Discours 2005-2013 19506

AUX PARTICIPANTS A LA RENCONTRE PROMUE PAR LA FONDATION "CENTESIMUS ANNUS PRO PONTIFICE" Salle Clémentine Vendredi 19 mai 2006

19506

Monsieur le Cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer pour la première fois et je vous salue tous cordialement. Je salue en particulier Monsieur le Cardinal Attilio Nicora, Président de l'Administration du Patrimoine du Siège apostolique, ainsi que le Président de la Fondation, le Comte Lorenzo Rossi di Montelera, que je remercie des paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Je salue les Evêques présents et les prêtres, qui sont vos conseillers spirituels. J'exprime à chacun de vous mon estime et ma gratitude pour le service que vous rendez au Successeur de Pierre et pour la générosité avec laquelle vous soutenez son activité apostolique.

Le nom même de votre fondation indique avec clarté les finalités louables que vous poursuivez. Centesimus Annus rappelle la dernière grande Encyclique sociale de Jean-Paul II, à travers laquelle l'inoubliable Souverain Pontife, résumant cent années de Magistère dans ce domaine, projetait l'Eglise en avant en l'encourageant à se confronter à la res novae du troisième millénaire. Centesimus Annus dit, par ailleurs, votre engagement à collaborer afin que dans les divers domaines culturels du monde contemporain, la doctrine sociale de l'Eglise joue de façon limpide son rôle pour la diffusion de l'Evangile. La qualification Pro Pontifice souligne, quant à elle, votre intention de cultiver une proximité particulière avec la tâche pastorale de l'Evêque de Rome, en vous engageant à participer, à la hauteur de vos forces, à soutenir les instruments concrets dont il a besoin pour animer et encourager la présence de l'Eglise dans le monde entier. Vous avez commencé votre activité dans un cadre majoritairement italien; à présent, je constate avec joie que vous êtes progressivement en train de l'organiser dans d'autres régions d'Europe et d'Amérique. La qualité de Fondation vaticane vous habilite et vous oriente vers ces larges horizons.

Le Congrès d'étude que vous avez organisé sur "Démocratie, institutions et justice sociale" affronte des problèmes d'une vive actualité. L'on déplore parfois les lenteurs avec lesquelles la démocratie authentique fait son chemin, mais elle demeure toutefois l'instrument historique le plus valable, s'il est bien utilisé, pour disposer de façon responsable de son propre avenir d'une manière digne de l'homme. Vous avez à juste titre indiqué deux points critiques dans le chemin vers une organisation plus mûre de la coexistence humaine. Sont nécessaires en premier lieu des institutions appropriées, crédibles et faisant autorité, qui ne soient pas finalisées à une simple gestion du pouvoir public, mais qui soient capables de promouvoir des niveaux articulés de participation populaire, dans le respect des traditions de chaque nation, et dans la préoccupation constante d'en protéger l'identité. Par ailleurs, un effort tenace, durable et commun pour la promotion de la justice sociale est tout aussi urgent. La démocratie ne sera pleinement réalisée que lorsque chaque personne et chaque peuple sera en mesure d'accéder aux biens fondamentaux (la vie, la nourriture, l'eau, la santé, l'instruction, le travail, la garantie des droits) à travers une organisation des relations intérieures et internationales qui assure à chacun la possibilité d'y prendre part. L'on ne pourra pas offrir, par ailleurs, une véritable justice sociale sinon dans une optique de solidarité authentique, qui engage à vivre et à oeuvrer toujours les uns pour les autres, et jamais les uns contre les autres ou au dépend des autres. Trouver le moyen de concrétiser tout cela, dans le contexte mondial d'aujourd'hui, est le grand défi des chrétiens laïcs.

Chers amis, à travers la Fondation Centesimus Annus, vous concourez, avec d'autres Associations de grand mérite, à faire croître la connaissance de la doctrine sociale, à travers laquelle l'Eglise, ainsi que je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, entend "contribuer à la purification de la raison et au réveil des forces morales, sans lesquelles des structures justes ne peuvent ni être construites, ni être opérationnelles à long terme" (n. 29). Que chacun de vous, en tant que fidèle laïc, fasse sien le "devoir immédiat d'agir pour un ordre juste dans la société" puisque "la charité doit animer l'existence entière des fidèles laïcs et donc aussi leur activité politique, vécue comme "charité sociale"" (ibid). Puisse donc notre rencontre d'aujourd'hui vous confirmer dans cet engagement généreux. En retournant à vos responsabilités quotidiennes, sentez-vous toujours plus unis dans le lien de la communion catholique et vivez avec passion les engagements que vous avez assumés. Je vous remercie également de l'offrande que votre Président m'a remise pour le soutien des oeuvres de mon ministère pastoral. Et tout en invoquant sur vos familles la protection maternelle de Marie, je vous bénis tous de tout coeur.


