Discours 2005-2013 17718

CÉRÉMONIE D'ACCUEIL Government House - Sydney Jeudi 17 juillet 2008

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Mesdames et Messieurs,
Chers amis Australiens,

C’est avec une grande joie que je vous salue aujourd’hui : je désire remercier le Gouverneur Général, le Général Major Michael Jeffery, et le Premier Ministre, Monsieur Rudd, pour l’honneur qu’ils me font en venant personnellement m’accueillir ici et pour les paroles de bienvenue, d’une grande courtoisie, qu’ils m’ont adressées. Comme vous le savez, j’ai pu jouir de quelques jours de repos depuis mon arrivée en Australie dimanche dernier. Je suis très reconnaissant de l’hospitalité qui m’a été offerte. Je me prépare maintenant à participer, ce soir, à la cérémonie de « Bienvenue dans le Pays » de la part de la population indigène et à célébrer ensuite les grands événements qui constituent le but de ma Visite Apostolique dans votre pays : la 23e Journée Mondiale de la Jeunesse.

Certains pourraient se demander qu’est-ce qui pousse des milliers de jeunes à entreprendre un voyage qui, pour beaucoup d’entre eux, est long et fatigant, en vue de participer à un événement de ce genre. Depuis la première Journée Mondiale de la Jeunesse, en 1986, il est apparu évident que de nombreux jeunes apprécient de pouvoir se retrouver ensemble pour approfondir leur foi en Christ et pour partager les uns avec les autres une expérience joyeuse de communion au sein de son Église. Ils ont soif d’écouter la parole de Dieu et de mieux connaître les fondements de leur foi chrétienne. Ils désirent prendre part à un événement qui met en évidence les grands idéaux qui les inspirent et ils repartent chez eux remplis d’espérance, renouvelés dans leur décision de construire un monde meilleur. C’est une joie pour moi d’être avec eux, de prier avec eux et de célébrer l’Eucharistie au milieu d’eux. La Journée Mondiale de la Jeunesse me remplit de confiance pour l’avenir de l'Église et pour l’avenir de notre monde.

Célébrer ici la Journée Mondiale de la Jeunesse apparaît particulièrement approprié si l’on considère que l'Église en Australie, non seulement est la plus jeune parmi les Églises des divers continents, mais est aussi un des plus cosmopolites. Depuis le premier établissement d’Européens ici vers la fin du XVIIIe siècle, ce pays est devenu la demeure non seulement de générations de colons occidentaux, mais aussi de personnes provenant de tous les coins du globe. L’immense diversité de la population australienne d’aujourd’hui confère une vigueur particulière à cette nation qui, si on la compare à la majeure partie du reste du monde, pourrait encore être considérée comme jeune. Cependant, pendant des milliers d’années, avant l’arrivée des émigrants occidentaux, les seuls habitants du lieu étaient des personnes originaires de cette terre, aborigènes et insulaires du détroit de Torres. Leur antique héritage a une part essentielle dans le panorama culturel de l’Australie moderne. Grâce à la courageuse décision du Gouvernement australien de reconnaître les injustices commises dans le passé contre les peuples indigènes, des mesures concrètes sont maintenant mises en oeuvre pour parvenir à une réconciliation fondée sur le respect réciproque. À juste titre, vous êtes en train de chercher à combler l’écart existant entre Australiens indigènes et non indigènes en ce qui concerne les perspectives de vie, les objectifs éducatifs et les opportunités économiques. Cet exemple de réconciliation est un signe d’espérance pour tous les peuples qui, dans le monde entier, attendent de voir affirmés leurs droits et promue et reconnue leur contribution à la société.

Parmi les colons qui, de l’Europe, arrivaient ici, il y avait toujours une proportion importante de catholiques, et nous devrions avoir une juste fierté pour leur participation à la construction de la nation, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. Une des figures éminentes de l’histoire de ce pays est la bienheureuse Mary MacKillop, sur la tombe de laquelle j’irai prier un peu plus tard, aujourd’hui même. Je sais que sa persévérance dans les adversités, ses interventions pour défendre ceux qui étaient traités de manière injuste et l’exemple concret de sainteté qu’elle a donné, sont devenus source d’inspiration pour tous les Australiens. Des générations d’Australiens lui doivent leur reconnaissance, ainsi qu’aux Soeurs de Saint-Joseph du Sacré-Coeur et à d’autres Congrégations religieuses pour le réseau d’écoles qu’elles ont créées ici, comme pour le témoignage de leur vie consacrée. Dans le contexte actuel, plus sécularisé, la communauté catholique continue d’offrir une contribution importante à la vie nationale, non seulement dans les domaines de l’éducation et de la santé, mais en particulier en montrant la dimension spirituelle des questions qui sont les plus débattues dans le monde contemporain.

