Pie XII 1946 - BREF APOSTOLIQUE PROCLAMANT SAINTE ODILE PATRONNE CÉLESTE ET PRINCIPALE DE L'ALSACE


SAINTE ODILE, PATRONNE DE LALSACE

sainte Odile, dont le culte, selon la tradition, prit naissance dès le VIIIe siècle et n'a jamais cessé de se répandre jusqu'à nos jours.

Aussi, tout bien pesé et considéré, après avoir entendu l'avis de Notre Vénérable Frère Charles Salotti, cardinal de la sainte Eglise romaine, évêque de Préneste et préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, par la teneur des présentes lettres et à titre perpétuel, en pleine connaissance de cause, après mûre délibération de Notre part et en vertu de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous confirmons, établissons et déclarons la vierge et abbesse sainte Odile, dont on fait mémoire au martyrologe le 13 décembre, patronne céleste et principale de la région rattachée à Strasbourg. A ce titre, Nous joignons tous les privilèges liturgiques dont jouissent les patrons principaux des lieux. Nonobstant toutes choses contraires...

Au premier ambassadeur d'Irlande près le Saint-Siège, S. Exc. M. Joseph Patrick Walshe, venu lui présenter ses lettres de créance, le Saint-Père a adressé ces paroles de bienvenue :

Les nobles paroles que Votre Excellence vient de Nous adresser en qualité de premier ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Irlande sont toutes inspirées et imprégnées du vif sentiment de représenter auprès de Nous une nation dont la brillante gloire a été de se montrer toujours fille dévouée de l'Eglise catholique romaine et d'avoir ouvert la voie à la véritable religion, même dans d'autres pays et sur d'autres continents.

L'histoire de l'Irlande, même au milieu des vicissitudes qui l'ont successivement élevée à de splendides sommets et précipitée dans de profondes calamités, n'en manifeste pas moins constamment une grandeur demeurée immuable au cours des siècles : l'inébranlable fidélité et l'indéfectible attachement au Siège de Pierre. Votre Excellence a opportunément rappelé la profession de foi de saint Patrick, dont le temps n'a jamais affaibli la vigueur dans le peuple qu'il a évangélisé, au point que, en 1625, mille ans après la mort du grand apôtre de l'Irlande, montait de cette terre la belle louange : Sit ergo gentis huius elogium : Romanae fidei tenacissima, Romanorum Pontificum observantissima 2.

Mais quelle louange plus élevée et quel témoignage plus honorifique pourrions-Nous ajouter que ceux que Notre immortel prédéces-

1 D'après le texte italien des A. A. S., 38, 1946, p. 262 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 143.

2 Brevis ïnformatio ad III.mos D. D. Cardinales Sacrae Congregationis propagandae fidei, de statu religionis in Regno Hiberniae. Archiv. S. Congr. de Prop. Fide, Irlanda, 1625-1668, fol. 148r.

(12 juin 1946) 1


AMBASSADEUR D'IRLANDE

seur Léon XIII décernait à la religieuse fermeté du peuple irlandais, lorsqu'en 1881 il écrivait à l'archevêque de Dublin, à cette époque Edouard McCabe : Ipsi enim fortitudine et constantia summa quoslibet perferre casus, quam avitam religionem deserere, aut ab antiqua fide erga hanc Apostolicam Sedem vel minimum discedere, ma-luerunt f 3

Nous éprouvons une intime satisfaction à faire Nôtre l'éloge du savant Pontife, et, applaudissant aux paroles de Votre Excellence, Nous sommes heureux d'exprimer Notre reconnaissance pour l'esprit et le zèle missionnaires de l'Irlande. D'autres terres peuvent surpasser la « verte Erin » pour les richesses naturelles du sol et du sous-sol, mais pour les richesses surnaturelles de la foi, aucune n'égale P« île des saints », si riche en vitalité spirituelle qu'elle transmet à d'autres peuples sa surabondance. Non seulement, en effet, l'envoi des hérauts de l'Evangile, depuis le temps des saints Colomban et Gall, valut à l'Irlande une place de premier rang parmi les peuples qui ont bien mérité des missions, mais encore sa grande activité apostolique a continué et continue toujours, grâce surtout à l'action de ses émigrés, des millions de ses fils et de ses filles qui, sur d'autres continents, ont suscité et fait épanouir une nouvelle et florissante vie catholique.

