Discours 2005-2013 17508

17508
Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion du séminaire d'étude organisé par le Conseil pontifical pour les laïcs chargé de réfléchir sur la sollicitude pastorale envers les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles. Je remercie les nombreux prélats provenant de toutes les parties du monde pour leur présence: leur intérêt et leur participation active ont garanti la complète réussite des travaux, qui sont en voie de conclusion. J'adresse à tous mes confrères dans l'épiscopat et à toutes les personnes présentes un salut cordial de communion et de paix; je salue en particulier Monsieur le cardinal Stanislaw Rylko et Mgr Josef Clemens, respectivement président et secrétaire du dicastère, et leurs collaborateurs.

Ce n'est pas la première fois que le Conseil pour les laïcs organise un séminaire pour les évêques sur les mouvements laïcs. Je me rappelle celui de 1999, continuation pastorale idéale de la rencontre de mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II avec les mouvements et les communautés nouvelles, qui s'est tenu le 30 mai de l'année précédente. En tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, je fus directement impliqué dans le débat. J'eus l'occasion d'établir un dialogue direct avec les évêques, un échange franc et fraternel sur de nombreuses questions importantes. De la même manière, le séminaire d'aujourd'hui se veut être une suite de la rencontre que j'ai moi-même eue, le 3 juin 2006, avec une large représentation de fidèles appartenant à plus de cent nouveaux rassemblements laïcs. A cette occasion, j'indiquai dans l'expérience des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles le "signe lumineux de la beauté du Christ, et de l'Eglise, son Epouse" (cf. Message aux participants au Congrès du 22 mai 2006). En m'adressant aux "chers amis des mouvements", je les exhortais à faire davantage de ceux-ci des "écoles de communion, des compagnies en chemin, dans lesquelles on apprend à vivre dans la vérité et dans l'amour que le Christ nous a révélés et communiqués au moyen du témoignage des apôtres, au sein de la grande famille de ses disciples" (ibid.).

Les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles sont une des nouveautés les plus importantes suscitées par l'Esprit Saint dans l'Eglise par la mise en oeuvre du Concile Vatican II. Ils se multiplièrent en effet à l'abri des assemblées conciliaires, surtout dans les années qui le suivirent, dans une période chargée de promesses enthousiasmantes, mais également marquée par des épreuves difficiles. Paul VI et Jean-Paul II surent accueillir et discerner, encourager et promouvoir l'irruption inattendue des nouvelles réalités laïques qui, sous des formes diverses et surprenantes, redonnaient vitalité, foi et espérance à toute l'Eglise. En effet, elles rendaient alors déjà témoignage de la joie, du bien-fondé et de la beauté d'être chrétiens, en se montrant reconnaissantes d'appartenir au mystère de communion qu'est l'Eglise. Nous avons assisté au réveil d'un élan missionnaire vigoureux, mû par le désir de transmettre à tous la précieuse expérience de la rencontre avec le Christ, ressentie et vécue comme la seule réponse adaptée à la soif profonde de vérité et de bonheur du coeur humain.

Comment ne pas se rendre compte, en même temps, que cette nouveauté attend encore d'être correctement comprise à la lumière du dessein de Dieu et de la mission de l'Eglise dans le contexte de notre temps? Précisément à cette fin se sont succédé de nombreuses interventions de rappel et d'orientation de la part des Papes, qui ont initié un dialogue et une collaboration toujours plus profonds au niveau de beaucoup d'Eglises particulières. Beaucoup de préjugés, de résistances et de tensions ont été dépassés. Il reste à accomplir la tâche importante de promouvoir une communion plus mûre de toute les composantes ecclésiales, pour que tous les charismes, dans le respect de leur spécificité, puissent pleinement et librement contribuer à l'édification de l'unique Corps du Christ.

