Montée Carmel I - 2003 1






INTRODUCTION

AU MONT DE PERFECTION

Pour le lecteur français, ce dessin de Jean de la Croix fait penser à la Carte du Tendre, mais le sujet en est différent. Il figure le chemin de la perfection dont le terme est le sommet de la montagne. Toujours monter et ne s'égarer ni vers les biens de la terre, ni vers ceux du ciel, mais viser seulement la gloire et l'honneur de Dieu.

Dès le Calvario (1518-1519), les premières bénéficiaires en furent les carmélites de Beas. Ce petit dessin leur servait de signet dans leurs bréviaires, elles l’avaient ainsi habituellement sous les yeux. Il fut ensuite diffusé très largement dans les couvents de religieuses et de carmes et même en d'autres ordres religieux.

La Montée du Mont Carmel s'y référera. L'exemplaire reproduit est une copie notariale de l'exemplaire destiné à Madeleine de l'Esprit Saint. Nous nous permettons ensuite de traduire le texte en français.


Montée

du mont Carmel

et de la nuit obscure

INTRODUCTION

À LA MONTÉE ET À LA NUIT

La Montée du Mont Carmel et la Nuit Obscure veulent commenter le même poème, celui de la Nuit. Elles sont une même oeuvre en forme de diptyque. Le prologue de la Montée et les douze premiers chapitres du livre I de la Montée, avec la remarquable étude sur les appétits (Chap. 3-12), sont communs à l'ensemble Montée-Nuit1.


1 La Nuit est la seule des quatre oeuvres majeures à n'avoir pas de Prologue.


Jean de la Croix donne les règles de la spiritualité pour atteindre la finalité de l'homme: l'union intime avec Dieu. Le monde surnaturel aussi a ses lois en dépit des singularités individuelles. Chez lui ces règles sont fondées sur la raison et la doctrine évangélique (2MC 21,4); sur un trésor de sagesse et de psychologie venant de l'expérience, de la science philosophique et théologique, et surtout de la parole de l'Esprit Saint en l'Écriture. Avec une parfaite maîtrise, le poète illustre les idées avec des comparaisons qui affluent et se bousculent, empruntées au texte sacré ou à la vie quotidienne.

Le cheminement vers Dieu nécessite un effort courageux qui est l'objet de la Montée et que Jean de la Croix appelle nuit active puisque c'est l'âme qui agit; elle nécessite d'abord et surtout une action de Dieu, seule vraiment efficace, exposée principalement dans la Nuit que Jean de la Croix appelle nuit passive, puisque l'âme la subit. La Nuit est éditée après la Montée, mais le lecteur ne tombera pas dans le piège de s'imaginer que l'action de Dieu vient après celle de l'âme. Elles sont simultanées. Le cheminement vers l'union d'amour suppose un dialogue permanent entre Dieu et l'âme ; bien plus, l'action divine est prépondérante et Dieu a toujours l'initiative.

L'union réclame une double purification préalable : celle du sens d'abord, celle de l' esprit ensuite que Jean de la Croix expose selon ses deux aspects actif et passif en ces deux traités ; mais là aussi sens et esprit sont toujours unis dans le même sujet ou suppôt. L'esprit intervient dans la nuit du sens et le sens se manifeste encore dans la nuit de l'esprit.

La nuit de l'esprit se fait selon la substance et les trois puissances : entendement, mémoire, volonté. Là encore ces découpages ne doivent pas faire oublier l'unité de l'esprit2. La purification des trois puissances et leur élévation au surnaturel se fait grâce aux vertus théologales : foi, espérance, charité ; et là encore la distinction n'entame pas l'unité de l'organisme surnaturel.

La Montée du Mont Carmel est en principe destinée aux religieux et religieuses carmes, et plutôt aux religieux3. On a même l'impression que le texte, surtout le Livre II, reflète un enseignement donné, peut-être à Alcala ou à Baeza, à des prêtres qui ont la pratique de la scolastique. (2MC 22), par exemple, résume d'abord ce qui a été dit la fois précédente, répond aux objections entendues ensuite, et même corrige une pensée qui s'est précisée au cours de la discussion. En (2MC 28,6), le conseil : Prenez soigneusement garde, concerne les confesseurs. En (3MC 1,1), il ne s'adresse pas directement au spirituel puisqu'il en parle à la troisième personne, mais bien au directeur. Cependant, la Montée interpelle un public beaucoup plus large et jusqu'aux non chrétiens. Elle s'appuie sur un double symbole, non seulement celui de la nuit du poème, mais aussi celui de l'étroit sentier abrupt de la montagne tel qu'il est figuré dans le croquis du Mont.

2 Liaison encore entre les vertus, les vices, les appétits : (1MC 12,4).
3 Alors que le Cantique spirituel est dédié à une carmélite, et la Vive Flamme à une laïque.