Pour autant que la présente condition de l'Irlande permet de pronostiquer son avenir, il Nous semble voir maintenant resplendir sur votre pays l'aurore d'un nouveau et pacifique progrès. Avec une grande consolation, Nous augurons bien de l'inébranlable fidélité, qu'en ces temps graves et incertains, votre gouvernement et votre peuple manifestent dans leurs traditions catholiques et dans les intimes relations de leur noble patrie avec le Siège apostolique et avec le Successeur de Pierre. Nous voyons une confirmation de cet heureux présage dans la nomination de Votre Excellence en qualité de représentant de l'Irlande, avec le rang d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près le Chef visible de l'Eglise.

Nous vous souhaitons donc cordialement la bienvenue et recevons avec une particulière satisfaction les lettres de créance que vous êtes venu Nous présenter. Vos eminentes qualités personnelles sont pour Nous la garantie que dans l'accomplissement de votre mission, votre zèle éclairé continuera avec des résultats toujours plus heureux l'oeuvre féconde de votre illustre prédécesseur, pour le plus grand bien de l'Eglise et de l'Etat.

Leonis XIII Acta, vol. II, 1880-1881, p. 187-188.

Veuille le Tout-Puissant assister Votre Excellence dans l'accomplissement de sa haute fonction. Et daigne la divine Providence, à qui l'activité charitable de l'Irlande, durant la guerre et après la guerre, a, oserons-Nous dire, aplani le chemin, faire briller sur le présent et sur l'avenir de cette généreuse nation, les rayons de sa lumière !

En formulant ce voeu, Nous appelons, Monsieur l'ambassadeur, sur Votre Excellence, sur votre gouvernement et sur tout le cher peuple irlandais, l'abondance des bénédictions célestes.


LETTRE A S. EM. LE CARDINAL MARCHETTI-SELVAGGIANI, VICAIRE DU PAPE, POUR LE JUBILÉ DE L'OEUVRE DES VOCATIONS

A ROME

(12 juin 1946) 1

L'OEuvre des Vocations ecclésiastiques du diocèse de Rome, à laquelle Notre prédécesseur de sainte mémoire, Benoît XV, a attaché son nom, voit s'accomplir le XXVe anniversaire de sa fondation dans un état de si heureuse vitalité que Nous ne voulons pas le laisser passer sans exprimer Nos voeux à l'occasion de cette date qui suscite en Notre esprit les souvenirs les plus consolants et les plus joyeuses espérances.

Heureux débuts de l'OEuvre.

Née dans le coeur de prêtres, dépositaires d'une tradition de zèle humble et actif qui ne s'est jamais démentie au sein du clergé de la Ville éternelle, cette oeuvre répondait à un désir que les besoins spirituels de la population toujours croissante de la ville et les rares recrues sacerdotales rendaient d'autant plus pressant et urgent que de toutes parts on se mettait avec ardeur et entrain à l'heureuse tâche de la restauration des choses dans le Christ.

Une fois les esprits mis en éveil et les énergies de toutes sortes mobilisées sous l'impulsion de ces ministres de l'Eglise conscients de leurs devoirs, on vit tout de suite, à en juger par les larges concours reçus et les premiers fruits recueillis avec soin, qu'une telle initiative avait pour elle la faveur de Dieu, et, bien vite, grâce à la coopération harmonieuse et sage de la prière et de l'action, un

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano, du 27 juin 1946 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 35.

u heureux succès fut assuré à l'expérience, et l'OEuvre des Vocations ecclésiastiques, déjà une fois publiquement louée et encouragée par Nous, prit sa place stable parmi les oeuvres aujourd'hui les plus en évidence dans la ville de Rome. Son rendement, qui répond bien à ce qu'on attendait d'elle, ne peut manquer de réconforter dans leur tâche ses valeureux promoteurs et les inciter à aider les fidèles qui ont éprouvé un si vif intérêt pour le problème des vocations et qui peuvent aujourd'hui se réjouir d'avoir bien servi l'Eglise dans le secteur le plus vital de sa mission évangêlique dans le monde des âmes.

Aux uns et aux autres va aujourd'hui Notre paternelle reconnaissance.

Exhortation à la prière, à l'action, au sacrifice.

