Augustin, Catéchisme 1044

CHAPITRE XXIV.

1044
L'ÉGLISE EST UNE VIGNE QUI SE CHARGE DE BRANCHES ET QU'ON ÉMONDE. - LES PRÉDICTIONS DÉJÀ ACCOMPLIES DOIVENT FAIRE CROIRE À CELLES QUI NE LE SONT PAS ENCORE, SURTOUT À CELLE DU JUGEMENT DERNIER.


44. Or, cette vigne merveilleuse, pour employer la comparaison des prophètes et du Seigneur lui-même, dont les sarments chargés de fruits se multipliaient dans tout l'univers, était d'autant plus féconde qu'elle était abondamment arrosée du sang des martyrs. La multitude innombrable des victimes de la foi lassa les princes persécuteurs; leur orgueil fut abattu, ils se convertirent enfin à Jésus-Christ et l'adorèrent. Il fallait encore que cette vigne fût émondée, selon la prédiction plusieurs fois renouvelée du Seigneur, et qu'elle fût débarrassée de toutes ses branches stériles (4), en d'autres termes, des schismes et des hérésies provoquées dans le monde, au nom de Jésus-Christ, par des esprits superbes qui consultaient moins sa gloire que leur vanité, et dont l'opposition, en ne cessant d'exercer l'Eglise, devait mettre à l'épreuve sa doctrine et sa patience, et leur donner un nouveau lustre.

1.
Ps 117,22 Is 28,16. - 2. Mt 10,16. - 3. Jn 15,2.


1045 45. Ainsi nous voyons l'accomplissement fidèle d'événements prédits tant d'années auparavant. Si donc les miracles faisaient naître la foi chez les premiers chrétiens et Suppléaient à cette preuve renfermée dans l'avenir; l'accomplissement littéral des prédictions consignées dans les livres écrits longtemps auparavant, et où l'on fait l'histoire de l'avenir comme s'il était présent, doit servir à édifier notre foi et à nous faire croire, sans le plus léger doute, aux vérités qui ne sont pas encore réalisées, en nous attachant fermement à la parole du Seigneur. Bien des événements terribles se trouvent encore prédits dans les Ecritures, entre autres, le dernier jour du jugement, où les enfants de la double cité dont nous avons parlé, doivent ressusciter en reprenant leur corps et venir rendre compte de leur vie au pied du tribunal de Jésus-Christ. Car il viendra dans tout l'éclat de sa puissance, après avoir daigné descendre sur la terre sous les humbles dehors de l'humanité; il fera le discernement des bons et des méchants, soit que ceux-ci aient refusé de croire en lui, soit qu'ils n'aient eu qu'une foi morte et stérile; il emmènera les premiers avec lui dans son royaume éternel; un supplice éternel avec Satan sera. le partage des autres. De même qu'aucune joie humaine ne peut même donner l'idée des délices de la vie éternelle, réservée aux saints; de même il n'est pas de tourments ici-bas qui puissent être comparés aux peines éternelles des impies.


CHAPITRE XXV.

1046
RÉSURRECTION. - MORT ÉTERNELLE EN ENFER. VIE ÉTERNELLE AU CIEL. - SE TENIR EN GARDE CONTRE LES PAÏENS, LES JUIFS, LES HÉRÉTIQUES, ET MÊME LES MAUVAIS CHRÉTIENS: FAIRE DES BONS SA SOCIÉTÉ, SANS METTRE EN EUX SES ESPÉRANCES.


