Discours 2005-2013 11116

À S.E. M. KAGEFUMI UENO AMBASSADEUR DU JAPON PRÈS LE SAINT-SIÈGE Lundi 13 novembre 2006

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec plaisir que j’accueille Votre Excellence en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon près le Saint-Siège.

J’ai été sensible aux aimables paroles que vous m’avez adressées, ainsi qu’aux salutations que vous m’avez transmises de la part de Sa Majesté l’Empereur Akihito. Je vous saurais gré de bien vouloir lui exprimer en retour mes voeux les meilleurs pour Sa personne ainsi que pour la famille impériale. Me réjouissant vivement des relations de respect et de sympathie que le Japon entretient avec le Saint-Siège, je salue très cordialement le peuple japonais, lui souhaitant de poursuivre son développement humain et spirituel, dans le respect de la dignité de la personne humaine, tout en recherchant inlassablement à promouvoir la paix et la solidarité entre les peuples.

Monsieur l’Ambassadeur, ainsi que vous l’avez souligné, les riches traditions culturelles et spirituelles de votre pays ont contribué à l’expansion des valeurs humaines fondamentales. La reconnaissance de la dimension spirituelle de la société, suscitant un authentique dialogue entre les religions et entre les cultures, ne peut que favoriser une vie commune fraternelle et solidaire, qui seule permet le développement intégral de l’homme. En effet, les collaborations interreligieuses et interculturelles ont de nombreux champs d’action possibles, notamment dans les domaines de l’engagement en faveur d’une société juste, de la paix mondiale et de la lutte contre la pauvreté, dans une solidarité croissante.

Plus que jamais, la recherche de la paix entre les nations doit être une priorité dans les relations internationales. Les crises que connaît le monde ne peuvent trouver de solution définitive par la violence; elles se résoudront au contraire par des moyens pacifiques dans le respect des engagements pris. Comme on le sait, et l’expérience ne cesse de le démontrer, la violence ne peut jamais être une réponse juste aux problèmes des sociétés, car elle détruit la dignité, la vie et la liberté de l’homme, qu’elle prétend défendre. Pour construire la paix, les voies d’ordre culturel, politique et économique sont importantes.«Toutefois, en premier lieu, la paix doit être édifiée dans les coeurs. C’est là en effet, que se développent les sentiments qui peuvent l’alimenter ou, au contraire, la menacer, l’affaiblir, l’étouffer» (Lettre pour le XXe anniversaire de la rencontre interreligieuse d’Assise, 2 septembre 2006). Saluant les pas accomplis, j’invite donc votre pays à poursuivre résolument ses efforts pour contribuer à l’établissement d’une paix juste et stable dans le monde, particulièrement en Extrême-Orient. Dans la crise que connaît actuellement cette région, le Saint-Siège encourage les négociations bilatérales ou multilatérales, convaincu que la solution doit être recherchée par des moyens pacifiques et dans le respect des engagements pris par toutes les parties en présence pour atteindre la dénucléarisation de la péninsule coréenne.

Dans cette même perspective, je souhaite vivement que la communauté internationale poursuive et intensifie son aide humanitaire aux populations les plus vulnérables, notamment en Corée du Nord, afin qu’une éventuelle interruption n’entraîne pas pour les civils de très graves conséquences.

D’ailleurs, Monsieur l’Ambassadeur, je me réjouis de la généreuse contribution apportée par votre pays pour l’assistance aux pays les plus pauvres. Il est en effet nécessaire que les liens d’interdépendance entre les peuples, qui se développent de plus en plus, soient accompagnés d’un intense engagement pour que les conséquences néfastes des fortes disparités qui persistent entre pays développés et pays en voie de développement ne s’aggravent pas, mais se transforment en une solidarité authentique, stimulant la croissance économique et sociale des pays les plus pauvres.

