Discours 2005-2013 734


VISITE PASTORALE À CAGLIARI

BENOÎT XVI

ANGELUS Parvis du Sanctuaire Notre-Dame de Bonaria Dimanche 7 septembre 2008

Chers frères et soeurs,

Au terme de cette célébration je désire vous saluer tous à nouveau et vous remercier. Je désire surtout saluer et remercier Monsieur Silvio Berlusconi, président du Conseil des ministres, pour son accueil et sa présence, Monsieur Giovanni Letta, sous-secrétaire, et toutes les autorités civiles et militaires ici présentes.

Et enfin, nous tournons encore notre regard vers la "Douce reine des Sardes", vénérée sur cette colline de Bonaria. Au cours des siècles, combien de personnages illustres sont venus lui rendre hommage! Combien de mes prédécesseurs ont voulu l'honorer d'une affection particulière! Le bienheureux Pie ix avait décrété son couronnement; saint Pie x, il y a environ cent ans, la proclama Patronne de toute la Sardaigne; Pie xi attribua à la nouvelle église le titre de "Basilique mineure"; Pie xii, il y a cinquante ans, fut spirituellement présent à travers un message spécial transmis en direct à Radio Vatican et le bienheureux Jean xxiii envoya une lettre en 1960, pour la réouverture du sanctuaire au culte, après sa restauration. Le premier pape à revenir sur l'île après 1650 ans, a été le serviteur de Dieu Paul vi, qui visita le sanctuaire le 24 avril 1970. Et devant la sainte effigie de la Vierge, Jean-Paul ii aussi s'arrêta pour prier, le 20 octobre 1985. Dans le sillage des papes qui m'ont précédé, j'ai moi aussi choisi le sanctuaire de Bonaria pour accomplir une visite pastorale qui veut idéalement embrasser toute la Sardaigne.

Nous avons aujourd'hui renouvelé la consécration de la ville de Cagliari, de la Sardaigne, et de chacun de ses habitants. Que la Sainte Vierge continue de veiller sur tous et sur chacun, afin que le patrimoine des valeurs évangéliques soit transmis intègre aux nouvelles générations, et afin que le Christ règne dans les familles, dans les communautés et dans les différents milieux de la société. Que la Vierge protège en particulier ceux qui, en ce moment, ont le plus besoin de son intervention maternelle: les enfants et les jeunes, les personnes âgées et les familles, les malades et tous ceux qui souffrent.

Conscients du rôle important que Marie joue dans l'existence de chacun de nous, en fils pleins de dévotion, nous fêtons aujourd'hui sa Nativité. Cet événement constitue une étape fondamentale pour la Famille de Nazareth, berceau de notre Rédemption; un événement qui nous concerne tous, parce que chaque don que Dieu lui a accordé, à elle, la Mère, il l'a accordé en pensant aussi à chacun de nous, ses enfants. C'est pourquoi nous demandons avec une grande reconnaissance à Marie, Mère du Verbe incarné, et notre Mère, de protéger toutes les mères sur terre: celles qui, avec leur mari, éduquent leurs enfants dans un cadre familial harmonieux, et celles qui, pour tant de motifs, se trouvent seules pour affronter une tâche si ardue. Puissent-elles toutes rendre avec dévouement et fidélité leur service quotidien dans la famille, dans l'Eglise et la société. Que pour toutes, Marie soit soutien, réconfort et espérance!

Sous le regard de Marie, je veux rappeler les chères populations de Haïti, durement éprouvées ces derniers jours par le passage de trois ouragans. Je prie pour les victimes, hélas nombreuses, et je prie pour les sans-abri. Je suis proche de toute la Nation et je souhaite que lui parviennent au plus vite les aides nécessaires. Je les confie tous à la protection maternelle de Notre-Dame de Bonaria.

VISITE PASTORALE À CAGLIARI

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR LE PARVIS DU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE BONARIA - HOMÉLIE Dimanche 7 septembre 2008

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Chers frères et soeurs!

Le plus beau spectacle qu'un peuple puisse offrir est sans aucun doute celui de sa propre foi. En ce moment, je vois concrètement une manifestation émouvante de la foi qui vous anime, et je désire immédiatement vous dire mon admiration pour cela. J'ai volontiers accueilli l'invitation à venir dans votre très belle île à l'occasion du centenaire de la proclamation de la "Madonna di Bonaria" comme votre principale Patronne. Aujourd'hui, en même temps que la vision merveilleuse de la nature qui nous entoure, vous m'offrez celle de la dévotion fervente que vous nourrissez envers la Très Sainte Vierge. Je vous remercie de ce beau témoignage!

