Discours 2005-2013 827

A UNE DÉLÉGATION OECUMÉNIQUE DE FINLANDE À L'OCCASION DE LA FÊTE DEI SAINT HENRIK Lundi 19 janvier 2009

Chers amis de Finlande,

C'est avec une grande joie que je vous souhaite à tous la bienvenue, à l'occasion de votre visite annuelle à Rome pour la fête de votre patron, saint Henrik, et je remercie l'évêque Gustav Björkstrand pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en votre nom.

Ces pèlerinages sont l'occasion d'une prière, d'une réflexion et d'un dialogue communs au service de notre recherche de la pleine communion. Votre visite a lieu au cours de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, dont le thème est tiré cette année du Livre d'Ezéchiel: "Qu'ils ne fassent qu'un dans ta main" (37, 15-23). La vision du prophète est celle de deux morceaux de bois, qui symbolisent les deux Royaumes en lesquels le peuple de Dieu a été divisé, et qui sont réunis à nouveau en un seul (Ez 37,15-23). Dans le contexte de l'oecuménisme, cela nous parle de Dieu, qui nous pousse constamment vers une unité plus profonde dans le Christ, en nous renouvelant et en nous libérant de nos divisions.

La commission pour le dialogue luthérien-catholique en Finlande et en Suède continue de se pencher sur la Déclaration commune sur la Justification. Cette année, nous célébrons le dixième anniversaire de cette importante déclaration, et la Commission étudie à présent ses implications et ses possibilités d'accueil. A travers le thème Justification dans la vie de l'Eglise, le dialogue prend toujours plus en compte la nature de l'Eglise en tant que signe et instrument du salut apporté par Jésus Christ, et pas simplement comme une simple assemblée de croyants ou une institution ayant diverses fonctions.

828 Votre pèlerinage à Rome a lieu en l'année paulinienne - le deux millième anniversaire de la naissance de l'Apôtre des nations, dont la vie et les enseignements ont été inlassablement consacrés à l'unité de l'Eglise. Saint Paul nous rappelle la grâce merveilleuse que nous avons reçue en devenant membres du corps du Christ à travers le baptême (cf. 1Co 12,12-31). L'Eglise est ce Corps mystique du Christ, et elle est continuellement guidée par l'Esprit Saint; l'Eprit du Père et du Fils. Ce n'est que sur la base de cette réalité d'incarnation que le caractère sacramentel de l'Eglise en tant que communion dans le Christ peut être compris. Un consensus sur les profondes implications christologiques et pneumatologiques du mystère de l'Eglise serait une base très prometteuse pour le travail de la Commission.

Nous apprenons également de Paul que l'unité que nous recherchons n'est rien d'autre que la manifestation de notre pleine incorporation au Corps du Christ, car "vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ... car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,27-28). Chers amis, à cette fin, je forme le voeu fervent que votre visite à Rome renforce encore plus les relations oecuméniques entre luthériens et catholiques en Finlande, qui sont si positives depuis plusieurs années. Ensemble, rendons grâces à Dieu pour tout ce qui a été accompli jusqu'à ce jour dans les relations entre catholiques et luthériens, et prions pour que l'Esprit de vérité nous guide vers une unité toujours plus grande au service de l'Evangile.

Avec ces sentiments d'affection dans le Seigneur, et au début de cette nouvelle année, j'invoque sur vous et sur vos familles les dons de joie et de paix de Dieu.


À SA BÉATITUDE IGNACE JOSEPH III YOUNAN, PATRIARCHE D'ANTIOCHE DES SYRIENS Vendredi 23 janvier 2009



Éminence,
Béatitudes,
Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je vous accueille avec joie et j’adresse à chacun de vous mes souhaits chaleureux de bienvenue, rendant grâce à Notre Seigneur Jésus Christ au terme du Synode de l’Église d’Antioche des Syriens qui a élu son nouveau Patriarche.