46. Appuie-toi donc fermement, ô mon frère, sur le nom et sur le bras de Celui en qui tu crois, implore son secours contre les railleries des incrédules, dont le diable emprunte la langue pour déverser un faux ridicule sur nos dogmes et en particulier sur celui de la résurrection. Juge d'après toi-même, tu verras qu'on peut revenir de la mort à la vie, quand on est passé du néant à l'existence. Où était donc la matière de ton corps, la disposition harmonieuse de tes membres, quelques (84) années avant d'être né ou d'avoir été conçu dans le sein de ta mère? Où était ton corps, dis-je, avec son volume et sa taille? N'est-ce pas sous l'action invisible de Dieu qu'il s'est formé dans les profondeurs de l'organisme, qu'il a vu le jour, et que selon le progrès régulier des divers âges de la vie humaine, il a pris son développement et ses proportions? Or, est-il bien difficile au Dieu qui, en un clin d'oeil, amoncelle les nuages des bouts de l'horizon et obscurcit le ciel dans toute son étendue, de rendre à ton corps la somme des éléments dont il était composé, quand il a pu lui donner une forme qu'il n'avait pas? Crois donc avec une foi inébranlable que les molécules qui semblent s'anéantir et disparaissent aux regards de l'homme, subsistent indestructibles, inaltérables pour la Toute-Puissance créatrice; que Dieu les recomposera quand il le voudra, sans délai comme sans obstacle, dans la proportion que leur assignera sa justice. Ainsi les âmes seront réunies aux organes avec lesquels elles ont agi, pour rendre compte de leurs actes, et elles verront les corps qu'elles animaient, selon leur mérite ou leur démérite, transformés en une substance incorruptible, ou condamnés à une corruption physique qui, loin d'aboutir à la mort, fournira matière à un éternel supplice.

1047 47. Cherche donc, mon frère, dans une foi inébranlable et dans une vie pure, le moyen d'échapper à ces tourments où les bourreaux sont infatigables et les victimes immortelles c'est pour elles une mort dont le terme recule sans cesse, que de ne pouvoir mourir au milieu des souffrances. Attache-toi avec tout l'enthousiasme de l'amour à la vie éternelle des saints, également étrangère aux fatigués de l'action et à l'oisiveté du repos: là, on louera Dieu, sans fin comme sans monotonie; plus de tristesse dans le coeur, plus de souffrances dans le corps, plus de ces besoins qui forcent à invoquer le secours d'autrui ou qu'on est heureux de soulager chez le prochain. Nous deviendrons, selon la promesse du Seigneur et selon notre espoir, les égaux des anges de Dieu (1) et nous leur serons associés pour jouir de la vision béatifique de la Trinité, dont la grâce nous aide «à marcher ici-bas dans la foi (2)». Nous croyons, en effet, ce que nous ne voyons pas, afin d'arriver par les mérites de notre foi à voir, à posséder ce que nous avons cru. Désormais, loin de bégayer dans le langage de la foi que le Père est égal au Fils et au Saint-Esprit, que la Trinité est une, et que les trois personnes ne sont qu'un Dieu, nous verrons ce mystère sans voile, et nous nous perdrons avec transport dans une muette extase.

1.
Lc 20,36.- 2. 2Co 5,7


1048 48. Grave ces principes au fond de ton coeur et prie le Dieu auquel tu crois de te protéger contre les pièges du Tentateur. Prends garde aux séductions, quelles qu'elles soient, de cet ennemi dont la rage cherche à se soulager dans ses supplices en multipliant les compagnons de ses tourments. Car il ose attaquer les chrétiens, non-seulement par le ministère de ceux qui ont en horreur le nom du Christ, qui se désolent de le voir dominer sur tout l'uni. vers et qui voudraient s'affilier de nouveau au culte des idoles et aux mystères des démons mais encore, de temps à autre, par l'organe de ces hommes dont nous venons de parler et qui, pareils à des rameaux séparés du tronc, ont rompu avec l'unité de l'Eglise et portent le titre d'hérétiques ou de schismatiques. Les Juifs, sans doute, sont aussi pour lui des instruments dont il se sert parfois dans ses essais d'attaques et de séductions; mais chacun doit se prémunir principalement contre les assauts et les piéges de ces catholiques que l'Eglise souffre dans son sein comme on souffre la paille sur l'aire jusqu'au moment de ta vanner. Si le Ciel use de patience envers eux, c'est tout à la fois pour exercer et pour affermir, à l'aide de leur méchanceté, la prudence et la foi de ses élus, et parce que beaucoup d'entre eux s'améliorent, et, touchés de compassion pour leur âme en vue de plaire à Dieu (1), se convertissent à lui avec une vive ardeur. Non, tous n'abusent pas de la patience divine jusqu'à s'amasser des trésors de colère pour le jour de la colère et du juste jugement de Dieu; beaucoup, au contraire, sont amenés par la patience du Tout-Puissant à l'heureuse douleur de là pénitence (2); et en attendant ils servent à exercer non-seulement la patience, mais encore la compassion de ceux qui marchent dans la droite voie.

