Discours 2005-2013 400

AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE INTERNATIONALE DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Vendredi 4 mai 2007

400 Vénérés frères dans l'épiscopat!

"Que le Dieu de l'espérance vous remplisse, vous qui croyez, de joie et de paix parfaites, afin que vous débordiez d'espérance par la puissance de l'Esprit Saint" (
Rm 15,13). Je suis heureux de vous accueillir avec ces paroles tirées de la Lettre de l'Apôtre Paul aux Romains: oui, que le Dieu de l'espérance vous comble de ses réconforts célestes! Avec ces voeux, j'embrasse fraternellement chacun de vous, chers pasteurs d'une partie du troupeau du Seigneur qui m'est particulièrement chère! Vous provenez de différents pays, qui ont des ethnies, des cultures et des langues différentes, mais dont les communautés ecclésiales sont rassemblées par la même foi dans le Christ ressuscité, qui nous a été transmise par les Apôtres. Soyez les bienvenus.

Je salue chacun de vous, tandis que je vous remercie de tout coeur pour les paroles courtoises qui m'ont été adressées par Mgr Stanislav Hocevar, Président de votre Conférence épiscopale internationale des saints Cyrille et Méthode, érigée en décembre 2004 par mon prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II. Votre président s'est fait l'interprète des sentiments de communion qui vous lient au Successeur de Pierre. Je vous en suis reconnaissant. Cette maison est également la vôtre; dans celle-ci, vous pouvez faire l'expérience de la catholicité de l'Eglise du Christ, qui étend ses tentes jusqu'aux frontières les plus extrêmes de la terre. En conclusion de votre visite ad limina Apostolorum, je vous renouvelle l'expression de ma cordiale gratitude, que je vous demande de transmettre également à vos communautés, comptant avec confiance sur leur soutien dans la prière. Assurez chacun - prêtres, religieux et religieuses, enfants et jeunes, personnes âgées et familles - de la proximité du Pape et du fait que, chaque jour, il les rappelle au Seigneur. Je vous exhorte tous à persévérer dans l'unité, dans l'ouverture réciproque et dans l'esprit de fraternité.

Vénérés frères, les divers pays et les contextes sociaux et religieux différents dans lesquels se trouvent vos fidèles ont de nombreuses répercussions sur leur vie chrétienne. Je pense, par exemple, au mariage entre époux de confessions ou de religions différentes, qui requiert de votre part, chers pasteurs, un soin spirituel particulier et une coopération plus harmonieuse également avec les autres Eglises chrétiennes. Je pense, en outre, à l'éducation religieuse des nouvelles générations, qu'il faut préparer comme il se doit au sein des programmes scolaires. Et ensuite, comment ne pas mentionner cet aspect fondamental pour la vie ecclésiale qui est constitué par la formation de saints ministres et par leur accompagnement spirituel dans le contexte pluriconfessionnel mentionné? Je sais qu'un grand séminaire est en projet à Subotica: j'encourage cordialement l'initiative, en raison du service bénéfique qu'il pourrait rendre aux divers diocèses. Il faut aider les séminaristes à croître avec la claire conscience que le prêtre est "alter Christus", qui doit cultiver une relation intime avec Jésus, s'il veut pleinement remplir sa mission et ne pas se considérer simplement comme le "fonctionnaire" d'une organisation ecclésiastique. Le prêtre est entièrement au service de l'Eglise, organisme vivant et spirituel qui tire son énergie non de composantes nationalistes, ethniques ou politiques, mais de l'action du Christ présent dans ses ministres. En effet, le Seigneur a voulu que son Eglise soit ouverte à tous; les Apôtres l'ont ainsi édifiée dès les premiers pas du christianisme et les martyrs ont rendu témoignage, à travers leur sang, à sa sainteté et à sa "catholicité". Au cours des siècles, la Tradition en a conservé inaltéré le caractère d'universalité, alors qu'il se diffusait et qu'il entrait en contact avec des langues, des races, des nationalités et des cultures différentes. Vous pouvez faire chaque jour l'expérience de cette unité dans la diversité.

Chers et vénérés Frères, au cours de ces journées, j'ai eu l'occasion de mieux connaître la réalité de vos diocèses, souvent constitués par un petit troupeau inséré dans de vastes contextes de multiplicité ethnique, culturelle et religieuse. Votre mission n'est donc pas facile! Mais avec l'aide du Seigneur et dociles à son Esprit, exhortez ceux qu'Il a lui-même confiés à votre sollicitude à ne pas se lasser d'être le "levain" évangélique, ferment de la société. De cette façon, vous pourrez ensemble, selon l'exhortation de l'Apôtre Pierre, rendre témoignage de l'espérance qui vous anime (1P 3,15). Vous réaliserez cela grâce à une constante fidélité au Christ, à une pratique sacramentelle assidue et à un généreux dévouement apostolique. Il sera nécessaire, dans ce but, d'interpeller chaque membre du Peuple de Dieu, en utilisant tout instrument de formation chrétienne disponible, préparé dans les différentes langues.

Une telle action pastorale partagée ne pourra que comporter des conséquences bénéfiques, également dans le domaine civil. En effet, des consciences droites formées selon l'Evangile seront plus facilement incitées à édifier une société à dimension humaine. Une modernité mal comprise tend aujourd'hui à exalter de manière excessive les nécessités de l'individu au détriment des devoirs que chaque personne possède à l'égard de Dieu et de la communauté à laquelle elle appartient. Il est important, par exemple, de mettre en lumière la juste conception de la responsabilité civile et publique, car c'est précisément de cette vision que naît l'engagement pour le respect des droits de chacun et pour l'intégration convaincue de la propre culture avec les autres, en tendant ensemble vers le bien commun.