Mais à la louange il Nous faut aussi ajouter un mot de chaleureuse exhortation à la prière, à l'action, au sacrifice, pour une oeuvre dont la nature n'a pas besoin de plus amples explications et dont le but se confond avec celui de la Propagation de la foi et de la diffusion de la Bonne Nouvelle, au sein d'un monde qui doit être ramené au Christ. Chercher par tous les moyens à donner à l'Eglise des ministres du Seigneur, à l'heure où, dans un désarroi général, on ressent plus que jamais le besoin d'un sacerdoce à la hauteur des nouvelles exigences de la pensée et de la vie, de la foi et de la piété, et par le nombre, et par la qualité, et par la formation. C'est là, peut-être, la plus ardente collaboration à cet apostolat hiérarchique que le laïcat catholique s'honore d'exercer et dans lequel l'Eglise a de justes motifs de mettre sa confiance.

Nous souhaitons que tous les enfants de l'Eglise qui ne sont pas indifférents à ses souffrances, à ses besoins, à sa vie, à ses aspirations transcendantes, ressentent le besoin impérieux de cette collaboration. Elle doit être un puissant stimulant contre la torpeur des chrétiens, la mélancolique parole de Jésus, aujourd'hui encore si douloureusement vraie : « Abondante est la moisson, mais peu nombreux sont les ouvriers ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à son champ... » L'ardente supplication qui monte vers le Père des miséricordes, jointe à l'activité et aux sacrifices volontaires devront assurer aujourd'hui, à un rythme plus intense, le plein développement de l'OEuvre des Vocations ecclésiastiques et perpétuer ainsi pour Notre chère Rome la gloire d'un sacerdoce qui ne le cède à aucun autre quant au nombre et au zèle des ministres de l'Evangile et de l'autel.


OEUVRE DES VOCATIONS À ROME

195

Avec ce voeu, qui est aussi celui du Pasteur des pasteurs, Jésus, Nous appelons sur l'OEuvre des Vocations ecclésiastiques une nouvelle effusion de grâces de la part du divin Esprit, à l'ombre duquel elle fleurit, et à vous, Vénérable Frère, qui, plus que tout autre, participez à Nos soucis concernant la Ville éternelle, aux dirigeants de l'OEuvre, aux délégués dévoués et à tous ceux qui, en quelque manière, en favorisent la vie et le rendement, Nous donnons de tout coeur le réconfort de la Bénédiction apostolique.

LETTRE A L'ÉVÊQUE DE SENIGALLIA POUR LES SOLENNITÉS DU CENTENAIRE DE L'ÉLECTION DE PIE IX AU SOUVERAIN PONTIFICAT

(13 juin 1946) 1

Cette lettre était adressée à S. Exc. Mgr Ravetta, évêque de Senigallia.

Un siècle s'est écoulé depuis que Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie IX, a été élevé au souverain pontificat. Pour rappeler la mémoire de ce grand concitoyen et insigne bienfaiteur, votre très noble siège de Senigallia a prescrit des manifestations de reconnaissance et des solennités qui atteindront leur point culminant prochainement par l'office pontifical qui se célébrera dans votre cathédrale. Comme cet insigne pasteur du troupeau catholique a combattu d'un coeur toujours vaillant pour la vérité et la justice et qu'il a grandement illustré ce Siège apostolique par la splendeur de ses vertus et l'ampleur de ses actes, Nous avons approuvé volontiers vos intentions et vos projets si dignes de louange et Nous les avons appuyés de Nos voeux fervents.

Et maintenant, pour que la prochaine célébration de cet événement puisse apporter de plus abondants fruits de salut, Nous vous accordons, Vénérable Frère, le pouvoir de donner, au jour fixé après la célébration de l'office pontifical, aux fidèles présents la bénédiction en Notre nom et par Notre autorité avec indulgence plénière à gagner aux conditions habituelles de l'Eglise. Et comme messagère des dons célestes qu'elle doit vous procurer et en témoignage de Notre affection particulière, Nous vous accordons, Vénérable Frère, très affectueusement dans le Seigneur la Bénédiction apostolique à vous, à tout le clergé et au peuple confié à votre vigilance.


ALLOCUTION A DES OFFICIERS AMÉRICAINS

(14 juin 1946) 1

Recevant en audience un groupe important d'officiers américains, le Saint-Père, dans son allocution, les a encouragés à garder dans leur esprit les nobles et saints souvenirs de Rome :

Le stage que beaucoup d'entre vous ont fait à Rome tire à sa fin, Nous a-t-on dit, et vos yeux sont déjà tournés vers l'Ouest. Il est tout à fait naturel que vous éprouviez une vive joie et une vive espérance à la pensée de rentrer à la maison.