Étant donné les milliers et milliers de jeunes qui, en ces jours, découvrent l’Australie, il est juste de nous interroger sur le genre de monde que nous allons remettre entre les mains des générations à venir. Votre hymne national proclame que cette terre « est comblée des biens de la nature, d’une beauté riche et exceptionnelle ». Les merveilles de la création de Dieu nous rappellent la nécessité de protéger l’environnement et d’user des biens de la terre en les administrant de manière responsable. Je note à cet égard que l’Australie s’efforce avec sérieux de prendre ses propres responsabilités quant à la protection de la nature. De la même manière, en ce qui concerne la défense de l’homme, ce pays a soutenu généreusement des opérations internationales pour le maintien de la paix, en contribuant à la résolution de conflits dans le Pacifique, en Asie du Sud-Est et ailleurs. En raison des nombreuses traditions religieuses représentées en Australie, il existe ici un terrain particulièrement fertile pour le développement du dialogue oecuménique et interreligieux. Je suis impatient de rencontrer les représentants locaux des diverses communautés chrétiennes et des autres religions au cours de mon séjour, pour encourager cet engagement important, signe de l’action réconciliatrice de l’Esprit qui nous pousse à rechercher l’unité dans la vérité et dans la charité.

Toutefois je suis ici, avant tout, pour rencontrer les jeunes, qu’ils soient de l’Australie ou de toutes les parties du monde, et pour prier l’Esprit Saint de renouveler de son souffle tous ceux qui prendront part à nos célébrations. Le thème choisi pour la Journée Mondiale de la Jeunesse 2008 est tiré des paroles que Jésus lui-même adresse à ses disciples, telles qu’elles sont rapportées dans les Actes des Apôtres : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Alors vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre » (1, 8). Je prie l’Esprit Saint afin qu’il apporte un renouveau spirituel à ce pays, au peuple australien, à l'Église en Océanie et véritablement jusqu’aux extrémités de la terre. Aux jeunes d’aujourd’hui une déconcertante variété de choix de vie est proposée, si bien qu’il leur est souvent difficile de discerner comment orienter au mieux leurs idéaux et leurs énergies. C’est l’Esprit qui donne la sagesse pour discerner le juste chemin et le courage pour s’y engager. C’est Lui qui couronne nos pauvres efforts par ses dons divins, comme le vent qui, gonflant les voiles, fait avancer le navire, dépassant de beaucoup ce que les rameurs pourraient obtenir par leurs rudes efforts sur les rames. L’Esprit rend ainsi capables des hommes et des femmes de tout lieu et de toute génération de devenir des saints. Puissent les jeunes ici réunis pour la Journée Mondiale de la Jeunesse avoir le courage, sous l’action de l’Esprit, de devenir des saints ! Voilà ce dont le monde a besoin, plus que de tout autre chose.

Chers amis Australiens, encore une fois, je vous remercie pour votre accueil chaleureux. Avec joie je m’apprête à passer ces jours avec vous et avec les jeunes du monde entier. Que Dieu vous bénisse, vous qui êtes ici présents, qu’il bénisse tous les pèlerins et les habitants de ce pays ! Que sa bénédiction demeure sur le Commonwealth d’Australie et le protège!


FÊTE DE L'ACCUEIL DES JEUNES Barangaroo, Sydney Jeudi 17 juillet 2008

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Chers amis,

Quelle joie de pouvoir vous saluer ici, à Barangaroo, sur le rivage de la magnifique baie de Sydney, avec son célèbre pont et le théâtre de l’Opéra. Beaucoup d’entre vous êtes de ce pays, venant de l’intérieur ou des dynamiques communautés multiculturelles des villes d’Australie. D’autres parmi vous, arrivent des îles éparpillées dans l’Océanie, d’autres encore viennent de l’Asie, du Moyen Orient, de l’Afrique et des Amériques. Un certain nombre d’entre vous, à la vérité, est arrivé d’aussi loin que moi, de l’Europe ! Quelque soit le pays dont nous provenons, nous voici finalement ici, à Sydney ! Et nous sommes présents dans ce monde qui est le nôtre comme famille de Dieu, comme disciples du Christ, confirmés par son Esprit pour être les témoins de son amour et de sa vérité devant tous.

