Discours 2005-2013 302


CONCERT OFFERT AU PAPE BENOÎT XVI

PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBBLIQUE D'ALLEMAGNE

Salle Clémentine Samedi 18 novembre 2006

Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'épiscopat,
303 Mesdames et Messieurs,

Je désire tout d'abord exprimer mes remerciements personnels et particuliers aux quatre musiciens du "Philharmonia Quartett Berlin", Daniel Stabrawa, Christian Stadelmann, Neithard Resa et Jan Diesselhorst, pour ce concert magistral qu'ils nous ont offert. Messieurs, au cours des vingt années de votre activité commune de concertistes, en tant que quatuor d'instruments à corde, vous avez acquis une renommée au niveau international, que vous avez également confirmée aujourd'hui par votre style raffiné, votre manière parfaite de jouer ensemble, la grande richesse d'expression dans les nuances délicates du son et la merveilleuse harmonie de votre ensemble. Jouer ensemble en solistes exige de la personne non seulement l'exercice de toutes ses capacités techniques et musicales dans l'exécution de sa propre partie, mais aussi de savoir toujours se mettre en retrait dans une écoute attentive des autres. Ce n'est que si l'on parvient à cela, c'est-à-dire si chacun ne se met pas au centre, mais, dans un esprit de service, s'insère dans l'ensemble et, pour ainsi dire, se met à disposition comme "instrument", afin que la pensée du compositeur puisse devenir son et rejoindre le coeur des auditeurs, que l'on parvient à une interprétation véritablement magistrale - comme celle que nous venons d'entendre. Et cela représente une belle image également pour nous qui, dans le cadre de l'Eglise, nous engageons à être des "instruments" afin de communiquer aux hommes la pensée du grand "Compositeur", dont l'oeuvre est l'harmonie de l'univers.

Je vous remercie, Monsieur le Président de la République, car vous nous avez permis de vivre cette intense expérience d'écoute musicale précieuse, et je vous suis également reconnaissant des paroles courtoises avec lesquelles vous nous avez salués et avez préparé notre âme à l'écoute de cette interprétation musicale magistrale. J'adresse également un remerciement sincère à tous ceux qui ont contribué à la réalisation du concert. Cher Président, vous ne pouviez pas me faire de plus beau cadeau.

Les compositions que nous venons d'écouter nous ont aidés à méditer sur la complexité de la vie et sur les petits événements quotidiens. Chaque journée est un mélange de joie et de douleur, d'espérance et de déception, d'attentes et de surprises, qui s'alternent de manière mouvementée et qui éveillent en nous les questions fondamentales sur "d'où" venons-nous, "vers où" allons-nous et sur le sens véritable de notre existence elle-même. La musique, qui exprime toutes ces perceptions de l'âme, offre à l'auditeur en une heure comme celle-ci la possibilité de scruter, comme dans un miroir, les événements de sa propre histoire et de l'histoire universelle. Mais elle nous offre encore plus: à travers ses sons, elle nous conduit comme dans un autre monde et apporte en nous l'harmonie. Ayant ainsi atteint un tel moment de paix, nous sommes en mesure de voir, comme d'un point élevé, les réalités mystérieuses que l'homme cherche à déchiffrer et que la lumière de la foi nous aide à mieux comprendre. En effet, nous pouvons imaginer l'histoire du monde comme une merveilleuse symphonie que Dieu a composée et dont il dirige lui-même l'exécution, en sage chef d'orchestre. Même si la partition nous semble parfois complexe et difficile, Il la connaît de la première à la dernière note. Nous ne sommes pas appelés à prendre en main la baguette du chef d'orchestre, et encore moins à changer les mélodies selon notre goût. Mais nous sommes appelés, chacun à notre place et avec nos propres capacités, à collaborer avec le grand Maître dans l'exécution de son merveilleux chef-d'oeuvre. Au cours de l'interprétation, il nous sera aussi donné de comprendre peu à peu le dessein grandiose de la partition divine.