Vous allez retourner dans un grand pays ; Nous ne pouvons pas oublier la visite que Nous y avons faite il y a dix ans. Il est grand par sa puissance industrielle, incomparablement plus grand encore par la générosité pleine d'âme et désintéressée de son peuple et grand aussi — on ne peut pas ne pas le sentir — par les hautes destinées que Dieu lui a assignées. Car la force, la puissance et le courage imposent inévitablement la lourde responsabilité du leadership. Le monde attend, demande, espère être conduit en dehors des marécages, des mesquines jalousies — même si elles ne deviennent pas criminelles — des récriminations, des défenses, des ambitions malsaines, sur le plateau où souffle librement l'air pur pour chaque homme et pour l'humanité tout entière. Oh ! priez comme Nous prions chaque jour pour que le monde ne voie pas ses espoirs réduits en cendres.

Et quand votre vie aura de nouveau repris son cours habituel, dans vos villes natales, puissent vos souvenirs de Rome être source de bonheur, de fraîcheur et d'élévation d'esprit. Puissiez-vous encore, au moins de temps en temps, écouter l'écho lointain de ces voix qui s'élèvent des temples, des tombes et des monuments sacrés devant lesquels vous êtes si souvent passés dans cette ville mère de la civilisation chrétienne. Puissiez-vous aussi trouver réconfort et consolation dans ce message : que le Christ vit, que le Christ règne, que l'union et la paix recherchées par les hommes de bonne volonté ne pourront être trouvées que s'ils veulent se rallier dans des sentiments d'humble allégeance à son étendard plein de noblesse et impérissable.

Dites à l'Amérique que Nous sommes consolé et reconnaissant pour tout ce qui a été fait et ce qui est encore fait pour alléger les souffrances du monde. Que la bénédiction du Dieu aimant et puissant que Nous invoquons avec une paternelle affection sur vous, sur ceux qui vous sont chers et sur tous vos compatriotes, soit votre riche récompense.


ALLOCUTION AUX PROFESSEURS ET AUX ÉLÈVES DU LYCÉE CHATEAUBRIAND DE ROME

(22 juin 1946)1

Sous la conduite de l'éminent proviseur et des distingués professeurs de votre lycée, vous êtes venus, chers enfants, Nous présenter, à la fin de votre année scolaire, votre filial hommage et demander Notre bénédiction. C'est avec une grande joie que Nous vous accueillons. Chaque groupe qui vient à Nous est assuré, cela va de soi, d'un pareil accueil. Et, néanmoins, suivant leur diversité, cette joie et cette affection reflètent une nuance différente. Quels sont donc les sentiments que Nous éprouvons en vous recevant, vous, jeunes élèves du lycée français Chateaubriand ?

Ceux, d'abord, que Nous éprouvons à l'égard de toute jeunesse chrétienne et chrétiennement élevée : sentiments de tendresse et de confiance. Nous avons sous les yeux le spectacle d'un monde entraîné par le courant vertigineux d'un matérialisme orgueilleux et sensuel, d'un monde pourtant plein de ressources magnifiques et ouvert aux appels les plus sublimes de l'idéal. Il est à la croisée des chemins. C'est donc sur vous que repose l'espoir de l'avenir, d'un avenir plus serein que ne fut le passé et que n'est encore le présent. Vous pouvez, vous devez en être les artisans plus efficacement que bien d'autres, puisque vous recevez une instruction plus soignée, plus poussée que ne peut l'être celle que reçoivent la plupart des adolescents : et voilà que, déjà, la nuance de Notre affection se précise. Mais l'éducation et l'instruction chrétiennes de la jeunesse sont encore, grâce à Dieu, le lot d'un grand nombre, et sur eux tous Nous comptons ; en quoi donc d'une manière particulière sur vous ?

Vous êtes, il est vrai, élèves d'un institut français, d'une nation qui Nous est chère à plus d'un titre et qui, au cours de son histoire, a apporté une si belle contribution à la culture humaine et chrétienne. Oui, mais vous appartenez à bien des nations différentes ; les parents de beaucoup d'entre vous occupent des postes importants au service de leurs patries respectives, en contact permanent avec les autres patries. Votre rôle n'est-il pas, par le fait, tout dessiné ? Rôle chevaleresque et très bienfaisant. Compagnons de vie, dès l'enfance, compagnons d'études, de jeu, d'activité juvénile, vous apprenez à vous comprendre entre vous, et la compréhension, la sympathie personnelle qui vous unit comme camarades ne peut manquer d'élargir les horizons de votre esprit et de votre coeur, de faire naître aussi la compréhension, la sympathie, l'amitié de vos patries réciproques. Ne voit-on pas souvent les amitiés de collège entre enfants nouer entre parents des relations amicales et familières ? Que sera-ce donc si cette source naturelle d'union cordiale s'enrichit de la vertu surnaturelle de la foi par laquelle vous vous sentez tous également fils de Dieu et fils de l'Eglise ?

