Ars Procès informatif 1529

TEMOIN – ABBE GEORGES-FRANCOIS RICHTER – 6 octobre 1864

1529


(1529) Session 168 – 6 octobre 1864 à 10h du matin



(1533) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Georges-François Richter ; je suis né à Worms (Allemagne), diocèse de Worms, le vingt (et) un janvier mil huit cent huit. Mon père se nommait Jean Richter et ma mère, Reine Eimer. Je suis curé de la paroisse de St Laurent-lès-Mâcon, diocèse de Belley.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Ayant le bonheur d’être prêtre, je célèbre la Ste Messe tous les jours. Je l’ai encore dite ce matin.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais été traduit en justice devant aucun tribunal.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai encouru ni peines ni censures ecclésiastiques.



(1534) Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruit de ce que j’avais à dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun Article du Postulateur. Je dirai ce que je sais selon l’exacte vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai une grande dévotion envers le Serviteur de Dieu. J’ai des motifs particuliers de reconnaissance envers lui pour la fondation d’une mission à St Laurent et d’une retraite triennale spécialement destinée aux femmes. Cette dernière fondation, il la fit spontanément par zèle, éclairé d’une manière particulière sur les grands besoins de la paroisse. Je désire sa béatification pour le seul motif de la gloire de Dieu et de l’exaltation de sa sainte Eglise.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad confirmandum et explicandum quoddam factum supernaturale, omissis coeteris Interrogatoriis statim Interrogatus fuit super. Interrogatorium vigesimum septimum super quo respondit :



Dans la première quinzaine d’avril mil huit cent soixante-deux, je fus appelé auprès d’un jeune enfant de ma paroisse nommé Léon Roussat. J’appris que cet enfant, antérieurement fatigué, était plus gravement malade depuis le mois de janvier. Sa famille s’alarmait sur son état. Il éprouvait des crises nerveuses fréquentes. Vainement on avait eu recours aux médecins de la ville et suivi fidèlement leurs prescriptions. Afin de sortir de cette situation, on se rendit à Lyon auprès du major de l’hôpital, Mr le Docteur Barrier, très en renom. Il donna tous ses soins à l’enfant sans laisser néanmoins grande espérance. De retour à St Laurent, les remèdes prescrits non seulement ne produisaient aucun (1535) effet ; mais le nombre et l’intensité des crises s’augmentèrent dans des proportions telles qu’en moyenne l’enfant en éprouvait jusqu’à quinze, dix-huit et vingt par jour, et qu’il finit par tomber dans un état complet de paralysie. Plus d’une fois au moment de ses crises affreuses, les parents crurent le perdre. Le pauvre enfant avait perdu entièrement l’usage de la parole. La déglutition était des plus difficiles, il perdait toute sa salive. Dans cette extrémité douloureuse, les parents se déterminèrent à reporter leur enfant au docteur Barrier, qui découragé à la vue du malade, donna une nouvelle consultation ne laissant que trop prévoir que la guérison n’offrait à peu près aucun espoir.



A leur retour, en passant par Villefranche, qui est très rapproché d’Ars, le père tout impie qu’il était, voua cependant son enfant au Curé d’Ars, pensant qu’un saint aurait peut-être plus de puissance que les médecins. Il promit de le conduire sur son tombeau. Arrivés à St Laurent, les parents me communiquèrent l’ordonnance du médecin. Je la trouvai tellement violente qu’on ne pourrait la suivre, à mon avis, sans exposer l’enfant à une mort certaine. La famille se rendit à mes conseils. Les remèdes prescrits et mes observations personnelles me portent à croire qu’il était atteint d’épilepsie. La mère du pauvre petit malade vint me prier de m’associer à une neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars, afin d’obtenir la guérison. Je le promis et le fis avec empressement. Dieu ne jugea pas à propos d’exaucer nos prières. Le mal allait toujours en s’aggravant. Le lundi de Pâques, on voulait le conduire à Ars au tombeau du Serviteur de Dieu. Je m’y opposai, dans la persuasion que l’enfant succomberait dans le voyage.