Je me réjouis du respect dont jouit l’Église catholique au Japon. Par votre intermédiaire, Monsieur l’Ambassadeur, je voudrais saluer chaleureusement ses Évêques et tous leurs diocésains, les encourageant à vivre toujours plus fermement dans la communion de la foi et à poursuivre leur engagement en faveur de la paix et de la réconciliation entre les peuples de la région, dans une collaboration généreuse avec leurs compatriotes.

Au moment où commence votre mission auprès du Siège apostolique, je vous offre mes voeux les meilleurs pour son heureux accomplissement. Je tiens à vous assurer du soutien cordial et attentif que vous trouverez toujours ici, auprès de mes collaborateurs.

Sur Sa Majesté l’Empereur Akihito et sur la famille impériale, sur le peuple japonais et sur ses dirigeants, ainsi que sur Votre Excellence, sur ses collaborateurs et sur sa famille, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L'UNITÉ DES CHRÉTIENS Salle Clémentine Vendredi 17 novembre 2006

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Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

"A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (
Rm 1,7). C'est avec ce souhait de saint Paul aux Romains que je m'adresse à vous, qui consacrez votre intelligence, votre amour et votre zèle à la promotion de la pleine communion de tous les chrétiens, selon la volonté du Seigneur lui-même qui a prié pour cette unité à la veille de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Je remercie avant tout votre Président, Monsieur le Cardinal Walter Kasper, pour son salut et son riche compte-rendu du travail de votre Assemblée plénière, et je vous remercie, vous tous qui avez apporté à cette rencontre votre expérience et votre espérance, en vous engageant à identifier les réponses adaptées à une situation en évolution. C'est précisément sur cela que porte le thème que vous avez choisi et étudié: "La situation oecuménique en évolution". Nous vivons une période de grands changements dans presque tous les domaines de la vie; il ne faut donc pas s'étonner si cela a une influence également sur la vie de l'Eglise et sur les relations entre les chrétiens.

Toutefois, il faut dire dès le départ que, en dépit des changements de situations, de sensibilités et de problématiques, le but du mouvement oecuménique demeure inchangé: l'unité visible de l'Eglise. Comme on le sait, le Concile Vatican II considéra comme l'un des ses principaux objectifs le rétablissement de la pleine unité entre tous les chrétiens (cf. Unitatis redintegratio UR 1). Cela est également mon intention. Je profite volontiers de cette occasion pour répéter et confirmer, avec une conviction renouvelée, ce que j'ai affirmé au début de mon ministère sur la Chaire de Pierre: "Son successeur actuel [de Pierre] - ai-je dit - prend comme premier engagement de travailler sans épargner ses forces à la reconstruction de l'unité pleine et visible de tous les fidèles du Christ. Telle est son ambition, tel est son devoir pressant". Et j'ai ajouté: "Le Successeur actuel de Pierre se laisse interpeller personnellement par cette question et il est disposé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir la cause fondamentale de l'oecuménisme" (Insegnamenti, vol. I, 2005, p. 11).

En vérité, du Concile Vatican II à nos jours, de nombreux pas vers la pleine unité ont été accomplis. J'ai devant les yeux l'image de la Salle du Concile où les Observateurs délégués des autres Eglises et communautés ecclésiales étaient attentifs, mais silencieux. Cette image a laissé la place, dans les décennies successives, à la réalité d'une Eglise en dialogue avec toutes les Eglises et communautés ecclésiales d'Orient et d'Occident. Le silence s'est transformé en une parole de communion. Un immense travail a été accompli au niveau universel et au niveau local. La fraternité entre tous les chrétiens a été redécouverte et rétablie comme condition de dialogue, de coopération, de prière commune, de solidarité. C'est ce que mon prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, de vénérée mémoire, a mis en évidence dans l'Encyclique sur l'engagement oecuménique, dans laquelle il a, entre autres, affirmé de façon explicite que "la progression de la communion est le fruit précieux des relations entre les chrétiens et du dialogue théologique qu'ils entretiennent. Les relations et le dialogue ont rendu les chrétiens conscients des données de la foi qu'ils ont en commun" (Enc. Ut unum sint UUS 49). Cette Encyclique soulignait les fruits positifs des relations oecuméniques entre les chrétiens tant d'Orient que d'Occident. Comment ne pas rappeler, dans ce contexte, l'expérience de communion vécue avec les représentants des autres Eglises et communautés ecclésiales venus de tous les continents pour prendre part aux funérailles de l'inoubliable Pape Jean-Paul II et également à l'inauguration de mon pontificat? Le partage de la douleur et de la joie est un signe visible de la nouvelle situation créée parmi les chrétiens. Que Dieu en soit béni! Ma visite imminente à Sa Sainteté Bartholomaios I et au Patriarcat oecuménique constituera un signe supplémentaire de considération pour les Eglises orthodoxes, et agira comme un encouragement - nous en sommes certains - pour hâter le pas vers le rétablissement de la pleine communion.