La Providence a placé vos peuples dans le contexte d'un continent européen dont la structure est en train de se transformer au cours de ces années. Vos Eglises sentent qu'elles participent également à ce processus historique, sachant bien qu'elles peuvent y apporter leur contribution particulière. Malheureusement, les obstacles ne manquent pas: le manque de moyens à disposition, en raison de la situation économique, et les forces catholiques limitées pourraient vous décourager. Il n'est pas facile d'oublier le lourd héritage de plus de quarante ans de pensée unique, qui ont engendré des comportements sociaux qui ne sont pas inspirés par la liberté et la responsabilité, et il est dans le même temps difficile de résister aux tentations du matérialisme occidental, avec les risques du relativisme et du libéralisme éthique, du radicalisme et du fondamentalisme politique. Ne perdez pas courage, mais unissez plutôt vos forces et continuez patiemment votre oeuvre, assurés qu'un jour, avec l'aide de Dieu, il sera possible de cueillir les fruits qu'Il fera lui-même mûrir selon ses mystérieux desseins de salut.

En cet instant, j'ai à coeur de vous assurer que le Pape est proche de vous et vous encourage à aller de l'avant, en ayant confiance dans l'aide du Seigneur, le Bon Pasteur. Chers frères, demeurez toujours aux côtés de vos fidèles: ils ont besoin de maîtres sages, de saints pasteurs, de guides sûrs qui, à travers leur exemple, les précèdent sur le chemin de la pleine adhésion au Christ. Soyez unis entre vous, ayez soin des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée; faites preuve de sollicitude à l'égard des agents de pastorale; exhortez les laïcs à assumer les responsabilités qui leur sont propres, dans le domaine civil et ecclésial, selon l'esprit de Gaudium et spes, pour qu'ils soient en mesure d'apporter un témoignage harmonieux, véritablement catholique. Le Seigneur vous a placés en contact étroit avec nos frères orthodoxes: comme membres d'un unique Corps, recherchez toute collaboration possible au service de l'unique Royaume de Dieu. Que ne manque pas la disponibilité à collaborer également avec les autres confessions chrétiennes et avec chaque personne de bonne volonté pour promouvoir ce qui peut être utile à la diffusion des valeurs évangéliques.

Chers et vénérés frères, au cours de cette rencontre, j'ai voulu souligner plusieurs aspects de la vie de vos communautés, tels qu'ils sont apparus au cours de nos rencontres individuelles. Alors que j'invoque la protection céleste de Marie, Reine des Apôtres, et des saints Cyrille et Méthode, Patrons de votre Conférence épiscopale internationale, je vous donne une cordiale Bénédiction apostolique, en l'étendant volontiers à tous les fidèles confiés à vos soins pastoraux.


À LA GARDE SUISSE PONTIFICALE Samedi 5 mai 2007

Monsieur le Commandant,
401 chers Gardes suisses!

C'est pour moi un véritable plaisir de vous rencontrer à l'occasion de la prestation de serment des nouveaux Gardes suisses. A chacun de vous, chers nouveaux hallebardiers, j'adresse avant tout un salut cordial, que j'étends à tous les Gardes suisses, en vous remerciant d'avoir choisi de consacrer quelques années de votre jeunesse au service du Pape et de ses plus proches collaborateurs. Je remercie également votre Commandant pour tout ce qu'il fait, afin que vous puissiez accomplir votre service de la meilleure façon possible. Je salue votre aumônier, ainsi que les parents, les familles, les anciens Gardes suisses et les amis qui ont voulu être présents à un acte si solennel et significatif pour le Siège apostolique, tel qu'est précisément celui de la prestation de serment des nouveaux Gardes suisses.

J'ai encore en mémoire le vif souvenir des célébrations solennelles commémorant le V centenaire de la fondation du Corps de la Garde suisse pontificale, qui s'est déroulé l'an dernier avec une importante participation de personnes. Ces célébrations ont contribué à faire mieux connaître l'origine, l'histoire et la valeur de votre Corps et du témoignage significatif de foi et d'amour que vous rendez à l'Eglise depuis plus de 500 ans. En effet, tout commença le 22 janvier 1506 lorsqu'arriva au Vatican une troupe de 150 hommes, à la demande de mon prédécesseur Jules II à l'"Eidgenossenschaft" de la Haute-Allemagne. Depuis ce jour jusqu'à aujourd'hui, l'histoire de votre Corps de Garde a été étroitement liée aux événements et à la vie de l'Eglise et, en particulier, du Pape. Et il s'agit d'une longue histoire de fidélité et de service généreux prêté toujours avec dévouement, parfois jusqu'à l'héroïsme du sacrifice de la vie. Votre dévouement apprécié vous a valu à juste titre l'estime et la confiance de tous les Souverains Pontifes qui ont toujours trouvé dans votre Corps de Garde une aide, un soutien et une protection. Merci, chers amis, de votre présence silencieuse mais efficace, aux côtés de la personne du Pape; merci de votre professionnalisme et également de l'amour avec lequel vous accomplissez votre mission.

Votre mission n'est pas seulement une prestation professionnelle; elle est aussi une vraie mission au service du Christ et de son Eglise. Dans le nouveau Règlement de la Garde suisse pontificale, que j'ai approuvé l'an dernier à l'occasion du cinquième centenaire de sa fondation, il est dit que "les Gardes suisses doivent se montrer bons chrétiens et soldats exemplaires en toutes circonstances" (art. 73); et encore qu'"ils doivent éviter ce qui s'oppose à la foi, à la morale chrétienne et aux devoirs de leur état. Ils doivent en outre être toujours fidèles aux spécificités et aux traditions de leur Corps, par un style de vie simple et sobre" (art. 75). Il est encore ajouté que, "afin de former une vraie communauté, ils doivent cultiver au niveau personnel et pratiquer les uns envers les autres un esprit de solidarité chrétienne, qui serve à conserver et à promouvoir l'union mutuelle des coeurs" (art. 77). Comme il est facile de le voir, il s'agit d'indications on ne peut plus précises et concrètes en vue d'accomplir le dessein que Dieu a sur chacun de vous, lui qui vous a appelés à le servir dans une Institution si méritante. En définitive, le Seigneur vous appelle à la sainteté, c'est-à-dire à être ses disciples, toujours prêts à écouter sa voix, à accomplir sa volonté et à la réaliser dans l'accomplissement quotidien de vos devoirs. Cela contribuera à faire de vous de "bons chrétiens" et en même temps des "soldats exemplaires", animés par l'esprit évangélique qui fait de tout baptisé un "levain" capable de faire lever toute la pâte et une "lumière" qui illumine et qui réchauffe le milieu dans lequel il vit et travaille.

