Pie XII 1956 - 4 T. XIV, 1024, P- 35«-


LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA CONFÉRENCE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES

(12 mars 1956) 1






A l'occasion de la Conférence des organisations internationales catholiques, qui a tenu des sessions à Milan-Gazzada du 16 au 19 mars, Son Exc. Mgr Dell'Acqua a adressé la lettre suivante au président, M. Raoul Delgrange :

A plusieurs reprises déjà, au cours de ces dernières années, la Secrétairerie d'Etat s'est faite, auprès de la Conférence des Organisations internationales catholiques, l'interprète du bienveillant intérêt que le Saint-Père porte à ses travaux. Nul ne peut ignorer aujourd'hui que l'existence et l'action de la Conférence sont appréciées par le Saint-Siège, et que celui-ci attend d'elle un rayonnement croissant, fondé sur la compétence professionnelle et le zèle surnaturel des catholiques qui l'animent. Comme je le rappelais à la veille de la session de Rio de Janeiro, toute organisation agréée par la hiérarchie et qui se serait jusqu'ici tenue à l'écart de ce vaste courant, est invitée à prendre sa part de l'effort commun.

1 D'après la Documentation Catholique, t. LUI, col. 678.




Ces encouragements explicites, il n'est pas inutile de les évoquer et de les confirmer, au moment où va s'ouvrir à La Gazzada, près de Milan, l'assemblée générale de la Conférence, qui retient chaque année à juste titre l'attention de l'opinion. Les travaux, inaugurés dans la basilique de Saint-Ambroise, se dérouleront d'ailleurs sous l'égide de Son Exc. Mgr Montini. dont toutes vos organisations ont pu si souvent apprécier dans le passé les conseils autorisés et l'inlassable dévouement. Le Saint-Père se réjouit personnellement de cette heureuse circonstance et forme de tout coeur les meilleurs voeux pour le succès de la présente session.

L'assemblée de La Gazzada se doit, en effet, de correspondre, par l'efficacité de ses travaux et la valeur de ses conclusions, à l'attente de tous ceux qui comprennent la nécessité, au plan de l'apostolat, de liaisons internationales plus organiques et d'un effort d'ensemble proportionné aux besoins de l'heure. Qu'il me soit permis de me faire à nouveau, sur ce point, l'interprète de la pensée du Saint-Père.

Au service de la hiérarchie, à qui incombe la responsabilité de l'apostolat, la Conférence des O. I. C. est désormais, par sa structure et grâce à ses divers organes de travail — toujours perfectibles d'ailleurs — une institution valable et estimée. Son rôle n'est pas de diriger l'action propre des Organisations internationales catholiques ; il s'agit encore moins de se substituer à elles ; son rôle, plus discret mais combien nécessaire, est tout entier d'impulsion et de coordination. Or, pour le bien remplir, il importe au plus haut point que les membres de l'assemblée portent résolument leurs regards sur les problèmes de leur compétence qui aujourd'hui dans le monde sollicitent le généreux concours des chrétiens ; qu'ils étudient ensemble les tâches à mener en commun et mûrissent les décisions opportunes. Attentifs aux paroles du Saint-Père, qui ne cesse d'exhorter et d'enseigner ses fils, ils auront à coeur de susciter dans les divers pays et à travers leurs Organisations respectives, l'action coordonnée et efficace qu'on est en droit d'attendre de leur intervention.

Combien de misères pourraient être soulagées, combien de menaces écartées, d'appels entendus, de droits sauvegardés, si les catholiques étaient ainsi stimulés à conjuguer leurs efforts et à les faire converger vers les nécessités les plus graves et urgentes de la vie catholique mondiale !

Mais quiconque se préoccupe d'un apostolat mieux organisé et donc plus efficace, doit se souvenir qu'il n'est pas d'efficacité surnaturelle concevable — dans la paroisse comme au plan de la vie internationale — si la grâce ne féconde pas ses labeurs. Quelle que soit l'ampleur de nos entreprises apostoliques, c'est Dieu seul qui donne la croissance (1Co 3,6) et la prière demeure, avec la charité et le sacrifice, la grande arme spirituelle de l'apôtre.




ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES 125

« Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, dit le psalmiste, c'est en vain que peinent ceux qui la bâtissent » (Ps. CXXVI, a). Constructeurs de la cité de Dieu, ne l'êtes-vous pas à un titre très spécial, vous qui avez reçu pour tâche de collaborer à l'oeuvre de l'Eglise en vue d'instaurer, dans les structures et les relations nouvelles de la vie internationale, le règne d'amour, de justice et de paix du Coeur de Jésus ? Aussi serait-ce en vain que se perfectionneraient les méthodes de travail, si venaient à s'estomper les fins éminemment apostoliques et surnaturelles de votre activité et les exemples de sainteté laissés par tous les grands bâtisseurs de chrétientés. Qu'il s'agisse donc d'éducation chrétienne ou d'assistance charitable, de problèmes d'apostolat ou de questions sociales, de techniques modernes ou de culture, une même intention fondamentale présidera à vos débats, déterminera vos résolutions, dictera vos moyens d'action : celle de faire connaître et aimer toujours davantage le Christ, Sauveur du monde.

Dans cette perspective, la nécessité d'une vraie collaboration fraternelle entre les membres de la Conférence devient plus rigoureuse encore, puisque la charité entre chrétiens est le signe qui authentifie leur témoignage (Jn 13,35). Et l'apostolat prendra alors, au sein de vos Organisations, ses dimensions vraiment « catholiques », faisant appel à l'active participation de tous, ne connaissant pour son zèle ni limites de frontières, ni barrières raciales, ni oppositions sociales, ni différences de cultures. Le temps n'est plus aux efforts dispersés ni aux vaines rivalités d'influence. Que chacun, soumis à l'évêque, respectueux d'autrui, ouvert à toutes les bonnes volontés, prenne courageusement sa part de travail dans le champ du Seigneur.

Le Saint-Père ne doute pas qu'un tel esprit animera de plus en plus les travaux de la Conférence, et c'est dans cette confiance qu'appelant sur tous les participants de la prochaine assemblée une large effusion de grâces, il leur accorde de grand coeur, ainsi qu'à vous-même, une paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉNÉDICTION DE LA PREMIÈRE PIERRE DU NOUVEAU COLLÈGE ESPAGNOL OFFERT AU SOUVERAIN PONTIFE PAR L'ESPAGNE

(15 mars 1956) 1






Après la bénédiction de la première pierre du nouveau collège espagnol, le Saint-Père a adressé aux assistants une allocution en espagnol, dont voici la traduction :

Soyez les bienvenus en présence du Père commun, dignes représentants du « Comité national d'hommage au Pape » ; hommage qui ainsi qu'on le sait, consiste en la construction, ici à Rome, d'un siège plus digne et plus ample pour le Collège pontifical espagnol, et en l'offrande de ce nouveau collège à Notre humble personne.

Soyez les bienvenus, surtout, pour l'occasion que vous Nous offrez de pouvoir vous exprimer les remerciements les plus complets, et, par vous, à toute la généreuse nation espagnole qui, lorsqu'il s'agit du Pape, ne saurait mettre, semble-t-il, de limites à ses largesses. Mais Nous tenons vivement à vous faire remarquer que Notre gratitude ne reconnaît pas comme unique motif le don que vous Nous offrez ; Notre gratitude va beaucoup plus loin, car elle résulte avant tout et principalement de la considération du grand bien que ce collège fera à toute l'Espagne en lui donnant de nombreux prêtres bien formés ; et le bien de l'Espagne, ainsi que celui de toute la chrétienté, le Pape le considère comme son propre bien et pour cela sent le devoir d'exprimer ses remerciements.

Aucune indication ne Nous semble nécessaire dans le cas présent, car l'entreprise se trouve dans de si bonnes mains que toute illustration apparaîtrait superflue. Et Nous sommes certain que vous saurez faire un collège ample et spacieux, loin de toute ostentation et de tout excès, mais approprié dans tous ses détails à la fin qu'il se propose : on tiendra donc compte qu'il doit être tout d'abord une maison de formation des esprits, puis un centre d'études supérieures bien doté et enfin aussi un foyer de formation humaine, d'où les jeunes clercs puissent sortir avec une préparation intégrale digne de cette Rome, tête et coeur de l'Eglise, et digne de cette Espagne qui les attend avec anxiété pour faire d'eux ses guides et ses pasteurs.