Ainsi, chers amis, nous voyons comment la musique peut nous conduire à la prière: elle nous invite à élever l'esprit vers Dieu pour trouver en Lui les raisons de notre espérance et le soutien face aux difficultés de la vie. Fidèles à ses commandements et respectueux de son plan salvifique, nous pouvons construire ensemble un monde dans lequel retentisse la mélodie réconfortante d'une symphonie d'amour transcendante. Ce sera même l'Esprit divin qui nous fera tous devenir des instruments bien accordés et des collaborateurs responsables d'une merveilleuse interprétation, à travers laquelle s'exprime au cours des siècles le dessein du salut universel.

En renouvelant l'assurance de ma gratitude aux membres du "Philharmonia Quartett Berlin" et à ceux qui ont contribué à la réalisation de cette soirée musicale, j'assure chacun de mon souvenir dans la prière et je donne à tous avec affection ma Bénédiction.

VISITE OFFICIELLE DE S.E. M. GIORGIO NAPOLITANO,

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE

Lundi 20 novembre 2006



Monsieur le Président de la République,

Je vous suis vivement reconnaissant de cette visite, dont vous me faites l'honneur aujourd'hui, et je vous adresse mes salutations cordiales et, à travers vous, à tout le peuple italien, dont les représentants - au mois de mai dernier - vous ont appelé à assumer la plus haute charge de l'Etat. En cette circonstance solennelle, je souhaite vous renouveler personnellement mes vives félicitations pour la haute charge qui vous a été confiée. J'étends mes salutations également aux membres éminents de la délégation qui vous accompagne. Dans le même temps, je voudrais aussi manifester à nouveau, à l'égard de tous les Italiens, la gratitude que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer au cours de ma visite au Quirinal, le 24 juin 2005. En effet, depuis mon élection, ils me démontrent presque quotidiennement, avec chaleur et enthousiasme, leurs sentiments d'accueil, d'attention et de soutien spirituel dans l'accomplissement de ma mission. Du reste, dans cette réelle proximité avec le Pape trouve une expression significative ce lien particulier de foi et d'histoire qui, depuis des siècles, lie l'Italie au Successeur de Pierre, qui a dans ce pays, par la grâce de la Providence, son siège. Afin d'assurer au Saint-Siège "l'indépendance absolue et visible" et de "lui garantir une souveraineté indiscutable également dans le domaine international", à travers le Traité du Latran a été constitué l'Etat de la Cité du Vatican. En vertu de ce Traité, la République italienne offre à différents niveaux et selon diverses modalités une précieuse et constante contribution à l'accomplissement de ma mission de Pasteur de l'Eglise universelle. La visite au Vatican du chef de l'Etat italien est donc pour moi une heureuse occasion d'adresser ma pensée déférente à toutes les instances de l'Etat, en les remerciant de leur collaboration concrète au service du ministère pétrinien et de l'oeuvre du Saint-Siège.

Votre visite d'aujourd'hui, Monsieur le Président, n'est pas seulement l'heureuse confirmation d'une tradition désormais pluridécennale de visites réciproques, échangées entre le Successeur de Pierre et le plus haut représentant de l'Etat italien, mais elle revêt une signification importante, parce qu'elle permet un temps de réflexion sur les raisons profondes des rencontres qui adviennent entre les représentants de l'Eglise et ceux de l'Etat. Celles-ci me semblent exposées avec clarté par le Concile Vatican II, qui affirme dans la Constitution pastorale "Gaudium et spes": "Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes. Mais toutes deux, bien qu'à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant également compte des circonstances de temps et de lieu" (n. 76).