Chers amis, que le Seigneur vous aide à réaliser pleinement votre mission particulière, en travaillant chaque jour "acriter et fideliter", avec courage et fidélité. Pour cela, ne cessez jamais de nourrir votre esprit par la prière et par l'écoute de la Parole de Dieu, participez avec dévotion à la Messe et cultivez une dévotion filiale pour Marie. Invoquez et efforcez-vous d'imiter vos saints patrons Martin, Sébastien et Nicola de Flüe, "defensor pacis et pater patriae", afin qu'ils vous assistent du ciel et que vous puissiez "servir fidèlement, loyalement et honorablement le Souverain Pontife et ses légitimes Successeurs", comme chacun de vous le prononce dans la formule de prestation de serment. Quant à moi, tandis que je vous remercie une fois de plus pour votre dévouement, je présente mes meilleurs voeux en particulier aux nouveaux Gardes suisses. Je donne à tous et à chacun ma Bénédiction, en l'étendant volontiers à vos familles et aux personnes qui vous sont chères.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES ET AU CONGRÈS MONDIAL DES MISSIONNAIRES "FIDEI DONUM" Salle Clémentine Samedi 5 mai 2007



Monsieur le Cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat
et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

402 Je suis particulièrement heureux de vous rencontrer après la Célébration eucharistique solennelle présidée par Monsieur le Cardinal Ivan Dias, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples. C'est à lui en premier lieu que va ma pensée cordiale, et je le remercie pour les paroles qu'il m'a adressées en votre nom. J'étends mon salut au Secrétaire et aux collaborateurs du dicastère missionnaire, aux prélats et aux prêtres présents, aux religieux, aux religieuses et à tous ceux qui ont pris part au Congrès qui s'est déroulé ces jours derniers pour commémorer le 50 anniversaire de la Lettre encyclique Fidei donum du Serviteur de Dieu le Pape Pie XII.

Cinquante ans se sont écoulés depuis que mon vénéré Prédécesseur, face à l'évolution des temps et à l'apparition sur la scène de l'histoire de nouveaux peuples et de nouvelles nations, avec une sagesse pastorale clairvoyante, comprit que s'ouvraient de nouveaux et providentiels horizons et itinéraires missionnaires pour l'annonce de l'Evangile en Afrique. C'est en effet à l'Afrique en particulier que Pie XII pensait lorsque, avec une intuition prophétique, il imagina ce nouveau "sujet" missionnaire qui, des premiers mots de l'Encyclique, tira le nom de "Fidei donum". Il souhaitait encourager, à côté de formes traditionnelles, un nouveau type de coopération missionnaire entre les Communautés chrétiennes dites "anciennes" et celles qui venaient de voir le jour dans les territoires de récente évangélisation: les premières étaient donc invitées à envoyer, pour aider les Eglises "jeunes" et révélant une croissance prometteuse, des prêtres afin qu'ils collaborent avec les Evêques du lieu pour un temps déterminé. Le Pape Pacelli écrivait: "Considérant la foule innombrable de nos fils qui, spécialement dans les pays d'ancienne chrétienté, bénéficient des richesses surnaturelles de la foi et, par ailleurs, la foule plus innombrable encore de ceux qui attendent toujours le message du salut, nous voulons vous exhorter instamment, Vénérables Frères, à soutenir par votre zèle la cause sacrée de l'expansion de l'Eglise dans le monde. Dieu veuille qu'à Notre appel l'esprit missionnaire pénètre plus profondément au coeur de tous les prêtres et, par leur ministère, enflamme tous les fidèles!" (AAS XLIX 1957, p. 226).

Le but qui animait le vénérable Souverain Pontife était donc double: d'une part, susciter en chaque membre du peuple chrétien une "flamme" missionnaire renouvelée et, de l'autre, promouvoir une collaboration plus consciente entre les diocèses d'ancienne tradition et les régions de première évangélisation. Au cours de ces cinq décennies, l'invitation de Pie XII a été répétée à plusieurs reprises par tous mes prédécesseurs et, grâce également à l'élan apporté par le Concile Vatican II, s'est multiplié le nombre de prêtres "fidei donum", partis aux côtés des religieux et des volontaires laïcs en mission en Afrique et dans d'autres régions du monde, parfois au prix de grands sacrifices pour leurs diocèses d'appartenance. Je voudrais ici exprimer mes remerciements particuliers à ces frères et soeurs, dont certains ont versé leur sang pour diffuser l'Evangile. L'expérience missionnaire, vous le savez bien, laisse un signe indélébile chez celui qui l'accomplit et contribue, dans le même temps, à nourrir cette communion ecclésiale qui fait sentir tous les baptisés membres de l'unique Eglise, Corps mystique du Christ. Au cours de ces décennies, les contacts et les échanges missionnaires se sont intensifiés, également grâce au développement et à la multiplication des moyens de communication, si bien que l'Eglise est arrivée au contact pratiquement de chaque civilisation et de chaque culture. D'autre part, l'échange de dons entre les communautés ecclésiales de fondation ancienne et récente, a constitué un enrichissement réciproque et a favorisé la croissance de la conscience d'être tous "missionnaires", c'est-à-dire tous impliqués, bien que de manière différente, dans l'annonce et le témoignage de l'Evangile.

