Nazareth, Dieu manifeste son visage et demande la décision de l’homme de le reconnaître et de le suivre. La révélation de Dieu dans l’histoire pour entrer dans une relation de dialogue d’amour avec l’homme, donne un sens nouveau au chemin humain tout entier. L’histoire n’est pas une simple succession de siècles, d’années, de jours, mais c’est le temps d’une présence qui lui confère une pleine signification et l’ouvre à une solide espérance.

Où pouvons-nous lire les étapes de cette Révélation de Dieu ? L’Écriture Sainte est le lieu privilégié pour découvrir les événements de ce chemin et je voudrais — une fois de plus — inviter chacun, en cette Année de la foi, à prendre en main plus souvent la Bible pour la lire et la méditer et à prêter une plus grande attention aux lectures de la Messe du dimanche; tout cela constitue une nourriture précieuse pour notre foi.

En lisant l’Ancien Testament, nous pouvons voir que les interventions de Dieu dans l’histoire du peuple qu’il s’est choisi et avec lequel il établit une alliance, ne sont pas des faits qui passent et qui tombent dans l’oubli, mais ils deviennent « mémoire », ils constituent ensemble l’« histoire du salut », maintenue vivante dans la conscience du peuple d’Israël à travers la célébration des événements salvifiques. Ainsi, dans le Livre de l’Exode, le Seigneur indique à Moïse de célébrer le grand moment de la libération de l’esclavage de l’Egypte, la Pâque juive, par ces paroles : « Ce jour-là, vous en ferez mémoire et vous le fêterez comme une fête pour le Seigneur, dans vos générations vous la fêterez, c'est un décret perpétuel » (12, 14). Pour tout le peuple d’Israël, rappeler ce que Dieu a fait devient une sorte d’impératif constant afin que le temps qui s’écoule soit marqué par la mémoire vivante des événements passés, qui forment ainsi, jour après jour, à nouveau l’histoire et demeurent présents. Dans le Livre du Deutéronome, Moïse s’adresse au peuple en lui disant : « Ne va pas oublier ces choses que tes yeux ont vues, ni les laisser, en aucun jour de ta vie, sortir de ton coeur ; enseigne-les au contraire à tes fils et aux fils de tes fils » (4, 9). Et ainsi, il nous dit à nous aussi : « Ne va pas oublier ces choses que Dieu a faites avec nous ». La foi est nourrie par la découverte et par la mémoire du Dieu toujours fidèle, qui guide l’histoire et qui constitue le fondement sûr et stable sur lequel reposer sa vie. Le chant du Magnificat, que la Vierge Marie élève à Dieu, est lui aussi un exemple très élevé de cette histoire de salut, de cette mémoire qui rend et garde présent l’action de Dieu. Marie exalte l’action miséricordieuse de Dieu dans le chemin concret de son peuple, la fidélité aux promesses d’alliance faites à Abraham et à sa descendance; et tout cela est mémoire vivante de la présence divine qui ne fait jamais défaut (cf. Lc 1,46-55).

Pour Israël, l’Exode est l’événement historique central dans lequel Dieu révèle son action puissante. Dieu libère les juifs de l’esclavage d’Egypte pour qu’ils puissent rentrer en Terre promise et l’adorer comme l’unique et vrai Seigneur, Israël ne se met pas en chemin pour être un peuple comme les autres — pour avoir lui aussi une indépendance nationale —, mais pour servir Dieu dans le culte et dans la vie, pour créer pour Dieu un lieu où l’homme est dans l’obéissance à son égard, où Dieu est présent et adoré dans le monde; et, naturellement, pas seulement pour eux, mais pour en témoigner au sein des autres peuples. La célébration de cet événement signifie le rendre présent et actuel, pour que l’oeuvre de Dieu ne vienne pas à manquer. Il est fidèle à son dessein de libération et continue à le poursuivre, afin que l’homme puisse reconnaître et servir son Seigneur et répondre avec foi et amour à son action.