Il s'agit d'une vision partagée également par l'Etat italien qui, dans sa Constitution, affirme avant tout que "l'Etat et l'Eglise catholique sont, chacun dans leur ordre, indépendants et souverains" et elle réaffirme ensuite que "leurs relations sont réglées par les Accords du Latran" (art. 7). Cette définition des relations entre l'Eglise et l'Etat a inspiré également l'Accord qui apporte des modifications au Concordat du Latran, signé par le Saint-Siège et l'Italie le 18 février 1984, dans lequel ont été réaffirmées tant l'indépendance et la souveraineté de l'Etat et de l'Eglise que la "collaboration réciproque pour la promotion de l'homme et pour le bien du pays" (art. 1). Je m'associe volontiers au voeu que vous avez formulé, Monsieur le Président, au début de votre mandat, afin que cette collaboration puisse continuer à se développer de façon concrète. Oui, l'Eglise et l'Etat, tout en étant pleinement distincts, sont tous deux appelés, selon leur mission respective et avec les fins et les moyens qui leur sont propres, à servir l'homme qui est à la fois destinataire et responsable de la mission salvifique de l'Eglise et citoyen de l'Etat. C'est en l'homme que ces deux sociétés se rencontrent et collaborent pour mieux en promouvoir le bien intégral.

304 Cette sollicitude de la communauté civile à l'égard du bien des citoyens ne peut pas se limiter à certaines dimensions de la personne, telles que la santé physique, le bien-être économique, la formation intellectuelle ou les relations sociales. L'homme se présente devant l'Etat également dans sa dimension religieuse, qui "consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu" (Dignitatis humanae DH 3). De tels actes "ne peuvent être ni imposés ni interdits" par l'autorité humaine qui, au contraire, est tenue de respecter et de promouvoir cette dimension: comme l'a enseigné avec autorité le Concile Vatican II à propos du droit à la liberté religieuse, personne ne peut être contraint "d'agir contre sa conscience", mais on ne doit pas "être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse" (ibid.). Il serait toutefois réducteur de penser que soit suffisamment garanti le droit à la liberté religieuse, lorsqu'on ne lutte pas ou lorsque l'on n'intervient pas sur les convictions personnelles ou que l'on se limite à respecter la manifestation de la foi qui a lieu dans le cadre du lieu de culte. En effet, on ne peut pas oublier que "la nature sociale de l'homme elle-même requiert qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en matière religieuse, il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa religion sous une forme communautaire" (ibid.). La liberté religieuse est donc un droit non seulement de l'individu, mais également de la famille, des groupes religieux et de l'Eglise elle-même (cf. Dignitatis humanae DH 4-5 DH 13) et l'exercice de ce droit a une influence sur de nombreux domaines et situations où le croyant peut se trouver et agir. Un respect adapté du droit à la liberté religieuse implique donc l'engagement du pouvoir civil à "assurer des conditions favorables au développement de la vie religieuse en sorte que les citoyens soient à même d'exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté" (Dignitatis humanae DH 6).

Ces principes élevés proclamés par le Concile Vatican II sont, du reste, le patrimoine de nombreuses sociétés civiles, y compris l'Italie. Ils sont en effet présents à la fois dans la Charte constitutionnelle italienne et dans les nombreux documents internationaux qui proclament les droits de l'homme. Et vous aussi, Monsieur le Président, vous n'avez pas manqué de rappeler de manière opportune la nécessité de la reconnaissance qu'il faut donner à la dimension sociale et publique du fait religieux. Le Concile lui-même rappelle que, lorsque la société respecte et promeut la dimension religieuse de ses membres, elle reçoit en échange les "biens de justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté" (ibid.). La liberté que l'Eglise et les chrétiens revendiquent, ne porte pas préjudice aux intérêts de l'Etat ou d'autres groupes sociaux et ne vise pas à une suprématie autoritaire sur ceux-ci, mais elle est plutôt la condition afin que, comme je l'ai dit au cours du récent Congrès national ecclésiastique qui s'est tenu à Vérone, puisse être mené à bien ce précieux service que l'Eglise rend à l'Italie et à chaque pays où elle est présente. Ce service rendu à la société, qui consiste principalement à "donner des réponses positives et convaincantes aux attentes et aux interrogations de notre peuple" (cf. Discours aux participants au Congrès national ecclésial à Vérone) en offrant à leur vie la lumière de la foi, la force de l'espérance et la chaleur de la charité, s'exprime également dans le domaine civil et politique. En effet, s'il est vrai que par sa nature et sa mission "l'Eglise n'est pas et n'entend pas être un agent politique", elle a toutefois "un intérêt profond pour le bien de la communauté politique" (ibid.).

