Pie XII 1956 - ( DISCOURS AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE PASTORALE LITURGIQUE


LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'OCCASION DE LA SEMAINE SOCIALE DES CATHOLIQUES D'ITALIE

(22 septembre 1956)1






A l'occasion de la XXIXe Semaine Sociale des catholiques italiens, inaugurée le 23 septembre, à Bergame, Son Exc. Mgr Dell'Aequa, a envoyé à Son Em. le cardinal Joseph Siri, archevêque de Gênes, président de la Semaine, une lettre, dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Cette année encore l'imminence de la Semaine sociale des catholiques italiens offre à Sa Sainteté l'heureuse occasion d'adresser à Votre Eminence et à tous ses actifs collaborateurs son salut paternel et ses encouragements.

Le sujet « Vie économique et ordre moral » n'est pas proposé pour la première fois dans des assises publiques à l'étude et à la réflexion des catholiques ; mais le thème n'en perd pas pour cela de son importance ou de son actualité, comme on le voit par le programme ample et organique des travaux et, surtout, si l'on considère que le dynamisme de la vie économique moderne amène au premier plan des problèmes toujours nouveaux et complexes, qui touchent étroitement à la morale.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 23 septembre, traduction française de VOsservatore Romano, éd. fr., du 6 octobre 1956.




Le choix de la ville qui aura cette année l'honneur d'offrir l'hospitalité à la « Semaine » a été également heureux. En effet, industrieuse et catholique, Bergame ajoute au rythme intense de son activité dans le secteur du travail l'honneur de traditions religieuses profondément enracinées dans son peuple : aussi semble-t-elle exprimer parfaitement en elle-même la synthèse de ces valeurs humaines et chrétiennes sur lesquelles la Semaine entend attirer l'attention.

Pour tous ces motifs, le Saint-Père se réjouit vivement et a confiance dans le bon succès de cette Session.



L'Eglise affirme — en vertu de sa mission divine — que la morale doit avoir sa place dans le monde économique contrairement à ce qu'enseignent certains économistes modernes.

Les difficultés nombreuses et sérieuses qui s'opposent à la solution des questions que vous discuterez n'échappent pas au Souverain Pontife. En effet, on se heurtera dès le début, à une mentalité largement répandue parmi les hommes de notre époque, selon laquelle, au nom de la science, on voudrait exclure la morale de l'économie ; douloureux aspect de ce processus de déchristianisation du monde moderne, qui, ayant séparé la vie sociale de Dieu, sa source, a donné naissance à une civilisation sans âme et a réduit l'homme — en un certain sens — à un simple complément de ses machines. L'économie — dit-on — a ses lois et l'homme doit tenir compte uniquement de celles-ci dans l'exercice de ses activités économiques, sans d'autres limites que celles imposées par le calcul utilitaire. Mais si la construction fictive de Yhomo ceconomicus peut être possible dans un domaine abstrait, elle ne l'est plus quand on descend sur le terrain pratique ; et les douloureuses expériences de ces dernières décades ont démontré avec éloquence combien il était dangereux, même dans le domaine économique, de subordonner l'honnête à l'utile, et combien il était illusoire de croire que la satisfaction des impératifs économiques suffit à apaiser et à remplacer les exigences de l'esprit, qui réclame sa supériorité sur la matière.

Précisément en raison de ces liens intimes entre l'économie et la morale, l'Eglise a toujours revendiqué pour elle — qui en conduisant les hommes vers le Ciel n'oublie pas, toutefois, que leur salut s'accomplit sur la terre — ; le droit de juger avec une autorité suprême même en matière économique, en tant que se référant à l'ordre moral. « Certes — déclarait Pie XI dans l'encyclique Quadragesimo anno — l'Eglise ne fut pas chargée de conduire les hommes à une félicité seulement temporelle et caduque, mais à la félicité éternelle... Mais en aucune manière ehe ne peut renoncer à la mission que Dieu lui a assignée d'inter-



venir avec son autorité propre, sinon dans les affaires techniques, pour lesquelles elle n'a ni les moyens ni la mission de traiter, du moins dans tout ce qui touche à la morale. En effet, dans cette matière, le dépôt de la vérité qui Nous a été confié par Dieu et le très grave devoir qui Nous a été imposé de divulguer et d'interpréter toute la loi morale et aussi d'en exiger, opportunément et importunément, l'observation, soumettent et assujettissent à Notre jugement l'ordre social aussi bien que l'ordre économique. »

Ceci établi, il est nécessaire de souligner certains principes que soit dans la Semaine elle-même, soit en ce qui concerne les exigences particulières du moment, Sa Sainteté considère d'une importance fondamentale pour la saine réorganisation de la vie économique en harmonie avec les postulats de la morale.