1.
Si 30,21. - 2. Rm 2,4-5.

Tu rencontreras donc des ivrognes, des avares, des trompeurs, des joueurs, des adultères, des fornicateurs, des hommes qui recourent à des remèdes impies, qui s'abandonnent aux enchanteurs, aux astrologues ou à toute autre espèce de devins; tu remarqueras aussi qu'aux (85) jours de fête des chrétiens les églises sont remplies des mêmes multitudes qui se pressent dans les théâtres aux jours de fête des païens, et ce spectacle te portera à faire ce que tu vois. Que dire encore? Tu verras ce que tu sais dès maintenant, car tu n'ignores point que plusieurs se livrent aux excès que je viens de rappeler brièvement, tout en portant le nom de chrétiens. Ne sais-tu pas même encore que des désordres plus graves sont commis de temps à autre par des gens que tu entends également appeler chrétiens?
Or, ce serait t'abuser étrangement que de venir dans l'intention de commettre, en quelque sorte impunément, ces fautes. A quoi te servira le nom du Christ, quand, après avoir daigné nous secourir dans son infinie miséricorde, le Christ se mettra à nous juger dans sa sévère justice? N'a-t-il pas prédit, n'a-t-il pas dit dans l'Evangile: «Ce ne sont pas tous ceux qui me crient: Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père? Beaucoup effectivement me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, c'est en votre nom que nous avons mangé et bu (1)». Ainsi donc, persévérer dans des oeuvres de cette nature, c'est aboutir à la damnation. Par conséquent, lorsque tu verras la multitude s'y livrer, les justifier, y attirer même, attache-toi à la loi de Dieu, et garde-toi d'en imiter les violateurs: tu seras jugé, non sur leur sentiment, mais sur sa vérité.

1. Mt 7,21-22.

1049 49. Unis-toi aux bons, à ceux que tu vois enflammés comme tu l'es d'amour pour ton Roi. Eh! si tu cherchais, dans les théâtres, à t'approcher, pour ne pas les quitter, de ceux qui aimaient le même cocher, le même gladiateur, le même histrion que toi; à combien plus forte raison ne dois-tu pas être heureux de faire société avec ceux qui aiment Dieu avec toi; car on ne saurait rougir de Dieu quand on l'aime; loin de se laisser vaincre, il rend invincibles ses amis. Prends garde toutefois de placer ton espoir dans ces hommes de bien qui te précèdent ou qui t'accompagnent dans l'amour de Dieu: quelques progrès que tu aies faits, tu ne saurais en effet t'appuyer sur toi mais sur Celui-là seul qui les rend bons comme toi en leur communiquant sa sainteté. Tu es sûr que Dieu ne change pas: la prudence t'interdit d'avoir pour aucun homme la même certitude. Si néanmoins nous devons aimer ceux qui ne sont pas justifiés encore, afin qu'ils le soient; quel amour plus ardent ne nous faut-il pas pour ceux qui le sont déjà? Autre chose est donc d'aimer un homme, et autre chose d'espérer en lui; la différence est si grande que Dieu défend le dernier acte et commande le premier. T'arrive-t-il d'endurer pour le nom du Christ des outrages et des afflictions? N'abandonne pas la foi, ne quitte pas le droit chemin, et tu recevras la grande récompense. Céder alors aux efforts du démon, c'est perdre jusqu'à la moindre. Mais sois humble devant Dieu, et il ne souffrira point que tu sois tenté au-dessus de tes forces.