Je vous salue tous avec une grande affection, à commencer par l'archevêque de Cagliari, Mgr Giuseppe Mani, président de la Conférence épiscopale sarde, que je remercie des paroles courtoises prononcées au début de la Messe également au nom des autres évêques, auxquels va ma pensée cordiale, et de toute la communauté ecclésiale qui vit en Sardaigne. Je vous remercie surtout de l'engagement avec lequel vous avez voulu préparer ma visite pastorale. Je salue les Autorités civiles et en particulier le maire, qui sur l'esplanade du Sanctuaire m'a adressé son salut et celui de la ville. Je salue les autres Autorités présentes et je leur exprime ma reconnaissance pour la collaboration généreusement offerte à l'organisation de ma visite, ici en Sardaigne. Je désire ensuite saluer les prêtres, de manière particulière la communauté des Pères mercédaires, les diacres, les religieux et les religieuses, les responsables des associations et des mouvements ecclésiaux, les jeunes et tous les fidèles, avec une pensée cordiale pour les personnes centenaires et celles qui sont unies à nous spirituellement ou à travers la radio et la télévision. Je salue de manière toute particulière les malades et les personnes qui souffrent, avec une pensée particulière pour les plus petits.

Nous sommes le Jour du Seigneur, mais - en raison de la circonstance particulière - la liturgie de la Parole nous a proposé des lectures propres aux célébrations consacrées à la Bienheureuse Vierge. Il s'agit, en particulier, des textes prévus pour la fête de la Nativité de Marie, qui depuis des siècles est fixée au 8 septembre, date où, à Jérusalem, fut consacrée la basilique construite sur la maison de sainte Anne, mère de la Vierge. Ce sont des lectures qui contiennent en effet toujours la référence au mystère de la naissance. Tout d'abord l'oracle merveilleux du prophète Michée sur Bethléem, où l'on annonce la naissance du Messie. Il descendra du roi David, de Bethléem comme lui, mais sa figure dépassera les limites de l'humain: "ses origines", en effet, "remontent aux jours antiques", se perdent dans les époques les plus lointaines, plongent dans l'éternité; sa grandeur parviendra "jusqu'aux extrémités du pays" et telles seront également les frontières de la paix (cf. Mi
Mi 5,1-4). L'avènement de ce "Consacré du Seigneur", qui marquera le début de la libération du peuple, est défini par le prophète avec une expression énigmatique: "jusqu'au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter" (Mi 5,2). Ainsi, la liturgie - qui est l'école privilégiée de la foi - nous enseigne à reconnaître dans la naissance de Marie une liaison directe avec celle du Messie, Fils de David.

L'Evangile, dans une page de l'apôtre Matthieu, nous a justement proposé le récit de la naissance de Jésus. L'évangéliste le fait cependant précéder par le compte-rendu de la généalogie, qu'il place au début comme un prologue. Ici aussi le rôle de Marie dans l'histoire du salut ressort dans toute son évidence: la personne de Marie est entièrement relative au Christ, en particulier à son incarnation: "Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle le Christ" (Mt 1,16). La discontinuité qui existe dans la succession de la généalogie apparaît immédiatement: on ne lit pas "engendra", mais "Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle le Christ". C'est précisément en cela que l'on saisit la beauté du dessein de Dieu, qui en respectant l'être humain le féconde de l'intérieur, en faisant naître de l'humble Vierge de Nazareth le plus beau fruit de son oeuvre créatrice et rédemptrice. L'évangéliste place ensuite sur la scène la figure de Joseph, son drame intérieur, sa foi robuste et sa rectitude exemplaire. Derrière ses pensées et ses réflexions se trouve l'amour pour Dieu et la ferme volonté de lui obéir. Mais comment ne pas sentir que le trouble et donc la prière et la décision de Joseph sont dus, dans le même temps, à l'estime et à l'amour pour sa future épouse? La beauté de Dieu et celle de Marie sont, dans le coeur de Joseph, inséparables; il sait qu'entre celles-ci il ne peut pas y avoir de contradiction; il cherche en Dieu la réponse et il la trouve dans la lumière de la Parole et de l'Esprit Saint: "Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel" (Mt 1,23 cf. Is Is 7,14).

Nous pouvons ainsi, encore une fois, contempler la place que Marie occupe dans le dessein salvifique de Dieu, ce "dessein" que nous retrouvons dans la deuxième lecture, tirée de la Lettre aux Romains.L'apôtre Paul y exprime dans deux versets d'une intensité singulière la synthèse de ce qu'est l'existence humaine d'un point de vue méta-historique: une parabole du salut qui part de Dieu et qui arrive à nouveau à Dieu; une parabole entièrement due à son amour et gouvernée par celui-ci. Il s'agit d'un dessein salvifique entièrement imprégné par la liberté divine, qui attend toutefois de la liberté humaine une contribution fondamentale: la correspondance de la créature à l'amour de son Créateur. Et c'est ici, dans cet espace de la liberté humaine, que nous percevons la présence de la Vierge Marie, sans qu'elle soit jamais nommée: en effet, Elle est dans le Christ l'anticipation et le modèle de "ceux qui aiment Dieu" (Rm 8,28). Dans la prédestination de Jésus est inscrite la prédestination de Marie, ainsi que celle de chaque personne humaine. Dans le "me voici" du Fils trouve écho le fidèle "me voici" de la Mère (cf. He 10,6), ainsi que le "me voici" de tous les enfants adoptifs dans le Fils, précisément de chacun de nous.