Tandis que nous rendons grâce au Seigneur pour l'engagement missionnaire en cours, nous ne pouvons pas dans le même temps manquer de voir les difficultés qui apparaissent aujourd'hui dans ce domaine. Parmi elles, je me limite à souligner la diminution et le vieillissement du clergé dans les diocèses qui, autrefois, envoyaient des missionnaires dans des régions lointaines. Dans le contexte d'une crise diffuse des vocations, cela constitue assurément un défi qu'il faut affronter. Le Congrès organisé par l'Union pontificale missionnaire pour commémorer les 50 ans de Fidei donum, vous a permis d'analyser attentivement cette situation que vit aujourd'hui l'Eglise. Si nous ne pouvons pas ignorer les problèmes et les ombres, il faut toutefois tourner le regard vers l'avenir avec confiance, en conférant une identité renouvelée et plus authentique aux missionnaires "Fidei donum", dans un contexte mondial qui a indubitablement changé par rapport aux années 50 du siècle dernier. Si les défis lancés à l'évangélisation sont nombreux, nombreux sont aussi les signes d'espérance qui, de toutes les régions du monde, témoignent d'une encourageante vitalité missionnaire du peuple chrétien. Il faut surtout que ne manque jamais la conscience que le Seigneur, avant de quitter les disciples pour le Ciel, en les envoyant annoncer son Evangile dans tous les lieux de la terre, leur a assuré: "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (
Mt 28,20).

Chers frères et soeurs, cette certitude ne doit jamais nous abandonner. Le Maître de la moisson ne fera pas manquer les ouvriers pour sa moisson si nous le lui demandons, avec confiance et insistance, dans la prière et dans l'écoute docile de sa parole et de ses enseignements. Je suis heureux, à ce sujet, de répéter l'invitation que Pie XII adressa aux fidèles de l'époque: "Multiplions, en ces années peut-être décisives pour l'avenir du catholicisme en de nombreux pays - écrivait-il dans son Encyclique -, les messes célébrées aux intentions des Missions: ces intentions sont celles même du Seigneur, qui aime son Eglise et la voudrait répandue et florissante en tous les lieux de la terre" (AAS, cit., p. 239). Je fais mienne cette exhortation, persuadé que le Seigneur, en répondant à nos incessantes requêtes, continuera de bénir avec d'abondants fruits apostoliques l'engagement missionnaire de l'Eglise. Je confie ce souhait à Marie, Mère et Reine des Apôtres tandis que, de tout coeur, je vous donne à vous ici présents et à tous les missionnaires du monde, une Bénédiction apostolique particulière.

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

DE L'UNION INTERNATIONALE DES SUPÉRIEURES GÉNÉRALES Salle des Bénédictions Lundi 7 mai 2007



Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chères soeurs!

Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de l'Assemblée plénière de l'Union internationale des Supérieures générales. Je salue et je remercie le Cardinal Franc Rodé, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, des paroles cordiales qu'il m'a adressées; j'étends mon remerciement à la Présidente de votre Union, soeur Therezinha Rasera, qui s'est faite l'interprète non seulement de vos sentiments affectueux, mais également de ceux des religieuses du monde entier. Je salue ensuite chacune de vous, chères Supérieures générales, qui représentez 794 familles religieuses féminines actives dans 85 pays des cinq continents. Et, à travers vous, je remercie l'immense armée de témoins de l'amour du Christ, qui oeuvrent aux frontières de l'évangélisation, de l'éducation et de la charité sociale.

403 Comme votre Présidente l'a rappelé, le thème de l'Assemblée plénière, qui se déroule au cours de ces journées, est particulièrement intéressant: "Appelées à tisser une nouvelle spiritualité qui engendre espérance et vie pour toute l'humanité". Le thème que vous avez choisi est le fruit d'une vaste réflexion sur la question suivante: "En contemplant notre monde, en écoutant ses appels, ses besoins, sa soif et ses aspirations, quel est le fil que nous, religieuses responsables de notre Congrégation, sommes appelées à tisser en ce moment pour devenir ainsi des "tisseuses de Dieu", prophétiques et mystiques?". L'analyse attentive des réponses qui sont parvenues a fait comprendre au Conseil exécutif de votre Union que le symbole choisi, c'est-à-dire celui de "tisser", une image typiquement féminine qui est utilisée dans toutes les cultures, répondait à ce que les Supérieures générales ressentaient comme une urgence spirituelle et apostolique du moment présent. Dans les mêmes réponses ont été mis en évidence plusieurs "fils" - la femme, les migrants, la terre et son caractère sacré, les laïcs, le dialogue avec les religions du monde - que vous considérez plus que jamais utiles pour "tisser", à notre époque, une spiritualité renouvelée de la vie consacrée et établir ainsi une approche apostolique correspondant davantage aux attentes des personnes.

Et c'est précisément sur ces thèmes que vous êtes en train de réfléchir au cours des travaux de votre Assemblée plénière. Vous êtes conscientes que chaque Supérieure générale est appelée à être l'animatrice et la promotrice, comme l'a justement souligné votre Présidente, d'une Vie consacrée "mystique et prophétique", profondément engagée dans la réalisation du Royaume de Dieu. Tels sont les "fils" avec lesquels le Seigneur vous pousse, chères religieuses, à "tisser" aujourd'hui le tissu vivant d'un service fructueux à l'Eglise et d'un témoignage apostolique éloquent "toujours ancien et toujours nouveau", car fidèle au caractère radical de l'Evangile et courageusement incarné dans la réalité contemporaine, en particulier là où se trouve davantage de pauvreté humaine et spirituelle.

Les défis sociaux, économiques et religieux, avec lesquels la Vie consacrée doit se confronter à l'époque actuelle, ne sont assurément pas peu nombreux! Les cinq domaines pastoraux que vous avez soulignés constituent tout autant de "fils" à tisser et à insérer dans la trame complexe de la vie quotidienne, dans les relations interpersonnelles et dans l'apostolat. Il s'agit souvent de parcourir des sentiers missionnaires et spirituels inexplorés, en conservant cependant toujours solidement la relation intérieure avec le Christ. En effet, ce n'est que de cette union avec Dieu que naît et qu'est alimenté le rôle "prophétique" de votre mission, qui consiste dans l'"annonce du Royaume des cieux", une annonce indispensable à chaque époque et dans chaque société.

