Catéchèses Paul VI 22372

22 mars 1972: LA FETE DE PÂQUES : RENCONTRE AVEC LE CHRIST DANS NOTRE VIE INTERIEURE

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Chers Fils et Filles,



La Fête de Pâques est très proche. Pour nous, croyants, elle est un événement important de la vie, un jour de fête et de joie qui se greffe dans les vicissitudes harcelantes de notre pauvre existence.

Bien que nous portions en nous le fardeau d’une expérience intensément vécue, essayons d’oublier un instant ce qui nous entoure et parlons de Pâques.

Que représente pour nous la Fête de Pâques ? Que doit-elle représenter ? Une rencontre avec le Christ, une rencontre personnelle. S’il en est ainsi, Pâques revêt un aspect des plus originaux : elle devient un événement important, intéressant, d’extrême beauté et, comme toute chose trop belle, elle crée un certain embarras. Si nous devions rencontrer, par exemple, un personnage célèbre quelle serait notre attitude à son égard ? Que lui dirions-nous ? Ferions-nous piètre figure comme le tailleur de Manzoni (Ch. XXIV) à sa rencontre avec le Cardinal Federigo ?

Lorsque nous pensons à Jésus, nous voyons vivre et défiler devant nos yeux les épisodes de l’Evangile, où Lui, le Maître Divin, rencontre les gens de ce temps-là une personne avec laquelle un dialogue se noue ; un fait qui restera pour toujours l’exemple de la rencontre typique et historique, s’accomplit, et peut-être un miracle se réalise... Et, nous aussi, nous devons rencontrer le Christ, vivant et réel, dans la communion non pas visible mais sacramentelle de son mystère pascal. Il doit en être ainsi. Parmi les innombrables questions que peut poser un tel fait, nous en proposons deux à votre réflexion.

Où et comment a lieu notre rencontre pascale avec le Christ ? Nous vous parlons, ici, d’une rencontre qui revêt une importance exceptionnelle pour notre existence et notre mentalité. Une rencontre intérieure, dans notre âme, dans la profondeur intime de notre personnalité. Nous devrions ajouter : dans la clarté de notre conscience, c’est-à-dire dans la lumière éblouissante de la présence mystérieuse du Christ en nous, dans la confession impétueuse de notre humilité, dans l’expérience ineffable de notre communion avec Lui (
Jn 6,57). Mais il ne nous est pas toujours donné d’éprouver de tels sentiments religieux.

Nous n’avons aucune expérience et souvent nous demeurons insensibles, étrangers au langage de la dévotion psychologique, de la conversation mystique. Patience ! Ce qui importe, c’est que la rencontre avec le Christ ait lieu en nous, dans notre vie intérieure, dans le domaine personnel de notre religiosité et surtout de notre foi. N’oublions pas, en disant cela, le caractère rituel et l’aspect sacramentel qui marquent cette rencontre ; n’oublions pas le caractère communautaire du sacrifice eucharistique et l’effet (la “ res ”) que produit en nous la participation à ce sacrement, c’est-à-dire l’unité du Corps Mystique (cf. 1Co 10,17 St. Th. III 73,3). Mais notre attention se fixe maintenant sur l’aspect essentiel et vivifiant de la manifestation surnaturelle de notre vie, de Pâques : son intériorité. Rappelons les paroles de St Augustin, ce maître de vie intérieure : Noli foras ire, in teipsum redi : in interiore homine habitat veritas (De ver a rel., 39 ; PL 34, 154). Ne cherche pas au-dehors ; rentre en toi-même, car la vérité habite le coeur de l’homme. En ce temps pascal, cette exhortation à la vie intérieure, à la recherche de la vérité religieuse, est adressée en particulier à l’homme moderne parce qu’il est facilement irréligieux ou anti-religieux et parce que, dès l’instant où il revient à la religion, il doit se conduire volontairement comme un vrai chrétien. Aujourd’hui, l’homme mène une vie “ extérieure ”. Même lorsqu’il fait profession de liberté, il est toujours conditionné par ce qui l’entoure. Si nos actes sont fondés sur un libre principe (causa sui, comme disent les philosophes : St. Th., I 83,1 ad 3 ; Metaph., II, 9 ; Contra G., SCG 2,48), pouvons-nous dire d’être libres, maîtres de nous-mêmes, quand le milieu, les liens sociaux, l’opinion publique, les intérêts temporels, la mode, le langage des sens nous contraignent de vivre en étouffant notre liberté de conscience ? Ce n’est pas la religion qui étouffe la liberté, mais c’est plutôt l’absence de liberté qui étouffe la religion et empêche cette orientation rationnelle, morale et vitale qui, par nature, tend à la religion.

