Discours 2005-2013 26516

SALUT AUX JEUNES RASSEMBLÉS SOUS LA FENÊTRE DU PALAIS ARCHIÉPISCOPAL Kraków, 26 mai 2006

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Très chers frères et soeurs,

Selon une habitude née au cours des séjours de Jean-Paul II à Cracovie, vous vous êtes réunis devant le siège archiépiscopal pour saluer le Pape. Je vous remercie de cette présence et de votre accueil cordial.

Je sais que le 2 de chaque mois, à l'heure de la mort de mon bien-aimé prédécesseur, vous vous réunissez ici afin de le commémorer et de prier pour qu'il soit élevé aux honneurs des autels. Que cette prière soutienne ceux qui instruisent la cause, et enrichisse vos coeurs de toutes sortes de grâces. Au cours de son dernier voyage en Pologne, Jean-Paul II vous a dit, à propos du temps qui passe: "Nous ne pouvons rien y faire. Il n'y a qu'un seul remède. C'est le Seigneur Jésus. "Je suis la résurrection et la vie", cela veut dire - malgré la vieillesse, malgré la mort - que la jeunesse est en Dieu. Je vous le souhaite. A toute la jeunesse de Cracovie, de la Pologne et du monde" (17 août 2002). Telle était sa foi, son intime conviction, son témoignage. Et aujourd'hui, malgré la mort, lui - jeune en Dieu - est parmi nous. Il nous invite à renforcer la grâce de la foi, à nous renouveler dans l'Esprit et à "revêtir l'homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité" (
Ep 4,24).

Je vous remercie une fois de plus pour la visite que vous avez voulu me rendre ce soir. Apportez mon salut et ma bénédiction à votre famille et à vos amis. Merci!

Bénédiction en latin



RENCONTRE AVEC LA POPULATION - Wadowice, Place Rynek, 27 mai 2006

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Sur les traces de Jean-Paul II, témoin de la foi.

Bien-aimés frères et soeurs!

Je suis arrivé avec une grande émotion sur le lieu de naissance de mon grand prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, dans la ville de son enfance et de sa jeunesse. Wadowice ne pouvait pas manquer sur le parcours du pèlerinage que je suis en train d'accomplir en terre polonaise sur ses traces. J'ai voulu faire étape précisément ici, à Wadowice, sur les lieux où sa foi est née et a mûri, pour prier avec vous afin qu'il soit bientôt élevé à la gloire des autels. Johann Wolfgang von Goethe, le grand poète allemand, disait: "Qui veut comprendre un poète devrait visiter son pays". De même, pour comprendre la vie et le ministère de Jean-Paul II, il était nécessaire de venir dans sa ville natale. Il reconnut lui-même que c'est ici, à Wadowice, que "que tout a commencé: la vie, l'école, les études, le théâtre... et le sacerdoce" (Wadowice, 16 juin 1999).

Jean-Paul II, en évoquant ces débuts, rappelait souvent un signe: celui des fonts baptismaux, qu'il entourait d'une vénération particulière dans l'église de Wadowice. En 1979, lors de son premier pèlerinage en Pologne, il reconnut: "Sur ces fonts baptismaux de l'église de Wadowice, le 20 juin 1920, m'a été accordée la grâce de devenir enfant de Dieu, et aussi la foi en mon Rédempteur et je fus accueilli dans la communauté de son Eglise. Ces fonts baptismaux, je les ai déjà baisés solennellement une fois, en l'année du Millénaire de la Pologne, quand j'étais Archevêque de Cracovie. Je le fis ensuite une autre fois (...) lors du cinquantième anniversaire de mon baptême, lorsque j'étais Cardinal. Aujourd'hui, je veux les baiser une troisième fois, venu de Rome comme Pape, successeur de Saint Pierre" (Wadowice, 7 juin 1979). Il semble que dans ces paroles de Jean-Paul II se trouve la clé pour comprendre la cohérence de sa foi, la radicalité de sa vie chrétienne et du désir de sainteté qu'il manifesta constamment. Nous percevons ici la profonde conscience de la grâce divine, de l'amour gratuit de Dieu pour l'homme qui, à travers l'eau du baptême et l'effusion de l'Esprit Saint, introduit le catéchumène dans la multitude de ses fils rachetés par le Sang du Christ. Mais nous percevons aussi la conscience que le baptême qui justifie est également un appel a être attentif à la justice née de la foi. Le programme le plus simple d'une vie authentiquement chrétienne peut se résumer dans la fidélité aux promesses du saint Baptême. La devise de ce pèlerinage: "Demeurez forts dans la foi", trouve ici une dimension concrète qui pourrait être exprimée dans l'exhortation: "Demeurez forts dans l'observance des promesses baptismales". Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II - qui, en ce lieu, parle d'une manière toute particulière - est le témoin d'une telle fidélité.