L'économie doit satisfaire les besoins de l'homme de manière qu'il sse assurer sa vie matérielle, culturelle et religieuse.

Avant tout, il faut que l'économie soit organisée de manière à répondre toujours mieux à son but final, qui est de satisfaire les besoins de l'homme ; c'est-à-dire, comme s'exprimait le Saint-Père dans le discours du 7 mars 1948, qu'elle doit « mettre de manière stable à la portée de tous les membres de la société les conditions matérielles réclamées pour le développement de leur vie culturelle et spirituelle » 2. En effet, dans une société bien ordonnée doit se trouver, comme l'affirme justement le Docteur angélique, corporalium bonorum sufficientia, quorum usus est necessarius ad actum virtutis 3.

Cette exigence éthique est également une exigence économique, car sans le respect de la loi morale, il n'y a point de saine économie. En tenant compte des exigences morales, on aboutit au dépassement de cette économie capitaliste, fondée sur des principes du libéralisme, qui situe dans le plus grand profit du chef d'entreprise la fin à peu près exclusive de la production ; ce qui est en nette opposition avec la dignité de la personne, car une telle conception implique la négation des valeurs spirituelles, l'exploitation inhumaine du travail, l'asservissement de l'homme à la machine, en vertu de quoi on cons-



Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 107. De Regimine Principum, 1, c. 15.

tate le douloureux paradoxe de notre époque, c'est-à-dire que « la matière inerte sort ennoblie de l'usine, alors que les personnes s'y corrompent et s'y dégradent » 4.



Les biens et richesses doivent profiter à tous.

Une juste organisation de la vie économique exige, en outre, la reconnaissance et le respect de la propriété privée des biens de production. Ceux-ci, selon la doctrine bien connue de saint Thomas, appartiennent certes à l'homme individu quantum ad proprietatem ; sed quantum ad usum non solum debent esse eius, sed etiam aliorum, qui ex eis sustentari possunt ex eo quod ei superfluit5. Ainsi apparaissent-ils ordonnés par Dieu non à la détention statique et improductive, ni non plus à l'enrichissement illimité et exclusif de quelques-uns, mais à la satisfaction des besoins de tous. Cela rend manifeste la double fonction, individuelle et sociale, de la propriété privée. C'est-à-dire que le propriétaire doit certes se Servir des biens en sa possession pour son utilité personnelle, mais aussi de manière que tous les membres de la collectivité à laquelle il appartient, en tirent le nombre légitime d'avantages.

4 Enc. Quadragesimo anno.

5 S. Thomas lia, Hae, q. 32, a. 5, ad 2.

6 Enc. Sertum Laetitiae à l'Episcopat des Etats-Unis, ier novembre 1939.




Parmi ces avantages, outre celui de satisfaire les besoins courants de la vie, qui est le propre des biens de consommation, il y a également celui offert par les biens durables et productifs, en tant qu'ils permettent au propriétaire de regarder avec sécurité l'avenir pour lui et pour sa famille. Aussi l'Eglise, qui a toujours défendu la légitimité de la propriété privée, en a d'autre part affirmé avec non moins d'énergie la fonction sociale, en rappelant la nécessité que les biens créés par Dieu pour tous les hommes parviennent avec équité à tous 6 et que l'on arrive à un ordre économique, où soit donnée à tous la possibilité concrète de se procurer une propriété, même modeste, de biens stables. De la sorte se trouve exclue la principale cause des désordres sociaux, dus à l'instabilité économique des classes moins favorisées et au manque d'une répartition équitable des richesses, concentrées entre les mains de quelques-uns. A ce propos, le Souverain Pontife faisait justement observer : « La richesse économique d'un peuple ne consiste pas dans l'abondance même des biens... car, si secourable que soit une heureuse abondance de biens disponibles, le peuple, n'étant pas appelé à y participer, ne serait pas économiquement riche, mais pauvre. Faites au contraire que cette juste distribution soit effectuée réellement et de manière durable, et vous verrez un peuple, même s'il dispose de moins de biens, devenir et être économiquement sain » 1.



