Discours 2005-2013 30306

AU TERME DE LA PROJECTION DU FILM "KAROL, UN PAPE RESTÉ HOMME" Salle Paul VI Jeudi 30 mars 2006

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Messieurs les Cardinaux,
chers frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

Alors que demeurent imprimées dans notre esprit et dans notre coeur les images de ce film intéressant retraçant le Pontificat de Jean-Paul II, j'adresse une pensée cordiale à tous ceux qui ont contribué à la réalisation du téléfilm intitulé de manière significative "Karol, un Pape resté homme". Ce soir, nous avons revécu les émotions éprouvées au mois de mai de l'année dernière, lorsque, très peu de temps après la disparition du bien-aimé Souverain Pontife, nous avons assisté, dans cette même salle, à la projection de la première partie du film. Je suis reconnaissant au réalisateur et scénariste, Giacomo Battiato, et à ses collaborateurs qui, avec une savante maestria, ont retracé pour nous les moments centraux du ministère apostolique de mon vénéré Prédécesseur; j'adresse mes sincères remerciements au protagoniste principal qui, tenant le premier rôle, a donné vie à son visage, l'acteur Piotr Adamczyk, ainsi qu'aux autres interprètes; je désire exprimer ma sincère reconnaissance au producteur Pietro Valsecchi et aux responsables ici présents des Maisons de production Taodue et Mediaset.

Avec cette seconde partie du téléfilm se conclut le récit de la vie terrestre du bien-aimé Souverain Pontife. Nous avons réécouté l'appel initial de son Pontificat, qui a retenti si souvent au cours des ans: "Ouvrez les portes au Christ! N'ayez pas peur!". Au fil des images nous avons vu un Pape plongé dans le contact avec Dieu et précisément pour cette raison toujours sensible aux attentes des hommes. Le film nous a fait idéalement reparcourir ses voyages apostoliques partout dans le monde; il nous a permis de revivre ses rencontres avec de si nombreuses personnes, avec les grands de la terre et avec les simples citoyens, avec des personnages illustres et des inconnus. Parmi tous ceux-ci, il faut mentionner de façon spéciale le baiser à Mère Teresa de Calcutta, liée à Jean-Paul II par une profonde harmonie spirituelle. Pétrifiés, comme si nous étions présents, nous avons réentendu les coups de feu du tragique attentat sur la Place Saint-Pierre du 13 mai 1981. A travers tout cela est apparue la figure d'un inlassable prophète d'espérance et de paix, qui a parcouru les sentiers de la planète pour communiquer l'Evangile à tous. Ses paroles vibrantes pour condamner l'oppression des régimes totalitaires, la violence homicide et la guerre nous sont revenues à l'esprit; des paroles empreintes de réconfort et d'espérance pour manifester sa proximité aux parents des victimes des conflits et des attentats dramatiques, comme celui contre les Tours jumelles de New York; des paroles d'encouragement et de dénonciation contre la société de consommation et la culture hédoniste, visant à construire un bien-être uniquement matériel qui ne peut pas satisfaire les attentes profondes du coeur humain.

Voici les sentiments qui naissent spontanément du coeur, ce soir, et que j'ai voulu partager avec vous, chers frères et soeurs, en reparcourant, aidés par les séquences de ce film, les phases du Pontificat de l'inoubliable Jean-Paul II. Que le bien-aimé Souverain Pontife nous accompagne de là-haut et obtienne pour nous du Seigneur la grâce d'être, comme lui, toujours fidèles à notre mission. A vous tous ici présents et aux personnes qui vous sont chères, je donne ma Bénédiction.

                                                            Avril 2006


AUX PARTICIPANTS AU SÉMINAIRE PROMU PAR LA CONGRÉGATION POUR L’ÉDUCATION CATHOLIQUE (DES SÉMINAIRES ET DES INSTITUTS D'ÉTUDES) Salle Clémentine Samedi 1 avril 2006



Monsieur le Cardinal,
174 vénérés frères dans l'Episcopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

Je suis heureux de vous accueillir et je vous salue cordialement, vous tous qui prenez part au Séminaire sur le thème: "Le patrimoine culturel et les valeurs des universités européennes à la base de l'attraction de l'"Espace européen d'Enseignement supérieur"". Vous provenez d'une cinquantaine de pays européens adhérant à ce que l'on appelle le "Processus de Bologne" auquel le Saint-Siège a apporté sa propre contribution. Je salue le Cardinal Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, qui m'a adressé en votre nom des paroles d'hommage, tout en m'exposant les objectifs de votre réunion et je le remercie d'avoir organisé cette rencontre au Vatican, en collaboration avec la Conférence des Recteurs des universités pontificales, avec l'Académie pontificale des Sciences, avec l'UNESCO-CEPES, avec le Conseil de l'Europe et sous le patronage de la Commission européenne. J'adresse un salut particulier aux Ministres et aux Représentants des diverses Organisations internationales qui ont bien voulu être présents.

Ces derniers jours, votre réflexion s'est concentrée sur la contribution que les universités européennes, riches de leurs longues traditions, peuvent offrir à la construction de l'Europe du troisième millénaire, en tenant compte du fait que chaque réalité culturelle est à la fois un souvenir du passé et un projet pour l'avenir. L'Eglise entend apporter sa propre contribution à cette réflexion, comme elle l'a déjà fait au cours des siècles. En effet, elle a fait preuve d'une sollicitude constante à l'égard des Centres d'études et des universités en Europe qui, à travers le "service de la pensée", ont transmis et continuent de transmettre aux jeunes générations les valeurs d'un patrimoine culturel particulier, enrichi par deux millénaires d'expérience humaniste et chrétienne (cf. Exhort. ap. post-synodale Ecclesia in Europa, n. 59). Le monachisme eut au commencement une influence considérable, et ses mérites, au-delà de leur dimension spirituelle et religieuse, s'étendent également au domaine économique et intellectuel. Au temps de Charlemagne, furent fondées, avec la contribution de l'Eglise, de véritables écoles, dont l'empereur souhaitait qu'elles bénéficient au plus grand nombre possible de personnes.