Mon salut très fraternel s’adresse d’abord au Patriarche Ignace Youssif Younan, qui vient d’être élu, invoquant sur lui l’abondance des bénédictions divines. Que le Seigneur accorde à Votre Béatitude « la grâce de l’apostolat » pour pouvoir servir l’Église et glorifier son Saint Nom devant le monde.

Je salue son Éminence Monsieur le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Églises Orientales, auquel j’avais confié la présidence de votre Synode et je le remercie vivement.

Je salue également Sa Béatitude, le Cardinal Ignace Moussa Daoud, Préfet émérite de la Congrégation pour les Églises orientales, et Sa Béatitude Ignace Pierre Abdel Ahad, Patriarche émérite, ainsi que vous tous, venus à Rome pour accomplir l’acte le plus éminent de la responsabilité synodale.

829 Depuis les origines du christianisme, les Apôtres Pierre et Paul furent intimement liés à Antioche, où pour la première fois les disciples de Jésus reçurent le nom de chrétiens (Ac 11,26). Nous ne pouvons pas oublier vos illustres Pères dans la foi. En premier lieu saint Ignace, Évêque d’Antioche, dont, par tradition, les Patriarches syro-antiochiens prennent le nom au moment où ils acceptent l’office patriarcal ; et Saint Éphrem, communément appelé le Syrien, dont la lumière spirituelle continue à illuminer vivement l’Église universelle. Avec eux, d’autres grands saints, fils et pasteurs de votre Église, ont admirablement illustré le mystère du salut et cela plus d’une fois, par l’éloquence sublime du martyre.

De cet héritage, le nouveau Patriarche est le premier gardien ; cependant, chacun devra, en tant que frère et membre du Synode, contribuer lui aussi à cette charge dans un esprit d’authentique collégialité épiscopale. Je remets entre les mains du nouveau Patriarche et de l’Épiscopat syro-catholique d’abord et avant tout la tâche de l’unité entre les pasteurs et au sein des communautés ecclésiales.

Béatitude,

En cette heureuse circonstance, vous avez, conformément aux sacrés canons, demandé l’ecclesiastica communio, que je vous ai bien volontiers accordée, remplissant un aspect du service pétrinien qui m’est particulièrement cher. La communion avec l’Évêque de Rome, successeur du Bienheureux Apôtre Pierre, établi par le Seigneur lui-même comme fondement visible de l’unité dans la foi et dans la charité, est la garantie du lien avec le Christ Pasteur et insert les Églises particulières dans le mystère de l’Église une, sainte, catholique et apostolique.

Votre Béatitude est née et a grandi en Syrie et Elle connaît bien le Moyen Orient, berceau de l’Église Syro-catholique. Cependant, Vous avez accompli votre service épiscopal en Amérique en tant que premier Évêque de l’Éparchie « Our Lady of Deliverance in Newark » pour les fidèles syriens résidents aux États-Unis et au Canada, assumant aussi la charge de Visiteur apostolique en Amérique centrale. La diaspora orientale a donc contribué à offrir à l’Église syrienne son nouveau Patriarche. Ainsi, les liens deviendront-ils encore plus étroits avec la Mère-patrie, que tant d’orientaux ont du laisser pour rechercher de meilleures conditions de vie. Mon désir est qu’en Orient, d’où est venue l’annonce de l’Évangile, les communautés chrétiennes continuent à vivre et à témoigner de leur foi, comme elles l’ont fait au cours des siècles, tout en souhaitant dans le même temps que soient donnés les soins pastoraux adéquats à tous ceux qui sont établis ailleurs, afin qu’ils puissent demeurer liés de façon fructueuse à leurs racines religieuses. Je demande l’aide du Seigneur pour chaque communauté orientale afin que, où qu’elle se trouve, elle sache s’intégrer dans son nouveau contexte social et ecclésial, sans perdre son identité propre et en portant l’empreinte de la spiritualité orientale, de sorte qu’en utilisant « les mots de l’Orient et de l’Occident » l’Église parle efficacement du Christ à l’homme contemporain. De cette manière, les chrétiens affronteront les défis les plus urgents de l’humanité, ils édifieront la paix et la solidarité universelle et témoigneront de la « grande espérance » dont ils sont les infatigables porteurs.

