Catéchèses Benoît XVI 9311

Mercredi 9 mars 2011: Mercredi des Cendres

9311

Chers frères et soeurs,

Aujourd’hui, marqués par le symbole austère des cendres, nous entrons dans le temps de carême, en commençant un itinéraire spirituel qui nous prépare à célébrer dignement les mystères pascals. La cendre bénie, imposée sur notre tête, est un signe qui nous rappelle notre condition de créatures, nous invite à la pénitence et à intensifier l’engagement de conversion pour suivre toujours plus le Seigneur.

Le carême est un chemin, qui consiste à accompagner Jésus qui monte à Jérusalem, lieu de l’accomplissement de son mystère de passion, de mort et de résurrection; il nous rappelle que la vie chrétienne est un «chemin» à parcourir, qui consiste moins en une loi à observer que dans la personne même du Christ à rencontrer, à accueillir, à suivre. En effet, Jésus nous dit: «Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suive» (
Lc 9,23). C’est-à-dire qu’il nous dit que pour arriver avec Lui à la lumière et à la joie de la résurrection, à la victoire de la vie, de l’amour, du bien, nous devons nous aussi nous charger de la croix de chaque jour, comme nous y exhorte une belle page de l’Imitation du Christ: «Prenez donc votre Croix et suivez Jésus, et vous parviendrez à l'éternelle félicité. Il vous a précédés portant sa Croix (Jn 19,17) et il est mort pour vous sur la Croix afin que vous aussi vous portiez votre Croix, et que vous aspiriez à mourir sur la Croix. Car si vous mourez avec lui, vous vivrez aussi avec lui; et si vous partagez ses souffrances, vous partagerez sa gloire» (Livre 2, chap. 12, n. 2). Dans la Messe du premier dimanche de carême, nous prions: «O Dieu, notre Père, avec la célébration de ce carême, signe sacramentel de notre conversion, accorde à tes fidèles de croître dans la connaissance du mystère du Christ et de témoigner de Lui par une digne conduite de vie» (Collecte). Il s’agit d’une invocation que nous adressons à Dieu car nous savons que Lui seul peut convertir notre coeur. Et c’est surtout dans la Liturgie, dans la participation aux saints mystères, que nous sommes conduits à parcourir ce chemin avec le Seigneur; nous devons nous mettre à l’école de Jésus, reparcourir les événements qui nous ont apporté le salut, mais pas comme une simple commémoration, un souvenir des faits passés. Dans les actions liturgiques, le Christ se rend présent à travers l’oeuvre de l’Esprit Saint, les événements salvifiques deviennent actuels. Il existe un mot-clé qui revient souvent dans la liturgie pour indiquer cela: le mot «aujourd’hui»; et celui-ci doit être entendu dans son sens originel et concret, et non pas métaphorique. Aujourd’hui, Dieu révèle sa loi et il nous est donné de choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort (cf. Dt Dt 30,19); aujourd’hui «le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à l'Evangile» (Mc 1,15); aujourd’hui le Christ est mort sur le Calvaire et il est ressuscité d’entre les morts; il est monté au ciel et siège à la droite du Père; aujourd’hui, l’Esprit Saint nous est donné; aujourd’hui est le temps favorable. Participer à la liturgie signifie alors plonger sa vie dans le mystère du Christ, parcourir un chemin dans lequel nous entrons dans sa mort et sa résurrection pour avoir la vie.