2 C'est au cours d'une audience accordée à-LL. EE. les cardinaux Henri Pia y Deniel, archevêque de Tolède et Fernand Quiroga y Palacios, archevêque de Saint-Jacques de Compostene, accompagnés des1 membres du Comité spécial d'Espagne, pour la célébration des heureux anniversaires de sa naissance et de son pontificat que le Saint-Père a béni la première pierre du nouvel édifice du Collège espagnol à Rome, construit en hommage à Sa Sainteté, grâce aux offrandes des catholiques et du gouvernement d'Espagne. Le collège sera édifié non loin de la Cité du Vatican, au début de la via Aurélia.

3 Au cours de l'audience, un recueil de ses encycliques, publié par les soins de l'Action catholique espagnole, a été présenté à Sa Sainteté, ainsi qu'un album illustrant les offrandes filiales faites par les employées des centrales téléphoniques de Madrid pour les oeuvres de bienfaisance du Souverain Pontife.




Vous donc, Eminences, qui portez avec tant d'honneur la pourpre romaine 2 ; Vous, vénérable Frère en l'épiscopat, et vous tous, fils très chers, allez dire au bon peuple catholique espagnol que le Saint-Père lui est reconnaissant une fois de plus de sa générosité et espère avec ferveur voir se réaliser de si magnifiques projets, qui doivent ensuite tourner en un si grand bien pour toute l'Eglise en Espagne ; et, si Notre Bénédiction peut servir de stimulant pour susciter de nouvelles collaborations et pour encourager encore plus ceux qui l'ont déjà offerte, Nous l'accordons avec toute l'ampleur, avec toute l'affection que Nous conservons toujours pour la très noble nation espagnole dans Notre coeur de Père, et avec tout l'intérêt que mérite une idée si belle et de si grande gloire pour Dieu. Que le patriarche béni, saint Joseph, patron spécial du collège, prenne dès à présent sous sa protection ce projet et ne l'abandonne pas jusqu'au jour où nous pourrons tous voir une de ses images couronner le sommet le plus élevé de toute la construction et répandre de là ses abondantes bénédictions 3.


DISCOURS A DES ÉTUDIANTS ESPAGNOLS

(20 mars 1956) 1






Le matin du 20 mars, le Saint-Père a reçu en audience spéciale un important groupe d'étudiants espagnols inscrits à la Faculté de Jurisprudence de l'Université centrale de Madrid et de l'Université « Deusto » de Bilbao. Il leur a adressé en espagnol un discours dont nous donnons la traduction suivante :

Le fait qu'au milieu des charges — en réalité ni ordinaires ni légères — des commémorations et audiences de ces jours-ci, Nous ayons tenu de toute façon à trouver ces quelques minutes pour les passer avec vous, très chers fils, vous dira mieux que tous les raisonnements l'intérêt que Nous avions à vous recevoir pour accueillir votre hommage, pour avoir la possibilité de vous adresser quelques brèves paroles et pour ne pas laisser passer l'occasion de vous accorder Notre Bénédiction paternelle.

Vous êtes la jeunesse, promesse certaine d'un meilleur avenir dans un monde plein de ténèbres et d'incertitudes, que Notre regard désirerait scruter pour pénétrer ses nécessités et le préparer le mieux possible ; une jeunesse universitaire, c'est-à-dire une sélection qui, ordinairement, doit former, dans l'avenir inconnu, la classe dirigeante, chargée de donner non seulement le ton, mais aussi la direction et le mouvement ; une jeunesse universitaire espagnole, futurs dirigeants d'une nation qui Nous est très chère pour sa constante tradition d'attachement à la foi et à la chaire de Pierre ; d'un peuple, dont les ressources inépuisables, surtout spirituelles, Nous donnent toujours beaucoup d'espoir, en particulier lorsque Nous pensons à cette autre partie du monde qui parle votre langue.