Je formule pour Votre Béatitude et pour l’Église Syro-catholique des voeux fervents et joyeux.

Je prie le Prince de la Paix pour qu’il Vous soutienne en tant que « Caput et Pastor », ainsi que tous vos frères et vos fils, pour que vous soyez des semeurs de paix d’abord en Terre Sainte, en Iraq et au Liban, où l’Église syrienne a une présence historique si appréciée.

Vous confiant tous à la Très Sainte Mère de Dieu, j’accorde de grand coeur au nouveau Patriarche et à chacun de vous, ainsi qu’aux communautés que vous représentez, la Bénédiction apostolique.


AUX ÉVÊQUES DE L'ÉGLISE CHALDÉENNE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Samedi 24 janvier 2009


Béatitude,
Chers Frères dans l’Épiscopat,

830 Alors que vous accomplissez votre visite ad limina Apostolorum, c’est avec grande joie que je vous accueille, vous qui êtes les Pasteurs de l’Église chaldéenne, avec votre Patriarche, Sa Béatitude le Cardinal Emmanuel III Delly, que je remercie pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Cette visite est un moment important puisqu’elle permet de consolider les liens de foi et de communion avec l’Église de Rome et avec le Successeur de Pierre. Elle me donne aussi l’occasion de vous saluer très chaleureusement ainsi que, par votre intermédiaire, tous les fidèles de votre vénérable Église patriarcale, et de vous assurer de ma prière ardente et de ma proximité spirituelle, en ces moments difficiles que connaît encore votre région et particulièrement l’Irak.

Permettez-moi de rappeler ici avec émotion le souvenir des victimes de la violence en Irak au cours de ces dernières années. Je pense à Mgr Paul Faraj Rahho, Archevêque de Mossoul, au Père Ragheed Aziz Ganni, et à tant d’autres prêtres et fidèles de votre Église patriarcale. Leur sacrifice est le signe de leur amour de l’Église et de leur pays. Je prie Dieu pour que les hommes et les femmes épris de paix dans cette région bien-aimée mettent en commun leurs forces pour faire cesser la violence et pour permettre ainsi à tous de vivre dans la sécurité et dans la concorde mutuelle ! Dans ce contexte, c’est avec émotion que je reçois le don de la chape utilisée par Mgr Faraj Rahho dans les célébrations quotidiennes de la messe et l’étole utilisée par le Père Ragheed Aziz Ganni. Ce don parle de leur amour suprême pour le Christ et pour l’Église.

L’Église chaldéenne, dont les origines remontent aux premiers siècles de l’ère chrétienne, a une longue et vénérable tradition qui exprime son enracinement dans les régions d’Orient, où elle est présente depuis ses origines, ainsi que son apport irremplaçable à l’Église universelle, notamment par ses théologiens et ses maîtres spirituels. Son histoire montre aussi combien elle a toujours participé de manière active et féconde à la vie de vos nations. Aujourd’hui l’Église chaldéenne, qui a une place importante parmi les différentes composantes de vos pays doit poursuivre cette mission au service de leur développement humain et spirituel. Pour cela, il est nécessaire de promouvoir un haut niveau culturel des fidèles, particulièrement des jeunes. Une bonne formation dans les divers champs du savoir, aussi bien religieux que profanes, est un investissement précieux pour l’avenir.

En entretenant des relations cordiales avec les membres des autres communautés, l’Église chaldéenne est appelée à jouer un rôle essentiel de modération en vue de la construction d’une société nouvelle où chacun pourra vivre dans la concorde et dans le respect mutuel. Je sais que depuis toujours la cohabitation entre la communauté musulmane et la communauté chrétienne a connu des aléas. Les chrétiens, qui habitent l’Irak depuis toujours, en sont pleinement citoyens avec les droits et les devoirs de tous, sans distinction de religion. Je désire apporter mon soutien aux efforts de compréhension et de bonnes relations que vous avez choisis comme route commune pour vivre sur une même terre sacrée pour tous.