Peu de temps après, le bruit s’étant répandu que le (1536) premier mai, Mgr l’Evêque de Belley bénissait la première pierre de la nouvelle église d’Ars et que j’étais dans l’intention de me rendre à cette cérémonie, ils vinrent me demander la permission de m’accompagner. Ils me donnèrent pour motif que si leur enfant venait à mourir durant le trajet, ils auraient au moins la faveur de m’avoir pour les consoler. J’acceptai, et à trois heures du matin, le premier mai, nous quittions St Laurent pour aller à Ars. Nous nous arrêtâmes à Guéreins pour déjeuner et Mme Roussat nous présenta un excellent saucisson, m’annonçant qu’elle m’en donnerait un semblable à notre retour à St Laurent, circonstance qui fut très bien remarquée par l’enfant. Mgr prêchait au moment où nous arrivâmes à Ars, nous écoutâmes l’instruction du prélat et nous nous rendîmes ensuite à l’église pour prier sur le tombeau du Serviteur de Dieu. En sortant de l’église, nous allâmes à la maison des missionnaires présenter l’enfant à Mgr, en le conjurant de le bénir et le recommandant à ses prières. Mgr embrassa et bénit l’enfant en lui disant de faire le signe de la Croix. « Il ne le peut pas, Monseigneur, dit la mère. » Sa Grandeur prit alors le bras du jeune malade et lui fit faire le signe de la Croix. Le prélat lui remit une médaille et prescrivit une seconde neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars, à laquelle il promit de s’associer. Elle consistait dans la récitation d’une simple dizaine de chapelet. Au moment où nous allions nous retirer, Mgr s’adressant à l’enfant, lui dit : « Va, mon enfant, confiance, tu guériras. »



Nous fûmes de là chez Michel, pieux paralytique, pour le prier de prendre part à la neuvaine. Pendant que nous étions à converser avec lui, nous fûmes agréablement surpris de voir l’enfant se détacher de son père qui le soutenait par les deux bras, et faire seul deux ou trois pas dans l’appartement.



(1537) Notre émotion fut plus grande encore quand, dans la cour de Mr Pertinand où nous prenions un rafraîchissement, l’enfant s’éloignant de nous, nous le vîmes s’amuser avec des allumettes phosphoriques qu’il allumait et jetait. Le père craignit quelque accident et il le réprimanda. « Ne craignez rien, lui dis-je, laissez-le faire. » Durant le trajet d’Ars à St Laurent, l’enfant fut calme et tranquille. Il me fut rapporté cependant qu’une légère crise se produisit dans la nuit. Le lendemain vers les onze heures, moment même où la veille nous avions eu le bonheur d’entrer à l’église d’Ars et de nous prosterner sur le tombeau du Serviteur de Dieu, Léon, par ses mouvements et les signes de ses mains, provoquait vivement l’attention de son père qui faisait de vains efforts pour comprendre ce que son fils désirait. Remarquant néanmoins que les regards et les gestes de l’enfant se portaient vers l’appartement où on avait pris le saucisson de la veille, il crut interpréter sa pensée et le conduisit dans la pièce. Léon désigne du geste les saucissons, le père lui en remit un, se rappelant la promesse faite à Mr le Curé. L’enfant, en possession de son présent, court avec agilité l’offrir à Mr le Curé. Ma surprise, en le voyant accourir, fut des plus grandes et je ne pus contenir des larmes de reconnaissance envers Dieu. La mère elle-même, ivre de bonheur et ne pouvant croire à la faveur du ciel, craignant toujours de voir tomber son enfant, le suivait à pas précipités et arrivait pleurant de joie, presque en même temps que lui près de moi. Elle voulait remmener son Léon par la main, quand déjà il se précipitait devant elle, refusant tout secours.



Vers sept heures du soir, je me rendis auprès (1538) des parents pour m’assurer si la guérison persévérait. J’appris avec bonheur qu’on n’avait pu retenir l’enfant et que pendant toute la journée, il s’était mêlé aux jeux et aux courses de ceux de son âge et d’un grand nombre d’autres qui se pressaient autour de lui, comme autour d’un prodige. Je parlais avec le père et la mère de Léon, entourés de voisins curieux, quand il rentra, et avec l’amabilité d’un enfant, vint avec précipitation se jeter sur mes genoux. Je lui dis : « Léon, hier il t’a fallu la main d’un Evêque pour t’aider à faire le signe de la Croix ?… Et aujourd’hui ?… ». Il ne me laissa pas achever, sa main agile retraça promptement sur lui le signe de la Croix. Je lui demandai : « Eh bien ! Léon, que m’as-tu apporté ce matin ? – Saucisson. » Ce mot fut prononcé avec quelque peine. « Quand tu sauras assez parler pour répondre à ce que je te dirai et demander ce que tu veux, tu viendras déjeuner avec moi. – Oui » répondit-il avec moins de difficulté.