Mais il y a encore plus, car Nous savons que, pour la plupart, vous avez consacré vos années de jeunesse à l'étude du droit — certains de vos insignes maîtres sont également présents ici — et que, précisément vous faites ce voyage comme conclusion de vos études, avant de commencer votre activité spécifiquement professionnelle. Que le Seigneur vous bénisse, très chers fils, dans tous vos projets, mais tenez toujours compte que vous vous engagez sur un chemin qui réclame une véritable vocation ; un chemin que l'on ne doit jamais prendre sans posséder cette ars boni et azqui, science du bien et du juste, dont parle le Digeste2 ; un chemin sur lequel il vous faut obligatoirement avancer lentement pour acquérir l'expérience nécessaire, qui vous enseigne à adapter à la vie contingente les principes abstraits contenus dans les textes de lois ou dans les traités scientifiques que vous avez étudiés ; un chemin qui demande une application et une diligence constantes, car il vous imposera des devoirs, qui obligent également en conscience et dont vous aurez à rendre compte, un jour, devant le tribunal de Dieu ; un chemin qui exigera chez vous intégrité et droiture d'esprit, pour ne pas faire de votre profession un simple instrument d'élévation facile, mais une sorte de sacerdoce3, en faveur du bien et du juste, même si parfois il était plus commode et productif de dévier sur les sentiers du mensonge et de la corruption ; un chemin, enfin, où vous ne pourrez jamais vous soustraire à la loi universelle de l'activité humaine, qui est la norme morale, dont il ne vous sera jamais permis de franchir les fossés.

Et si vous voulez une recommandation de caractère général qui résume tout, Nous vous dirons que, au-dessus et au-delà de toute étude et spécialisation, vous devez vous soucier de cultiver et former vos esprits dans cette Vérité suprême, où toute loi et tout droit ont leur unique principe. Car, effectivement, comme le dit le grand docteur et évêque d'Hippone : Ubinam sunt istoe régulai scriptse, ubi quid sit justum et injustus agnoscit... ? Ubi ergo sunt, nisi in libro lucis ïllius, quse veritas dicitur ? où sont donc écrites ces règles dans lesquelles même l'inique découvre ce qui est juste ... ; où donc si ce n'est dans le livre de cette lumière qui s'appelle Vérité4 ? De ce sommet



Liv. I, tit. I, loi Ire. Ibid.

S. Aug. De Trinitate, lib. XIV, cap. XV, Migne PL, t. 42, col. 1052.

de la vie, auquel, malgré Notre indignité, la bonté suprême du Seigneur a voulu Nous faire parvenir, et comme le promeneur qui, regardant derrière lui à son arrivée à la cime, domine tout le chemin parcouru et le voit tout, avec clarté, ainsi il Nous semble voir, avec plus d'évidence chaque jour, qu'il n'y a qu'une seule étoile polaire qui donne la bonne direction de tous les sentiers, et c'est ce Rex et centrum omnium cordium, Celui qui put dire de Lui-même Ego sum via et veritas et vita (Jn 14,6), comme s'il voulait exhorter tout le monde : « Je suis l'unique chemin pour ceux qui ne veulent pas se perdre ni tomber ; je suis l'unique Vérité pour ceux qui ne veulent pas s'égarer ni se tromper ; je suis l'unique Vie pour ceux qui ne veulent pas languir ni mourir. »

Vous venez de l'Université de Madrid qui par son titre même de Centrale exprime bien son importance et l'attention qu'il convient de lui consacrer ; vous venez de Notre très chère Université de Deusto, à laquelle Nous avons plus d'une fois manifesté Notre prédilection et ce que Nous espérons d'elle , vous venez enfin du « Colegio Albornoz » de Bologne et, comme il est plus près de Nous et porte le nom d'un si éminent prince de l'Eglise, Nous ne pouvions manquer de le noter en votre faveur.

Emportez donc tous, pour vous et pour tous vos compagnons d'études, aujourd'hui, et de profession, demain, Notre affection et Notre Bénédiction. Emportez un message d'application à l'étude, de sérénité et de calme, de confiance dans l'avenir, de bonté et de tranquillité ; un message surtout de bénédiction pour vos familles, pour vos idéals et projets professionnels, pour vos compagnons et amis, pour vos villes et régions, pour toute votre patrie et, spécialement, pour la jeunesse étudiante espagnole, que le Pape suit toujours avec le même amour et le même intérêt.