La Montée fut écrite en plusieurs étapes avec des pauses notables et des reprises jusqu'à une interruption définitive. Ce travail discontinu explique un certain nombre d'imperfections rédactionnelles : références erronées, passages du singulier au pluriel, du masculin eu féminin, fluctuations entre le latin et l'espagnol pour les citations. L'intention première était la même que dans les autres grands ouvrages : commenter un poème. Mais ici, Jean de la Croix s'en écarte progressivement au point de ne plus s'y référer du tout à partir du livre II.

Ce qui l'emporte dans ce traité systématique, c'est la rigueur logique accompagnée de nuances infinies selon des divisions et un vocabulaire scolastiques, en modes, genres, espèces, etc. ; d'où le nombre des porque. Sans négliger les arguments philosophiques et théologiques, la preuve irrécusable, l'autorité, c'est la Révélation de l'Esprit Saint en l'Écriture divine, prise en son message essentiel, c'est-à-dire spirituel qui n'efface pas pour autant sa grande richesse humaine.

Les digressions ne le sont que pour qui oublie le but: l'union de l'âme avec Dieu. C'est autour de cet unique dessein que s'articulent tous les développements en une composition centrale rayonnante. Ainsi s'expliquent aussi les répétitions avec le lancinant « comme nous avons dit ».

Jean de la Croix n'a pas voulu faire oeuvre littéraire, pas même un exposé théorique, mais un traité pratique4 de spiritualité à l'intention des âmes généreuses qui faute de guide manquent le but. On y admire une immense culture, une psychologie pénétrante, en l'unité d'une puissante doctrine.

4 Voir Maritain, Les degrés du savoir, Chap. VIII, p. 615 (3e éd.).


La nuit active du sens occupe les trois chapitres 13 à 15 du livre I de la Montée. Jean de la Croix s'étendra beaucoup plus sur la nuit active de l'esprit dans les 11 chapitres des livres II et III car peu d'auteurs en traitent alors que la nuit du sens n'est qu'une préparation. En effet le dérèglement de l'âme (1MC 9,4), captive après le péché originel en ce corps mortel (1MC 15,1), vient d'en haut, de l'esprit: comme l'esprit s'est révolté contre Dieu, le sens se révolte contre l'esprit. C'est dans l'esprit que sont enracinées les habitudes mauvaises qu'il ne faut pas seulement couper - la taille fortifie les plantes -, mais arracher du coeur de l'esprit.

Certains font de Jean de la Croix un champion de la mortification ; au contraire il dénonce ceux qui se chargent de pénitences extraordinaires (1MC 8,4). Ce qu'il réclame c'est une conversion de l'esprit ; que l'on embrasse les épreuves et les oeuvres de bon coeur (1MC 13,1). Ce ne sont pas les choses ni les êtres qui empêchent d'aller à Dieu, c'est l'asservissement de l'esprit à eux. Jean de la Croix ne détruit rien, il veut libérer de l'esclavage qui stoppe l'ascension (1MC 3,4).

La nuit n'est pas une fin5, c'est le moyen de parvenir à l'union. L'âme doit se purger de tout ce qui l'embarrasse pour pouvoir se remplir de Dieu. Jean de la Croix ne réclame pas des religieux un détachement effectif qui est déjà réalisé, il réclame un détachement affectif chez tout homme qui veut progresser. Et ce détachement ne peut se réaliser que grâce à un amour meilleur et plus fort, celui de Dieu qui permet de vaincre les tentations en un acte d'amour anagogique6. L'amour est le but, l'amour est le moyen7.

5 Nicole l'a fort bien vu. Voir notre Jean de la Croix en France, p. 83-84.
6 Une femme séduite par la beauté rayonnante de Jean s'offre pour se donner à lui. Troublé, il calme la concupiscence en se réfugiant en Dieu et son regard alors réveille Dieu en l'âme de cette femme au point qu'elle se retire en pleurant son ardeur passionnelle.
7 Voir notre ouvrage : Les amours chez Jean de la Croix.


La nuit active de l'esprit se réalise selon les trois puissances spirituelles : entendement, mémoire, volonté8.

8 Voir l'architecture spirituelle, p. 32.


La purification de l'entendement se fait grâce à la foi qui est la saisie certaine et obscure de la vérité, de la réalité divine dont la lumière éclatante aveugle l'intelligence humaine. Les connaissances naturelles ne peuvent donner Dieu vraiment, c'est pourquoi Jean de la Croix propose trois signes qui indiquent le temps de passer de la méditation discursive à l'oraison contemplative (2MC 13), du stade des commençants à celui des progressants. Le chemin ne consiste plus alors en la multiplication des considérations nécessaires aux commençants (2MC 1,8), mais à demeurer en regard amoureux en Dieu en toute quiétude (2MC 12,8). Même lorsqu'elle s'exerce sur les textes sacrés, l'activité de l'entendement, à base d'images ou de concepts, est courte car Dieu est transcendant. Seules les vertus théologales sont le moyen prochain et proportionné pour l'union avec Dieu. Au lieu d'un effort laborieux pour trouver Dieu, l'âme doit Le laisser agir en elle, se comporter en patiente (1MC 13,1) et Le laisser remplacer la lumière naturelle par la lumière surnaturelle, la méditation par l'oraison contemplative, simple regard intérieur chargé d'amour, fondé non sur une foi plus ou moins intellectuelle, mais sur la foi vive animée par l'amour (1MC 2,3).