Je désire tout d’abord remercier les Anciens des Aborigènes qui m’ont donné la bienvenue avant mon embarquement sur le bateau à la Rose Bay. Je suis profondément ému de me trouver sur votre terre, connaissant toutes les souffrances et les injustices qu’elle a supportées, mais conscient aussi du redressement et de l’espérance, actuellement en cours, dont tous les citoyens australiens peuvent être fort justement fiers. Aux jeunes indigènes – aborigènes et habitants des Îles du Détroit de Torres -, et aux jeunes des Tokelau, j’exprime mes remerciements pour leur touchante manifestation de bienvenue. Par votre intermédiaire, j’adresse mes salutations cordiales à vos peuples.

Monsieur le Cardinal Pell et Monseigneur l’Archevêque Wilson : je vous remercie de vos chaleureuses paroles de bienvenue. Je sais que vos sentiments trouvent un écho dans le coeur des jeunes réunis ici, ce soir, et je vous en remercie donc tous. J’ai sous les yeux une image vibrante de l'Église universelle. La diversité des nations et des cultures dont vous provenez montre que véritablement la Bonne Nouvelle du Christ est pour tous et pour chacun ; elle a atteint les extrémités de la terre. Et cependant, je sais aussi qu’un bon nombre parmi vous est encore à la recherche d’une patrie spirituelle. Quelques-uns d’entre vous – et ils sont tout à fait les bienvenus parmi nous - ne sont pas catholiques ni chrétiens. D’autres, peut-être, se tiennent aux frontières de la vie de leur paroisse et de l'Église. Je désire leur offrir mes encouragements : approchez-vous des bras pleins d’amour du Christ ; reconnaissez en l'Église votre maison ! Personne n’est obligé de rester à l’extérieur, car depuis le jour de la Pentecôte, l'Église est une et universelle.

Ce soir, je désire aussi associer ceux qui ne sont pas présents au milieu de nous. Je pense spécialement aux malades ou aux handicapés mentaux, aux jeunes qui sont en prison, à ceux qui connaissent des situations difficiles en marge de nos sociétés et à ceux qui, pour une raison ou une autre se sentent loin de l'Église. À chacun, je dis : Jésus est proche de toi ! Fais l’expérience de son étreinte qui guérit, de sa compassion et de sa miséricorde !

Il y a presque deux mille ans, les Apôtres, réunis à l’étage de la maison, avec Marie (cf. Ac
Ac 1,14) et avec quelques femmes fidèles, furent remplis de l’Esprit Saint (cf. Ac Ac 2,4). En cet instant extraordinaire, qui manifesta la naissance de l’Église, le trouble et la peur qui avaient saisi les Disciples du Christ, se sont transformées en une vigoureuse conviction, et en une prise de conscience d’un objectif. Ils se sentirent poussés à parler de leur rencontre avec Jésus ressuscité, que désormais, ils appelaient affectueusement le Seigneur. À bien des égards, les Apôtres étaient des personnes ordinaires. Aucun d’eux ne pouvait prétendre qu’il était un disciple parfait. Ils n’avaient pas su reconnaître le Christ (cf. Lc 24,13-32), ils avaient dû rougir de leur ambition (cf. Lc 22,24-27), ils l’avaient même renié (cf. Lc 22,54-62). Et pourtant, quand ils furent remplis de l’Esprit Saint, ils furent transpercés par la vérité de l’Évangile du Christ et ils se sentirent poussés à le proclamer sans crainte. Rassurés, ils s’écrièrent : repentez-vous, faites-vous baptiser, recevez l’Esprit Saint (cf. Ac Ac 2,37-38) ! Fondée sur l’enseignement des Apôtres et y adhérant, rompant le pain et priant (cf. Ac Ac 2,42), la jeune communauté chrétienne se leva pour s’opposer à la perversité de la culture qui l’entourait (cf. Ac Ac 2,40), pour prendre soin de ses propres membres (cf. Ac Ac 2,44-47), pour défendre sa foi en Jésus face aux oppositions (cf. Ac Ac 4,33) et pour guérir les malades (cf. Ac Ac 5,12-16). Et, obéissant au commandement du Christ lui-même, ils partirent, rendant témoignage à la plus grande histoire de tous les temps : que Dieu s’est fait l’un de nous, que le divin est entré dans l’histoire humaine pour la transformer, et que nous sommes appelés à nous immerger dans l’amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort. Dans son célèbre discours à l’aréopage, saint Paul introduisit ainsi le message : Dieu donne toute chose à chacun, y compris le souffle et la vie, afin que toutes les Nations puissent le chercher, si jamais, marchant à tâtons, elles arrivent à le trouver. En effet, il n’est pas loin de chacun de nous, puisque en lui il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister (cf. Ac Ac 17,25-28).