Chers amis de Cagliari et de la Sardaigne, votre peuple aussi, grâce à la foi dans le Christ et à travers la maternité spirituelle de Marie et de l'Eglise, a été appelé à s'insérer dans la "généalogie spirituelle" de l'Evangile. En Sardaigne, le christianisme n'est pas arrivé avec les épées des conquérants ou une imposition étrangère, mais il a germé du sang de martyrs qui ici ont donné leur vie comme acte d'amour envers Dieu et les hommes. C'est dans vos mines que retentit pour la première fois la Bonne Nouvelle apportée par le Pape Pontien et par le prêtre Hippolyte, ainsi que par tant d'autres frères condamnés ad metalla pour leur foi dans le Christ. Ainsi, Saturnin, Gavin, Protus et Januaire, Simplicius, Luxorius, Ephisius, Antiochius ont eux aussi été les témoins du don total au Christ comme vrai Dieu et Seigneur. Le témoignage du martyre conquit une âme fière comme celle des Sardes, instinctivement réfractaire à tout ce qui venait de la mer. De l'exemple des martyrs prit sa vigueur l'évêque Lucifer de Cagliari, qui défendit l'orthodoxie contre l'arianisme et s'opposa, avec Eusèbe de Vercelli, lui aussi de Cagliari, à la condamnation d'Athanase lors du Concile de Milan de 335, et tous les deux, Lucifer et Eusèbe, furent condamnés à l'exil, un exil très dur. La Sardaigne n'a jamais été une terre d'hérésie; son peuple a toujours manifesté une fidélité filiale au Christ et au Siège de Pierre. Oui, chers amis, au fil des invasions et des dominations, la foi dans le Christ est restée dans l'âme de vos populations comme un élément constitutif de votre identité sarde elle-même.

Après les martyrs, au v siècle, arrivèrent de l'Afrique romaine de nombreux évêques qui, n'ayant pas adhéré à l'hérésie arienne, durent subir l'exil. En venant dans l'île, ils apportèrent avec eux la richesse de leur foi. Ce furent plus de cent évêques qui, sous la direction de Fulgence de Ruspe, fondèrent des monastères et intensifièrent l'évangélisation. Avec les reliques glorieuses d'Augustin, ils apportèrent la richesse de leur tradition liturgique et spirituelle, dont vous conservez encore les traces. Ainsi la foi s'est toujours plus enracinée dans le coeur des fidèles, jusqu'à devenir culture et produire des fruits de sainteté. Ignazio de Láconi, Nicola de Gésturi sont les saints en qui la Sardaigne se reconnaît. La martyre Antonia Mesina, la contemplative Gabriella Sagheddu et la soeur de la charité Giuseppina Nicóli sont l'expression d'une jeunesse capable de poursuivre de grands idéaux. Cette foi simple et courageuse continue à vivre dans vos communautés, dans vos familles, où l'on respire le parfum évangélique des vertus propres à votre terre: la fidélité, la dignité, la discrétion, la sobriété, le sens du devoir.

Et ensuite, l'amour pour la Vierge. Nous sommes en effet ici, aujourd'hui, pour commémorer un grand acte de foi, que vos pères accomplirent il y a un siècle en confiant leur vie à la Mère du Christ, lorsqu'ils la choisirent comme la plus grande Patronne de l'île. Ils ne pouvaient pas encore savoir que le xx siècle aurait été un siècle très difficile, mais ce fut certainement dans cette consécration à Marie qu'ils trouvèrent ensuite la force pour affronter les difficultés survenues, en particulier avec les deux guerres mondiales. Il ne pouvait en être qu'ainsi. Chers amis de la Sardaigne, votre île ne pouvait avoir d'autre protectrice que la Vierge. Elle est la Mère, la Fille et l'Epouse par excellence: "Sa Mama, Fiza, Isposa de su Segnore", comme vous aimez le chanter. La mère qui aime, protège, conseille, console, donne la vie, pour que la vie naisse et dure. La fille qui honore sa famille, toujours attentive aux nécessités des frères et des soeurs, attentive à rendre sa maison belle et accueillante. L'épouse, capable d'amour fidèle et patient, de sacrifice et d'espérance. En Sardaigne, 350 églises et sanctuaires sont consacrés à Marie. Un peuple de mères se reflète dans l'humble jeune fille de Nazareth, qui avec son "oui" a permis au Verbe de devenir chair.