C'est la mise en oeuvre de l'organisme surnaturel mérité par la mort du Christ, reçu au baptême, car le Christ est l'unique parole du Père, l'unique lumière pour qui cherche Dieu (2MC 1,22).

En 2MC, chap. 16 à 32, Jean de la Croix s'adresse plus particulièrement aux directeurs de conscience. Il dénonce les errements propres aux illuminés avides de phénomènes merveilleux : visions, révélations, extases, à l'authenticité souvent douteuse. Même les dons de Dieu ne sont pas Dieu, il faut s'en détacher s'ils empêchent l'ascension vers Dieu, seul et unique but.

Pour la nuit de la mémoire (3MC chap 1-15), Jean de la Croix est unique, tout à fait original9. C'est grâce à l'espérance théologale que la mémoire peut se purifier, se déposséder de l'attache aux souvenirs qui l'asservissent. Elle ne supprime pas le jeu de la mémoire incontournable, même celle des péchés, elle libère la mémoire de l'asservissement aux souvenirs. Avec l'aide du voeu de pauvreté, entendez ici la pauvreté spirituelle, l'espérance libère et permet le vol vers la gloire, non au sens latin ou grec de louange, sens que Jean de la Croix ne méconnaît pas, mais au sens hébreu de possession: la gloire, c'est posséder Dieu (1MC 12,3). Cependant l'âme est bien incapable de maîtriser ses souvenirs et de s'en détacher. Aussi en cette nuit en principe active, c'est surtout l'action de Dieu sur la mémoire passive qui est décrite.

9 Voir notre Introduction générale, p. 33 et Mémoire et Espérance.



Dans la nuit active de la volonté (3MC 16-45), l'intention est prometteuse: montrer comment en chacune des quatre passions : joie, espoir, douleur et crainte, l'âme doit rompre ses attaches pour libérer la volonté. Se dépouiller pour Dieu de tout ce qui n'est pas Dieu, autrement dit, rendre à l'âme sa liberté entière, c'est-à-dire conforme à celle de Dieu. En effet dans l'âme déréglée, anarchique, au lieu d'être gouvernées par la volonté raisonnable, les quatre passions règnent sur l'âme et la combattent.

Mais ce vaste projet n'est pas réalisé: seule la passion, ou affection10 joie est traitée presqu'entièrement quand le manuscrit s'interrompt. Jean de la Croix avait mieux à dire ?

10 Passion au sens classique, ce que l'on subit, de même affection, je suis affecté.




MONTÉE DU MONT CARMEL

TRAITE COMMENT UNE ÂME POURRA SE DISPOSER POUR ARRIVER EN PEU DE TEMPS À LA DIVINE UNION.


DONNE AVIS ET DOCTRINE TRÈS PROFITABLES, TANT POUR LES COMMENÇANTS QUE POUR LES PROGRESSANTS,
POUR QU'ILS SACHENT SE DÉBARRASSER DE TOUT LE TEMPOREL ET NE PAS S'EMBARRASSER AVEC LE SPIRITUEL ET DEMEURER EN SOUVERAINE NUDITÉ ET LIBERTÉ D'ESPRIT, LAQUELLE EST REQUISE POUR LA DIVINE UNION.

COMPOSÉE PAR LE PÈRE FR. JEAN DE LA CROIX, CARME DÉCHAUSSÉ.


ARGUMENT

Toute la doctrine dont je veux traiter en cette Montée du Mont Carmel est comprise dans les cantiques suivants qui contiennent aussi la manière de monter jusqu'au sommet de cette montagne, qui est le haut état de perfection que nous appelons ici union de l'âme avec Dieu. Et puisque ce que je dirai sera fondé là-dessus, j'ai voulu les mettre ici ensemble, pour faire entendre et voir tout d'un coup la substance de mes écrits ; bien qu'en l'exposé il faudra mettre chaque couplet à part, et pareillement chaque vers, selon que l'exigera la matière et son explication. Elle dit donc ainsi :



CANTIQUE

11 Littré : 3. « Dans un style élevé, toute espèce de chant ».


Dans lequel l'âme chante l'heureuse aventure qu'elle a eue de passer par l'obscure nuit de la foi, en sa nudité et purification, à l'union du Bien-aimé.