Le point de rencontre naturel avec Dieu se trouve dans le coeur de l’homme. Il en est ainsi dans l’ordre du Royaume de Dieu annonce par le Christ. Tout ce que l’économie de l’Evangile nous offre d’extérieur, est un moyen, un signe, un sacrement pour nous conduire vers cette réalité surnaturelle qui est la rencontre de l’esprit de l’homme avec l’esprit de Dieu. St Mathieu nous dit : “ Quand tu pries, retire-toi dans ta chambre ; ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra ” (Mt 6,6). Du reste, notre religion, n’est-elle pas une adhésion à la Parole de Dieu ? “ Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance ” (Col 3,16).

Et, cette adhésion, qui n’est autre que la foi, quel effet produit-elle ? St Paul répond : “ Le Christ habite en vos coeurs par la foi ” (Ep 3,17). Il dira de lui-même ce que tout chrétien devrait pouvoir dire de soi : “ Et si je vis ; ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi ” (Ga 2,20).

Quel degré d’intériorité atteint ? la rencontre avec le Christ ! Elle tend à une identité. Ceci nous démontre combien il est sage de bien se préparer à la fête de Pâques ! C’est un effort qui nous permet de rentrer en nous-mêmes, ab exterioribus, ad interiora, qui nous invite à l’écoute de la Parole de Dieu, à un peu de silence intérieur et qui nous prépare à une libre rencontre avec le Christ. Le rendez-vous véritable avec Celui qui passe (Pâques veut dire passage), est dans le cénacle silencieux de notre personne.

Serons-nous prêts pour ce rendez-vous pascal ?

L’autre question, concernant la rencontre pascale, est l’authenticité : notre authenticité chrétienne. C’est un sujet dont nous ne parlerons pas aujourd’hui. “ Faire ses Pâques ”, comme on a coutume de dire, signifie : conformer sa vie aux principes chrétiens, s’engager à vivre en chrétiens et pour cela, puiser, dans le Christ, la grâce.

Mais nous ne voulons pas abuser davantage de votre patience. Sachez seulement que “ vivre Pâques ” est la preuve de notre fidélité authentique au Christ. C’est notre souhait.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





29 mars 1972: JESUS EST L’HOMME POUR LES AUTRES

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Chers Fils et Filles,



Nous voici tout proche de Pâques : au coeur même de notre religion chrétienne. C’est comme si nous pénétrions à l’intérieur d’un immense édifice. La visite d’une cathédrale, par exemple, nous donne une idée de la construction de la doctrine chrétienne. Notre religion n’est pas simple ; c’est un ensemble monumental de vérités naturelles, historiques, humaines, révélées, surnaturelles, eschatologiques, personnelles et universelles qui, au premier abord, nous étonnent, tant elles sont grandes, profondes, transcendantes et immanentes. Saint Paul parle de quatre dimensions : la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur (
Ep 3,18). L’univers, ciel et terre, nous domine. Le temps prend des proportions vertigineuses, les siècles y deviennent des instants et l’instant devient une actualité qui renferme nos destins. Lorsque nous fixons notre regard sur les monde divin, c’est une vision mystérieuse qui apparaît à nos yeux. Tout est pour nous dans ce monde religieux. Nous sommes chez nous. Non en étrangers mais plus qu’en invités. Pas simplement comme des hôtes, disait Saint Paul (on dirait aujourd’hui touristes, curieux ou occasionnels) mais “ concitoyens des Saints, nous sommes de la Maison de Dieu ” (Ep 2,19).

Nous cherchons instinctivement le centre de ce dessin aux innombrables lignes perspectives ; nous cherchons la base, la pierre d’angle, qui aussitôt nous apparaît : c’est Jésus-Christ. Mais sous quelle forme ? Dans quel rôle ? Commençons par nous orienter : le christianisme, fondé justement sur Jésus-Christ, est une religion de Salut. Jésus veut dire “ Sauveur ” (cf. Mt 1,21 Lc 1,31). C’est la raison première de sa venue au monde. Lorsque nous récitons le Credo, à la Messe, nous disons clairement : “ Pour nous et pour notre salut il est descendu du Ciel (St. TH., III 46,0-59 ; J. rivière, Le dogme de la rédemption ; B. de marjerie, Le Christ pour le monde ; G. bevilacqua, L’uomo che conosce il soffrire).

