Catéchèses Paul VI 31572

31 mai 1972: L’EUCHARISTIE, SIGNE D’UNITE ET DE PAIX

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Chers Fils et Filles,



Nous célébrerons demain la Fête-Dieu, la fête de l’Eucharistie dont l’institution a déjà été commémorée par l’Eglise le Jeudi Saint ; la Dernière Cène du Seigneur est si étroitement liée au drame de la Passion que les fidèles n’accordent pas assez de temps à la méditation du mystère de la présence réelle de Jésus dans l’Eglise et ne réfléchissent pas assez profondément au renouvellement du sacrifice du Christ dans l’Eucharistie. La Fête-Dieu est donc un rappel de cet événement, de ce mystère.

Au XIIIe siècle, dans la région des Flandres, des fidèles fervents instituèrent la fête du “ Corpus Domini ” ; en 1264, après le miracle de Bolsena, le Pape Urbain IV, par la Bulle “ Transiturus ” (nous en avons célébré le 7e centenaire voici quelques années) introduisit la Fête-Dieu dans la liturgie de l’Eglise universelle.

La valeur théocentrique du Mystère Eucharistique, c’est-à-dire de la présence sacramentelle du Christ vivant et vrai, de Sa représentation sacrificielle, méritait un tel rappel, une commémoration particulière ; la Grâce qu’il nous fait de Son Omniprésence, afin que nous puissions, en tous lieux, célébrer Son ineffable Mémoire, exigeait une Apologie du Christ immolé, source de Salut et de Vie pour chaque homme et pour toute la communauté des fidèles.

Ces quelques mots sur la Fête-Dieu suffisent pour l’instant : pour nous pèlerins en marche vers le Ciel, l’Eucharistie est le foyer où brille de tous ses feux la Vérité de notre religion chrétienne, c’est-à-dire la présence de l’Emmanuel, — Dieu avec nous —, la Rédemption d’une victime divine pour nous et enfin, le dessein de communion divine en nous. Plus le mystère de l’Eucharistie semble obscur et inaccessible à notre esprit profane (souvenez-vous du discours dans la synagogue de Capharnaüm : “ ce langage est trop fort ! qui peut l’écouter ? ” (
Jn 6,60), plus il devient clair, logique et béatifiant pour celui qui croit et aime Jésus-Christ. L’Eucharistie : Lui est là !

Fils très Chers, la situation intérieure et extérieure de l’Eglise d’aujourd’hui exige un approfondissement du mystère de l’Eucharistie ; pensons au Christ présent sous les apparences du pain et du vin, à Sa réalité vivante et vraie que la théologie catholique appelle “ transsubstantiation ”. Que la Cène du Seigneur ne veuille pas dire pour nous seulement “ repas ” mais sacrifice réel, immolation non-sanglante du corps et du sang du Christ, renouvelée dans l’offrande du pain et du vin (cf. M. de la taille, Myster. Fidei, p. 457 : “ L’Eucharistie n’est sacrement que dans le mesure où elle est sacrifice ”). Comment accomplir un mystère si prodigieux sans l’aide de la puissance divine, d’un pouvoir ministériel et sacerdotal conféré par Dieu ? L’âme doit être lavée de tout péché avant d’accéder au repas eucharistique (Mt 22,12 1Co 11,28-29) ; l’amour et l’unité sont l’effet premier de l’Eucharistie, sacrement ecclésial par excellence (n’oublions pas les exclamations de Saint Augustin : O sacramentum pietatis ! o signum unitatis ! o vinculum caritatis ! (Jn Tract 26, 13 ; PL 35, 1612-1613) ; Saint Thomas voit cet effet, la grâce, la “ res ” de l’Eucharistie dans l’unité du Corps Mystique et sans elle, il ne peut y avoir de salut ; en fait, la porte du Salut n’est ouverte à personne hors de l’Eglise (ST. th., III 73,3).

Nous voulons revendiquer, contre certaines négations entendues ça et là, la permanence de la présence réelle du Christ dans les espèces eucharistiques, même en dehors de la messe au cours de laquelle elles sont consacrées. Le Christ demeure. C’est pourquoi le culte eucharistique, en dehors de la Messe, est admis et même exigé ; l’Eglise par sa foi et sa piété l’a toujours professé et le célèbre avec de plus en plus de solennité (cf. faber, The blessed Sacrament ; voir Instruction Eucharisticum mysterium AAS 1967, p. 539 ss.). Ainsi, le culte de l’Eucharistie, l’adoration publique et privée du Saint Sacrement, la procession et la cérémonie de la Fête-Dieu (nous la célébrerons demain, si Dieu veut, dans la paroisse du Saint Sacrement), les congrès eucharistiques ont leur raison d’être de par la foi, la théologie, la liturgie, la piété individuelle et collective.

Fils et Frères, accordons une large place à l’Eucharistie, à la Messe surtout ! Elle est le coeur de notre religion et dans la communion avec le Christ, pain de vie, nous donnons à notre foi son expression la plus haute ; nous donnons à l’Eglise sa vitalité propre, à nos âmes la nourriture qui sanctifie et au monde la lumière de l’unité et de la paix! (cf. vonier, La clef de la doctrine eucharistique, p. 247 ss.).