Quelques siècles plus tard, naquit l'université, qui reçut de l'Eglise un élan essentiel. De nombreuses universités européennes, en partant de l'université de Bologne jusqu'à celles de Paris, Cracovie, Salamanque, Cologne, Oxford et Prague, pour ne citer que quelques exemples, se développèrent rapidement et jouèrent un rôle important dans la consolidation de l'identité européenne et dans la formation de son patrimoine culturel. Les institutions universitaires se distinguèrent toujours par leur amour du savoir et la recherche de la vérité, comme but véritable de l'université, avec une référence constante à la vision chrétienne qui reconnaît en l'homme le chef-d'oeuvre de la création, en tant que créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn
Gn 1,26-27). Une caractéristique de cette vision a toujours été la conviction qu'il existe une unité profonde entre le vrai et le bien, entre les yeux de l'esprit et ceux du coeur: "Ubi amor, ibi oculos", disait Richard de Saint-Victor (cf. Beniamin minor, c. 13): l'amour fait voir. L'université est née de l'amour du savoir, de la curiosité de connaître, de savoir ce qu'est le monde, ce qu'est l'homme. Mais également d'un savoir qui conduit à agir, qui conduit en dernière instance à l'amour.

Mesdames et Messieurs, en posant un rapide regard sur le "vieux" continent, il est facile de constater quels défis culturels doit aujourd'hui affronter l'Europe, étant engagée à la redécouverte de sa propre identité qui n'est pas seulement d'ordre économique et politique. La question fondamentale, aujourd'hui comme hier, demeure la question anthropologique. Qu'est-ce que l'homme? d'où vient-il? où doit-il aller? comment doit-il y aller? Il s'agit donc de mettre en lumière quelle est la conception de l'homme qui est à la base des nouveaux projets. Et vous vous demandez à juste titre au service de quel homme, de quelle image de l'homme, entend se mettre l'université: celle d'un individu retranché sur la défense de ses seuls intérêts, uniquement dans la perspective de ses intérêts, une perspective matérialiste, ou celle d'une personne ouverte à la solidarité avec les autres, dans la recherche du véritable sens de l'existence qui doit être un sens commun, qui transcende la personne singulière? L'on se demande, par ailleurs, quel rapport existe entre la personne humaine, la science et la technique. Au XIX et au XX siècles, la technique a connu une croissance stupéfiante, au début du XXI siècle des pas supplémentaires ont été franchis: le développement technologique a pris également en charge, grâce à l'informatique, une partie de nos activités mentales, avec des conséquences qui pèsent sur notre manière de penser et peuvent conditionner notre liberté elle-même. Il faut dire avec force que l'être humain ne peut pas et ne doit jamais être sacrifié aux succès de la science et de la technique: voilà pourquoi apparaît dans toute son importance ce que l'on appelle la question anthropologique qui, pour nous, héritiers de la tradition humaniste fondée sur les valeurs chrétiennes, doit être affrontée à la lumière des principes dont s'inspire notre civilisation, et qui ont trouvé dans les universités européennes d'authentiques laboratoires de recherche et d'approfondissement.

"A partir de la conception biblique de l'homme, l'Europe a forgé sa culture humaniste dans ce qu'elle a de meilleur - notait Jean-Paul II dans l'Exhortation post-synodale Ecclesia in Europa - et, par-dessus tout, elle a promu la dignité de la personne, source de droits inaliénables" (n. 25). De cette manière, l'Eglise - ajoutait mon vénéré Prédécesseur - a concouru à diffuser et à consolider les valeurs qui ont rendu universelle la culture européenne. Mais l'homme ne peut posséder une pleine compréhension de lui-même s'il fait abstraction de Dieu. Telle est la raison pour laquelle on ne peut pas négliger la dimension religieuse de l'existence humaine au moment où l'on s'attache à la construction de l'Europe du troisième millénaire. Ici apparaît le rôle particulier des universités comme univers scientifique et non seulement comme un ensemble de différentes spécialités: dans la situation actuelle, il leur est demandé de ne pas se contenter d'instruire, de transmettre des connaissances techniques et professionnelles, qui sont extrêmement importantes mais insuffisantes, mais de s'engager aussi à jouer un rôle éducatif attentif au service des nouvelles générations, en faisant appel au patrimoine d'idées et de valeurs qui ont marqué les millénaires passés. L'université pourra ainsi aider l'Europe à retrouver et à conserver son "âme", en revitalisant ces racines chrétiennes qui lui ont donné vie.

Mesdames et Messieurs, que Dieu rende fécond le travail que vous accomplissez et les efforts que vous déployez en faveur de ces si nombreux jeunes dans lesquels repose l'espérance de l'Europe. J'accompagne ce souhait de l'assurance d'une prière particulière pour chacun de vous, en implorant pour tous la Bénédiction divine.