Dieu se révèle donc Lui-même non seulement dans l’acte primordial de la création, mais en entrant dans notre histoire, dans l’histoire d’un petit peuple qui n’était ni le plus nombreux, ni le plus fort. Et cette Révélation de Dieu, qui se poursuit dans l’histoire, culmine en Jésus Christ: Dieu, le Logos, la Parole créatrice qui est à l’origine du monde, s’est incarnée en Jésus et a montré le vrai visage de Dieu. En Jésus s’accomplit toute promesse, en Lui culmine l’histoire de Dieu avec l’humanité. Lorsque nous lisons le récit des deux disciples en chemin vers Emmaüs, qui nous est raconté par saint Luc, nous voyons émerger de façon claire que la personne du Christ illumine l’Ancien Testament, toute l’histoire du salut et montre le grand dessein unitaire des deux Testaments, montre la voie de son unicité. Jésus, en effet, explique aux deux voyageurs perdus et déçus qu’il est l’accomplissement de toutes les promesses : « Et, en partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait » (24, 27). L’Evangéliste rapporte l’exclamation des deux disciples après avoir reconnu que ce compagnon de voyage était le Seigneur : « Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? » (v. 32).

Le Catéchisme de l’Église catholique résume les étapes de la Révélation divine en montrant de manière synthétique son développement (cf. nn. CEC 54-64) : Dieu a invité l’homme dès les débuts à une communion intime avec Lui et même lorsque l’homme, à cause de sa désobéissance, a perdu son amitié, Dieu ne l’a pas abandonné au pouvoir de la mort, mais a offert à plusieurs reprises aux hommes son alliance (cf. Missel Romain, Prière. euch. iv). Le Catéchisme parcourt le chemin de Dieu avec l’homme de l’alliance avec Noé après le déluge, à l’appel d’Abraham à sortir de sa terre pour en faire le père d’une multitude de peuples. Dieu forme Israël comme son peuple, à travers l’événement de l’Exode, l’alliance du Sinaï et le don, par l’intermédiaire de Moïse, de la Loi pour être reconnu et servi comme l’unique Dieu vivant et vrai. Avec les prophètes, Dieu guide son peuple dans l’espérance du salut. Nous connaissons — à travers Isaïe — le « second Exode », le retour de l’exil de Babylone jusque sur sa propre terre, la refondation du peuple; dans le même temps, toutefois, beaucoup restent dans le désespoir et ainsi commence l’universalité de cette foi. A la fin, l’on n’attend plus seulement un roi, David, un fils de David, mais un « Fils de l’homme », le salut de tous les peuples. Des rencontres entre les cultures ont lieu, d’abord avec Babylone et la Syrie, puis aussi avec la multitude grecque. Ainsi voyons-nous comment le chemin de Dieu s’élargit, s’ouvre toujours davantage vers le Mystère du Christ, le Roi de l’univers. Dans le Christ se réalise enfin la Révélation dans sa plénitude, le dessein de bienveillance de Dieu: il se fait Lui-même l’un d’entre nous.

Je me suis arrêté sur le fait de rappeler l’action de Dieu dans l’histoire de l’homme, pour montrer les étapes de ce grand dessein d’amour témoigné dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament : un unique dessein de salut adressé à toute l’humanité, progressivement révélé et réalisé par la puissance de Dieu, où Dieu réagit toujours aux réponses de l’homme et trouve de nouveaux débuts d’alliance quand l’homme s’égare. Cela est fondamental sur le chemin de foi. Nous sommes dans le temps liturgique de l’Avent qui nous prépare à Noël. Comme nous le savons tous, le terme « Avent » signifie « venue », « présence », et anciennement, il indiquait précisément l’arrivée du roi ou de l’empereur dans une province déterminée. Pour nous chrétiens, ce terme indique une réalité merveilleuse et bouleversante: Dieu lui-même est sorti de son Ciel est s’est penché sur l’homme ; il a passé une alliance avec lui en entrant dans l’histoire d’un peuple; Il est le roi qui est descendu dans cette pauvre province qu’est la terre et il nous a fait don de sa visite en assumant notre chair, en devenant un homme comme nous. L’Avent nous invite à reparcourir le chemin de cette présence et nous rappelle toujours à nouveau que Dieu ne s’est pas retiré du monde, il n’est pas absent, il ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes, mais il vient à notre rencontre de différentes manières, que nous devons apprendre à discerner. Et nous aussi, avec notre foi, notre espérance et notre charité, nous sommes appelés chaque jour à chercher et à témoigner de cette présence, dans un monde souvent superficiel et distrait, et à faire resplendir dans notre vie la lumière qui a illuminé la grotte de Bethléem. Merci.