Vous allez prendre vos vacances, chers enfants, vous allez retrouver, chacun de votre côté, d'autres compagnons : portez avec vous cet esprit et semez autour de vous, avec la joie et la gaieté, apanage des coeurs purs, la douceur de la charité chrétienne universelle. Plusieurs d'entre vous viennent de renouveler solennellement les promesses de leur baptême et d'être armés, par le sacrement de la confirmation, soldats et chevaliers du Christ ; d'autres, les aînés, vont, leurs études secondaires achevées, se préparer par d'autres études aux diverses carrières. Faites honneur partout aux maîtres de votre institut si renommé, dont l'enseignement savant et délicat vous a formés en vue de la grande et noble vie qui vous attend. Parce que vous avez reçu de Dieu plus, bien plus que beaucoup d'autres, considérez-vous comme investis par lui d'une véritable mission. Cette mission de paix charitablement fraternelle, Nous vous la confions en son nom.

Et pour en assurer la fécondité sous l'action en vous de l'Esprit-Saint, sous le patronage de l'immaculée Vierge Marie votre Mère, Nous vous donnons de grand coeur, à vous chers enfants, a toutes vos familles, à vos professeurs, à tous ceux qui vous aiment et qui ont apporté leur part de soins à votre formation, Notre Bénédiction apostolique.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'ARCHEVÊQUE DE PARIS, AU SUJET DE LA JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE

(25 juin 1946) 1

Cette lettre de S. Exe. Mgr Montini, substitut de la Secrétairerie d'Etat, a été adressée à S. Em. le cardinal Suhard, archevêque de Paris.

Il m'est très agréable de faire savoir à Votre Eminence combien Sa Sainteté a paternellement tenu compte de la bienveillante recommandation que votre honorée lettre du 8 mai lui a présentée, en faveur de M. le chanoine Guérin et de M. le chanoine Dewitte, aumôniers nationaux de la J. O. C. française, venus accompagner à Rome M. le chanoine Cardijn après la période d'éloignement forcé des années de guerre.

Le Saint-Père a daigné les accueillir d'autant mieux qu'il ne s'était que difficilement consolé du renvoi, dû à la déclaration de guerre, en septembre 1939, de ce pèlerinage international de la J. O. C, qui devait donner comme une consécration au providentiel mouvement de conquête chrétienne des jeunes travailleurs à travers le monde. Rentrés maintenant dans leur pays, ces zélés aumôniers auront pu témoigner de la particulière bonté que leur a montrée l'auguste Pontife. Comme vous, Eminence, le Saint-Père ne pouvait pas ne pas se réjouir du bilan qui était mis sous ses yeux, après vingt ans d'un apostolat dont une lettre de Votre Eminence, dans la Semaine religieuse de Paris, du 11 mai dernier, signalait les merveilleuses réalisations 2.

Devant les terrifiantes perspectives d'une propagande matérialiste et totalitaire, dont le plus clair résultat, selon la parole même du

1 D'après le texte français des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 300.

2 Voir Documentation Catholique, t. XLIII, 1946, col. 745.

pape, serait d'engendrer « une humanité dégradée et sans Dieu », on ne peut, en effet, que se féliciter de voir se lever ces juvéniles légions d'apôtres laïques qui, dans une étroite union avec leur clergé, savent prendre la responsabilité de leurs milieux respectifs et travaillent ainsi à rebâtir la société sur le Christ.

Les fruits qu'a portés cette formule d'apostolat sont trop visibles à tous les yeux non prévenus pour qu'on puisse douter qu'elle ne soit éminemment adaptée aux conditions de déchristianisation du monde moderne. On ne peut donc que souhaiter voir l'idée qui a fait ses preuves en Belgique, en France et ailleurs, rencontrer auprès de la hiérarchie des différents pays l'accueil qui lui permettra de donner toute sa fécondité et de s'organiser progressivement sur le plan international où se poseront de plus en plus tous les problèmes concernant le monde ouvrier.