J'ai beaucoup apprécié qu'ait été choisie, comme base des travaux de notre séminaire, l'exhortation que j'ai adressée à un groupe d'évêques allemands en visite ad limina, que je vous repropose naturellement aujourd'hui: "Je vous demande d'aller au devant des mouvements avec beaucoup d'amour" (18 novembre 2006). Je pourrais presque dire que je n'ai rien d'autre à ajouter! La charité est le signe distinctif du Bon Pasteur: elle rend autorité et efficacité à l'exercice du ministère qui lui a été confié. Aller à la rencontre des mouvements et des communautés nouvelles avec beaucoup d'amour nous pousse à connaître de manière adéquate leur réalité, sans impressions superficielles ou jugements réducteurs. Cela nous aide également à comprendre que les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles ne sont pas un problème ou un risque de plus, qui s'ajoutent à nos charges déjà lourdes. Non! Ils sont un don du Seigneur, une ressource précieuse pour enrichir avec leurs charismes toute la communauté chrétienne. Aussi, il faut leur réserver un accueil confiant qui leur donne des espaces et valorise leurs contributions dans la vie des Eglises locales. Des difficultés et des incompréhensions sur des questions particulières n'autorisent pas une fermeture. Que le "beaucoup d'amour" nous inspire prudence et patience. Il nous est demandé à nous, pasteurs, d'accompagner de près, avec une sollicitude paternelle, de manière cordiale et sage, les mouvements et les communautés nouvelles, pour qu'ils puissent généreusement mettre au service de l'utilité commune, de manière ordonnée et féconde, les nombreux dons dont ils sont porteurs et que nous avons appris à connaître et à apprécier: l'élan missionnaire, les itinéraires de formation chrétienne efficaces, le témoignage de fidélité et d'obéissance à l'Eglise, la sensibilité aux nécessités des pauvres, la richesse des vocations.

L'authenticité des nouveaux charismes est garantie par leur disponibilité à se soumettre au discernement de l'autorité ecclésiastique. De nombreux mouvements ecclésiaux et communautés nouvelles ont déjà été reconnus par le Saint-Siège, et sont donc sans doute considérés comme un don de Dieu pour toute l'Eglise. D'autres, encore en phase émergente, demandent l'exercice d'un accompagnement encore plus délicat et vigilant de la part des pasteurs des Eglises particulières. Celui qui est appelé à un service de discernement et de conduite ne prétend pas imposer sa loi aux charismes, mais les préserve plutôt du danger de l'étouffement (cf.
1Th 5,19-21), en résistant à la tentation d'uniformiser ce que l'Esprit Saint a voulu multiforme pour participer à l'édification et au développement de l'unique Corps du Christ, que l'Esprit Saint même rend solide dans l'unité. Consacré et assisté par l'Esprit Saint, dans le Christ, chef de l'Eglise, l'évêque devra examiner les charismes et les mettre à l'épreuve, pour reconnaître et valoriser ce qui est bon, vrai et beau, ce qui contribue à la croissance de la sainteté des personnes et des communautés. Quand des interventions de corrections seront nécessaires, qu'elles soient elles-mêmes des expressions du "beaucoup d'amour". Les mouvements et les communautés nouvelles sont fiers de leur liberté associative, de la fidélité à leur charisme, mais ont également montré qu'ils savent bien que fidélité et liberté sont garanties, et certainement pas limitées, par la communion ecclésiale, dont les évêques, unis au Successeur de Pierre, sont des ministres, des gardiens et des guides.

662 Chers frères dans l'épiscopat, au terme de cette rencontre, je vous exhorte à raviver en vous le don que vous avez reçu avec votre consécration (cf. 2Tm 1,6). Que l'Esprit de Dieu vous aide à reconnaître et garder les merveilles que Lui-même suscita dans l'Eglise en faveur de tous les hommes. Je confie chacun de vos diocèses à la Très Sainte Vierge Marie, Reine des apôtres, et vous donne de tout coeur une affectueuse Bénédiction apostolique, que j'étends aux prêtres, aux religieux, aux séminaristes, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs, aujourd'hui en particulier, aux membres des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles présents dans les églises qui sont confiées à vos soins.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES Salle Clémentine Samedi 17 mai 2008


Monsieur le cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat
et dans le sacerdoce
Chers frères et soeurs,