Nous vous y exhortons vivement.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





7 juin 1972: L’ACTION DE L’ESPRIT SAINT DANS L’EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Que notre entretien soit aujourd’hui encore une méditation sur la fête de la Pentecôte !

N’avons-nous pas célébré récemment la descente de l’Esprit-Saint sur la première communauté des disciples du Christ ? Ne vous souvenez-vous pas que par la venue de l’Esprit-Saint, l’âme a pénétré le Corps Mystique du Christ qui s’est ensuite étendu à toute l’humanité ? N’est-ce pas ainsi qu’est née l’Eglise ?

Essayons à notre tour de voir l’Eglise telle que la voyait et la voit Jésus du Ciel : envahie, embrasée et sanctifiée par Son Esprit. Jésus la voit dans toute sa beauté, comme une Epouse. Ecoutons Saint Paul : “ Le Christ a aimé l’Eglise ; il s’est livré pour elle afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride, ni rien de tel, mais sainte et immaculée (
Ep 5,25-27). Saint Ambroise veut que le Christ voie les âmes toutes revêtues de candeur, aussitôt après le Baptême (toute âme baptisée reflète en soi la splendeur de l’Eglise (cf. de lubac, Med., p. 270), “ car dans sa beauté, l’Esprit-Saint est descendu du Ciel ” (De Mysteriis, 7, 37 ; CSEL, p. 104).

Chez l’homme, la beauté engendre l’amour ; dans le Christ, l’amour précède et engendre la beauté de l’Eglise, c’est-à-dire de l’humanité qu’il a aimée et rachetée, la ramenant ainsi à la perfection première, à l’ordre idéal de la Création, rayonnante de splendeur. L’Eglise, incendiée par l’Esprit-Saint, est comme une lampe allumée et c’est ainsi que nous devrions la voir.

Mais ici, une difficulté se présente. Même après la Pentecôte, l’Eglise reste composée d’hommes et ceux-ci ne resplendissent pas toujours de lumière divine. Les plus vertueux, ceux que nous appelons “ saints ”, ont aussi leurs défauts ; un grand nombre parmi eux sont des naufragés sauvés à travers des expériences imprévues, souvent dramatiques, ramenés sur le rivage du Salut par la miséricorde divine ou, comme nous avons coutume de dire, par les bienfaits du hasard. Et hélas ! Bien des chrétiens qui se professent tels, ne sont pas en réalité de vrais chrétiens ; les ministres de l’Eglise et les théologiens ne confirment pas toujours par l’exemple la mission qui leur a été confiée. L’histoire même de l’Eglise nous offre à ce propos des pages très peu édifiantes.

La difficulté existe dans toute sa complexité. Aussi bien les adversaires que les fidèles en sont scandalisés. Où est-elle, cette beauté de l’Eglise ? Cette sainteté suprême, où se reflète-t-elle ? La contestation, qui aujourd’hui s’élève de toutes parts, n’a-t-elle pas une raison d’être ? L’exigence de renouveau dans l’Eglise n’est-elle pas juste et légitime ? La nature même de l’Eglise n’autorise-t-elle pas le rejet des structures et des formes institutionnelles pour laisser une priorité exclusive et parfois radicale aux seules valeurs spirituelles qu’elle prétend renfermer ?

La difficulté existe et demanderait une longue et prudente réponse (cf. congar, Vraie et fausse réforme de l’Eglise, Cerf 1968).

Mais notre entretien est si bref que nous nous contenterons de vous donner quelques indications quant à la solution, de vous en indiquer les voies ou bien de vous conseiller l’état d’esprit le plus adéquat, car nous pouvons juger l’Eglise de deux manières : avec hostilité et avec sympathie.

L’attitude hostile, tout en faisant abstraction des préjugés moraux, est aujourd’hui, très répandue, imposée presque par les mentalités laïques et profanes. Dans son domaine propre, elle peut être légitime, lorsqu’elle ne s’octroie pas, à priori, le droit de rechercher la vérité dans d’autres domaines où il lui est possible de se déplacer.

Celui qui, avec courage, agit dans la vérité, voit resplendir tôt ou tard, et avec l’aide de Dieu, une lumière nouvelle, cette même lumière que donne peut-être une vieille lampe usagée ; il entrevoit dans l’Eglise quelque chose qu’il ne comprendra pas au premier abord, mais qu’il ne jugera pas de manière tout à fait négative et définitive. Son regard intérieur sera peut-être saisi par l’image d’une humanité toute proche et à peine perçue, resplendissant d’une forme idéale (cf. De Moribus ecclesiae catholicae, Saint Augustin ; PL 32, 1336-37).

