Pie XII 1940 - AUX DÉLÉGATIONS DES PAROISSES DE ROME RÉUNIES A LA BASILIQUE SAINT-PIERRE


ALLOCUTION A DES DÉLÉGUÉS DE L'ÉPISCOPAT DE RITE BYZANTIN-ROUMAIN

(4 mars 1940) 1

Le Saint-Père, recevant en audience quelques évêques roumains de rite byzantin, venus à Rome avec à leur tête le métropolite d'Alba Giulia et Fagaras, accompagnés des élèves du Collège pontifical Pio Romeno, de nombreux prêtres, religieux et scolastiques roumains appartenant à diverses congrégations, et de nombreux laies demeurant à Rome parmi lesquels les étudiants de Roumanie, leur a adressé l'allocution suivante :

Du fond du coeur Nous vous saluons, pasteurs de l'Eglise roumaine ; c'est avec joie que Nous vous accueillons dans cette demeure où tous les fils du Père commun, de tous pays, de toute langue et de tout rite, se sentent membres de la même famille et entourés de la même tendresse.

Le Saint-Père évoque la Rome païenne qui a préparé la Rome chrétienne.

Notre Vénérable Frère, le métropolite d'Alba Giulia et Fagaras, s'est fait votre interprète en donnant dans l'adresse qu'il Nous a lue une expression poétique à vos sentiments de foi et de dévotion au Siège apostolique. En venant à Rome, vous êtes heureux de retrouver le souvenir de Trajan et de la civilisation apportée à vos ancêtres par ce grand empereur qui, comme l'a dit le poète Ausone, s'il excellait dans la guerre, fut pour le reste un père : Belli laude prior, cetera patris habens2. Mais en contemplant la splendide colonne dont les spires immortalisent avec la gloire du conquérant la valeur de ses adversaires, vos regards ont monté jusqu'au sommet du chapiteau dorique où trône la statue de l'apôtre Pierre. Voilà les deux Rome auxquelles vous restez traditionnellement attachés. Une préordination divine les avait unies l'une à l'autre ; la Rome d'Auguste préparait les assises et comme l'armature de l'édifice que la Rome de Pierre et de Paul aurait à construire. C'est en vain que les empereurs et Trajan lui-même chercheront à se mettre au travers de ces desseins de la Providence ; les disciples du Christ pénétreront, grandiront sans cesse dans leurs palais mêmes ; et un jour sur les ruines de la cité antique saccagée par les Barbares, surgira une Rome nouvelle dont on pourra dire avec bien plus de raison que de la première : Romanae spatium est urbis et orbis idem3.

Mais, comme le Christ n'a pas rompu le roseau à demi-brisé ni éteint la lumière encore fumante (cf. Matth. Mt 12,20), de même l'esprit de son Evangile ne soufflera pas comme un ouragan pour détruire cette Rome antique sur laquelle il édifiera son oeuvre. A travers les siècles continueront à couler, en se mêlant au courant surnaturel et purificateur du christianisme, les flots harmonieux et limpides de cette civilisation que le génie de la Grèce vaincue avait su imposer à ses vainqueurs : Graecia capta ferum victorem cepit, et artes intulit agresti Latio*. Tel un fleuve fécondant, ce culte de la sagesse et du droit, des lettres et des arts, des sciences politiques et économiques, en un mot cet ensemble de doctrines et de traditions que l'on appelle la romanité, poursuivra son cours. Il pourra, à certaines époques, se ralentir et s'appauvrir, traverser des zones de tempête et des périodes de stagnation, se heurter à des courants contraires ou troubles, mais il ne se desséchera ni ne s'arrêtera plus, et, poussant toujours en avant ses vagues, parfois avec un fracas magnifique, parfois avec un léger susurrement, il semblera murmurer en chacune d'elles : Non omnis moriarB.

Ce double apport a façonné la civilisation romaine.

De ce double courant d'idées et de moeurs, vos ancêtres ont tiré de larges bienfaits. Sur les pas des légionnaires de l'Empire, par les routes aux durs pavés qu'ils avaient ouvertes, par les ponts aux

3 Ovide, Fastorum, I. Il, 684.

4 Horace, Epist., 1. II, 1, 156-157.

5 Horace, Carm., 3, 30, 6.

arcs audacieux qu'ils ont construits, sont venus les missionnaires de l'Evangile apportant à la Dacie une amphore d'un double parfum, afin d'infuser dans les âmes la vertu chrétienne et l'antique civilisation qui se résumaient en eux dans la foi romaine. De cette union vous êtes les témoins vivants. Votre fidélité à la Rome des papes vous a rendus capables de coopérer efficacement et largement au progrès de la civilisation en Roumanie. Les institutions intellectuelles, les oeuvres sociales et charitables de Blaj montrent admirablement combien l'attachement à Rome et au pontife romain peut non seulement se concilier avec l'amour de votre patrie terrestre et avec la fidélité aux meilleures de vos traditions nationales, mais aussi les élever et les ennoblir.