1. En une nuit obscure,
avec angoisses, en amours enflammée,
oh ! heureuse aventure !
je sortis sans être remarquée,
ma maison étant désormais apaisée ;

2. à l'obscur et en sûreté
par l'échelle secrète, déguisée,
oh ! heureuse aventure !
à l'obscur et en cachette,
ma maison étant désormais apaisée ;

3. en la nuit heureuse,
en secret, car nul ne me voyait
ni moi je ne remarquais rien,
sans autre lumière ni guide
que celle qui brûlait en mon coeur.

4. Et celle-ci me guidait,
plus sûrement que la lumière de midi
où m'attendait
celui que je connaissais bien,
en un lieu où nul ne paraissait.

5. Ô nuit qui as guidé !
ô nuit plus aimable que l'aurore !
ô nuit qui as uni
l'Aimé avec l'aimée,
l'aimée en l'Aimé transformée.

6. Sur mon sein fleuri,
qui entier pour lui seul se gardait
là il resta endormi
et moi je le caressais,
et l'éventail de cèdres donnait de l'air.

7. L'air du créneau,
quand moi j'écartais ses cheveux,
avec sa main sereine
au cou me blessait
et tenait en suspens tous mes sens.


8. Je me tins coi et oubliai,
le visage penché sur l'Aimé ;
tout cessa et je m'abandonnai,
abandonnant mon souci,
parmi les lis, oublié.



PROLOGUE

1. Pour déclarer et faire entendre cette nuit obscure par laquelle passe l'âme pour arriver à la divine lumière de l'union parfaite de l'amour de Dieu, comme on le peut en cette vie, il faudrait une autre expérience et une meilleure lumière de science que la mienne. Car il y a tant et de si profondes ténèbres et épreuves, soit spirituelles, soit temporelles, que ces âmes heureuses ont coutume de souffrir pour parvenir à cet état de perfection, que la science humaine n'est pas suffisante pour comprendre, ni l'expérience le déclarer ; celui-là seul qui y aura passé les aura pu sentir, mais non les dire.

2. C'est pourquoi, pour dire quelque chose de cette nuit obscure, je ne me fierai ni à l'expérience, ni à la science, parce que l'une et l'autre peuvent tromper et manquer, mais sans renoncer à m'aider de ces deux choses, autant que possible, je me servirai, pour tout ce que, avec la faveur divine, j'aurai à dire - au moins pour le plus important et obscur à comprendre - de la divine Écriture ; en la prenant pour guide, nous ne pouvons errer, puisque celui qui parle en elle est l'Esprit Saint. Et si je fais erreur en quelque chose, faute de bien entendre ce que je dirai d'après elle comme sans elle, ce n'est pas mon intention de m'éloigner du juste sens et de la doctrine de la sainte Mère l'Église catholique, car en tel cas je me soumets et me remets entièrement non seulement à son commandement, mais à tout meilleur avis et plus sûr jugement.

3. Pour écrire cela, j'ai été porté non par l'aptitude que je connaisse en moi pour une si difficile entreprise, mais par la confiance que j'ai dans le Seigneur qu'il m'aidera à en dire quelque chose, à cause de la grande nécessité qu'en ont maintes âmes : commençant le chemin de la vertu et Notre Seigneur les voulant mettre en cette nuit obscure, afin de passer par là à l'union divine, elles ne passent pas outre; parfois pour ne pas vouloir y entrer ou ne pas s'y laisser conduire, parfois pour ne pas le bien entendre et n'avoir pas des guides capables et avisés qui les mènent jusqu'au sommet. Et ainsi, c'est une chose digne de compassion de voir beaucoup d'âmes auxquelles Dieu donne du talent et des grâces pour passer plus avant, et qui avec du courage parviendraient à ce haut état, demeurer néanmoins en une façon basse de traiter avec Dieu, pour ne pas vouloir, ou ne pas savoir, ou faute de les acheminer et de leur enseigner à se détacher de ces commencements. Et bien qu'enfin Notre Seigneur les favorise tellement de les faire passer sans ceci ni cela, elles arrivent néanmoins beaucoup plus tard et avec plus de peine et moins de mérite, pour ne pas s'être accommodées à Dieu, en se laissant mettre librement dans le pur et sûr chemin de l'union. Car, encore qu'il soit véritable que Dieu qui les guide puisse les conduire sans de telles aides, cependant, ne se laissant pas conduire, elles cheminent moins, résistant à leur guide, et ne méritent pas tant, parce qu'elles n'appliquent pas la volonté ; et en cela même, elles souffrent davantage. Car il y a des âmes qui, au lieu de s'abandonner à Dieu et de s'avantager de ses grâces, empêchent Dieu par leur opération indiscrète ou par leur opposition ; semblables en cela aux enfants qui, ne voulant pas que leurs mères les portent dans les bras, crient et s'opiniâtrent afin qu'on les laisse aller à pied; et ainsi ils n'avancent pas, et s'ils se déplacent un peu, ce sont des pas d'enfant.