Pour accomplir sa mission, l’Église a besoin d’affermir ses liens de communion avec son Seigneur qui la rassemble et qui l’envoie parmi les hommes. Cette communion doit d’abord se vivre dans l’Église, pour que son témoignage soit crédible, ainsi que l’affirme Jésus lui-même : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (
Jn 17,21). Pour cela, que la Parole de Dieu soit toujours au coeur de vos projets et de votre action pastorale ! C’est sur la fidélité à cette Parole que se construit l’unité entre tous les fidèles, en communion avec leurs Pasteurs. Dans cette perspective, les orientations du Concile Vatican II sur la liturgie donneront aussi à tous la possibilité d’accueillir avec toujours plus de fruits les dons faits par le Seigneur à son Église dans la liturgie et les sacrements.

Par ailleurs, dans votre Église patriarcale, l’Assemblée synodale est une richesse indéniable qui doit être un instrument privilégié pour contribuer à rendre plus solides et plus efficaces les liens de communion et vivre la charité interépiscopale. Elle est le lieu où se réalise effectivement la coresponsabilité grâce à une authentique collaboration entre ses membres et à des rencontres régulières bien préparées qui permettent d’élaborer des orientations pastorales communes. Je demande à l’Esprit Saint de faire grandir toujours plus parmi vous l’unité et la confiance mutuelle pour que le service pastoral dont vous avez la charge se réalise pleinement pour le plus grand bien de l’Église et de ses membres. D’autre part, notamment en Irak, l’Église chaldéenne, qui est majoritaire, a une responsabilité particulière pour promouvoir la communion et l’unité du Corps mystique du Christ. Je vous encourage à poursuivre vos rencontres avec les Pasteurs des diverses Églises sui juris et aussi avec les responsables des autres Églises chrétiennes, pour donner une impulsion à l’oecuménisme.

Dans chaque éparchie, les diverses structures pastorales, administratives et économiques prévues par le droit sont aussi pour vous des aides précieuses pour réaliser effectivement la communion au sein des communautés et favoriser les collaborations.

Parmi les urgences auxquelles vous devez faire face, se trouve la situation des fidèles affrontés à la violence quotidienne. Je salue leur courage et leur persévérance face aux épreuves et aux menaces dont ils sont l’objet, particulièrement en Irak. Le témoignage qu’ils rendent à l’Évangile est un signe éloquent de la vivacité de leur foi et de la force de leur espérance. Je vous encourage vivement à soutenir les fidèles pour surmonter les difficultés actuelles et affirmer leur présence, en faisant appel notamment aux Autorités responsables pour la reconnaissance de leurs droits humains et civils, les incitant aussi à aimer la terre de leurs ancêtres à laquelle ils demeurent profondément attachés.

Le nombre des fidèles de la diaspora n’a cessé de grandir, notamment à la suite des récents événements. Je remercie tous ceux qui, dans divers pays, participent à un accueil fraternel des personnes qui, pour un temps, ont malheureusement dû quitter l’Irak. Il serait bon que les fidèles chaldéens qui vivent en dehors des frontières nationales, maintiennent et intensifient leurs liens avec leur Patriarcat, afin qu’ils ne soient pas coupés de leur centre d’unité. Il est indispensable que les fidèles gardent leur identité culturelle et religieuse et que les plus jeunes découvrent et apprécient la richesse du patrimoine de leur Église patriarcale. Dans cette perspective, l’assistance spirituelle et morale dont les fidèles répandus dans le monde ont besoin, doit être soigneusement prise en considération par les Pasteurs, en relation fraternelle avec les Évêques des Églises locales où ils se trouvent. Ils seront encore attentifs à ce que les futurs prêtres, formés aussi dans la diaspora, apprécient et consolident les liens avec leur Église patriarcale.