De façon réaliste, toutefois, nous devons reconnaître que beaucoup de chemin reste encore à accomplir. Depuis le Concile Vatican II, la situation a changé sous de nombreux aspects et le Cardinal Kasper nous a décrit les grandes lignes de ces changements. Les bouleversements rapides dans le monde ont eu des répercussions également sur l'oecuménisme. Un grand nombre des vénérables Eglises d'Orient, à l'époque du Concile, vivaient dans des conditions d'oppression à cause des régimes dictatoriaux. Aujourd'hui, elles ont retrouvé leur liberté et sont engagées dans un vaste processus de réorganisation et de revitalisation. Nous sommes proches d'elles à travers nos sentiments et notre prière. La partie orientale et la partie occidentale de l'Europe se rapprochent; cela encourage les Eglises à coordonner leurs efforts en vue de la sauvegarde de la tradition chrétienne et pour l'annonce de l'Evangile aux nouvelles générations. Une telle collaboration devient particulièrement urgente du fait de la situation de sécularisation avancé, notamment dans le monde occidental. Heureusement, après une période de nombreuses difficultés, le dialogue théologique entre les Eglises catholiques et les Eglises orthodoxes a connu un nouvel élan. La Commission mixte internationale de dialogue a pu se rencontrer de façon positive à Belgrade, bénéficiant de l'accueil généreux de l'Eglise orthodoxe de Serbie. Nous nourrissons de grandes espérances pour le chemin futur qui sera accompli dans le respect des légitimes différences en matière de théologie, de liturgie et de discipline, en vue d'atteindre une communion de foi et d'amour toujours plus pleine, dans laquelle un échange toujours plus profond entre les richesses spirituelles de chaque Eglise est possible.

Avec les communautés ecclésiales d'Occident également, nous avons instauré divers dialogues bilatéraux, ouverts et amicaux, qui enregistrent des progrès dans la connaissance réciproque, dans le dépassement des préjugés, dans la confirmation de certaines convergences, et dans l'identification plus précise des véritables divergences. Je voudrais mentionner en particulier la "Déclaration commune sur la Doctrine de la Justification", à laquelle nous sommes parvenus dans le dialogue avec la Fédération luthérienne mondiale et le fait que le Conseil méthodiste mondial, pour sa part, a donné son assentiment à cette Déclaration. Entre-temps sont apparues diverses problématiques importantes, qui exigent un approfondissement et un accord. Il reste avant tout la difficulté de trouver une conception commune sur la relation entre l'Evangile et l'Eglise et, en relation à cela, sur le mystère de l'Eglise et de son unité et sur la question du ministère dans l'Eglise. De nouvelles difficultés sont ensuite apparues dans le domaine éthique; ainsi, les différentes positions adoptées par les confessions chrétiennes sur les problématiques actuelles ont affaibli leur influence sur la formation de l'opinion publique. Précisément de ce point de vue, un dialogue approfondi sur l'anthropologie chrétienne est nécessaire, ainsi que sur l'interprétation de l'Evangile et sur son application concrète.