Je suis particulièrement heureux de cette rencontre avec vous tous, qui êtes directement engagés dans les OEuvres pontificales missionnaires, des organismes au service du Pape et des évêques des Eglises locales pour réaliser le mandat missionnaire d'évangéliser les peuples jusqu'aux extrémités de la terre. A Monsieur le cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, j'adresse en premier lieu mon remerciement cordial pour les paroles qu'il m'a adressées au nom de toutes les personnes présentes. J'étends mon salut au secrétaire et à tous les collaborateurs du dicastère missionnaire, prêtres, religieux et religieuses, hommes et femmes laïcs. Très chers amis, grâce à votre oeuvre intense, l'affirmation du Concile, selon laquelle "toute l'Eglise par nature est missionnaire", devient une réalité effective. Les OEuvres pontificales missionnaires ont le charisme de promouvoir parmi les chrétiens la passion pour le Royaume de Dieu, qu'il faut édifier partout à travers la prédication de l'Evangile. Nées avec ce souffle universel, elles ont été un instrument précieux entre les mains de mes prédécesseurs, qui les ont élevées au rang de "pontificales", en recommandant aux évêques de les instituer dans leurs diocèses. Le Concile Vatican II en a reconnu à juste titre la première place dans la coopération missionnaire, "parce que ce sont des instruments à la fois pour inculquer chez les catholiques, dès l'enfance, un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour favoriser une collecte de fonds au bénéfice de toutes les missions et selon la nécessité de chacune" (Ad Gentes ). Le Concile a particulièrement approfondi la nature et la mission de l'Eglise particulière, en reconnaissant sa pleine dignité et responsabilité missionnaire. La mission est une tâche et un devoir de toutes les Eglises, qui comme des vases communicants partagent des personnes et des ressources pour la réaliser. Chaque Eglise locale est le peuple choisi parmi les nations, convoqué dans l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint, pour "proclamer les merveilles de celui qui des ténèbres les a appelés à son admirable lumière" (Lumen gentium LG 10). Elle est le lieu où l'Esprit se manifeste avec la richesse de ses charismes, en conférant à chaque fidèle l'appel et la responsabilité de la mission. Sa mission est une mission de communion. Aux germes de désagrégation parmi les hommes, que l'expérience quotidienne montre si profondément enracinée dans l'humanité à cause du péché, l'Eglise locale oppose la force génératrice d'unité du Corps du Christ.

Le Pape Jean-Paul II pouvait affirmer avec joie que "les Eglises locales se sont multipliées, avec leurs évêques, leur clergé et leur personnel apostolique; ... la communion entre les Eglises entraîne un échange intense de biens spirituels et de dons; ... une conscience nouvelle s'affirme, à savoir que la mission concerne tous les chrétiens, tous les diocèses et toutes les paroisses, toutes les institutions et toutes les associations ecclésiales" (Redemptoris missio, RMi 2). Grâce à la réflexion qu'elles ont développé ces dernières décennies, les OEuvres pontificales missionnaires se sont inscrites dans le contexte des nouveaux paradigmes d'évangélisation, et du modèle ecclésiologique de communion entre les Eglises. Il est clair qu'elles sont pontificales, mais en droit elles sont aussi épiscopales, car ce sont des instruments entre les mains des évêques pour réaliser le mandat missionnaire du Christ. "Tout en étant les oeuvres du Pape, les OEuvres pontificales missionnaires sont également de tout l'épiscopat et de tout le Peuple de Dieu" (Paul VI, Message pour la Journée mondiale de 1968). Elles sont l'instrument spécifique, privilégié et principal pour l'éducation à l'esprit missionnaire universel, pour la communion et la collaboration inter-ecclésiale au service de l'Evangile (cf. Statuts, n. 18).

Egalement dans cette période de l'histoire, qui s'est reconnue missionnaire pas nature, le charisme et le travail des OEuvres pontificales missionnaires ne se sont jamais épuisés, et ils ne doivent pas faire défaut. La mission d'évangéliser l'humanité demeure encore urgente et nécessaire. La mission est un devoir, dont il faut répondre: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile" (1Co 9,16). L'apôtre Paul, auquel l'Eglise consacre une année particulière en souvenir des deux mille ans de sa naissance, a compris sur le chemin de Damas, puis fait l'expérience au cours de son ministère qui a suivi, que la rédemption et la mission sont des actes d'amour. C'est l'amour du Christ qui le pousse à parcourir les routes de l'empire romain, à être héraut, apôtre, propagateur de l'Evangile (cf. 2Tm 2,1-11) et à se faire tout à tous, pour sauver à tout prix quelqu'un (cf. 1Co 22). "Celui qui annonce l'Evangile participe à la charité du Christ, qui nous a aimés et qui s'est livré pour nous (cf. Ep Ep 5,2). Il est son ambassadeur et il supplie au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu! (cf. 2Co 5,20)" (Congrégation pour la doctrine de la foi, Note doctrinale sur certains aspects de l'évangélisation, n. 11). C'est l'amour qui doit nous pousser à annoncer avec franchise et courage à tous les hommes la vérité qui sauve (cf. Gaudium et spes GS 28). Un amour que l'on doit faire rayonner partout et qui doit atteindre le coeur de tout homme. En effet, les hommes attendent le Christ.