Dans les dimanches de carême, de manière tout à fait particulière en cette année liturgique du cycle a, nous sommes amenés à vivre un itinéraire baptismal, comme à reparcourir le chemin des catéchumènes, de ceux qui se préparent à recevoir le Baptême, pour raviver en nous ce don et pour faire en sorte que notre vie retrouve les exigences et les engagements de ce sacrement, qui est à la base de notre vie chrétienne. Dans le Message que j'ai envoyé pour ce carême, j'ai voulu rappeler le lien particulier qui lie le Temps quadragésimal au Baptême. Depuis toujours, l'Eglise associe la Veillée pascale à la célébration du Baptême: en lui se réalise ce grand mystère en raison duquel l'homme, mort au péché, participe à la vie nouvelle dans le Christ ressuscité et reçoit l'Esprit de Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (cf. Rm 8,11). Les lectures que nous écouterons dans les dimanches à venir et auxquelles je vous invite à prêter une attention particulière, sont reprises de la tradition antique, qui accompagnait le catéchumène dans la découverte du Baptême: elles sont la grande annonce de ce que Dieu fait dans ce Sacrement, une extraordinaire catéchèse baptismale adressée à chacun de nous. Le premier dimanche, appelé Dimanche de la tentation, parce qu'il présente les tentations de Jésus dans le désert, nous invite à renouveler notre décision définitive pour Dieu et à affronter avec courage la lutte qui nous attend pour lui demeurer fidèles. Il y a toujours cette nécessité de décision, de résister au mal, de suivre Jésus. En ce dimanche, l'Eglise, après avoir entendu le témoignage des parrains et des catéchistes, célèbre l'élection de ceux qui sont admis aux sacrements pascals. Le deuxième dimanche est dit d'Abraham ou de la Transfiguration. Le baptême est le sacrement de la foi et de la filiation divine; comme Abraham, père des croyants, nous aussi, nous sommes invités à partir, à sortir de notre terre, à quitter les sécurités que nous nous sommes construites, pour placer notre confiance en Dieu; le but s'entrevoit dans la transfiguration du Christ, le Fils bien-aimé, dans lequel nous aussi nous devenons «fils de Dieu». Les dimanches suivants, le baptême est présenté à travers les images de l'eau, de la lumière et de la vie. Le troisième dimanche nous fait rencontrer la Samaritaine (cf. Jn 4,5-42). Comme Israël lors de l'Exode, nous aussi dans le Baptême nous avons reçu l'eau qui sauve; Jésus, comme il le dit à la Samaritaine, a une eau de vie, qui étanche toutes les soifs; cette eau c'est son Esprit lui-même. L'Eglise, en ce dimanche, célèbre le premier scrutin des catéchumènes, et pendant la semaine, elle leur remet le Symbole: la profession de foi, le Credo. Le quatrième dimanche nous fait réfléchir sur l’expérience de l'«Aveugle de naissance» (cf. Jn 9,1-41). Dans le Baptême, nous sommes libérés des ténèbres du mal et nous recevons la lumière du Christ pour vivre en fils de la lumière. Nous aussi devons apprendre à voir la présence de Dieu sur le visage du Christ et ainsi la lumière. Dans le chemin des catéchumènes est célébré le second scrutin. Enfin, le cinquième dimanche nous présente la résurrection de Lazare (cf. Jn 11,1-45). A travers le Baptême, nous sommes passés de la mort à la vie et nous sommes à présent en mesure de plaire à Dieu, de faire mourir le vieil homme pour vivre de l'Esprit du Ressuscité. Pour les catéchumènes, le troisième scrutin est célébré et au cours de la semaine leur est remise la prière du Seigneur: le Notre Père.

Cet itinéraire quadragésimal que nous sommes invités à parcourir au cours du carême se caractérise, dans la tradition de l'Eglise, par certaines pratiques: le jeûne, l'aumône et la prière. Le jeûne signifie l'abstinence de nourriture, mais il comprend d'autres formes de privation pour une vie plus sobre. Mais tout cela n'est pas encore la pleine réalité du jeûne: c'est le signe extérieur d'une réalité intérieure, de notre engagement, avec l'aide de Dieu, de nous abstenir du mal et de vivre de l'Evangile. Personne ne jeûne vraiment s'il ne sait pas se nourrir de la Parole de Dieu.

Le jeûne, dans la tradition chrétienne, est ensuite étroitement lié à l’aumône. Saint Léon le Grand enseignait dans l’un de ses discours sur le carême: «Ce que chaque chrétien est tenu de faire en chaque moment, il doit à présent le pratiquer avec une plus grande sollicitude et dévotion, pour que s’accomplisse la règle apostolique du jeûne quadragésimal qui consiste dans l’abstinence non seulement de la nourriture, mais aussi et surtout des péchés. Ensuite, on ne peut associer aucune oeuvre plus utile que l’aumône à ces saints jeûnes que l’on doit respecter, celle-ci embrassant de nombreuses bonnes oeuvres sous le nom unique de “miséricorde”. Le domaine des oeuvres de miséricorde est immense. Il n’y a pas que les riches et ceux qui ont des possessions qui peuvent faire du bien aux autres avec l’aumône, mais aussi ceux de condition modeste et pauvre. Ainsi, inégaux dans les biens de la richesse, tous peuvent être égaux dans les sentiments de piété de l’âme» (Discours 6 sur le carême, 2: pl 54, 286). Saint Grégoire le Grand rappelait, dans sa Règle pastorale, que le jeûne est rendu saint par les vertus qui l’accompagnent, en particulier par la charité, par chaque geste de générosité, qui donne aux pauvres et aux indigents le fruit d’une privation (cf. 19, 10-11).