Je sais bien que Marie est dans votre coeur. Après cent ans, nous voulons aujourd'hui la remercier pour sa protection et lui renouveler notre confiance, en reconnaissant en Elle l'"Etoile de la nouvelle évangélisation", à l'école de laquelle apprendre comment apporter le Christ Sauveur aux hommes et aux femmes de notre époque. Que Marie vous aide à apporter le Christ aux familles, petites églises domestiques et cellules de la société, ayant aujourd'hui plus que jamais besoin de confiance et de soutien, aussi bien sur le plan spirituel que social. Qu'Elle vous aide à trouver les stratégies pastorales opportunes pour faire en sorte que les jeunes, porteurs par nature d'un nouvel élan, mais souvent victimes du nihilisme diffus, assoiffés de vérité et d'idéaux précisément lorsqu'ils semblent les nier, rencontrent le Christ. Qu'Elle vous rende capables d'évangéliser le monde du travail, de l'économie, de la politique, qui a besoin d'une nouvelle génération de laïcs chrétiens engagés, capables de chercher avec compétence et rigueur morale des solutions de développement durable. Dans tous ces aspects de l'engagement chrétien vous pouvez toujours compter sur la direction et le soutien de la Sainte Vierge. Confions-nous donc à son intercession maternelle.

736 Marie est le port, le refuge et la protection pour le peuple sarde, qui a en lui la force du chêne. Les tempêtes s'abattent et ce chêne résiste; les incendies font rage et celui-ci bourgeonne à nouveau; la sécheresse survient et celui-ci vainc encore. Renouvelons donc avec joie notre consécration à une Mère aussi attentive. Les générations des Sardes, j'en suis certain, continueront à monter au sanctuaire de Bonaria pour invoquer la protection de la Vierge. Qui se confie à Notre-Dame de Bonaria, Mère miséricordieuse et puissante, ne sera jamais déçu. Que Marie, Reine de la paix et Etoile de l'espérance, intercède pour nous. Amen!

VISITE PASTORALE À CAGLIARI (SARDAIGNE)

RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES SÉMINARISTES ET

LA COMMUNAUTÉ DE LA FACULTÉ PONTIFICALE DE THÉOLOGIE DE SARDAIGNE DANS LA CATHÉDRALE DE CAGLIARI


Dimanche 7 septembre 2008



Chers frères dans le sacerdoce,
Chers séminaristes et étudiants de théologie,
Chers frères et soeurs!

Je conserve vivante dans mon esprit l'image suggestive de la solennelle célébration eucharistique de ce matin devant la Basilique Notre-Dame de Bonaria. Autour de Marie, Patronne particulière de toute la Sardaigne, se sont donné rendez-vous les communautés paroissiales de toute la région. Et à présent, comme une sorte de prolongement de cette rencontre spirituelle, j'ai la joie de m'entretenir avec vous, chers prêtres, séminaristes, élèves et professeurs de la Faculté pontificale de théologie de Sardaigne, dans cette cathédrale, elle aussi consacrée à la Sainte Vierge Marie. Dans ce temple ancien, rénové et embelli au cours des années par le soin de pasteurs zélés, tout parle de foi: une foi vivante, témoignée par la pieuse conservation des reliques des martyrs de Cagliari, parmi lesquels j'ai plaisir à citer les saints évêques Siridonius, Martin, Nymphé, Hilaire, Fabrice et Juvénal.

Je remercie de tout coeur Mgr Giuseppe Mani, pour le salut qu'il m'a adressé à nouveau au nom de tous les évêques, les prêtres de Cagliari et de la région. En vous rencontrant, chers prêtres ici présents, je pense avec affection et gratitude à vos confrères qui travaillent dans l'île sur un terrain défriché et cultivé avec ardeur apostolique par ceux qui vous ont précédés. Oui! La Sardaigne a connu des prêtres qui, comme d'authentiques maîtres de foi, ont laissé de merveilleux exemples de fidélité au Christ et à l'Eglise. Le même trésor inestimable de foi, de spiritualité et de culture vous est aujourd'hui confié; il est placé entre vos mains, pour que vous en soyez les administrateurs sages et attentifs. Prenez-en soin et conservez-le avec joie et passion évangélique!

Je m'adresse à présent avec une affection paternelle à la communauté du séminaire et de la Faculté de théologie, où un grand nombre d'entre vous ont pu suivre leur formation doctrinale et pastorale, et où actuellement plusieurs jeunes se préparent à leur futur ministère sacerdotal. Je tiens à remercier les éducateurs et les professeurs, qui quotidiennement se consacrent à un travail apostolique aussi important. Accompagner dans leur parcours de formation les candidats à la mission sacerdotale, signifie tout d'abord les aider à se conformer au Christ. Chers formateurs et enseignants, dans cet engagement vous êtes appelés à jouer un rôle irremplaçable, car c'est précisément au cours de ces années que se posent les bases du futur ministère du prêtre. Voilà pourquoi, comme j'ai eu l'occasion de le réaffirmer en plusieurs circonstances, il faut guider les séminaristes vers une expérience personnelle de Dieu à travers la prière personnelle et communautaire quotidienne, et surtout à travers l'Eucharistie, célébrée et ressentie comme le centre de toute leur existence. Dans l'Exhortation post-synodale Pastores dabo vobis, Jean-Paul II a écrit: "La formation intellectuelle théologique et la vie spirituelle, en particulier la vie de prière, s'unissent et se renforcent mutuellement, sans rien ôter ni au sérieux de la recherche ni à la saveur spirituelle de la prière" (n. 53).