Mon grand prédécesseur indiquait la Basilique de Wadowice et sa paroisse de naissance comme un lieu d'une importance particulière pour le développement de sa vie spirituelle et de la vocation sacerdotale qui se révélait en lui. Il déclara: "Ce temple est le lieu de ma première confession et de ma Sainte communion. Ici, j'ai été enfant de choeur. Ici, j'ai rendu grâce à Dieu pour le don du sacerdoce et ici, - alors en tant qu'Archevêque de Cracovie - j'ai vécu mon premier jubilé des 25 ans de mon sacerdoce. Que de biens, que de grâces j'ai reçus de ce temple et de cette communauté paroissiale, seul le sait celui qui est le Dispensateur de toute grâce. A lui, Dieu un et trine, je rends grâce aujourd'hui sur le seuil de cette église" (Wadowice, 16 juin 1999). Le temple est le signe de la communion des croyants unis par la présence de Dieu qui demeure au milieu d'eux. Cette communauté est l'Eglise aimée de Jean-Paul II. Son amour pour l'Eglise vit le jour dans la paroisse de Wadowice. Il y perçut l'environnement de la vie sacramentelle, de l'évangélisation et de la formation à une foi mûre. C'est pourquoi, en tant que prêtre, en tant qu'Evêque, puis en tant que Pape, il entourait d'une telle attention les communautés paroissiales. Dans l'esprit de cette même sollicitude, lors de leur visite ad limina Apostolorum, j'ai demandé aux Evêques polonais de faire leur possible afin que la paroisse polonaise soit véritablement une "communauté ecclésiale" et une "famille de l'Eglise".

Pour conclure, permettez-moi de rappeler encore une caractéristique de la foi et de la spiritualité de Jean-Paul II, liée à cet endroit. Il rappela lui-même plusieurs fois l'attachement profond des habitants de Wadowice à l'image locale de la Vierge du Perpétuel Secours et l'usage de la prière quotidienne devant celle-ci des élèves du lycée, à l'époque. Ce souvenir nous permet d'arriver aux sources de la conviction que nourrissait Jean-Paul II - la conviction de la place exceptionnelle occupée par Marie dans l'histoire du salut et dans celle de l'Eglise. De celle-ci naissait également sa conviction de la place exceptionnelle que la Mère de Dieu occupait dans sa vie, une conviction qui s'exprimait dans le "Totus tuus" empli de dévotion. Jusque dans les derniers instants de son pèlerinage terrestre, il demeura fidèle à cet acte de confiance.

Dans l'esprit de cette dévotion, devant cette image, je veux rendre grâce à Dieu pour le Pontificat de Jean-Paul II et, comme lui, demander à la Vierge de prendre soin de l'Eglise dont, par la volonté de Dieu, la direction m'a été confiée. Chers frères et soeurs, je vous demande à vous aussi de m'accompagner par cette même prière à travers laquelle vous étiez proches de votre grand concitoyen. Je vous bénis tous de tout coeur, vous qui êtes ici présents, ainsi que tous ceux qui viennent à Wadowice pour puiser aux sources de l'esprit de foi de Jean-Paul II.



SALUT - Kalwaria Zebrzydowska, 27 mai 2006

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Chers Pères (franciscains)
Très chers frères et soeurs,

Lors de son premier voyage apostolique en Pologne, Jean-Paul II visita ce Sanctuaire et consacra son discours à la prière. Il déclara en conclusion: "Je vous le demande: priez pour moi ici pendant ma vie et après ma mort". Aujourd'hui, j'ai voulu m'arrêter un moment dans la chapelle de la Vierge, et avec gratitude prier pour lui, selon sa requête. En suivant l'exemple de Jean-Paul II, je m'adresse moi aussi à vous avec la demande cordiale de prier pour moi et pour toute l'Eglise.

Je voudrais dire que moi aussi, tout comme le cher Cardinal Stanislaw, j'espère que la Providence accordera bientôt la Béatification et la Canonisation de notre bien-aimé Pape Jean-Paul II.

Bénédiction en latin.



RENCONTRE AVEC LES MALADES Cracovie-Lagiewniki, 27 mai 2006

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Très chers frères et soeurs,

Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer à l'occasion de ma visite dans ce Sanctuaire de la Divine Miséricorde. Je vous salue tous de tout coeur: les malades, les aides-soignants, les prêtres qui se consacrent dans ce sanctuaire à la pastorale, les soeurs de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde, les membres du "Faustinum" et tous les autres.