CHAPITRE 26.

1050
EXPLIQUER LA SIGNIFICATION DES SACREMENTS.


50. Après ces paroles, on doit demander au postulant s'il croit ces vérités et s'il désire y conformer sa conduite. Sur sa réponse affirmative, on le marquera solennellement du sceau sacré, et on le traitera comme le fait l'Eglise. A propos du sacrement qui lui est conféré, on lui fera comprendre avec soin que si les signes des grâces divines sont visibles on honore dans ces signes d'invisibles réalités, et qu'une fois sanctifiée par la bénédiction cette matière ne peut plus servir comme une matière profane. On expliquera ensuite et le sens des paroles sacramentelles et les effets produits intérieurement et analogues à la matière du sacrement.
C'est l'occasion, et il faut en profiter, de rappeler que si, dans l'Ecriture même, on remarque des traits qui semblent trop charnels, on doit, tout en ne les comprenant pas, se persuader qu'ils renferment un sens tout spirituel, un sens relatif à la sainteté des moeurs et à la vie future. Voici la règle exprimée en quelques mots: Aperçoit-on, dans les livres canoniques, des traits que l'on ne saurait rapporter ni à l'amour de l'éternité, de la vérité et de la sainteté, ni à l'amour du prochain? on doit croire que ces paroles ou ces actes sont figurés, et essayer d'y voir le double amour de Dieu et du prochain; mais sans prendre ce dernier terme dans un sens grossier. Le prochain est quiconque peut arriver comme nous dans la sainte cité, quelles que soient d'ailleurs les moeurs qu'on voit en lui; car on ne doit désespérer de la conversion de personne, puisque (86) que la patience de Dieu ne laisse vivre le pécheur, comme l'enseigne l'Apôtre, que pour l'amener à faire pénitence (1).


CHAPITRE 26I.

1051
MANIÈRE PLUS COURTS D'INSTRUIRE UN CATÉCHUMÈNE.


51. Trouves-tu que j'aie passé trop de temps à instruire le catéchumène que je me figurais avoir sous les yeux? Tu peux être plus court, et je crois qu'on ne doit pas être plus long. Observons néanmoins que les auditeurs présents réclament parfois plus que n'exige la fonction sacrée en elle-même. Lors donc qu'il faut être court, vois comme il est facile de tout dire en peu de mots.
Suppose encore une fois que tu es visité par un homme qui demande à devenir chrétien; tu l'as interrogé et il t'a répondu comme l'autre, car s'il n'avait pas répondu de la sorte, il faudrait l'avertir d'y répondre. Voici maintenant comme toutes les vérités se peuvent enchaîner: Oui, mon frère, elle est grande, elle est réelle la félicité promise aux saints dans la vie future. Tout ce qui est visible, passe; toute la pompe du siècle, toutes ses délices et toutes ses curiosités s'évanouiront et entraîneront dans leur ruine leurs malheureux amants. C'est de cette ruine, c'est-à-dire des peines éternelles, que Dieu, dans sa miséricorde, a voulu préserver les hommes, pourvu qu'ils ne demeurent pas leurs propres ennemis et qu'ils ne résistent pas à la tendresse de leur Créateur; et dans ce dessein il leur a envoyé son Fils unique, son Verbe égal à lui-même, le Verbe par qui il a tout fait. Tout en conservant sa divinité, sans quitter le sein de son Père et sans changer en quoi que ce soit, ce Verbe, en venant parmi les hommes, s'est rendu visible à leurs yeux en se faisant homme et en revêtant une chair mortelle. Par là, de même que par un seul homme, le premier homme ou Adam succombant devant sa femme que le serpent avait séduite, et transgressant avec elle le commandement divin, la mort est entrée dans ce inonde; ainsi, par un seul homme encore, lequel est tout à la fois Dieu et Fils de Dieu, par Jésus-Christ, une fois tous leurs anciens péchés effacés, ses fidèles pourront entrer dans l'éternelle vie (2).