Chers séminaristes et élèves de la faculté de théologie, vous savez que la formation théologique - mon prédécesseur le rappelait encore dans l'Exhortation apostolique que je viens de citer - est une oeuvre extrêmement complexe et exigeante. Elle doit vous conduire à posséder une vision "complète et unitaire" des vérités révélées et de leur accueil dans l'expérience de foi de l'Eglise. C'est de là que naît la double exigence de connaître la totalité des vérités chrétiennes, et de connaître ces vérités non comme des vérités séparées l'une de l'autre, mais de manière organique, comme une unité, comme une unique vérité de foi en Dieu, en effectuant "une synthèse qui soit le fruit des apports des différentes disciplines théologiques, dont la spécificité n'acquiert de valeur authentique que dans leur profonde coordination" (ibid., n. 54), qui nous fait voir l'unité de la vérité, l'unité de notre foi. En outre, au cours de ces années, chaque activité et initiative doit vous disposer à communier à la charité du Christ Bon Pasteur. Il vous appelle à être demain des ministres et des témoins: des ministres de sa grâce et des témoins de son amour. A côté de l'étude et des expériences pastorales et apostoliques dont vous pouvez tirer profit, n'oubliez donc pas de mettre au premier plan la recherche constante d'une profonde communion avec le Christ. C'est là, uniquement là, que se trouve le secret de votre véritable succès apostolique.

Chers prêtres, chers aspirants au sacerdoce et à la vie consacrée, Dieu vous veut entièrement à Lui et vous appelle à être des ouvriers dans sa vigne, comme il l'a fait avec tant d'hommes et de femmes au cours de l'histoire chrétienne de votre belle île. Ils ont su répondre avec un "oui" généreux à son appel. Je pense, par exemple, à l'oeuvre évangélisatrice accomplie par les religieux: des franciscains aux mercédaires, des dominicains aux jésuites, des bénédictins à la Congrégation de Saint-Vincent, des salésiens aux scolopes, des frères des écoles chrétiennes au joséphins, de la congrégation de Don Orione à tant d'autres encore. Et comment oublier la grande floraison de vocations religieuses féminines, dont la Sardaigne est une véritable pépinière? Dans tant d'ordres et de congrégations sont présentes des femmes sardes, en particulier dans les monastères de clôture. Sans cette grande "foule de témoins" (cf. He 12,1), il aurait certainement été plus difficile de diffuser l'amour du Christ dans les pays, dans les familles, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les prisons et sur les lieux de travail. Ce patrimoine de bien s'est accumulé grâce à leur dévouement! Sans la semence du christianisme la Sardaigne serait plus fragile et plus pauvre. Avec vous, je rends grâce à Dieu qui ne fait jamais manquer à son peuple des guides et de saints témoins!

Chers frères et soeurs, c'est à vous qu'il revient à présent de poursuivre l'oeuvre de bien accomplie par ceux qui vous ont précédés. En particulier à vous, chers prêtres - et je m'adresse avec affection à tous les prêtres de la Sardaigne - j'exprime l'assurance de ma proximité spirituelle, pour que vous puissiez répondre à l'appel du Seigneur avec une totale fidélité comme l'ont fait certains de vos confrères, récemment encore. Je rappelle don Graziano Muntoni, prêtre du diocèse de Nuoro tué la veille de Noël 1998, alors qu'il se rendait à l'église pour célébrer la Messe, et le Père Battore Carzedda du pime, qui a donné sa vie pour que les croyants de toutes les religions s'ouvrent à un dialogue sincère soutenu par l'amour. Ne soyez pas effrayés ni découragés par les difficultés: le blé et l'ivraie, nous le savons, pousseront ensemble jusqu'à la fin du monde (cf. Mt 13,30). Il est important d'être des grains de bon blé qui, tombés en terre, portent du fruit. Approfondissez la conscience de votre identité: le prêtre, pour l'Eglise et dans l'Eglise, est le signe humble mais réel de l'unique Prêtre éternel qu'est Jésus. Il doit en proclamer la parole de manière faisant autorité, en renouveler les gestes de pardon et d'offrande, en exercer la sollicitude pleine d'amour au service de son troupeau, en communion avec les pasteurs et fidèlement docile aux enseignements du Magistère. Ravivez donc chaque jour le charisme que vous avez reçu avec l'imposition des mains (cf. 2Tm 1,6), en vous identifiant avec Jésus Christ dans sa triple fonction de sanctifier, de faire des disciples et de paître le troupeau. Que la Très Sainte Vierge, Mère de l'Eglise, vous protège et vous accompagne. Quant à moi, je vous bénis tous, avec un souvenir spécial pour les prêtres âgés et malades, et pour les personnes confiées à vos soins pastoraux. Merci de cette rencontre et mes meilleurs voeux pour votre ministère.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE À L'OCCASION DU 150e ANNIVERSAIRE DES APPARITIONS DE LOURDES

(12 - 15 SEPTEMBRE 2008)


ENTRETIEN ACCORDÉ AUX JOURNALISTES AU COURS DU VOL VERS LA FRANCE Vendredi 12 septembre 2008

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QUESTION: "France es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?", avait demandé en 1980 Jean-Paul II lors de son premier voyage. Aujourd’hui, quel sera votre message aux Français ? Pensez-vous qu’à cause de la laïcité, la France soit en train de perdre son identité chrétienne?