Ce qui, de toutes façons, doit être avant tout promu, est l'oecuménisme de l'amour, qui découle directement du commandement nouveau laissé par Jésus à ses disciples. L'amour accompagné de gestes cohérents engendre la confiance, ouvre les coeurs et les yeux. Le dialogue de la charité, de par sa nature, promeut et illumine le dialogue de la vérité: c'est en effet dans la pleine unité qu'aura lieu la rencontre définitive à laquelle conduit l'Esprit du Christ. Ce ne sont certainement pas le relativisme ou un irénisme facile et faux qui résolvent la recherche oecuménique. Au contraire, ceux-ci la déforment et la désorientent. Il faut ensuite intensifier la formation oecuménique, en partant des fondements de la foi chrétienne, c'est-à-dire de l'amour de Dieu qui s'est révélé dans le visage de Jésus Christ et qui a en même temps révélé, dans le Christ, l'homme à l'homme et lui a fait comprendre sa très haute vocation (cf. Gaudium et spes GS 22). Ces deux dimensions essentielles sont soutenues par la coopération pratique entre les chrétiens, qui "exprime vivement l'union déjà existante entre eux, et [elle] met en plus lumineuse évidence le visage du Christ serviteur" (Unitatis redintegratio UR 12).

301 En conclusion de ces paroles, je veux répéter l'importance tout à fait particulière de l'oecuménisme spirituel. C'est donc à juste titre que le Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens s'engage dans celui-ci, en s'appuyant sur la prière, sur la charité, sur la conversion du coeur pour un renouveau personnel et communautaire. Je vous exhorte à poursuivre sur cette voie, qui a déjà porté tant de fruits, et qui en portera d'autres encore. Pour ma part, je vous assure du soutien de ma prière tandis que, en gage de ma confiance et de mon affection, je donne à tous ma Bénédiction apostolique particulière.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Samedi 18 novembre 2006



Messieurs les Cardinaux!
Chers confrères dans l'épiscopat!

C'est avec une joie particulière que je vous souhaite la bienvenue, chers confrères de notre patrie allemande et bavaroise commune, ici dans la maison du Pape. Votre visite "ad limina Apostolorum" vous conduit auprès des tombes des Apôtres, qui ne parlent cependant pas seulement du passé, mais qui nous renvoient surtout au Seigneur ressuscité, qui est toujours présent dans son Eglise et la "précède" toujours (Mc 16,7). Les tombes nous parlent du fait que l'Eglise reste toujours liée au témoignage des origines, mais que dans le même temps, elle continue à être vivante dans le sacrement de la succession des Apôtres; que le Seigneur, à travers le ministère apostolique, nous parle toujours au présent. Cela concerne notre devoir en tant que Successeurs des Apôtres: nous vivons dans le lien qui nous lie à Celui qui est l'Alpha et l'Oméga (cf. Ap Ap 1,8 Ap 21,6 Ap 22,13), à Celui qui est, qui était et qui vient (Ap 1,4). Nous annonçons le Seigneur dans la communauté vivante de son corps animée par son Esprit - dans la communion vivante avec le Successeur de Pierre et le Collège des Evêques. La visite "ad limina" doit nous affermir dans cette communion; elle doit nous aider afin que nous puissions toujours être davantage jugés comme des administrateurs fidèles et sages des biens qui nous ont été confiés par le Seigneur (cf. Lc 12,42).

Pour rester fidèle au Seigneur et donc à elle-même, l'Eglise doit sans cesse être renouvelée. Mais comment réaliser cela? Pour répondre à cette question, nous devons tout d'abord sonder la volonté du Seigneur, Tête de l'Eglise, et reconnaître clairement que chaque réforme ecclésiale naît de l'engagement sérieux pour parvenir à une connaissance plus profonde de la vérité de la foi catholique et de l'aspiration persistante à la purification morale et à la vertu. Il s'agit d'un appel qui s'adresse tout d'abord à chaque personne, puis au peuple de Dieu tout entier.