ALLOCUTION A UN GROUPE DE NOUVEAUX PRÊTRES ESPAGNOLS ET D'ÉLÈVES DU COLLÈGE SAINT-JOSEPH (22 mars 1956)

Le Saint-Père a reçu en audience spéciale, le 22 mars, un groupe de nouveaux prêtres et d'autres élèves du Collège espagnol. Il leur a adressé un discours en espagnol, dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Très chers fils, supérieurs et élèves de Notre Collège espagnol de Saint-Joseph ; très chers parents des étudiants récemment ordonnés ; et, surtout, très chers nouveaux prêtres, qui, avec l'onction encore fraîche sur vos mains, Nous avez procuré la consolation de pouvoir vous féliciter en une des occasions les plus solennelles de votre vie !

Le Saint-Père invite les nouveaux prêtres à se réjouir d'être devenus ministres du Seigneur.

Gaudete — dirons-Nous en paraphrasant un texte bien connu — gaudete quod nomina vestra scripta sunt in coelis (Lc 10,20) ; réjouissez-vous, oui, réjouissez-vous non seulement parce que vous avez atteint le but ardemment souhaité, parce que vous avez réalisé votre principal désir, mais aussi, en premier lieu, parce que vous êtes maintenant des ministres du Seigneur — alter Christus, sacerdos in aeternum. Ce fut une élection divine parce que non vos me elegistis (Jn 15,16) ; mais ce fut une élection, une prédilection qui vous détache de la terre, vous oriente définitivement vers Dieu, comme si chacun de vous était un nouvel élu, un nouvel Aaron (He 5,1-4).

Il leur rappelle ensuite leur obligation à une vie sainte et rayonnante.

Mais c'est une loi de la Providence, très chers fils, qu'il n'y a point d'honneur sans quelque exigence déterminée, inséparable de la fonction même que suppose l'honneur. Clerici, — prescrit, en effet, la loi ecclésiastique — debent sanctiorem prae laicis vitam interiorem et exteriorem ducere (can. CIS 124). Une vie sainte devant Dieu et devant les hommes, d'une sainteté qui stimule inlassablement à l'apostolat, qui ne connaisse point d'obstacles, qui ne recule jamais devant le sacrifice, qui incite au bien par l'exemple, qui édifie les bons et ferme la bouche aux méchants, qui, sur son passage — nouveau soleil — fasse fleurir les vertus, qui apaise la juste colère du ciel, qui appelle les grâces sur la terre, qui soit à tout moment une gloire de Dieu et un honneur de l'Eglise.

En ce siècle, où bien souvent on parle tant et si inutilement de maux et de remèdes, Nous avons plus d'une fois pensé qu'un des principaux remèdes serait précisément celui-ci : beaucoup de saints prêtres ! Car l'histoire enseigne que partout où un prêtre saint et dévoué a surgi, partout où il a vécu, on a vu tout se renouveler, tout se vivifier autour de lui ; comme lorsque dans le désert jaillit, inattendue et hardie, l'allégresse d'une source et, immédiatement autour d'elle, la fraîcheur et la verdure triomphent de l'aridité et de la désolation. Et les caravanes elles-mêmes viennent de loin pour se réjouir, se reposer et reprendre des forces dans l'enchantement de la nouvelle oasis.

Il leur donne quelques consignes plus spéciales : a) être à la hauteur de leur mission.

Mais, ceci entendu, si vous Nous demandiez encore, en particulier, ce que Nous attendons spécialement de vous en ces temps, peut-être pourrions-Nous le résumer dans les suggestions suivantes que Nous vous offrons paternellement en souvenir de cette rencontre familiale.

Les temps s'écoulent et le progrès humain est évident dans toutes les branches du savoir ; veillez à être toujours à la hauteur de votre mission, de manière que tous — l'homme simple comme l'homme instruit — trouvent en vous ce qu'ils espèrent, en accomplissant votre ministère de pasteurs et de guides des âmes avec modestie mais avec sûreté, avec capacité mais sans prétentions, avec humilité mais dignement, de façon édifiante mais, en même temps, avec l'autorité raisonnable que votre charge exige.

b) . . . savoir rappeler, quand il le faut, à leurs ouailles, leurs droits mais aussi leurs devoirs.