BENOÎT XVI: Il me semble évident aujourd’hui que la laïcité en soi n’est pas en contradiction avec la foi. Je dirais même qu’elle est un fruit de la foi parce que la foi chrétienne était, dès le commencement, une religion universelle, donc pas identifiable avec un Etat et présente dans tous les Etats et différente dans les Etats. Pour les chrétiens, il était toujours clair que la religion et la foi n’étaient pas politiques, mais une autre sphère de la vie humaine… La politique, l’Etat, n’étaient pas une religion mais une réalité profane avec une mission spécifique… et les deux doivent être ouverts l’un pour l’égard de l’autre. Dans ce sens, je dirais aujourd’hui, pour les Français, et pas seulement pour les Français ,pour nous chrétiens dans ce monde sécularisé d’aujourd’hui, il est important de vivre avec joie la liberté de notre foi, de vivre la beauté de la foi et de rendre visible dans le monde d’aujourd’hui qu’il est beau d’être croyant, qu’il est beau de connaître Dieu, Dieu avec un visage humain en Jésus-Christ… montrer donc la possibilité d’être un croyant aujourd’hui et même qu’il est nécessaire pour la société d’aujourd’hui qu’il y ait des hommes qui connaissent Dieu et peuvent donc vivre selon les grandes valeurs qu’il nous a données et contribuer à la présence des valeurs qui sont fondamentales pour la construction et pour la survie de nos Etats et de nos sociétés.

Q.: Vous aimez et connaissez la France… qu’est-ce qui vous lie plus particulièrement à ce pays , quels sont les auteurs français laïcs ou chrétiens qui vous ont le plus impressionné ou les souvenirs les plus émouvants que vous conservez de la France ?

BENOÎT XVI: Je n’oserai pas dire que je connais bien la France. Je la connais un peu, mais j’aime la France, la grande culture française, surtout naturellement les grandes cathédrales, et aussi le grand art français… la grande théologie qui commence avec saint Irénée de Lyon jusqu’au 13e siècle et j’ai étudié l’université de Paris au 13e siècle : saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin. Cette théologie a été décisive pour le développement de la théologie en Occident… Et naturellement la théologie du siècle du Concile Vatican II. J’ai eu le grand honneur et la joie d’être ami du père de Lubac, l’une des plus grandes figures du siècle passé, mais j’ai eu aussi des bons contacts de travail avec le père Congar, Jean Daniélou et d’autres.

J’ai eu des relations personnelles très bonnes avec Etienne Gilson, Henri-Irénée Maroux. Donc, j’ai eu réellement un contact très profond, très personnel et enrichissant avec la grande culture théologique et philosophique de la France. Cela a été réellement décisif pour le développement de ma pensée. Mais aussi la redécouverte du grégorien originel avec Solesmes, la grande culture monastique… et naturellement la grande poésie. Etant un homme de baroque, j’aime beaucoup Paul Claudel, avec sa joie de vivre, et aussi Bernanos et les grands poètes de France du siècle passé. C’est donc une culture qui a réellement déterminé mon développement personnel, théologique, philosophique et humain.

Q.: Que dites-vous à ceux qui, en France, craignent que le Motu proprio ‘Summorum pontificum’ marque un retour en arrière sur les grandes intuitions du Concile Vatican II ? Comment pouvez vous les rassurer ?

BENOÎT XVI: C’est une peur infondée parce que ce Motu proprio est simplement un acte de tolérance, dans un but pastoral pour des personnes qui ont été formées dans cette liturgie, l’aiment, la connaissent, et veulent vivre avec cette liturgie. C’est un petit groupe parce que cela suppose une formation en latin, une formation dans une culture certaine. Mais pour ces personnes avoir l’amour et la tolérance de permettre de vivre avec cette liturgie cela me semble une exigence normale de la foi et de la pastorale d’un évêque de notre Eglise.. Il n’y a aucune opposition entre la liturgie renouvelée par le Concile Vatican II et cette liturgie.

Chaque jour (du Concile, ndlr), les pères conciliaires ont célébré la messe selon l’ancien rite et, en même temps, ils ont conçu un développement naturel pour la liturgie dans tout ce siècle car la liturgie est une réalité vivante qui se développe et conserve dans son développement son identité. Il y a donc certainement des accents différents, mais quand même une identité fondamentale qui exclue une contradiction, une opposition entre la liturgie renouvelée et la liturgie précédente. Je pense quand même qu’il y a une possibilité d’un enrichissement des deux parties. D’un côté les amis de l’ancienne liturgie peuvent et doivent connaître les nouveaux saints, les nouvelles préfaces de la liturgie, etc.… d’autre part, la liturgie nouvelle souligne plus la participation commune mais, toujours, n’est pas simplement une assemblée d’une certaine communauté mais toujours un acte de l’Eglise universelle, en communion avec tous les croyants de tous les temps, et un acte d’adoration.