La recherche de la réforme peut facilement glisser vers un activisme extérieur, si celui qui agit ne vit pas une authentique vie spirituelle et s'il n'analyse pas constamment les motivations de son action à la lumière de la foi. Cela vaut pour tous les membres de l'Eglise: pour les Evêques, les prêtres, les diacres, les religieux et tous les fidèles. Le saint Pape Grégoire le Grand, dans sa Regula pastoralis, place comme un miroir devant l'Evêque: "En raison de l'engagement extérieur, l'Evêque ne doit pas négliger sa vie intérieure [...] Il considère souvent qu'il est supérieur à tous grâce à sa position [...] De l'extérieur, il reçoit des louanges inopportunes, mais intérieurement, il perd la vérité" (2, 1). Il s'agit - et cela est certainement aussi la tâche quotidienne de chaque chrétien - de faire abstraction de son propre moi et de s'exposer au regard plein d'amour de Jésus qui nous interpelle. Au centre de notre service, se trouve toujours la rencontre avec le Christ vivant, une rencontre qui donne son orientation décisive à notre vie. En Lui, c'est l'amour de Dieu qui nous regarde; un amour qui, à travers notre ministère sacerdotal et épiscopal, se transmet aux hommes dans les situations les plus diverses, à celui qui est sain comme à celui qui est malade, à celui qui souffre comme à celui qui est coupable. Dieu nous donne son amour qui pardonne, qui rachète et qui sanctifie. Il vient toujours à nouveau à notre rencontre, "par des hommes à travers lesquels il transparaît, ainsi que par sa Parole, dans les Sacrements, spécialement dans l'Eucharistie. Dans la liturgie de l'Eglise, dans sa prière, dans la communauté vivante des croyants, nous faisons l'expérience de l'amour de Dieu, nous percevons sa présence et nous apprenons aussi de cette façon à la reconnaître dans notre vie quotidienne" (Encyclique Deus caritas est ).

Naturellement, dans l'Eglise est également nécessaire une planification institutionnelle et structurelle. Les institutions ecclésiales, les programmes pastoraux et les autres structures juridiques ne sont, jusqu'à un certain point, que des nécessités pratiques. Mais elles sont parfois présentées comme étant ce qui est essentiel, empêchant ainsi de voir ce qui est vraiment essentiel. Celles-ci n'ont une véritable signification que si elles sont évaluées et orientées selon le critère de la vérité de la foi. En définitive, ce doit être et ce sera la foi elle-même, qui marquera, dans toute sa grandeur, sa clarté et sa beauté, le rythme de la réforme qui est fondamentale et dont nous avons besoin. Dans tout cela, il ne faut bien sûr jamais oublier que les capacités et la bonne volonté de ceux dont dépend la réalisation des mesures de réforme est toujours liée à leur condition d'êtres humains. A cet égard et pour autant que cela puisse paraître difficile dans les cas particuliers, on doit toujours prendre à nouveau des décisions personnelles claires.

Chers frères dans le ministère épiscopal! Je sais qu'un bon nombre d'entre vous sont, à juste titre, préocuppés par le développement de structures pastorales adaptées à la situation présente. Face au nombre actuellement en diminution des prêtres, ainsi que malheureusement des fidèles qui fréquentent la Messe (dominicale), dans plusieurs diocèses de langue allemande ont été appliqués des modèles de modification et de restructuration de la pastorale, dans lesquels l'image du curé, c'est-à-dire du prêtre qui en tant qu'homme de Dieu et de l'Eglise guide une communauté paroissiale, risque de disparaître. Chers confrères, je suis certain que vous ne laissez pas l'élaboration de ces projets à de froids planificateurs, mais que vous les confiez seulement à des prêtres et à des collaborateurs qui disposent non seulement du jugement nécessaire éclairé par la foi et d'une formation théologique, canonique, historique et pratique adaptée, ainsi que d'une expérience pastorale suffisante, mais qui ont également vraiment à coeur le salut des hommes et qui, comme nous l'aurions dit par le passé, se distinguent par leur "zèle pour les âmes" et ont donc le salut intégral et éternel de l'homme comme lex suprema de leur pensée et de leur action. Vous ne donnerez votre approbation qu'aux réformes structurelles qui sont en pleine harmonie avec l'enseignement de l'Eglise sur le sacerdoce et avec ses normes juridiques, en ayant soin que l'application des réformes ne diminue pas la force d'attraction du ministère sacerdotal.