ROSAIRE PROMU PAR LE DIOCÈSE DE ROME

POUR LE 1er ANNIVERSAIRE DE LA MORT DU

SERVITEUR DE DIEU PAPE JEAN-PAUL II

PAROLES PRONONCÉES Place Saint-Pierre Dimanche 2 avril 2006



175 Chers frères et soeurs!

Nous nous rencontrons ce soir, en ce premier anniversaire de la disparition du bien-aimé Pape Jean-Paul II, pour cette veillée mariale organisée par le diocèse de Rome. Je vous salue avec affection, vous tous ici présents sur la Place Saint-Pierre, à commencer par le Cardinal-Vicaire Camillo Ruini et par les Evêques auxiliaires, avec une pensée particulière pour les Cardinaux, les Evêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et tous les fidèles laïcs, notamment les jeunes. C'est véritablement la ville de Rome tout entière qui est ici symboliquement rassemblée pour cet émouvant moment de réflexion et de prière. J'adresse un salut spécial au Cardinal Stanislaw Dziwisz, Archevêque métropolitain de Cracovie, pendant de nombreuses années fidèle collaborateur du regretté Pontife, en liaison vidéo avec nous. Une année s'est déjà écoulée depuis la mort du Serviteur de Dieu Jean-Paul II, qui a eu lieu presque à cette même heure - il était 21h37 -, mais sa mémoire continue à être plus que jamais vivante, comme en témoignent les nombreuses manifestations programmées ces jours-ci, dans toutes les parties du monde. Il continue à être présent dans notre esprit et dans notre coeur; il continue à nous transmettre son amour pour Dieu et son amour pour l'homme; il continue à susciter chez tous, en particulier chez les jeunes, l'enthousiasme du bien et le courage de suivre Jésus et ses enseignements.

Comment résumer la vie et le témoignage évangélique de ce grand Pontife romain? Je pourrais tenter de le faire en utilisant deux mots: "fidélité" et "don de soi", fidélité totale à Dieu et don de soi sans réserve à sa mission de Pasteur de l'Eglise universelle. Fidélité et don de soi qui sont apparus de manière encore plus convaincante et émouvante au cours des derniers mois, lorsqu'il a incarné en lui ce qu'il écrivait en 1984, dans la Lettre apostolique Salvifici doloris: "La souffrance est présente dans le monde pour libérer l'amour, pour faire naître des oeuvres d'amour à l'égard du prochain, pour transformer toute la civilisation humaine en "civilisation de l'amour"" (n. 30). Sa maladie, affrontée avec courage, a rendu chacun plus attentif à la douleur humaine, à toute douleur physique et spirituelle; elle a donné sa dignité et sa valeur à la souffrance, en témoignant que l'homme ne vaut pas pour son efficacité, pour son apparence, mais pour lui-même, parce qu'il est créé et aimé par Dieu. A travers ses mots et ses gestes, le cher Jean-Paul II ne s'est pas lassé de montrer au monde que si l'homme se laisse embrasser par le Christ, il ne diminue pas la richesse de son humanité; s'il adhère à Lui de tout son coeur, rien ne lui vient à manquer. Au contraire, la rencontre avec le Christ rend notre vie plus passionnante. Précisément parce qu'il s'est approché toujours plus de Dieu dans la prière, dans la contemplation, dans l'amour pour la Vérité et la Beauté, notre bien-aimé Pape a pu devenir le compagnon de voyage de chacun de nous et parler d'une manière faisant autorité également à ceux qui sont éloignés de la foi chrétienne.

En ce premier anniversaire de son retour à la Maison du Père, nous sommes invités ce soir à accueillir à nouveau l'héritage spirituel qu'il nous a laissé; nous sommes incités, entre autres, à vivre en recherchant inlassablement la Vérité qui seule comble notre coeur. Nous sommes encouragés à ne pas avoir peur de suivre le Christ, pour apporter à tous l'annonce de l'Evangile, qui est le ferment d'une humanité plus fraternelle et solidaire. Du ciel, Jean-Paul II nous aide à poursuivre notre chemin, en demeurant de dociles disciples de Jésus pour être, comme lui-même aimait le répéter aux jeunes, des "sentinelles du matin" en ce début du troisième millénaire chrétien. Dans ce but, invoquons Marie, la Mère du Rédempteur, envers laquelle il nourrit toujours une tendre dévotion.

Je m'adresse à présent aux fidèles qui, de Pologne, sont en liaison avec nous.

Unissons-nous en esprit avec les Polonais qui se sont rassemblés à Cracovie, à Varsovie et dans d'autres lieux pour la veillée. Le souvenir de Jean-Paul II est vivant en nous et le sentiment de sa présence spirituelle ne s'éteint pas. Que le souvenir de l'amour particulier qu'il nourrissait pour ses compatriotes soit toujours pour vous la lumière sur le chemin vers le Christ. "Demeurez forts dans la foi". Je vous bénis de tout coeur.

Je donne à présent de tout coeur à tous ma Bénédiction.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE LA CÔTE D'IVOIRE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Lundi 3 avril 2006



Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je vous accueille avec joie en ces jours où vous accomplissez votre visite ad limina Apostolorum, manifestant ainsi votre lien indéfectible avec le Successeur de Pierre et avec l’Église universelle. En effet, l’Évêque qui «est le principe visible et le fondement de l’unité de son Église particulière est aussi le lien visible de la communion ecclésiale entre son Église particulière et l’Église universelle» (Pastores gregis ). Je remercie le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Laurent Akran Mandjo, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom, brossant un vaste panorama de la situation de l’Église en Côte d’Ivoire. À votre retour, transmettez à tous les chaleureuses salutations du Pape et l’assurance de sa prière fervente pour que la nation retrouve l’unité et la paix dans une authentique fraternité entre tous ses enfants.

176 En effet, la crise que vit votre pays a malheureusement mis à jour des divisions qui constituent une blessure profonde dans les relations entre les différentes composantes de la société. Les violences qui en ont résulté ont gravement porté atteinte à la confiance entre les personnes et à la stabilité du pays, laissant derrière elles beaucoup de souffrances difficiles à guérir. Le rétablissement d’une paix véritable ne sera possible que par le pardon généreusement accordé et par la réconciliation effectivement réalisée entre les personnes et entre les groupes concernés. Pour y parvenir, toutes les parties en cause doivent accepter de poursuivre courageusement le dialogue, pour examiner de façon approfondie et loyale les causes qui ont conduit à la situation actuelle et pour trouver les moyens de parvenir à une solution acceptable par tous, dans la justice et dans la vérité. Le chemin de la paix est long et difficile, mais il n’est jamais impossible.