Oui, Pâques est la fête de la Rédemption. C’est le mystère du Salut qui se célèbre essentiellement en son auteur divin, Jésus. C’est le renouvellement du mystère de la Rédemption qui s’accomplit dans l’Eglise et chez tout fidèle qui y participe dignement.

Mais ceci dit, nous avons soulevé un faisceau de nombreuses et riches vérités. La Rédemption suppose un état de péché auquel l’humanité est malheureusement vouée. Le péché est une longue histoire, très compliquée : il suppose la chute d’Adam, la privation héréditaire de la grâce, c’est-à-dire du rapport surnaturel de l’homme avec Dieu. Le péché suppose en nous, une malformation psycho-morale, source de nos péchés personnels ; il suppose la perte de la plénitude de vie à laquelle Dieu nous avait destinés, au-delà des exigences de notre être naturel; il suppose un besoin d’expiation et de réparation qui nous dépasse. Il suppose l’exigence d’une justice implacable que nous devons prendre en considération. Le péché implique une conception pessimiste du destin de l’homme, la défaite de sa vie et le triomphe macabre de sa mort. Il réclame un plan de miséricorde divine, divinement réparateur (Ac 5,7).

Et voici alors la grande annonce du Christ entrant dans le monde : “ Voici, Je viens ! ” (He 10,5-10). Jésus vient comme le Sauveur, le Rédempteur, Celui qui expie pour toute l’humanité, pour nous. Essayons d’analyser ce mot : victime. Jésus est venu dans le monde, telle une victime qui expie pour nous, telle la synthèse de la justice accomplie et de la miséricorde réparatrice. L’Evangile, par la voix du Précurseur, nous donne du Christ une définition plus exacte et plus émouvante : “ Voici l’Agneau de Dieu (c’est-à-dire la victime efficace pour nous, enfin digne de Dieu), voici Celui qui ôte le péché du monde ” (Jn 1,29) ; Jésus est l’oblation volontaire de lui-même, le prêtre et la victime qui paie, pour tous, le prix insolvable de la justice divine et le transforme en symbole de miséricorde (Is 53,7 He 9,14 Ep 5,2). C’est bien pour cela que le Crucifix orne nos autels : comme une clé de voûte, il est au sommet de cet édifice que nous appelons l’Eglise et entre les murs duquel nous devenons l’Eglise rachetée.

Le mystère pascal que nous allons célébrer soulève donc toute une série de vérités chrétiennes fondamentales. Pensez ! Aucune manifestation humaine, individuelle ou sociale ne peut réaliser autant que ce mystère, la “ solidarité ”. Rien ne met aussi bien en évidence la “ réversibilité ” des fautes et des mérites. Personne ne nous exhorte autant à méditer et à imiter la grande loi morale “ de la mort pour la vie ”. Personne ne peut mieux nous enseigner la gravité du péché, la manière la plus réconfortante de faire de la souffrance une valeur, un prix, un mérite. Mais surtout aucun autre aspect du christianisme ne nous dévoile avec une violence aussi enflammée, l’Amour du Christ pour nous : “ Il m’a aimé, Il s’est sacrifié pour moi ” (Ga 2,20 Rm 8,7 Ep 2,4 2Th 2,15). “ C’est Lui qui est victime de propitiation pour nos péchés ” (1Jn 4,10-19). Gratuitement ! Avec un seul désir : être compris, cru, aimé : “ Persévérez dans mon amour ”, semble-t-il supplier à la dernière Cène (Jn 15,9-10).

Nous sommes en pleine atmosphère mystique, mais combien réelle, proche et pratique ! Elle ranime nos âmes desséchées, elle ravive le désir des hommes, si avides de savoir aimer : qui, comment et pourquoi aimer ! Un grand esprit religieux, non-catholique mais “ amoureux ” du Christ, Dietrich Bonhoeffer, a laissé à notre siècle envahi par les égoïsmes les plus avides et par les guerres les plus atroces, cette définition incomplète mais exacte et magnifique : Jésus est l’homme pour les autres. C’est vrai ! Ne l’oubliez pas ! Saint Paul nous l’avait déjà dit (Rm 14,7-9) ; le Concile l’a répété (Gaudium et Spes, GS 32). Rappelez-vous de cela en cette période de Pâques.

Avec notre Bénédiction Apostolique.


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Nous aurions aimé adresser une parole particulière à chacun des groupes ici présents. Ne pouvant le faire à cause de leur grand nombre qui par ailleurs Nous réjouit, Nous saluons les fonctionnaires du Ministère des Finances du Danemark, qui séjournent à Rome pour un échange culturel avec leurs amis italiens. Soyez les bienvenus au milieu de tette assemblée.