Sans doute le but premier et suprême de l'Eglise et de la papauté dans leur action sur les âmes est de les conduire à Dieu par le moyen de la sanctification personnelle, de leur faire trouver dans la foi au Christ, dans l'adhésion à sa doctrine et dans la soumission à ses lois, les sources d'une vie surnaturelle qui les forme et les dirige vers la perfection des fils de Dieu. Mais cette vie ne peut les pénétrer sans créer autour d'eux comme une atmosphère de grâce. Ainsi l'héritage national de la langue, des institutions et des moeurs s'imprègne d'idées chrétiennes et s'enrichit des vertus évan-géliques en communiquant à celles-ci à leur tour, selon les pays et les peuples, comme un délicat parfum local.

Quand votre beau Danube, parvenu bien loin de la Forêt-Noire où il a pris sa source, comme fatigué de sa course de deux mille kilomètres à travers l'Europe, arrive enfin dans les riches plaines de Valachie et vous dispense majestueusement la splendide abondance de ses eaux en les distribuant en amples méandres dans les plaines où blondit la moisson et au milieu du bruit des cités industrielles et des régions pétrolifères, apportant la fécondité au travail des hommes, transportant des uns aux autres les échanges de leurs fruits, il semble offrir au ciel et à la terre une vision bienfaisante de paix.

Souhaits de triple paix.

La paix ! Ce mot résume, Vénérables Frères et chers fils, les voeux que Nous formons pour vous ; mais les circonstances actuelles lui donnent, dans un monde que la guerre déchire de ses horreurs ou secoue violemment de ses répercussions, une signification particulièrement émouvante. Nous pensons à un triple aspect de la paix. Nous souhaitons par-dessus tout à chacun de vous la paix du coeur qui ne vous fera jamais défaut si vous conservez une union personnelle et intime avec le Christ, si vous vivez dans sa grâce, si vous observez ses commandements. Nous souhaitons ensuite à votre peuple la paix intérieure en rappelant que la doctrine sociale catholique, le sens catholique de la famille, la loi catholique de la charité fraternelle et universelle sont les plus puissants éléments d'action pour empêcher les discordes civiles, pour aplanir les oppositions entre riches et pauvres, entre ouvriers et employeurs, comme entre les divers groupes qui demeurent sur le territoire de l'Etat. Nous vous souhaitons enfin la paix extérieure en priant et suppliant le Seigneur qu'il daigne dans sa miséricorde préserver votre patrie du fléau de la guerre et lui permette ainsi de continuer son oeuvre charitable en faveur des victimes du conflit actuel.

Comme gage de cette triple paix, de la grâce de Jésus-Christ et de la puissante intercession de sa très bienveillante Mère, Nous vous accordons à tous, à vos familles, à votre nation tout entière, spécialement à ces chers élèves roumains, et en premier lieu aux nouveaux prêtres, dans la plénitude de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX MEMBRES D'UNE MISSION NAVALE ESPAGNOLE

(6 mars 1940) 1

Le 6 mars, le Saint-Père reçut en audience les membres d'une mission navale espagnole. Répondant à l'adresse d'hommage de S. Exc. le Dr D. José de Yanguas y Messia, ambassadeur d'Espagne près le Saint-Siège, qui présentait le groupe, Sa Sainteté prononça cette allocution :

C'est avec toute l'affection de Notre coeur de Père que Nous vous saluons, chers fils de l'Espagne catholique ; quant à vous, Excellence et très estimé Monsieur l'ambassadeur, Nous ne pouvons taire la joie que Nous procure votre visite dans Notre maison.

Votre profession de marins espagnols Nous rappelle les providentielles caravelles de l'Espagne missionnaire : véritables auxiliaires de la barque de saint Pierre, elles furent les premières à donner au Nouveau-Monde, avec la civilisation européenne, le trésor incomparable de la foi en Jésus-Christ. Car, en y plantant l'Eglise catholique, elles léguèrent à ces vastes continents la sublime et vraie civilisation, celle des âmes, dont le successeur de Pierre sur ce Siège apostolique de Rome est gardien et dispensateur.

En plus de ces faits glorieux déjà lointains, votre présence Nous rappelle encore un souvenir récent : la lutte héroïque et les grands sacrifices par lesquels vous avez mérité de défendre, contre le grave danger qui le menaçait, le patrimoine sacré de votre piété et de votre foi catholiques.

A la lumière de ces souvenirs, Nous n'hésitons pas à faire Nôtre cette réflexion de Prudence 2, poète chrétien, latin et espagnol : His-panos Deus aspicit benignus, « Dieu est plein de bienveillance envers

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. II, p. 21.