Les paroles de Jésus, "Allez donc! de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés" (Mt 28,19-20), constituent encore un mandat obligatoire pour toute l'Eglise et pour chaque fidèle du Christ. Cet engagement apostolique est un devoir mais aussi un droit imprescriptible, expression même de la liberté religieuse, à laquelle correspondent des dimensions éthiques et sociales et éthiques et politiques (cf. Dignitatis humanae DH 6). Il est demandé aux OEuvres pontificales de faire de la Missio ad gentes le paradigme de toute l'activité pastorale. Il leur revient, et en particulier à l'Union missionnaire pontificale, la tâche de "promouvoir et diffuser toujours davantage chez le peuple chrétien le mystère de l'Eglise, c'est-à-dire cet esprit missionnaire concret" (Paul VI, Graves et Increscentes). Je suis certain que vous continuerez à vous engager avec tout votre enthousiasme, pour que vos Eglises locales assument avec toujours plus de générosité leur part de responsabilité dans la mission universelle.

663 Je vous donne à tous ma Bénédiction.

VISITE PASTORALE À SAVONE ET GÊNES

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR

LA PLACE DE LA VICTOIRE À GÊNES HOMÉLIE Dimanche 18 mai 2008



Chers frères et soeurs,

Au terme d'une intense journée passée dans votre ville, nous nous retrouvons unis autour de l'autel pour célébrer l'Eucharistie, en la solennité de la Très Sainte Trinité. De cette place centrale "della Vittoria", qui nous accueille pour notre acte choral de louange et d'action de grâce à Dieu qui conclut ma visite pastorale, j'envoie mon salut le plus cordial à toute la communauté civile et ecclésiale de Gênes. Je salue tout d'abord avec affection l'archevêque, le cardinal Angelo Bagnasco, que je remercie de la courtoisie avec laquelle il m'a accueilli et des paroles touchantes qu'il m'a adressées au début de la Messe. Ensuite, comment ne pas saluer le cardinal Tarcisio Bertone, mon Secrétaire d'Etat, ancien pasteur de cette antique et noble Eglise? Je lui adresse mes remerciements les plus sincères pour sa proximité spirituelle et pour sa précieuse collaboration. Je salue ensuite l'Evêque auxiliaire, Mgr Luigi Ernesto Palletti, les évêques de Ligurie et les autres prélats. J'adresse ma pensée respectueuse aux Autorités civiles, auxquelles je suis reconnaissant de leur accueil et du soutien concret qu'elles ont apporté à la préparation et au déroulement de mon pèlerinage apostolique. Je salue en particulier M. le ministre Claudio Scaiola, qui représente le nouveau gouvernement, qui précisément ces jours derniers a pris ses pleines fonctions au service de la bien-aimée nation italienne. Je m'adresse ensuite avec une vive reconnaissance aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux diacres, aux laïcs engagés, aux séminaristes et aux jeunes. A vous tous, chers frères et soeurs, j'adresse mon salut affectueux. J'étends ma pensée à ceux qui n'ont pas pu être présents, de manière particulière aux malades, aux personnes seules et à ceux qui se trouvent en difficulté. Je confie au Seigneur la ville de Gênes et tous ses habitants en cette solennelle concélébration eucharistique, qui, comme chaque dimanche, nous invite à participer de manière communautaire à la double table de la Parole de Vérité et du Pain de Vie éternelle.