Voyant les Religieuses de ma paroisse se diriger vers l’église, pour les exercices du mois de Marie, je me levai et me rendis moi-même à l’église. J’avais fait quelques pas et me souvenant de la proposition faite à Léon, je me retourne de son côté et je lui dis : « Mon petit ami, quel jour viendras-tu déjeuner ? – Lundi » me répondit-il avec plus de fermeté et de netteté que dans les deux réponses précédentes. Je ne puis oublier qu’au premier moment de mon entrevue avec Léon, son grand-père, trop connu par ses sentiments antireligieux, était présent. Les merveilles opérées par Dieu sur son petit-fils lui arrachaient des larmes. Il se retira vivement impressionné, disant : « Eh bien ! je m’en va » ne pouvant vraisemblablement supporter plus longtemps la pensée et la vue d’un miracle.



En entrant dans le lieu saint, je vis la foule plus nombreuse et plus recueillie que jamais, tant elle avait (1539) été frappée de la guérison miraculeuse et évidente de Léon Roussat. Je ne pus moi-même me taire sur ce qu’il y avait de surnaturel dans tout ce dont nous étions les témoins, et j’engageai vivement mon auditoire à mettre cette grâce à profit, et à n’avoir plus de bornes dans leur confiance en Dieu. J’avais effectivement, dans toutes mes prières, demandé la guérison de cet enfant pour la conversion de ma paroisse, la gloire de Dieu et l’exaltation de sa sainte Eglise.



Le père Roussat, mauvais chrétien jusque-là, ne résista pas à la grâce de Dieu. Le jour de la guérison de son enfant fut celui de sa conversion et depuis lors il est le modèle de la paroisse. L’ensemble des fidèles éprouva une impression religieuse très vive du prodige que Dieu avait opéré par l’entremise de son Serviteur. La guérison de Léon Roussat fut l’objet des conversations à la ville et à la campagne. Tous voulaient voir de leurs yeux l’enfant miraculeusement guéri, converser avec lui et ses parents. De nombreux équipages se rendirent à la demeure du boulanger pour obtenir cette faveur. Je dois à la vérité de déclarer que plusieurs personnes de ma paroisse qui négligeaient leurs devoirs, les remplissent depuis religieusement. Je déclare, en outre, que la guérison persévère et que l’enfant n’a jamais éprouvé, depuis, la moindre indisposition.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis decreverunt Rmi Judices delegati, et per me Notarium Actuarium de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit integra depositio ab ipso emissa, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit et propria manu se subscripsit ut sequitur.



Ita pro veritate deposui



Georgius-Franciscus Richter





TEMOIN – JEAN-MARIE ROUSSAT – 6 octobre 1864


(1529) Suite de la Session 168 – 6 octobre 1864 à 10h du matin


1540 (1540) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Jean-Marie Roussat. Je suis né à St Laurent-lès-Mâcon, diocèse de Belley, le deux décembre mil huit cent vingt-deux. Mon père s’appelait Benoît Roussat, et ma mère, encore vivante, Anne Tabouret. Je suis boulanger de profession et je vis aisément de mon état.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je remplis exactement mes devoirs de religion depuis la guérison de mon enfant. Ma dernière communion date du premier mai de cette année.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais été traduit en justice.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne sache pas avoir encouru ni peines, ni censures ecclésiastiques.



(1541) Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne ne m’a instruit de vive voix ou par écrit de ce que je devais dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun des Articles du Postulateur. Je ne dirai que l’exacte vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai la plus grande confiance au Serviteur de Dieu, je le regarde comme un grand saint et je désire vivement sa béatification pour la gloire de Dieu et de l’Eglise.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad confirmandam et explicandam sanitatem filii sui, omissis itaque coeteris Interrogatoriis statim interrogatus fuit super Interrogatorium vigesimum septimum, super quo respondit :