Ne cédez donc jamais à la tentation de vous éloigner de l'intimité avec votre Epoux céleste, en vous laissant capturer excessivement par les intérêts et les problèmes de la vie quotidienne. Les fondateurs et les fondatrices de vos Instituts ont pu être des "pionniers prophétiques" dans l'Eglise car ils n'ont jamais perdu la conscience vivante d'être dans le monde, mais non pas du monde, selon le clair enseignement de Jésus (cf.
Jn 17,14). En suivant son exemple, ils se sont efforcés de communiquer par des mots et des gestes concrets l'amour de Dieu à travers le don total d'eux-mêmes, en conservant toujours le regard et le coeur fixés sur Lui.

Chères religieuses si vous voulez vous-mêmes reparcourir fidèlement les traces de vos fondateurs et de vos fondatrices et aider vos consoeurs à en suivre les exemples, cultivez la dimension "mystique" de la Vie consacrée; c'est-à-dire que vous devez conserver votre âme unie à Dieu à travers la contemplation. Comme l'enseigne l'Ecriture, le "prophète" d'abord écoute et contemple, puis il parle en se laissant totalement imprégner par cet amour pour Dieu qui ne craint rien et qui est même plus fort que la mort. Le prophète authentique ne se soucie donc pas tant d'accomplir des oeuvres, ce qui est sans aucun doute important, mais jamais essentiel. Il s'efforce surtout d'être le témoin de l'amour de Dieu, en cherchant à le vivre au sein des réalités du monde, même si sa présence peut parfois apparaître "gênante", car elle offre et incarne des valeurs alternatives.

Que votre préoccupation prioritaire soit donc d'aider vos consoeurs à rechercher tout d'abord le Christ et à se mettre généreusement au service de l'Evangile. Ne vous lassez jamais de réserver toute votre attention à la formation humaine, culturelle et spirituelle des personnes qui vous sont confiées, pour qu'elles soient en mesure de répondre aux défis culturel et sociaux actuels. Soyez les premières à donner l'exemple en refusant le confort, l'aisance, les avantages pour mener à bien votre mission. Partagez les richesses de vos charismes avec ceux qui sont engagés dans l'unique mission de l'Eglise qui est l'édification du Royaume. Instaurez dans ce but une collaboration cordiale et sereine avec les prêtres, les fidèles laïcs et en particulier les familles pour répondre aux souffrances, aux besoins, aux pauvretés matérielles et surtout spirituelles d'un grand nombre de nos contemporains. En outre, cultivez une communion sincère et une franche collaboration avec les Evêques, premiers responsables de l'évangélisation dans les Eglises particulières.

Chères soeurs, votre Assemblée générale se déroule au cours du temps pascal, pendant lequel la liturgie nous invite à proclamer avec une joie permanente: "Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et exultons!". Que la joie et la paix de la Pâque vous accompagnent et demeurent toujours en vous, dans chacune de vos communautés. En chaque circonstance, devenez les messagères de cette joie pascale comme les femmes qui, s'étant rendues au sépulcre, le trouvèrent vide et eurent le don de rencontrer le Christ ressuscité. Remplies de joie, elles coururent alors l'annoncer aux Apôtres. Que Marie, Reine des Vierges, et que vos saints et bienheureux fondateurs et fondatrices veillent sur vous et sur vos familles religieuses respectives. En vous confiant à leur intercession, je vous assure de tout coeur de mon souvenir dans la prière et je donne volontiers à toutes une Bénédiction apostolique spéciale.



VOYAGE APOSTOLIQUE AU BRÉSIL À L'OCCASION DE LA Ve CONFÉRENCE GÉNÉRALE DE L'ÉPISCOPAT LATINO-AMÉRICAIN ET DES CARAÏBES


ENTRETIENT DU PAPE AVEC LES JOURNALISTES PENDANT LE VOL VERS LE BRÉSIL Mercredi 9 mai 2007

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Benoît XVI: Bonjour, nous survolons le Sahara et nous faisons route vers le "continent de l'espérance". Je me rends avec une grande joie, avec tant d'espérance, à cette rencontre avec l'Amérique latine. Nous allons vivre divers moments significatifs: d'abord, à São Paulo, la rencontre avec les jeunes; puis la canonisation, toujours à São Paulo, de ce premier saint né au Brésil, qui me semble une expression importante également de ce que ce voyage veut signifier. Il s'agit d'un saint franciscain, qui a mis en oeuvre au Brésil le charisme franciscain et qui est connu comme un saint de réconciliation et de paix. Disons donc que cela est un signe important d'une personnalité qui a su susciter la paix et ainsi également la cohérence sociale et humaine.

Il y a également une autre rencontre importante, à la "Fazenda da Esperança" [la communauté de réhabilitation pour toxicomanes où le Pape s'est rendu le samedi 12 mai; cf. cette édition pp. 7-8], un lieu où apparaît la force de guérison qui existe dans la foi et qui aide à ouvrir les horizons de la vie. Tous ces problèmes de drogue, etc. naissent précisément d'un manque d'espérance dans l'avenir. C'est la foi qui ouvre l'avenir et ainsi, elle sait également guérir. Il me semble donc que cette force de guérison et d'espérance, en ouvrant un horizon d'avenir, est très importante.

Et, enfin, viendra le point qui représente la finalité première de ce voyage, la rencontre avec les Evêques qui participent à la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Il s'agit d'une rencontre qui possède un contenu, disons, spécifiquement religieux: donner la vie dans le Christ et devenir disciples du Christ, en sachant que nous voulons tous avoir la vie, mais la vie n'est pas complète si elle ne possède pas de contenu intérieur ni une direction. Dans ce sens, elle répond à la mission religieuse de l'Eglise et ouvre également le regard sur les conditions nécessaires pour les solutions aux grands problèmes sociaux et politiques de l'Amérique latine.