En cette circonstance, nous nous trouvons face à deux mystères: le mystère de la souffrance humaine et le mystère de la Miséricorde divine. A première vue, ces deux mystères semblent s'opposer. Mais lorsque nous tentons de les approfondir à la lumière de la foi, nous voyons qu'ils s'inscrivent dans une harmonie réciproque. Et ce grâce au mystère de la croix du Christ. Comme l'a dit ici Jean-Paul II, "la Croix est le moyen le plus profond pour la divinité de se pencher sur l'homme... La croix est comme un toucher de l'amour éternel sur les blessures les plus douloureuses de l'existence terrestre de l'homme". Vous, chers malades, marqués par la souffrance du corps et de l'esprit, vous êtes les plus étroitement unis à la croix du Christ mais, dans le même temps, les plus éloquents témoins de la miséricorde de Dieu. Par votre intermédiaire et à travers votre souffrance, il se penche sur l'humanité avec amour. C'est vous qui, en disant dans le silence de votre coeur: "Jésus, j'ai confiance en toi", nous enseignez qu'il n'y a pas de foi plus profonde, d'espérance plus vivante et d'amour plus ardent que la foi, l'espérance et l'amour de celui qui, dans les difficultés, se remet entre les mains sûres de Dieu. Et que les mains de ceux qui vous aident au nom de la miséricorde soient un prolongement de ces grandes mains de Dieu.

Je voudrais tellement embrasser chacun et chacune d'entre vous. Même si cela n'est pas possible concrètement, je vous serre en esprit contre mon coeur, et je vous donne ma Bénédiction, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.



RENCONTRE AVEC LES JEUNES Parc de Blonia, à Cracovie, 27 mai 2006

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Chers jeunes amis,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue! Votre présence me réjouis. Je suis reconnaissant au Seigneur de cette rencontre chaleureuse et cordiale. Nous savons que lorsque "deux ou trois sont réunis au nom de Jésus, Il est là au milieu d'eux" (cf.
Mt 18,20). Mais vous êtes ici aujourd'hui bien plus nombreux! Je remercie chacun et chacune d'entre vous. Jésus est donc ici avec nous. Il est présent parmi les jeunes de la terre polonaise, pour leur parler d'une maison qui ne s'écroulera jamais, parce qu'elle est bâtie sur un roc. C'est la parole évangélique que nous venons d'écouter (cf. Mt 7,24-27).

Chers amis, dans le coeur de chaque homme, il y a le désir d'une maison. D'autant plus dans un coeur jeune, il y a une grande aspiration à posséder sa propre maison, qui soit solide, dans laquelle non seulement on puisse rentrer avec joie, mais où l'on puisse également recevoir avec joie tous ses invités. C'est la nostalgie d'une maison dans laquelle le pain quotidien soit l'amour, le pardon, le besoin de compréhension, dans laquelle la vérité soit la source d'où jaillit la paix du coeur. C'est la nostalgie d'une maison dont on puisse être fiers, dont on ne doive pas avoir honte et dont on ne doive jamais pleurer l'effondrement. Cette nostalgie n'est autre que le désir d'une vie pleine, heureuse, réussie. N'ayez pas peur de ce désir! Ne le fuyez pas! Ne vous découragez pas à la vue de maisons effondrées, de désirs évanouis, de nostalgies disparues. Le Dieu Créateur, qui place dans un jeune coeur l'immense désir du bonheur, ne l'abandonne pas ensuite dans la difficile construction de cette maison qui s'appelle la vie.

Mes amis, une question s'impose: "Comment construire cette maison?". C'est une question qui assurément a déjà résonné plusieurs fois dans votre coeur et qui y reviendra encore très souvent. C'est une question qu'il faut se poser à soi-même plus d'une fois. Chaque jour, elle doit être devant les yeux du coeur: comment construire cette maison qu'on appelle la vie? Jésus, dont nous venons d'entendre les paroles dans le texte de l'évangéliste Matthieu, nous exhorte à construire sur le roc. Ce n'est qu'ainsi, en effet, que la maison ne s'effondrera pas. Mais que veut dire construire sa maison sur le roc? Construire sur le roc veut dire avant tout: construire sur le Christ et avec le Christ. Jésus dit: "Ainsi quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme aisé qui a bâti sa maison sur le roc" (Mt 7,24). Il ne s'agit pas de paroles vides de sens dites par le premier venu, mais des paroles de Jésus. Il ne s'agit pas d'écouter n'importe qui, mais d'écouter Jésus. Il ne s'agit pas d'accomplir une chose parmi tant d'autres, mais d'accomplir les paroles de Jésus.

Construire sur le Christ et avec le Christ signifie construire sur des fondations qui s'appellent l'amour crucifié. Cela veut dire construire avec Quelqu'un qui, nous connaissant mieux que nous-mêmes, nous dit: "Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t'aime" (Is 43,4). Cela veut dire construire avec Quelqu'un qui est toujours fidèle, même si nous manquons nous-mêmes de fidélité, parce qu'il ne peut pas se renier lui-même (cf. 2Tm 2,13). Cela veut dire construire avec Quelqu'un qui se penche constamment sur le coeur blessé de l'homme et dit: "Je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus" (cf. Jn 8,11). Cela veut dire construire avec Quelqu'un qui, du haut de la croix, étend ses bras, pour répéter pour toute l'éternité: "Je donne ma vie pour toi, homme, parce que je t'aime". Construire sur le Christ veut dire, enfin, fonder sur sa volonté tous ses désirs, ses attentes, ses rêves, ses ambitions et tous ses projets. Cela signifie dire à soi-même, à sa propre famille, à ses amis et au monde entier mais surtout au Christ: "Seigneur, dans la vie je ne veux rien faire contre Toi, parce que tu sais ce qui est le mieux pour moi. Toi seul as les paroles de vie éternelle" (cf. Jn 6,68). Mes amis, n'ayez pas peur de miser sur le Christ! Ayez la nostalgie du Christ, comme fondement de la vie! Allumez en vous le désir de construire votre vie avec Lui et pour Lui! Parce que celui qui mise tout sur l'amour crucifié du Verbe incarné ne peut pas perdre.