À S.E. M. FRANCISCO VÁZQUEZ VÁZQUEZ AMBASSADEUR D'ESPAGNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Samedi 20 mai 2006

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE


Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux de recevoir les Lettres qui accréditent Votre Excellence comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Espagne près le Saint-Siège, et je vous remercie cordialement des paroles que vous avez bien voulu m'adresser, ainsi que des salutations appréciées de Sa Majesté le Roi Juan Carlos I, de la Famille royale, de votre gouvernement et de la nation espagnole. Je vous prie de leur transmettre mes meilleurs voeux de prospérité et de bien spirituel pour eux et pour tous les Espagnols, que je garde profondément présents dans mes prières.

201 J'ai eu l'occasion de visiter votre pays à plusieurs reprises, et j'en garde un souvenir plein de reconnaissance, tant en raison de la courtoisie des personnes que j'ai rencontrées, que de l'abondance et de la grande valeur des nombreuses oeuvres d'art et des expressions culturelles présentes sur son territoire. Il s'agit d'un patrimoine enviable, qui dénote une histoire brillante, profondément imprégnée par les valeurs chrétiennes et également enrichie par la vie d'éminents témoins de l'Evangile, à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Ce patrimoine comprend des oeuvres dans lesquelles leurs créateurs ont façonné leurs idéaux et leur foi. S'il était ignoré ou passé sous silence, il perdrait une grande partie de son pouvoir d'attraction et de sa signification, mais continuerait à être, pour ainsi dire, comme "des pierres qui parlent".

2. Comme Votre Excellence l'a souligné, les relations diplomatiques pluriséculaires entre l'Espagne et le Saint-Siège, reflètent le lien constant du peuple espagnol avec la foi catholique. La grande vitalité qui a caractérisé et qui continue de caractériser l'Eglise dans votre pays est comme une invitation spéciale à renforcer ces relations et à promouvoir une collaboration étroite entre celle-ci et les institutions publiques, de manière respectueuse et loyale, dans le cadre des compétences et de l'autonomie respectives, en vue de parvenir au bien intégral des personnes qui, tout en étant des citoyens de votre pays, sont également pour la plupart des enfants très chers à l'Eglise. Un chemin important pour cette coopération est tracé par les Accords signés entre l'Etat espagnol et le Saint-Siège, en vue de garantir à l'Eglise catholique "l'exercice libre et public des activités qui lui sont propres et en particulier celles qui sont liées au culte, à la juridiction et au magistère" (art. I du premier Accord, 3 janvier 1979).

En effet, comme vous le savez, Monsieur l'Ambassadeur, l'Eglise soutient les croyants qui aiment la justice et participent honnêtement à la vie publique et professionnelle avec un sens de respect et de solidarité, pour "promouvoir organiquement et par les institutions, le bien commun" (Encyclique Deus caritas est ). Elle est également engagée dans la promotion et la défense des droits de l'homme, en raison de la haute considération qu'elle éprouve pour la dignité de la personne dans son intégralité, quels que soient le lieu ou la situation dans laquelle elle se trouve. Elle s'engage entièrement, avec les moyens qui lui sont propres, pour qu'aucun de ces droits ne soit violé ou oublié, aussi bien de la part des personnes que des institutions.

C'est pourquoi l'Eglise proclame sans réserve le droit primordial à la vie, depuis sa conception jusqu'à son terme naturel, le droit à naître, à former une famille et à y vivre, sans que celle-ci ne soit supplantée ou amoindrie par d'autres formes ou institutions différentes. A ce propos, la Rencontre mondiale des Familles, qui aura lieu prochainement sur le territoire espagnol, à Valence, et et que j'attends avec joie, me donnera l'occasion de célébrer la beauté et la fécondité de la famille fondée sur le mariage, sa très haute vocation et son incontournable valeur sociale.