2 Pcristepkanon VI, vers 4 : Corp. Vindob. LXI, p. 355.


MISSION NAVALE ESPAGNOLE

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les Espagnols ». Et maintenant que, grâce à Dieu, votre patrie connaît des jours meilleurs, Nous vous engageons à profiter sans cesse des leçons de votre passé, qui tire toute sa gloire de cet idéal suprême, le plus haut qui fût révélé à l'homme : la religion de Jésus-Christ.

Nous appelons l'abondance des dons célestes sur vos personnes, sur votre noble idéal et vos généreux désirs, sur vos familles et vos amis, sur la population tout entière de l'Espagne catholique, et particulièrement sur ses marins et sur ceux que vous représentez, et à tous, dans la plénitude de Notre amour de Père, Nous donnons la Bénédiction apostolique.

Recevant le Sacré Collège venu lui présenter, par la voix de S. Em. le cardinal doyen, ses félicitations et ses voeux à l'occasion du premier anniversaire de son couronnement, le Saint-Père répondit ainsi à l'illustre assemblée :

II vit toujours, doux à Notre mémoire, le souvenir de l'heure à laquelle, par la bouche du vénéré et de Notre très cher cardinal doyen, vous Nous exprimiez, alors que Nous étions courbé sous le poids et la responsabilité de la tiare pontificale, vos félicitations et vos souhaits offerts par amour et accueillis avec amour. Comme si elle était seulement d'hier cette heure est gravée dans Notre coeur ; cependant déjà Nous vous voyons de nouveau rassemblés autour de Nous pour Nous exprimer à l'aube de la seconde année de pontificat, les sentiments qui tissent entre Nous et vous, fidèles collaborateurs et conseillers que Nous a donnés l'admirable Providence, un lien délicat de confiance et d'affection.

Combien court paraît le temps écoulé entre les Ides de Mars passées et présentes ! Cependant quelle plénitude — unique en son genre, dirait-on — d'événements extérieurs, de transformations matérielles et spirituelles est contenue dans ce laps de temps !

Si computes annos, exiguum tempus, si vices rerum, aevum putes, la vieille parole de Pline est encore une fois devenue réalité en cette année, vécue ensemble et soufferte ensemble, Nous avec vous ; les événements qui s'y sont passés, considérés à la lumière de leurs précédents immédiats, suffiraient à remplir un siècle de développement historique normal de l'humanité.


ALLOCUTION AU SACRÉ COLLÈGE

(12 mars 1940) 1

SACRÉ COLLÈGE

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Cette année a transformé la structure extérieure et intérieure de l'Europe ; elle a inauguré des bouleversements politiques, économiques et spirituels dont aucun esprit humain ne peut calculer les conséquences dernières et les répercussions, mais dont la gravité ou la profondeur doit être considérée avec un soin attentif et diligent par ceux qui, au sein d'une humanité agitée et ébranlée dans ses fondements intimes, déchirée par les erreurs et les passions, sont appelés à proclamer parmi les nations le message de lumière et du royaume du Christ.

En un temps où toute prévision humaine semble fallacieuse, où tous les moyens humains révèlent leur déficience intrinsèque, le regard des croyants se tourne vers les monts éternels d'où peut seulement venir le salut. Dans ce monde en proie aux néfastes concupiscences humaines, où les hommes vont errant comme dans un désert, parmi les hallucinations et les mirages qui sont des ténèbres dans lesquelles ils s'entrechoquent et culbutent, l'Eglise marche droit en tenant bien haut le flambeau divin de la voie, de la vérité et de la vie ; car sans le chemin on n'arrive pas au but, sans la vérité on n'éclaire pas les esprits, sans la vie on n'anime pas la volonté et les oeuvres. C'est la vérité qui éclaire et guide dans la marche et dans la vie, cette vérité qui est le piédestal de la justice, cette justice qui est le fondement de la paix.

« Grâce et paix vous soient départies en abondance par la connaissance de Dieu et de Jésus Notre-Seigneur » (n Pierre, 1, 2). Oui, c'est la paix qui s'appuie sur la connaissance de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, voie, vérité et vie, qui est le voeu et l'aspiration de Notre âme ; c'est la paix que sollicite Notre amour à l'égard de tous les hommes ; Nous les accueillons tous, proches et éloignés, fidèles et égarés, paisibles et belliqueux, parce que c'est envers tous que nous sommes débiteurs des services de la vérité et de la charité du Christ. De cette colline Nous contemplons le monde dans la tempête. Si la paix règne autour de Nous par la grâce divine, au-delà des Alpes, des mers et des océans, ce sont des vents et des ouragans : et religion et humanité avec cent voix appellent et demandent la paix. Notre espérance et Notre confiance reposent en Dieu qui tient en ses mains les coeurs des hommes, non moins que les tempêtes de la terre, du ciel et des mers. Et vous, Vénérables Frères et chers Fils, Notre sénat, Nos conseillers, vous soutenez Notre espoir de votre prière et de votre sollicitude, en sorte que, participant à Nos angoisses et à Nos épines, Nos roses et Nos joies puissent être votre réconfort, votre mérite et votre gloire.