Si l'on soutient parfois que les laïcs ne pourraient pas suffisamment s'insérer dans les structures de l'Eglise, c'est parce qu'il existe à la base un préjugé restrictif sur leur collaboration dans les organes de direction, sur les fonctions importantes au sein des structures financées par l'Eglise ou sur l'exercice de fonctions liturgiques déterminées. Ces domaines ont aussi naturellement leur importance. Toutefois, ils ne doivent pas conduire à oublier le domaine vaste et ouvert de l'apostolat des laïcs extrêmement urgent et ses multiples tâches: l'annonce de la Bonne Nouvelle à des millions de concitoyens qui ne connaissent pas encore le Christ et son Eglise; la catéchèse des enfants et des adultes dans nos communautés paroissiales; les services caritatifs; le travail dans les moyens de communication sociale, ainsi que l'engagement social pour une protection intégrale de la vie humaine, pour la justice sociale et dans le domaine des initiatives culturelles chrétiennes. Les tâches ne manquent certainement pas pour les laïcs catholiques engagés; mais aujourd'hui, on constate aussi parfois un manque d'esprit missionnaire, de créativité et de courage pour parcourir des chemins nouveaux.

Dans le discours au premier groupe d'Evêques allemands, j'ai déjà évoqué brièvement les multiples services liturgiques de la part des laïcs qui sont aujourd'hui possibles dans l'Eglise: celui de ministre extraordinaire de l'Eucharisite, auquel s'ajoutent celui de lecteur et celui de guide de la liturgie de la Parole. Je ne voudrais pas revenir à nouveau sur ce thème. Il est important que ces devoirs ne soient pas accomplis en les revendiquant presque comme un droit, mais dans un esprit de service. La Liturgie nous appelle tous au service de Dieu, pour Dieu et pour les hommes; un service dans lequel nous ne voulons pas nous mettre nous-mêmes en avant, mais nous placer avec humilité face à Dieu et nous rendre perméables à sa lumière. Dans ce discours, je voudrais traiter brièvement de quatre autres points qui me tiennent à coeur.