Nous savons aussi que beaucoup d’institutions méritantes sont ici représentées, camme celle de Sainte Marie de Riom. A tous nous souhaitons un fructueux pèlerinage et de joyeuses Pâques. Et de grand coeur Nous vous donnons, au nom de Notre Sauveur, en gage d’abondantes grâces pour vous et ceux qui vous sont chers, notre Bénédiction Apostolique.


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Nous sommes heureux de saluer les participants de la cinquieme Rencontre universitaire internationale. Vous mesurez, chers amis, votre responsabilite de professeurs et d’etudiants universitaires dans la société actuelle, et vous voulez coopérer, de façon positive, à l’instauration d’un humanisme plénier qui intègre les valeurs du savoir et de la culture, avec la vigueur morale.

Puissiez-vous approfondir, et aider vos collègues à découvrir, les véritables raisons de vivre qui donnent à une civilisation son dynamisme créateur, la profondeur de son humanité, la fraternité de ses liens et la fermeté de son espérance! Nous souhaitons qu’ici, les témoignages de l’histoire et de l’art chrétiens stimulent votre recherche.

Et Nous souhaitons aussi la bienvenue aux lycéennes de Strasbourg, aux parents, professeurs et aumônier qui les accompagnent. Nous vous félicitons, chers Fils et chères Filles, d’avoir choisi comme thème de votre pèlerinage: «la mission universelle de l‘Eglise». Oui, en célébrant à Rome le Seigneur mort et ressuscité, autour des tombeaux des deux grands apôtres Pierre et Paul, devant les monuments de la foi de nos prédécesseurs, au milieu de frères et soeurs catholiques venus de l’univers entier, vous comprendrez mieux le salut que le Christ apporte à tous les hommes. Priez aussi pour Nous à qui il a confié aujourd’hui le pastorat de l’Eglise. Et comment ne serions-Nous pas touché de trouver ici, avec votre groupe, deux Evêques et une Supérieure religieuse du Zaïre? Nous les saluons cordialement, en les assurant que Nous partageons de façon particulière le souci de leurs communautés chrétiennes. A tous nous souhaitons de joyeuses fêtes de Pâques. Nous implorons sur chacun d’entre vous, sur vos familles, les grâces de Notre Sauveur, en gage desquelles Nous vous donnons notre paternelle Bénédiction Apostolique.



5 avril 1972: LA RÉSURRECTION DU CHRIST CENTRE DE TOUTE L’HISTOIRE HUMAINE

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Chers Fils et Filles,



Soyez les bienvenus à cette audience du mercredi de Pâques. C’est, en effet, la grande Fête de Pâques qui vous a conduits ici en si grand nombre. Ce temps pascal que l’Eglise célèbre en ces jours, donne à votre voyage à Rome l’aspect et la valeur d’un pèlerinage. Vous êtes venus assister à ce grand événement, centre de toute l’histoire humaine et pivot de notre destin. Cet événement, vous le savez, c’est la résurrection du Christ, c’est Pâques !

Ce n’est pas le désir d’une simple promenade touristique, ni une simple curiosité spirituelle extérieure qui ont guidé vos pas jusqu’à Rome ; c’est la participation au même mystère qui vous a réunis pour vivre la foi en Jésus, Maître de l’Evangile, Fils de l’Homme et Fils de Dieu! Nous espérons que vous avez pu participer de façon intense au mystère de Celui qui fut cruellement crucifié, de Celui qui, dans un grand cri à la neuvième heure du Vendredi Saint — baissa la tête et remit son esprit ; de Celui qui fut enseveli et, à l’aube du troisième jour, ressuscita !

Impossible, incroyable, direz-vous ! Oui, Il ressuscita ainsi que les Ecritures et Lui-même l’avaient prédit. Et ce n’est pas la vision imaginaire des Saintes Femmes qui, séduites par la figure extraordinaire de Jésus et trouvant son tombeau vide, ont cru le revoir vivant ! Il ressuscita réellement dans son corps. Il ne s’agit pas d’une suggestion collective qui s’est diffusée parmi les fidèles ! Ceux-ci ne voulaient certes pas donner libre cours à leur imagination; ils le virent de leurs yeux, le touchèrent de leurs mains, mangèrent et burent avec Lui. Le réalisme de l’Evangile atteste la Résurrection du Seigneur et la lettre de Saint Paul aux Corinthiens en est une preuve concrète (
1Co 15).