Cette contribution spécifique est offerte principalement par les fidèles laïcs qui, en agissant en toute responsabilité et en faisant usage du droit de participation à la vie publique, s'engagent avec les autres membres de la société à "construire un ordre juste dans la société" (ibid.). Par ailleurs, dans leur action, ils s'appuient sur "des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain" (ibid.), également reconnaissable à travers le juste usage de la raison. Ainsi, lorsqu'ils s'engagent par la parole et par l'action à affronter les grands défis actuels, représentés par les guerres et par le terrorisme, par la faim et par la soif, par l'extrême pauvreté de tant d'êtres humains, par certaines épidémies terribles, mais aussi par la protection de la vie humaine à toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et par la promotion de la famille, fondée sur le mariage et première responsable de l'éducation, ils n'agissent pas dans leur propre intérêt particulier ou au nom de principes perceptibles uniquement par ceux qui professent une croyance religieuse déterminée: ils le font au contraire dans le contexte et selon les règles de la coexistence démocratique, pour le bien de toute la société et au nom de valeurs que toute personne ayant une juste sensibilité peut partager. La preuve en est apportée par le fait que la plupart des valeurs que j'ai mentionnées sont proclamées par la Constitution italienne qui fut rédigée, il y a bientôt soixante ans, par des hommes ayant des positions et des idées différentes.

Monsieur le Président, je voudrais conclure ces réflexions par le souhait cordial que la nation italienne sache avancer sur la voie du progrès authentique et puisse offrir à la Communauté internationale sa précieuse contribution, en promouvant toujours ces valeurs humaines et chrétiennes qui nourrissent son histoire, sa culture, son patrimoine d'idées, son patrimoine juridique et artistique, et qui sont, toujours à présent, à la base de l'existence et de l'engagement de ses citoyens. Dans cet effort, bien sûr, la contribution loyale et généreuse offerte par l'Eglise catholique à travers l'enseignement de ses Evêques, que je rencontrerai prochainement lors de leur visite ad limina Apostolorum, et grâce à l'oeuvre de tous les fidèles, ne fera pas défaut. C'est ce souhait que je forme également à travers la prière par laquelle j'implore de Dieu tout-puissant une Bénédiction particulière sur ce noble pays, sur ses habitants et en particulier sur ceux qui en conduisent la destinée.

DÉCLARATION COMMUNE ET DE L'ARCHEVÊQUE DE CANTERBURY SA GRÂCE ROWAN WILLIAMS


Il y a quarante ans, nos prédécesseurs, le Pape Paul VI et l'Archevêque Michael Ramsey, se sont rencontrés dans cette ville sanctifiée par le ministère et le sang des Apôtres Pierre et Paul. Ils ont entamé un nouveau chemin de réconciliation fondé sur les Evangiles et les antiques traditions communes. Des siècles de séparation entre anglicans et catholiques ont fait place à un nouveau désir de collaboration et de coopération, tandis que la communion réelle, mais incomplète, que nous partageons a été redécouverte et affirmée. Le Pape Paul VI et l'Archevêque Ramsey ont entrepris à cette époque d'instaurer un dialogue dans lequel les questions qui avaient été, par le passé, la source de divisions puissent être abordées à partir d'une nouvelle perspective, dans la vérité et l'amour.
Depuis cette rencontre, l'Eglise catholique et la Communion anglicane ont entamé un processus de dialogue fructueux, qui a été marqué par la découverte d'éléments significatifs de foi partagée et par le désir d'exprimer ce que nous avons en commun à travers la prière, le témoignage et le service. Au cours des trente-cinq dernières années, la Commission internationale anglicane-catholique romaine (ARCIC) a publié d'importants documents qui visent à articuler la foi que nous partageons. Dans les dix années qui ont suivi la signature, par le Pape et l'Archevêque de Canterbury, de la Déclaration commune la plus récente, la deuxième étape du mandat de l'ARCIC s'est achevée avec la publication des documents The Gift of Authority (Le don de l'Autorité) (1999) et Mary: Grace and Hope in Christ (Marie: Grâce et espérance dans le Christ) (2005). Nous sommes reconnaissants aux théologiens qui ont prié et uvré ensemble lors de la préparation de ces textes, qui attendent une étude et une réflexion supplémentaires.