Nous avons écouté, dans la première Lecture (Ex 34,4-6 Ex 34,8-9), un texte biblique qui nous présente la révélation du nom de Dieu. C'est Dieu lui-même, l'Eternel et l'Invisible, qui le proclame, en passant devant Moïse dans une nuée, sur le mont Sinaï. Son nom est: "Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité". Saint Jean, dans le nouveau Testament, résume cette expression en un seul mot: "Amour" (cf. 1Jn 4,8 1Jn 4,16). L'Evangile d'aujourd'hui l'atteste également: "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3,16). Ce nom exprime donc clairement que le Dieu de la Bible n'est pas une sorte de monade fermée sur elle-même et satisfaite de sa propre autosuffisance, mais il est la vie qui veut se communiquer, il est ouverture, relation. Des expressions comme "Dieu de tendresse", "de pitié", "riche en grâce" nous parlent tous d'une relation, en particulier d'un Etre vital qui s'offre, qui veut combler chaque lacune, chaque manque, qui veut donner et pardonner, qui désire établir un lien stable et durable. L'Ecriture Sainte ne connaît pas d'autre Dieu que le Dieu de l'Alliance, qui a créé le monde pour répandre son amour sur toutes les créatures (cf. Missel romain, Prière eucharistique, IV) et qui s'est choisi un peuple pour établir avec lui un pacte nuptial, le faire devenir une bénédiction pour toutes les nations et former ainsi une grande famille de toute l'humanité (cf. Gn Gn 12,1-3 Ex 19,3-6). Cette révélation de Dieu s'est pleinement définie dans le Nouveau Testament, grâce à la parole du Christ. Jésus nous a manifesté le visage de Dieu, un dans l'essence et trine dans les personnes: Dieu est Amour, Amour Père - Amour Fils - Amour Esprit Saint. Et c'est précisément au nom de ce Dieu que l'apôtre Paul salue la communauté de Corinthe: "Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion de l'Esprit Saint soient avec vous tous" (2Co 13,13). C'est un salut qui est devenu, comme vous le savez, une formule liturgique.

Il y a donc, dans ces lectures, un contenu principal qui concerne Dieu et, en effet, la fête d'aujourd'hui nous invite à Le contempler, Lui, le Seigneur, elle nous invite à monter dans un certain sens "sur le mont", comme le fit Moïse. Cela semble à première vue nous conduire loin du monde et de ses problèmes, mais en réalité on découvre que c'est précisément en connaissant Dieu de plus près que l'on reçoit également des indications pratiques précieuses pour la vie: un peu comme cela arriva à Moïse qui, en montant sur le Sinaï et en restant en présence de Dieu, reçut la loi gravée sur les tables de pierre, dont le peuple tira la direction pour aller de l'avant, pour ne pas redevenir esclave mais croître dans la liberté. Du nom de Dieu dépend notre histoire; de la lumière de son visage, notre chemin.

De cette réalité de Dieu, qu'Il nous a lui-même fait connaître en nous révélant son "nom" dérive une certaine image d'homme, c'est-à-dire le concept exact de personne. Comme on le sait, ce concept s'est formé dans notre culture d'Occident au cours du débat enflammé qui s'est développé précisément autour de la vérité de Dieu, et en particulier de Jésus Christ. Si Dieu est une unité dialogique, substance en relation, la créature humaine, faite à son image et ressemblance, reflète cette constitution: elle est donc appelée à se réaliser dans le dialogue, dans le colloque, dans la rencontre. Jésus nous a en particulier révélé que l'homme est essentiellement "fils", créature qui vit dans la relation avec Dieu le Père. L'homme ne se réalise pas dans une autonomie absolue, en ayant l'illusion d'être Dieu, mais, au contraire, en se reconnaissant en tant que fils, créature ouverte, tendue vers Dieu et vers ses frères, dans le visage desquels il retrouve l'image du Père commun. On voit bien que cette conception de Dieu et de l'homme se trouve à la base d'un modèle correspondant de communauté humaine, et donc de société. C'est un modèle qui existe avant toute réglementation législative, juridique, institutionnelle, mais je dirais également avant les particularités culturelles. Un modèle de famille humaine commun à toutes les civilisations, que nous chrétiens avons l'habitude d'exprimer dès l'enfance en affirmant que les hommes sont tous des fils de Dieu et donc tous frères. Il s'agit d'une vérité qui se trouve dès le début derrière nous et, dans le même temps, qui est toujours devant nous, comme un projet auquel aspirer toujours dans chaque construction sociale. C'est une conception qui se fonde sur l'idée de Dieu Trinité, de l'homme comme personne - non comme pur individu - et de la société comme communauté - non comme pure collectivité.