3. L'Eglise insiste également sur le droit inaliénable des personnes à professer sans obstacle, que ce soit de manière publique ou privée, leur propre foi religieuse, ainsi que le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent une éducation en accord avec leurs valeurs et leurs croyances, sans discrimination ou exclusion explicite ou cachée. A ce propos, c'est pour moi un motif de satisfaction de constater la forte demande d'enseignement de la religion catholique dans les écoles publiques espagnoles, ce qui signifie que la population reconnaît l'importance de cette matière pour la croissance et la formation personnelle et culturelle des jeunes. Cette importance pour le développement de la personnalité de l'élève est le principe de base de l'Accord entre l'Etat espagnol et le Saint-Siège sur l'enseignement et les questions culturelles, dans lequel il est établi que l'enseignement de la religion catholique sera dispensé "dans des conditions équivalentes aux autres disciplines fondamentales" (art. 2).

Dans le cadre de sa mission évangélisatrice, l'Eglise a également pour tâche l'activité caritative, l'attention à ceux qui sont dans le besoin et qui attendent une main amicale, fraternelle et désintéressée pour améliorer leur situation. Dans l'Espagne d'aujourd'hui, comme au cours de son histoire, cet aspect se manifeste de manière particulièrement féconde à travers les nombreuses oeuvres d'assistance, dans tous les domaines et avec une grande largeur de vue. Etant donné que ce travail ne s'inspire pas de stratégies politiques ou idéologiques (cf. Encyclique Deus caritas est , Deus caritas est, n. 31, b; 31), il rencontre sur son chemin des personnes et des institutions de toutes les origines, également sensibles au devoir de secourir les personnes défavorisées, quelles qu'elles soient. En se fondant sur ce "devoir d'humanité", la collaboration dans le domaine de l'assistance et de l'aide humanitaire est parvenue à de nombreux objectifs, et il faut espérer que cela continue toujours davantage.

4. Monsieur l'Ambassadeur, au moment de conclure cette rencontre, je vous présente à nouveau mes meilleurs voeux pour le déroulement de cette haute mission qui vous a été confiée, afin que les relations entre l'Espagne et le Saint-Siège se renforcent et progressent, reflétant le respect et la profonde affection de tant d'Espagnols pour le Pape. J'espère également que votre séjour à Rome sera riche d'expériences humaines, culturelles et chrétiennes, et que vous vous sentirez ici chez vous, avec votre famille, sans oublier les belles terres de l'extrémité occidentale de l'Europe, d'où vous provenez, et dans lesquelles s'enracina très tôt l'Evangile, dont la diffusion, sous le patronage de l'Apôtre saint Jacques, contribua à promouvoir et à conserver vivantes les racines chrétiennes de l'Europe.

Je vous prie de vous faire l'interprète de mes sentiments auprès de Leurs Majestés le Roi et la Reine d'Espagne et des Autorités de cette noble nation, alors que j'invoque d'abondantes Bénédictions du Très-haut sur vous, sur ceux qui vous chers et sur les collaborateurs de cette Représentation diplomatique.


AUX ÉVÊQUES DE LA RÉGION CANADA-ATLANTIQUE EN VISITE AD LIMINA APOSTOLORUM Samedi 20 mai 2006



Chers frères dans l'épiscopat,

1. "Grâce, miséricorde, paix, de par Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur" (1Tm 1,2). Avec une affection fraternelle, je vous souhaite une cordiale bienvenue, Evêques du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve, de Nouvelle-Ecosse et de l'Ile du Prince Edouard. Je remercie Mgr Lahey pour les paroles cordiales exprimées en votre nom. J'y réponds avec plaisir et je vous assure de mes prières, ainsi que tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral. Votre visite ad limina Apostolorum représente une occasion de rendre grâce à Dieu pour le travail de ceux qui ont prêché inlassablement l'Evangile partout dans votre pays. Il s'agit également d'une occasion pour renforcer dans la foi, dans l'espérance et dans la charité vos liens de communion avec l'Evêque de Rome, et pour affirmer votre engagement à rendre le visage du Christ toujours plus visible au sein de l'Eglise et de la société, à travers le témoignage cohérent de l'Evangile qui est Jésus Christ lui-même.

202 2. Le Canada possède un fier héritage empreint d'une riche diversité sociale. Au coeur de l'âme culturelle de votre nation se trouve le don incommensurable de la foi du Christ, qui a été reçu et célébré avec une joie profonde au fil des siècles par les populations de votre pays. Comme de nombreux pays, toutefois, le Canada souffre aujourd'hui des effets négatifs du sécularisme. La tentative de promouvoir une vision de l'humanité détachée de l'ordre transcendant de Dieu et indifférente à la lumière invitante du Christ, éloigne l'expérience du véritable espoir de la portée des hommes et des femmes. L'un des symptômes les plus dramatiques de cette mentalité, clairement évidente dans votre région, est l'effondrement du taux de natalité. Cette manifestation inquiétante d'incertitude et de peur, même si elle n'est pas toujours consciente, contraste fortement avec l'expérience définitive du véritable amour qui, de par sa nature, est marqué par la confiance, recherche le bien de l'être aimé, et vise à l'éternité (cf. Deus caritas est ).