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« Chers amis, c’est avec joie que je m’unis à vous à travers Twitter. Merci de votre réponse généreuse. Je vous bénis tous de tout coeur ».

Je salue avec joie les pèlerins francophones ! En cette année de la foi, je vous invite à prendre en main la Bible pour la lire et la méditer. Prêtez aussi une plus grande attention aux lectures du dimanche, pour nourrir votre foi et rester fidèle à l’Alliance que Dieu scelle avec chaque baptisé ! Bon pèlerinage !





Salle Paul VI

Mercredi 19 décembre 2012: La Vierge Marie : Icône de la foi obéissante

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Chers frères et soeurs,

Sur le chemin de l’Avent, la Vierge Marie occupe une place particulière comme celle qui, de façon unique, a attendu la réalisation des promesses de Dieu, en accueillant dans la foi et dans la chair Jésus, le Fils de Dieu, en pleine obéissance à la volonté divine. Aujourd’hui, je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur la foi de Marie à partir du grand mystère de l’Annonciation.

« Chaîre kecharitomene, ho Kyrios meta sou », « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (
Lc 1,28). Telles sont les paroles — rapportées par l’évangéliste Luc — par lesquelles l’archange Gabriel s’adresse à Marie. À première vue, le terme chaîre, « réjouis-toi », semble une salutation normale, habituelle dans le contexte grec, mais s’il est lu dans le cadre de la tradition biblique, ce mot acquiert une signification beaucoup plus profonde. Ce même terme est présent quatre fois dans la version grecque de l’Ancien Testament et toujours comme une annonce de joie pour la venue du Messie (cf. So So 3,14 Jl 2,21 Za 9,9 Lm 4,21). Le salut de l’ange à Marie est donc une invitation à la joie, à une joie profonde, il annonce la fin de la tristesse qu’il y a dans le monde face à la limite de la vie, à la souffrance, à la mort, à la méchanceté, aux ténèbres du mal qui semblent obscurcir la lumière de la bonté divine. C’est un salut qui marque le début de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle.

Mais pourquoi Marie est-elle invitée à se réjouir de cette façon ? La réponse se trouve dans la deuxième partie du salut : «Le Seigneur est avec toi ». Ici aussi, pour bien comprendre le sens de l’expression, nous devons nous tourner vers l’Ancien Testament. Dans le Livre de Sophonie, nous trouvons cette expression : « Pousse des cris de joie, fille de Sion... Le Seigneur est roi d'Israël au milieu de toi... Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur » (3, 14-17). Dans ces paroles, il y a une double promesse faite à Israël, à la fille de Sion : Dieu viendra comme sauveur et habitera précisément au milieu de son peuple, dans le sein de la fille de Sion. Dans le dialogue entre l’ange et Marie se réalise exactement cette promesse : Marie est identifiée avec le peuple épousé par Dieu, elle est véritablement la Fille de Sion en personne; en elle s’accomplit l’attente de la venue définitive de Dieu, en elle habite le Dieu vivant.

Dans le salut de l’ange, Marie est appelée « pleine de grâce » ; en grec, le terme « grâce », charis, a la même racine linguistique que le terme « joie ». Dans cette expression également est éclaircie ultérieurement la source de la joie de Marie : la joie provient de la grâce, c’est-à-dire qu’elle provient de la communion avec Dieu, du fait d’avoir une relation si vitale avec Lui, du fait d’être demeure de l’Esprit Saint, entièrement formée par l’action de Dieu. Marie est la créature qui de façon unique a ouvert toute grande la porte à son Créateur, elle s’est placée entre ses mains, sans limite. Elle vit entièrement de la et dans la relation avec le Seigneur ; elle est dans une attitude d’écoute, attentive à saisir les signes de Dieu sur le chemin de son peuple ; elle est insérée dans une histoire de foi et d’espérance dans les promesses de Dieu, qui constitue le tissu de son existence. Et elle se soumet librement à la parole reçue, à la volonté divine dans l’obéissance de la foi.