La juste répartition des biens ne doit pas être confiée uniquement à l'initiative privée ni au libre jeu des forces économiques. L'Etat doit intervenir mais seulement comme promoteur et régulateur.

7 Radie-message de Pentecôte 1941.

8 Cf. Documents Pontificaux 1949, p. 161.




Il est évident que la réalisation de ces objectifs ne peut être confiée uniquement à l'initiative privée et, encore moins, comme le voudraient beaucoup, au libre jeu des forces économiques. Cette doctrine se fonde sur une fausse conception de l'Etat et de l'homme et conduit inévitablement à cette lutte de classe, qui souvent a mis à dure épreuve le développement graduel de l'économie. L'égoïsme étant un fait trop fréquent dans ce domaine, il appartient à l'Etat, comme promoteur du bien commun, de rappeler les individus à leurs devoirs sociaux et de discipliner, toujours dans les limites de la justice et de l'honnêteté, leurs activités économiques, en harmonie avec le bien commun. Mais ce serait une erreur non moins funeste d'assigner à l'Etat la charge de régler entièrement la vie économique jusqu'à l'extinction de toute initiative privée, dans le but de réaliser l'idéal d'une égalité chimérique entre tous les hommes. Dans ce domaine également, l'intervention de l'Etat n'est que subsidiaire ; son action se conformera à la justice sans supprimer l'initiative des individus, mais en n'intervenant seulement pour la stimuler et la coordonner, comme le réclame le bien commun, en laissant aux citoyens et aux organisations mineures les fonctions qu'ils sont capables de remplir avec leurs propres moyens. Dans son discours du 7 mai 1949, le Saint-Père déclarait : « Pas plus que n'importe quelle autre branche de l'activité humaine, l'économie n'est pas une institution d'Etat ; elle est au contraire le produit vivant de la libre initiative des individus.8 »

Toutefois tous les efforts seraient vains sans une loyale collaboration entre les différentes classes sociales.

Mais les efforts pour donner naissance à une économie au service de l'homme seraient en grande partie frustrés si l'on n'arrivait pas à une atmosphère de collaboration loyale et active entre les différentes classes sociales, spécialement dans le monde du travail. Les diverses parties de l'organisme social sont faites non pour se combattre réciproquement, mais pour se compléter dans une féconde harmonie d'activités et d'ceuvres. Les organisations des travailleurs ont été elles-mêmes encouragées par l'Eglise, non dans le but de s'opposer aux employeurs, mais bien pour favoriser l'harmonie entre le capital et le travail et atteindre ainsi les buts économiques auxquels elles aspirent à juste titre. Ce serait donc une grave erreur de considérer les organisations professionnelles « comme une arme exclusivement destinée à une guerre défensive et offensive, qui provoque des réactions et représailles... comme un flot qui déborde et divise », alors qu'elles doivent être plutôt, toujours selon la pensée de Sa Sainteté, « un pont qui unit » 9.

Il convient de reconnaître que, depuis quelque temps, on assiste à une nouvelle situation moins tendue dans les rapports entre les différentes classes. Il suffit, entre autres, de penser à ces mouvements surgis récemment, qui entendent rétablir les relations humaines dans le cadre de l'entreprise sur un plan plus élevé, qui ne soit pas exclusivement économique. Il est également vrai, cependant, que cette évolution favorable est trop lente, du fait que les résistances suscitées par l'égoïsme et par l'individualisme sont encore extrêmement tenaces.