Confrontés aux nombreux maux sociaux et aux ambiguïtés morales qui sont les conséquences de l'idéologie séculariste, les Canadiens attendent de vous que vous soyez des hommes d'espérance, qui prêchent et enseignent avec passion la splendeur de la vérité du Christ, qui dissipe les ténèbres et illumine le chemin pour renouveler la vie ecclésiale et civile, en éduquant les consciences et en enseignant la dignité authentique de la personne et de la société humaine. En particulier dans les quartiers qui souffrent également des conséquences douloureuses de la crise économique, tel que le chômage et l'émigration forcée, les responsables ecclésiaux apportent de nombreux fruits lorsque, dans leurs préoccupations en vue du bien commun, ils cherchent avec générosité à soutenir les Autorités civiles dans leur tâche en vue de promouvoir une régénération de la communauté. A cet égard, je note avec satisfaction le succès des commémorations célébrées l'an dernier dans l'archidiocèse de Saint John, marquées par un esprit de coopération avec les diverses Autorités civiles. De telles initiatives manifestent la reconnaissance du besoin de force spirituelle au coeur de la société. En effet, "il n'est en aucune manière possible de dissocier la réponse aux besoins matériels et sociaux des hommes de la réponse aux désirs profonds de leur coeur" (Message du Pape pour le Carême 2006).

3. Chers frères, vos comptes-rendus révèlent clairement le sérieux avec lequel vous répondez aux besoins de renouveau pastoral. Je comprends que le vieillissement du clergé et l'isolement de nombreuses communautés soulèvent de nombreux défis. Toutefois, si l'Eglise désire satisfaire la soif de vérité et de valeurs authentiques des hommes et des femmes sur lesquelles ils puissent bâtir leur vie, aucun effort ne doit être épargné pour trouver des initiatives pastorales efficaces en vue de faire connaître Jésus Christ. Il est donc d'une grande importance que les programmes d'éducation catéchistiques et religieux que vous mettez en place continuent de renforcer la compréhension et l'amour des fidèles pour notre Seigneur et son Eglise, et réveillent en eux le zèle pour le témoignage chrétien qui trouve son origine dans le sacrement du Baptême. A cet égard, une attention particulière doit être apportée pour assurer que la relation intrinsèque entre le Magistère de l'Eglise, la foi des fidèles et le témoignage de la vie publique soit préservée et promue. Ce n'est que de cette façon que vous pouvons espérer surmonter la rupture délétère entre l'Evangile et la culture (cf. Evangelii nuntiandi
EN 20).

Vos catéchistes jouent un rôle d'une importance particulière. Ils ont embrassé avec un grand courage le désir ardent de saint Paul: transmettre "en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu" (1Co 15,3). L'enseignement de la foi ne peut se réduire à une simple transmission de "choses" ou de paroles, ou même à un ensemble de vérités abstraites. La Tradition de l'Eglise est vivante! C'est l'actualisation permanente de la présence active du Seigneur Jésus au sein de son peuple, réalisée par l'Esprit Saint, et exprimée dans l'Eglise à chaque génération. Dans ce sens, elle est comme le fleuve vivant qui nous relie aux origines toujours présentes et qui nous conduit aux portes de l'éternité (cf. Audience générale du 26 avril 2006). A travers vous, je reconnais le service des catéchistes dans vos diocèses et je les encourage dans leur devoir et privilège de faire connaître aux autres le "oui" extraordinaire de Dieu à l'humanité (cf. 2Co 1,20). De plus, j'appelle directement et en particulier les jeunes adultes de votre diocèse à relever le défi gratifiant du service à la catéchèse et à partager la satisfaction de transmettre la foi. Leur exemple de témoignage chrétien à leurs cadets renforcera leur propre foi, tout en apportant aux autres le bonheur qui découle du sentiment d'utilité et de signification dans la vie que révèle le Seigneur.