Construire sur le roc signifie construire sur le Christ et avec le Christ, qui est le roc. Dans la Première Epître aux Corinthiens, saint Paul, en parlant du chemin du peuple élu à travers le désert, explique que "tous ont bu... à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c'était le Christ" (1Co 10,4). Les pères du peuple élu ne savaient certes pas que ce roc était le Christ. Ils n'étaient pas conscients d'être accompagnés par Celui qui, lorsque viendrait la plénitude des temps, s'incarnerait, prenant un corps humain. Ils n'avaient pas besoin de comprendre que leur soif serait satisfaite par la source même de la vie, capable d'offrir l'eau vive pour étancher tous les coeurs. Il burent toutefois à ce roc spirituel qui est le Christ, parce qu'ils avaient la nostalgie de l'eau de la vie, ils en avaient besoin. En chemin sur les routes de la vie, nous ne sommes peut-être parfois pas conscients de la présence de Jésus. Mais précisément cette présence, vivante et fidèle, la présence dans l'oeuvre de la création, la présence dans la Parole de Dieu et dans l'Eucharistie, dans la communauté des croyants et dans chaque homme racheté par le précieux Sang du Christ, cette présence est la source inépuisable de la force humaine. Jésus de Nazareth, Dieu qui s'est fait Homme, est à nos côtés dans le bonheur comme les difficultés et il a soif de ce lien, qui est en réalité le fondement de l'authentique humanité. Nous lisons dans l'Apocalypse ces paroles significatives: "Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi" (Ap 3,20).

Mes amis, que veut dire construire sur le roc? Construire sur le roc signifie également construire sur Quelqu'un qui a été rejeté. Saint Pierre parle à ses fidèles du Christ comme d'une "pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse, auprès de Dieu" (1P 2,4). Le fait indéniable de l'élection de Jésus de la part de Dieu ne dissimule pas le mystère du mal, en raison duquel l'homme est capable de rejeter Celui qui l'a aimé jusqu'à la fin. Ce rejet de Jésus de la part des hommes, évoqué par saint Pierre, se prolonge dans l'histoire de l'humanité et arrive également jusqu'à nos jours. Il n'y a pas besoin d'un esprit très incisif pour s'apercevoir des multiples manifestations du rejet de Jésus, même là où Dieu nous a permis de grandir. Souvent Jésus est ignoré, il est tourné en ridicule, il est proclamé roi du passé, mais non d'aujourd'hui et encore moins de demain, il est remisé dans le placard des questions et des personnes dont on ne devrait pas parler à haute voix et en public. Si, dans la construction de la maison de votre vie, vous rencontrez ceux qui méprisent les fondations sur lesquelles vous êtes en train de construire, ne vous découragez pas! Une foi forte doit traverser les épreuves! Une foi vivante doit toujours croître. Notre foi en Jésus Christ, pour rester telle, doit souvent se mesurer à l'absence de foi des autres.

Chers amis, que veut dire construire sur le roc? Construire sur le roc veut dire être conscients que l'on rencontrera des contrariétés. Le Christ dit: "La pluie est venue, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n'a pas croulé" (Mt 7,25). Ces phénomènes naturels ne sont pas seulement l'image des multiples contrariétés du destin humain, mais ils indiquent également leur prévision normale. Le Christ ne promet pas que sur une maison en construction ne s'abattra jamais une tempête, il ne promet pas qu'un raz-de-marée ne bouleversera pas ce que nous avons de plus cher, il ne promet pas que des vents impétueux n'emporteront pas ce que nous avons construit parfois au prix d'énormes sacrifices. Le Christ comprend non seulement l'aspiration de l'homme à une maison durable, mais il est pleinement conscient également de ce qui peut réduire en ruines le bonheur de l'homme. Ne vous étonnez donc pas des contrariétés, quelles qu'elles soient! Ne vous découragez pas à cause d'elles! Un bâtiment bâti sur le roc ne veut pas dire une construction échappant au jeu des forces de la nature, inscrites dans le mystère de l'homme. Avoir bâti sur le roc signifie pouvoir compter sur la conscience que, dans les moments difficiles, il existe une force sur laquelle on peut s'appuyer de manière sûre.