Les temps progressent et l'organisation intérieure de la structure la plus intime de la société évolue rapidement, tendant vers une plus juste distribution des biens de production et de consommation, un plus grand rapprochement entre les diverses catégories sociales et une satisfaction plus raisonnable des justes exigences de la personne humaine ; en un moment si critique de l'histoire du monde, que ne fassent pas défaut chez vous la sensibilité voulue pour percevoir le problème dans chaque cas, la préparation nécessaire pour le résoudre et aussi le courage indispensable pour rappeler à chacun non seulement ses droits mais encore ses devoirs.

c) .. . surtout rapporter toute chose à la fin suprême : Dieu.

Enfin, comme la vie, se compliquant, de plus en plus, se fait sans cesse plus difficile, plus complexe dans toutes ses manifestations, au grand risque de désorientations et de confusions, que votre juste sens sacerdotal vous rappelle toujours le but surnaturel et unique auquel vous aspirez, le bon sentier pour y arriver sans vous égarer sur d'autres chemins, l'objet exclusif de toute votre vie de sainteté et d'apostolat, bien loin d'autres questions et préoccupations purement humaines et terrestres, qui pourraient être un obstacle pour vous et pour votre mission, au détriment non seulement de vous-mêmes mais aussi des âmes et des véritables et très hauts intérêts de l'Eglise.

Sous la chaire de Pierre, vous avez écouté les paroles qu'il entendit lui-même, un jour, des lèvres du Maître : « faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19) ; il vous aura semblé que, de la gloire du Bernin, le Saint-Esprit lui-même descendait sur vous et vous transformait ; en ce même lieu où la voix des Souverains Pontifes proclame la sainteté des serviteurs de Dieu, vous avez promis de suivre leurs chemins de la sainteté sacerdotale. Les débuts ne pourraient être meilleurs ; Notre désir est que vous continuiez et persévériez jusqu'au bout d'une manière qui ne soit pas indigne de ce commencement. Et en considérant l'avenir du sommet de cet âge, auquel la divine Providence Nous a laissé arriver, c'est pour Nous une grande consolation et un gage de continuité à l'intérieur du corps de l'Eglise.

C'est ce que nous demandons à votre Mère bien-aimée la Vierge de la Clémence ; et de même au glorieux Patriarche saint Joseph, votre patron spécial ; dès à présent, Nous voulons bénir votre ministère futur, avec toutes les âmes qui vous seront confiées et tous les saints idéals qui abondent en ce moment dans votre esprit ; votre collège et le futur collège que vous avez voulu Nous offrir comme le plus précieux souvenir de ces manifestations ; vos frères séminaristes de toute l'Espagne, avec tous les prêtres espagnols et toute cette grande nation, toujours si proche de Notre coeur.

Une parole toute spéciale pour les heureux parents des nouveaux prêtres, qui n'auront jamais pleuré avec autant de bonheur qu'en ces jours-ci. Donc, si vous avez fait, voici quelques années, un sacrifice en offrant votre fils au Seigneur, aujourd'hui le Seigneur, au milieu de tant et de si grandes consolations, vous l'a payé avec abondance. En récompense de votre générosité et pour compléter vos joies légitimes, Nous ne voulons pas que vous manque en ce jour Notre Bénédiction toute spéciale.


ALLOCUTION A DES INSTRUCTEURS DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(25 mars 1956) 1




Dimanche 25 mars, le Saint-Père a reçu dans la salle du trône une délégation de la compagnie de Jésus, ayant à sa tête le préposé général, le Très Rév. Père Janssens, accompagné de tous les membres de la Curie generalice.

Très chers fils, réunis devant Nous, vous les membres de la Curie de la compagnie de Jésus, vous surtout les Instructeurs du troisième an de probation, convoqués à Rome par le zèle plein de sagesse de votre préposé général qui Nous est si cher. Nous savons que vous avez été d'une si grande discrétion dans votre demande qu'il vous eût suffi de recevoir Notre bénédiction apostolique au cours d'une audience publique.