Il faut souhaiter aussi que des prêtres de plus en plus nombreux, comprenant cette mission, puissent se consacrer sans réserve à l'important ministère d'assistant ecclésiastique de l'Action catholique ouvrière. Cela exige de leur part, comme de la part de leurs supérieurs, un effort d'adaptation, de compréhension, de coordination qui, tout en respectant foncièrement les règles traditionnelles du droit public de l'Eglise, sache aussi trouver les formules et les méthodes correspondant aux besoins nouveaux et aux nécessités nouvelles. Mais, à cet égard, qui niera que l'Action catholique, à l'avant-garde de laquelle la J. O. C. s'est placée d'emblée, ne réponde efficacement aux appels pressants des différents secteurs sociaux assoiffés de vérité et de charité chrétienne ?

En faisant des voeux pour que, sous la protection tutélaire de la hiérarchie, la J. O. C. se développe et s'étende de plus en plus, Sa Sainteté se plaît à renouveler à cette portion choisie de son universel troupeau ses plus affectueuses bénédictions.

ALLOCUTION AUX COUREURS DU XXIXe TOUR CYCLISTE D'ITALIE

(26 juin 1946) 1

Au début de la onzième étape du XXIXe Tour cycliste d'Italie, vous avez désiré, chers jeunes gens, faire une courte halte ici, auprès du Père commun qui vous aime et de qui vous attendez un regard d'encouragement et un geste de bénédiction. L'un et l'autre vous sont bien volontiers accordés ; votre ardeur juvénile et votre élan sportif vous rendent particulièrement chers à Notre coeur. Nous avons déjà une autre fois manifesté en ce même lieu l'affection que Nous nourrissons pour vous. Nous voudrions cependant montrer maintenant comment le sport de la course mérite une estime particulière, soit pour lui-même, soit pour sa valeur symbolique.

La course comporte et requiert de l'effort, un effort sain, un effort harmonieux de tout le corps, un effort dont l'énergie se montre moins par la vigueur des bonds ou des coups que par le courage de la discipline virile et de la constance prolongée et soutenue jusqu'au poteau d'arrivée.

Mais, surtout, combien élevée et brillante est la réalité dont ce sport est le symbole ! Dans la course vers la vie et la gloire éternelles, vous luttez, non pour gagner un prix périssable qui peut passer ensuite dans d'autres mains, mais avec l'espérance d'une couronne impérissable qui n'expose aucun de vous à la désillusion de ne pas être le vainqueur, à la condition que vous observiez loyalement les lois de ce sublime concours spirituel et que vous ne vous laissiez arrêter par aucune fatigue ni par aucune difficulté, avant d'avoir atteint le but (cf. 1Co 9,24 et suiv. — Ga 5,7).

Allez donc, sous le soleil radieux d'Italie, de votre patrie, dont

vous connaissez les splendides beautés naturelles et dont vous voulez être des champions dignes et intrépides. Allez, vaillants coureurs de la course terrestre et de la course éternelle. Nos voeux et Nos prières vous accompagnent, tandis que, de grand coeur, Nous vous donnons à vous tous et à tous ceux qui s'intéressent à vous et auxquels vous vous intéressez, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DE BOLIVIE, A SUCRE

(30 juin 1946)1

Le Congrès eucharistique national de Bolivie a été l'occasion pour le Saint-Père de rappeler que l'Eucharistie, sacrement de l'amour, est le vrai facteur de la paix intérieure et extérieure des nations.

A Nos Vénérables Frères et chers fils qui, réunis autour de Notre légat, clôturez par la présente solennité votre grand Congrès eucharistique bolivien.

Au milieu des tristesses et des préoccupations de l'heure qui s'écoule en ce moment dans le monde, préoccupations et tristesses qui, nécessairement, se répercutent avec amertume, l'une après l'autre, dans Notre coeur de Père, les échos de votre congrès sont comme un soulagement, comme le souffle d'une brise fraîche pénétrant dans les profondeurs d'une vallée obscure et surchauffée. Notre pensée s'envole vers la Bolivie bien-aimée, pays aux arides crêtes neigeuses, aux vastes lacs, au sol riche en gisements d'argent ; et à vous contempler réunis dans l'aristocratique Sucre, à vous voir à genoux devant la sainte Hostie, confondus tous dans le même amour, sans différence de races, ni de classes, ni de catégories sociales, pour honorer le Roi des rois, Notre esprit a exulté dans le Seigneur.