Je voudrais enfin saluer affectueusement les prêtres, les diacres, les séminaristes, les religieux et les religieuses et toutes les personnes qui portent avec vous le souci de l’annonce de l’Évangile. Que, sous votre conduite paternelle, tous donnent un témoignage vivant de leur unité et de la fraternité qui les rassemblent ! Je connais leur attachement à l’Église et leur zèle apostolique. Je les invite à développer toujours plus leur attachement au Christ et à poursuivre courageusement leur engagement au service de l’Église et de sa mission. Soyez pour vos prêtres des pères, des frères et des amis, en apportant notamment un soin particulier à leur donner une formation initiale et permanente solide et aussi en les invitant, par votre parole et par votre exemple, à demeurer proches des personnes dans le besoin ou en difficulté, des malades, des souffrants.

Le témoignage de charité désintéressée de l’Église à l’égard de tous ceux qui sont dans le besoin, sans distinction d’origine ou de religion, ne peut que stimuler l’expression de la solidarité de toutes les personnes de bonne volonté. Aussi, est-il important de développer les oeuvres de charité, afin que le plus grand nombre de fidèles puisse s’engager concrètement dans le service des plus pauvres. Je sais qu’en Irak, malgré les terribles moments que vous avez traversés et que vous vivez encore, se sont développées de petites oeuvres d’une extraordinaire charité, qui font honneur à Dieu, à l’Église et au peuple irakien.

831 Béatitude, chers Frères dans l’Épiscopat, je vous souhaite de poursuivre avec courage et espérance votre mission au service du peuple de Dieu dont vous avez reçu la charge. La prière et l’aide de vos frères dans la foi et de nombreux hommes de bonne volonté à travers le monde vous accompagnent pour que le visage d’amour de Dieu puisse continuer de briller sur le peuple irakien qui connaît tant de souffrances. Aux yeux du croyant, celles-ci, unies au sacrifice du Christ deviennent des éléments d’union et d’espérance. De même le sang des martyrs de cette terre est une intercession éloquente devant Dieu. Portez à vos diocésains le salut et les encouragements affectueux du Successeur de Pierre. Confiant chacun de vous à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, Mère de l’espérance, je vous adresse de grand coeur une particulière Bénédiction apostolique ainsi qu’aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles de l’Église chaldéenne.

Au Vatican, le 24 janvier 2009.


À S.E. M. STANISLAS LEFEBVRE DE LABOULAYE, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Lundi 26 janvier 2009


Monsieur l’Ambassadeur,

Je suis heureux d'accueillir Votre Excellence en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres qui L'accréditent en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française près le Saint-Siège. En premier lieu, je vous saurai gré de bien vouloir exprimer mes salutations à Son Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy, Président la République française, et lui transmettre les voeux cordiaux que je forme pour sa personne, pour son action au service de votre pays ainsi que pour l’ensemble du peuple français.

Ma joie est encore vive d’avoir pu, l’année dernière, me rendre à Paris et à Lourdes pour célébrer le 150ème anniversaire des apparitions de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous. Je désire renouveler mes remerciements à Monsieur le Président de la République pour son invitation ainsi qu’aux autorités politiques, civiles et militaires qui ont permis la pleine réussite de ce déplacement. Ma gratitude va aussi aux Pasteurs et aux fidèles catholiques qui ont rendu possible ces grands rassemblements, témoignant de la capacité de la foi à tenir paisiblement ouvert l’espace d’intériorité qui existe en l’homme et à réunir fraternellement et joyeusement de grandes foules composées d’hommes et de femmes si divers.

Ces moments ont montré, si besoin était, que la Communauté catholique est au nombre des forces vives de votre pays. Les fidèles ont bien entendu et accueilli avec intérêt et satisfaction les propos de votre Président soulignant que l’apport des grandes familles spirituelles constituait pour la vie de la Nation une « grande richesse » dont il serait « folie » de se passer. L’Église est disposée à répondre à cette invitation et disponible pour oeuvrer en vue du bien commun.