302 Le premier est l'annonce de la foi aux jeunes de notre temps. Les jeunes d'aujourd'hui vivent dans une culture sécularisée, totalement orientée vers les choses matérielles. Au quotidien - dans les moyens de communication, dans le travail, dans le temps libre -, ils font l'expérience d'une culture dans laquelle, généralement, Dieu n'est pas présent. Et, toutefois, ils attendent Dieu. Les Journées mondiale de la Jeunesse en 2005 nous montrent l'attente et la disponibilité à l'égard de Dieu et de l'Evangile qui existe chez les jeunes de notre temps. Notre réponse à cette attente doit revêtir diverses formes. Les Journées mondiales de la Jeunesse présupposent que les jeunes puissent parvenir, dans leurs milieux de vie, en particulier dans la paroisse, à la rencontre avec la foi. Ici, par exemple, le service des servants d'autel, qui met les enfants et les jeunes au contact avec l'autel, avec la Parole de Dieu, avec la vie intime de l'Eglise, est important. Il était beau, à l'occasion du pèlerinage des servants d'autel, de voir réunis joyeusement dans la foi tant de jeunes provenant d'Allemagne. Poursuivez cet engagement et faites en sorte que, dans l'Eglise, les servants d'autel puissent véritablement rencontrer Dieu, sa Parole, le sacrement de sa présence, et qu'ils puissent apprendre à modeler leur vie à partir de cela. Une voie importante est également le travail avec les choeurs, dans lesquels les jeunes peuvent être éduqués à ce qui est beau, être éduqués à la communion, et faire l'expérience de la joie de participer à la Messe, et ainsi, recevoir une formation à la foi. Après le Concile, l'Esprit Saint nous a donné les "mouvements". Ceux-ci peuvent parfois appraître au curé ou à l'Evêque comme un peu étranges, mais il s'agit de lieux de foi dans lesquels les jeunes et les adultes font l'expérience d'un modèle de vie dans la foi comme opportunité pour la vie d'aujourd'hui. C'est pourquoi je vous demande d'aller au devant des Mouvements avec beaucoup d'amour. Ils doivent parfois être corrigés, insérés dans l'ensemble de la paroisse ou du diocèse. Mais nous devons respecter le caractère spécifique de leurs charismes et être heureux que naissent des formes communautaires de foi dans lesquelles la Parole de Dieu devienne vie.

Le deuxième thème que je désire aborder, du moins brièvement, concerne les oeuvres caritatives de l'Eglise. Dans mon Encyclique Deus caritas est, j'ai parlé du service de la charité comme de l'expression fondamentale et incontournable de la foi dans la vie de l'Eglise, en évoquant également le principe intérieur des oeuvres caritatives. "L'amour du Christ nous presse" a dit saint Paul (
2Co 5,14). Le même "devoir" de la charité (1Co 9,16), qui poussa saint Paul à aller dans le monde annoncer l'Evangile, ce même "devoir" de l'amour du Christ a conduit les catholiques allemands à fonder les oeuvres caritatives pour aider les personnes qui vivent dans la pauvreté à revendiquer leur droit à la participation aux biens de la terre. Or, il est important de veiller à ce que ces oeuvres caritatives dans leurs programmes et leurs actions, correspondent véritablement à cet élan intérieur de l'amour soutenu par la foi. Il est important de prendre garde à ce qu'elles ne deviennent pas dépendantes de politiques, mais qu'elles servent uniquement à leur devoir de justice et d'amour. C'est pourquoi, une étroite collaboration est à son tour nécessaire avec les Evêques et les Conférences épiscopales, qui connaissent véritablement la situation sur le lieu et qui sont en mesure de faire en sorte que le don des fidèles soit tenu en dehors de la confusion des intérêts politiques et d'autre genre, et soit utilisé pour le bien des personnes. Le Conseil pontifical "Cor Unum" dispose d'une grande expérience dans ce domaine et offrira volontiers son aide et ses conseils dans toutes ces questions.

Enfin, le thème du mariage et de la famille me tient particulièrement à coeur. L'ordre du mariage, comme cela est établi dans la création, et dont la Bible nous parle expressément au terme du récit de la création (Gn 2,24), est aujourd'hui progressivement terni. De la même façon que l'homme cherche à se construire, de manière nouvelle, un monde dans son ensemble, mettant ainsi ses bases en danger de façon toujours plus perceptible, ainsi, il perd également la vision de l'ordre de la création en ce qui concerne son existence. Il considère qu'il peut se définir lui-même à volonté en vertu d'une liberté vide. Ainsi, les fondements sur lesquels reposent son existence et celle de la société commencent à vaciller. Il devient difficile pour les jeunes de se lier de façon définitive. Ils ont peur de ce qui est définitif, de ce qui leur apparaît irréalisable et contraire à la liberté. Ainsi, il devient toujours plus difficile d'accepter les enfants et de leur donner l'espace durable de croissance et de maturation qui ne peut être que la famille fondée sur le mariage. Dans cette situation que nous venons d'évoquer, il est très important d'aider les jeunes à prononcer le "oui" définitif qui ne s'oppose pas à la liberté, mais qui représente sa plus grande opportunité. C'est dans la patience de rester ensemble toute la vie que l'amour atteint sa véritable maturité. C'est également dans ce contexte d'amour pour toute la vie que les enfants apprennent à vivre et à aimer. Je désire donc vous demander de faire tout votre possible pour que le mariage et la famille soient formés, promus et encouragés.