4. Donc, pour savoir se laisser conduire par Dieu, quand Sa Majesté veut les faire passer plus avant, tant pour les commençants que pour les progressants, nous donnerons avec son aide une doctrine et des avis qu'ils puissent entendre ou au moins pour qu'ils se laissent conduire par Dieu. Parce que quelques confesseurs et pères spirituels, n'ayant pas la lumière et l'expérience de ces chemins, ont coutume de nuire et d'empêcher plutôt ces âmes que de les aider en ce chemin, ressemblant aux ouvriers de la tour de Babel qui, devant fournir une matière convenable, donnaient et appliquaient une autre fort différente, faute de comprendre la langue (Gn 11,1-9), et ainsi rien ne se faisait. C'est pourquoi, en de tels moments, c'est une chose si rude et si pénible quand une âme ne s'entend pas et ne trouve personne qui l'entende, car il arrivera que Dieu la mène par un très haut chemin de contemplation obscure et d'aridité, où il lui semble être perdue, et qu'étant ainsi pleine d'obscurité, d'épreuves, de détresses et de tentations, elle rencontrera de ces consolateurs de Job (Jb 2,11) qui lui diront que c'est mélancolie, ou désolation, ou quelque humeur, ou bien que ce pourra être quelque malice cachée et que pour cela Dieu l'a ainsi délaissée ; et aussitôt, ils jugent que cette âme doit avoir été très méchante, puisqu'elle souffre de telles choses.

5. Un autre encore lui dira qu'elle retourne en arrière, puisqu'elle ne trouve point de goût ni de consolation, comme auparavant, dans les choses de Dieu, et ainsi ils redoublent l'épreuve de cette pauvre âme ; parce qu'il arrivera que la plus grande peine qu'elle sente provienne de la connaissance de sa propre misère, où il lui semble qu'elle voit plus clair que le jour qu'elle est pleine de maux et de péchés, car Dieu lui donne cette lumière de connaissance en cette nuit de contemplation (comme nous dirons ci-après), et comme elle trouve quelqu'un conforme à son avis qui lui dit que cela est par sa faute, la peine et détresse de l'âme croissent sans mesure, et ont coutume d'en venir à tel point que la mort est un moindre tourment. Ces confesseurs, non contents de ceci, pensant que cela provient des péchés, font que de telles âmes épluchent leurs vies et ils leur font faire plusieurs confessions générales et les crucifient de nouveau, n'entendant pas que ce n'est peut-être pas le temps de ceci ni de cela, mais de les laisser ainsi en la purification où Dieu les tient, les consolant et encourageant à vouloir cela tant qu'il plaira à Dieu, car jusqu'alors, quoi qu'elles fassent et quoi qu'ils disent, il n'y a point de remède.

6. De cela nous traiterons après, avec l'aide divine, et nous dirons comment l'âme doit alors se gouverner, et aussi le confesseur envers elle, et par quels indices on pourra connaître si c'est une purification de l'âme, et si tel est le cas, si c'est du sens ou de l'esprit (ce qui est la nuit obscure dont nous parlons), et comment on pourra connaître si c'est mélancolie ou autre imperfection touchant le sens ou l'esprit. Car aussi, il pourra y avoir quelques âmes qui penseront, elles ou leurs confesseurs, que Dieu les conduit par ce chemin de la nuit obscure de la purification spirituelle et ce ne sera peut-être qu'une imperfection de ces âmes. Et aussi parce qu'il y a plusieurs âmes qui pensent n'avoir point d'oraison et néanmoins en ont beaucoup, et d'autres, au contraire, qui pensent en avoir beaucoup et en ont à peine plus que rien.

7. Il y en a d'autres qui font compassion, tant elles se travaillent et se fatiguent, et néanmoins elles retournent en arrière parce qu'elles mettent le fruit de leur avancement en ce qui ne profite pas, mais au contraire en ce qui nuit et qui empêche ; et d'autres qui, avec repos et quiétude, profitent beaucoup. Il y en a d'autres, qui, avec les grâces mêmes et les faveurs que Dieu leur fait pour s'avancer, s'embarrassent et s'empêchent et n'avancent pas dans ce chemin; et il arrive à ceux qui le suivent plusieurs choses, de joies et de peines, d'espoirs et de douleurs12: les unes qui procèdent de l'esprit de perfection, les autres d'imperfection. De tout cela, nous tâcherons avec l'aide de Dieu, d'en dire quelque chose, afin que chaque âme qui le lira voie en quelque manière le chemin qu'elle tient et celui qu'il lui faut tenir, si elle prétend parvenir au haut de cette montagne.

12 Nous reconnaissons ici les quatre passions ; nous traduisons esperanza, par espoir quand il s'agit de la passion de l'âme, et par espérance quand il s'agit de la vertu théologale.