Mes amis, permettez-moi d'insister: que veut dire construire sur le roc? Cela veut dire construire avec sagesse. Ce n'est pas sans raison que Jésus compare ceux qui écoutent ses paroles et les mettent en pratique, à un homme sage qui a construit sa maison sur le roc. Il est stupide en effet de construire sur le sable, lorsqu'on peut le faire sur le roc, en ayant ainsi une maison en mesure de résister à toutes les tempêtes. Il est stupide de construire sa maison sur un terrain qui n'offre pas les garanties de résister dans les moments les plus difficiles. Qui sait? peut-être est-il plus aisé de fonder sa vie sur les sables mouvants de sa propre vision du monde, de construire son avenir loin de la Parole de Jésus, et parfois même contre celle-ci. Il n'en demeure pas moins que celui qui construit de cette manière manque de prudence, parce qu'il veut se persuader lui-même et persuader les autres qu'aucune tempête ne se déchaînera dans sa vie, qu'aucune vague ne frappera sa maison. Etre sage signifie savoir que la solidité de la maison dépend des fondations. N'ayez pas peur d'être sages, c'est-à-dire n'ayez pas peur de construire sur le roc!

Mes amis, encore une fois: que veut dire construire sur le roc? Construire sur le roc veut dire également construire sur Pierre et avec Pierre. Le Seigneur lui dit en effet: "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les Portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle" (Mt 16,18). Si le Christ, le Roc, la pierre vivante et précieuse, appelle son apôtre une pierre, cela signifie qu'il veut que Pierre, et avec lui l'Eglise tout entière, soient le signe visible de l'unique Sauveur et Seigneur. Ici, à Cracovie, la ville bien-aimée de mon Prédécesseur Jean-Paul II, l'indication de construire sur Pierre et avec Pierre ne surprend certes personne. Aussi, je vous dis: n'ayez pas peur de construire votre vie dans l'Eglise et avec l'Eglise! Soyez fiers de l'amour pour Pierre et pour l'Eglise qui lui est confiée. Ne vous laissez pas tromper par ceux qui veulent opposer le Christ et l'Eglise! Il n'y a qu'un seul roc sur lequel il vaut la peine de construire sa maison. Ce roc est le Christ. Il n'y a qu'une seule pierre sur laquelle il vaut la peine de faire reposer toute chose. Cette pierre est celui à qui le Christ a dit: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise" (Mt 16,18). Vous, les jeunes, vous avez bien connu le Pierre de notre temps. C'est pourquoi n'oubliez pas que ni le Pierre qui nous observe à présent depuis la fenêtre de Dieu le Père, ni ce Pierre qui est maintenant devant vous, ni aucun des Pierre à venir ne sera jamais contre vous, ni contre la construction d'une maison durable sur le roc. Au contraire, il engagera son coeur et ses mains à vous aider à construire la vie sur le Christ et avec le Christ.

Chers amis, en méditant les paroles du Christ sur le roc comme fondation adéquate pour notre maison, nous ne pouvons manquer de relever que la dernière parole est une parole d'espérance. Jésus dit que, malgré le déchaînement des éléments, la maison ne s'est pas effondrée, parce qu'elle était fondée sur le roc. Dans cette parole il y a une extraordinaire confiance dans la force du fondement, la foi qui ne craint pas de démentis parce qu'elle est confirmée par la mort et la résurrection du Christ. Telle est la foi qui, après de nombreuses années, sera confessée par saint Pierre dans sa lettre: "Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et celui qui se confie en elle ne sera pas confondu" (1P 2,6). Assurément "il ne sera pas confondu...". Chers jeunes amis, la peur de l'échec peut quelquefois freiner même les rêves les plus beaux. Elle peut paralyser la volonté et rendre incapables de croire qu'il puisse exister une maison construite sur le roc. Elle peut persuader que la nostalgie de la maison est seulement un désir de jeunesse et non un projet de vie. Avec Jésus dites à cette peur: "Une maison bâtie sur le roc ne peut s'écrouler"! Avec saint Pierre, dites à la tentation du doute: "Celui qui se confie dans le Christ ne sera pas confondu!". Soyez des témoins de l'espérance, de cette espérance qui ne craint pas de construire la maison de sa propre vie, parce qu'elle sait bien qu'elle peut compter sur le fondement qui ne s'effondrera jamais: Jésus Christ notre Seigneur.


APRÈS LA RENCONTRE AVEC LES JEUNES Cracovie-Blonie, 27 mai 2006

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Chers amis!

Ce soir, j'ai rencontré les jeunes rassemblés sur le pré de Blonia. Cela a été une soirée inoubliable, au cours de laquelle l'on a témoigné de la foi et de la volonté de construire l'avenir sur la base des enseignements que le Christ a laissés à ses disciples. Je remercie de tout coeur la jeunesse polonaise pour ce témoignage. C'est dans celui-ci que s'inscrit également votre présence rue Franciszkanska. Je sais qu'elle est l'expression de votre grande affection pour le Pape, dont je vous remercie également. Demain nous attend. En vous saluant, je vous invite à la Messe que je célébrerai demain. Je vous bénis de tout coeur: au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Bonne nuit!