En attendant, pour implorer l'abondance des dons et des lumières de l'Esprit Saint sur tout le Sacré Collège et spécialement sur son vénéré doyen, interprète des nobles et surnaturels sentiments de tous, avec une affection reconnaissante et paternelle Nous vous donnons la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE DAMES DE CHARITÉ (13 mars 1940)

1 Recevant un groupe de Dames de charité de saint Vincent de Paul, le Saint-Père leur a adressé ces paroles d'encouragement en leur rappelant l'excellence de la charité chrétienne :

Comme votre cardinal protecteur, plus d'une fois, chères filles, Nous avons eu l'occasion de louer et d'encourager votre activité charitable selon l'esprit de saint Vincent de Paul. Comment ne le ferions-Nous pas aujourd'hui que Dieu, dans son conseil impénétrable, Nous a choisi pour représenter ici-bas le Sauveur qui pertransiit benefaciendo (Ac 10,38), passa sur terre en faisant le bien ? Père commun des fidèles, Nous tournons vers l'humanité un regard de profonde compassion, ému par tant de maux qui sont venus aujourd'hui s'ajouter à ses souffrances séculaires. Mais Nous voyons aussi qu'aux épreuves et aux malheurs permis par Dieu afin de purifier le monde coupable, Dieu inspire comme remèdes de nouvelles formes de charité toujours plus ingénieuses. C'est ainsi que tout à l'heure, avant de venir dans cette salle pour vous bénir et vous adresser la parole, Nous feuilletions le dernier (1938) de vos rapports moraux et financiers — qui Nous a été filialement offert avec une adresse pleine de sentiments nobles et dévoués par votre si méritante et infatigable présidente — Nous admirions les multiples aspects de votre bienfaisance, mais Nous pensions en même temps que les pauvres, à leur tour, sont de manières variées vos bienfaiteurs.

Cette réciprocité de bons offices se révèle en premier lieu dans vos visites. Le pauvre vous oblige à y pratiquer la charité effective, au lieu de vous restreindre à un sentiment de pitié qui, s'il n'était pas traduit en acte en chacune d'entre vous dans la mesure de ses propres forces, risquerait de rester sans efficacité ni mérite. L'apôtre saint Jacques l'a noté, non sans quelque ironie dirait-on : « Que sert-il de dire à ceux qui sont dans le besoin : réchauffez-vous et rassasiez-vous, si on ne leur donne pas les choses nécessaires à la vie ? » (Jc 2,15-16). Et Jésus, comme vous le savez bien, déclare qu'au jugement dernier tous les hommes seront jugés sur cet exercice pratique de la charité (Mt 25,34 ss.). Vous distribuez donc (dans la mesure où les circonstances vous le permettent) des secours matériels qui correspondent aux besoins urgents des pauvres. Toutefois, la vraie charité ne se limite pas à donner : elle se donne ; et votre mission propre n'est pas d'adresser des aumônes, mais de les porter vous-mêmes. Pour visiter le pauvre, il faut sortir de sa propre maison, de son propre bien-être, renoncer souvent aux usages et à l'esprit du monde. L'apôtre saint Jean nous en donne l'avertissement : « Si quelqu'un aime le monde, la charité du Père n'est pas en lui » (1Jn 2,15). En outre, aller aux pauvres ne veut pas dire marcher sur de moelleux tapis des appartements de luxe ; ils vivent dans de tristes masures et parfois complètement privés de toit, comme ces misérables nomades dont deux enfants, à Rome même, dormaient sur la terre nue sous un wagon. Ces pauvres, d'autre part, il faudra aller les trouver à un moment où ils sont disposés à écouter ce qu'on veut leur dire. Ainsi, une Dame se plaçait tous les matins de bonne heure sur une terrasse, regardant la baraque où un homme violent vivait en concubinage avec une malheureuse digne de lui, que votre pieuse consoeur cherchait à ramener à Dieu ; là, elle attendait longtemps sous la pluie qu'on ouvrît la porte, dans la confiance qu'à la fin s'ouvriraient aussi les coeurs. Une autre Dame, pour conduire à son terme la préparation religieuse d'une jeune israélite, n'hésitera pas, en pleine canicule, à instruire sa catéchumène au fond d'une maison de commerce avec les rideaux abaissés.

Donner, se donner, ce n'est toutefois pas assez pour vous ; parce que comme il plaît à Dieu hilarem enim datorem diligit Deus (2Co 9,7), vous voulez vous donner avec le sourire. Le pauvre qui possède une âme comme le riche a aussi un coeur ; et combien peu faut-il parfois pour rasséréner un affligé et adoucir l'amertume d'un révolté ! Dans de nombreux taudis où sera entré, même avec des secours matériels modestes, un trésor d'actif et joyeux dévouement, se vérifiera la parole de la Sagesse : Melius est vocari ad olera cum caritate, quam ad vitulum saginatum cum odio, « mieux vaut une portion de légumes avec l'affection qu'un boeuf gras avec la haine » (Pr 15,17). Ainsi, en vous obligeant à passer du sentiment de la pitié aux actes de la bienfaisance, le pauvre vous fait comprendre en même temps la nécessité de joindre aux actes le sentiment, sans lequel le geste resterait froid et la parole indifférente.