En outre, le carême est un temps privilégié pour la prière. Saint Augustin dit que le jeûne et l’aumône sont «les deux ailes de la prière» qui lui permettent de prendre plus facilement son élan et de parvenir jusqu’à Dieu. Il affirme: «De cette manière, notre prière, faite en humilité et en charité, dans le jeûne et dans l’aumône, dans la tempérance et dans le pardon des offenses, en donnant de bonnes choses et en ne rendant pas les mauvaises, en s’éloignant du mal et en faisant le bien, recherche la paix et l’obtient. Avec les ailes de ces vertus, notre prière vole de manière assurée et est conduite plus facilement jusqu’au ciel, où le Christ notre paix nous a précédés» (Sermon 206, 3 sur le carême: pl 38, 1042). L’Eglise sait qu’en raison de notre faiblesse, il est difficile d’être en silence pour se présenter devant Dieu et prendre conscience de notre condition de créatures qui dépendent de Lui et de pécheurs ayant besoin de son amour: c’est pourquoi, en ce carême, elle nous invite à une prière plus fidèle et intense et à une méditation prolongée sur la Parole de Dieu. Saint Jean Chrysostome nous exhorte: «Embellis ta maison de modestie et d’humilité avec la pratique de la prière. Rends ton habitation splendide avec la lumière de la justice: orne tes murs avec les bonnes oeuvres comme une patine d’or pur et, à la place des murs et des pierre précieuses, place la foi et la magnanimité surnaturelle, en mettant au dessus de tout, sur le faîte, la prière pour parfaire la décoration de tout l’ensemble. Ainsi, tu prépares une demeure digne pour le Seigneur, ainsi, tu l’accueilles dans un palais splendide. Il t’accordera de transformer ton âme en temple de sa présence» (Homélie 6 sur la prière: PG 64,446).

Chers amis, sur ce chemin quadragésimal, soyons attentifs à saisir l’invitation du Christ à le suivre de manière plus décidée et cohérente, en renouvelant la grâce et les engagements de notre baptême, pour abandonner le vieil homme qui est en nous et nous revêtir du Christ, afin d’arriver renouvelés à la Pâque et pouvoir dire avec saint Paul: «Je vis mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2,20). Bon chemin de carême à tous! Merci!
* * *


Je vous salue avec joie, chers pèlerins de langue française et plus particulièrement les jeunes présents! Je vous invite à prendre très au sérieux ce carême pour le vivre dans un esprit de foi et en faire un temps d’authentique conversion. En participant aux saints mystères, vous vous désaltérez à la source d’eau vive qui est en Dieu! Avec bénédiction!



Place Saint-Pierre

Mercredi 23 mars 2011: Saint Laurent de Brindisi

23311

Chers frères et soeurs,

Je me souviens encore avec joie de l’accueil festif qui m’a été réservé en 2008 à Brindisi, la ville où, en 1559, naquit un éminent docteur de l’Eglise, saint Laurent de Brindisi, nom que Giulio Cesare Rossi prit en entrant dans l’Ordre des capucins. Dès son enfance, il fut attiré par la famille de saint François d’Assise. En effet, orphelin de père à l’âge de sept ans, il fut confié par sa mère aux soins des frères conventuels de sa ville. Quelques années plus tard, toutefois, il s’installa avec sa mère à Venise, et c’est précisément en Vénétie qu’il connut les capucins qui, à cette époque, s’étaient placés généreusement au service de l’Eglise tout entière, pour approfondir la grande réforme spirituelle promue par le Concile de Trente. En 1575, Laurent, à travers la profession religieuse, devint frère capucin, et en 1582, fut ordonné prêtre. Dès l’époque de ses études ecclésiastiques, il révéla les éminentes qualités intellectuelles dont il était doté. Il apprit facilement les langues anciennes, comme le grec, l’hébreu et le syriaque, et modernes, comme le français et l’allemand, qui s’ajoutaient à sa connaissance de la langue italienne et de la langue latine, à l’époque couramment parlée par tous les ecclésiastiques et hommes de culture.