Examinons, maintenant, l’attitude amicale, filiale, notre attitude, qui n’est ni ingénue ni flatteuse, mais demeure objective, critique et même sévère s’il le faut ; cependant toujours filiale ; elle est dictée par l’amour, comme toute attitude du Christ ; elle n’est pas orientée, a priori, vers la recherche et la diffusion des défauts, vers la contestation et la médisance (N’existe-t-il pas, de nos jours, des publications soi-disant catholiques, tout entières consacrées à cette profession ingrate) ? “ La charité est... serviable, dit Saint Paul dans son hymne au premier des charismes... elle ne tient pas compte du mal et ne se réjouit pas de l’injustice ” (1Co 13,4). Cette vision du Christ, à l’égard de son Eglise, ne se réfère qu’en partie et “ in fieri ” à notre Eglise en marche dans ce monde pécheur; elle ne se réfère qu’aux innocents, à ceux qui ont reçu la grâce, aux fidèles unis au Christ dans l’Eucharistie (Saint jean chrysost., Humil. XX), en un mot, aux “ saints ” (ils sont certainement beaucoup plus nombreux que ceux que nous vénérons sur les autels). Mais la vision du Christ, qui a modelé dans une beauté parfaite son Epouse, se réfère au Paradis, une réalité presque “ irréelle ” pour nous à l’heure actuelle, mais qui suffit à nous remplir d’enthousiasme pour l’Eglise d’aujourd’hui et de l’éternité ; l’Eglise de l’Apocalypse, celle où “ l’Esprit et l’Epouse disent : Viens ! ” (Ap 22,17).

Oui, l’Esprit et l’Epouse du Christ, l’Eglise, notre Eglise en marche et parfois pécheresse, invoquent ensemble aujourd’hui, dans un élan de charité, l’avènement de la charité dernière.

Que cela suffise à affermir notre fidélité et notre amour à l’égard de notre Mère, notre Educatrice, l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

Avec notre Bénédiction.





14 juin 1972: LE PARADOXE CHRETIEN : UN APPEL A LA PERFECTION, A L’AMOUR

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Chers Fils et Filles,



La Fête de la Pentecôte déverse encore dans nos esprits les flots de lumière de son incomparable mystère : la venue de l’Esprit-Saint sur les disciples du Christ afin de les réunir en une Assemblée Unique, le Corps Mystique du Christ, Son Eglise, et pour introduire en chacun d’eux — et en chacun de nous — une nouvelle source de vie, une source surnaturelle, la Grâce.

Cet aspect particulier de l’économie de la rédemption, nous le savons, nous concerne personnellement. Contrairement aux énoncés des doctrines sociologiques — nos conversations en sont aujourd’hui tout imprégnées — la doctrine religieuse catholique et, par conséquent, l’Eglise, ne conçoivent pas l’homme comme un objet, un individu sans visage, une entité abstraite qui ne diffère d’une autre que par son étiquette, mais comme une unité bien distincte, une personne ; dans la sociologie religieuse, donc, l’homme conserve et enrichit sa personnalité propre, sa plénitude humaine et surhumaine.

Comment l’existence de chaque membre de ce corps social et spirituel qu’est l’Eglise, peut-elle croître, à la fois, en dignité, dans le domaine du Droit (c’est-à-dire selon les lois réglant l’appartenance d’un individu à la société), et en plénitude de vie ? Saint Paul répond : “ Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, celui-là, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est sacré et ce temple c’est vous ” (
1Co 3,16-17).

L’historien Eusèbe de Césarée narre comment le martyr d’Alexandrie, Léonide (père d’Origène, l’aîné de ses sept enfants, l’un des personnages les plus célèbres de l’humanité) pour rendre grâces à Dieu du talent prodigieux de son fils, embrassait la poitrine de celui-ci, qui, selon lui, était le temple de l’Esprit-Saint (Eus 2, C ; Stor. Eccl. 1, 6, II, 11). C’est là le secret de la vie surnaturelle de tout chrétien : être revivifié par la grâce, c’est-à-dire devenir le temple de l’Esprit-Saint. Cela revêt une importance capitale dans notre théologie, dans notre manière de concevoir le véritable rapport que le Christ a voulu instaurer avec les hommes.

La doctrine de la justification en est le résultat; l’Evangile, Saint Paul, Saint Augustin, le Concile de Trente en sont les sources intarissables ; le Concile Vatican II n’aurait pu s’abstenir d’en faire état dans son enseignement sur l’Eglise. Quel aspect de cette doctrine le Concile a-t-il mis en évidence ? : la vocation universelle de l’Eglise à la sainteté.