Le pauvre vous unit encore à Dieu par son exemple. Des vertus merveilleuses fleurissent parfois sous des toits misérables, comme dans la chambre désolée de ce paralytique immobile depuis huit ans qui fêtait chrétiennement avec sa femme, ses enfants et quelques Dames de votre société, ses noces d'or et lisait, à la grande émotion des personnes présentes, la consécration de sa famille au Sacré-Coeur. Parfois, il est vrai, le vice se montre devant vos yeux non moins crûment que la misère matérielle. Mais si le contraste entre la souffrance du pauvre et votre bien-être est d'un effet salutaire, pourquoi quand vous revenez d'une masure froide, dénudée et peut-être malpropre dans votre appartement commode et propre, vous sentez-vous inspirées à élever une pensée de plus vive reconnaissance vers la Providence divine et peut-être aussi à renoncer à quelques dépenses superflues ? Ne reconnaîtrez-vous pas, par ailleurs, à la vue de l'abjection morale provoquée ou favorisée par l'indigence matérielle, que votre bonne et vertueuse conduite est due pour une part notable aux conditions mêmes de votre vie familiale et sociale, de votre aisance, de la culture que vous avez reçue ?

De cela naît en vous un zèle nouveau et plus grand pour guérir les plaies de ces pauvres âmes souvent plus malheureuses que coupables. Vous vous mettez à la recherche des fonds de secours qui sont un nécessaire point de départ. Quêter est un art dont vous connaissez bien le secret et en agissant ainsi vous aidez le riche à gagner le ciel, parce que selon l'Ecriture « l'aumône libère de tous péchés et de la mort» éternelle (Tb 4,11). Imaginez qu'à Jérusalem, au temps du pauvre Lazare dont parle l'évangéliste saint Luc (Lc 16,19 et ss.), vous ayez été une Dame de charité passant devant ce mendiant, vous auriez guéri ses plaies d'une manière certainement plus efficace et plus aseptique que les bons chiens qui allaient les lécher ; et puis vous seriez hardiment entrée dans la salle du banquet avec votre tronc pour les aumônes à la main ; de cette manière, vous auriez secouru Lazare, mais vous auriez peut-être réussi aussi à ramener sur le chemin du ciel le riche festoyant. Voilà l'heureuse audace à laquelle vous conduit le pauvre ; elle fait de chacune d'entre vous comme une médiatrice de bénédictions, non moins pour l'âme des bienfaiteurs que pour celle de ceux qui bénéficient de votre charité.

Qui pourra mesurer l'abondance des grâces divines dont vous êtes ainsi le canal ? Certainement vous n'apportez pas aux autres le sacrement divin comme les Dames de charité le firent à Paris pour les prisonniers de la Commune, comme elles l'ont fait plus récemment en Espagne durant la guerre civile. Mais vous leur ouvrez la route de la sanctification, et tel est en résumé votre but : guérir les corps et adoucir les coeurs pour sauver les âmes. A cet égard, la régularisation des mariages irréguliers vous offrent un vaste champ d'action ; en 1938, vous en avez compté 261 à Rome seulement. Cette régularisation est généralement l'occasion du retour des deux époux à Dieu et aux sacrements, dont ils étaient restés éloignés pendant un temps plus ou moins long : dix, vingt, trente, jusqu'à soixante ans ! Parfois la famille entière, deux, trois générations, se donnent ou se redonnent à Dieu le même jour, et reçoivent ensemble la grâce, comme dans une nouvelle Pentecôte. Tout ceci grâce à l'intervention opportune, discrète, patiemment obstinée d'une de vos consoeurs.

Il y en a qui mettent plus d'une année à gagner une âme où à la préparer, ici au baptême, là à une première communion très tardive, ailleurs à une vraie conversion, soit du judaïsme, soit du protestantisme ou de l'absence totale de toute croyance. Or, tant de grâces ne peuvent passer par vos mains sans qu'il vous en reste une partie. Le baume de la charité est comme ce nard oriental célébré dans l'Ecriture, dont le parfum imprègne les mains et toute la personne de qui le touche. C'est ainsi que Notre-Seigneur disait qu'« il vaut mieux donner que recevoir » (Ac 20,35). De ce bonheur vous êtes débitrices à vos pauvres. Les dons que vous leur faites peuvent s'épuiser, mais l'accroissement de la grâce que cet exercice de la bienfaisance produit dans vos âmes est illimité.