Grâce à la connaissance de tant de langues, Laurent put accomplir un intense apostolat auprès de diverses catégories de personnes. Prédicateur efficace, il connaissait de façon si profonde non seulement la Bible, mais également la littérature rabbinique, que les rabbins eux-mêmes en étaient stupéfaits et admiratifs, manifestant à son égard estime et respect. Théologien expert de l’Ecriture Sainte et des Pères de l’Eglise, il était en mesure d’illustrer de façon exemplaire la doctrine catholique également aux chrétiens qui, surtout en Allemagne, avaient adhéré à la Réforme. A travers une présentation claire et douce, il montrait le fondement biblique et patristique de tous les articles de la foi mis en discussion par Martin Luther. Parmi ceux-ci, le primat de saint Pierre et de ses successeurs, l’origine divine de l’épiscopat, la justification comme transformation intérieure de l’homme, la nécessité des bonnes oeuvres pour le salut. Le succès dont Laurent bénéficia nous aide à comprendre qu’aujourd’hui aussi, en poursuivant avec tant d’espérance le dialogue oecuménique, la confrontation avec la Sainte Ecriture, lue dans la Tradition de l’Eglise, constitue un élément incontournable et d’une importance fondamentale, comme j’ai voulu le rappeler dans l’Exhortation apostolique Verbum Domini (n. 46).

Même les fidèles les plus simples, dépourvus d’une grande culture, tirèrent profit de la parole convaincante de Laurent, qui s’adressait aux personnes humbles pour rappeler à tous la cohérence de leur vie avec la foi professée. Cela a été un grand mérite des capucins et d’autres ordres religieux, qui, aux XVI° et XVII° siècles, contribuèrent au renouveau de la vie chrétienne en pénétrant en profondeur dans la société à travers leur témoignage de vie et leur enseignement. Aujourd’hui aussi, la nouvelle évangélisation a besoin d’apôtres bien préparés, zélés et courageux, afin que la lumière et la beauté de l’Evangile prévalent sur les orientations culturelles du relativisme éthique et de l’indifférence religieuse, et transforment les diverses façons de penser et d’agir en un authentique humanisme chrétien. Il est surprenant que saint Laurent de Brindisi ait pu accomplir de façon ininterrompue cette activité de prédicateur apprécié et inlassable dans de nombreuses villes d’Italie et dans divers pays, alors qu’il occupait d’autres charges lourdes et de grandes responsabilités. Au sein de l’Ordre des capucins, en effet, il fut professeur de théologie, maître des novices, plusieurs fois ministre provincial et définiteur général, et enfin ministre général de 1602 à 1605.

Parmi tant de travaux, Laurent cultiva une vie spirituelle d’une ferveur exceptionnelle, consacrant beaucoup de temps à la prière et, de manière particulière, à la célébration de la Messe, qu’il prolongeait souvent pendant des heures, absorbé et ému par le mémorial de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Seigneur. A l’école des saints, chaque prêtre, comme cela a souvent été souligné au cours de la récente Année sacerdotale, peut éviter le danger de l’activisme, c’est-à-dire d’agir en oubliant les motivations profondes de son ministère, seulement s’il prend soin de sa propre vie intérieure. En s’adressant aux prêtres et aux séminaristes dans la cathédrale de Brindisi, la ville natale de saint Laurent, j’ai rappelé que «le moment de la prière est le plus important dans la vie du prêtre, celui où la grâce divine agit avec le plus d’efficacité, en donnant sa fécondité au ministère. Prier est le premier service à rendre à la communauté. Les temps de prière doivent donc avoir une véritable priorité dans notre vie... Si l’on n’est pas intérieurement en communion avec Dieu, on ne peut rien donner non plus aux autres. Dieu est donc la première priorité. Nous devons toujours réserver le temps nécessaire pour être en communion de prière avec notre Seigneur». Du reste, avec l’ardeur incomparable de son style, Laurent exhorte chacun, et pas seulement les prêtres, à cultiver la vie de prière car au moyen de celle-ci nous parlons à Dieu et Dieu nous parle: «Oh, si nous considérions cette réalité! — s’exclame-t-il — C’est-à-dire que Dieu est vraiment présent à nous quand nous lui parlons en priant; qu’il écoute vraiment notre prière, même si nous prions seulement avec le coeur et avec l’esprit. Et que non seulement il est présent et nous écoute, mais qu’il peut même et qu’il désire volontiers répondre, et avec le plus grand plaisir, à nos questions».