La Sainteté : mot courant, mais difficile à définir ; il évoque en nous l’idée de Dieu dans son sens suprême et absolu. Dans les Ecritures, Isaïe proclame Dieu trois fois Saint (Is 6,3 Ap 8). Cette idée de perfection transcendante, d’excellence, de pureté, de bonté infinie, de bonheur ineffable, de gloire éternelle, d’incomparable beauté, affleure à notre pauvre esprit lorsqu’à la Messe, la Liturgie nous fait dire : “ Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des Armées... ”. Nous voulons dire par cette remarque que les concepts de religion et de sainteté sont bien distincts, mais qu’en réalité ils n’en font qu’un (St. TH, II-II 80,2). Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas parler de religion sans parler en même temps de sainteté et vice versa : ce n’est que par rapport à la religion que la sainteté revêt son sens le plus complet. Et, en y réfléchissant davantage, nous pourrions même conclure que le concept de sécularisation, introduit dans le programme de vie de tout chrétien en quête d’authenticité, est incomplet, sinon inacceptable. Et, ici, nous voulons mettre en évidence ce passage de Lumen Gentium (LG 39) qui affirme que “ dans l’Eglise, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient guidés par elle, tous, sont appelés à la sainteté ”. L’Apôtre nous dit : “ Et voici quelle est la volonté de Dieu, c’est votre sanctification ”. Cela peut paraître prétentieux au premier abord, mais le Christ n’avait-il pas déjà dit dans l’Evangile : “ Soyez parfaits comme votre Père Céleste est parfait ” ? (Mt 5,48). Nous nous demandons alors : comment peut-on exiger de nous tout cela ? De quelle sainteté s’agit-il ? De quelle perfection ? Nous vous répondons, en attendant, par quelques questions. La médiocrité, peut-elle être acceptée dans une vie chrétienne ? Et cette vie, peut-elle être moralement insignifiante ? Hélas ! oui ; les chrétiens médiocres sont nombreux ; non seulement à cause de leur faiblesse ou d’une absence d’instruction, mais parce qu’ils veulent être médiocres et qu’ils ont leurs soi-disant bonnes raisons, celles du “ juste milieu ”, du “ ne quid nimis ”, de la “ liberté de l’Evangile ”, comme si l’Evangile encourageait l’indolence morale ou permettait cette obéissance ambiguë à deux ou plusieurs maîtres (puisque le but des soi-disant promoteurs de la libération est de soutenir le conformisme à la mode) comme si cela pouvait rendre notre vie plus confortable ou plus respectable !

N’est-ce pas là un semblant d’authenticité humaine ou chrétienne ? N’est-ce pas là hypocrisie, illogisme, légèreté ? N’est-ce pas réduire à néant la Croix du Christ ? (1Co 1,17).

Mais l’objection demeure : comment répondre à un tel engagement ? Qu’est-ce que la sainteté ? Encore une question difficile et complexe ! Simplifions-en la réponse en rappelant que cette sainteté à laquelle nous sommes tous appelés, résulte de deux composantes dont la première, la vraie, l’essentielle, est la grâce même de l’Esprit-Saint. Celui-là même qui nous appelle à la sainteté, à la perfection, nous donne le pouvoir de la conquérir, puisque c’est Lui-même qui nous l’offre et Lui-même qui nous la donne. Etre dans la grâce de Dieu, c’est tout pour nous ! Notre perfection, c’est de posséder la Charité Divine. Ne reste-t-il rien d’autre ? Non, mais un autre facteur est indispensable et cette fois de notre part si nous ne voulons pas sombrer dans le quiétisme ou l’indifférence morale. Et ce facteur, c’est notre “ oui ”. C’est notre disponibilité à l’Esprit, notre acceptation volontaire de la volonté de Dieu qui aime et pardonne ; un “ oui ” dont l’intensité dépend de notre liberté appelée, elle, à la générosité, à l’audace, à la grandeur, à l’héroïsme et au sacrifice.

Voilà le paradoxe chrétien : un appel à la perfection, à l’Amour.

La rencontre de la Volonté aimante et rédemptrice de Dieu avec la volonté obéissante et heureuse de notre coeur d’homme, c’est la perfection, la Sainteté (Ph 2,13).

Les jeunes comprennent là vérité, la beauté de cette rencontre et la vocation à cette élévation suprême. Les Saints y parviennent grâce à l’Esprit-Saint qui souffle où il veut.

Méditez. Avec notre Bénédiction Apostolique.





21 juin 1972: QUE LA CRAINTE ET LE DECOURAGEMENT N’AFFAIBLISSENT JAMAIS L’ARDEUR ET LA JOIE DU TRAVAIL CHRETIEN

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Chers Fils et Filles,



Il Nous semble aujourd’hui de Notre devoir de vous dire quelques mots sur un événement qui Nous concerne personnellement : l’anniversaire de notre élection à l’Evêché de Rome, c’est-à-dire à la Chaire de Pierre, pour succéder à l’Apôtre dans le gouvernement pastoral de l’Eglise Catholique de Rome et du monde. Nous ne voulons pas vous entretenir longuement sur un thème si grave et si complexe, ni vous raconter l’histoire —- très simple et que vous connaissez bien d’ailleurs — de cet événement, mais profiter de cet anniversaire afin d’exprimer à l’Eglise nos sentiments de gratitude pour la bonté et l’amour dont elle ne cesse de Nous combler.

Ce serait, en effet, une attitude des plus ingrates à l’égard du Seigneur et des fidèles, que de taire les sentiments qui débordent de Notre coeur en cette circonstance.