4. Dans votre plan de renouveau pastoral, vous êtes affrontés à la tâche délicate de la réorganisation des paroisses et même des diocèses. Cela ne peut jamais être réalisé de manière appropriée par les simples modèles sociaux de restructuration. Sans le Christ, nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15,5). La prière nous enracine dans la vérité, nous rappelant sans cesse la primauté du Christ et, en union avec lui, le primat de la vie intérieure et de la sainteté. Les paroisses sont donc, à juste titre, considérées avant tout comme des maisons et des écoles de communion. Par conséquent, la réorganisation des paroisses est essentiellement un exercice de renouveau spirituel. Cela exige une promotion pastorale de la sainteté, afin que les fidèles demeurent attentifs à la volonté de Dieu, dont nous partageons la vie véritable, devenant participants de la nature divine (cf. Dei Verbum DV 2). Une telle sainteté, ou une telle communion intime par le Christ et dans l'Esprit, est affermie entre autres par une pédagogie authentique de la prière, par une introduction à la vie des Saints et aux multiples formes de spiritualité qui embellissent et stimulent la vie de l'Eglise, par une participation régulière au Sacrement de la Réconciliation, et par une catéchèse convaincante sur le dimanche comme "le jour de la foi", "le jour auquel on ne peut renoncer", "le jour de l'espérance chrétienne" (cf. Dies Domini, nn. 29-30; 38).

J'ai la certitude qu'une redécouverte de Jésus Christ, Verbe fait chair, notre Sauveur, conduira à une redécouverte de l'identité personnelle, sociale et culturelle des fidèles. Loin de confondre la diversité et la complémentarité des charismes et des fonctions des ministres ordonnés et des fidèles laïcs, une identité catholique renforcée ravivera la passion pour l'évangélisation, qui est le propre de la vocation de tout croyant et de la nature de l'Eglise (cf. Instruction Le prêtre, pasteur et guide de la communauté paroissiale, nn. 23-24).

5. C'est dans l'appel universel à la sainteté (cf. 1Th 4,3) que se trouve la vocation particulière à laquelle Dieu appelle chaque personne. A cet égard, je vous encourage à demeurer vigilants dans votre devoir en vue de promouvoir une culture des vocations. Vos comptes-rendus attestent de l'admiration que vous avez pour vos prêtres qui oeuvrent avec une grande générosité à la mission de l'Eglise et au bien de ceux qu'ils servent. Je prie pour que leur chemin quotidien de conversion et d'amour généreux suscite chez les jeunes hommes le désir de répondre à l'appel de Dieu à l'humble ministère sacerdotal dans son Eglise.

De plus, vous avez à juste titre souligné la contribution précieuse des religieux et des religieuses à la mission de l'Eglise. Cette profonde estime pour la vie consacrée est à juste titre accompagnée par votre préoccupation pour le déclin des vocations religieuses dans votre pays. Une clarté renouvelée est nécessaire pour articuler la contribution particulière des religieux à la vie de l'Eglise: une mission pour rendre l'amour du Christ présent au sein de l'humanité (cf. Instruction Repartir du Christ: un engagement renouvelé de la vie consacrée au troisième millénaire, n. 5). Une telle clarté donnera lieu à un nouveau kairos, et les religieux réaffirmeront avec confiance leur appel et, sous la direction de l'Esprit Saint, proposeront à nouveau aux jeunes l'idéal de la consécration et de la mission. J'assure à nouveau les prêtres religieux, les religieux et les religieuses du témoignage vital qu'ils offrent en se plaçant sans réserve entre les mains du Christ et de l'Eglise, représentant une annonce forte et claire de la présence de Dieu dans un langage compréhensible à nos contemporains (cf. Homélie pour la Journée mondiale de la Vie consacrée, 2 février 2006, n. 6).

6. Chers frères, avec une affection et une gratitude fraternelles, je vous offre ces réflexions et je vous assure de mes prières, tandis que vous vous efforcez de guider le troupeau qui vous a été confié. Unis dans votre proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, allez de l'avant avec espérance! Avec ces sentiments, je vous confie à la protection de Marie, Mère de l'Eglise, et à l'intercession de saint Joseph, son chaste époux. A vous et aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux fidèles laïcs de vos diocèses, je donne cordialement ma Bénédiction apostolique.