Depuis lors, des hommes et des femmes se sont mis en route pour raconter la même aventure, rendant témoignage à l’amour et à la vérité du Christ et prenant part à la mission de l'Église. Aujourd’hui, nous pensons à ces pionniers – prêtres, religieuses, religieux – qui sont arrivés sur ces rivages et dans d’autres parties du Pacifique, venant d’Irlande, de France, de Grande-Bretagne et d’autres régions d’Europe. Pour la plupart, ils étaient jeunes, quelques-uns n’avaient même pas vingt ans, et lorsqu’ils prirent congé pour toujours de leurs parents, de leurs frères et soeurs, de leurs amis, ils savaient bien qu’il leur aurait été improbable de revenir chez eux. Leurs vies furent un témoignage chrétien dépourvu de tout intérêt égoïste. Ils devinrent d’humbles mais tenaces constructeurs d’une grande partie de l’héritage social et spirituel qui, de nos jours encore, est porteur de bonté, de compassion et de finalité pour ces nations. Et ils furent capables d’inspirer une autre génération. Il nous vient immédiatement à l’esprit la foi qui a soutenu la bienheureuse Mary MacKillop dans sa forte détermination à éduquer les pauvres en particulier, et le bienheureux Peter To Rot, ferme dans sa conviction que celui qui est à la tête d’une communauté doit toujours se référer à l’Évangile. Pensez aussi à vos grands-parents et à vos parents, qui furent vos premiers maîtres dans la foi ! Eux aussi ont fait d’innombrables sacrifices de temps et d’énergie par amour pour vous. Avec le soutien des prêtres et des enseignants de votre paroisse, ils ont le devoir, pas toujours facile mais hautement gratifiant, de vous guider vers tout ce qui est bon et vrai, par leur exemple personnel, par leur manière d’enseigner et de vivre la foi chrétienne.

Aujourd’hui, c’est mon tour. Certains peuvent avoir l’impression d’être arrivés à l’extrémité du monde ! Pour les personnes de votre âge, de toute façon, chaque vol aérien est une perspective attrayante. Mais, pour moi, ce vol a été dans une certaine mesure cause d’appréhensions. Pourtant, d’en haut, la vue de notre planète fut quelque chose de vraiment magnifique. Le miroitement de la Méditerranée, la magnificence du désert nord africain, la forêt luxuriante de l’Asie, l’immensité de l’Océan Pacifique, l’horizon sur la ligne duquel le soleil se lève et se couche, la splendeur majestueuse de la beauté naturelle de l’Australie, dont j’ai pu jouir au cours de ces derniers jours ; tout cela suscite un profond sentiment de crainte révérencielle. C’est comme si nous capturions de rapides images sur l’histoire de la création racontée dans la Genèse : la lumière et les ténèbres, le soleil et la lune, les eaux, la terre et les créatures vivantes. Tout cela est « bon » aux yeux de Dieu (cf. Gn Gn 1, 1-2, 4). Plongés dans une telle beauté, comment ne pas faire écho aux paroles du Psalmiste quand il loue le Créateur : « Qu’il est grand ton nom par toute la terre » (Ps 8,2) ?

Mais il y a bien plus encore, quelque chose que, du ciel, il nous est difficile de percevoir : des hommes et des femmes créés rien que moins à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn Gn 1,26). Au coeur de la merveille de la création, nous nous trouvons, vous et moi, la famille humaine « couronnée de gloire et d’honneur » (cf. Ps Ps 8,6). Quelle merveille ! Avec le psalmiste, nous murmurons : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » (cf. Ps Ps 8,5). Introduits dans le silence, pleins de reconnaissance et par la puissance de la sainteté, nous réfléchissons.