Vous devez aussi aux pauvres la joie de goûter ici-bas cette consolation ineffable qui inonde le prêtre ou la soeur missionnaire quand, au soir d'une journée de voyage fatigant à travers les steppes glacées ou les forêts tropicales, ils tombent exténués mais heureux parce qu'ils ont donné aux âmes un peu plus d'amour et à Dieu une plus grande gloire. Et votre rapport le dit : « Quelques quartiers dans le coeur de Rome ont leurs petits sauvages comme les continents inexplorés ». Votre oeuvre est donc une mission ; la joie qui réconforte et donne de la valeur aux missionnaires vous soutient vous aussi dans vos fatigues charitables et vous procure un échantillon, terne mais sûr, de la récompense éternelle.

O charité ! Vierge aux yeux de lumière, mère aux lèvres de miel, soeur aux mains de dictame, elle seule rend cette terre habitable aux malheureux, aux orphelins, aux opprimés, à ceux qui sont sans toit. Elle révèle à l'homme l'intime bonté de son coeur, montre à la terre la meilleure image de Dieu qui est « charité » substantielle (1Jn 4,8). Seule la vertu éternelle triomphera dans la gloire, quand la foi et l'espérance cesseront. Puisse-t-elle triompher aussi maintenant dans le monde ! Comme elle apparaît belle et plus que jamais désirable à cette heure où la violence, fille de la haine, semble vouloir la proscrire ! Comme elle apparaît bonne et plus que jamais nécessaire à cette humanité agitée et convulsée qui ne veut plus croire à la vérité, qui n'ose plus croire à la justice, mais qui ne peut se résoudre à ne pas croire davantage à la charité !

Malheureux les hommes insensés dont la fureur s'acharne à tuer cette vertu immortelle ! Malheureux les Pharisiens à l'âme sèche et au regard vide qui ne voient pas la splendeur de son visage ! Malheureux les sages au coeur sourd qui n'entendent pas l'écho de sa voix soulevant les douleurs de l'humanité ! Malheureux les faux prophètes du bonheur universel dont les pupilles ardentes se brûlent en contemplant le fantasme fuligineux d'une justice terrestre, complète et définitive, et ne voient dans la charité qu'une importune et une intruse, insultant sa véritable soeur !

Chères filles, pour avoir méconnu la charité le monde a perdu la vraie paix et ne la retrouvera pas jusqu'à ce qu'il ait élevé sur les bases indispensables de la justice le trône de la charité. Menacée par un nouveau déluge, l'humanité attend avec anxiété que vienne à elle la colombe annonciatrice de l'arc-en-ciel de paix. Mais la messagère ailée ne portera la paix universelle aux individus et aux nations que si elle peut cueillir de nouveau sur la terre le vert rameau d'olivier, l'arbre des onctions adoucissantes, qui veut pour croître et porter des fruits le soleil de la charité.

C'est avec ce voeu et comme gage des faveurs célestes les plus choisies pour vous, pour vos familles, pour vos directeurs, bienfaiteurs et associés, pour les pauvres et les malades que vous assistez, pour vos oeuvres, pour vos saints exercices spirituels, que Nous vous accordons avec la plénitude de Notre coeur paternel la Bénédiction apostolique.

1 D'après le texte latin des A. A. S., 32, 1940, p. 146 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. II, p. 61.


HOMÉLIE PASCALE (24 mars 1940)

Le jour de Pâques, au cours de la célébration solennelle de la messe dans la basilique vaticane, le Souverain Pontife, dans l'homélie qu'il prononça en latin, exhorta les chrétiens à se renouveler dans le Christ, source de la concorde et de la vraie paix.

« Que la foule des anges du ciel exulte, que les divins mystères exultent... et que se réjouisse aussi la terre éclairée d'une telle lumière » 2. Les tristes lamentations des prophètes se taisent, et les églises, dépouillées de leurs ornements de deuil, résonnent de joyeuses harmonies et resplendissent d'ornements de fêtes ; le trophée de la croix lui-même est décoré de la palme de la victoire : car le divin Rédempteur est ressuscité victorieux de la mort et nous a laissé, comme un précieux héritage, la vie, la paix, le salut.

La leçon de Pâques.

Si pour le moment presque tous les peuples tourmentés par la guerre qui fait rage, ou effrayés par les crises qui s'annoncent à l'horizon, souffrent d'une crainte angoissée, la solennité pascale n'en rappelle pas moins les coeurs humains aux joies célestes et prescrit de ranimer et d'accroître les vertus chrétiennes de foi, d'espérance et de charité, dont le besoin se fait sentir si pressant.

Oh ! veuille le ciel, Vénérables Frères et chers fils, que, comme une joie divine inonde aujourd'hui Notre âme et votre âme, nourries de ces vertus, ainsi dans toutes les parties du monde tous les hommes écoutent les saints avertissements de ce jour et soient remplis de cette joie sacrée, qui seule peut adoucir les douleurs, sécher les larmes et calmer les angoisses de cette vie.