VISITE AU CAMP DE CONCENTRATION D'AUSCHWITZ Auschwitz-Birkenau 28 mai 2006

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Prendre la parole dans ce lieu d'horreur, d'accumulation de crimes contre Dieu et contre l'homme, lieu qui est sans égal au cours de l'histoire, est presque impossible - et particulièrement difficile et opprimant pour un chrétien, pour un Pape qui vient d'Allemagne. Dans un lieu comme celui-ci, les paroles manquent; en réalité, il ne peut y avoir qu'un silence effrayé - un silence qui est un cri intérieur vers Dieu: Pourquoi, Seigneur, es-tu resté silencieux? Pourquoi as-tu pu tolérer tout cela? C'est dans cette attitude de silence que nous nous inclinons au plus profond de notre être, face à l'innombrable foule de tous ceux qui ont souffert et qui ont été mis à mort; toutefois, ce silence devient ensuite une demande de pardon et de réconciliation, formulée à haute voix, un cri au Dieu vivant, afin de ne plus jamais permettre une chose semblable.

Il y a vingt-sept ans, le 7 juin 1979, le Pape Jean-Paul II était ici; il disait alors: "Je viens ici aujourd'hui en pèlerin. On sait que je suis venu ici bien des fois... Tant de fois! Et bien des fois, je suis descendu dans la cellule où Maximilien Kolbe est mort, et je me suis arrêté devant le mur de la mort et je suis passé entre les ruines des fours crématoires de Birkenau. Je ne pouvais pas ne pas venir ici comme Pape". Le Pape Jean-Paul II était ici comme fils du peuple qui, avec le peuple juif, dut souffrir le plus en ce lieu et, en général, au cours de la guerre: "Six millions de Polonais ont perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale: le cinquième de la nation", rappela alors le Pape (cf. ibid.). C'est ici qu'il éleva ensuite l'avertissement solennel au respect des droits de l'homme et des nations qu'avaient élevé avant lui ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, et il ajouta: "Celui qui prononce ces paroles [...] est le fils de la nation qui a subi de la part des autres, au cours de son histoire, de multiples vicissitudes. Il ne le dit pas pour accuser, mais pour rappeler. Il parle au nom de toutes les nations dont les droits sont violés et oubliés..." (cf. Ibid.).

Le Pape Jean-Paul II était venu ici comme un fils du peuple polonais. Aujourd'hui, je suis ici comme fils du peuple allemand, et c'est précisément pourquoi je dois et je peux dire comme lui: je ne pouvais pas ne pas venir ici. Je devais venir. C'était et c'est un devoir face à la vérité et au droit de ceux qui ont souffert, un devoir devant Dieu d'être ici, en tant que Successeur de Jean-Paul II et en tant que fils du peuple allemand - fils du peuple dans lequel un groupe de criminels arriva au pouvoir au moyen de promesses mensongères, au nom de perspectives de grandeur, au nom de l'honneur retrouvé de la nation et de son importance, par des perspectives de bien-être, mais également par la force de la terreur et de l'intimidation, de sorte que notre peuple a pu être utilisé et abusé comme instrument de leur soif de destruction et de domination. Non, je ne pouvais pas ne pas venir ici. Le 7 juin 1979, je me trouvais ici comme Archevêque de Munich-Freising parmi les nombreux Evêques qui accompagnaient le Pape, qui l'écoutaient et qui priaient avec lui. En 1980, je suis ensuite revenu une fois de plus dans ce lieu de l'horreur avec une délégation d'Evêques allemands, bouleversé par tant de mal et plein de reconnaissance parce que sur ces ténèbres avait brillé l'étoile de la réconciliation. Telle est encore la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui: pour implorer la grâce de la réconciliation - avant tout de Dieu, qui seul peut ouvrir et purifier nos coeurs; puis des hommes qui ont souffert, et enfin la grâce de la réconciliation pour tous ceux qui, en cette heure de notre histoire, souffrent à nouveau à cause du pouvoir de la haine et de la violence fomentée par la haine.