8. Or d'autant que cette doctrine est de la nuit obscure par où l'âme doit aller à Dieu, que le lecteur ne s'étonne point si elle lui semble un peu obscure, j'entends quand il commencera à la lire, mais, passant outre, il comprendra mieux le commencement, parce qu'avec l'un, on explique l'autre ; et s'il la lit une seconde fois, j'estime que cela lui semblera plus clair et la doctrine plus saine. Que si quelques personnes ne sont pas satisfaites de cette doctrine, cela proviendra de mon peu de savoir et de mon style bas et grossier, parce que la matière, de soi, est bonne et fort nécessaire. Mais il semble qu'encore qu'on écrivît de ce sujet d'une manière plus achevée et parfaite qu'on ne le fait ici, cela néanmoins ne profiterait qu'à un petit nombre ; attendu qu'on ne traite pas ici de choses fort morales et savoureuses pour tous les spirituels qui veulent aller à Dieu par les douceurs et les saveurs, mais une doctrine substantielle et solide tant pour les uns que pour les autres, s'ils veulent passer à la nudité d'esprit dont nous parlons ici.

9. Ni non plus mon principal dessein n'est pas de parler à tous, mais seulement à quelques personnes de notre sainte religion des primitifs du Mont Carmel, tant religieux que religieuses, qui m'en ont requis, à qui Dieu fait la grâce de les mettre dans le sentier de cette montagne, et qui, étant déjà bien dénués des choses temporelles de ce siècle, entendront mieux la doctrine de la nudité d'esprit.



LIVRE PREMIER [NUIT ACTIVE DU SENS]

Dans lequel on traite de ce qu'est « Nuit obscure », et combien il est nécessaire de passer par elle pour parvenir à la divine union ; et en particulier il est traité de la « Nuit obscure du sens » et de l'appétit, et des dommages qu'ils font à l'âme.



Ch. 1: ON PREND LE PREMIER COUPLET. - ON DIT LES DEUX DIFFÉRENCES DE NUITS PAR LESQUELLES PASSENT LES SPIRITUELS,

SELON LES DEUX PARTIES DE L'HOMME, LA SUPÉRIEURE ET L'INFÉRIEURE, ET L'ON EXPLIQUE LE COUPLET SUIVANT.

En une nuit obscure,
avec angoisses, en amours enflammée,
oh ! heureuse aventure !
je sortis sans être remarquée,
ma maison étant désormais apaisée.



1. En ce premier couplet, l'âme chante la chance et l'aventure heureuse qu'elle eut à sortir de toutes les choses et des appétits et des imperfections qui se trouvent en la partie sensitive de l'homme, à cause du désordre de la raison. Pour entendre ceci, il faut savoir qu'une âme, pour parvenir à l'état de perfection, doit d'abord passer ordinairement par deux principales sortes de nuits que les spirituels appellent purgations ou purifications de l'âme. Et que nous appelons ici nuits, attendu que l'âme, en l'une et en l'autre, chemine comme de nuit, en obscurité.

2. La première nuit ou purification est de la partie sensitive de l'âme, dont nous traitons au présent couplet et dont nous traiterons en la première partie de ce livre ; et la seconde est de la partie spirituelle dont il est parlé au deuxième couplet, qui suit, et dont nous traiterons aussi en la deuxième et en la troisième parties, quant à l'actif; car quant au passif, ce sera en la quatrième partie13.

13 C'est-à-dire la Nuit Obscure.


3. Et cette première nuit appartient aux commençants, au temps que Dieu commence à les mettre dans l'état de contemplation, à laquelle aussi participe l'esprit, comme nous le dirons en son temps. Et la seconde nuit ou purification appartient aux progressants, au temps que Dieu veut dès lors les mettre dans l'état de l'union avec Dieu; elle est une purification plus obscure, ténébreuse et terrible, comme il sera dit après.


EXPLICATION DU COUPLET

4. L'âme veut dire en somme en ce couplet qu'elle sortit - Dieu la tirant - seulement par amour de lui, embrasée de son amour, en une nuit obscure, qui est la privation et purification de tous ses appétits sensitifs, touchant les choses extérieures du monde et celles qui étaient délectables à sa chair, comme aussi les goûts de sa volonté ; ce qui se passe en cette purification du sens, c'est pourquoi elle dit qu'elle sortit, sa maison étant désormais apaisée, qui est la partie sensitive, ses appétits étant déjà apaisés et endormis en elle et elle en eux, car on ne sort point des peines et angoisses des cachots des appétits, jusqu'à ce qu'ils soient affaiblis et endormis. Et c'est ce qu'elle appelle son heureuse aventure de sortir sans être vue, c'est-à-dire, sans qu'aucun appétit de sa chair ni d'autre chose l'en pût détourner, et aussi parce qu'elle sortit de nuit, Dieu la privant de tous ses appétits, ce qui était une nuit pour elle.


5. Et ce fut une heureuse aventure que Dieu la mît en cette nuit, d'où il lui arriva tant de bien, où elle n'eût pu trouver à entrer d'elle-même, parce que personne ne peut par soi-même se dénuer de tous ses appétits pour aller à Dieu.