Voici neuf ans qu’en ce même jour et à peu près à cette même heure, dans la Chapelle Sixtine, notre humble personne fut élevée au Trône Pontifical. Nous renoncions alors à une haute charge, le gouvernement de l’Archevêché de Milan, siège épiscopal des Saints Ambroise et Charles et des Serviteurs de Dieu, les cardinaux Andrea Ferrari et Ildefonso Schuster ; Nous fûmes alors appelé à succéder au Serviteur de Dieu, le bien-aimé et regretté Jean XXIII. Nous ne parlerons pas de cela maintenant ; chacun d’entre nous peut y réfléchir en situant l’événement dans le cadre historique et spirituel de cette période : il suffit de rappeler que le Concile venait d’ouvrir sa première session, faisant naître dans tous les esprits de l’Eglise et du monde les plus grands espoirs.

Essayons seulement de revivre par la pensée, d’une manière toute simple, cette journée mémorable.

Il Nous semblait, alors, être pris dans l’engrenage mystérieux d’un événement inconnu et supérieur à notre volonté ; Nous n’avions souhaité aucunement, et encore moins favorisé, une telle élection. Bien au contraire, après notre humble service effectué sous le Pontificat du vénéré Pape Pie XI et, plus tard, d’un autre Serviteur de Dieu, le vénéré Pie XII, Nous connaissions déjà les nombreux devoirs qui incombent au successeur de Pierre ; Nous ne pouvions donc ignorer ni la préparation indispensable à une si haute charge, ni les charismes que requiert un tel ministère.

Certaines de nos notes personnelles disent à ce sujet : “ Le Seigneur m’a sans doute confié cette tâche non pas parce que j’y suis porté, ni pour que je gouverne l’Eglise et la délivre de ses maux, mais afin que je souffre pour Elle et que je sache que c’est Lui et personne d’autre qui la guide et la sauve ”.

Nous vous confions cela non pas pour accomplir en public un acte de vaniteuse humilité, mais afin que vous puissiez partager la paix que Nous éprouvons, en pensant que le gouvernail de l’Eglise n’est pas tenu par notre main faible et inexperte, mais par Celle, invisible, amoureuse et forte, du Seigneur Jésus, Nous voudrions que le sens évangélique de foi et de confiance requis par le Christ de ses disciples, domine en vous et dans toute l’Eglise, affligée souvent par les faiblesses humaines. Que la crainte et le découragement n’affaiblissent jamais l’ardeur et la joie du travail chrétien ! Quant à Nous, Nous voulons citer la phrase d’un autre grand Pape, Léon I°, prononcée lors de la célébration de son élévation au Pontificat : “ Dabit virtutem qui contulit dignita-tem ” : Celui qui vous a conféré cette dignité, vous donnera la force nécessaire (Sermon 2 ; PL 54, 143).

A propos de dignité. Nous voulons vous faire part de notre émotion lorsque, après la célèbre fumée blanche, Nous avons été comblé d’hommages ; Nous avons pris conscience, comme saisi par un vertige, de la grandeur de notre mission ; Nous avons compris aussitôt que notre modeste personne, de par le ministère auquel elle était appelée, risquait d’être brusquement séparée des êtres chers et des amis et surtout de ce Peuple dont le bien spirituel Nous avait été confié par l’élévation à la dignité sublime de Vicaire du Christ. L’échelle hiérarchique peut parfois séparer le chef de sa communauté et éveiller la conscience d’un privilège.

En évoquant cette journée (et celle de notre entrée officielle à Milan en compagnie du professeur Virgilio Ferrari, maire de la ville), Nous devons rendre grâces au Seigneur d’avoir été envahi par un sentiment de sympathie à l’égard de tous ceux dont le souci pastoral Nous avait été confié. Nous avons découvert au plus profond du coeur, le sens de notre nouvelle mission : Serviteur des Serviteurs de Dieu ; Nous nous sommes alors souvenu des sages exhortations pastorales de l’un de nos prédécesseurs loin de Nous par le temps mais proche par le magistère, Saint Grégoire le Grand ; mais, plus encore, avons-Nous entendu la voix même du Christ résonner en Nous : “ M’aimes-tu plus que ceux-ci ” ? C’est là le véritable privilège du Pape : “ M’aimes-tu Simon Pierre, fils de Jean, m’aimes-tu plus que les autres ? Alors pais mes brebis ! ” (
Jn 21,15).

Autorité et charité ne sont plus qu’une seule chose; une chose si grande qu’elle s’étend jusqu’aux frontières du monde et à tous les besoins de l’humanité ; Nous avons compris soudain la mission sociale du Saint-Siège. Une chose si vraie dont Nous avons décelé la valeur secrète : l’Unité de l’Eglise et du monde ; Jésus, au moment suprême de sa vie, avait dit au Père : “ Qu’ils soient Un comme nous ” (Jn 17,11). Nous avons alors compris le paradoxe qui entrave encore la pleine réalisation de l’oecuménisme : la primauté de Pierre. Elle n’est pas un obstacle à l’Unité mais la lumière qui doit conduire à l’Unité, afin que tous les chrétiens ne forment qu’un seul Peuple de Dieu (Ep 4,3-7), C’est là notre rêve et notre espérance.

Tant et tant d’autres choses ont afflué dans notre coeur pour lui faire sentir la nécessité de se tenir attaché à la force de Dieu plutôt qu’appuyé sur des sables terrestres ; pour lui faire sentir, frères et fils très chers, le besoin de vos prières et de votre aide. Nous vous y encourageons, avec notre Bénédiction Apostolique.