Et c'est précisément afin de pouvoir vous dire toute la consolation que vous avez procurée à Notre âme par un si magnifique et si édifiant spectacle que Nous avons voulu parler.

Notre coeur, tous les coeurs dans lesquels il reste encore un peu de sentiment et un germe d'humanité, sont angoissés et souffrants

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., 38, 1946, p. 276 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 255.

parce qu'ils voient que la terre se transforme en un royaume de la discorde, parce qu'ils se rendent compte que le monde est de plus en plus divisé par une scission si profonde que non seulement elle sépare les peuples les uns des autres, mais encore pénètre au sein des nations, désunit les classes, sème la haine parmi les frères et rend de plus en plus difficile l'harmonie de ceux qui, pour vivre, doivent vivre ensemble.

La charité, le sacrement de l'Eucharistie, seuls facteurs de paix entre les nations et dans chaque Etat.

Qui donc, frères et fils bien-aimés, qui donnera au monde la stabilité et la paix ? La haine, répondent les uns, et, pour accélérer le remède infernal, ils exaspèrent le malaise et mettent aussitôt des armes dans les mains de ceux qu'ils ont entraînés au bord du désespoir. Mais d'autres, les plus nombreux, répondent : l'amour. Et c'est ce que, en ce moment, vous pratiquez dans une nation où, justement, la Providence a fait vivre ensemble des races si anciennes et si diverses ; au sein d'un peuple où l'on gagne sa vie par le travail de ses mains et qui sait ce que veut dire « suer dans les entrailles de la terre ».

L'amour, le sacrement de l'amour, est l'unique chose qui puisse apaiser la furie de l'égoïsme, cause de tous les maux, en le plongeant dans la charité : caritas... non quaerit quae sua sunt, « la charité... ne cherche pas son propre intérêt » (1Co 13,4-5) ; l'amour, le sacrement de l'amour, c'est la solution de tous les différends et la base de toute unité : Quoniam... unum corpus multi sumus, omnes qui de uno pane participamus, « parce que nous tous qui participons au même pain, nous en venons à former... un seul corps » (1Co 10,17) ; l'amour, le sacrement de l'amour doit être celui qui efface les injustices sociales et enseigne à supporter les peines qui, nécessairement, existeront toujours en cette vie. En un mot, bien-aimés congressistes boliviens, vous apparaissez en ce moment devant Nos yeux comme une famille où les membres sont bien d'accord et sont assis à la table commune pour se partager le même Pain, qui donne la vie à l'homme, et Nous sommes persuadé une fois de plus que c'est seulement dans cet esprit eucharistique de charité que sera possible la paix intérieure et extérieure des nations.


CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE BOLIVIE

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Caractère social du Congrès eucharistique de la Bolivie.

Quant à vous, avec la fine sensibilité qui vous caractérise, vous avez imprimé à votre congrès ce caractère social, si en harmonie avec les préoccupations principales du jour. Nous voulons seulement faire brûler devant le Dieu de l'Eucharistie, en cette solennelle occasion, l'encens de Notre prière, afin qu'on puisse sans retard voir les fruits du congrès dans l'élévation de la race aborigène, dans la santé morale de la famille, dans la profondeur de la vie religieuse, et surtout dans l'un des plus grands dons qu'un peuple chrétien puisse recevoir : l'abondance et la sainteté de ses prêtres qui doivent présenter à l'autel et distribuer de leurs mains consacrées ce sacrement d'unité et d'amour. Et pour que Nos prières soient plus sûrement exaucées, Nous voulons les déposer entre les mains de votre Mère et Reine, de Notre-Dame de Copacabana, en Nous tournant avec confiance — et ayant sur les lèvres les paroles d'un pieux anonyme — « vers cette pierre divine, qui se trouve là où l'or de la foi s'affine. Quiconque la possède obtient par elle bonheur, biens, paix, salut, remède ».

Dieu a placé votre patrie au centre de l'Amérique méridionale et a voulu lui donner ensuite une capitale parée du nom symbolique de La Paz (La Paix) ; comme pour compléter cette pensée, voici que se sont réunis en une assemblée pacifique vos frères du Pérou, du Chili, de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay et d'autres nations. Plût à Dieu que, de même que le sang va du coeur jusqu'aux extrémités les plus éloignées, de même votre aspiration, votre promesse de paix sociale, partant de votre congrès comme de son centre, s'étende et gagne promptement tout votre continent. Alors, certainement, l'Eucharistie : Sacramentum caritatis, quae est vinculum perfectionis 2, aura produit pleinement son effet.