Un autre trait qui caractérise l’oeuvre de ce fils de saint François est son action pour la paix. Les Souverains Pontifes, ainsi que les princes catholiques lui confièrent à plusieurs reprises d’importantes missions diplomatiques pour résoudre des controverses et favoriser la concorde entre les Etats européens, menacés à cette époque par l’empire ottoman. L’autorité morale dont il jouissait faisait de lui un conseiller recherché et écouté. Aujourd’hui, comme à l’époque de saint Laurent, le monde a un grand besoin de paix, il a besoin d’hommes et de femmes pacifiques et pacificateurs. Tous ceux qui croient en Dieu doivent toujours être des sources et des agents de paix. Ce fut précisément à l’occasion d’une de ces missions diplomatiques que Laurent conclut sa vie terrestre, en 1619 à Lisbonne, où il s’était rendu auprès du roi d’Espagne, Philippe III, pour défendre la cause de ses sujets napolitains, opprimés par les autorités locales.

Il fut canonisé en 1881 et, en raison de son activité vigoureuse et intense, de sa science vaste et harmonieuse, il mérita le titre de Doctor apostolicus, «Docteur apostolique», que lui donna le bienheureux Pape Jean XXIII en 1959, à l'occasion du quatrième centenaire de sa naissance. Cette reconnaissance fut accordée à Laurent de Brindisi également parce qu'il fut l'auteur de nombreuses oeuvres d'exégèse biblique, de théologie et d'écrits destinés à la prédication. Il y offre une présentation organique de l'histoire du salut, centrée sur le mystère de l'Incarnation, la plus grande manifestation de l'amour divin pour les hommes. En outre, étant un mariologiste de grande valeur, auteur d'un recueil de sermons sur la Vierge intitulé «Mariale», il met en évidence le rôle unique de la Vierge Marie, dont il affirme avec clarté l'Immaculée Conception et la coopération à l’oeuvre de la rédemption accomplie par le Christ.

Avec une fine sensibilité théologique, Laurent de Brindisi a également mis en évidence l'action de l'Esprit Saint dans l'existence du croyant. Il nous rappelle qu’avec ses dons, la Troisième Personne de la Très Sainte Trinité, éclaire et aide notre engagement à vivre dans la joie le message de l'Evangile. «L'Esprit Saint — écrit saint Laurent — rend doux le joug de la loi divine et léger son poids, afin que nous observions les commandements de Dieu avec une très grande facilité, et même avec plaisir».

Je voudrais compléter cette brève présentation de la vie et de la doctrine de saint Laurent de Brindisi en soulignant que toute son activité a été inspirée par un grand amour pour l'Ecriture Sainte, qu'il savait presque par coeur, et par la conviction que l'écoute et l'accueil de la Parole de Dieu produit une transformation intérieure qui nous conduit à la sainteté. «La Parole du Seigneur — affirme-t-il — est lumière pour l'intelligence et feu pour la volonté, pour que l'homme puisse connaître et aimer Dieu. Pour l'homme intérieur, qui au moyen de la grâce vit de l'Esprit de Dieu, il est pain et eau, mais un pain plus doux que le miel et une eau meilleure que le vin et le lait... C'est un maillet contre un coeur durement obstiné dans les vices. C’est une épée contre la chair, le monde et le démon, pour détruire tout péché». Saint Laurent de Brindisi nous enseigne à aimer l'Ecriture Sainte, à croître dans la familiarité avec elle, à cultiver quotidiennement le rapport d’amitié avec le Seigneur dans la prière, pour que chacune de nos actions, chacune de nos activités ait en Lui son commencement et son achèvement. Telle est la source à laquelle puiser afin que notre témoignage chrétien soit lumineux et soit capable de conduire les hommes de notre temps à Dieu.
* * *


Je salue les pèlerins francophones, spécialement les élèves, les collégiens et les membres des Associations présents. Puissiez-vous aimer la Parole de Dieu et être, comme Laurent de Brindisi, des évangélisateurs zélés et courageux capables d’insuffler dans les divers modes de pensée et d’action un authentique humanisme chrétien! Bon pèlerinage à tous!