En vérité, Nous pensons avec une profonde tristesse à ces pauvres gens à l'esprit desquels ne resplendit pas la lumière de la vérité divine, auxquels il n'est pas donné, au milieu des maux qui les oppriment, de puiser en haut le réconfort de l'espérance qui ne trompe pas et la consolation véritable. Et Nous demandons que le Triomphateur de la mort les éclaire tous de sa lumière divine, et que, par sa grâce qui fait ployer les coeurs, il les renouvelle et les retrempe, de telle sorte qu'eux aussi arrivent à goûter les joies pascales, gages de l'éternelle félicité. Que la résurrection de Jésus-Christ, que Nous évoquons aujourd'hui joyeusement, soit un principe de renouveau spirituel pour chaque homme, de la même façon que, de cet événement, selon le témoignage incontestable de l'histoire, une ère nouvelle a pris naissance.

Le triomphe du Christ sur la mort a ouvert une ère nouvelle pour le genre humain.

De fait, depuis que le Christ, « brisant l'aiguillon de la mort » 3 ouvrit aux croyants le royaume des cieux, une nouvelle époque, bien plus heureuse, commença pour le genre humain. Comme au petit jour, le soleil, se levant sur les hautes cimes des montagnes, dissipe les ténèbres et les nuées et ramène la lumière, la chaleur et la vie, ainsi le Christ sortant vivant du sépulcre « chasse les crimes... lave les fautes... rend l'innocence aux déchus... la joie aux affligés, écarte les haines, rétablit la concorde »... 4

Les apôtres qui, d'abord timides et doutants, avaient abandonné leur Maître, lorsqu'ils virent avec étonnement la victoire qu'il remportait sur la puissance infernale, raffermirent leur foi vacillante et rallumèrent dans leur coeur la flamme presque éteinte de l'amour divin.

Soutenus par la force d'en haut et aidés par la grâce, ils se préparèrent, intrépides, à communiquer à tous les autres cette nouvelle vie spirituelle qu'ils avaient tirée de Jésus-Christ et à conquérir le monde entier, non pas avec les armes qui ensanglantent, mais par la vérité et la charité. Aussi, « leur voix est allée par toute la terre et leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde » (Ps 18,5 Rm 10,18).

3 Hymn. Ambr., Te Deum.

* Miss. Rom., Office du Samedi saint.

Les villages, les bourgs et même les villes les plus peuplées, réveillés par ce nouveau rayon de lumière et remués par ce nouveau souffle d'amour, comprirent qu'il fallait se renouveler. Et partout où les apôtres impriment la trace bienfaisante de leur passage, là s'épanouissent, semblables à un nouveau printemps, d'admirables fleurs de sainteté qui répandent un parfum suave : confesseurs invincibles et propagateurs de la foi chrétienne, vierges innocentes qui conservent intact le lis de leur pureté, martyrs courageux qui consacrent par leur sang la palme de la victoire.

Les martyrs tout spécialement qui, en si grand nombre, surtout dans cette Rome, capitale de l'Empire romain et de la chrétienté, affermirent par leur sang les débuts de l'Eglise catholique et qui, aspirant à la mort et à la victoire, surent affronter les lions rugissants avec un courage tel qu'on peut appliquer à chacun d'entre eux les sublimes paroles de saint Ignace, évêque d'Antioche : « Je suis le froment du Christ ; oh ! que je sois moulu par la dent des fauves, pour devenir un pain très pur » 5.

Tout chrétien doit imiter ce renouveau dans sa propre vie

Mais si, comme Nous l'avons dit et comme l'enseigne l'histoire de l'Eglise, le triomphe de Jésus-Christ sur la mort apporta une restauration et un renouveau admirables au monde entier, actuellement, nous tous qui voulons suivre les traces du divin Rédempteur, nous devons reproduire en nous-mêmes, avec soin et au prix de l'effort, l'image de cette restauration. Mais cela n'est pas facile ; tous, nous l'avons expérimenté. En effet, ce renouveau n'est obtenu qu'au prix des vertus chrétiennes, et la vertu, étant donné l'obstacle de l'humaine faiblesse, réclame et exige de l'énergie pour que chacun modèle sa vie par elle.

Or donc, Vénérables Frères et chers fils, non seulement Notre-Seigneur nous a donné ses commandements, non seulement il a renforcé ses commandements par ses admirables exemples, mais il nous a aussi promis le secours divin, qu'il nous accorde avec la plus grande bonté et sans cesse, si nous le demandons humblement et avec insistance. Aussi rien n'est difficile pour ceux qui suivent le Christ avec bonne volonté ; bien plutôt, comme nous le savons par expérience, plus dure est la lutte contre « le pouvoir des ténèbres » (Luc,

5 Ad Rom., 4, 1 ; cf. S. Jérôme, De Viris Illus., c. 16.

xxii, 53 ; Eph., 6, 12), plus douce et consolante est la victoire. Il faut donc, avec une vraie constance, et avec tous ses efforts, s'employer à ce que, « comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle » (Rm 6,4), et que, « renonçant à l'impiété et aux convoitises mondaines, nous vivions dans ce monde avec tempérance, justice et piété » Tite, 2, 12). De telle manière que, « dépouillés du vieil homme et de toutes ses oeuvres et revêtus de l'homme nouveau, selon l'image de Celui qui le créa » (Col 3,9-10) il arrive heureusement que « ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui mourut et ressuscita pour eux» (2Co 5,15).