Chers frères dans l’Épiscopat, dans cet effort commun, les catholiques ont pris leur place, car la construction d’un monde réconcilié ne peut jamais leur être étrangère. Il est de leur responsabilité de contribuer à établir des relations harmonieuses et fraternelles entre les personnes et entre les communautés. Pour que la réalisation plénière de cet objectif soit crédible, il est nécessaire en premier lieu de recréer la confiance entre les disciples du Christ, malgré les divergences d’opinion qui peuvent se manifester entre eux. Car c’est d’abord à l’intérieur de l’Église que doit être vécu un authentique amour, dans l’unité et la réconciliation, suivant ainsi l’enseignement du Seigneur: «Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres» (
Jn 13,35). Il revient donc aux chrétiens de se laisser transformer par la force de l’Esprit, afin d’être de vrais témoins de l’amour du Père, qui veut faire de tous les hommes une unique famille. Leur activité, qui les pousse au-devant des souffrances et des besoins de leurs frères, en sera alors une expression convaincante. Dans vos Églises diocésaines, face aux tensions politiques ou ethniques, évêques, prêtres et personnes consacrées doivent être pour tous des modèles de fraternité et de charité, et contribuer par leur parole et par leurs attitudes à l’édification d’une société unie et réconciliée.

Dans cette perspective, la formation initiale et permanente des prêtres sera toujours l’une de vos préoccupations premières. Pour faire face aux situations difficiles du monde d’aujourd’hui, et surtout pour permettre au prêtre d’édifier pleinement son être sacerdotal, cette formation donnera une place essentielle à la vie spirituelle. En effet, le prêtre a pour mission d’aider les fidèles à découvrir le mystère de Dieu et à s’ouvrir aux autres. Pour cela, il est appelé à être un authentique chercheur de Dieu, tout en demeurant proche des préoccupations des hommes. Une vie spirituelle intense, qui lui permet d’entrer plus profondément en communion avec le Seigneur, l’aidera à se laisser posséder par l’amour de Dieu, afin de pouvoir annoncer aux hommes que cet amour ne s’arrête devant rien. Par ailleurs, en vivant fidèlement la chasteté dans le célibat, le prêtre manifestera que tout son être est don de lui-même à Dieu et à ses frères. Je vous invite donc à veiller avec une sollicitude paternelle sur vos prêtres, à favoriser l’unité et la vie fraternelle entre eux. Qu’ils trouvent en vous un frère qui les écoute, qui les soutient dans les moments difficiles, et un ami qui les encourage à progresser dans leur vie personnelle et dans l’annonce de l’Évangile!

Dans vos rapports quinquennaux, vous avez souligné l’urgence de la formation des laïcs. En effet, l’approfondissement de la foi est une nécessité, afin de pouvoir résister au retour des pratiques anciennes ou aux sollicitations des sectes et surtout pour rendre compte de l’espérance chrétienne dans un monde complexe qui connaît de nouveaux et graves problèmes. Je vous encourage notamment à donner aux catéchistes, dont je salue le dévouement au service de l’Église, une formation solide qui les rende capables d’assumer la mission qui leur est confiée, tout en vivant leur foi d’une manière cohérente. Les fidèles, particulièrement ceux qui sont engagés dans les milieux intellectuels, politiques, économiques, trouveront dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église un instrument fondamental de formation et d’évangélisation, en vue de leur croissance humaine et spirituelle, et de leur mission dans le monde.

Pour que l’Église soit un signe toujours plus compréhensible de ce qu’elle est et qu’elle soit toujours plus adaptée à sa mission, le travail d’inculturation de la foi est une nécessité. Ce processus, si important pour l’annonce de l’Évangile à toutes les cultures, ne doit pas compromettre la spécificité et l’intégrité de la foi, mais il doit aider les chrétiens à mieux comprendre et à mieux vivre le message évangélique dans leur propre culture, et à savoir renoncer aux pratiques en contradiction avec les engagements baptismaux. Comme vous l’avez mentionné dans vos rapports, le poids de la mentalité traditionnelle est souvent un obstacle à l’accueil de l’Évangile. Ainsi, parmi les nombreuses questions qui se posent aux fidèles, celle de l’engagement dans le sacrement du mariage est des plus importantes. La polygamie ou la cohabitation de fait sans célébration religieuse sont souvent des obstacles majeurs. Il est donc nécessaire de poursuivre sans relâche l’effort que vous avez entrepris pour faire mieux accepter, notamment par les jeunes, que le mariage est, pour le chrétien, une voie de sainteté. «C’est pourquoi le mariage suppose un amour indissoluble; grâce à sa stabilité, il peut contribuer efficacement à la pleine réalisation de la vocation baptismale des époux» (Ecclesia in Africa ).

Enfin, je voudrais encore relever avec intérêt le développement dans vos diocèses des mouvements ecclésiaux, qui contribuent à donner une impulsion missionnaire renouvelée aux communautés chrétiennes. J’invite les membres de ces groupes à approfondir toujours plus leur connaissance personnelle du Christ pour se donner généreusement à lui, tout en étant profondément enracinés dans la foi de l’Église. Toutefois, ces mouvements doivent faire l’objet d’un discernement éclairé et constant de la part des Évêques, afin de garantir l’ecclésialité de leur démarche et de maintenir une authentique communion avec l’Église universelle et diocésaine.

Chers Frères dans l’Épiscopat, en achevant cette rencontre, je voudrais vous redire l’affection du Successeur de Pierre pour le peuple ivoirien, lui adressant de nouveau avec insistance «une invitation à poursuivre la voie du dialogue constructif, en vue de la réconciliation et de la paix» (Angelus, 22 janvier 2006). Je vous confie à l’intercession de Notre-Dame, Reine de la paix, ainsi que les prêtres, les religieux et les religieuses, les catéchistes et tous vos diocésains. À tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.