Mais s’il est vivant, en chair et en os, pourquoi les Ecritures le font-elles apparaître et disparaître ? Pourquoi vient-il, toutes portes closes, au milieu des disciples qui, seuls, jouissent de ces visions ?

C’est un mystère. Remarquez deux choses. Jésus a ressuscité son corps né de la Vierge Marie. Il est ressuscité dans des conditions nouvelles, vivifié par une force immortelle qui impose à son corps les lois et les forces de l’Esprit. Le merveilleux n’annule pas la réalité, c’est au contraire, une réalité nouvelle !

Cette nouvelle réalité est fondée sur le témoignage des disciples d’abord, puis de l’Eglise. Elle dépasse nos capacités de connaître et notre imagination ! Nous ne pouvons la vivre que par la foi.

Rappelez-vous l’épisode de Thomas qui a voulu voir et toucher. Jésus lui fit voir et toucher : “ Heureux ceux qui croiront sans avoir vu ” (Jn 20,29).

Jésus ressuscité fondait ainsi sur la foi et sur Sa Parole, la Société religieuse, l’Eglise, à laquelle, grâce à Lui, nous avons la chance d’appartenir !

Puissiez-vous, Chers Fils et Filles, donner à votre voyage à Rome, à cette audience qui nous rassemble tous dans le souvenir du mystère de la Résurrection, la valeur d’un véritable acte de foi : “ Ne sois pas incrédule, mais croyant ”, dit Jésus à Thomas. Puissiez-vous tous dire comme l’apôtre : “ Mon Seigneur et mon Dieu ! ” (Jn 20,27-28).

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Au milieu de tant de groupes méritants auxquels Nous aurions aimé adresser un souhait particulier, comment ne pas saluer les membres de la Société de Saint-François de Sales? Chères Filles, vous êtes venues à Rome fêter le centenaire de votre Société. Vous savez la vénération que Nous avons toujours eue pour Saint-Francois de Sales, et l’estime que Nous portons à l’oeuvre de Madame Carré de Malberg, votre fondatrice. Oui, marchez hardiment dans la voie qui vous est tracée: celle de l’amour, de la perfection de l’amour, dans les moindres gestes de votre devoir d’état de célibataires, d’épouses ou de veuves. Que votre prière monte sans cesse vers le Seigneur bien-aimé, source de la vie, de la lumière, de la justice et de la charité que recherchent nos contemporains. Témoignez, au milieu du monde, de la douceur, de l’humilité, de la délicatesse de coeur, de toutes ces vertus évangéliques que vos talents de femmes sauront si bien mettre en oeuvre. Avec vos Soeurs religieuses Salésiennes Missionnaires de Marie-Immaculée, partagez largement les soucis missionnaires actuels de l’Eglise. L’Eglise a besoin, plus que jamais, de ces âmes fortes, qui puisent dans une formation doctrinale solide, une oraison fréquente et une disponibilité généreuse, une vie intérieure profonde s’épanouissant en foi, espérance et charité. De tout coeur, Nous vous encourageons et bénissons, ainsi que toutes vos compagnes.

Nous souhaitons aussi la bienvenue aux groupes de jeunes, en particulier ceux de la paroisse de Randan, et ceux des jeunes équipes liturgiques. Chers amis, en participant de façon si proche à la liturgie, vous aidez tout le peuple de Dieu, celui de vos paroisses et de vos collèges, à entrer plus avant dans le mystère du Christ ressuscité, présent dans le sacrement de son amour. C’est très important aujourd’hui. Mais la vérité exige que votre prière personnelle, votre pureté de coeur, votre comportement généreux, votre dynamisme missionnaire correspondent à cette haute fonction. Tel est le beau témoignage que vous êtes appelés à donner. Nous vous félicitons de l’avoir compris et Nous félicitons les prêtres qui emploient leur sacerdoce à approfondir en vous cette formation spirituelle et apostolique.

A tous, en gage d’abondantes grâces pascales, Nous donons notre paternelle Bénédiction Apostolique.

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Nous Nous tournons maintenant vers les étudiants et étudiantes malgaches qui poursuivent leurs études en Europe avant de regagner leur cher pays. Chers amis, vous êtes appelés à collaborer activement au développement de votre pays, sur les plans culturel, économique, social, spirituel. A vous de trouver, avec vos compatriotes, la voie originale, respectueuse des traditions de votre pays, en puisant dans l’Evangile la vigueur de la foi, le dynamisme d’une charité sans limite, le souci de la justice pour tous, et la joie d’une espérance authentique, en union avec l’ensemble de l’Eglise.