Bien que Nous soyons en ce moment absorbé par un grand nombre d'occupations et de soucis, Nous avons tenu néanmoins à Nous entretenir quelque peu avec vous, pour vous ouvrir Notre âme paternelle et témoigner à tout votre Ordre Notre bienveillance particulière à vous surtout les Instructeurs, à qui a été confiée une charge qui réclame un profond jugement et une grande prudence.

Vous êtes certes la portion d'élite de la Compagnie de Jésus, puisque vous avez été choisis parmi tous vos confrères pour assumer sur eux l'autorité : qui auctoritate valeant2.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1056, p. 269 ; traduction française de VOsservatore Romano, du 13 avril 1956.

2 Epit. Instit. Soc. les., pars V, cap. 2, n. 430.

3 Ibid., Proem., tit. V, n. 22.




Vous avez, en effet, à remplir une tâche d'une extrême importance puisqu'elle se rattache à ce que votre institut considère comme : substantialia secundi ordinis 3. Ce qui, d'ailleurs, se conçoit aisément. A l'oeuvre et aux efforts déployés pendant de longues années pour former les âmes par la vertu de religion et la piété, est mise ainsi la dernière main. De cette manière, pour ainsi dire, l'arme, avant d'être utilisée pour le combat apostolique, revient dans l'atelier de son fabricant.

Pendant tout cet intervalle, le jeune homme s'exerce dans la « schola affectus », à mettre en valeur les dispositions les plus hautes de son caractère ; en dernier lieu il est poussé à choisir les chemins les plus difficiles, c'est-à-dire « une plus grande abnégation et autant qu'il est possible, une continuelle mortification en toutes choses » *, « de sorte que progressant eux-mêmes, ils aident d'autant mieux les autres au progrès spirituel pour la gloire de notre Dieu et Seigneur » 5.



Le Saint-Père approuve le maintien des longues années de probation imposées par S. Ignace aux jeunes Religieux alors que cette pratique semble bien désuète à beaucoup, dans notre monde moderne.

I. Ce fut la trouvaille merveilleuse de votre Fondateur : et pour le grand profit de la vie religieuse, elle passa aussitôt dans la pratique ; par la suite, elle a été de plus en plus introduite par imitation, dans leur règle, par d'autres Instituts.

4 Examen, cap. IV, n. (103), p. 59.

5 Const. cum Decîar., p. V, cap. II, n. 1.




Néanmoins, comme il y a déjà quatre siècles que cette idée a jailli et a été réalisée, il peut arriver que, pour certains, elle apparaisse moins adaptée à notre époque pour diverses raisons : nos contemporains sont portés à agir de manière plus expéditive, les nécessités de l'apostolat se font plus pressantes maintenant que par le passé. Nous, cependant, Nous pensons tout le contraire ; il est en effet indispensable à notre époque que la vie religieuse profonde jouisse d'une constance, d'une santé et d'une vigueur, d'autant plus grandes que l'intérêt et le bien des âmes nécessitent des apôtres mieux préparés. C'est pourquoi ce temps du troisième an de probation doit être considéré comme quelque chose de sacré, inspiré d'en-haut et parfaitement digne d'être conservé avec le plus grand soin. Nous vous exhortons donc, à ce que, dès la fin du cycle des études, aussitôt et par tous indistinctement, cette année soit accomplie ; une année dédiée à une intense méditation, dans les maisons destinées à cet effet, et pendant laquelle, autant que possible, les exercices et les probations du noviciat seront repris et les règles en seront observées parfaitement.




COMPAGNIE DE JESUS



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Il recommande d'une façon très pressante que les Religieux utilisent le troisième an à connaître à fond leur Institut.

II. Nous désirons cependant, que dans cette discipline ascé-
tique du troisième an, vous mettiez tout votre soin à une chose
de première importance : connaître à fond votre Institut et vous
appliquer intérieurement et extérieurement à puiser l'inspiration
sur laquelle il repose '. C'est la même forme de religion qui
resplendit dans le livre d'or des Exercices spirituels que si sou-
vent Nous avons recommandés. Qu'en conséquence, vos « Ter-
tiaires », de plus en plus, comprennent, scrutent, savourent,
estiment, aiment tout ce que ces pages contiennent : notes,
compléments, méditations, contemplations, prescriptions. Qu'ils
distinguent nettement pour chaque chose la raison sous-jacente
et pourquoi elle se trouve en tel ou tel lieu, et son but.