28 juin 1972: PIERRE, FONDEMENT D’UNITE

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Chers Fils et Filles,



Nous commémorerons, demain, la fête du Premier Apôtre que Rome célèbre avec celle de Saint Paul depuis le troisième siècle. La fête de “ Saint Pierre au Vatican, celle de Saint Paul sur la Via Ostiense, la fête de Saint Pierre et Saint Paul aux catacombes ”, où se trouve actuellement la basilique de Saint Sébastien (cf. Kirsch Jahrbuch f. Lithurgiewiss, 1923, 38 ; Martyrologe Saint Jérôme ; M. guarducci, la Tombe de Pierre, p. 141 ss.).

Grande fête, donc surtout à Rome. C’est comme si la Ville Eternelle revivait son passé glorieux, ses vénérables souvenirs devenus d’autant plus chers à notre coeur que les fouilles et les études récentes ont confirmé l’authenticité du tombeau et des reliques de l’Apôtre Pierre, conservées sous la coupole de la Basilique Vaticane.

Mais parfois, l’émerveillement et la vénération de certains objets, ou d’événements habituels et proches de nous, risquent de s’atténuer, si nous ne réfléchissons pas assez à leur vrai sens et à leur vraie valeur. Il faut réfléchir. Une telle réflexion exigerait naturellement une consultation des Ecritures, de la Théologie, de l’Histoire, de l’Hagiographie et surtout de l’Ecclésiologie ; mais elle nous est facilitée, du moins dans ce bref entretien, grâce à la richesse des symboles qui caractérisent l’Apôtre,



Le nom


Pensez au nom même de Pierre ; c’est le premier symbole. Vous connaissez le récit évangélique (
Mt 16,18). Qui a donné ce nom à Simon, Fils de Jean ? Car tel était son nom. C’est Jésus lui-même, après les paroles que l’Apôtre lui avait adressées. Tu es le Christ, Fils du Dieu Vivant s’exclame le disciple, et Jésus de répondre : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Simon devient Pierre ; Pierre devient la pierre angulaire de l’édifice projeté par le Christ. Quel est le sens de cette transformation ? Pourquoi le Christ a-t-il réservé à Pierre la place qui lui revenait de droit, à Lui, le Seigneur ? (Mt 21,42 Ac 4,11 Rm 9,33 1P 2,6). Quel dessein divin, le choix d’un tel nom révèle-t-il ? Quelles prérogatives confère le choix d’un tel nom imposé par le Seigneur à Son disciple qui, au regard des hommes, n’était peut-être pas le plus indiqué ? Quels devoirs réclame-t-il ? Quelle Ecclésiologie veut-il établir ? Quel prodige historique annonce-t-il ? Pensez-y ! (Saint augustin, Sermo 295 ; PL 38).


Les clés


Le Christ annonce à Pierre la remise des clés du Royaume des Cieux. C’est le deuxième symbole. Les clés du Royaume des Cieux, dit le Seigneur. Que signifie cela ? Les clés sont le symbole de la puissance ; elles permettent d’ouvrir et de fermer, sur l’ordre du Maître, la porte d’une demeure. De quelle demeure ? Le Royaume des Cieux, c’est-à-dire, l’Economie du Salut, le rapport surnaturel instauré par le Christ entre Dieu et les hommes (Col 1,26 Ep 1,7 ss.). “ Remettre les clés, c’est conférer le pouvoir ” (lagrange ; Mt 16,19). Pierre et, avec lui tous les apôtres, sert donc d’intermédiaire indispensable pour accéder au Royaume des Cieux... Ce symbole si simple et si clair est toutefois riche de sens. Il invite à la réflexion.


Le filet


Et le filet ? Vous pouvez en voir sa reproduction stylisée sur la porte de la Basilique, reproduction étrange, sans doute, mais symbolique ! Le filet rappelle l’humble profession de Simon Pierre : il était pêcheur. Jésus a choisi le métier de son disciple et de tous ceux qui, comme lui, le pratiquaient, pour en faire le symbole de la mission qui leur était destinée. Après la pêche miraculeuse, Jésus, en effet, leur dit : “ Je vous ferai pêcheurs d’hommes ” (Mt 4,19). Pêcheurs d’hommes ! Cela veut dire approcher les hommes, apprendre à connaître leurs coutumes, s’adapter à leurs exigences, savoir les attirer, les aimer, les convaincre. C’est, là, la mission apostolique, l’exercice d’un ministère patient ! La perspective d’une diffusion universelle du message évangélique ! Voilà la promesse silencieuse du Christ : cette action téméraire de convertir le monde s’accomplira avec succès, non par habileté humaine, mais par la grâce divine et ce, malgré la résistance obstinée des hommes.