Dans ce sens, il me semble qu’il y a un enrichissement réciproque et c’est clair que la liturgie renouvelée est la liturgie ordinaire de notre temps.

Q.: Avec quel esprit commencez-vous votre pèlerinage vers Lourdes et y êtes vous déjà allé ?

BENOÎT XVI: J’ai été à Lourdes pour le Congrès eucharistique International en 1981, après l’attentat contre le Saint-Père (Jean-Paul II, ndlr). Et le cardinal Gantin était le délégué du Saint-Père. C’est pour moi un très très beau souvenir.

Le jour de la fête de sainte Bernadette est en même temps le jour de ma naissance. De ce fait, déjà, je me sens très proche de cette petite sainte, cette petite fille jeune, pure, humble, avec laquelle a parlé notre Vierge.

Rencontrer cette réalité, cette présence de la Vierge dans notre temps, voir les traces de cette petite fille qui était amie de la Vierge et d’autre part rencontrer la Vierge sa mère est pour moi un événement très important. Naturellement nous n’y allons pas pour trouver des miracles.

Je vais y trouver l’amour de la Mère qui est la vraie guérison pour toutes les maladies, toutes les douleurs et être solidaire avec tous ceux qui souffrent, dans l’amour de la Mère. Cela me semble un signe très important pour notre époque.




CÉRÉMONIE DE BIENVENUE Paris, Palais de L'Élysée Vendredi 12 septembre 2008

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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis !

Foulant le sol de France pour la première fois depuis que la Providence m'a appelé sur le Siège de Pierre, je suis ému et honoré de l’accueil chaleureux que vous me réservez. Je vous suis particulièrement reconnaissant, Monsieur le Président, pour l’invitation cordiale que vous m’avez faite à visiter votre pays ainsi que pour les paroles de bienvenue que vous venez de m’adresser. Comment ne pas me souvenir de la visite que Votre Excellence m'a rendue au Vatican voici neuf mois ? A travers vous, je salue tous ceux et toutes celles qui habitent ce pays à l'histoire millénaire, au présent riche d'événements et à l'avenir prometteur. Qu'ils sachent que la France est très souvent au coeur de la prière du Pape, qui ne peut oublier tout ce qu'elle a apporté à l'Église au cours des vingt derniers siècles ! La raison première de mon voyage est la célébration du 150e anniversaire des apparitions de la Vierge Marie, à Lourdes. Je désire me joindre à la foule des innombrables pèlerins du monde entier, qui convergent au cours de cette année vers le sanctuaire marial, animés par la foi et par l’amour. C'est une foi, c’est un amour que je viens célébrer ici dans votre pays, au cours des quatre journées de grâce qu'il me sera donné d'y passer.

Mon pèlerinage à Lourdes devait comporter une étape à Paris. Votre capitale m'est familière et je la connais assez bien. J'y ai souvent séjourné et j'y ai lié, au fil des ans, en raison de mes études et de mes fonctions antérieures, de bonnes amitiés humaines et intellectuelles. J'y reviens avec joie, heureux de l’occasion qui m'est ainsi donnée de rendre hommage à l'imposant patrimoine de culture et de foi qui a façonné votre pays de manière éclatante durant des siècles et qui a offert au monde de grandes figures de serviteurs de la Nation et de l'Église dont l'enseignement et l'exemple ont franchi tout naturellement vos frontières géographiques et nationales pour marquer le devenir du monde. Lors de votre visite à Rome, Monsieur le Président, vous avez rappelé que les racines de la France - comme celles de l'Europe - sont chrétiennes. L'Histoire suffit à le montrer : dès ses origines, votre pays a reçu le message de l'Évangile. Si les documents font parfois défaut, il n'en reste pas moins que l'existence de communautés chrétiennes est attestée en Gaule à une date très ancienne : on ne peut rappeler sans émotion que la ville de Lyon avait déjà un évêque au milieu du IIe siècle et que saint Irénée, l'auteur de l'Adversus haereses, y donna un témoignage éloquent de la vigueur de la pensée chrétienne. Or, saint Irénée venait de Smyrne pour prêcher la foi au Christ ressuscité. Lyon avait un évêque dont la langue maternelle était le grec : y a-t-il plus beau signe de la nature et de la destination universelles du message chrétien ? Implantée à haute époque dans votre pays, l'Église y a joué un rôle civilisateur auquel il me plaît de rendre hommage en ce lieu. Vous y avez-vous-même fait allusion dans votre discours au Palais du Latran en décembre dernier et de nouveau aujourd’hui. Transmission de la culture antique par le biais des moines, professeurs ou copistes, formation des coeurs et des esprits à l'amour du pauvre, aide aux plus démunis par la fondation de nombreuses congrégations religieuses, la contribution des chrétiens à la mise en place des institutions de la Gaule, puis de la France, est trop connue pour que je m'y attarde longtemps. Les milliers de chapelles, d'églises, d'abbayes et de cathédrales qui ornent le coeur de vos villes ou la solitude de vos campagnes disent assez combien vos pères dans la foi ont voulu honorer Celui qui leur avait donné la vie et qui nous maintient dans l'existence.