L'Eglise en tant que telle ne fait pas de politique - nous respectons la laïcité - mais elle offre les conditions dans lesquelles une politique saine, avec la solution aux problèmes sociaux qui en découle, peut se développer. Nous voulons donc rendre les chrétiens conscients du don de la foi, de la joie de la foi, grâce à laquelle il est possible de connaître Dieu et de connaître ainsi également la raison de notre vie. Les chrétiens peuvent ainsi être des témoins du Christ et apprendre les vertus personnelles nécessaires, mais également les grandes vertus sociales: le sens de la légalité qui est décisif pour la formation de la société. Nous connaissons les problèmes de l'Amérique latine, mais nous voulons mobiliser précisément les capacités, les forces morales qui y sont présentes, les forces religieuses, afin de répondre ainsi à la mission spécifique de l'Eglise et à notre responsabilité universelle pour l'homme en tant que tel et pour la société en tant que telle.

Père Lombardi: Je commencerais par donner la parole au "Globo", qui assure en quelque sorte la couverture de ce voyage, également pour la télévision.

Question: Votre Sainteté, l'Eglise peut-elle faire quelque chose pour la violence, qui prend des proportions inacceptables au Brésil?

Benoît XVI: Celui qui possède la foi dans le Christ, celui qui possède la foi dans ce Dieu qui est réconciliation et qui, à travers la Croix, a élevé le signe le plus fort contre la violence, n'est pas violent et aide les autres à surmonter la violence. La chose la plus grande que nous puissions faire est donc d'éduquer à la foi dans le Christ, à apprendre le message qui découle de la personne du Christ. Etre réellement un homme, une femme de foi signifie automatiquement résister à la violence et cela mobilise les forces contre elle.

Question: Votre Sainteté, il existe au Brésil une proposition de référendum sur le thème de l'avortement; à Mexico, il y a deux semaines, l'avortement a été légalisé. Que peut faire l'Eglise pour lutter contre cette tendance, afin qu'elle ne s'étende pas à d'autres pays latino-américains, étant donné qu'au Mexique, le Pape a même été accusé d'ingérence pour avoir soutenu les Evêques? Etes-vous d'accord avec l'Eglise mexicaine selon laquelle les parlementaires qui approuvent ces lois contraires aux valeurs de Dieu doivent être excommuniés?

Benoît XVI: Il existe un grand combat de l'Eglise pour la vie. Vous savez que le Pape Jean-Paul II en a fait un point fondamental de tout son Pontificat. Il a écrit une grande Encyclique sur l'Evangile de la vie. Nous continuons naturellement de transmettre ce message selon lequel la vie est un don et la vie n'est pas une menace. Il me semble qu'à l'origine de ces législations, il existe d'une part un certain égoïsme et, d'autre part, également un doute sur la valeur de la vie, sur la beauté de la vie et également un doute sur l'avenir. Et l'Eglise répond surtout à ces doutes: la vie est belle, ce n'est pas quelque chose d'incertain, mais c'est un don et même dans des situations difficiles, la vie demeure toujours un don. Il faut donc recréer cette conscience de la beauté du don de la vie. Puis l'autre chose, le doute sur l'avenir: naturellement, il existe de nombreuses menaces dans le monde, mais la foi nous donne la certitude que Dieu est toujours plus fort et demeure présent dans l'histoire et nous pouvons donc, avec confiance, également donner la vie à de nouveaux êtres humains. Avec la certitude que la foi nous donne sur la beauté de la vie et sur la présence providentielle de Dieu dans notre avenir, nous pouvons résister à ces peurs qui sont à l'origine de ces législations.

Question (télévision brésilienne): Votre Sainteté, nous remarquons que dans vos discours, il est fait référence au relativisme de l'Europe, à la pauvreté de l'Afrique, mais il y a peu de références à l'Amérique latine, peut-être parce que ce n'est pas une préoccupation ou bien pensez-vous y consacrer à l'avenir quelques paroles plus spécifiques?

Benoît XVI: Non, j'aime beaucoup l'Amérique latine, j'ai accompli de nombreuses visites en Amérique latine et j'y ai de nombreux amis, et je sais combien ce continent doit faire face à de grands problèmes, mais possède également de grandes richesses. En ce moment, nous voyons que les problèmes du Moyen-Orient, de la Terre Sainte, de l'Irak, etc., sont "dominants". Il existe donc, pour ainsi dire, une priorité immédiate dont il faut tenir compte. Et les souffrances de l'Afrique également sont très grandes, comme nous le savons. Mais les problèmes de l'Amérique latine ne me préoccupent pas moins, car j'aime tout autant l'Amérique latine, le grand - et même le plus grand - continent catholique, et donc également la plus grande responsabilité pour un Pape. C'est pourquoi je suis heureux que le moment soit enfin venu pour moi de me rendre en Amérique latine, de confirmer l'engagement pris par Paul VI et Jean-Paul II et de continuer sur la même ligne. Le Pape désire naturellement que, en plus d'être le continent catholique, il soit également un continent exemplaire, où les problèmes humains, qui sont grands, soient résolus de façon adaptée. Et l'on travaille avec les épiscopats, les prêtres, les religieux et les laïcs, afin que ce grand continent catholique soit également un continent de vie et réellement d'espérance. C'est pour moi une priorité fondamentale.

Question: Votre Sainteté, dans votre discours d'arrivée, vous dites qu'il faut former des chrétiens en donnant des orientations morales, puis c'est à eux de décider librement, en toute conscience. Etes-vous d'accord avec l'excommunication prononcée contre les députés de Mexico sur la question de l'avortement?