6. Voilà, en somme, l'explication du couplet. Nous interpréterons chaque verset et expliquerons ce qui concerne notre propos. Et on usera de la même manière dans les autres couplets, comme j'ai dit dans le prologue : premièrement on mettra et exposera chaque couplet, et ensuite chaque verset.


Ch. 2: ON EXPLIQUE QUELLE EST CETTE « NUIT OBSCURE » PAR LAQUELLE L'ÂME DIT AVOIR PASSÉ EN VUE DE L'UNION. ON EN DIT LES CAUSES

Par une nuit obscure


1. Pour trois raisons, nous pouvons appeler nuit ce passage de l'âme à l'union divine: La première, en raison de l'état d'où l'âme sort, parce que l'appétit doit être privé de toutes les choses du monde qu'il possède, en négation de toutes ; cette négation et cet abandon sont une espèce de nuit pour tous les sens de l'homme. La deuxième vient du moyen ou du chemin que l'âme doit prendre pour arriver à cette union, qui est la foi laquelle pour l'entendement est aussi obscure qu'une nuit. La troisième vient du terme où elle va, qui est Dieu, lequel ni plus ni moins est une nuit obscure en cette vie. Ces trois nuits doivent passer par l'âme, ou pour mieux dire, l'âme doit passer par elles, pour parvenir à l'union avec Dieu.

2. Dans le livre du saint Tobie (Tb 6,18-22), ces trois sortes de nuits sont figurées par les trois nuits que l'ange commanda à Tobie le jeune de passer avant de s'unir avec son épouse. En la première, il lui commanda de rôtir le coeur du poisson sur le feu, ce qui signifie le coeur affectionné et attaché aux choses du monde que, pour commencer d'aller à Dieu, il faut brûler et purifier de tout ce qui est créature au feu de l'amour de Dieu ; et en cette purification on chasse le démon, qui a pouvoir sur l'âme quand elle est attachée au goût des choses corporelles et temporelles.

3. En la deuxième nuit, il lui dit qu'il serait admis en la compagnie des saints patriarches, qui sont les pères de la foi ; parce que l'âme passant par la deuxième nuit, qui est se priver de tous les objets des sens, entre aussitôt en la deuxième nuit, demeurant seule en foi - non en tant qu'elle exclut la charité, mais les autres connaissances14 de l'entendement (comme nous le dirons après) - qui est chose qui ne tombe point dans le sens15.

14 Aux XVIe et XVIIe siècles, noticia, notice, signifie connaissances.
15 C'est la foi qui ne tombe pas dans le sens.


4. En la troisième nuit, l'ange lui dit qu'il obtiendrait la bénédiction, qui est Dieu, lequel, moyennant la deuxième nuit qui est la foi, se communique à l'âme si secrètement et si intimement que c'est une autre nuit pour elle, en tant que cette communication se fait beaucoup plus obscure que les autres, comme nous dirons ci-après. Cette troisième nuit passée, c'est-à-dire cette communication de Dieu en l'esprit étant achevée, ce qui se fait ordinairement en grande ténèbre de l'âme, s'ensuit aussitôt l'union avec l'épouse, qui est la Sagesse16 de Dieu. Comme aussi l'ange dit à Tobie que la troisième nuit passée, il s'unirait à son épouse en la crainte du Seigneur ; qui étant parfaite, l'amour de Dieu l'est aussi; ce qui est quand, par amour, se fait la transformation de l'âme avec Dieu.

16 Cf. l'Architecture spirituelle, dans l'Introduction générale, p. 32.


5. Ces trois parties de nuit sont toutes une seule nuit ; mais elle a trois parties, comme la nuit, car la première, qui est celle du sens, est comparée à la première nuit, qui est quand on achève d'être privé de l'objet des choses ; la deuxième, qui est la foi, ressemble à la mi-nuit, qui est entièrement obscure; et la troisième, qui est Dieu, à l'aurore, à laquelle suit immédiatement la lumière du jour. Et pour le donner mieux à entendre, nous traiterons de chacune de ces causes à part.



Ch. 3: ON PARLE DE LA PREMIERE CAUSE DE CETTE « NUIT », QUI EST LA PRIVATION DE L'APPÉTIT EN TOUTES CHOSES,

ET L'ON DONNE LA RAISON POUR LAQUELLE ON L'APPELLE « NUIT »

1. Nous appelons ici nuit la privation du goût en l'appétit de toutes choses, car tout ainsi que la nuit n'est qu'une privation de la lumière, et par conséquent de toutes les choses que l'on peut voir au moyen de la lumière, ce qui fait que la puissance visive demeure en obscurité et sans rien, de même on peut dire la mortification de l'appétit nuit pour l'âme, parce que se priver du goût de l'appétit en toutes choses, c'est demeurer en obscurité et sans rien. Parce que, comme la puissance visive s'entretient par le moyen de la lumière et se nourrit des objets qui peuvent se voir, ce qui cesse quand la lumière vient à manquer, de même l'âme, par le moyen de l'appétit, s'entretient et se repaît de toutes les choses qui peuvent être goûtées par ses puissances, l'appétit étant lui aussi apaisé ou pour mieux dire mortifié, l'âme cesse de se repaître du goût de tous les objets, et ainsi elle demeure selon son appétit en obscurité et sans rien.