Le véritable oecuménisme va au-delà du dialogue théologique; il touche la vie spirituelle et notre témoignage commun. Au fur et à mesure que notre dialogue s'est développé, de nombreux catholiques et anglicans ont trouvé les uns chez les autres un amour du Christ qui nous invite à une coopération et à un service concrets. Cette union au service du Christ, vécue par un grand nombre de nos communautés dans le monde, donne un élan supplémentaire à notre relation. La Commission internationale catholique romaine-anglicane pour l'Unité et la Mission (IARCCUM) s'est engagée à identifier les façons appropriées de promouvoir et de soutenir notre mission commune, en vue de proclamer la nouvelle vie dans le Christ au monde. Son compte rendu, qui contient un résumé des conclusions centrales de l'ARCIC et qui soumet des propositions pour grandir ensemble dans la mission et dans le témoignage, a récemment été achevé et soumis à l'examen du Bureau de la Communion anglicane et au Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, et nous lui exprimons notre gratitude pour son travail.

Au cours de cette visite fraternelle, nous rendons grâce pour le bien qui a découlé de nos quatre décennies de dialogue. Nous sommes reconnaissants à Dieu pour les dons de la grâce qui les ont accompagnées. Dans le même temps, notre long parcours rend nécessaire de reconnaître publiquement le défi représenté par les nouveaux développements qui, en plus d'être une source de division pour les Anglicans, sont de graves obstacles pour notre progrès oecuménique. Il est donc urgent qu'en renouvelant notre engagement à poursuivre le chemin vers la communion pleine et visible, dans la vérité et l'amour du Christ, nous nous engagions également à poursuivre un dialogue constant en vue d'affronter les questions importantes relatives à l'apparition de facteurs ecclésiologiques et éthiques qui rendent ce parcours plus difficile et plus ardu.

En tant que responsables chrétiens ayant à affronter les défis du nouveau millénaire, nous réaffirmons publiquement notre foi en la révélation de la vie divine, transmise uniquement par Dieu dans la divinité et l'humanité de Notre Seigneur Jésus Christ. Nous croyons que c'est par le Christ et les instruments de salut présents en Lui que la guérison et la réconciliation peuvent nous être offertes, ainsi qu'au monde.

Il existe de nombreux domaines de témoignage et de service dans lesquels nous pouvons oeuvrer ensemble, et qui exigent véritablement une coopération plus étroite entre nous: la recherche de la paix en Terre Sainte et dans d'autres parties du monde, entravée par des conflits et par la menace du terrorisme; la promotion du respect pour la vie, de la conception à la mort naturelle; la protection du caractère sacré du mariage et le bien-être des enfants dans le cadre d'une saine vie familiale; l'aide aux pauvres, aux personnes opprimées et aux plus vulnérables, en particulier celles qui sont persécutées en raison de leur foi; l'examen des effets négatifs du matérialisme; la protection de la création et de notre environnement. Nous nous engageons également au dialogue interreligieux, par lequel nous pouvons atteindre ensemble nos frères et soeurs non-chrétiens.