Place Saint-Pierre

Mercredi 30 mars 2011: Saint Alphonse de Liguori

30311

Chers frères et soeurs,

Je voudrais aujourd’hui vous présenter la figure d’un saint docteur de l’Eglise à qui nous devons beaucoup, car ce fut un éminent théologien moraliste et un maître de vie spirituelle pour tous, en particulier pour les personnes simples. Il est l’auteur des paroles et de la musique de l’un des chants de Noël les plus populaires en Italie et pas seulement: Tu descends des étoiles.

Appartenant à une noble et riche famille napolitaine, Alphonse Marie de Liguori naquit en 1696. Doté de nombreuses qualités intellectuelles, il obtint à seulement 16 ans une maîtrise de droit civil et canonique. Il était l’avocat le plus brillant du barreau de Naples: pendant huit ans il gagna toutes les causes qu’il défendit. Toutefois, dans son âme assoiffée de Dieu et désireuse de perfection, le Seigneur le conduisait à comprendre que la vocation à laquelle il l’appelait était une autre. En effet, en 1723, indigné par la corruption et l’injustice qui viciaient le milieu juridique, il abandonna sa profession — et avec elle la richesse et le succès — et il décida de devenir prêtre, malgré l’opposition de son père. Il eut d’excellents maîtres, qui l’initièrent à l’étude de l’Ecriture Sainte, de l’histoire de l’Eglise et de la mystique. Il acquit une vaste culture théologique, qu’il mit à profit quand, quelques années plus tard, il entreprit son oeuvre d’écrivain. Il fut ordonné prêtre en 1726 et il se lia, pour l’exercice de son ministère, à la Congrégation diocésaine des Missions apostoliques. Alphonse commença une action d’évangélisation et de catéchèse dans les couches les plus humbles de la société napolitaine, auxquelles il aimait prêcher, et qu’il instruisait sur les vérités fondamentales de la foi. Un grand nombre de ces personnes, pauvres et modestes, auxquelles il s’adressait, s’adonnaient souvent aux vices et accomplissaient des actes criminels. Il leur enseignait avec patience à prier, les encourageant à améliorer leur façon de vivre. Alphonse obtint d’excellents résultats: dans les quartiers les plus misérables de la ville se multipliaient les groupes de personnes qui, le soir, se réunissaient dans les maisons privées et dans les échoppes, pour prier et pour méditer la Parole de Dieu, sous la direction de plusieurs catéchistes formés par Alphonse et par d’autres prêtres, qui rendaient visite régulièrement à ces groupes de fidèles. Quand, suivant le désir de l’archevêque de Naples, ces réunions furent tenues dans les chapelles de la ville, elles prirent le nom de «chapelles du soir». Elles furent de véritables sources d’éducation morale, d’assainissement social, d’aide réciproque entre les pauvres: les vols, les duels, la prostitution finirent presque par disparaître.

Même si le contexte social et religieux de l’époque de saint Alphonse étaient bien différent du nôtre, les «chapelles du soir» apparaissent comme un modèle d’action missionnaire auquel nous pouvons nous inspirer également aujourd’hui pour une «nouvelle évangélisation», en particulier des plus pauvres, et pour construire une coexistence humaine plus juste, fraternelle et solidaire. Une tâche de ministère spirituel est confiée aux prêtres, alors que des laïcs bien formés peuvent être des animateurs chrétiens efficaces, un authentique levain évangélique au sein de la société.

Après avoir pensé partir pour évangéliser les peuples païens, Alphonse, à l’âge de 35 ans, entra en contact avec les paysans et les pasteurs des régions intérieures du royaume de Naples et, frappé par leur ignorance religieuse et par l’état d’abandon dans lequel ils se trouvaient, il décida de quitter la capitale et de se consacrer à ces personnes, qui étaient pauvres spirituellement et matériellement. En 1732, il fonda la Congrégation religieuse du Très Saint Rédempteur, qu’il plaça sous la protection de l’évêque Tommaso Falcoia, et dont par la suite il devint lui-même le successeur. Ces religieux, guidés par Alphonse, furent d’authentiques missionnaires itinérants, qui atteignaient aussi les villages les plus reculés en exhortant à la conversion et à la persévérance dans la vie chrétienne, en particulier au moyen de la prière. Aujourd’hui encore les Rédemptoristes, présents dans de nombreux pays du monde, avec de nouvelles formes d’apostolat, continuent cette mission d’évangélisation. Je pense à eux avec reconnaissance, en les exhortant à être toujours fidèles à l’exemple de leur saint fondateur.