Veillez avec le plus grand soin à ce que, l'année de proba-tion achevée, ils soient pleinement persuadés que la spiritualité ignatienne doit être intégralement conservée sans rien retrancher à ce qui en constitue la véritable nature. De cette observance et de ce respect, il s'ensuivra par-dessus tout qu'une telle ressource continuera à être efficace pour l'accomplissement de choses merveilleuses comme elle le fut par le passé, si toutefois elle n'est pas déformée ou privée de force par une volonté inconstante.



Le Saint-Père exhorte les Instructeurs à la pratique fervente de la prière et de la pénitence : c'est le moyen le plus efficace pour faire du bien aux jeunes Religieux qui leur sont confiés.

III. Enfin, très chers Instructeurs, n'épargnez aucune peine,
aucun moyen, redoublez de zèle, faites monter vos prières vers
Dieu, pour que, satisfaites les exigences de cette période si
importante, son effet soit atteint avec fruit.

En effet, les jeunes religieux, après s'être livrés pendant tant d'années aux études, tombent facilement dans le danger de minimiser les choses spirituelles ou de les négliger tandis que baisse la ferveur d'antan.

• Ep., p. V, c. III, n. 435.




S'ils se sont rendus de nouveau dans la solitude de cette retraite, et s'y sont livrés à l'exercice d'une très intense piété, à la mortification volontaire du corps, non seulement ils retrouveront les forces anciennes, mais ils en acquerront de nouvelles plus solides, qu'ils conserveront ensuite pendant le reste de leur vie.

Votre goût pour la prière, l'austérité de votre vie et l'ascèse à laquelle vous pliez votre corps seront pour leurs yeux émerveillés un puissant encouragement. Vos entretiens ardents et éclairants illumineront leurs esprits et introduiront dans leurs âmes les étincelles de la flamme divine.

Dans leur chemin, vous les guiderez par des voies sûres. Avec une prudence remarquable dans laquelle ils puissent se confier, vous les écarterez par vos avertissements et vos exhortations de ces doctrines concernant le dogme catholique, la morale, l'ascèse, les institutions sociales, qui par la fascination de la nouveauté, introduisent du faux ou au moins du dangereux. Vous trouverez, grâce à votre charité empressée et votre zèle attirant, les moyens par lesquels écarter la tiédeur qui pourra naître chez ceux qui sortent d'une vie plus relâchée, et par lesquels refréner également la fougue apostolique peut-être immodérée chez ceux qui auront déjà expérimenté les douces consolations de la grâce surnaturelle en travaillant au salut des âmes.

En cette audience, il Nous a paru bon de vous adresser ces quelques mots, rapides en raison du manque de temps. De tous les points du globe, vous vous êtes réunis ici, et sous peu, à la fin de votre réunion, vous allez rejoindre vos provinces respectives. Emportez avec vous la Bénédiction apostolique particulière que Nous vous accordons de tout coeur au cours de cette année heureuse pendant laquelle sont célébrées par des manifestations de joie les solennités du quatrième centenaire de la mort glorieuse de votre législateur et père.

Le fruit le plus précieux de tout cela : que l'esprit par lequel vous avez été appelés par Dieu à embrasser la vie religieuse devienne en vous plus lumineux et ardent. Ces profits désirables et précieux recevront un accroissement de vous surtout, Instructeurs très chers, et de votre zèle prudent.

Enfin, que Dieu, le distributeur des dons, vous bénisse tous, et en particulier vos « Tertiaires » ; qu'il bénisse et accorde d'abondantes consolations célestes à votre Préposé général si digne de louanges, et aux membres de sa Curie, ainsi qu'à toute la Compagnie de Jésus, avec laquelle Nous sommes lié par les liens très doux et très étroits de notre amour paternel et de notre profonde estime.


Pie XII 1956 - 4 T. XIV, 1024, P- 35«-