Conscients de nos quarante ans de dialogue et du témoignage des saints communs à nos traditions, hommes et femmes, parmi lesquels Marie la Theotókos, les saints Pierre et Paul, Benoît, Grégoire le grand, et Augustin de Canterbury, nous nous engageons à une prière plus fervente et à des efforts plus consciencieux, afin d'accueillir et de vivre la vérité dans laquelle l'Esprit du Seigneur souhaite conduire ses disciples (cf. Jn 16,13). Assurés de l'espérance apostolique que "Celui qui a commencé en vous cette oeuvre excellente en poursuivra l'accomplissement" (Ph 1,6), nous croyons que si nous pouvons, ensemble, être les instruments de Dieu pour appeler tous les chrétiens à une plus grande obéissance envers notre Seigneur, nous nous rapprocherons également encore plus les uns des autres, trouvant dans sa volonté la plénitude d'unité et de vie commune à laquelle il nous invite.

305 Du Vatican, le 23 novembre 2006.


À SA GRÂCE ROWAN WILLIAMS, ARCHEVÊQUE DE CANTERBURY Jeudi 23 novembre 2006



Votre Grâce,
Chers amis,

Grâce et paix à vous dans le Seigneur Jésus Christ! Votre visite ici aujourd'hui rappelle l'importante tradition établie par nos prédécesseurs au cours des récentes décennies. Elle nous rappelle également l'histoire beaucoup plus longue des relations entre le Siège de Rome et le Siège de Canterbury, qui a commencé lorsque le Pape Grégoire le Grand envoya saint Augustin dans la terre des Anglo-saxons, il y a plus de 1400 ans. Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui, ainsi que l'éminente délégation qui vous accompagne. Ce n'est pas la première fois que nous nous rencontrons. En effet, j'ai apprécié votre présence, ainsi que celle d'autres représentants de la Communion anglicane, aux funérailles du Pape Jean-Paul II, et également lors de l'inauguration de mon Pontificat il y a un an et demi.

Votre visite au Saint-Siège coïncide avec le quarantième anniversaire de la visite de celui qui était alors l'Archevêque de Canterbury, D. Michael Ramsey, au Pape Paul VI. Ce fut une visite pleine de grandes promesses, car les Anglicans et l'Eglise catholique entreprirent d'instaurer un dialogue sur les questions qui devaient être affrontées dans la recherche de l'unité pleine et visible.

Il existe de nombreux motifs de satisfaction dans nos relations au cours de ces quarante dernières années. Le travail de la commission pour le dialogue théologique a été une source d'encouragement dans l'examen des questions liées à la doctrine qui, dans le passé, nous ont séparés. L'amitié et les bonnes relations existant dans de nombreux lieux entre les anglicans et les catholiques ont contribué à créer un nouveau contexte dans lequel notre témoignage commun à l'Evangile de Jésus Christ a été alimenté et promu. Les visites des Archevêques de Canterbury au Saint-Siège ont servi à renforcer ces relations et ont joué un rôle important pour affronter les obstacles qui nous séparent. Cette tradition a contribué à la réalisation d'une rencontre constructive entre les évêques anglicans et catholiques à Mississauga, au Canada, en mai 2000, où il a été décidé de créer une commission commune d'évêques en vue d'identifier les moyens appropriés pour manifester dans la vie ecclésiale les progrès déjà accomplis. Nous rendons grâce à Dieu pour tout cela.

Dans le contexte actuel, toutefois, et en particulier dans le monde occidental sécularisé, il existe de nombreuses influences et pressions négatives qui touchent les chrétiens et les communautés chrétiennes. Au cours des trois dernières années, vous avez parlé ouvertement des tensions et des difficultés qui pèsent sur la Communion anglicane, et par conséquent, de l'incertitude liée à l'avenir de la Communion elle-même. Les récents développements, spécialement en ce qui concerne le ministère ordonné et certains enseignements moraux, ont affecté non seulement les relations internes au sein de la Communion anglicane, mais également les relations entre la Communion anglicane et l'Eglise catholique. Nous croyons que ces questions, qui font actuellement l'objet de discussions au sein de la Communion anglicane, revêtent une importance vitale pour prêcher l'Evangile dans son intégrité, et que vos débats actuels façonneront l'avenir de nos relations. Souhaitons que le travail du dialogue théologique, qui a enregistré un degré important de consensus sur ces questions ainsi que sur d'autres questions théologiques importantes, continuera de faire l'objet d'un discernement attentif de votre part. Notre prière sincère vous accompagne dans ces débats. Nous formons le voeu fervent que la Communion anglicane demeure enracinée dans les Evangiles et la Tradition apostolique, qui forment notre patrimoine commun et qui constituent la base de notre aspiration commune à travailler au service de l'unité pleine et visible.