AUX SUPÉRIEURS ET SUPÉRIEURES GÉNÉRAUX DES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET DES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE Aula Paolo VI Lundi 22 mai 2006

203 Monsieur le Cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

C'est pour moi une grande joie de vous rencontrer, Supérieurs et Supérieures généraux, représentants et responsables de la vie consacrée. Je vous adresse à tous mes salutations cordiales. Je salue en particulier avec une affection fraternelle Monsieur le Cardinal Franc Rodé, et je le remercie de s'être fait l'interprète de vos sentiments, aux côtés de vos autres représentants. Je salue le Secrétaire et les collaborateurs de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, reconnaissant pour le service que ce dicastère rend à l'Eglise dans un domaine aussi important que celui de la vie consacrée. Ma pensée se tourne en ce moment, avec une vive gratitude, vers tous les religieux et toutes les religieuses, les hommes et les femmes consacrés et les membres des Sociétés de vie apostolique qui diffusent dans l'Eglise et dans le monde le bonus odor Christi (cf.
2Co 2,15). A vous, Supérieurs et Supérieures majeurs, je demande de transmettre une parole d'attention particulière à tous ceux qui sont en difficulté, aux personnes âgées et aux malades, à ceux qui traversent des moments de crise et de solitude, à ceux et celles qui souffrent et se sentent égarés, ainsi qu'aux jeunes garçons et filles qui, encore aujourd'hui, frappent à la porte de vos maisons pour demander de pouvoir offrir leur propre personne à Jésus Christ, dans la radicalité de l'Evangile.

Je souhaite que ce moment de rencontre et de communion profonde avec le Pape puisse constituer pour chacun de vous un encouragement et un réconfort dans l'accomplissement d'un devoir toujours plus exigeant et qui rencontre quelquefois des obstacles. Le service d'autorité exige une présence constante, capable d'animer et de proposer, de rappeler la raison d'être de la vie consacrée, d'aider les personnes qui vous sont confiées à répondre avec une fidélité toujours renouvelée à l'appel de l'Esprit. Cette tâche qui est la vôtre est souvent accompagnée par la Croix et parfois même par une solitude qui exige un sens profond de sa responsabilité, une générosité qui ne connaît pas d'égarement et un oubli constant de vous-même. Vous êtes appelés à soutenir vos frères et vos soeurs à une époque difficile, marquée par de nombreux pièges. Les hommes et les femmes consacrés ont aujourd'hui le devoir d'être des témoins de la présence transfigurante de Dieu dans un monde de plus en plus désorienté et confus, un monde où les nuances ont remplacé les couleurs bien nettes et claires. Etre capable de regarder notre époque avec les yeux de la foi signifie être en mesure de regarder l'homme, le monde et l'histoire à la lumière du Christ crucifié et ressuscité, le seul capable d'orienter "l'homme qui avance parmi les conditionnements de la mentalité immanentiste et les impasses d'une logique technocratique" (Enc. Fides et ratio FR 15).

Ces dernières années, la vie consacrée a été à nouveau comprise avec un esprit plus évangélique, plus ecclésial et plus apostolique; mais nous ne pouvons pas ignorer que certains choix concrets n'ont pas offert au monde le visage authentique et vivifiant du Christ. En effet, la culture sécularisée a pénétré dans l'esprit et dans le coeur d'un certain nombre de personnes consacrées, qui y voient une forme d'ouverture à la modernité et une modalité d'approche du monde contemporain. Cela a pour conséquence que, à côté d'un élan de générosité indubitable, capable de témoignage et de don total, la vie consacrée court aujourd'hui le risque de la médiocrité, de l'embourgeoisement et de la mentalité de consommation. Dans l'Evangile, Jésus nous a avertis qu'il y a deux chemins: l'un est le chemin étroit qui mène à la vie, l'autre est le chemin plus large qui mène à la perdition (cf. Mt 7,13-14). La véritable alternative est, et sera toujours, l'acceptation du Dieu vivant à travers le service obéissant en vertu de la foi, ou de son refus. Une condition préalable à la sequela Christi est donc le renoncement, le détachement de tout ce qui n'est pas Lui. Le Seigneur veut des hommes et des femmes libres, non conditionnés, capables de tout abandonner pour le suivre et de trouver en Lui seul tout ce qui leur est propre. Certains choix courageux sont nécessaires, au niveau personnel et communautaire, qui impriment une nouvelle discipline à la vie des personnes consacrées et les conduisent à redécouvrir la dimension totalisante de la sequela Christi.