Je certifie qu’au premier janvier, mon fils Léon Roussat, âgé de six ans et deux mois, fut pris de crises nerveuses, d’abord légères, puis de plus en plus grandes et fréquentes. Nous eûmes recours à Mr le Docteur Carteron, de Mâcon, qui le traita successivement comme atteint des vers, de la fièvre, du ver solitaire et finit même par donner des remèdes contre l’épilepsie. Comme les prescriptions du médecin ne produisaient aucun effet et que le mal s’aggravait de jour en jour, ma femme et moi nous nous rendîmes à Lyon pour présenter notre enfant à Mr le Docteur Barrier, major du grand hôpital. Il changea le traitement à suivre et prescrivit l’usage de prises et d’eaux ferrugineuses. Il nous encouragea beaucoup ; et pour tout résultat, nous eûmes la douleur de voir le nombre et l’intensité des crises de notre pauvre malade augmenter d’une manière alarmante. Il tombait en moyenne jusqu’à quinze fois par jour. En voyant cet état déplorable, nous retournâmes auprès de Mr Barrier qui, à cette seconde visite, se borna à nous donner par écrit des conseils, ajoutant : « Votre enfant est jeune, il en est qui en reviennent, d’autres qui n’en reviennent pas. Dispensez-vous de revenir. » Bien peu satisfaits de ce second accueil, nous revînmes la douleur dans le coeur. En passant à Villefranche, qui est très rapproché d’Ars, je dis à ma femme : « Il faudra conduire notre Léon à Ars. » Rentrés (1542) chez nous, nous commençâmes une neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars, priant Mr le Curé de vouloir bien s’unir à nous, ainsi que les Dames de la Visitation de Mâcon et d’autres personnes pieuses. Hélas ! nous ne fûmes pas exaucés, le moment de la grâce n’était pas venu. Les crises de notre pauvre petit affligé étaient d’une intensité et d’une fréquence telle qu’il tombait plus fréquemment que jamais. Il lui est arrivé même, après une de ses crises, de demeurer deux heures comme mort, froid et glacé. Depuis ce moment, son corps fut entièrement paralysé et il perdit l’usage de la parole. Le lundi de Pâques, nous fûmes empêchés par Mr le Curé d’aller au tombeau du Curé d’Ars pour accomplir notre promesse. Le pieux pasteur craignait, avec trop de raison, de voir notre enfant mourir dans le voyage.



Au premier mai, il ne put pas nous retenir, nous voulûmes l’accompagner à Ars où devait se trouver Monseigneur pour la bénédiction de la première pierre de la nouvelle église. Si nous avions le malheur de perdre notre enfant, Mr le Curé était à nos côtés pour nous soutenir. Nous arrivâmes à Ars à la fin de la cérémonie. Nous eûmes la faveur de recevoir une bénédiction de Monseigneur pour notre cher malade. Sa Grandeur étant rentrée à la maison des missionnaires, Mr le Curé et ma femme lui présentèrent Léon, qu’il daigna embrasser et bénir en nous recommandant de nous adresser au Curé d’Ars par une neuvaine qui consistait à réciter une dizaine de chapelet chaque jour. Monseigneur eut la bonté de nous promettre de prier avec nous. Il nous assura que l’enfant guérirait. Au sortir de la maison des missionnaires, nous allâmes porter notre enfant et prier sur le tombeau du Serviteur de Dieu. A l’hôtel, nous eûmes déjà la consolation de voir notre enfant, entièrement paralysé, prendre son verre de la main droite, boire, s’amuser avec des allumettes phosphoriques qu’il allumait et rejetait loin de lui. Durant le trajet d’Ars à St Laurent, où nous rentrâmes bien avant dans la nuit, notre cher Léon n’eut que deux légères crises. Son sommeil fut calme jusqu’au matin. Pour l’habiller, nous fûmes obligés de prendre les mêmes précautions qu’à l’ordinaire : ses membres restaient encore paralysés. Ma femme avait même observé deux nouvelles crises très légères. Enfin vers les dix heures, nous nous mîmes à table ; peu après, ô bonheur, Léon me fit signe d’écarter sa chaise, et au même instant il saute à bas, se met à courir et court encore parfaitement et pleinement guéri. Sa parole demeurait encore embarrassée, mais à la fin de la neuvaine, grâces en soient à jamais rendues à Dieu et à son Serviteur Mr le Curé d’Ars, elle lui fut rendue. Depuis lors, sa santé est admirable et jamais il n’a éprouvé un seul instant de malaise. Témoin d’un pareil prodige, je n’ai pu refuser au bon Dieu de lui donner ma foi et mon coeur. Je suis et j’espère demeurer un parfait chrétien.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, (etc.)…



(1543) Ita pro veritate deposui.