L’année qui vient verra se dérouler en France un grand débat relatif à la bioéthique. Je me réjouis déjà que la mission parlementaire sur les questions relatives à la fin de vie ait rendu des conclusions sages et pleines d’humanité en proposant de renforcer les efforts pour permettre de mieux accompagner les malades. Je souhaite que cette même sagesse qui reconnaît le caractère intangible de toute vie humaine puisse être à l’oeuvre lors de la révision des lois de la bioéthique. Les pasteurs de l’Église de France ont abondamment travaillé et sont disposés à offrir une contribution de qualité au débat public qui va s’engager. Tout récemment, le Magistère de l’Église a voulu, pour sa part, à travers le document Dignitas Personae publié par la Congrégation pour la Doctrine de la foi, souligner combien les puissantes avancées scientifiques doivent toujours être guidées par le souci de servir le bien et la dignité inaliénable de l’homme.

Comme partout dans le monde, le gouvernement de votre pays doit aujourd’hui faire face à la crise économique : je souhaite que les mesures qui sont envisagées aient particulièrement à coeur de favoriser la cohésion sociale, de protéger les populations les plus fragiles et surtout de redonner au plus grand nombre la capacité et l’opportunité de devenir des acteurs d’une économie véritablement créatrice de services et de vraies richesses. Ces difficultés sont une pénible source d’inquiétudes et de souffrances pour beaucoup, mais elles sont également une opportunité pour assainir les mécanismes financiers, pour faire progresser le fonctionnement de l’économie vers un souci plus grand de l’homme et pour réduire les formes anciennes et nouvelles de pauvreté (cf. Discours à l’Élysée, 12 septembre 2008).

Le désir de l’Église est de rendre témoignage au Christ en se mettant au service de tout homme. Je me réjouis, pour cette raison, de l’accord que vous avez-vous-même à l’instant mentionné et qui vient d’être signé entre la France et le Saint-Siège sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Universités pontificales et les Instituts catholiques. Cet accord, qui s’inscrit dans le cadre du processus de Bologne, profitera à de nombreux étudiants français et étrangers. Il met en valeur la contribution forte, en particulier dans le domaine de l’éducation, de l’Église qui manifeste un souci pour la formation de la jeunesse afin que celle-ci acquière les compétences techniques appropriées pour exercer dans l’avenir ses capacités, et reçoive aussi une formation qui éveille à la vigilance pour affronter la dimension éthique de toute responsabilité.

Il y a peu, les autorités françaises ont une nouvelle fois manifesté leur forte volonté de se doter de mécanismes de discussion et de représentation des cultes. À cet égard, lors de mon voyage en France, j’ai pu me féliciter de la place prise par l’instance officielle de dialogue entre le gouvernement français et l’Église catholique. Je connais, par ailleurs, le souci permanent des Évêques de France de réunir les conditions d’un dialogue paisible et permanent avec toutes les communautés religieuses et toutes les familles de pensée. Je les remercie de veiller ainsi à assurer les bases d’un dialogue interculturel et interreligieux où les différentes communautés religieuses aient l’opportunité de montrer qu’elles sont facteurs de paix. En effet, comme j’ai voulu le souligner à la tribune de l’ONU, en reconnaissant la valeur transcendante de tout être humain, loin de dresser les hommes les uns contre les autres, elles favorisent la conversion du coeur « qui conduit alors à un engagement contre la violence, le terrorisme ou la guerre, et à la promotion de la justice et de la paix » (18 avril 2008).

832 À cet égard, vous avez évoqué, Monsieur l’Ambassadeur, les nombreuses crises qui marquent aujourd’hui la scène internationale. Il est bien connu – et j’ai eu l’occasion de le rappeler dans mon récent discours au Corps diplomatique – que le Saint-Siège suit avec une préoccupation constante les situations de conflits et les cas de violation des droits humains, mais il ne doute pas que la communauté internationale, dans laquelle la France joue un grand rôle, puisse apporter une contribution toujours plus juste et efficace en faveur de la paix et de la concorde entre les nations et pour le développement de chaque pays.