12 avril 1972: FONCTION DU TÉMOIGNAGE DANS LE DESSEIN DU CHRISTIANISME

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Chers Fils et Filles,



Comme il nous plairait de faire luire dans vos coeurs l’étincelle prophétique du témoignage ! Quel témoignage, demanderez-vous ? Le témoignage de la Résurrection du Christ. Enfants, nous voulions être les premiers à lancer le cri de joie de Pâques ! Nous savons que dans l’Eglise Orientale cette salutation est toujours de coutume : le Christ est ressuscité ! et la personne interpellée de répondre d’un égal enthousiasme : Il est vraiment ressuscité !

Vous nous direz sans doute maintenant : Pâques, c’est passé ! C’est vrai, ce salut est passé mais le témoignage de l’événement miraculeux, mystérieux de la Résurrection du Seigneur ne passe pas ; il demeure, c’est même un devoir. Nous dirons alors : ce n’est pas une étincelle, c’est une flamme, une flamme vive qui éclaire non seulement chacun de nous, fidèles, mais tous ceux qui nous entourent. C’est un témoignage, disions-nous, c’est le principe intérieur de l’apostolat extérieur. Comment est né le christianisme ? Comment l’Eglise s’est-elle formée ? Quel est l’élément original et vital de l’Eglise ? C’est la foi. La foi en qui et en quoi ? La foi en la Résurrection du Seigneur. Saint Paul écrit : “ C’est la parole de la foi que nous prêchons. Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l’a ressuscité de morts, tu seras sauvé ” (
Rm 10,9).

Vous rappelez-vous bien le récit évangélique des événements de la Résurrection du Seigneur ? Vous souvenez-vous de la première prédication des apôtres après la Pentecôte (Ac 2,36) ? Vous savez certainement que dans sa prédication et surtout dans sa lettre aux Corinthiens, Saint Paul fait de la Résurrection du Seigneur le fondement de toute la nouvelle doctrine du Christ. Il s’élève en historien et en maître de ce prodige capital de l’Evangile du Salut dont la nouvelle religion, la nouvelle société, c’est-à-dire l’Eglise, tire son origine et trouve sa raison d’être.

Nous voyons donc l’importance du “ témoignage ”. Cet événement prodigieux se manifesta de manière directe aux yeux, à l’ouïe et au toucher des “ Onze ” et à tous ceux qui étaient réunis avec eux à Jérusalem. Le Seigneur leur dit : “ Pourquoi tout ce trouble et pourquoi des doutes s’élèvent-ils en vos coeurs ? Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi ! Touchez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai ”. Mais cette expérience sensible ne dura ni ne fut donnée à tous, tant il est vrai que dans son discours à la maison du Centurion Cornélius, Saint Pierre, expliquant les événements qui se réalisaient alors, dit à propos de Jésus de Nazareth : “ Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d’avance ” (Ac 10,40-41). Excepté pour un petit nombre (pas si petit : Saint Paul parle de “ plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart vivaient encore ” [1Co 15,6]), la certitude de la Résurrection du Seigneur a été donnée non pas directement, mais par le témoignage, par la foi ; foi humaine mais aussitôt alimentée d’un autre témoignage intérieur, celui de la grâce de l’Esprit-Saint (Jn 15,26-27).

Mais nous voulons vous parler surtout de la fonction du témoignage dans le dessein du christianisme, c’est-à-dire de la transmission de l’Evangile par un enseignement original et authentique fondé sur la foi. Que signifie témoignage ? C’est un mot riche de sens qui revient souvent et qu’il vaut donc la peine d’examiner. Témoignage veut dire, en ce qui nous concerne, attestation d’une vérité ; affirmation de la réalité d’une chose ou d’un fait qui devient certitude de par la crédibilité de celui qui l’annonce et de par la conformité de la parole intrinsèque aux dispositions spirituelles de celui qui écoute (Lc 24,32 Rm 10,17). Quand l’action de témoigner l’Evangile commença-t-elle d’être consciente de sa mission ? Elle commença à faire du bruit et à devenir puissante à la Pentecôte lorsque Jésus, quittant ses disciples, leur annonça la venue de l’Esprit-Saint : “ Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre ” (Ac 1,8). Si nous méditons sur la naissance du christianisme, nous voyons que les disciples, ceux que Jésus a spécialement choisis, deviennent apôtres, et les apôtres sont remplis du souffle prophétique pour annoncier l’événement extraordinaire et innovateur : le Christ est ressuscité. “ Nous sommes témoins ”, répéteront les apôtres (Ac 2,32 Ac 3,15 Ac 5,32 etc.) De là, la foi ; de là, l’Eglise !