RENCONTRE DU SAINT-PÈRE AVEC LES JEUNES

DU DIOCÈSE DE ROME EN PRÉPARATION

À LA XXI JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

DIALOGUE

AVEC LES JEUNES Place Saint-Pierre Jeudi 6 avril 2006

1. Sainteté, je m'appelle Simon, je viens de la paroisse "San Bartolomeo", j'ai 21 ans et j'étudie l'ingénierie chimique à l'Université "La Sapienza" de Rome.

Avant tout, merci encore de nous avoir adressé le Message pour la XXI Journée mondiale de la Jeunesse sur le thème de la Parole de Dieu qui illumine les pas de la vie de l'homme. Face aux préoccupations, aux incertitudes quant à l'avenir, ou encore lorsque je me retrouve simplement face à la routine quotidienne, je ressens moi aussi le besoin de me nourrir de la Parole de Dieu et de mieux connaître le Christ, afin de trouver des réponses à mes questions. Je me demande souvent ce que ferait Jésus s'il était à ma place dans une situation précise, mais je n'arrive pas toujours à comprendre ce que me dit la Bible. De plus, je sais que les livres de la Bible ont été écrits par des personnes différentes, à des époques différentes, toutes très éloignées de moi. Comment puis-je reconnaître que ce que je lis est la Parole de Dieu qui interpelle ma vie? Merci.

177 Je réponds en soulignant d'abord un premier point: il faut avant tout dire qu'il faut lire l'Ecriture Sainte non pas comme un quelconque livre d'histoire, comme nous lisons, par exemple, Homère, Ovide, Horace; il faut la lire réellement comme la Parole de Dieu, c'est-à-dire en instaurant un dialogue avec Dieu. Il faut avant tout prier, prier avec le Seigneur: "Ouvre-moi la porte". C'est ce que dit souvent saint Augustin dans ses homélies: "J'ai frappé à la porte de la Parole pour trouver finalement ce que le Seigneur veut me dire". Cela me semble un point très important. On ne lit pas l'Ecriture dans un climat académique, mais en priant et en disant au Seigneur: "Aide-moi à comprendre ta Parole, ce que tu veux me dire dans cette page".

Un second point est: l'Ecriture Sainte introduit à la communion avec la famille de Dieu. On ne peut donc pas lire seul l'Ecriture Sainte. Certes, il est toujours important de lire la Bible de façon très personnelle, dans un dialogue personnel avec Dieu, mais dans le même temps, il est important de la lire en compagnie des personnes avec lesquelles on marche. Se laisser aider par les grands maîtres de la "Lectio divina". Nous avons, par exemple, tant de beaux livres du Cardinal Martini, un véritable Maître de la "Lectio divina", qui aide à entrer dans le vif de l'Ecriture Sainte. Lui qui connaît bien toutes les circonstances historiques, tous les éléments caractéristiques du passé, cherche toutefois toujours à ouvrir également la porte pour faire voir que des paroles appartenant apparemment au passé sont également des paroles du présent. Ces maîtres nous aident à mieux comprendre et également à connaître la façon dont il faut lire l'Ecriture Sainte. Il est ensuite généralement opportun de la lire en compagnie des amis qui sont en chemin avec moi et qui cherchent, avec moi, comment vivre avec le Christ, quelle vie nous vient de la Parole de Dieu.

Troisième point: s'il est important de lire l'Ecriture Sainte aidés par les maîtres, accompagnés par les amis, les compagnons de route, il est important en particulier de la lire en compagnie du Peuple de Dieu en pèlerinage, c'est-à-dire dans l'Eglise. L'Ecriture Sainte a deux sujets. Tout d'abord le sujet divin: c'est Dieu qui parle. Mais Dieu a voulu faire participer l'homme à sa Parole. Tandis que les Musulmans sont convaincus que le Coran est inspiré oralement par Dieu, nous croyons que pour l'Ecriture Sainte, la synergie, comme le disent les théologiens, est caractéristique; la collaboration de Dieu avec l'homme. Celui-ci fait participer son peuple à travers sa Parole et ainsi, le deuxième sujet - le premier sujet étant, comme je l'ai dit, Dieu - est humain. Il existe des écrivains individuels, mais il existe la continuité d'un sujet permanent, le Peuple de Dieu qui marche avec la Parole de Dieu et qui est en dialogue avec Dieu. En écoutant Dieu, on apprend à écouter la Parole de Dieu et puis également à l'interpréter. Et ainsi, la Parole de Dieu devient présente, car les personnes meurent, mais le sujet vital, le Peuple de Dieu, est toujours vivant, et est identique au cours des millénaires: c'est toujours le même sujet vivant, dans lequel vit la Parole.

Ainsi s'expliquent également de nombreuses structures de l'Ecriture Sainte, en particulier ce que l'on appelle la "relecture". Un texte ancien est relu dans un autre livre, par exemple cent ans plus tard, et alors, on comprend pleinement ce qui n'était pas encore perceptible à cette époque, même si cela était déjà contenu dans le texte précédent. Et il est relu encore à nouveau plus tard, et une fois de plus, on comprend d'autres aspects, d'autres dimensions de la Parole. C'est ainsi, dans cette relecture et réécriture dans le cadre d'une continuité profonde, tandis que se succédaient les temps de l'attente, que s'est développée l'Ecriture Sainte. Enfin, avec la venue du Christ et l'expérience des apôtres, la parole est devenue définitive, de sorte qu'il n'y a plus de réécritures, mais des approfondissements de notre compréhension continuent d'être nécessaires. Le Seigneur a dit: "L'Esprit Saint vous introduira dans une profondeur que vous ne pouvez pas comprendre à présent".