Que découvrons-nous ? Peut-être à contrecoeur arrivons-nous à admettre que des plaies marquent aussi la surface de la terre : l’érosion, la déforestation, le gaspillage des ressources minérales et marines et ce, pour alimenter un besoin de consommation insatiable. Certains d’entre vous proviennent d’îles-États, dont l’existence elle-même est menacée par l’élévation du niveau des eaux ; d’autres viennent de nations qui souffrent des effets dévastateurs de la sécheresse. La merveilleuse création de Dieu est parfois vécue comme une réalité quasi hostile pour ses gardiens, et même comme quelque chose de dangereux. Comment ce qui est « bon » peut-il apparaître aussi menaçant ?

Il y a plus. Que dire de l’homme, sommet de la création de Dieu ? Chaque jour, nous touchons du doigt le génie des conquêtes humaines. Des progrès des sciences médicales et de l’application intelligente de la technologie à la créativité exprimée dans les arts, la qualité et la satisfaction de la vie des gens s’améliorent constamment de nombreuses manières. Vous êtes vous aussi sans cesse prêts à accueillir les innombrables opportunités qui vous sont offertes. Certains d’entre vous excellent dans les études, dans le sport, dans la musique ou dans la danse et le théâtre, d’autres parmi vous ont un sens aigu de la justice sociale et de l’éthique, et beaucoup d’entre vous s’engagent pour un temps de service et de volontariat. Nous tous, jeunes et vieux, nous connaissons des moments où la bonté naturelle de la personne humaine – perceptible, par exemple, à travers le geste d’un petit enfant ou l’ouverture au pardon d’un adulte – nous remplit profondément de joie et de gratitude.

Toutefois, ces moments ne durent pas longtemps. Réfléchissons donc encore. Nous découvrons que non seulement le milieu naturel, mais aussi le milieu social – l’habitat que nous nous créons nous-mêmes – a ses cicatrices ; ce sont des blessures qui montrent que quelque chose ne va pas. Là aussi dans nos vies personnelles et dans nos communautés, nous pouvons rencontrer des hostilités, parfois même dangereuses ; comme un poison qui menace de corroder ce qui est bon, de remanier ce que nous sommes et de nous détourner du but pour lequel nous avons été créés. Les exemples ne manquent pas, vous le savez bien. Parmi les plus évidents, se trouvent l’abus d’alcool et de drogue, l’exaltation de la violence et la dégradation de la sexualité, qui sont souvent présentés par la télévision et par internet comme un divertissement. Je me demande comment peut-on expliquer aux personnes qui sont réellement victimes de violences et d’abus sexuels que ces tragédies, reproduites sous forme virtuelle, doivent être considérées comme un simple « divertissement » !

Il y a aussi quelque chose de sinistre qui découle du fait que la liberté et la tolérance sont très souvent séparées de la vérité. Cela est alimenté par l’idée, largement diffusée aujourd’hui, qu’aucune vérité absolue ne peut guider nos vies. Le relativisme, en donnant une valeur quasi indistincte à toute chose, a rendu l’« expérience » plus importante que tout. En réalité, les expériences, sans tenir compte de ce qui est bon et vrai, peuvent conduire non pas à une liberté authentique, mais au contraire, à une confusion morale ou intellectuelle, à un affaiblissement des principes, à la perte de la propre estime, et même au désespoir.

Chers amis, la vie n’est pas réglée par le hasard, elle n’est pas accidentelle. Votre existence personnelle a été voulue par Dieu, bénie par Lui et il lui a été donné un but (cf. Gn Gn 1,28) ! La vie n’est pas une simple succession de faits et d’expériences, même si de tels événements peuvent être utiles. Elle est une recherche de ce qui est vrai, bien et beau. C’est précisément en vue de tels objectifs que nous accomplissons nos choix, que nous exerçons notre liberté et en cela, c’est-à-dire en ce qui est vrai, bien et beau, nous trouvons le bonheur et la joie. Ne vous laissez pas tromper par ceux qui voient en vous de simples consommateurs sur un marché offrants de multiples possibilités, où le choix en lui-même devient le bien, la nouveauté se fait passer pour beauté, l’expérience subjective remplace la vérité.