Il en découle toute une série d’autres vérités dont l’authenticité de notre profession chrétienne ne peut faire abstraction. Tout d’abord, le concept de Tradition ; il doit être précisé avec prudence si nous voulons lui donner son sens vivant, engageant et constitutif d’écho fidèle de la Parole de Dieu, annoncée par les apôtres, c’est-à-dire par les témoins autorisés à la transmettre (Dei Verbum, DV 8). Le sens historique et doctrinal du Salut, c’est-à-dire de l’accomplissement du dessein de Dieu dans le temps, est fondé sur la Tradition. Nous ne sommes par les maîtres de ce dessein suprême ; nous devons le reconnaître et l’admirer dans le lent déroulement des siècles que décrivent les deux grandes phases de l’histoire — l’Ancien et le Nouveau Testament — qui se rejoignent dans le Christ, point de séparation de l’avant et de l’après (Ep 4,10 Ga 4,4).

A travers le tumulte des événements et la multiplicité des situations, ce, dessein de Dieu, nous devons l’observer et le conserver jalousement comme un trésor intangible. C’est le “ Dépôt ” précieux dont parle Saint Paul dans les deux Epîtres à Timothée (1Tm 6,20 2Tm 1,14).

En ce qui concerne la valeur du Salut et son application aux différentes conditions de l’humanité, ce sens historique et doctrinal ne peut-être éclairé que par un ministère apostolique authentique, le magistère ecclésiastique, chargé par le Christ de garantir au Peuple de Dieu la vérité et l’unité au sujet de la révélation divine (Lc 10,16 Mc 16,16 Dei Verbum, DV 10 Lumen gentium, LG 12).

Ce sont, là, des vérités simples et grandes à la fois, qui doivent nous aider à demeurer fidèles au mystère pascal, à repousser toute forme d’interprétation exégétique peu authentique et à participer avec joie à la Résurrection du Christ. Ces vérités font de tout croyant un témoin et un apôtre de la foi chrétienne.

Que l’exemple du martyr Etienne, “ plein de foi et d’Esprit-Saint ” (Ac 6,5) qui vit Jésus ressuscité et glorieux “ assis à la droite de Dieu ”, soit pour nous un encouragement.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





19 avril 1972: LES MOMENTS DE LA SOUFFRANCE ET DE LA JOIE DANS L’EXPERIENCE DE LA VIE CHRETIENNE

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Chers Fils et Filles,


Notre pensée, nos paroles, notre coeur continuent d’apaiser leur soif à la source pascale.

Celui qui a compris que la conséquence première de toute vie chrétienne est “ personnelle ”, intérieure à la personne même, ne peut célébrer Pâques, exclusivement le jour de la commémoration de la Résurrection du Seigneur. Celui qui a compris, disions-nous, sait qu’il doit continuer à commémorer cet événement, même pendant la période qui suit la fête, ainsi que l’Eglise nous invite à le faire.

Celui qui a compris cela, ne peut donc ignorer qu’une telle conséquence ne s’exprime psychologiquement que par la joie. Avant la joie, nous le savons, il y a la grâce et, avec la grâce, la paix ; mais la paix, en elle-même, dépasse notre sensibilité intérieure bien qu’elle remplisse l’être humain d’un bien-être ineffable, d’une vigueur, d’une confiance et enfin d’un “ esprit ” qui donne à l’âme une nouvelle signification, d’elle-même, de la vie et des choses. Mais plus que tout autre fruit spirituel produit par la grâce et par la charité ; la joie domine. Elle envahit la liturgie pascale avec son “ alléluia ”, avec toute la vague de bonheur dont est saisi tout chrétien en cette saison. En célébrant le mystère pascal, nous découvrons que la joie imprègne toute la vie chrétienne, au-delà des limites du calendrier. Elle est l’atmosphère de la vie chrétienne, sa note la plus caractéristique. Souvenez-vous de l’exhortation de Saint Paul : “ Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous ! ” (
Ph 4,4).