9 Discours du 24 janvier 1946.




Aussi une plus grande sensibilité sociale est-elle réclamée de la part des catégories directement responsables, dans le but d'améliorer les anciennes formules de rétribution et de faire participer de plus en plus à la vie, aux responsabilités et aux fruits proportionnels de l'entreprise, les travailleurs, qui doivent s'exposer à des risques si sérieux sur le champ du travail, comme, malheureusement, on en a fréquemment la preuve douloureuse. Les chefs d'entreprise, qui s'opposent à cela au nom d'une conception absolutiste de la propriété, devraient méditer les graves paroles du Souverain Pontife régnant : « Nous voudrions

Nous abstenir de qualifier la conduite pratique de certains défenseurs du droit de propriété privée, qui, par leur manière d'interpréter l'usage et le respect de cette même propriété, parviennent, mieux que leurs adversaires, à ébranler cette institution. 10 »

Quant à l'ouvrier, on exige de lui l'engagement constant à remplir ses devoirs professionnels ; et il commettrait une injustice s'il était négligent dans son travail et ne fournissait pas la part de production que l'on attend de lui à bon droit.



C'est la religion qui est la meilleure sauvegarde des principes de ustice et de la charité dans la société.

La nécessité de cette collaboration féconde dans la vie économique — qui est de plus en plus sentie sur le plan non seulement national mais aussi international — fait comprendre qu'un sain renouvellement de l'économie est inséparable d'une réforme des moeurs. Car si les parties opposées demandaient à Dieu et à la religion la claire vision de leurs droits et de leurs responsabilités, il n'est pas douteux qu'au lieu de maintenir à tout prix des positions acquises ou de renverser l'ordre établi, elles s'efforceraient sincèrement de conserver ce qu'il y a de légitime et de changer ce qui mérite d'être changé. De la sorte, la religion se trouve à la base de la vie économique et, dans la mesure où ses postulats moraux sont sauvegardés, c'est-à-dire selon les normes de la justice et de la charité, l'économie politique elle-même prospère. Du reste, qui peut mesurer la portée de la charité chrétienne laquelle rend agissante la justice elle-même quand elle est appliquée dans les différents domaines de la vie économique et de l'économie politique tels que sont par exemple la production et la distribution des biens, la circulation de la richesse, l'organisation du service social, le chômage, l'insécurité économique des travailleurs ? Devant ces problèmes, en donnant une valeur surnaturelle à ces sentiments qui, déjà par nature, rendent l'esprit humain ouvert et généreux envers le prochain, la charité chrétienne pousse à accomplir ce qui dépasse les limites de la stricte justice ; ainsi l'activité économique prend-elle la valeur d'un service social fraternel, au sein de la communauté transformée en famille de Dieu. Ce n'est pas pour rien que Léon XIII, dans l'encyclique Rerum Novarum affirmait qu'en définitive le salut de la société doit être principalement le fruit d'une grande effusion de charité.

Ces considérations doivent persuader que la moralisation de la vie économique est une exigence profondément humaine et chrétienne, si l'on veut que fleurissent dans celle-ci les plus hautes valeurs, servies et non bouleversées par l'économie.

La prochaine Semaine sociale ne manquera certainement pas de constituer une aide efficace pour une formation plus complète des consciences en ce qui concerne les multiples responsabilités individuelles et sociales dans la sphère des activités économiques ; puisse-t-elle ainsi contribuer à répandre de plus en plus le souffle vivifiant du christianisme au milieu du matérialisme de la civilisation de notre temps, orgueilleuse de ses conquêtes, mais à laquelle saint Augustin pourrait encore répéter : « La société ne peut être dite heureuse... seulement parce qu'elle a de nombreux enfants, des femmes ornées comme un temple, des magasins pleins à profusion, des troupeaux féconds, des boeufs gras... Certains dirent „ bienheureux un tel peuple ", mais ils se trompèrent. Beatus populus cuius Dominus Deus ipsius » 11.

Avec ce souhait, Sa Sainteté envoie de tout coeur à tous les participants à la Semaine et, en particulier, à Votre Eminence Révérendissime, en présage des faveurs célestes, le réconfort de la Bénédiction apostolique.



























Ep. CIV, 7 ; Migne, P. t., 33, 669.




ALLOCUTION AU PRÉSIDENT DU LIBÉRIA

(23 septembre 1956) 1






Le dimanche 23 septembre, le Souverain Pontife a reçu en audience solennelle le président de la République du Libéria, Son Exc. le Docteur William V. S. Tubman et sa suite. Il leur a adressé, en anglais, l'allocution suivante dont voici la traduction :

Nombreux sont les liens, M. le Président, qui Nous lient, dans l'estime et l'affection, à votre courageux et industrieux peuple du Libéria. Pourrions-Nous ne pas regarder la très aimable visite de Votre Excellence au Siège apostolique comme un signe encourageant que ces sentiments continuent à être mutuels ?