Appartenir au Seigneur veut dire brûler de son amour incandescent, être transformés par la splendeur de sa beauté: notre petitesse lui est offerte comme sacrifice au parfum suave, afin qu'elle devienne témoignage de la grandeur de sa présence pour notre époque qui a tant besoin d'être enivrée par la richesse de sa grâce. Appartenir au Seigneur: telle est la mission des hommes et des femmes qui ont choisi de suivre le Christ chaste, pauvre et obéissant, afin que le monde croie et qu'il soit sauvé. Appartenir totalement au Christ afin de devenir une confession de foi permanente, une proclamation sans équivoque de la vérité qui rend libre face aux séductions des fausses idoles qui aveuglent le monde. Appartenir au Christ signifie maintenir toujours ardente dans notre coeur une flamme vivante d'amour, nourrie continuellement par la richesse de la foi, non seulement lorsqu'elle porte en elle la joie intérieure, mais également lorsqu'elle est unie aux difficultés, à la sécheresse, à la souffrance. La nourriture de la vie intérieure est la prière, le colloque intime de l'âme consacrée avec l'Epoux divin. Une nourriture plus riche encore est la participation quotidienne au mystère ineffable de la divine Eucharistie, dans laquelle le Christ ressuscité se rend constamment présent dans la réalité de sa chair.

Pour appartenir totalement au Seigneur, les personnes consacrées embrassent un style de vie chaste. La virginité consacrée ne peut s'inscrire dans le cadre de la logique de ce monde; elle est le plus "déraisonnable" des paradoxes chrétiens et il n'est pas donné à tous de la comprendre et de la vivre (cf. Mt 19,11-12). Vivre une vie chaste veut également dire renoncer au besoin d'apparaître, assumer un style de vie sobre et modeste. Les religieux et les religieuses sont appelés à le démontrer également dans le choix de leur habit, un habit simple qui soit le signe de la pauvreté vécue en union avec celui qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous faire riches de sa pauvreté (cf. 2Co 8,9). Ainsi, et uniquement de cette manière, on peut suivre sans réserves le Christ crucifié et pauvre, en plongeant dans son mystère et en adoptant ses choix d'humilité, de pauvreté et de douceur.

La dernière réunion plénière de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique a eu comme thème Le service d'autorité. Très chers Supérieurs et Supérieures généraux, il s'agit d'une occasion pour approfondir la réflexion sur un exercice de l'autorité et de l'obéissance qui est toujours davantage inspiré par l'Evangile. Le joug de celui qui est appelé à assumer la tâche délicate de Supérieur ou de Supérieure à tous les niveaux, sera d'autant plus doux que les personnes consacrées sauront redécouvrir la valeur de l'obéissance professée, qui a comme modèle celui d'Abraham, notre père dans la foi, et plus encore celui du Christ. Il faut se garder du volontarisme et du spontanéisme pour embrasser la logique de la Croix.

En conclusion, les hommes et les femmes consacrés sont appelés à être dans le monde le signe crédible et lumineux de l'Evangile et de ses paradoxes, sans se conformer à la mentalité de ce siècle, mais en se transformant et en renouvelant constamment son engagement, afin de pouvoir discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, qui lui agrée et qui est parfait (cf. Rm 12,2). C'est précisément mon souhait, chers frères et soeurs; un souhait sur lequel j'invoque l'intercession maternelle de la Vierge Marie, modèle indépassable de toute vie consacrée. Avec ces sentiments, je vous donne avec affection la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à tous ceux qui appartiennent à vos nombreuses familles spirituelles.


VOYAGE APOSTOLIQUE EN POLOGNE


LORS DE LA CÉRÉMONIE D'ARRIVÉE Warszawa, Aéroport, Okecie, 25 mai 2006

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Messieurs les Cardinaux et chers frères dans l'épiscopat,
Chers frères et soeurs dans le Christ,

Je suis heureux de pouvoir être aujourd'hui parmi vous sur la terre de la République polonaise. J'ai fortement désiré cette visite dans le pays et parmi le peuple dont était issu mon Prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II. Je suis venu pour suivre ses traces sur l'itinéraire de sa vie, de son enfance jusqu'au départ pour le mémorable conclave de 1978. Sur ce chemin, je souhaite rencontrer et mieux connaître les générations de croyants qui l'ont offert au service de Dieu et de l'Eglise, et celles qui sont nées et ont mûri pour le Seigneur sous sa conduite pastorale de prêtre, d'Evêque et de Pape. Notre chemin commun se fera sous la devise: "Demeurez forts dans la foi". Je le rappelle dès le début pour affirmer qu'il ne s'agit pas simplement d'un voyage sentimental, même s'il est juste également de ce point de vue, mais d'un itinéraire de foi, inscrit dans la mission que m'a confiée le Seigneur à travers la personne de Pierre apôtre, qui fut appelé pour confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22,32). Je souhaite moi aussi puiser à la source abondante de votre foi, qui jaillit sans interruption depuis plus d'un millénaire.