Estimé pour sa bonté et pour son zèle pastoral, en 1762 Alphonse fut nommé évêque de Sant’Agata dei Goti, un ministère qu’il quitta en 1775 avec l’autorisation du Pape Pie vi, à la suite des maladies dont il était atteint. Ce même Pape, en 1787, en apprenant la nouvelle de sa mort, qui eut lieu après de grandes souffrances, s’exclama: «C’était un saint!». Et il ne se trompait pas: Alphonse fut canonisé en 1839, et en 1871 il fut déclaré Docteur de l’Eglise. Ce titre lui convient pour de nombreuses raisons. Tout d’abord parce qu’il a proposé un riche enseignement de théologie morale, qui exprime de manière adaptée la doctrine catholique, au point qu’il fut proclamé par le Pape Pie XII «Patron de tous les confesseurs et moralistes». A son époque, s’était diffusée une interprétation très rigoriste de la vie morale également en raison de la mentalité janséniste qui, au lieu d’alimenter la confiance et l’espérance dans la miséricorde de Dieu, fomentait la peur et présentait un visage de Dieu revêche et sévère, bien éloigné de celui que nous a révélé Jésus. Saint Alphonse, en particulier dans son oeuvre principale intitulée Théologie morale, propose une synthèse équilibrée et convaincante entre les exigences de la loi de Dieu, gravée dans nos coeurs, pleinement révélée par le Christ et interprétée de manière faisant autorité par l’Eglise, et les dynamismes de la conscience et de la liberté de l’homme, qui précisément dans l’adhésion à la vérité et au bien permettent la maturation et la réalisation de la personne. Alphonse recommandait aux pasteurs d’âmes et aux confesseurs d’être fidèles à la doctrine morale catholique, en assumant, dans le même temps, une attitude charitable, compréhensive, douce, pour que les pénitents puissent se sentir accompagnés, soutenus, encouragés dans leur chemin de foi et de vie chrétienne. Saint Alphonse ne se lassait jamais de répéter que les prêtres sont un signe visible de la miséricorde infinie de Dieu, qui pardonne et illumine l’esprit et le coeur du pécheur afin qu’il se convertisse et change de vie. A notre époque, où on voit de clairs signes d’égarement de la conscience morale et — il faut le reconnaître — un certain manque d’estime envers le sacrement de la confession, l’enseignement de saint Alphonse est encore de grande actualité.

A côté des oeuvres de théologie, saint Alphonse rédigea de très nombreux écrits, destinés à la formation religieuse du peuple. Le style est simple et plaisant. Lues et traduites dans un grand nombre de langues, les oeuvres de saint Alphonse ont contribué à façonner la spiritualité populaire des deux derniers siècles. Certaines d’entre elles sont des textes à lire avec un grand intérêt encore aujourd’hui, comme Les Maximes éternelles, Les gloires de Marie, La pratique d’amour envers Jésus Christ, une oeuvre — cette dernière — qui représente la synthèse de sa pensée et son chef-d’oeuvre. Il insiste beaucoup sur la nécessité de la prière, qui permet de s’ouvrir à la Grâce divine pour accomplir quotidiennement la volonté de Dieu et poursuivre la sanctification personnelle. Au sujet de la prière, il écrit: «Dieu ne refuse à personne la grâce de la prière, par laquelle on obtient l’aide pour vaincre les concupiscences et les tentations. Et je dis, et je réponds et je répondrai toujours, tant que j’aurai vie, que tout notre salut réside dans la prière». De là vient son célèbre axiome «Qui prie se sauve» (Grand moyen de la prière et opuscules semblables. OEuvres ascétiques II, Rome 1962, p. 171). Il me revient à l’esprit, à cet égard, l’exhortation de mon prédécesseur, le vénérable serviteur de Dieu Jean-Paul II: «Nos communautés chrétiennes doivent devenir d’authentiques “écoles” de prière... Il faut alors que l’éducation à la prière devienne en quelque sorte un point déterminant de tout programme pastoral» (Lett. ap. Novo Millennio ineunte, nn. 33.34).