Votre insigne carrière publique, M. le Président, tout d'abord comme juriste dans l'administration de la loi souveraine d'une jeune république et ensuite comme homme d'Etat élu trois fois par une nation libre, industrieuse et pacifique, à la plus haute charge qu'elle puisse offrir, aura fortifié au cours des années, Nous n'en doutons pas, la persuasion que les bénédictions de la foi chrétienne et la compréhension fraternelle entre les races des hommes sont la condition indispensable et le présage le plus sûr de prospérité pacifique chez vous et à l'étranger.

La famille, l'Eglise et l'Etat, ces puissants piliers de la société humaine et de ses diverses cultures, dans votre Afrique natale et pareillement dans toute autre région, doivent leur institution au pouvoir créateur et à la miséricorde fortifiante de Dieu ; c'est à Dieu aussi qu'ils devront leur stabilité ; Vous avez bien eu l'occasion de constater dès vos premiers débuts politiques sur les côtes ensoleillées de l'Atlantique du sud, la vérité de

l'avertissement du Maître, à savoir que bâtir sur un autre fondement serait bâtir sur du sable (Mt 7,24-27). Puissent les maîtres et les enfants des florissantes écoles bien apprendre et retenir par coeur cette sage leçon pour le jour où l'ennemi de tout ce qui est Dieu ou vient de Dieu tenterait de bouleverser la patrie que leurs pères ont si patiemment fondée avec son aide sur les valeurs spirituelles.

Nous n'avons pas besoin de répéter l'assurance que, demain comme aujourd'hui, Nos loyaux fils et filles du Libéria, avec leurs dévoués missionnaires, ne le céderont à personne dans l'utilisation de leur liberté civique pour servir et, au besoin, défendre les intérêts permanents de leur pays dans la justice sociale et dans l'amitié. Dans un monde sous-alimenté spirituellement, leur foi, comme leur patriotisme, leur rappellera toujours que ces vertus et les autres vertus chrétiennes, cultivées jusqu'aux plus lointaines limites de vos forêts luxuriantes et de vos riches mines, doivent devenir et demeurer votre bien national le plus précieux, au-delà et au-dessus des produits de l'industrie et de l'artisanat du Libéria, dont vous avez le droit d'être fiers.

Telles sont les espérances que Nous avons dans le coeur, telle est la prière que Nous adressons au Dieu tout-puissant, en invoquant les lumières divines pour les travaux de votre charge et l'abondance des grâces célestes pour votre famille et les insignes membres de votre suite ici présents, pour votre gouvernement et pour le cher peuple.


MESSAGE AUX CATHOLIQUES DE FRANCE

(24 septembre 1956)1






Sa Sainteté Pie XII a reçu en audience, le 24 septembre dernier, à Castelgandolfo, Son Em. le cardinal Gerlier et lui a remis la déclaration manuscrite suivante au sujet des difficultés de l'heure présente et de l'anxiété qu'elles créent dans beaucoup d'âmes de prêtres ou de militants :

Dites à Nos chers fils que l'Eglise et son pauvre Chef connaissent leurs angoisses, leurs cloutes, les problèmes qui les inquiètent. Que le Pape les aime d'un amour d'autant plus ardent et paternel qu'il les sait dans la peine. Qu'il est anxieux de les aider, anxieux de faire parvenir le message du salut aux multitudes qui l'ignorent. Qu'il s'occupe sans cesse de la question sociale. Qu'il aime d'un amour spécial la France, comme il l'a montré, même tout récemment, dans un message où il mit tout son coeur, mais qui n'est pas parvenu à la connaissance de la plus grande partie du peuple français. Qu'il désire la prospérité, le bonheur, la grandeur de leur patrie.

D'autre part, le Pape a le devoir de garder et de défendre la pureté et l'intégrité de la doctrine et de la morale catholiques. Depositum custodi (1Tm 6,20).

1 D'après le texte de la Documentation Catholique, t. LUI, col. 1302.




Courage, chers fils, travaillez avec ferveur. Ayez confiance dans la protection divine. Recevez Notre paternelle Bénédiction et qu'elle répande sur vous les grâces les plus choisies et les plus fécondes.