Combien de questions nous envahissent en ce lieu! La même question revient toujours à nouveau: Où était Dieu en ces jours-là? Pourquoi s'est-il tu? Comment a-t-il pu tolérer cet excès de destruction, ce triomphe du mal? Les paroles du Psaume 44, la lamentation d'Israël qui souffre, nous viennent à l'esprit: "...Tu nous broyas au séjour des chacals, nous couvrant de l'ombre de la mort [...] C'est pour toi qu'on nous massacre tout le jour, qu'on nous traite en moutons d'abattoir. Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi, ne rejette pas jusqu'à la fin: Pourquoi caches-tu ta face, oublies-tu notre oppression, notre misère? Car notre âme est effondrée en la poussière, notre ventre est collé à la terre. Debout, viens à notre aide, rachète-nous en raison de ton amour!" (
Ps 44,20 Ps 44,23-27). Ce cri d'angoisse que, dans la souffrance, Israël élève à Dieu dans des périodes d'extrême difficulté, est en même temps le cri d'appel à l'aide de tous ceux qui, au cours de l'histoire - hier, aujourd'hui et demain - souffrent pour l'amour de Dieu, pour l'amour de la vérité et du bien; et ils sont nombreux, aujourd'hui encore.

Nous ne sommes pas en mesure de scruter le secret de Dieu - nous ne voyons que des fragments, et ce serait une erreur que de vouloir juger Dieu et l'histoire. Nous ne défendrions pas l'homme dans ce cas, mais nous ne contribuerions qu'à sa destruction. Non - en définitive, nous devons continuer à élever vers Dieu ce cri humble mais persistant: Réveille-toi! N'oublie pas ta créature, l'homme! Et notre cri vers Dieu doit être en même temps un cri qui pénètre notre coeur lui-même, afin que s'éveille en nous la présence cachée de Dieu - afin que la force qu'il a déposée dans nos coeurs ne soit pas recouverte et étouffée en nous par la boue de l'égoïsme, de la peur des hommes, de l'indifférence et de l'opportunisme. Elevons ce cri vers Dieu, adressons-le à notre coeur lui-même, précisément en cette heure sur laquelle pèsent de nouveaux dangers, dans laquelle semblent naître à nouveau du coeur des hommes toutes les forces obscures: d'une part, l'abus du nom de Dieu pour justifier la violence aveugle contre des personnes innocentes; de l'autre, le cynisme qui ne connaît pas Dieu et qui bafoue la foi en Lui. Nous élevons un cri vers Dieu, afin qu'il pousse les hommes à se repentir, en sorte qu'ils reconnaissent que la violence n'engendre pas la paix, mais ne fait que susciter une autre violence - une spirale de destructions, dans laquelle tous, en fin de compte, ne peuvent être que perdants. Le Dieu auquel nous croyons est un Dieu de la raison - d'une raison, cependant, qui n'est certainement pas une mathématique neutre de l'univers, mais qui ne fait qu'un avec l'amour, avec le bien. Nous prions Dieu et nous élevons un cri vers les hommes afin que cette raison, la raison de l'amour et de la reconnaissance de la force de la réconciliation et de la paix, prévale sur les menaces qui nous entourent de l'irrationalité ou d'une fausse raison, détachée de Dieu.