Benoît XVI: L'excommunication n'est pas une chose arbitraire, mais elle est prévue par le Code [n.d.l.r.: Code de Droit canonique]. Il est donc tout simplement écrit dans le Droit canonique que le meurtre d'un enfant innocent est incompatible avec la communion dans laquelle on reçoit le Corps du Christ. On n'a donc rien inventé de nouveau, de surprenant ou d'arbitraire. On a uniquement rappelé publiquement ce qui est prévu par le Droit de l'Eglise, un Droit qui est fondé sur la doctrine et sur la foi de l'Eglise, et sur notre reconnaissance de la vie et de l'identité humaine, à partir de son premier instant.

Question en allemand

Benoît XVI: Je réponds en italien. Vous m'avez demandé si je me sens suffisamment soutenu par les Allemands et si j'ai également un peu la nostalgie de l'Allemagne. Oui, je me sens suffisamment soutenu. Il est normal que dans un pays mixte (protestant et catholique), les baptisés ne soient pas tous d'accord avec le Pape; cela est tout à fait normal. Mais il me semble qu'il y existe un grand soutien, même venant de personnes qui appartiennent à la partie non-catholique de l'Allemagne. Donc, oui, le soutien existe et il m'aide. J'aime ma patrie, mais j'aime aussi Rome et à présent, je suis citoyen du monde. Ainsi, je me sens chez moi partout et je suis proche de mon pays, comme de tous les autres.

Question: Bonjour Votre Sainteté! Dans votre livre "Jésus de Nazareth", vous avez parlé d'une crise dramatique de la foi. En Amérique latine, cette crise dramatique de la foi n'existe peut-être pas, mais un affaiblissement, oui; la théologie de la libération a été remplacée par la théologie des sectes protestantes, qui promettent les paradis de la foi à bon marché; et l'Eglise catholique perd des fidèles. Comment lutter contre cette hémorragie des fidèles catholiques?

Benoît XVI: C'est une de nos préoccupations à tous. Précisément au cours de cette V Conférence de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, nous voulons trouver des réponses convaincantes et nous y travaillons déjà. Ce succès des sectes démontre, d'une part, qu'il existe une grande soif de Dieu, une soif de religion, les personnes veulent être proches de Dieu et cherchent un contact avec Lui. Et naturellement, d'autre part, elles acceptent également quiconque se présente et promet des solutions à leurs problèmes de la vie quotidienne. En tant qu'Eglise catholique, nous devons mettre en acte précisément ce qui est l'objectif de la V Conférence - c'est-à-dire être davantage missionnaires et donc, plus dynamiques dans l'offre de réponses à la soif de Dieu, être conscients que les personnes et donc précisément les pauvres, veulent être proches de Dieu. Nous sommes conscients que, avec cette réponse à la soif de Dieu, nous devons les aider à trouver les conditions de vie justes, tant au niveau micro-économique, dans les situations très concrètes, comme le font les sectes, qu'au niveau macro-économique, en pensant également à toutes les exigences de la justice.

Question: A propos de la question de mon collègue, il existe encore de nombreux représentants de la théologie de la libération dans divers lieux du Brésil. Quel est le message spécifique pour ces représentants de la théologie de la libération?

Benoît XVI: Je dirais qu'avec le changement de la situation politique, la situation de la théologie de la libération a elle aussi profondément changé et à présent, il est évident que ces millénarismes faciles, qui promettaient dans l'immédiat, comme conséquence de la révolution, les conditions complètes d'une vie juste, se trompaient. Tout le monde le sait aujourd'hui. A présent, la question est de savoir comment l'Eglise peut être plus présente dans la lutte pour les réformes nécessaires, dans la lutte pour des conditions de vie plus justes. C'est sur cela que se divisent les théologiens, en particulier les représentants de la théologie politique. Pour notre part, avec l'Instruction publiée en son temps par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, nous avons tenté d'effectuer un travail de discernement, c'est-à-dire que nous avons tenté de nous libérer des faux millénarismes, de nous libérer également d'un mélange impropre d'Eglise et de politique, de foi et de politique; et de montrer la partie spécifique de la mission de l'Eglise, qui est précisément celle de répondre à la soif de Dieu et donc également d'éduquer aux vertus personnelles et sociales, qui sont les conditions nécessaires pour développer le sens de la légalité. Et, d'autre part, nous avons tenté d'indiquer les lignes directrices pour une politique juste, une politique que nous ne faisons pas nous-mêmes, mais pour laquelle nous devons indiquer les grandes lignes et les grandes valeurs déterminantes et créer, disons, les conditions humaines, sociales et psychologiques dans lesquelles ces valeurs peuvent se développer. Il existe donc les conditions d'un débat difficile, mais légitime, sur la façon d'arriver à cela et sur la façon de rendre la Doctrine sociale de l'Eglise la plus efficace possible. Dans ce sens, certains théologiens de la libération tentent également d'avancer sur cette voie; d'autres prennent d'autres positions. Dans tous les cas, le sens de l'intervention du Magistère n'a pas été celui de détruire l'engagement pour la justice, mais de le guider sur les voies justes et également dans le respect de la juste différence entre responsabilité politique et responsabilité ecclésiale.

Question: Nous savons que vous êtes allé deux fois en Colombie, lorsque vous étiez Cardinal, et nous savons que la Colombie est restée très présente dans votre coeur. Nous voudrions savoir ce que peut faire l'Eglise afin que nous puissions aller de l'avant en particulier dans cette situation de conflit interne colombien?

Benoît XVI: Naturellement, je ne suis pas un oracle qui possède automatiquement toutes les bonnes réponses. Nous savons que les Evêques s'engagent profondément pour trouver ces réponses. Je ne peux que confirmer la ligne fondamentale des Evêques, c'est-à-dire une forte indication à placer l'accent sur la foi, qui est la garantie la plus sûre contre le développement de la violence, et, dans le même temps, un engagement décidé pour l'éducation d'une conscience qui sorte des situations incompatibles avec la foi. Naturellement, sont en jeu des conditions, disons, économiques, où les petits agriculteurs vivent dans un certain marché qui permet ensuite des gains importants ailleurs. On ne peut pas résoudre immédiatement, d'un jour à l'autre, ces nombreuses difficultés économiques, politiques et idéologiques, mais il faut aller de l'avant avec décision, dans l'adhésion sincère à une foi qui implique le respect de la légalité et à la fois l'amour et la responsabilité de l'autre. Il me semble que l'éducation dans la foi est l'humanisation la plus sûre pour pouvoir résoudre ensuite, au fur et à mesure, ces problèmes très concrets.