La communion de l'Eglise est donc le sujet vivant de l'Ecriture. Mais à présent également, le sujet principal est le Seigneur lui-même, qui continue à parler dans l'Ecriture qui est entre nos mains. Je pense que nous devons apprendre ces trois éléments: lire dans un dialogue personnel avec le Seigneur; lire accompagnés par des maîtres qui ont l'expérience de la foi, qui sont entrés dans l'Ecriture Sainte; lire au sein de la grande communauté de l'Eglise, dans la Liturgie de laquelle ces événements deviennent toujours à nouveau présents, dans laquelle le Seigneur parle à présent avec nous, afin que nous entrions toujours plus dans l'Ecriture Sainte, dans laquelle Dieu parle réellement avec nous aujourd'hui.

2. Très Saint-Père, je m'appelle Anna, j'ai 19 ans, j'étudie la littérature et je fais partie de la paroisse "Santa Maria del Carmelo".

L'un des problèmes auquel nous sommes le plus confrontés est affectif. Nous avons souvent des difficultés à aimer. Oui, des difficultés: car il est facile de confondre l'amour avec l'égoïsme, en particulier aujourd'hui, où une grande partie des médias nous imposent presque une vision de la sexualité individualiste, sécularisée, où tout semble permis, et tout est autorisé au nom de la liberté et de la conscience des personnes. La famille fondée sur le mariage semble désormais n'être plus qu'une invention de l'Eglise, sans parler des relations avant le mariage, dont l'interdiction apparaît même à un grand nombre d'entre nous, croyants, comme une chose incompréhensible ou hors du temps... Sachant qu'un grand nombre d'entre nous essayent de vivre leur vie affective de façon responsable, pourriez-vous nous expliquer ce que la Parole de Dieu dit à ce propos? Merci.

Il s'agit d'une question importante et y répondre en quelques minutes n'est certainement pas possible, mais je vais essayer de dire quelque chose. Anna elle-même a déjà apporté des réponses lorsqu'elle a dit qu'aujourd'hui, l'amour est souvent mal interprété dans la mesure où il est présenté comme une expérience égoïste, alors qu'en réalité, il s'agit d'un abandon de soi qui permet de se trouver. Elle a également dit qu'une culture de la consommation fausse notre vie en raison d'un relativisme qui semble tout nous permettre, mais qui en réalité nous vide. Mais alors, écoutons la Parole de Dieu à ce propos. Anna voulait savoir à juste titre ce que la Parole de Dieu dit à ce sujet. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il était très beau que dès les premières pages de l'Ecriture Sainte, immédiatement après le récit de la Création de l'homme, nous trouvions la définition de l'amour et du mariage. L'auteur sacré nous dit: "Ainsi donc, l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair, une seule existence". Nous sommes au début et nous trouvons déjà une prophétie de ce qu'est le mariage; et cette définition demeure identique également dans le Nouveau Testament. Le mariage signifie suivre l'autre dans l'amour et devenir ainsi une seule existence, une seule chair, et donc inséparables; une nouvelle existence qui naît de cette communion d'amour, qui unit et crée ainsi également l'avenir. Les théologiens du Moyen-Age, en interprétant cette affirmation qui se trouve au début de l'Ecriture Sainte, ont dit que des sept Sacrements, le mariage a été le premier institué par Dieu, ayant été déjà institué au moment de la création, au Paradis, au début de l'histoire, et avant toute histoire humaine. Il s'agit d'un sacrement du Créateur de l'univers, et donc inscrit précisément dans l'être humain lui-même, qui est orienté vers ce chemin, dans lequel l'homme abandonne ses parents et s'unit à sa femme pour former une seule chair, afin que les deux ne deviennent qu'une seule existence. Le sacrement du mariage n'est donc pas une invention de l'Eglise, il a réellement été "co-créé" avec l'homme en tant que tel, en tant que fruit du dynamisme de l'amour, dans lequel l'homme et la femme se trouvent mutuellement et trouvent ainsi également le Créateur qui les a appelés à l'amour. Il est vrai que l'homme est tombé et a été chassé du Paradis, ou, en d'autres termes, plus modernes, il est vrai que toutes les cultures ont été souillées par le péché, par les erreurs de l'homme dans son histoire, et ainsi, le dessein initial inscrit dans notre nature apparaît obscurci. En effet, dans les cultures humaines, nous trouvons cet obscurcissement du dessein originel de Dieu. Dans le même temps, toutefois, en observant les cultures, toute l'histoire culturelle de l'humanité, nous constatons également que l'homme n'a jamais pu totalement oublier ce dessein qui existe dans la profondeur de son être. Il a toujours su, en un certain sens, que les autres formes de relations entre l'homme et la femme ne correspondaient pas réellement au dessein originel de son être. Et ainsi, dans les cultures, en particulier dans les grandes cultures, nous constatons toujours à nouveau qu'elles s'orientent vers cette réalité, la monogamie, l'homme et la femme ne faisant qu'une seule chair. Ainsi, c'est dans la fidélité, que peut croître une nouvelle génération, que peut se poursuivre une tradition culturelle, se renouvelant et réalisant, dans la continuité, un progrès authentique.

Le Seigneur, qui a parlé de cela dans la langue des prophètes d'Israël, en évoquant la permission de divorcer de la part de Moïse, a dit: "C'est en raison de votre dureté de coeur". Après le péché, le coeur est devenu "dur", mais tel n'était pas le dessein du Créateur et les Prophètes ont insisté toujours plus clairement sur ce dessein originel. Pour renouveler l'homme, le Seigneur - en faisant allusion aux voix prophétiques qui ont toujours guidé Israël vers la clarté de la monogamie - a reconnu avec Ezéchiel que nous avons besoin - pour vivre cette vocation, d'un coeur nouveau; au lieu du coeur de pierre - comme dit Ezéchiel - nous avons besoin d'un coeur de chair, d'un coeur véritablement humain. Et le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, "greffe" en nous ce coeur nouveau. Il ne s'agit pas d'une greffe physique, mais nous pouvons peut-être nous servir précisément de cette comparaison: après la greffe, il est nécessaire que l'organisme soit soigné, qu'il dispose des médicaments nécessaires pour pouvoir vivre avec son nouveau coeur, afin qu'il devienne "son coeur", et non le "coeur d'un autre". Dans cette "greffe spirituelle", où le Seigneur nous offre un coeur nouveau, un coeur ouvert au Créateur, à la vocation de Dieu, pour pouvoir vivre avec ce coeur nouveau, nous avons encore plus besoin de traitements adéquats, il faut avoir recours à des médicaments adaptés afin qu'il devienne véritablement "notre coeur". En vivant ainsi dans la communion avec le Christ, avec son Eglise, le nouveau coeur devient réellement "notre coeur" et le mariage devient possible. L'amour exclusif entre un homme et une femme, la vie à deux projetée par le Créateur devient possible, même si le climat de notre monde la rend difficile, jusqu'à la faire apparaître impossible.