Je salue Monsieur le Président et je le remercie de tout coeur des paroles qu'il m'a adressées au nom des autorités de la République et de la nation. Je salue Messieurs les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques. J'adresse également un salut à Monsieur le Premier ministre et à tout le gouvernement, aux représentants du Parlement et du Sénat, aux membres du Corps diplomatique et à son Doyen, le Nonce apostolique en Pologne. Je suis heureux de la présence des autorités régionales avec le Maire de Varsovie. Je souhaite adresser un salut également aux représentants de l'Eglise orthodoxe, de l'Eglise évangélique d'Augsbourg et des autres Eglises et Communautés ecclésiales. Je le fais également à l'égard de la communauté juive et des fidèles de l'islam. Je salue enfin de tout coeur toute l'Eglise qui est en Pologne: les prêtres, les personnes consacrées, les élèves des Séminaires, tous les fidèles, et surtout les malades, les jeunes et les enfants. Je vous demande de m'accompagner par la pensée et par la prière, afin que ce voyage soit fécond pour nous tous et nous conduise à l'approfondissement et au renforcement de notre foi.

J'ai dit que l'itinéraire de mon chemin lors de ce voyage en Pologne est marqué par les traces de la vie et du service pastoral de Karol Wojtyla et par l'itinéraire qu'a parcouru le Pape, pèlerin dans sa patrie. Ainsi ai-je choisi de m'arrêter principalement dans deux villes très chères à Jean-Paul II: la capitale de la Pologne, Varsovie, et son siège archiépiscopal, Cracovie. A Varsovie, je rencontrerai les prêtres, avec les différentes Eglises et communautés ecclésiales non catholiques, ainsi que les autorités de l'Etat. J'espère que ces rencontres porteront des fruits abondants pour notre foi commune dans le Christ et pour les réalités sociales et politiques au sein desquelles vivent les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Une brève étape est prévue à Czestochowa, ainsi qu'une rencontre avec les représentants des religieux et des religieuses, avec les séminaristes et avec les membres des mouvements ecclésiaux. Le regard bienveillant de Marie accompagnera notre recherche commune d'un lien profond et fidèle avec le Christ, son Fils. Enfin, je m'arrêterai à Cracovie, pour pouvoir, de là, me rendre à Wadowice, à Kalwaria, à Lagiewniki, à la Cathédrale de Wawel. Je sais bien que ce sont les lieux les plus chers à Jean-Paul II, parce qu'ils sont liés à sa croissance dans la foi et à son service pastoral. Je rencontrerai également les malades et les personnes qui souffrent sur le lieu sans doute le plus approprié pour un rendez-vous avec eux - le Sanctuaire de la Divine Miséricorde à Lagiewniki. Je ne pourrai pas manquer d'être présent lorsque les jeunes se réuniront pour la veillée de prière. C'est avec plaisir que je serai avec eux et j'espère pouvoir profiter du témoignage de leur foi jeune et vigoureuse. Dimanche, nous nous retrouverons sur le pré des Blonia pour célébrer la Messe solennelle d'action de grâce pour le pontificat de mon bien-aimé Prédécesseur et pour la foi dans laquelle il nous a toujours confirmés par la parole et par l'exemple de sa vie. Enfin, je me rendrai à Auschwitz. Là, j'espère rencontrer tout d'abord les survivants parmi les victimes de la terreur nazie, venant de diverses nations, qui ont souffert de la tragique oppression. Nous prierons tous ensemble afin que les plaies du siècle dernier guérissent grâce aux remèdes que le Dieu de bonté nous indique en nous appelant au pardon réciproque, et qu'il nous offre dans le mystère de sa miséricorde.

"Demeurez forts dans la foi" - telle est la devise de ce voyage apostolique. Je voudrais tant que ces journées nous renforcent tous dans la foi - les fidèles de l'Eglise qui est en Pologne et moi-même. Pour ceux qui n'ont pas la grâce de la foi, mais nourrissent dans leur coeur la bonne volonté, que ma visite soit un temps de fraternité, de bienveillance et d'espérance. Ces valeurs éternelles de l'humanité constituent un fondement solide pour créer un monde meilleur, où chacun puisse trouver la prospérité matérielle et le bonheur spirituel. Tel est mon voeu pour tout le peuple polonais. En vous remerciant encore une fois, Monsieur le Président et l'épiscopat polonais pour votre invitation, j'embrasse cordialement tous les Polonais et je leur demande de m'accompagner par la prière sur ce chemin de foi.




Discours 2005-2013 19506