Le Christ offre davantage ! Bien plus, il offre tout ! Seulement Lui, qui est la Vérité, peut être le chemin et donc aussi la Vie. Ainsi, le « chemin », que les Apôtres portèrent jusqu’aux extrêmes limites de la terre, est la vie en Christ. C’est la vie de l’Église. Et l’entrée dans cette vie, dans la vie chrétienne, se fait par le Baptême.

Ce soir, je désire donc rappeler brièvement quelques aspects de notre compréhension du Baptême, avant de parler, demain, de l’Esprit Saint. Le jour de votre Baptême, Dieu vous a introduits dans sa sainteté (cf. 2 Pt 1, 4). Vous avez été adoptés comme fils et filles du Père et vous avez été incorporés en Christ. Vous êtes devenus la demeure de son Esprit (cf. 1Co 6,19). C’est pourquoi, vers la fin du rite du Baptême, le prêtre s’est tourné vers vos parents et vers les participants, et, en vous appelant par votre nom, il a dit : « Tu es devenu une créature nouvelle » (Rite du Baptême, 99).

Chers amis, chez vous, à l’école, à l’université, sur vos lieux de travail et de détente, rappelez-vous que vous êtes des créatures nouvelles ! En tant que chrétiens, vous vivez dans ce monde tout en sachant que Dieu a un visage humain – Jésus Christ – le « chemin » qui satisfait toute aspiration humaine, et la « vie », de laquelle nous sommes appelés à rendre témoignage, en marchant toujours dans sa lumière (cf. ibidem, 100). Être témoin n’est pas une tâche facile. Beaucoup prétendent aujourd’hui que Dieu doit être laissé de côté et que la religion et la foi, acceptables sur le plan individuel, doivent être, ou exclues de la vie publique, ou utilisées uniquement pour poursuivre des objectifs pragmatiques limités. Cette vision sécularisée tente d’expliquer la vie humaine et de modeler la société en se référant peu ou sans se référer du tout au Créateur. Il est présenté comme une force neutre, impartiale et respectueuse de chacun. En réalité, comme toute idéologie, le sécularisme impose une vision globale. Si la présence de Dieu est insignifiante dans la vie publique, alors la société pourra être modelée d’après une image dépourvue de Dieu. Mais quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le « bien » commence à s’évanouir. Ce qui avec ostentation a été promus comme conquête de l’intelligence humaine, s’est bien vite manifesté comme folie, avidité et exploitation égoïste. C’est ainsi que nous nous sommes rendu toujours plus compte qu’il est nécessaire d’être humbles face à la complexité délicate du monde de Dieu.

Et que dire de notre milieu social ? Sommes-nous également attentifs aux avertissements qui nous sont lancés parce que nous avons tournés le dos à la structure morale dont Dieu a doté l’humanité (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007, 8) ? Savons-nous reconnaître que la dignité innée de tout individu s’appuie sur son identité la plus profonde, étant image du Créateur, et que, par conséquent, les droits humains sont universels et se basent sur la loi naturelle, et qu’ils ne dépendent ni des négociations ni de la condescendance, et bien moins encore des compromis ? C’est ainsi que nous sommes amenés à réfléchir sur la place qu’occupent dans nos sociétés les indigents, les personnes âgées, les immigrés, les sans-voix. Comment se fait-il que la violence domestique tourmenter tant de mères et d’enfants ? Comment se fait-il que l’espace humain, le plus beau et le plus sacré qu’est le sein maternel, soit devenu un lieu de violence indicible ?

Chers amis, la création de Dieu est unique et elle est bonne. Les préoccupations au sujet de la non-violence, du développement durable, de la justice et de la paix, de la protection de notre environnement sont d’une importance vitale pour l’humanité. Tout cela, cependant, ne peut être compris sans une profonde réflexion sur la dignité innée de toute vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle, dignité qui est conférée par Dieu lui-même et qui est, par conséquent, inviolable. Notre monde en a assez de l’avidité, de l’exploitation et de la division, de l’ennui des fausses idoles et des réponses partielles, ainsi que des fausses promesses. Notre coeur et notre esprit aspirent à une vision de la vie où règne l’amour, où les dons sont partagés, où l’unité se construit, où la liberté trouve sa propre signification dans la vérité, et où l’identité se trouve dans une communion respectueuse. C’est là l’oeuvre de l’Esprit Saint ! C’est là l’espérance qu’offre l’Évangile de Jésus Christ ! C’est pour rendre témoignage à cette réalité que vous avez été recréés par le Baptême et affermis par les dons de l’Esprit, reçus à la Confirmation. Voilà le message que, de Sydney, vous portez au monde !