Avec l'ardent désir que ces espérances se convertissent au plus tôt en féconde réalité, Nous bénissons toutes les personnes présentes : Nos Frères dans l'épiscopat avec tout leur clergé ; les autorités et tous les fidèles ; avec vous Nous bénissons Notre cher peuple bolivien, toujours présent en Notre coeur de Père.

2 S. Thomas, Summa theol., III 73,3 ad 3um.

RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES DE BELGIQUE POUR LE VII\2e\0 CENTENAIRE DE L'INSTITUTION DE LA FÊTE-DIEU A LIÈGE (30 juin 1946)


D'après le texte français des A. A. S., 38, 1946, p. 278.

Tandis que vous célébrez, chers fils et chères filles de Belgique, dans la ferveur de votre robuste foi, dans la joie de votre enthousiaste dévotion, le VIIe centenaire de l'institution par l'évêque de Liège, Robert de Torote, de la fête du Corps sacré du Seigneur, que vous appelez d'un si beau nom : « la Fête-Dieu », Notre esprit se reporte spontanément vers cette vision du ciel que l'apôtre saint Jean, après l'avoir contemplée de son regard d'aigle, racontait aux hommes en un langage qui n'est pas de la terre. De cette vision tout entière, le centre est l'Agneau, l'Agneau immolé, l'Agneau que suivent les vierges et dans le sang duquel les pécheurs, lavant leur robe souillée, se revêtent de splendeur, l'Agneau vers lequel convergent, avec les adorations de millions et de myriades d'anges, celles des foules innombrables de tous les peuples et de toutes les nations.

Le pinceau génial de vos compatriotes, les deux Van Eyck, a magnifié ce triomphe et cette fécondité de l'Agneau mystique, centre de l'Eglise, centre des esprits, des coeurs, des âmes, source permanente de toute vie, de tout bien, de tout salut, de toute vigueur, de toute sainteté, de tout amour 2.

2 Allusion au tableau l'Agneau mystique, de J. Van Eyck (1432).

Et voici que, ces deux dimanches, ce magnifique tableau s'est animé et, aujourd'hui même, en cet instant solennel, c'est dans la plus absolue réalité que l'Agneau de Dieu préside à votre imposante assemblée, en cette Belgique, terre eucharistique par excellence, où fleurit, autour du Verbe fait chair et fait Pain vivant, la plus merveilleuse histoire de l'activité humaine et chrétienne sous toutes les formes, par l'éclat des grandes chaires universitaires où vibre encore la voix des plus éminents docteurs, par l'épanouissement de tous les arts et de toutes les industries, par la sublime élévation de la sainteté, tant mystique qu'apostolique, par le foisonnement de toutes les oeuvres sociales et charitables. Faut-il Nous étonner que le Christ de lumière, d'amour et de charité ait choisi votre patrie pour lui confier, par le ministère caché de la vierge augustinienne de Cornillon 3, ce joyau de la liturgie catholique, la Fête-Dieu, afin que, brillant d'abord chez vous du plus pur éclat, il rayonne de chez vous sur le monde entier en sorte que tous, sans distinction de pays, de classes, de conditions, rassasiés de la même nourriture divine, goûtent ensemble la fortifiante douceur de l'unité et de la paix que signifient les apparences du pain et du vin sous lesquelles se voilent le corps, le sang, l'âme, la divinité du Christ, notre véritable aliment et notre véritable vie *.

Tel est l'objet de la prière qui monte ardente, de Notre coeur vers le Coeur de Jésus, présentée par le Coeur immaculé de Marie, Mère et Médiatrice ; qu'elle attire sur vous l'abondance de toutes grâces avec la Bénédiction que Nous allons vous donner dans toute l'effusion de Notre amour paternel à vous, peuple liégeois, à vos chefs spirituels et particulièrement aux nouveaux prêtres et sous-diacres ordonnés en cette mémorable journée.

3 Sainte Julienne de Cornillon est morte à Fosses (Belgique), le 5 avril 1258. Son culte a été approuvé par le pape Clément VIII.
4 Cf. secrète de la fête du Saint Sacrement.



Pie XII 1946 - BREF APOSTOLIQUE PROCLAMANT SAINTE ODILE PATRONNE CÉLESTE ET PRINCIPALE DE L'ALSACE