Le Seigneur nous donne un coeur nouveau et nous devons vivre avec ce coeur nouveau, en utilisant les thérapies opportunes afin qu'il soit réellement "le nôtre". C'est ainsi que nous vivons ce que le Créateur nous a donné et cela engendre une vie véritablement heureuse. En effet, nous pouvons le voir également dans ce monde, en dépit des nombreux autres modèles de vie: il existe tant de familles chrétiennes qui vivent avec fidélité et joie la vie et l'amour indiqués par le Créateur et c'est ainsi que se développe une nouvelle humanité.

Et enfin, j'ajouterais: nous savons tous que pour arriver à un objectif dans le sport et au niveau professionnel, la discipline et les sacrifices sont nécessaires, mais ensuite, tout cela est couronné par le succès d'avoir atteint un objectif tant désiré. De la même façon, la vie elle-même, c'est-à-dire devenir hommes selon le dessein de Jésus, exige des sacrifices; toutefois, ils ne sont pas une chose négative, au contraire, ils aident à vivre en tant qu'homme avec un coeur nouveau, à vivre une vie véritablement humaine et heureuse. Etant donné qu'il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre le dessein du Créateur.

178 3. Très Saint-Père, je m'appelle Inelida, j'ai 17 ans, je suis Aide cheftaine Scout chez les Louveteaux dans la paroisse "San Gregorio Barberigo" et j'étudie au lycée artistique "Mario Mafai".

Dans votre Message pour la XXI Journée mondiale de la Jeunesse, vous nous avez dit qu'il "est urgent que naisse une nouvelle génération d'apôtres enracinés dans la Parole du Christ". Ce sont des paroles si fortes et exigeantes qu'elles font presque peur. Bien sûr, nous aussi, nous voudrions être de nouveaux apôtres, mais voulez-vous nous expliquer plus précisément ce que sont, d'après vous, les principaux défis à affronter à notre époque, et comment vous-même imaginez ces nouveaux Apôtres? En d'autres termes: qu'attendez-vous de nous, Votre Sainteté?

Nous nous demandons tous ce que le Seigneur attend de nous. Il me semble que le grand défi de notre temps - c'est ce que me disent également les Evêques en visite "ad limina", ceux d'Afrique par exemple - soit la sécularisation: c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société: il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité: que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.

C'est pourquoi le premier point est connaître Dieu, reconnaître que Dieu est présent dans ma vie, et que Dieu joue un rôle. Le second point - si nous reconnaissons que Dieu est présent, que notre liberté est une liberté partagée avec les autres et qu'il doit donc y avoir un paramètre commun pour construire une réalité commune - le second point, disais-je, soulève la question: quel Dieu? Il existe en effet tant de fausses images de Dieu, d'un Dieu violent, etc. La seconde question est donc: reconnaître le Dieu qui nous a montré son visage en Jésus, qui a souffert pour nous, qui nous a aimés jusqu'à la mort et ainsi, a vaincu la violence. Il faut rendre présent, avant tout dans notre "propre vie", le Dieu vivant, le Dieu qui n'est pas un inconnu, un Dieu inventé, un Dieu uniquement pensant, mais un Dieu qui s'est montré, qui s'est révélé, et qui a révélé son visage. Ce n'est qu'ainsi que notre vie devient véritable, authentiquement humaine et ainsi également, les critères du véritable humanisme deviennent présents dans la société. Ici aussi vaut le principe selon lequel, comme je l'avais dit dans la première réponse, nous ne pouvons pas construire seuls cette vie juste et droite, mais nous devons marcher en compagnie d'amis justes et droits, de compagnons avec lesquels nous pouvons faire l'expérience que Dieu existe et qu'il est beau de marcher avec Dieu. Et marcher dans la grande communauté de l'Eglise, qui nous présente au cours des siècles la présence du Dieu qui parle, qui agit, qui nous accompagne. Je dirais donc: trouver Dieu, trouver le Dieu qui s'est révélé en Jésus Christ, marcher en compagnie de sa grande famille, avec nos frères et soeurs qui sont la famille de Dieu, cela me semble être le contenu essentiel de cet apostolat dont j'ai parlé.

4. Je m'appelle Vittorio, je viens de la paroisse "San Giovanni Bosco" à Cinecittà, j'ai 20 ans et j'étudie les Siences de l'Education à l'Université de Tor Vergata.

Toujours dans votre Message, vous nous invitez à ne pas avoir peur de répondre avec générosité au Seigneur, en particulier lorsqu'il propose de le suivre dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale. Vous nous dites de ne pas avoir peur, d'avoir confiance en Lui et que nous ne serons pas déçus. Un grand nombre d'entre nous, ici présents ou parmi ceux qui nous suivent chez eux ce soir à la télévision pensent, j'en suis convaincu, à suivre Jésus sur une voie de consécration spéciale, mais il n'est pas toujours facile de comprendre si celle-ci sera la juste voie. Pouvez-vous nous dire comment vous avez fait pour comprendre quelle était votre vocation? Pouvez-vous nous donner des conseils pour mieux comprendre si le Seigneur nous appelle à le suivre dans la vie consacrée ou sacerdotale? Je vous remercie.