La barque


Lorsque nous pensons à Pierre pêcheur, comment ne pas penser à un autre signe : la barque ? Cette barque dans laquelle Jésus monte, s’assoit et, comme du haut d’une chaire, parle à la foule “ rassemblée sur les bords du Lac de Génésareth ” (Lc 5,3). C’est dans cette même barque que Jésus commande aux disciples de lancer les filets. Ceux-ci se remplissent de poissons à tel point qu’une autre barque s’avère nécessaire. Pierre comprend aussitôt qu’il s’agit d’un miracle et, tombant à genoux devant Jésus, il s’exclame : “ Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ” (Lc 5,8) (Marc nous raconte, informé peut-être par Pierre, qu’un coussin se trouvait dans la barque). Sur ce coussin Jésus s’endort mystérieusement. Mais voici que tout-à-coup, la tempête se déchaîne. Les disciples, saisis de terreur, réveillent leur Maître ; Jésus se lève et, d’une main, apaise la fureur du vent et des eaux ; le calme se fait soudain (Mc 4,35-41). Cette barque est devenue le symbole de l’Eglise en mouvement, qui vogue sur les flots du temps et de l’histoire. Cette barque est l’emblème de Pierre ; elle figure encore sur le sceau apposé pour authentifier les documents de l’Eglise marqués de “ l’anneau du pêcheur ”.


Le coq


L’histoire de Pierre nous offre un autre symbole : le coq. Ce coq implacable qui chante la nuit du reniement de Pierre, la nuit du procès de Jésus, ainsi qu’il l’avait prédit : “ Je te le dis Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui, que par trois fois tu n’aies nié me connaître ” (Lc 22,34).

Pierre nous apparaît dans toute la complexité de son caractère et dans toute sa faiblesse humaine ; il est bon, sincère, exubérant ; transporté par son enthousiasme, il se fie à lui-même. Mais c’est le démon qui l’emporte, et alors, la peur envahit Pierre qui renie la fidélité et l’amour : “ Non, je ne le connais pas ” (Mt 14,71). Par bonheur la bonté de Jésus est sans limite. Le Christ se tourne vers son disciple et ce geste suffit à bouleverser l’Apôtre qui s’enfuit mais ne désespère pas. Jésus lui avait prédit qu’il se ressaisirait et qu’il aurait pour mission “ d’affermir ses frères ” (Lc 22,32).

Nous pouvons conclure cette série de symboles en vous en rappelant le dernier, celui du Pasteur, autre titre propre à Jésus que le Seigneur Ressuscité a conféré à Pierre ; après avoir éprouvé par trois fois sort amour, par trois fois, Il lui a confié Son Troupeau, Son Eglise (Jn 21,15 ss.). Méditez : Pierre, Pasteur ! Son successeur le Pape est “ le principe éternel et visible, le fondement de l’unité ” (Lum. Gent. LG 23) dans la foi, l’espérance et la charité !

Celui qui, en cet instant, s’adresse à vous, exulte et frémit à cette évocation de Pierre par laquelle l’Eglise veut, aujourd’hui, honorer Jésus-Christ. Vous en savez la raison. Fils et Frères très chers, priez donc pour Nous, indigne mais véritable successeur de Pierre. De tout coeur, Nous vous bénissons.





5 juillet 1972: LE PROCESSUS DE CHANGEMENT DANS LEQUEL NOUS SOMMES ENGAGÉS DOIT NOUS CONDUIRE A DIEU

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Chers Fils et Filles,



Nous emprunterons à la saison où nous nous trouvons le thème de notre entretien. Nous sommes tous fils de notre temps ; nous faisons de nos expériences vécues, l’objet de nos pensées. L’été est pour chacun l’occasion d’une expérience nouvelle et permet à beaucoup d’entre vous de connaître des lieux différents, d’entrer en contact avec des formes de vie inhabituelles, de nouer de nouvelles relations, enfin, de faire des expériences originales. Au cours de vos voyages, par exemple, vous êtes amenés à vivre — de manière fugitive et superficielle sans doute — des instants nouveaux qui vous invitent, toutefois, à vous poser l’un des problèmes les plus graves et les plus complexes. Qu’est-ce que la vie, vous demandez-vous ? Par quel élément essentiel, la définir ?

De cette question élémentaire mais fondamentale, jaillit une première réponse, digne d’être mentionnée : la vie est quelque chose de dynamique ; elle n’est pas statique, mais elle change, se développe, s’agite, cherche, travaille; la vie tend à un but ; exister ne suffit pas ; l’existence doit être entièrement projetée vers l’avenir, c’est-à-dire toujours à la recherche du nouveau, du meilleur, du parfait et du bonheur. Si l’expérience a réveillé en nous cette conception d’une vie en recherche, nous touchons alors au problème moral, au problème humain par excellence. En effet, si l’action qui donne un sens à la vie, met en cause ce que nous possédons de plus humain, c’est-à-dire la pensée, la volonté et la liberté, alors, acte moral et acte humain ne font plus qu’un (cf. St.TH .
I-II 1,3). Cette première observation est déjà une conquête qui mériterait d’autres remarques. Relevons celle-ci : il est impossible de faire abstraction de la valeur morale de notre vie. Ici, une deuxième observation s’impose : existe-t-il dans le monde un système moral qui imprime à la vie ce caractère humain que nous considérons, par habitude, normal et authentique ? Un tel système moral résiste-t-il encore ?