L’évangéliste Luc raconte l’histoire de Marie à travers un subtil parallélisme avec l’histoire d’Abraham. Comme le grand Patriarche est le père des croyants, qui a répondu à l’appel de Dieu à quitter la terre où il vivait, ses certitudes, pour entamer le chemin vers une terre inconnue et possédée uniquement dans la promesse divine, de même Marie s’en remet avec une totale confiance à la parole que lui a annoncée le messager de Dieu et devient modèle et mère de tous les croyants.

Je voudrais souligner un autre aspect important : l’ouverture de l’âme à Dieu et à son action dans la foi inclut aussi l’élément de l’obscurité. La relation de l’être humain avec Dieu n’efface pas la distance entre le Créateur et la créature, n’élimine pas ce qu’affirme l’apôtre Paul face aux profondeurs de la sagesse de Dieu : « Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11,33). Mais justement celui qui — comme Marie — est ouvert de façon totale à Dieu, parvient à accepter le vouloir divin, même s’il est mystérieux, même si souvent il ne correspond pas à notre propre volonté et qu’il est une épée qui transperce l’âme, comme le dira prophétiquement le vieux Syméon à Marie, au moment où Jésus est présenté au Temple (cf. Lc 2,35). Le chemin de foi d’Abraham comprend le moment de joie pour le don de son fils Isaac, mais aussi le moment de l’obscurité, lorsqu’il doit monter sur le mont Moriah pour accomplir un geste paradoxal : Dieu lui demande de sacrifier le fils qu’il vient de lui donner. Sur le mont, l’ange lui ordonne : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22,12) ; la pleine confiance d’Abraham dans le Dieu fidèle aux promesses ne manque pas non plus lorsque sa parole est mystérieuse et difficile, presque impossible à accueillir. Ainsi en est-il pour Marie, sa foi vit la joie de l’Annonciation mais passe aussi à travers l’obscurité de la crucifixion de son Fils, pour pouvoir atteindre la lumière de la Résurrection.

Il en est de même aussi pour le chemin de foi de chacun de nous: nous rencontrons des moments de lumière, mais nous rencontrons aussi des passages où Dieu semble absent, son silence pèse dans notre coeur et sa volonté ne correspond pas à la nôtre, à ce que nous voudrions. Mais plus nous nous ouvrons à Dieu, plus nous accueillons le don de la foi, plus nous plaçons totalement en Lui notre confiance — comme Abraham et comme Marie — alors plus Il nous rend capables, par sa présence, de vivre toute situation de la vie dans la paix et dans la certitude de sa fidélité et de son amour. Mais cela signifie sortir de soi et de nos projets, afin que la Parole de Dieu soit la lampe qui guide nos pensées et nos actions.

Je voudrais m’arrêter encore sur un aspect qui émerge des récits sur l’Enfance de Jésus raconté par saint Luc. Marie et Joseph portent leur fils à Jérusalem, au Temple, pour le présenter et le consacrer au Seigneur comme le prescrit la loi de Moïse : «Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur » (cf. Lc 2,22-24). Ce geste de la Sainte Famille acquiert un sens encore plus profond si nous le lisons à la lumière de la science évangélique de Jésus à douze ans qui, après trois jours de recherche, est retrouvé au Temple en train de discuter parmi les docteurs. Aux paroles pleines d’inquiétude de Marie et Joseph : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés », correspond la mystérieuse réponse de Jésus : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2,48-49). C’est-à-dire dans la propriété du Père, dans la maison du Père, comme l’est un fils. Marie doit renouveler la foi profonde avec laquelle elle a dit « oui » lors de l’Annonciation ; elle doit accepter que la priorité soit donnée au Père véritable et propre de Jésus ; elle doit savoir laisser libre ce Fils qu’elle a engendré pour qu’il suive sa mission. Et le « oui » de Marie à la volonté de Dieu, dans l’obéissance de la foi, se répète tout au long de sa vie, jusqu’au moment le plus difficile, celui de la Croix.