Le Magistère de l'Eglise qui s'est développé précisément à partir de cette vision de Dieu et de l'homme est très riche. Il suffit de parcourir les chapitres les plus importants de la Doctrine sociale de l'Eglise, auquel mes vénérés prédécesseurs ont apporté des contributions substantielles, en particulier au cours des cent vingt dernières années, en se faisant les interprètes autorisés et les guides du mouvement social d'inspiration chrétienne. La Constitution conciliaire Gaudium et spes et les Encycliques de Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II tracent un dessein complet et articulé, capable de motiver et d'orienter l'engagement de promotion humaine et de service social et politique des catholiques. Ma première Encyclique Deus caritas est, se réfère à cet horizon: en effet, elle repropose l'exercice de la charité concrète, de la part de l'Eglise, à partir de la foi en Dieu Amour, incarné en Jésus Christ. C'est spontanément que je rappelle le Congrès ecclésial national de Vérone, auquel j'ai participé en proposant une profonde réflexion, pleinement accueillie dans la Note pastorale de l'épiscopat qui suivit: "Régénérés pour une espérance vivante: témoins du grand "oui" de Dieu à l'homme" (29 juin 2007). J'ai plaisir à souligner comment deux choix de fond, indiqués par les évêques au début de ce document (n. 4), s'accordent avec ce que la Parole de Dieu vient de nous suggérer. Tout d'abord, le choix du "primat de Dieu": toute la vie et l'oeuvre de l'Eglise dépendent du fait de placer Dieu au premier plan; pas un Dieu générique, mais bien le Seigneur avec son nom et son visage, le Dieu de l'Alliance qui a fait sortir le peuple de l'esclavage d'Egypte, qui a ressuscité Jésus des morts et qui veut conduire l'humanité à la liberté dans la paix et dans la justice. L'autre choix est celui de placer au centre la personne et l'unité de son existence, dans les divers milieux où elle déploie son activité: la vie affective, le travail et la fête, sa propre fragilité, la tradition, la citoyenneté. Le Dieu un et trine et la personne en relation: ce sont les deux références que l'Eglise à la tâche d'offrir à chaque génération humaine, comme service à l'édification d'une société libre et solidaire. L'Eglise le fait certainement avec sa doctrine, mais surtout à travers le témoignage, qui n'est pas pour rien le troisième choix fondamental de l'épiscopat italien: témoignage personnel et communautaire, dans lequel convergent vie spirituelle, mission pastorale et dimension culturelle.

Dans une société tendue entre la mondialisation et l'individualisme, l'Eglise est appelée à offrir le témoignage de la koinonia, de la communion. Cette réalité ne vient pas "du bas" mais est un mystère qui a, pour ainsi dire, ses "racines au ciel": précisément en Dieu un et trine. C'est Lui, en lui-même, l'éternel dialogue d'amour qui en Jésus Christ s'est communiqué à nous, qui est entré dans le tissu de l'humanité et de l'histoire pour le conduire à la plénitude. Et voilà alors la grande synthèse du Concile Vatican II: l'Eglise, mystère de communion, "est dans le Christ comme un sacrement, c'est-à-dire signe et instrument de l'intime union avec Dieu et de l'unité de toute le genre humain" (Const. Lumen gentium LG 1). Ici aussi, dans cette grande ville, ainsi que sur son territoire, avec la variété des problèmes humains et sociaux respectifs, la Communauté ecclésiale, aujourd'hui comme hier, est avant tout le signe, pauvre mais véritable, de Dieu Amour, dont le nom est imprimé dans l'être profond de chaque personne et dans chaque expérience d'authentique socialité et solidarité.

Chers frères, après ces réflexions je vous laisse plusieurs exhortations particulières. Ayez soin de la formation spirituelle et catéchétique, une formation "substantielle", plus que jamais nécessaire pour bien vivre la vocation chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. Je le dis aux adultes et aux jeunes: cultivez une foi pensée, capable de dialoguer en profondeur avec tous, avec nos frères non catholiques, avec les non-chrétiens et les non-croyants. Poursuivez votre généreux partage avec les pauvres et les plus faibles, selon la pratique originaire de l'Eglise, en puisant toujours votre inspiration et votre force à l'Eucharistie, source éternelle de la charité. J'encourage avec une affection spéciale les séminaristes et les jeunes engagés dans un chemin vocationnel: n'ayez pas peur, au contraire, éprouvez l'attraction des choix définitifs, d'un itinéraire de formation sérieux et exigeant. Seule la mesure élevée de la condition de disciple fascine et procure de la joie. J'exhorte chacun à croître dans la dimension missionnaire, qui est co-essentielle à la communion. En effet, la Trinité est dans le même temps unité et mission: plus l'amour est intense, plus l'élan à se diffuser, à s'élargir, à se communiquer est fort. Eglise de Gênes, sois unie et missionnaire, pour annoncer à tous la joie de la foi et la beauté d'être Famille de Dieu. Ma pensée s'élargit à la ville tout entière, à tous les Gênois et à ceux qui vivent et travaillent sur ce territoire. Chers amis, envisagez l'avenir avec confiance et cherchez à le construire ensemble, en évitant les attitudes factieuses et les particularismes, en plaçant le bien commun avant les intérêts même légitimes.