Le monde a besoin de notre témoignage et de la force qui provient d'une proclamation unanime de l'Evangile. Les immenses souffrances de la famille humaine et les formes d'injustice qui frappent de façon négative la vie de tant de personnes constituent un appel urgent en vue de notre témoignage et de notre service communs. C'est précisément pour cette raison, même parmi les difficultés actuelles, que nous poursuivons notre dialogue théologique. Je souhaite que votre visite contribue à trouver des façons constructives de progresser dans les conditions actuelles.

Puisse le Seigneur continuer de vous bénir, ainsi que votre famille, et puisse-t-il vous renforcer dans votre ministère au service de la Communion anglicane!


***


DISCOURS DE L'ARCHEVÊQUE DE CANTERBURY


Votre Sainteté,

306 Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer dans cette ville, qui a été sanctifiée dès les origines de l'ère chrétienne par le ministère des Apôtres Pierre et Paul, et où tant de vos prédécesseurs ont rendu un noble témoignage de l'Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ, qui appelle à la conversion.

Au début de mon ministère d'Archevêque de Canterbury, j'ai eu l'opportunité de rendre visite à votre bien-aimé et vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, et de lui transmettre les salutations des Eglises de la famille anglicane dans le monde, qui réunissent près de quatre-vingts millions de chrétiens. Le Pape Jean-Paul II a inspiré un grand nombre de personnes à travers le monde par son dévouement au Christ et, comme vous le savez, il a gagné une place particulière dans le coeur de nombreuses personnes, au-delà de l'Eglise catholique romaine, par la compassion et la ténacité qu'il a manifestées à tous dans son ministère.

Notre rencontre est aussi l'occasion de rappeler et de célébrer la visite que rendit il y a quarante ans, mon prédécesseur, l'Archevêque Michael Ramsey au Pape Paul VI, rencontre entre les responsables des Eglises anglicane et catholique romaine qui instaura un processus de réconciliation et d'amitié qui se poursuit encore aujourd'hui. L'anneau que je porte aujourd'hui est l'anneau épiscopal que le Pape Paul VI offrit à l'Archevêque Michael, cette croix est le don du Pape Jean-Paul II, symbole de notre engagement commun à oeuvrer ensemble à l'unité pleine et visible de la famille chrétienne.

C'est dans ce même esprit fraternel que j'accomplis à présent cette visite, car je crois que nous devrions poursuivre ensemble le chemin d'amitié qu'ils commencèrent. J'ai été encouragé par la manière dont, dès le début de votre ministère comme Evêque de Rome, vous avez souligné l'importance de l'oecuménisme dans votre ministère. Si la Bonne Nouvelle de Jésus Christ doit être intégralement proclamée à un monde qui en a besoin, la réconciliation de tous les chrétiens dans la vérité et l'amour de Dieu est alors un élément vital de notre témoignage.

Je l'affirme en ayant conscience que le chemin vers l'unité n'est pas un chemin facile, et que les discussions sur la façon dont nous appliquons l'Evangile aux défis que pose la société moderne peuvent souvent obscurcir, voire menacer les résultats du dialogue, du témoignage commun et du service. Dans le monde moderne, aucune partie de la famille chrétienne n'agit sans que cela n'ait un impact profond sur nos partenaires oecuméniques; seule une solide base d'amitié dans le Christ pourra nous permettre d'être honnêtes dans notre dialogue les uns avec les autres sur ces difficultés, et de rechercher des façons de progresser qui s'efforcent d'être pleinement fidèles à la charge qui est la nôtre en tant que disciples du Christ. Je viens donc ici aujourd'hui, afin de célébrer la poursuite de la collaboration entre les anglicans et les catholiques romains, mais aussi en étant prêt à écouter et à comprendre les préoccupations que vous souhaiteriez partager avec moi.