RENCONTRE OECUMÉNIQUE Crypte de la Cathédrale Vendredi 18 juillet 2008

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Chers frères et soeurs dans le Christ,

Je remercie vivement Dieu pour la possibilité qui m’est donnée de vous rencontrer et de prier avec vous, qui êtes venus ici en tant que représentants des différentes communautés chrétiennes de l’Australie. En témoignant ma reconnaissance à l’Évêque Forsyth et au Cardinal Pell pour leurs paroles chaleureuses de bienvenue, c’est avec beaucoup de joie que je vous salue au nom du Seigneur Jésus, « la pierre angulaire » de la « demeure de Dieu » (cf. Ep
Ep 2,19-20). J’adresse une salutation particulière au Cardinal Edward Cassidy, Président émérite du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, qui, en raison de sa santé fragile, ne peut être avec nous aujourd’hui. Avec gratitude, j’évoque son constant dévouement à promouvoir la compréhension réciproque entre tous les chrétiens, et je vous invite tous à vous unir à moi dans la prière pour son prompt rétablissement.

L’Australie est un pays marqué par une grande diversité ethnique et religieuse. Les immigrés débarquent sur les rivages de cette terre majestueuse en espérant y trouver le bonheur et de opportunités de travail. Votre nation reconnaît aussi l’importance de la liberté religieuse. C’est un droit fondamental qui, lorsqu’il est respecté, permet aux habitants d’agir en s’appuyant sur des valeurs enracinées dans leurs convictions les plus profondes, contribuant ainsi au bien-être de la société tout entière. De cette manière, les chrétiens coopèrent, conjointement avec les membres des autres religions, à la promotion de la dignité humaine et à l’amitié entre les nations.

Les Australiens aiment la discussion franche et cordiale. Cela a été très utile pour le mouvement oecuménique. Un exemple en est peut-être la Convention, signée en 2004, par les membres du Conseil National des Églises en Australie. Ce document reconnaît un engagement commun, expose des objectifs, admet des points de convergence, sans dissimuler les différences. Une telle approche démontre non seulement qu’il est possible de formuler des résolutions concrètes en vue d’une coopération fructueuse aujourd’hui, mais aussi que, patiemment, nous avons besoin de continuer à discuter sur nos divergences théologiques. Que les délibérations que vous poursuivrez au Conseil des Églises et à d’autres forums locaux, puissent être soutenues par les résultats que vous avez déjà obtenus !

Cette année, nous célébrons le bimillénaire anniversaire de la naissance de saint Paul, inlassable bâtisseur de l’unité au sein de l’Église primitive. Dans le passage de l’Écriture que nous venons juste d’écouter, Paul nous rappelle la grâce insigne que nous avons reçue en devenant membres du Corps du Christ par notre Baptême. Ce Sacrement, qui est la porte qui nous fait entrer dans l’Église, ainsi que le « lien de l’unité » pour ceux qui, grâce à lui, sont nés de nouveau (cf. Unitatis redintegratio UR 22), est, par conséquent, le point de départ du mouvement oecuménique tout entier. Toutefois, il n’en est pas le point d’arrivée. La route de l’oecuménisme, en fin de compte, conduit vers une célébration commune de l’Eucharistie (cf. Ut unum sint UUS 23-24 UUS 45), que le Christ a confiée à ses Apôtres comme le Sacrement, par excellence, de l’unité de l’Église. Même si des obstacles sont encore à surmonter, nous pouvons être sûrs qu’un jour une Eucharistie commune ne fera que renforcer notre volonté de nous aimer et de nous servir les uns les autres, à l’exemple de notre Seigneur. Le commandement de Jésus : « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19) est, en effet, fondamentalement lié à son admonition : « Lavez-vous les pieds les uns les autres » (Jn 13,14). C’est pour cette raison qu’un dialogue sincère au sujet de la place de l’Eucharistie – stimulé par une étude renouvelée et attentive de l’Écriture, des écrits des Pères de l’Église et des documents des deux millénaires de l’histoire chrétienne (cf. Unum sint, 69-70) – aidera incontestablement à faire progresser le mouvement et à unifier notre témoignage au monde.