De nombreuses personnes en France se sont arrêtées pour réfléchir sur les rapports de l'Église et de l'État. Sur le problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ même avait déjà offert le principe d’une juste solution lorsqu'il répondit à une question qu'on Lui posait : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (
Mc 12,17). L’Église en France jouit actuellement d’un régime de liberté. La méfiance du passé s'est transformée peu à peu en un dialogue serein et positif, qui se consolide toujours plus. Un nouvel instrument de dialogue existe depuis 2002 et j'ai grande confiance en son travail, car la bonne volonté est réciproque. Nous savons que restent encore ouverts certains terrains de dialogue qu'il nous faudra parcourir et assainir peu à peu avec détermination et patience. Vous avez d'ailleurs utilisé, Monsieur le Président, la belle expression de «laïcité positive» pour qualifier cette compréhension plus ouverte. En ce moment historique où les cultures s’entrecroisent de plus en plus, je suis profondément convaincu qu’une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l’importance de la laïcité est devenue nécessaire. Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’État envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société.

Le Pape, témoin d'un Dieu aimant et Sauveur, s'efforce d'être un semeur de charité et d'espérance. Toute société humaine a besoin d'espérance, et cette nécessité est encore plus forte dans le monde d’aujourd’hui qui offre peu d'aspirations spirituelles et peu de certitudes matérielles. Les jeunes sont ma préoccupation majeure. Certains d’entre eux peinent à trouver une orientation qui leur convienne ou souffrent d’une perte de repères dans leur famille. D’autres encore expérimentent les limites d’un communautarisme religieux. Parfois marginalisés et souvent abandonnés à eux-mêmes, ils sont fragiles et ils doivent affronter seuls une réalité qui les dépasse. Il est donc nécessaire de leur offrir un bon cadre éducatif et de les encourager à respecter et à aider les autres, afin qu’ils arrivent sereinement à l'âge responsable. L'Église peut apporter dans ce domaine sa contribution spécifique. La situation sociale occidentale, hélas marquée par une avancée sournoise de la distance entre les riches et les pauvres, me soucie aussi. Je suis certain qu'il est possible de trouver de justes solutions qui, dépassant l'aide immédiate nécessaire, iront au coeur des problèmes afin de protéger les faibles et de promouvoir leur dignité. À travers ses nombreuses institutions et par ses activités, l'Église, tout comme de nombreuses associations dans votre pays, tente souvent de parer à l'immédiat, mais c'est à l'État qu'il revient de légiférer pour éradiquer les injustices. Dans un cadre beaucoup plus large, Monsieur le Président, l'état de notre planète me préoccupe aussi. Avec grande générosité, Dieu nous a confié le monde qu'il a créé. Il faudra apprendre à le respecter et à le protéger davantage. Il me semble qu'est arrivé le moment de faire des propositions plus constructives pour garantir le bien des générations futures.

L'exercice de la Présidence de l'Union Européenne est l'occasion pour votre pays de témoigner de l'attachement de la France aux droits de l'homme et à leur promotion pour le bien de l'individu et de la société. Lorsque l'Européen verra et expérimentera personnellement que les droits inaliénables de la personne humaine, depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle, ainsi que ceux relatifs à son éducation libre, à sa vie familiale, à son travail, sans oublier naturellement ses droits religieux, lorsque donc cet Européen saisira que ces droits, qui constituent un tout indissociable, sont promus et respectés, alors il comprendra pleinement la grandeur de la construction de l'Union et en deviendra un artisan actif. La charge qui vous incombe, Monsieur le Président, n'est pas facile. Les temps sont incertains, et c'est une entreprise ardue de trouver la bonne voie parmi les méandres du quotidien social et économique, national et international. En particulier, devant le danger de l’émergence d’anciennes méfiances, de tensions et d’oppositions entre les Nations, dont nous sommes aujourd’hui les témoins préoccupés, la France, historiquement sensible à la réconciliation des peuples, est appelée à aider l’Europe à construire la paix dans ses frontières et dans le monde entier. À cet égard, il est important de promouvoir une unité qui ne peut pas et ne veut pas être une uniformité, mais qui est capable de garantir le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne, en rappelant d’autre part que « l’identité nationale elle-même ne se réalise que dans l’ouverture aux autres peuples et à travers la solidarité envers eux » (Exhortation apostolique Ecclesia in Europa, n. 112). J’exprime ma confiance que votre pays contribuera toujours plus à faire progresser ce siècle vers la sérénité, l'harmonie et la paix.

Monsieur le Président, chers amis, je désire une fois encore vous exprimer ma gratitude pour cette rencontre. Je vous assure de ma fervente prière pour votre belle Nation afin que Dieu lui concède paix et prospérité, liberté et unité, égalité et fraternité. Je confie ces voeux à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, patronne principale de la France. Que Dieu bénisse la France et tous les Français !





Discours 2005-2013 734