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une tâche qui nous revient à tous deux en tant que pasteurs de la famille chrétienne: être des avocats de la réconciliation, de la justice et de la compassion dans ce monde - être les ambassadeurs du Christ - et je suis certain qu'un échange honnête de nos préoccupations ne pourra pas affaiblir ce que nous pouvons affirmer et proclamer ensemble - l'espérance du salut et de la guérison qui se trouve dans la Grâce et l'Amour de Dieu révélé dans le Christ.


AUX DIRIGEANTS ET AU PERSONNEL DES MUSÉES DU VATICAN Salle des Bénédictions Jeudi 23 novembre 2006



Chers frères et soeurs!

C'est avec une grande joie que je vous accueille et que je souhaite une cordiale bienvenue à chacun de vous. Je salue, tout d'abord, Mgr Giovanni Lajolo, Président du Gouvernorat, et je le remercie des paroles à travers lesquelles il s'est fait l'interprète de votre affection, soulignant l'attention particulière réservée par les Souverains Pontifes aux Musées du Vatican, qui célèbrent cette année leur cinquième centenaire. Je salue également le Secrétaire général, Mgr Renato Boccardo, et le Directeur des Musées, le Professeur Francesco Buranelli. Ma rencontre avec vous, qui formez le groupe de personnel le plus nombreux de la Cité du Vatican, était naturellement dans mes intentions, et je suis heureux qu'elle ait lieu au cours de ces célébrations jubilaires. Je voudrais, en outre, saluer vos proches qui sont présents et j'étends ma pensée à toutes vos familles.

Chaque jour, des milliers de personnes visitent les Musées du Vatican. En 2005, on a compté plus de 3 millions 800 mille personnes et, depuis le début de 2006, on a déja dépassé les 4 millions de personnes. Cela fait réfléchir! Qui sont, en effet, ces visiteurs? Il s'agit d'une représentation très hétérogène de l'humanité. Parmi eux, un grand nombre ne sont pas catholiques, beaucoup ne sont pas chrétiens et peut-être pas même croyants. Une bonne partie d'entre eux se rend également dans la Basilique Saint-Pierre, mais beaucoup ne visitent que les Musées du Vatican. Tout cela fait réfléchir sur la responsabilité extraordinaire qui revient à cette institution du point de vue du message chrétien. Il nous vient à l'esprit l'inscription que le Pape Benoît XIV, au milieu du XVIII siècle, fit placer à l'entrée du Musée chrétien, pour en signifier la finalité: "Ad augendum Urbis splendorem / et asserendam Religionis veritatem". "Pour promouvoir la splendeur de Rome et affirmer la vérité de la Religion chrétienne". L'approche de la vérité chrétienne, effectuée à travers l'expression artistique ou historique et culturelle, possède une chance en plus pour parler à l'intelligence et à la sensibilité de personnes qui n'appartiennent pas à l'Eglise catholique et qui, parfois, peuvent nourrir à son égard des préjugés et de la méfiance. Ceux qui visitent les Musées du Vatican ont l'occasion de se "plonger" dans un concentré de "théologie par l'image", en s'arrêtant dans ce sanctuaire de l'art et de la foi. Je sais le travail qu'exigent la protection, la conservation et le soin quotidien de ces lieux, et je vous remercie de l'effort que vous accomplissez afin qu'ils parlent à tous et de la meilleure façon possible. Chers amis, il s'agit d'un travail qui requiert votre responsabilité à tous et pour lequel vous êtes tous importants: car le bon fonctionnement du Musée, vous le savez bien, dépend de l'apport de chacun.


Discours 2005-2013 302