En ce qui me concerne, j'ai grandi dans un monde très différent du monde actuel, mais à la fin, les situations se ressemblent. D'une part, il y avait encore la situation de "chrétienté", dans laquelle il était normal d'aller à l'église et d'accepter la foi comme la révélation de Dieu et chercher à vivre selon la révélation; d'autre part, il y avait le régime nazi, qui affirmait à voix haute: "Dans la nouvelle Allemagne il n'y aura plus de prêtres, il n'y aura plus de vie consacrée, nous n'avons plus besoin de ces gens; cherchez une autre profession". Mais précisément en entendant ces voix "fortes", dans la confrontation avec la brutalité de ce système au visage inhumain, j'ai compris qu'il y avait, en revanche, un grand besoin de prêtres. Ce contraste, voir cette culture antihumaine, m'a confirmé dans la conviction que le Seigneur, l'Evangile, la foi nous montraient la voie juste et que nous devions nous engager pour que cette voie survive. Dans cette situation, la vocation au sacerdoce a grandi presque naturellement en moi et sans grands événements de conversion. En outre, deux choses m'ont aidé sur ce chemin: dès l'enfance, aidé par mes parents et par mon curé, j'ai découvert la beauté de la Liturgie et je l'ai toujours aimée davantage, car je sentais que dans celle-ci apparaît la beauté divine et que le ciel s'ouvre devant nous; le deuxième élément a été la découverte de la beauté et de la connaissance, la connaissance de Dieu, l'Ecriture Sainte, grâce à laquelle il est possible de s'introduire dans cette grande aventure du dialogue avec Dieu qu'est la théologie. Ainsi, cela a été une joie d'entrer dans ce travail millénaire de la théologie, dans cette célébration de la liturgie, dans laquelle Dieu est avec nous et se réjouit avec nous.

Naturellement les difficultés n'ont pas manqué. Je me demandais si j'avais réellement la capacité de vivre le célibat pendant toute la vie. Etant un homme de formation théorique et non pratique, je savais également qu'il ne suffisait pas d'aimer la théologie pour être un bon prêtre, mais qu'il y a besoin d'être toujours disponible envers les jeunes, les personnes âgées, les malades, les pauvres; la nécessité d'être simple avec les simples. La théologie est belle, mais la simplicité de la parole et de la vie chrétienne est également nécessaire. Et ainsi, je me demandais: serais-je en mesure de vivre tout cela et de ne pas vivre de manière unilatérale, d'être seulement un théologien etc.? Mais le Seigneur m'a aidé et, surtout, la compagnie de mes amis, de bons prêtres et de maîtres m'a aidée.

En revenant à la question, je pense qu'il est important d'être attentifs aux gestes du Seigneur sur notre chemin. Il nous parle à travers des événements, à travers des personnes, à travers des rencontres: il faut être attentifs à tout cela. Ensuite, c'est le deuxième point, entrer réellement dans une relation d'amitié avec Jésus, dans une relation personnelle avec Lui et ne pas savoir seulement par les autres ou par les livres qui est Jésus, mais vivre une relation toujours plus approfondie d'amitié personnelle avec Jésus, dans laquelle nous pouvons commencer à comprendre ce qu'Il nous demande. Et ensuite, l'attention à ce que je suis, à mes capacités: d'une part du courage et de l'autre de l'humilité, de la confiance et l'ouverture, également avec l'aide des amis, de l'autorité de l'Eglise et aussi des prêtres, des familles: qu'est-ce que le Seigneur veut de moi? Bien sûr, cela reste toujours une grande aventure, mais la vie ne peut réussir que si nous avons le courge de l'aventure, la confiance dans le fait que le Seigneur ne me laissera jamais seul, que le Seigneur m'accompagnera, m'aidera.

5. Saint-Père, je m'appelle Giovanni, j'ai 17 ans, j'étudie au Lycée scientifique technique "Giovanni Giorgi" à Rome et j'appartiens à la paroisse "Santa Maria Madre della Misericordia".

Je vous demande de nous aider à mieux comprendre comment la révélation biblique et les théories scientifiques peuvent converger dans la recherche de la vérité. Nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi sont ennemies entre elles; que la science et la technique sont la même chose; que la logique mathématique a tout découvert; que le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n'ont pas découvert le théorème-Dieu c'est tout simplement parce que Dieu n'existe pas. En somme, surtout lorsque nous étudions, il n'est pas toujours facile de tout ramener à un projet divin, sous-jacent à la nature et à l'histoire de l'Homme. Ainsi, parfois, la foi vacille ou se réduit à un simple acte sentimental. Moi aussi, Saint-Père, comme tous les jeunes, j'ai soif de Vérité: mais comment puis-je faire pour harmoniser science et foi?

179 Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous la forme du langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres: celui de l'Ecriture Sainte et celui de la nature. Et le langage de la nature - telle était sa conviction - sont les mathématiques, celles-ci sont donc un langage de Dieu, du Créateur. Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques: en soi, il s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui comme tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais - comme tel - c'est un système intellectuel, c'est une grande, géniale invention de l'esprit humain. La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain, est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.

Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc: la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c'est "une" raison qui les relie toutes les deux: notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.

Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques - dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître -, nous montrent la structure intelligente de l'univers. Certes, il existe également les théories du chaos, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver - comme on le prouve par l'expérience, dans les lois techniques - que les deux soient réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaisse réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.

A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais: ou Dieu existe, ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options. Ou l'on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et est le principe de tout - la priorité de la raison est également la priorité de la liberté - ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel - la raison serait un produit de l'irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse "prouver" l'un ou l'autre projet, mais la grande option du Christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.

Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal dans le monde: on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu.


Discours 2005-2013 30306