Considérons quelques causes générales du tourment de notre existence. L’une des plus caractéristiques est le changement. Tout change. D’aucun côté notre vie ne peut y échapper. Tout change : la science, l’art, l’activité, les relations sociales, l’école, les transports, l’économie, l’assistance sanitaire, les cadres législatifs et politiques, la mentalité, les coutumes. Evolution, progrès, révolution sont les termes qui définissent l’histoire de notre temps. Et l’“ aspect ” de l’homme ne change-t-il pas lui aussi ?

Que reste-t-il d’humain, de moral dans cette transformation vertigineuse de la vie ? Nous avons hérité tout un patrimoine de concepts, de traditions... que faut-il garder ? que faudrait-il changer ?

N’en est-il pas de même dans l’Eglise ? Tout au long des siècles que de formes de vie, de coutumes et de valeurs n’ont-elles pas subi un processus critique quant à leur validité dans le temps ! L’aggiornamento dont nous parlons tant, glisse-t-il vers un transformisme qui altère non seulement les caractères extérieurs de la vie ecclésiastique (langage, habit, rite, activité), mais aussi les concepts intérieurs sur lesquels se fondent la foi, le culte, la charité et la discipline ?

Nous sentons tous que quelque chose peut et doit changer, mais en même temps, nous sommes conscients que certaines choses très importantes, ne serait-ce que pour leur valeur propre (l’art, l’histoire, la tradition, les institutions et les civilisations séculaires...) ; certaines choses essentielles, comme la vérité divine et la constitution ecclésiastique qui légitimement en dérive, ne doivent pas céder à cette vague de transformisme, d’abdication, d’infidélité, mais méritent absolument d’être protégées, conservées, renouvelées, aussi bien dans la pensée que dans les attitudes extérieures.

Un devoir nouveau, propre à notre temps, nous est demandé, celui du discernement : savoir reconnaître ce qui est désormais dépassé ou mieux perfectible et ce qui, au contraire, même au prix de la vie, doit demeurer la raison d’être inaliénable et permanente de l’existence. Ce discernement, nous ne pouvons l’accomplir arbitrairement par nous-mêmes. En tant que membres d’un corps social organisé, nous devons agir de façon réfléchie et respecter l’ordre établi. Un problème d’autorité s’impose alors même s’il ne s’oppose pas à des solutions de progrès que les constitutions actuelles admettent d’ailleurs et encouragent.

Il en est ainsi d’autant plus dans le corps social et mystique qu’est l’Eglise, dans lequel l’élément divin requiert un effort de perfectionnement continu et en même temps un respect profond — jusqu’à l’héroïsme s’il le faut — pour son identité dogmatique et pour son orthodoxie, conservée, enseignée et interprétée par une autorité légitime chargée par Dieu de ce service de charité en faveur de la vérité.

Mais nous voulons terminer par deux observations, ou pour mieux dire, deux exhortations.

D’une part, nous devons, sans crainte ni méfiance envers notre temps, nous rendre compte que la Providence nous a fait naître à une époque caractérisée, disions-nous, par le changement et le progrès; Essayons de comprendre cette situation de développement et bénissons de tout coeur les bonnes choses que l’homme, pa*r ses efforts, sait offrir à la vie de l’homme.

D’autre part, ne nous laissons pas saisir par le vertige des mutations qui se produisent autour de nous. Tâchons, plutôt, de trouver en elles, des principes supérieurs susceptibles de nous servir de guides, afin que le processus de changement dans lequel nous sommes engagés ne soit ni bouleversant, ni désordonné, mais trace, dans le temps, le chemin, qui, au-delà du temps, doit nous conduire à Dieu.

Avec notre Bénédiction Apostolique.


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Nous sommes heureux de saluer ici, autour de leur Président, les membres du «Coetus internationalis ministrantium». Chers Fils, Nous encourageons vivement vos efforts pour donner à la célébration liturgique, et spécialement eucharistique, la beauté, la simplicité, le caractère vivant qu’elle requiert, afin de rendre gloire à Dieu avec la dignité qui convient et de permettre une prière profonde et communautaire des chrétiens. Le récent Concile a parlé!, vous le savez, de la «restauration» de la liturgie (Cfr. Sacrosanctum Concilium SC 21). Cette restauration doit être authentique et s’accomplir selon les réformes mises en oeuvre par l’Eglise: il y faut beaucoup de soin de la part des pasteurs, d’abord pour donner à tous les fidèles le sens de la liturgie; ensuite pour stimuler chez eux une participation active: service de l’autel, chants, lectures . . . . enfin pour faire jaillir en eux une vie spirituelle plus profonde, de prière et d’apostolat, en relation avec le mystère qu’ils célèbrent. Nous souhaitons que votre session, et le manuel que vous préparez, aident vos confrères dans le soutien des jeunes équipes liturgiques, aussi bien en paroisse que dans les instituts. A vous, camme à vos amis de la Fédération italienne des «ministranti», et à tous les jeunes qui assurent un service de choix au sein de nos communautés liturgiques, Nous donnons de grand coeur notre paternelle Bénédiction.




Catéchèses Paul VI 31572