1.
Rm 2,4. - 2. Rm 5,12-19.

1053 53. Aussi bien, tout ce que tu vois maintenant dans l'Eglise, tout ce qui se fait au nom du Christ par tout l'univers, est prédit depuis bien des siècles; nous voyons ce que nous lisons, c'est ce qui affermit notre foi. Le déluge autrefois se répandit sur toute la terre, afin de là débarrasser des pécheurs; en y échappant dans l'arche, Noé et sa famille n'étaient-ils pas un symbole de l'Eglise à venir, puisqu'aujourd'hui elle vogue sur les flots du siècle et se sauve du naufrage en s'appuyant sur le bois de la croix du Christ? Il fut prédit à Abraham, ce fidèle serviteur de Dieu, que tout seul qu'il était, il deviendrait -le père d'un peuple entier, appelé à adorer le seul vrai Dieu au milieu de toutes les autres nations courbées devant les idoles; d'autres prédictions furent adressées à ce peuple, et toutes se sont accomplies exactement, A ce peuple il fut annoncé que de la race d'Abraham naîtrait selon la chair le Christ, le Roi de tous les saints, Dieu enfin, pour élever à la dignité d'enfants d'Abraham tous ceux qui imiteraient la foi d'Abraham: c'est ce qui s'est accompli; le Christ est né de la Vierge Marie, l'une des descendantes du patriarche. Les prophètes prédirent aussi qu'il serait attaché à la croix par ce même peuple juif dont il était issu en tant qu'homme: ce qui s'est accompli. Il fut prédit qu'il ressusciterait, il est ressuscité. Conformément encore aux prédictions des prophètes,il est monté au ciel et a envoyé l'Esprit-Saint à ses disciples. Ces mêmes prophètes et Notre Seigneur Jésus-Christ ont prédit que son Église se répandrait dans tout l'univers, qu'elle y serait comme semée par les martyres et les souffrances des saints, et-ils ont prédit cela à l'époque où son nom était tout à la fois ignoré des gentils et tourné en dérision partout où il était connu. Or, grâce à ses miracles, tant à ceux qu'il a faits par lui-même qu'à ceux qu'il a faits par ses serviteurs, aujourd'hui qu'on publie ces prédictions et qu'on y croit, nous en voyons l'accomplissement; nous voyons même les rois du monde, jadis persécuteurs des chrétiens, courbés maintenant sous le nom du Christ. Il a été prédit encore que de son Eglise sortiraient des schismes et des hérésies, qui partout où ils le pourraient, chercheraient en son nom, non pas sa gloire, mais la leur: nous voyons également l'accomplissement de ces prédictions.

1054 54. Ne doit-on pas en conclure que ce qui (87) reste s'accomplira aussi? Si les premières prédictions se sont réalisées, les dernières se réaliseront; oui viendront les afflictions encore réservées aux justes; viendra aussi ce jour du jugement qui séparera, au moment de la résurrection des morts, les impies des saints, non-seulement les impies qui sont en dehors de l'Eglise du Christ, mais encore ceux qui en sont comme la paille et qu'elle doit endurer avec une invincible patience jusqu'à ce qu'il les vanne enfin et les jette dans le feu qui leur est dû. Quant à ces hommes qui se moquent de la résurrection, qui s'imaginent que cette chair, une fois pourrie, ne saurait se. ranimer, ils la reprendront pour leur malheur, et Dieu leur montrera qu'après avoir pu créer les corps quand ils n'existaient pas, il peut en un clin d'oeil les rétablir tels qu'ils étaient. Pour les fidèles qui doivent régner avec le Christ, ils mériteront, en ressuscitant, d'être transformés, d'être incorruptibles comme les anges, de devenir égaux aux anges (1), pour le louer sans fatigue aucune et sans aucun dégoût, pour vivre éternellement en lui et de lui, avec tant de joie, avec tant de bonheur, que l'homme ne saurait ni dire ni se figurer rien de semblable.