ALLOCUTION AU PRÉSIDENT DE COSTA-RICA

(27 septembre 1956) 1






Le jeudi 27 septembre, Sa Sainteté Pie XII a reçu en audience à Castelgandolfo Son Exc. M. José Figueres Ferrer, président de la République de Costa-Rica. Au terme de l'entretien, le Saint-Père adressa au président et à sa suite, une allocution en espagnol, dont nous donnons la traduction :

Votre visite, Monsieur le Président, ainsi que celle des illustres personnages qui vous entourent en ce moment, Nous offre l'occasion de manifester Notre satisfaction de pouvoir recevoir le déférent hommage de tant de dignes représentants d'un peuple pacifique et cultivé ; elle fait aussi vibrer les fibres les plus délicates de Notre coeur de Père, en Nous rappelant le nom d'une nation — la très chère Costa-Rica — de si évidente origine catholique, que l'on pourrait bien dire qu'il y a là une note personnelle et essentielle de sa noble physionomie.

Mais c'est précisément dans l'union et dans l'harmonie de ces deux sentiments que Notre parole trouve la voie offerte pour formuler Nos meilleurs voeux en faveur du cher peuple de Costa-Rica, avec la certitude qu'il saura toujours répondre à sa vocation chrétienne et catholique, pour obtenir également le bien et la prospérité temporels auxquels il est sans aucun doute appelé.

Si, en effet, la fidèle observation des préceptes divins et des devoirs qu'impose à chacun, selon son état, la condition de chrétien et de catholique a une profonde valeur dans l'intimité secrète de la conscience, elle acquiert aussi par sa nature même une très haute influence sociale, en donnant stabilité et confiance aux relations entre les hommes, en assurant une base


PRESIDENT DE COSTA-RICA



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irremplaçable à l'autorité légitime, en consolidant cette pierre fondamentale de toute société bien organisée qu'est la famille, et en ouvrant même un avenir serein par la parfaite formation, surtout morale et religieuse, des futurs membres de cette même société.

En s'inspirant précisément des sages normes dictées par la doctrine sociale catholique votre pays donne, Monsieur le Président, un clair exemple de leur efficacité infaillible et transcen-dentale, par son net progrès, sa tranquille harmonie et son indubitable stabilité. Nous espérons le voir avancer toujours sur un chemin si flatteur. Les heureuses relations existant entre l'Eglise et l'Etat dans votre nation semblent offrir la meilleure garantie pour cela. Et Nous avons vu dans la décision d'élever la Légation près le Saint-Siège au rang d'Ambassade une preuve éloquente du désir particulier qui anime votre gouvernement de consolider et améliorer de si bonnes relations, pour le grand avantage des deux pouvoirs et le bien particulier du peuple de Costa-Rica.

La vieille Castille d'Or, pont entre les deux blocs qui forment ce continent, balcon ouvert sur deux mers, qui sont deux routes d'échange et de vie, sol généreux et fécond, qui offre avec facilité ses fruits abondants et parfumés, ciel limpide et bleu comme un grand pavillon familial d'amour et de félicité, a devant elle un grand avenir chargé de promesses. Notre désir est de les voir non seulement réalisées, mais même centuplées.

Nous désirons, Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames, qui êtes en ce moment auprès de Nous, que Notre Bénédiction soit reçue comme un gage des faveurs divines les plus insignes ; et Notre dernière parole sera pour vous demander de l'apporter, à votre retour, à tous Nos fils de Costa-Rica, avec, en même temps, l'affection la plus sincère de votre Père de Rome.