2. Mettons un exemple en toutes les puissances. L'âme privant son appétit du goût17 de tout ce qui plaît au sens18 de l'ouïe, elle se trouve, selon cette puissance, en obscurité et sans rien; et se privant du goût de tout ce qui peut être agréable au sens de la vue, de même selon cette puissance, elle se trouve en l'obscurité et sans rien; et se privant du goût de toute la suavité d'odeurs que par le sens de l'odorat l'âme peut goûter, ni plus ni moins, elle se trouve selon cette puissance en l'obscurité et sans rien ; et niant aussi le goût de toutes les nourritures qui peuvent lui flatter le palais, l'âme se trouve aussi en l'obscurité et sans rien ; et enfin, l'âme se mortifiant en tous les délices et contentements qu'elle peut recevoir du sens du toucher, de la même manière elle se trouve selon cette puissance en l'obscurité et sans rien. De manière que l'âme qui aura nié et rejeté le goût de toutes les choses, mortifiant son appétit en elles, nous pouvons dire qu'elle est en l'obscurité d'une nuit, qui n'est en elle qu'un vide de toutes les choses.

17 gusto : le goût, le plaisir.
18 Ici puissance et sens paraissent synonymes. Parfois il distingue la puissance en ce qu'elle agit et le sens en ce qu'il reçoit. La signification est autre quand il distingue le sens et l' esprit comme les deux parties de l'âme.


3. La cause de ceci consiste en ce que, comme disent les philosophes, l'âme, aussitôt que Dieu l'a versée dans le corps, est comme une table rase et lisse où il n'y a rien d'écrit, et, sinon ce qu'elle connaît par les sens, rien ne lui est communiqué d'ailleurs naturellement19. Et ainsi, tant qu'elle est dans le corps, elle est comme celui qui est dans une obscure prison et qui ne sait rien hors de ce qu'il peut voir par les fenêtres de ladite prison ; et s'il ne voyait par là, il ne verrait rien d'autre part; ainsi l'âme, naturellement, ne peut atteindre aucune chose, par une autre voie, si ce n'est à ce qui lui est communiqué par les sens, qui sont les fenêtres de sa prison.

19 Principe scolastique.


4. D'où vient que si elle nie et rejette ce qu'elle peut recevoir par les sens, nous pouvons bien dire qu'elle demeure en obscurité et vide; puisque, suivant ce que nous avons dit, elle ne peut naturellement20 recevoir de lumières par d'autres ouvertures que celles que nous avons dites ; parce que, encore que véritablement elle ne puisse manquer d'ouïr, de voir, de flairer, de goûter et de sentir, néanmoins elle n'en tient pas plus compte et elle n'en est pas plus embarrassée, si elle le nie et le rejette, que si elle ne le voyait, ni ne l'entendait, etc. ; de même que celui qui ferme les yeux demeure dans l'obscurité comme l'aveugle qui n'a pas la faculté21 de voir. Parlant à ce propos, David disait : Pauper sum ego, et in laboribus a iuventute mea, ce qui veut dire : Je suis pauvre et en travaux dès ma jeunesse (Ps 81,16). Il s'appelle pauvre (bien qu'il fût évidemment riche) parce que n'ayant point sa volonté aux richesses, c'était autant que si, en effet, il eût été pauvre. Mais, au contraire, s'il eût été effectivement pauvre et qu'il ne l'eût pas été de volonté, il n'eût pas été véritablement pauvre, avec une âme riche et entièrement dans l'appétit. C'est pourquoi nous appelons cette nudité nuit pour l'âme, vu que nous ne traitons pas ici de la privation des choses - car cela ne dépouille point l'âme si elle en a l'appétit - mais de la nudité du goût et de l'appétit qu'on y prend: c'est ce qui laisse l'âme libre et vide, quoiqu'elle les possède, parce que les choses de ce monde ne gênent point l'âme et ne lui sont d'aucun dommage, puisqu'elles ne pénètrent point en elle, mais seulement la volonté et l'appétit qui demeurent en elle.

20 naturalmente : selon la nature.
21 potencia : puissance ou faculté.


5. Cette première espèce de nuit, comme nous le dirons après, concerne l'âme selon la partie sensitive, et c'est l'une des deux par lesquelles nous avons dit plus haut que l'âme doit passer pour arriver à l'union. Disons maintenant combien il faut qu'elle sorte de sa maison, en cette nuit obscure du sens, pour s'unir à Dieu.



Montée Carmel I - 2003 1