Je voudrais saisir l’occasion de notre rencontre pour saluer chaleureusement, par votre intermédiaire, les communautés de fidèles catholiques qui vivent en France. Je sais que leur joie sera grande, cette année, de voir canoniser la Bienheureuse Jeanne Jugan, fondatrice de la Congrégation des Petites Soeurs des pauvres. Beaucoup de français sont en effet redevables du témoignage humble et solide de charité livré par les religieuses qui ont suivi ses pas pour servir en particulier les personnes pauvres et âgées. Cet événement manifestera, une nouvelle fois, combien la foi vive est prodigue d’oeuvres bonnes et combien la sainteté est un baume bienfaisant sur les plaies de l’humanité.

Au moment où vous inaugurez votre noble mission de représentation auprès du Saint-Siège, je désire honorer la mémoire de votre prédécesseur, son Excellence M. Bernard Kessedjian, en saluant les qualités humaines qu’il a déployées dans sa mission au service des relations entre la France et le Saint-Siège. Avec reconnaissance, je le confie, ainsi que ses proches, à la tendresse du Seigneur.

Monsieur l’Ambassadeur, je vous adresse mes voeux les meilleurs pour l’heureux accomplissement de votre propre mission. Soyez certain que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs l’accueil et la compréhension dont vous pourrez avoir besoin. Sur Votre Excellence, sur sa famille et sur ses collaborateurs, ainsi que sur tout le peuple français et ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.


AUX ÉVÊQUES DE RUSSIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Jeudi 29 janvier 2009


Chers et vénérés frères!

Dans le contexte de l'Année paulinienne, que nous sommes en train de célébrer, je suis particulièrement heureux de vous accueillir et je vous salue avec joie en reprenant les paroles de l'apôtre: "Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur" (1Co 1,3). Vous êtes venus à Rome pour vénérer les lieux sacrés où saint Pierre et saint Paul ont scellé leur existence au service de l'Evangile par le martyre, et telle est précisément la première signification de la visite ad limina Apostolorum. Successeurs des apôtres, vous rencontrez le Successeur de Pierre, en mettant en lumière la communion qui vous lie à lui. La communion avec l'Evêque de Rome, garant de l'unité ecclésiale, permet aux communautés confiées à vos soins pastoraux, bien que minoritaires, de se sentir cum Petro et sub Petro, une partie vivante du Corps du Christ étendu sur toute la terre. L'unité, qui est un don du Christ, croît et se développe en effet dans les situations concrètes des différentes Eglises locales. A cet égard, le Concile Vatican II rappelle que "les évêques sont, chacun pour sa part, le principe et le fondement de l'unité dans leurs Eglises particulières: celles-ci sont formées à l'image de l'Eglise universelle, c'est en elles et à partir d'elles qu'existe l'Eglise catholique une et unique" (Const. Lumen gentium LG 23). A vous, pasteurs de l'Eglise qui vit en Russie, le Successeur de Pierre renouvelle l'expression de sa sollicitude et de sa proximité spirituelle, avec l'encouragement à poursuivre unis votre activité pastorale, en bénéficiant également de l'expérience de l'Eglise universelle.