Je voudrais conclure avec un souhait que je reprends de la merveilleuse prière de Moïse, que nous avons écoutée dans la première Lecture: que le Seigneur veuille bien aller au milieu de nous et faire de nous son héritage (cf. Ex Ex 34,9). Que l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, que les Gênois invoquent comme la Vierge de la Garde dans leur patrie et dans le monde entier, l'obtienne pour vous. Avec son aide et avec celle des saints Patrons de votre ville bien-aimée et de votre région, que votre foi et vos oeuvres soient toujours à la louange et à la gloire de la Très Sainte Trinité. En suivant l'exemple des saints de cette terre, soyez une communauté missionnaire: à l'écoute de Dieu et au service des hommes! Amen.

VISITE PASTORALE À SAVONE ET GÊNES (LIGURIE, ITALIE)

RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DU CHAPITRE DE LA CATHÉDRALE ET LES PERSONNES CONSACRÉES DANS LA CATHÉDRALE DE SAINT-LAURENT À GÊNES Dimanche 18 mai 2008

18508
Messieurs les cardinaux,
Chers membres du chapitre de la cathédrale,
Chers religieux et religieuses,

durant cette brève mais intense visite pastorale à Gênes, on ne pouvait manquer de s'arrêter dans votre remarquable cathédrale, consacrée à saint Laurent, qui abrite les reliques du Précurseur de Jésus, saint Jean Baptiste. Et je suis content de rencontrer les chanoines du vénéré chapitre métropolitain et les religieux et les religieuses présents, travaillant dans l'archidiocèse. Ce temple, entouré de tant de ruelles, semble être le point de confluence et d'arrivée de tous les chemins: comme si de l'ombre des rues étroites les hommes voulaient sortir à la lumière de leur cathédrale, voulaient sortir dans la lumière de Dieu qui les accueille tous, les embrasse, les illumine et les renouvelle. A chacun de vous mon salut cordial. J'adresse un salut particulier à Mgr Mario Grone, président du chapitre de la cathédrale, et au P. Domenico Rossi, délégué diocésain pour la vie consacrée, qui se sont faits les interprètes de vos sentiments dévoués.

Dans les siècles passés, l'Eglise de Gênes a connu une riche tradition de sainteté et de service généreux à ses frères, grâce à l'oeuvre de prêtres et de religieux et de religieuses de vie active et contemplative zélés. Les noms de différents saints et bienheureux nous reviennent ici en mémoire: Antonio Maria Gianelli, Agostino Roscelli, Tommaso Reggio, Francesco Maria da Camporosso, Caterina Fieschi Adorno, Virginia Centurione Bracelli, Paola Frassinetti, Eugenia Ravasco, Maria Repetto, Benedetta Cambiagio Frassinello. Mais également aujourd'hui, malgré les difficultés que traverse la société, la passion évangélisatrice dans vos communautés est forte. Le désir commun de resserrer toujours plus les liens d'entente fraternelle pour collaborer à l'action missionnaire promue dans tout l'archidiocèse s'est notamment accru. En effet, en suivant les orientations de la Conférence épiscopale italienne, vous voulez vous placer en état de mission permanente, comme un témoignage de la joie de l'Evangile et comme une invitation explicite adressée à tous à rencontrer Jésus Christ. Et me voilà parmi vous, chers amis, pour vous encourager à progresser sur cette voie.