ALLOCUTION AUX DIRECTEURS DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE

(27 septembre 1956) 1






Le jeudi 27 septembre, le Souverain Pontife a reçu en audience à Castelgandolfo les religieux jésuites directeurs nationaux de Y Apostolat de la prière et des groupements associés. Il leur parla en latin, et nous donnons la traduction de son allocution :

Nous sommes comblé de joie, très chers fils, à vous voir réunis autour de Nous, directeurs, zélateurs et coadjuteurs de la pieuse association de « l'Apostolat de la prière ». Vous êtes venus à Rome des régions les plus éloignées du monde pour examiner d'abord, dans la mesure où l'expérience de ces cinq années vous a informés, si les statuts de votre confrérie, renouvelés il y a cinq ans et approuvés par Nous, gardent la force d'innerver, avec plus de profondeur et de vigueur, votre action et votre direction pastorales. Vous examinez ensuite les moyens et les modes d'action plus parfaitement adaptés à la fin que poursuit le zèle des âmes, et enfin, la manière d'accroître le culte lui-même du Sacré-Coeur de Jésus, après que Nous-même précisément, par Notre lettre encyclique Haurietis aquas 2, Nous Nous sommes proposé de le stimuler dans les âmes.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 674 ; traduction française de VOsservatore Romano, du 26 octobre 1956.

2 Cf. Documents Pontificaux 1956, pp. 270 et ss'.

3 Cf. Documents Pontificaux 2951, pp. 465 et ss.




Il Nous est extrêmement agréable que vos délibérations aient porté de nombreux fruits. Nous-même, à plusieurs reprises, et spécialement dans Notre lettre du 28 octobre 19513 a votre directeur général, Nous avons approuvé et confirmé votre oeuvre et vos buts. Aujourd'hui, il Nous plaît d'aborder des idées plus générales qui concernent l'esprit de l'Apostolat de la prière et ses rapports avec les autres associations de l'Eglise.


APOSTOLAT DE LA PRIERE



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Le Saint-Père indique la différence entre l'association de « l'Apostolat de la prière » et « l'Apostolat des laïcs ».

1) Commençons par la différence particulière qui existe
entre « l'Apostolat de la prière » et « l'Apostolat des laïcs ».
Il Nous semble certain que jamais les fidèles n'ont été plus
invités qu'aujourd'hui, à exercer l'apostolat. De plus, Nous sa-
vons que nombre d'esprits soutiennent que tous les chrétiens
doivent s'enrôler dans cet apostolat. En quoi cependant, il faut
user de modération et de prudence. Pour exercer l'apostolat,
sont requises des qualités particulières et profondes d'âme, et
même certaines conditions de vie, qui ne sont pas le fait de
tout le monde ; les fidèles ne sont pas tous d'excellents caté-
chistes, orateurs ou propagateurs de la doctrine catholique ; ils
ne sont pas tous capables de toucher et d'attirer à leur cause
ceux avec qui ils vivent ; en outre, dans le souci d'une famille
qu'ils ont été appelés à fonder et qui doit toujours tenir la
première place dans leurs préoccupations, beaucoup ne trouvent
plus ni loisirs ni forces pour les oeuvres particulières de
l'apostolat.



Il signale un apostolat à la portée de tous : celui de la prière et du bon exemple.

Cependant tous les fidèles peuvent exercer deux genres ou deux formes d'apostolat : celui du bon exemple et celui de la prière. Ces formes d'apostolat, en effet, ne requièrent ni temps ni forces spéciaux. Il y est seulement demandé que chacun s'y montre chrétien sincère et vive en étroite union avec le Christ. Le but de votre association est précisément d'instruire les fidèles de ces préceptes et de ces règles de vie et de les y exercer. Votre zèle peut donc toucher tous ceux qui, animés d'un esprit d'apostolat, ne peuvent cependant s'adonner aux oeuvres particulières de l'apostolat.



Une autre forme d'apostolat exige outre les deux conditions précédentes, une vie intérieure intense.

2) Mais, il ne s'agit pas seulement de ceux-là, car si l'apos-
tolat de la prière et celui du bon exemple portent en eux-mêmes
leur fruit, et se suffisent presque à eux-mêmes, cela ne peut
se dire de certains genres d'apostolat. En effet, ceux-ci exigent
déjà dans celui qui s'y livre l'esprit d'oraison et l'exemple parfait d'une vie chrétienne, comme il est dit dans les constitutions de votre association4. « C'est par les choses intérieures (c'est-à-dire des vertus solides et l'étude des choses spirituelles) que l'on peut donner de l'efficacité aux choses extérieures, selon la fin qui nous est proposée », ainsi que l'enseigne fort bien l'usage de tous les jours.