Jean-Marie Roussat.



TEMOIN – MARGUERITE FOURNIER – 7 octobre 1864

1547 (1547) Session 169 - 7 octobre 1864 à 8h du matin



(1548) Juxta primum interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit:



Je connais parfaitement la nature et la force du serment que j’ai fait et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas la vérité.



Juxta secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’appelle Marguerite Fournier, femme Roussat. Je suis née le trois avril mil huit cent trente (et) un à St Laurent-les-Mâcon, diocèse de Belley. Mon père se nomme Etienne Fournier et ma mère Pierrette Rollet.



Juxta tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je remplis mes devoirs de chrétienne. Ma dernière communion est de dimanche passé.



Juxta quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai jamais été traduite en justice.



Juxta quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je ne sache pas avoir encouru ni peines ni censures ecclésiastiques.



Juxta sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruite de la manière dont je devais répondre dans cette cause. Je n’ai lu aucun des Articles du Postulateur. Je ne dirai que la vérité.



Juxta septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit:



J’ai la plus grande confiance et la (1549) plus profonde reconnaissance au Curé d’Ars. Je désire ardemment la Béatification et la Canonisation de ce Serviteur de Dieu que je regarde comme un grand saint. Je la désire uniquement pour la gloire de Dieu et l’exaltation de sa sainte Eglise.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad confirmandam et explicandam sanitatem filii sui, omissis itaque coeteris interrogatoriis statim deventum fuit ad interrogatorium vigesimum septimum, super quo respondit:



Vers le milieu de janvier mil huit cent soixante-deux, j’atteste que Léon Roussat, mon fils, né le neuf mars mil huit cent cinquante-six, fut atteint de crises nerveuses, d’abord très légères qui augmentèrent insensiblement et finirent par amener de la rigidité et du froid dans les membres, surtout le côté droit. J’eus recours à Mr le docteur Carteron, qui habite la ville de Mâcon. Il prescrivit d’abord des vermifuges et nous ordonna ensuite de faire prendre à l’enfant un sirop contre l’épilepsie, l’Elixir anti-épileptique de taillotte à Tain (Drôme). Tous ces remèdes loin de calmer le mal semblaient l’augmenter.



En même temps que je m’adressais au médecin j’avais recours avec ma famille, quelques personnes pieuses et les Dames de la Visitation de Mâcon au Seigneur, afin d’obtenir par des neuvaines la guérison de mon enfant. Voyant que nos soins et nos prières n’obtenaient pas encore d’heureux résultats, nous résolûmes, mon mari et moi, de conduire Léon à Mr le Docteur Barrier, une des célébrités médicales de Lyon. Il changea le traitement qu’on avait suivi pour notre enfant, prescrivit l’usage de prises et d’eaux ferrugineuses. Ces nouveaux remèdes furent des plus funestes, les crises devinrent plus fréquentes et plus longues. Mon pauvre Léon en prenait quelquefois plusieurs en une heure. En moyenne le nombre allait, tant pendant le jour que pendant la nuit de quinze à (1550) dix-huit. Durant ces crises, les yeux, la tête et les membres se tordaient. Elles furent suivies de paralysie de la langue et du côté droit, pendant plus d’un quart d’heure quelquefois. Désolés, nous nous rendîmes une seconde fois auprès du docteur Barrier qui s’affligea lui-même des progrès de la maladie. “Votre enfant est jeune, nous dit-il, il en est qui en reviennent, beaucoup qui n’en reviennent pas. Vous pouvez vous dispenser de revenir. » Il nous donna cependant des conseils par écrit que nous ne crûmes pas devoir suivre tant ils étaient violents. Mr le Curé lui-même que nous consultâmes fut d’avis qu’ils tueraient l’enfant. En passant à Villefranche, qui est très rapproché d’Ars, mon mari me dit: “Tu ne sais pas? si notre enfant guérit nous le mènerons trois fois à Ars”. Je lui répondis: “Eh bien ! oui, nous allons commencer une neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars. » Arrivée à St Laurent j’en fis part à Mr le Curé, qui en venant voir notre enfant et en repoussant, comme nous l’avons dit plus haut, les prescriptions du docteur Barrier pensa que notre enfant n’avait peut-être que la fièvre et nous conseilla de lui faire prendre un remède qu’il a contre ce mal. Soit inopportunité du remède, soit progrès de la maladie, l’état fâcheux de Léon ne fit qu’empirer. Trois jours après il avait perdu l’usage de la parole, des membres, et la paralysie était complète surtout du côté droit. Le bras gauche seul conservait encore quelques faibles mouvements. Désolés, affligés de cette situation, nous étions toujours dans l’intention d’aller à Ars. Le lundi de Pâques Mr le Curé nous retint, nous faisant comprendre que notre enfant pouvait mourir en route.