1.
Lc 20,36.

1055 55. Fortement convaincu de ces vérités, prends garde, aux tentations, car le démon cherche à se faire des compagnons d'infortune. Que cet ennemi ne parvienne ni à te séduire par le moyen de ceux qui sont en dehors de l'Eglise, païens, juifs ou hérétiques; ni à te faire imiter ceux qui, devant toi et au sein de l'Eglise catholique, se conduisent mal, s'abandonnent sans frein aux plaisirs de la bouche et du ventre, à l'impudicité, aux vaines et désordonnées curiosités, des spectacles, des enchantements et des présages des démons. Tu les imiterais en t'environnant des pompes et des folles grandeurs de l'avarice et de l'orgueil, ou en menant une vie que condamne et punit la loi divine. Joins-toi plutôt aux bons chrétiens, et tu en découvriras aisément si tu es bon toi-même. Adorez Dieu ensemble et aimez-le d'un amour pur; il sera toute notre récompense, lorsque dans cette autre vie nous jouirons de sa bonté et de ses charmes. Il faut l'aimer, toutefois, non pas comme on aime ce qui est visible, mais comme on aime la sagesse, la vérité, la sainteté, la justice, la charité et autres perfections semblables, considérées, non pas telles qu'elles sont dans l'homme, mais telles qu'elles sont dans la source même de l'incorruptible et immuable sagesse.
A tous ceux donc que tu verras remplis d'amour pour ces perfections, unis-toi, afin de te réconcilier avec Dieu par le Christ, qui s'est incarné pour devenir médiateur entre Dieu et les hommes. Quant aux méchants, tout en les voyant pénétrer dans l'enceinte de l'Eglise, si toutefois ils y pénètrent, ne crois pas qu'ils entreront dans le royaume des cieux.; s'ils ne se convertissent, ils seront rejetés chacun en son temps. Ainsi, prends les bons pour modèles, tolère les méchants, aime tout le monde; car tu ignores ce que sera demain celui qui est aujourd'hui mauvais. N'aime pas dans les méchants leur injustice; aime leur personne pour qu ils deviennent bons Il ne nous est pas commandé seulement d'aimer Dieu, mais encore d'aimer le prochain, deux préceptes qui résument toute la loi (1). Or, on n'accomplit cette loi qu'après avoir reçu le don de Dieu, l'Esprit-Saint égal au Père et au Fils, car les trois personnes ne font qu'un seul Dieu. C'est en lui qu'il faut placer notre espoir, et non pas dans l'homme, quelque mérite qu'il ait d'ailleurs. Quelle différence, effectivement, entre Celui qui nous justifie, et ceux qui sont justifiés avec nous?
De plus, la cupidité seule ne sert pas au diable d'instrument pour nous tenter; il nous tente encore en nous inspirant la crainte des dérisions, des souffrances et même de,la mort. Néanmoins, plus l'homme souffre pour le nom du Christ et pour l'espoir de la vie éternelle, quand il reste fidèle au milieu de ses afflictions, plus sera grande sa récompense; au lieu qu'en succombant devant le diable, il partagera sa damnation. Or, les oeuvres de miséricorde, jointes à une pieuse humilité, obtiennent de Dieu pour ses serviteurs la grâce de n'être pas tentés au-dessus de leurs forces (2).

1.
Mt 22,37-40. - 2. 1Co 10,13.
Augustin, Catéchisme 1044