Si nous conformons notre vie à cette règle, que l'Apôtre des nations décrit si clairement et recommande si ardemment, la solennité pascale nous stimulera et nous aidera à reproduire dans nos moeurs l'image vivante de Jésus-Christ, par qui nous pourrons jouir d'une paix surnaturelle, être réanimés par l'espérance des biens supérieurs et comblés de joies célestes, au milieu même des tempêtes dont le monde est effroyablement agité aujourd'hui et dans les tribulations de tout genre qui éprouvent actuellement la vie des hommes. De fait, « si nous mourons avec lui, nous vivrons encore avec lui ; si nous persévérons dans l'épreuve, nous régnerons avec lui » (2Tm 2,11-12), et « si nous souffrons avec lui, avec lui aussi nous serons glorifiés » (cf. Rom. Rm 8,17).

... pour le bien de l'humanité tout entière en proie à une folie de destructions.

Mais il y a un autre motif, Vénérables Frères et chers fils, pour lequel Nous recommandons ardemment à tous cette renaissance spirituelle dans le Christ. En effet, cette réforme n'est pas seulement nécessaire pour le bien privé et pour la vie individuelle, mais aussi pour le salut même de la société humaine, particulièrement en cette heure si critique, alors que de très tristes choses apparaissent aux yeux de tous et que l'on en redoute de plus effrayantes encore pour l'avenir. Vous savez en effet en quel temps nous vivons ! La concorde entre les peuples est misérablement brisée ; les traités solennellement stipulés par engagement réciproque sont parfois bouleversés ou violés unilatéralement sans échange préalable de motifs réciproques expressément exposés ; on n'entend plus la voix de l'amour et des devoirs fraternels.

Tout ce que l'esprit inventif, l'étude ou l'expérience ont produit, toutes les énergies, le bien-être et la richesse, tout ou à peu près ne sert plus qu'à faire la guerre ou à augmenter chaque jour davantage les armements. Tout ce qui était créé ou fait pour la prospérité des peuples et le progrès est actuellement détourné de son cours et de l'ordre des choses et consacré à la ruine et à la destruction des peuples et des biens. Les courants des échanges pacifiques, paralysés par des dangers de tout genre, sont presque taris, ce qui jette dans la disette en particulier les classes sociales les plus pauvres. En outre — ce qui est pire — alors que les esprits sont aveuglés par la haine et par les rivalités, le sang fraternel coule déjà en beaucoup d'endroits, sur la terre, sur la mer et même dans le ciel, image sublime de la patrie éternelle.

Il n'est pas rare non plus que Nous assistions avec la plus grande tristesse à la violation du droit qui règle les relations entre les peuples civilisés. Il arrive dès lors que des villes ouvertes, des bourgs et des villages d'agriculteurs sont terrorisés, incendiés, dévastés par des bombardements et que des citoyens sans défense, des malades, même des vieillards impotents, des enfants innocents, sont privés de leurs maisons et souvent même tués.

Pour des maux si graves quel remède peut-on espérer, sinon celui qui vient du Christ, de son esprit et de sa doctrine qui doivent imprégner très heureusement l'essence même de la société ? Seul le Christ, par sa loi et avec sa grâce, peut rénover et restaurer les moeurs, aussi bien privées que publiques, rétablir le juste équilibre entre les droits et les devoirs, mettre un frein au désir immodéré de conquêtes, réprimer les passions, tempérer et perfectionner la justice rigide par le souffle de sa charité.

Celui qui a pu commander aux vents et aux tempêtes, calmer et rendre paisibles les flots de la mer agitée, Celui-là peut également soumettre la volonté des hommes à la concorde et à l'amour fraternel et faire en sorte que les épées se rengainent et que, les armes étant déposées, les mains s'étreignent finalement en signe d'entente et d'amitié, après que les rapports entre les peuples auront été librement et heureusement réglés, non au moyen de la force, mais suivant les règles de la vérité, de la justice et de la charité.

Nous donc qui, en éprouvant un amour paternel pour tous, partageons avec une profonde affliction les douleurs et les angoisses de Nos fils, Nous supplions le divin Rédempteur, en ce jour heureux et solennel, d'accorder « aux rois, aux princes et à tout le peuple chrétien la paix, la concorde et l'unité » 6. Ainsi-soit-il.

6 Cf. Litanies des saints.


Pie XII 1940 - AUX DÉLÉGATIONS DES PAROISSES DE ROME RÉUNIES A LA BASILIQUE SAINT-PIERRE