Mgr l’Evêque de Belley devant bénir la première pierre de la nouvelle église d’Ars au premier mai, et (1551) Mr le Curé de St Laurent voulant prendre part à cette cérémonie, nous résolûmes de l’accompagner. Notre pauvre malade avait été fatigué pendant la nuit, plusieurs crises s’étaient produites. Nous quittâmes cependant St Laurent vers trois heures du matin et Léon n’eut heureusement qu’une légère crise en sortant de Guéreins, où nous nous étions arrêtés pour déjeuner. La cérémonie se terminait quand nous arrivâmes à Ars et Monseigneur put voir et bénir l’enfant sur les bras de son père. Quand Sa Grandeur fut rentrée dans la maison des missionnaires, Mr le Curé m’obtint la permission de porter mon enfant à Monseigneur et il eut la bonté de m’accompagner. Je me jetai à genoux aux pieds du Prélat qui me demanda avec intérêt des renseignements sur la maladie de l’enfant. Il embrassa et bénit Léon, se mit à genoux et lui imposant les mains, il pria quelques instants: “Fais le signe de la Croix mon petit.” L’enfant s’empressa d’obéir et allait le faire de la main gauche quand Monseigneur lui prit la main droite pour le lui faire faire. Il lui dit ensuite: “Va, mon enfant, tu guériras.” Puis s’adressant à moi il ajouta: “Faites une neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars; récitez une dizaine de chapelet chaque jour. Je la ferai avec vous.”



En sortant de la maison des missionnaires, nous nous rendîmes à l’église pour prier le Serviteur de Dieu. Je m’approchai de son tombeau et prenant le bras droit de mon enfant je m’efforçai à travers la grille qui existait alors de le faire reposer sur cette tombe bénie. Après quelques instants de prière, nous fûmes auprès de Michel le paralytique, donnant des aumônes aux pauvres qui se trouvaient sur notre passage. Nous remîmes à Léon une monnaie de un franc qu’il donna au pauvre paralytique, au moment où nous allions nous retirer, après lui avoir demandé de s’associer à notre neuvaine. Nous fûmes déjà consolés de voir notre cher enfant de sa main droite faire sa petite offrande à Michel. Notre joie fut (1552) bien plus grande encore à l’hôtel quand nous vîmes Léon allumer des allumettes phosphoriques de la main droite et les jeter loin de lui. Son père le réprimanda de son imprudence. Mr le Curé dit en souriant: “Laissez-le faire.” Pendant le temps que nous demeurâmes à Ars notre enfant n’eut aucune crise. A notre retour, une légère se manifesta. Léon était si faible qu’à Belleville son père ayant négligé un instant de le soutenir, il s’affaissa sur lui-même. Nous rentrâmes fort tard à la maison. La nuit fut très bonne pour l’enfant. Le matin, avant de se lever il éprouva encore deux crises courtes et légères. Nous fûmes obligés de l’habiller comme à l’ordinaire, il ne pouvait pas encore se servir de ses membres. A dix heures nous le portâmes à table pour le déjeuner, il mangea facilement et avec appétit. C’était la première fois, y compris le voyage d’Ars qu’il avait pu prendre une nourriture substantielle. Les dix ou douze jours précédents, ce n’est qu’avec peine qu’il pouvait avaler quelque peu de farine jaune préparée d’une manière très claire avec des parcelles de biscuit délayé et détrempé avec soin. La déglutition était très difficile et sa salive découlait continuellement.