Je voudrais en particulier vous montrer en exemple l'apôtre Paul, dont nous nous apprêtons à célébrer un jubilé particulier, à l'occasion des deux mille ans de sa naissance. Converti au Christ sur la voie de Damas, il se dévoua entièrement à la cause de l'Evangile. Il affronta pour le Christ des épreuves en tous genres, et il Lui resta fidèle jusqu'au sacrifice de sa vie. Il écrivait ainsi, au terme de son pèlerinage terrestre, à son fidèle disciple Timothée: "Quant à moi, je suis déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu. J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi" (
2Tm 4,6-7). Que chacun de nous, chers frères et soeurs, puisse dire la même chose au dernier jour de sa vie. Afin que cela advienne, et c'est ce que le Seigneur attend de ses amis, il nous faut cultiver le même esprit missionnaire qui a animé saint Paul avec une formation spirituelle, ascétique et pastorale permanente. Il est surtout nécessaire que nous devenions des "spécialistes" de l'écoute de Dieu, et des exemples crédibles d'une sainteté qui se traduit dans une fidélité à l'Evangile sans fléchir face à l'esprit du monde. Comme l'écrivit le cardinal Giuseppe Siri, pasteur zélé de cet archidiocèse pendant plusieurs décennies, qui repose maintenant dans votre cathédrale, "la vie religieuse tourne autour de Dieu et tout se passe autour de Dieu et devient ainsi un témoignage de Dieu et le rappel de Dieu" (Lettre à toutes les religieuses qui prient et qui oeuvrent dans le diocèse de Gênes sur le Congrès du "Culte au Seigneur", 15 août 1953).

Vous, chers membres du chapitre des chanoines de la cathédrale, en prenant soin des actions liturgiques qui s'y déroulent, rappelez-vous que toute chose en nous tire sa vigueur de la prière personnelle et liturgique. Et le cardinal Siri souligne encore que "l'action la plus vénérable et la plus sainte, digne de toutes les considérations et de tous les égards, de tous les honneurs et de toutes les distinctions qui s'obtiennent dans un diocèse, est la célébration solennelle de l'office divin, à savoir ce que vous faites vous... Le diocèse dans son entier, et en un certain sens l'Eglise toute entière, prie à travers vous. La dette de la famille diocésaine des fidèles est acquittée envers Dieu avant tout par votre prière" (A l'approche du Congrès du "Culte du Seigneur". Lettre pastorale aux chanoines, 24 janvier 1953).

Très chers frères et soeurs, en particulier vous, personnes consacrées, je vous remercie de votre présence. C'est une présence ancienne et toujours nouvelle, malgré la diminution en nombre et en force. Mais ayez confiance: nos temps ne sont pas les temps de Dieu et de sa providence. Il est nécessaire de prier et de croître dans la sainteté personnelle et communautaire. Le Seigneur pourvoira. Je vous prie de ne jamais vous considérer comme si vous étiez au "crépuscule" de la vie: le Christ est l'aube éternelle, notre lumière. Je vous prie de continuer dans vos travaux, mais surtout dans votre présence: la diminution de vos communautés vous appauvrit, mais appauvrit également Gênes. Les pauvres, les malades, les familles, les enfants, nos paroisses, tout est un champ précieux de service et de don pour construire l'Eglise et servir les hommes. Je vous confie surtout l'éducation des enfants et des jeunes: vous savez que le défi de l'éducation est le plus urgent, parce que sans une éducation authentique de l'homme on ne va pas loin. Et vous tous, de différentes manières, avez une grande expérience de l'éducation. Nous devons aider les parents dans leur extraordinaire et difficile devoir d'éducation: nous devons aider les paroisses et les groupes; nous devons également maintenir malgré de grands sacrifices les écoles catholiques, grand trésor de la communauté chrétienne et vraie ressource pour le pays.

Chers chanoines et chers religieux et religieuses, la longue tradition spirituelle de Gênes compte bien six Papes, parmi lesquels je rappelle surtout Benoît XV de vénérée mémoire, le Pape de la paix. Il écrivait dans la Humani generis redemptionem que "ce qui rend la parole humaine capable de servir les âmes est la grâce de Dieu". Ne l'oublions jamais: ce qui nous rassemble tous est que nous sommes appelés à annoncer ensemble la joie de Jésus Christ et la beauté de l'Eglise. Cette joie et cette beauté, qui proviennent de l'Esprit, sont un don et un signe de la présence de Dieu dans nos âmes. Pour être témoins et hérauts du message salvifique nous pouvons compter sur nos seules énergies humaines. C'est la fidélité de Dieu qui stimule et confirme notre fidélité à Lui: pour cela, laissons-nous conduire par l'Esprit de vérité et d'amour. C'est l'invitation que j'adresse à chacun de vous, en la confirmant par un rappel particulier dans la prière. Je vous confie tous à la Vierge de la Garde, à saint Laurent, à saint Jean Baptiste et à vos saints protecteurs. Avec ces sentiments, je vous bénis de tout coeur

Discours 2005-2013 17508