J'ai écouté avec un grand intérêt ce que vous m'avez rapporté à propos de vos communautés, qui vivent un processus de maturation et qui approfondissent ensemble leur "visage" d'Eglise catholique locale. C'est également à cela, du reste, que tend votre effort d'inculturation de la foi. J'exprime volontiers ma satisfaction pour l'engagement avec lequel vous promouvez la participation à la liturgie sacramentelle, à la catéchèse, à la formation sacerdotale et à la préparation d'un laïcat mûr et responsable, qui soit un ferment évangélique dans les familles et dans la société civile. Malheureusement, en Russie aussi, comme dans d'autres parties du monde, on note la crise de la famille et la baisse démographique qui s'ensuit, ainsi que les autres problématiques qui touchent la société contemporaine. Comme on le sait, ces problématiques préoccupent également les autorités civiles, avec lesquelles il est donc opportun de poursuivre une collaboration pour le bien de tous. Dans ce contexte, votre attention se tourne à juste titre en particulier vers les jeunes, auxquels la communauté catholique russe, fidèle à la "mémoire" de ses propres témoins et martyrs et en utilisant des instruments et des langages adaptés, est appelée à transmettre de manière authentique le patrimoine de sainteté et de fidélité au Christ, et les valeurs humaines et spirituelles qui sont à la base d'une promotion humaine et évangélique efficace.

Chers frères dans l'épiscopat, les préoccupations que vous affrontez quotidiennement étant nombreuses, je vous exhorte à ne pas vous décourager si les réalités ecclésiales vous semblent parfois modestes, et les résultats pastoraux que vous obtenez ne semblent pas à la hauteur des efforts déployés. Nourrissez plutôt en vous et chez vos collaborateurs un authentique esprit de foi, dans la conscience évangélique que Jésus Christ, avec la grâce de son Esprit, ne manquera pas de rendre votre ministère fécond pour la gloire du Père, selon les temps et les modalités que Lui seul connaît. Continuez à promouvoir et à soigner, avec un engagement et une attention constantes, vos vocations sacerdotales et religieuses: la pastorale des vocations est particulièrement nécessaire à notre époque. Ayez soin de former des prêtres avec la même sollicitude que saint Paul envers son disciple Timothée, pour qu'ils soient d'authentiques "hommes de Dieu" (cf. 1Tm 6,11). Soyez des pères et des modèles pour eux dans le service à vos frères; encouragez leur fraternité, leur amitié et leur collaboration; soutenez-les dans la formation permanente doctrinale et spirituelle. Priez pour les prêtres et avec eux, en sachant que seul celui qui vit du Christ et en Christ peut en être le fidèle ministre et témoin. Ayez également à coeur la formation des personnes consacrées et la croissance spirituelle des fidèles laïcs, afin qu'ils sentent leur vie comme une réponse à l'appel universel à la sainteté, qui doit s'exprimer dans un témoignage évangélique cohérent en chaque circonstance quotidienne.

Vous vivez dans un contexte ecclésial particulier, c'est-à-dire dans un pays dont la majorité de la population est marquée par une tradition orthodoxe millénaire, avec un riche patrimoine religieux et culturel. Il est essentiel de tenir compte de la nécessité d'un engagement renouvelé dans le dialogue avec nos frères et soeurs orthodoxes; nous savons que ce dialogue, malgré les progrès accomplis, connaît encore quelques difficultés. Au cours de ces journées, je me sens spirituellement proche de nos chers frères et soeurs de l'Eglise orthodoxe russe, qui se réjouissent de l'élection du métropolite Cyrille comme nouveau patriarche de Moscou et de toutes les Russies: je lui présente mes voeux les plus cordiaux pour la délicate tâche ecclésiale qui lui a été confiée. Je demande au Seigneur de nous confirmer tous dans l'engagement de marcher ensemble sur la voie de la réconciliation et de l'amour fraternel.

Que votre présence en Russie constitue un rappel et une invitation au dialogue, même personnel. Si au cours des diverses rencontres, l'on ne réussit pas toujours à affronter des questions de fond, ces contacts contribuent toutefois à une meilleure connaissance réciproque, grâce à laquelle il est possible de collaborer ensemble dans des domaines d'intérêt commun pour l'éducation des nouvelles générations. Il est important que les chrétiens affrontent unis les grands défis culturels et éthiques du moment présent, concernant la dignité de la personne humaine et ses droits inaliénables, la défense de la vie à chacune de ses phases, la protection de la famille et d'autres questions économiques et sociales urgentes.


Discours 2005-2013 827