Chers amis dans le Christ, je pense que vous serez d’accord pour constater que le mouvement oecuménique est parvenu à un point critique. Pour progresser, nous devons sans cesse demander à Dieu de renouveler nos esprits par la grâce de l’Esprit Saint (cf. Rm 12,2), qui nous parle à travers les Écritures et nous conduit à la vérité tout entière (cf. 2P 1,20-21 Jn 16,13). Nous devons nous garder de la tentation de considérer la doctrine comme une cause de division et, par conséquent, comme un empêchement à ce qui semble être la tâche immédiate la plus urgente pour améliorer le monde dans lequel nous vivons. En réalité, l’histoire de l’Église démontre que la praxis non seulement est inséparable de la didaché, ou enseignement, mais qu’elle en découle au contraire. Plus nous nous efforcerons avec assiduité de parvenir à une compréhension commune des mystères divins, plus nos oeuvres de charité parleront avec éloquence de l’immense bonté de Dieu et de son amour pour tous les hommes. Saint Augustin exprime le lien entre le don de la connaissance et la vertu de la charité quand il écrit que l’esprit retourne à Dieu à travers l’amour (cf. De moribus Ecclesiae catholicae, XII, 21), et que là où est la charité, là est la Trinité (cf. De Trinitate, 8, 8, 12.).

C’est pour cette raison que le dialogue oecuménique progresse non seulement à travers un échange d’idées, mais en partageant des dons qui nous enrichissent mutuellement (cf. Ut unum sint UUS 28 UUS 57). Une « idée » vise la vérité ; un « don » exprime l’amour. Tous deux sont essentiels au dialogue. Nous ouvrir nous-mêmes pour accepter les dons spirituels des autres chrétiens accélère notre capacité de discerner la lumière de la vérité qui vient de l’Esprit Saint. Saint Paul enseigne que c’est dans la koinonia de l’Église que nous accédons à la vérité de l’Évangile et avons les moyens de la préserver, car la construction de l’Église « a pour fondations les Apôtres et les prophètes », Jésus lui-même étant la pierre angulaire (Ep 2,20).

Sous ce jour, nous pouvons peut- être considérer les images bibliques du « corps » et du « temple » utilisées pour décrire l’Église. En employant l’image du corps (cf. 1Co 12,12-31), Paul attire l’attention sur l’unité organique et sur la diversité qui permet à l’Église de respirer et de grandir. Toutefois, l’image d’un temple solide et bien structuré, composé de pierres vivantes, s’appuyant sur des fondations sûres est également significative. Jésus lui-même lie ensemble, en parfaite unité, ces images du « temple » et du « corps » (cf. Jn 2,21-22 Lc 23,45 Ap Ap 21,22).

Chaque élément de la structure de l’Église est important, cependant ils vacilleraient et s’écrouleraient tous sans la pierre angulaire qu’est le Christ. En tant que « concitoyens » de cette « demeure de Dieu », les chrétiens doivent travailler ensemble pour s’assurer que l’édifice soit solide afin que d’autres personnes aient envie d’y entrer et de découvrir les nombreux trésors de grâce qui s’y trouvent. En promouvant les valeurs chrétiennes, nous ne devons pas négliger de proclamer leur source, en donnant un témoignage commun de Jésus Christ le Seigneur. C’est Lui qui a confié cette mission aux Apôtres, c’est de Lui que les prophètes ont parlé, et c’est Lui que nous offrons au monde.

Chers amis, votre présence, ici aujourd’hui, m’emplit de l’espérance ardente qu’en parcourant ensemble le chemin vers la pleine unité, nous aurons le courage d’offrir un témoignage commun du Christ. Paul parle de l’importance des prophètes dans l’Église primitive. Nous aussi, nous avons reçu un appel prophétique par notre Baptême. Je suis sûr que l’Esprit ouvrira nos yeux pour voir les dons des autres, nos coeurs pour recevoir sa force et nos esprits pour percevoir la lumière de la vérité du Christ. J’exprime ma vive gratitude à chacun de vous pour le temps, l’érudition et les talents que vous avez investis par amour de l’unique Corps et de l’unique Esprit (cf. Ep Ep 4,4 1Co 12,13), que le Seigneur a voulu pour son peuple en lui donnant sa propre vie. À Lui la puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen !





Discours 2005-2013 17718