Un chrétien ne peut être triste, radicalement pessimiste. Un chrétien ne connaît pas le désespoir ; il ne connaît pas l’angoisse qui semble être le but de la psychologie moderne, de cette psychologie qui ne fait aucune différence entre une dolce vita et une vie intense et malheureuse, puisque de toute manière, aussi bien l’une que l’autre n’ont ni idéal, ni foi. Nous pouvons dire que la joie, la joie véritable, celle de la conscience et du coeur, est un trésor propre du chrétien, de celui qui croit dans le Christ ressuscité, de celui qui s’unit à Lui et vit de Lui. Cette joie limpide que ne connaissent pas, hélas ! ceux qui interprètent les enseignements de l’Evangile en adoptant une attitude critique et sévère à l’égard de l’Eglise de Dieu ; cette joie que ne peuvent connaître ceux qui remplacent la solidarité par le reproche, l’offense et la subversion où l’on cherche en vain le signe d’une joie pascale commune. La joie pascale est la marque de la spiritualité chrétienne ; ce n’est pas de l’insouciance, mais une sagesse alimentée par les trois vertus théologales ; il ne s’agit pas d’une joie extérieure et bruyante, mais d’une joie née de raisons intérieures profondes ; elle n’est pas abandon au plaisir des passions instinctives et incontrôlées, mais vigueur de l’esprit qui sait, qui veut, qui aime ; c’est le tressaillement de joie pour la vie nouvelle, qui saisit à la fois le monde et l’âme.

Mais, ici une difficulté se présente. La Croix n’est-elle pas le signe du chrétien ? La tristesse de la pénitence n’est-elle pas aussi normale que la joie de la résurrection ? Chrétiens, ne nous a-t-on pas enseigné à nous allier à la souffrance, à l’honorer, à la mettre en valeur en l’unissant à la passion du Seigneur ? Et puis : toutes les vertus dites passives, comme l’humilité, la patience, l’obéissance, le pardon des offenses, le service des frères... ne donnent-elles pas au visage chrétien son expression authentique ?

Et le sacrifice n’est-il pas le point culminant de la grandeur chrétienne ? Où est la joie ? Comment harmoniser ces deux expressions de la vie chrétienne : la souffrance et la joie?

La question est spontanée et la réponse n’est pas facile. Cherchons-la tout d’abord dans le mystère pascal lui-même, c’est-à-dire dans le mystère de la Rédemption qui réalise dans le Christ la synthèse de la justice et de la miséricorde, de l’expiation et du rachat, de la mort et de la vie. Douleur et joie ne sont plus des ennemies irréductibles ; la loi souveraine de “ la mort pour la vie ”, elle seule, peut nous aider à comprendre le Christ, prêtre et victime, dans sa définition essentielle de sauveur.

Cherchons la réponse au problème de l’harmonie entre joie et douleur dans la vie chrétienne, cherchons cette réponse dans l’application sacramentelle du Salut du Christ à nos existences. personnelles, cherchons-la dans le baptême et surtout dans l’Eucharistie. Cherchons-la encore dans les différentes phases de notre vie présente : le message évangélique des béatitudes ne nous révèle-t-il pas l’existence d’un lien entre ce présent malheureux, pauvre, mortifié, opprimé et un avenir de béatitude, de rédemption et de plénitude ?

Bienheureux, ceux qui aujourd’hui sont pauvres et opprimés... proclame Jésus : la vertu éprouvée produit l’espérance et, dans le Christ, “ l’espérance ne déçoit point ” (Rm 5,5). “ Vous allez pleurer et vous lamenter ; le monde, lui, se réjouira ; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie ” dit encore Jésus (Jn 17,20).

Dans la vie chrétienne, les deux moments, celui de la souffrance et celui de la joie peuvent se superposer, se confondre en quelque sorte. Saint Paul l’affirme dans cette phrase : “ Je surabonde de joie dans toutes mes tribulations ” (2Co 7,4). Joie et douleur peuvent cohabiter. C’est l’un des signes les plus intéressants, les plus complexes de la psychologie du chrétien : c’est comme s’il vivait, et en réalité il vit, une double vie : la sienne, humaine, terrestre, en proie aux adversités, et celle du Christ qui a été réellement placée en lui, dès le début. “ Ce n’est plus moi qui vit, dit encore l’apôtre, c’est le Christ qui vit en moi ” (Ga 2,20).

Et le Christ, ne l’oublions pas, c’est la Joie !

Puissions-nous, tous, en faire l’ineffable expérience !

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous souhaitons la bienvenue aux membres du Comité exécutif de l’union des Conseils en brevets européens. Vous voulez, chers Messieurs, promouvoir et garantir le statut de ceux dont la haute qualification professionnelle et l’initiative inventive stimulent le progrès industriel.

Cette ingéniosité technique mérite en effet d’être reconnue, respectée et encouragée, sans oublier le bien commun de la société qu’elle doit finalement servir, ni les autres valeurs qui font la grandeur de l’homme. Sur vous, sur tour ceux et celles qui vous accompagnent Nous invoquons de grand coeur les Bénédictions du Seigneur.





Catéchèses Paul VI 22372