Parmi les formes de prière conseillées avec ferveur par saint Alphonse se détache la visite au Très Saint Sacrement ou, comme nous l’appellerions aujourd’hui, l’adoration, brève ou prolongée, personnelle ou communautaire, devant l’Eucharistie. «Assurément — écrit Alphonse — parmi toutes les dévotions celle d’adorer Jésus sacrement est la première après les sacrements, la plus chère à Dieu, et celle qui nous est la plus utile... Oh, quel délice d’être devant un autel plein de foi... et lui présenter nos nécessités, comme fait un ami avec un autre ami intime!» (Visites au Saint Sacrement et à la Sainte Vierge pour chaque jour du mois. Introduction). La spiritualité alphonsienne est en effet éminemment christologique, centrée sur le Christ et son Evangile. La méditation du mystère de l’Incarnation et de la Passion du Seigneur sont fréquemment l’objet de sa prédication. Dans ces événements en effet la Rédemption est offerte «copieusement» à tous les hommes. Et précisement parce qu’elle est christologique, la piété alphonsienne est aussi absolument mariale. D’une grande dévotion pour Marie, il en illustre le rôle dans l’histoire du salut: associée à la Rédemption et Médiatrice de grâce, Mère, Avocate et Reine. En outre, saint Alphonse affirme que la dévotion à Marie nous sera d’un grand réconfort au moment de notre mort. Il était convaincu que la méditation sur notre destin éternel, sur notre appel à participer pour toujours à la béatitude de Dieu, tout comme sur la tragique possibilité de la damnation, contribue à vivre avec sérénité et engagement, et à affronter la réalité de la mort en conservant toujours toute sa confiance dans la bonté de Dieu.

Saint Alphonse de Liguori est un exemple de pasteur zélé, qui a conquis les âmes en prêchant l’Evangile et en administrant les sacrements, s’unissant à une façon d’agir marquée par une bonté sereine et douce, qui naissait de l’intense rapport avec Dieu, qui est la Bonté infinie. Il a eu une vision à la fois réaliste et optimiste des ressources de bien que le Seigneur donne à chaque homme et il a donné importance aux élans et aux sentiments du coeur, ainsi qu’à ceux de l’esprit, pour pouvoir aimer Dieu et son prochain.

En conclusion, je voudrais rappeler que notre saint, de manière analogue à saint François de Sales — dont j’ai parlé il y a quelques semaines — insiste pour nous dire que la sainteté est accessible à chaque chrétien: «Le religieux comme religieux, le séculier comme séculier, le prêtre comme prêtre, le mari comme mari, le marchand comme marchand, le soldat comme soldat, et ainsi de suite pour tout autre statut» (La pratique de l’amour envers Jésus Christ. OEuvres ascétiques I, Rome 1933, p. 79). Rendons grâce au Seigneur qui, avec sa Providence, suscite des saints et des docteurs en des lieux et en des temps différents, qui parlent le même langage pour nous inviter à croître dans la foi et à vivre avec amour et avec joie notre être chrétiens dans les actions simples de chaque jour, pour avancer sur le chemin de la sainteté, sur la route vers Dieu et vers la joie véritable. Merci.
* * *


Depuis longtemps, ma pensée va souvent aux populations de la Côte d’Ivoire, traumatisées par de douloureuses luttes internes et de graves tensions sociales et politiques.

Alors que j’exprime ma proximité à tous ceux qui ont perdu un être cher et souffrent de la violence, je lance un appel pressant afin que soit engagé le plus vite possible un processus de dialogue constructif pour le bien commun. L’opposition dramatique rend plus urgent le rétablissement du respect et de la cohabitation pacifique. Aucun effort ne doit être épargné dans ce sens.

Avec ces sentiments, j’ai décidé d’envoyer dans ce noble Pays, le Cardinal Peter Kodwo Turkson, Président du Conseil pontifical “Justice et Paix”, afin qu’il manifeste ma solidarité et celle de l’Église universelle aux victimes du conflit, et encourage à la réconciliation et à la paix.
* * *


Je salue avec joie les pèlerins francophones venus de Grèce, France et Suisse! Durant ce temps de carême, et toujours, tout chrétien est appelé à la sainteté. Par la prière, par l’amour pour Jésus présent dans l’Eucharistie et par la pratique du sacrement de la réconciliation, vous vous sanctifierez et vous changerez le visage de l’humanité! Avec ma bénédiction!



Place Saint-Pierre

Mercredi 6 avril 2011: Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus


Catéchèses Benoît XVI 9311