Face à tout cela, nous pouvons nous demander : comment Marie a-t-elle pu vivre ce chemin aux côtés de son Fils avec une foi aussi solide, même dans l’obscurité, sans perdre la pleine confiance dans l’action de Dieu ? Il existe une attitude de fond que Marie prend face à ce qui se passe dans sa vie. Lors de l’Annonciation, elle est troublée en écoutant les paroles de l’Ange — c’est la crainte que l’homme éprouve lorsqu’il est touché par la proximité de Dieu —, mais ce n’est pas l’attitude de celui qui a peur devant ce que Dieu peut demander. Marie réfléchit, elle s’interroge sur la signification de ce salut (cf. Lc 1,29). Le terme grec utilisé dans l’Évangile pour définir cette « réflexion », « dielogizeto », rappelle la racine de la parole « dialogue ». Cela signifie que Marie entre dans un dialogue intime avec la Parole de Dieu qui lui a été annoncée, elle ne la considère pas superficiellement, mais elle s’arrête, elle la laisse pénétrer dans son esprit et dans son coeur pour comprendre ce que le Seigneur veut d’elle, le sens de l’annonce. Nous trouvons une autre mention de l’attitude intérieure de Marie face à l’action de Dieu, toujours dans l’Évangile de saint Luc, au moment de la naissance de Jésus, après l’adoration des bergers. Il y est affirmé que Marie « retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur » (Lc 2,19) ; en grec le terme est symballon, nous pourrions dire qu’Elle « retenait ensemble », qu’elle « mettait ensemble » dans son coeur tous les événements qui lui arrivaient ; elle plaçait chaque événement particulier, chaque parole, chaque fait à l’intérieur du tout et elle le confrontait, elle le conservait, reconnaissant que tout provient de la volonté de Dieu. Marie ne s’arrête pas à une première compréhension superficielle de ce qui se passe dans sa vie, mais elle sait regarder en profondeur, elle se laisse interpeller par les événements, elle les élabore, elle les discerne et acquiert cette compréhension que seule la foi peut garantir. C’est l’humilité profonde de la foi obéissante de Marie, qui accueille en elle également ce qu’elle ne comprend pas dans l’action de Dieu, en laissant Dieu ouvrir son esprit et son coeur. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1,44), s’exclame sa parente Élisabeth. C’est précisément en raison de sa foi que toutes les générations l’appelleront bienheureuse.

Chers amis, la solennité du Noël du Seigneur que nous célébrerons d’ici peu, nous invite à vivre cette même humilité et obéissance de foi. La gloire de Dieu ne se manifeste pas dans le triomphe et dans le pouvoir d’un roi, elle ne resplendit pas dans une ville célèbre, dans un palais somptueux, mais elle prend sa demeure dans le sein d’une vierge, elle se révèle dans la pauvreté d’un enfant. La toute-puissance de Dieu, même dans notre vie, agit avec la force, souvent silencieuse, de la vérité et de l’amour. La foi nous dit alors que la puissance sans défense de cet Enfant vainc le bruit des puissances du monde.
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Je salue avec joie les francophones, en particulier les lycéens en pèlerinage ! Marie est appelée bienheureuse à cause de sa foi obéissante. Comme elle, laissons la Parole de Dieu illuminer nos pensées et nos actions. Durant les fêtes de la Nativité, demandons-lui la grâce de sentir comment la toute-puissance de Dieu agit dans nos vies avec la force de la vérité et de l’amour. Joyeux Noël à tous !





Salle Paul VI

Mercredi 2 janvier 2013: Il a été conçu du Saint Esprit


Catéchèses Benoît XVI 51212