A la fin du repas il me fit signe de lui ôter sa serviette et au même moment il sortit de sa chaise et se mit à courir. Je vais à lui craignant toujours de le voir tomber. Il se dirigea vers le comptoir, l’ouvrit de la main droite et levant deux doigts, fit comprendre à son père qu’il allait prendre les deux sous qu’on lui avait promis dès qu’il ouvrirait le tiroir de la main droite. Il vint ensuite me prendre par la main, m’entraînant dans la chambre voisine, désignant des yeux et de la main un saucisson qu’il désirait porter à Mr le Curé. A peine l’eut-il entre les mains, que prenant un parapluie, laissé à la maison par Mr le Curé, il courut porter le tout au presbytère. Heureuse et fondant en larmes, ne pouvant croire à ce que je voyais, je me précipitai sur ses pas, redoutant toujours de le voir tomber. Il arrive à la cure. Mr le Curé touché, ému pleure à son tour et mêle les larmes de la reconnaissance à celles de notre bonheur. Le soir Mr le Curé revint à la maison et Léon qui n’avait fait que courir toute la journée rentra alors et commença à parler. En syllabant difficilement trois mots. La neuvaine n’était pas finie et nous avions la joie de voir sa langue se délier peu à peu chaque jour. Mr le Curé revenait de temps en temps s’informer s’il parlait. Mon mari tout joyeux lui répondait: « Je ne suis pas en peine, le Curé d’Ars l’a fait marcher, il le fera bien parler. » En effet le dernier jour de la neuvaine, nous étions à Ars en action de grâces pour témoigner notre gratitude à Dieu et à son Serviteur. Notre cher Léon reprit ce jour-là le parfait usage de la parole. A partir de ce moment, grâces en soient à jamais rendues à Notre Seigneur et au Curé d’Ars, la santé de notre enfant ne nous a plus donné aucune inquiétude. Notre famille, nos amis, nos voisins, la paroisse tout entière de St Laurent peuvent rendre témoignage, comme mon mari et moi qu’il n’y a pas d’enfant d’une santé plus brillante et d’une figure plus épanouie. Une multitude de prêtres, de religieux, de religieuses, des personnes même de la plus haute position, comme le peuple, ont voulu venir voir de leurs yeux dans notre maison l’éclatant miracle que le bon Dieu nous avait accordé par l’entremise de son Serviteur.



(1553) Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatotiis, completum esse examen praedicti testis decreverunt Rmi Judices delegati, statuerunt consultationes medicorum annectaendas esse huic depositioni et per me Notarium Actuarium de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit integra depositio ab ipso emissa, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit et propria manu se subscripsit ut sequitur.



Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur.



Ita pro veritate deposui



Marguerite Fournier femme Roussat.


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(1555) Tenor consultationum medicorum qui puero Claudio Leoni Roussat curam dederunt :



1°/ -1° Sulfate de quinine 0,20 centig. en 4 paquets de 5 centig. chacun. Un dans un peu de café noir sucré, après l’accès. Un deuxième entre deux accès. Sirop de quinine 100, deux cuillerées par jour au moment de manger,s’il restait encore quelque chose d’accès. Infusions de feuilles d’orangers, de valérianne, presque froides matin et soir.

-2° Pas d’excitant.



Mâcon, 9 février Carteron, Docteur.


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2°/ -1° Boire, en mangeant, de l’eau ferrée coupée avec très peu de vin.

-2° Chaque matin en déjeunant une des prises suivantes: Sous-carbonate de fer, 2 gram. Divisez en 16 prises.

-3° Chaque soir une des pilules suivantes: Extrait de valérianne fétide 1 gram. Divisez en 12 pilules. Argentez.

-4° On essayera l’huile de foie de morue, tous les matins, une à trois cuillerées à café.

-5° Régime tonique et substantiel.



Lyon, le 4 avril 1862. F. Barrier, docteur major.


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3°/ Je conseille:

-1° Un cautère à la nuque.

-2° Continuer l’huile de foie de morue et les pilules déjà prescrites.

-3° Si la maladie n’est pas améliorée dans une quinzaine de jours, il conviendra d’essayer les affusions froides. On placera l’enfant nu dans une baignoire vide et on lui versera sur le dos un seau d’eau froide. Puis on le sèchera en le frictionnant et après l’avoir habillé, on lui fera faire une promenade.



Lyon, le 11 avril 1862 F. Barrier, Docteur major.



Ars Procès informatif 1529