Question: Votre Sainteté, nous arrivons sur le territoire de l'Evêque Oscar Romero. On a beaucoup parlé de son procès en canonisation. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes, s'il sera canonisé et comment vous considérez cette figure?

Benoît XVI: D'après les dernières informations sur le travail de la Congrégation compétente, il y a de nombreux cas en cours, je sais qu'ils progressent. S.Exc. Mgr Paglia m'a envoyé une biographie importante, qui éclaircit de nombreux points de la question. Mgr Romero a certainement été un grand témoin de la foi, un homme d'une grande vertu chrétienne, qui s'est engagé pour la paix et contre la dictature, et qui a été tué au cours de la célébration de la Messe. Il s'agit donc d'une mort véritablement "crédible", de témoignage de la foi. Le problème était qu'un camp politique voulait le prendre à tort comme porte-drapeau, comme figure emblématique. Comment mettre en lumière de façon juste sa figure, en la préservant de ces tentatives d'instrumentalisation? Tel est le problème. Nous sommes en train de l'examiner et j'attends avec confiance ce que dira à cet égard la Congrégation pour les Causes des Saints.

Question: Comment considérez-vous la question de l'influence que les régimes politiques de gauche en Amérique latine exercent sur le projet de l'Eglise pour le continent et quelle part la culture brésilienne a-t-elle eue dans votre formation personnelle?

Benoît XVI: Alors, sur ces aspects de l'action politique de la gauche, en ce moment, je ne peux pas en parler, car je ne suis pas suffisamment informé. De plus, pour des raisons évidentes, je ne voudrais pas entrer ici dans des considérations purement politiques. En ce qui concerne ma formation, disons, mon engagement personnel pour le Brésil, il faut tenir compte qu'il s'agit du plus grand pays d'Amérique latine, un pays qui va de l'Amazonie à l'Argentine. Le Brésil possède de nombreuses cultures autochtones. On m'a dit qu'il existait plus de quatre-vingts langues. D'autre part, il possède également un riche passé où l'on note la présence d'afro-américains et d'afro-brésiliens. Il est intéressant de voir comment s'est formé ce peuple et comment la foi catholique s'est développée en lui: la foi s'est défendue en tous temps et avec de grandes difficultés. Nous savons qu'au XIX siècle, l'Eglise était persécutée par des forces néo-libérales. C'est pourquoi, dans ma formation, un aspect important a été de suivre le développement de ces peuples catholiques d'Amérique latine. Je ne suis pas un spécialiste, mais je suis convaincu qu'ici, se décide au moins en partie - mais il s'agit d'une partie fondamentale - l'avenir de l'Eglise catholique: cela a toujours été évident pour moi. Bien sûr, je ressens le besoin d'approfondir encore plus ma connaissance de ce monde.

Question: Les Portugais suivent et prient pour ce voyage qui coïncide avec le 13 mai. Vous serez à Aparecida. Cette date est très importante pour nous, car elle marque le 90 anniversaire des apparitions de Fatima. Voulez-vous nous dire quelque chose en ce qui concerne cette coïncidence pour le peuple portugais?

Benoît XVI: Pour moi, c'est réellement un don de la Providence que la Messe que je célébrerai à Aparecida, le grand sanctuaire marial du Brésil, coïncide avec les 90 ans de l'apparition de la Vierge à Fatima. Ainsi, nous voyons que la Mère de Dieu elle-même, Mère de l'Eglise, notre Mère, est présente sur divers continents, et, sur les divers continents, se manifeste comme une Mère toujours de la même façon, faisant preuve d'une proximité particulière à l'égard de chaque peuple. Je trouve que cela est très beau. C'est toujours la Mère de Dieu, c'est toujours Marie, mais elle est pour ainsi dire "inculturée": elle a une figure, un visage spécifique à Guadalupe, à Aparecida, à Fatima, à Lourdes, dans tous les pays de la terre. C'est précisément ainsi qu'elle se montre Mère: en étant proche de tous. De cette façon, chacun s'approche de l'autre à travers cet amour pour la Vierge. C'est précisément ce lien que la Vierge crée entre les continents, entre les cultures, en étant proche de toutes les cultures spécifiques, et dans le même temps, en les unifiant toutes entre elles, qui me semble important: l'ensemble de spécificité des cultures - qui possèdent leur richesse propre - et l'unité dans la communion de la même famille de Dieu.

Question (en portugais): (Au Brésil, il y a des personnes qui ne veulent pas écouter le message de l'Eglise).

Benoît XVI: Cela n'est pas une spécificité du Brésil. Dans toutes les parties de la terre, il existe de très nombreuses personnes qui ne veulent pas écouter ce que dit l'Eglise. Espérons au moins qu'elles entendent; ensuite, elles peuvent toujours ne pas être d'accord, mais il est important qu'au moins elles écoutent pour pouvoir répondre. Nous nous efforçons également de convaincre ceux qui ne sont pas d'accord et qui ne veulent pas entendre. Nous ne pouvons pas oublier par ailleurs que notre Seigneur non plus n'a pas réussi à se faire entendre de tous. Nous ne nous attendons pas à convaincre tout le monde immédiatement. Mais je m'efforce, avec l'aide de mes collaborateurs, de parler au Brésil en ce moment, dans l'espoir que de très nombreuses personnes veuillent entendre et que de très nombreuses personnes également puissent se convaincre que telle est la voie à entreprendre; une voie qui est par ailleurs toujours ouverte également à de nombreuses options et opinions différentes.




Discours 2005-2013 400