Le lieu où nous nous trouvons est un lieu de la mémoire, c'est le lieu de la Shoah. Le passé n'est jamais uniquement le passé. Il nous concerne et nous indique les chemins à ne pas suivre et ceux à suivre. Comme Jean-Paul II, j'ai parcouru le chemin le long des stèles qui rappellent, en différentes langues, les victimes de ce lieu: ce sont des stèles en biélorusse, en tchèque, en allemand, en français, en grec, en hébreu, en croate, en italien, en yiddish, en hongrois, en hollandais, en norvégien, en polonais, en russe, en rom, en roumain, en slovaque, en serbe, en ukrainien, en hébreu hispanique et en anglais. Toutes ces stèles commémoratives nous parlent de souffrance humaine, nous laissent entrevoir le cynisme de ce pouvoir qui traitait les hommes comme des objets, ne les reconnaissant pas comme des personnes, dans lesquelles se reflète l'image de Dieu. Certaines stèles invitent à une commémoration particulière. Celle en hébreu par exemple. Les potentats du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif tout entier; l'éliminer du nombre des peuples de la terre. Alors, les paroles du Psaume: "On nous massacre tout le jour, on nous traite en moutons d'abattoir" se vérifièrent de façon terrible. Au fond, ces criminels violents, au moyen de l'anéantissement de ce peuple, entendaient tuer ce Dieu qui appela Abraham, et qui, parlant sur le Sinaï, établit les critères d'orientation de l'humanité, qui demeurent éternellement valables. Si ce peuple, par le seul fait d'exister, témoigne de ce Dieu qui a parlé à l'homme et qui l'a pris en charge, alors ce Dieu devait finalement mourir et son pouvoir n'appartenir qu'à l'homme - à ceux qui se considéraient comme les puissants et qui avaient su devenir les maîtres du monde. Avec la destruction d'Israël, avec la Shoah, ils voulaient, en fin de compte, extirper également la racine sur laquelle se fonde la foi chrétienne, en la remplaçant définitivement par la foi fabriquée par soi-même, la foi dans le pouvoir de l'homme, du plus fort. Il y a ensuite la stèle en polonais: on voulait avant tout, dans un premier temps, effacer l'élite culturelle et éliminer ainsi le peuple comme sujet historique autonome, pour le réduire, dans la mesure où il continuait d'exister, à un peuple d'esclaves. Une autre stèle, qui invite particulièrement à réfléchir est celle qui est écrite dans la langue des Sinti et des Roms. Ici aussi, on voulait faire disparaître un peuple entier qui vit en migrant parmi les autres peuples. Il figurait au nombre des éléments inutiles de l'histoire universelle, dans une idéologie où ne devait compter désormais que ce dont on pouvait mesurer l'utilité; tout le reste, selon leur conception, était catalogué comme lebensunwertes Leben - une vie indigne d'être vécue. Il y a ensuite la stèle en russe, qui évoque le nombre immense de vies sacrifiées parmi les soldats russes dans la lutte contre le régime de la terreur national-socialiste; toutefois, dans le même temps, elle nous fait réfléchir sur la tragique double signification de leur mission: ils ont libéré les peuples d'une dictature mais tout en soumettant ces mêmes peuples à une nouvelle dictature, celle de Staline et de l'idéologie communiste. Toutes les autres stèles dans les nombreuses langues européennes nous parlent elles aussi de la souffrance des hommes du continent tout entier; elles toucheraient profondément notre coeur, si nous ne faisions pas mémoire des victimes de façon globale, mais si nous pouvions au contraire voir le visage de chacune des personnes qui ont terminé leur vie ici dans les ténèbres de la terreur. J'ai ressenti comme un profond devoir de m'arrêter de façon particulière également devant la stèle en langue allemande. De là apparaît devant nous le visage d'Edith Stein, Thérèse Bénédicte de la Croix: juive et allemande, disparue, avec sa soeur, dans l'horreur de la nuit du camp de concentration allemand-nazi; comme chrétienne et juive, elle accepta de mourir avec son peuple et pour son peuple. Les Allemands qui furent alors déportés à Auschwitz-Birkenau et qui sont morts ici étaient considérés comme Abschaum der Nation - déchet de la nation. Mais aujourd'hui, nous les reconnaissons en revanche avec gratitude comme les témoins de la vérité et du bien, qui, même au sein de notre peuple, n'avaient pas disparu. Remercions ces personnes, car elles ne se sont pas soumises au pouvoir du mal, et elles apparaissent à présent devant nous comme des lumières dans une nuit de ténèbres. Avec profond respect et gratitude, nous nous inclinons devant tous ceux qui, comme les trois jeunes face à la menace des fournaises de Babylone, surent répondre: "Seul notre Dieu est capable de nous délivrer. Mais s'il ne le fait pas, sache, ô roi, que nous ne servirons pas ton Dieu ni n'adorerons la statue d'or que tu as élevée" (cf. Da 3,17 sq.).

Oui, derrière ces stèles se cache le destin d'innombrables êtres humains. Ceux-ci ébranlent notre mémoire, ébranlent notre coeur. Ils ne veulent pas provoquer la haine en nous: ils nous démontrent au contraire combien l'oeuvre de la haine est terrible. Ils veulent conduire la raison à reconnaître le mal comme mal et à le rejeter; ils veulent susciter en nous le courage du bien, de la résistance contre le mal. Ils veulent nous conduire à ces sentiments qui s'expriment dans les paroles que Sophocle fait prononcer à Antigone, face à l'horreur qui l'entoure: "Je ne suis pas ici pour haïr avec toi, mais pour aimer avec toi".

Grâce à Dieu, avec la purification de la mémoire à laquelle nous pousse ce lieu d'horreur, se développent autour de ce lieu même de multiples initiatives qui veulent mettre un terme au mal et conférer une force au bien. Il y a quelques instants, j'ai pu bénir le Centre pour le Dialogue et la Prière. Tout près d'ici se déroule la vie cachée des soeurs carmélites, qui se savent particulièrement unies au mystère de la croix du Christ et qui nous rappellent la foi des chrétiens, qui affirme que Dieu lui-même est descendu dans l'enfer de la souffrance et souffre avec nous. A Oswiecim se trouve le Centre Saint-Maximilien et le Centre international de Formation sur Auschwitz et l'Holocauste. Il y a également la Maison internationale pour les Rencontres de la Jeunesse. Auprès de l'une des anciennes Maisons de Prière se trouve le Centre juif. Enfin, l'Académie pour les Droits de l'Homme est en cours de réalisation. Nous pouvons ainsi espérer que du lieu de l'horreur naisse et croisse une réflexion constructive et que le souvenir aide à résister au mal et à faire triompher l'amour.

L'humanité a traversé à Auschwitz-Birkenau un "ravin de la mort". C'est pourquoi je voudrais, précisément en ce lieu, conclure par une prière de confiance - avec un Psaume d'Israël qui est également une prière de tous les chrétiens: "Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi; ton bâton me guide et me rassure [...] J'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours" (Ps 23,1-4 Ps 23,6).




Discours 2005-2013 26516