Enfin, quelques brèves réflexions sur l'oecuménisme. Toutes les initiatives louables sur le chemin vers la pleine unité de tous les chrétiens trouvent dans la prière commune et dans la réflexion sur les Ecritures Saintes un terrain fertile sur lequel la communion peut croître et mûrir. En Allemagne, nos efforts doivent être avant tout dirigés vers les chrétiens de confession luthérienne et réformée. Dans le même temps, ne perdons pas de vue nos frères et soeurs des Eglises orthodoxes, même si ceux-ci sont proportionnellement moins nombreux. Le monde a le droit d'attendre de tous les chrétiens une profession univoque de foi en Jésus Christ, le Rédempteur de l'humanité. C'est pourquoi l'engagement oecuménique ne doit pas s'arrêter aux documents conjoints. Il devient visible et efficace lorsque les chrétiens de diverses Eglises et communautés ecclésiales, dans un contexte social toujours plus étranger à la religion, professent ensemble de façon convaincante les valeurs transmises par la foi chrétienne et les soulignent avec force dans leurs actions politiques et sociales.

Chers frères dans l'épiscopat: Provenant moi-même de votre pays qui m'est si cher, je me sens particulièrement touché par les réalisations de l'Eglise qui est en Allemagne, ainsi que par les défis qu'elle doit affronter. Tout ce qu'il y a de bon dans l'Eglise de notre pays, je le connais non seulement à travers l'observation et l'expérience personnelle, mais également parce que les Evêques, les prêtres et d'autres visiteurs provenant d'Europe et de nombreuses parties du monde, me parlent constamment du bien concret qu'ils reçoivent à travers les structures et les personnes liées à l'Eglise. L'Eglise qui est en Allemagne dispose véritablement de grandes ressources spirituelles et religieuses. En particulier, le service fidèle, souvent trop peu apprécié, de nombreux prêtres, diacres, religieux et collaborateurs ecclésiaux professionnels dans des situations pastorales souvent difficiles, mérite respect et reconnaissance. Je suis en outre sincèrement reconnaissant car il existe toujours de nombreux chrétiens prêts à s'engager dans les communautés paroissiales et dans les diocèses, dans les associations et les mouvements, et à assumer, en tant que catholiques croyants, une responsabilité également au sein de la société. Dans ce cadre, je partage avec vous la ferme espérance que l'Eglise qui est en Allemagne devienne toujours plus missionnaire et trouve des façons de transmettre la foi aux générations futures.

Chers confrères dans l'épiscopat, je connais bien votre engagement généreux et également celui de tant de prêtres, de diacres, de religieux et de laïcs dans vos diocèses. C'est pourquoi je désire vous témoigner aujourd'hui à nouveau mon affection et vous encourager à accomplir, unis et confiants, votre service de Pasteurs. Je suis assuré que le Seigneur accompagnera et récompensera votre fidélité et votre zèle par sa Bénédiction. Que la Très Sainte Vierge et Mère de Dieu Marie, Mère de l'Eglise et auxiliatrice des chrétiens, puisse obtenir pour vous, pour le clergé et pour les fidèles de notre patrie la force, la joie et la persévérance pour affronter l'engagement nécessaire pour un renouveau authentique de la vie de foi avec courage et avec la solide espérance dans l'aide de l'Esprit Saint. A travers son intercession maternelle et celle de tous les saints et les saintes vénérés dans notre pays, je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à tous les fidèles d'Allemagne, ma Bénédiction apostolique.

Discours 2005-2013 11116