C'est pourquoi Nous souhaitons vivement que tous ceux qui s'appliquent aux oeuvres extérieures de l'apostolat, s'adonnent à l'apostolat de la prière, et s'imprègnent de son esprit : clercs et laïcs, hommes et femmes, auxiliaires de l'apostolat hiérarchique dans l'Action catholique ou dans les autres associations.



« L'Apostolat de la prière » possède des pratiques qui lui sont propres.

3) En vérité, il est éminemment souhaitable qu'on s'adonne à l'apostolat de la prière selon la forme que lui a prêtée votre pieuse association. Si, en effet, comme il est de prescription dans les autres pieuses sociétés, il est profitable et louable de réciter certaines prières pour gagner des indulgences et aider le travail apostolique, votre société n'impose même pas ces oeuvres pieuses ; par contre, elle amène à une forme parfaite d'apostolat de la prière : chaque jour, ses membres offrent leurs prières et actions, leurs faits et gestes, ce qui peut leur advenir de bien et d'épreuve, bien plus leur personne elle-même, à Dieu et au Christ ; ils assistent le plus souvent possible au sacrifice de Jésus-Christ, imitent l'exemple de la Bienheureuse Vierge Marie, aux intentions du Souverain Pontife, pour le bien et l'accroissement de toute l'Eglise.

4 P. X., n. 2, Epitome n. 847, g 2.

5 L. IV, c. 8, 1-2.




Dans l'Imitation de Jésus-Christ5 le Seigneur parle ainsi a l'âme fidèle : « Comme je me suis offert volontairement à Dieu mon Père, pour vos péchés, les mains étendues et le corps nu sur la Croix, en sorte qu'il n'est rien demeuré en moi qui n'ait été offert dans ce sacrifice de votre réconciliation avec Dieu, vous devez, de même, vous offrir volontairement à moi, tous les jours, à la messe, en oblation pure et sainte de vous-mêmes, de toutes vos puissances, de toutes les affections de votre coeur, et aussi intimement que possible » et Nous ajoutons « pour le salut du monde ». Voilà l'essence intime de l'apostolat de la prière. Il s'ensuit de là, presque nécessairement, pour ceux qui l'exercent, que leur vie soit toujours plus sainte et plus pure, qu'ils se conforment au Christ, de sorte qu'ils soient comblés de son amour et qu'ils croissent, en lui et par lui, dans le culte du Sacré-Coeur Rédempteur. Ce culte, en effet, n'est autre qu'une dévotion passionnée à l'amour divino-humain de Jésus, dans toute sa plénitude, depuis l'amour incréé et infini jusqu'aux palpitations de son coeur humain créé, telles des ondes visibles, naissant de l'océan de son amour et se mouvant jusqu'à nous. D'autant plus cette dévotion croîtra et se développera — et tel sera l'effet naturel de l'Apostolat de la prière — d'autant plus faudra-t-il la croire sincère, et poussera-t-elle des racines plus profondes dans l'âme.



Le Saint-Père termine en rappelant que Y Apostolat de la prière ne rivalise pas avec les autres formes d'apostolat mais les renforce.

4) De tout ce qui a été dit jusqu'ici, il ressort facilement que l'apostolat de la prière n'est pas une association ou une organisation qui rivalise avec d'autres pieuses sociétés semblables ; il ne les combat point mais s'unit à elles de telle sorte qu'il les pénètre comme un air pur et sain : la vie surnaturelle et l'action apostolique en sont alors, partout et toujours, renouvelées et affermies.

C'est pourquoi, bien qu'à cause de son développement, l'Apostolat de la prière ne puisse manquer de coordonner méthodiquement ses membres, cependant, si, enfin, l'apostolat lui-même s'exerce déjà de façon vivante par des particuliers, cette « organisation technique », selon le mot propre, pourrait s'effacer d'autant plus que s'étendrait davantage l'Apostolat de la prière, selon l'usage commun des oeuvres apostoliques dans l'Eglise.

Nous souhaitons de tout coeur que cela se réalise sous la protection de Dieu Un et Trine, avec la grâce et l'aide du Christ, et comme gage d'accroissement pour l'Apostolat de la

prière, à vous très chers fils, à tous vos associés dans l'oeuvre, et à tous les membres de votre association, Nous donnons affectueusement Notre Bénédiction apostolique.




Pie XII 1956 - ( DISCOURS AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE PASTORALE LITURGIQUE