Augustin, les Psaumes 125

DISCOURS SUR LE PSAUME CXXIV. VAINE PROSPÉRITE DES MÉCHANTS, ET CONFIANCE DES JUSTES

125 Ps 125

SERMON AU PEUPLE.



Le Prophète veut nous détourner des prospérités d'ici-bas qui produisent l'enflure chez les uns, et découragent les autres qui se croient frustrés de toute récompense; puis il attire notre attention sur l'homme au coeur droit, qui n'a d'autre volonté que celle de Dieu, ne critique point les desseins de Dieu sur le pauvre et sur le riche, met sa confiance en Dieu, et ne sera point ébranlé parce qu'il habite Jérusalem on la cité de Dieu. Cette cité est environnée de montagnes ou des hommes de Dieu, prophètes, apôtres, évangélistes, d'où nous vient le secours qu'elles-mêmes reçoivent de Dieu. Il est aussi d'autres montagnes qui ne sont que des écueils, qui ont en elles-mêmes une confiance précomptueuse et nous demandent la nôtre, tandis que les montagnes véritables déclinent cette confiance pour elles-mêmes, pour la reporter à Dieu, d'où leur vient la lumière et la rosée. Ces montagnes diront que le sceptre de l'impie ne sera point toujours sur l'héritage du juste, qu'il faut obéir à nos maîtres ici-bas comme le Christ s'est assujetti à ses ennemis, comme le médecin se fait le serviteur du malade. Tout cela passera, afin de ne point décourager les hommes au coeur droit. Quant à l'homme aux voies tortueuses, Dieu l'unit aux méchants, et ne donne qu'à Israël ou à celui qui voit Dieu cette paix qui est Dieu même.

1. Compté au nombre des cantiques des degrés (et afin de ne pas vous embarrasser l'esprit plus que je ne vous instruirais, je ne reviendrai pas sur ce titre, suffisamment expliqué), ce psaume nous apprend à monter, à élever nos âmes vers Dieu notre Seigneur, par l'élan de la charité et de la piété, à détourner nos regards de ces hommes qui jouissent ici-bas d'une félicité vaine qui les enfle et qui les séduit, qui n'entretient en eux que l'orgueil, qui glace leur coeur à l'égard de Dieu, l'endurcit à la rosée de la grâce et le rend stérile. La confiance avec laquelle ils trouvent auprès d'eux ce qui parait nécessaire à la vie, et même au-delà du nécessaire, les élève, et bien qu'ils soient à cause de leurs iniquités bien inférieurs aux autres hommes, ils se croient supérieurs à tous. Encore s'ils croyaient être comme les autres hommes ! Or, en considérant ces hommes, en s'arrêtant trop à les envisager, ceux mêmes qui servent le Seigneur sont dans le trouble et l'anxiété; on dirait qu'ils ont perdu le prix du culte qu'ils rendent au Seigneur, quand ils se voient dans le labeur, dans l'indigence, dans les chagrins, dans la maladie, dans la souffrance, dans quelque nécessité, tandis qu'ils voient dans la force de la santé du corps, dans l'abondance des biens du temps, dans la prospérité de leurs proches, dans l'éclat de tous les honneurs, ceux qui non-seulement ne servent point Dieu, mais sont en guerre avec le reste des hommes. Voilà ce qu'ils considèrent, ce qui les trouble, ce qui leur suggère en eux-mêmes ce qui est dit ouvertement dans un autre psaume: «Comment «Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que les pécheurs et les méchants ont obtenu les richesses». Et il continue: « C'est donc en vain que j'ai purifié

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mon coeur, et lavé mes mains avec les innocents 1». Est-ce donc en vain que j'ai voulu mettre la justice dans mon coeur, vivre innocent au milieu des hommes, quand j'en vois d'autres, peu soucieux de l'innocence, jouir d'une telle prospérité, insulter aux hommes justes et accroître leur bonheur par de nouvelles iniquités?

2. Mais qui donc parlait ainsi dans le psaume? L'homme dont le coeur n'était point encore droit. Car c'est ainsi que commence le psaume auquel j'ai emprunté cette citation, et non celui que j'entreprends de vous exposer aujourd'hui, mais celui où il est dit «Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que les pécheurs et les méchants du monde ont obtenu des richesses. Est-ce donc en vain que j'ai mis la u justice dans mon coeur, et que j'ai lavé mes «mains parmi les innocents?» Ce psaume donc où vous voyez l'âme en péril, où vous la voyez chancelante, commence ainsi: «Combien est bon le Dieu d'Israël pour les hommes qui ont le coeur droit ! Pour moi, mes pieds se sont presque égarés, mes pas ont presque chancelé». Pourquoi? « Parce que j'ai été pris de jalousie contre les pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent 2». Le Prophète nous dit donc que ses pieds ont été ébranlés, que sa marche chancelante a presque abouti à une chute qui l'eût séparé de Dieu, parce qu'il s'est arrêté à considérer la prospérité des méchants, qu'il les a vus dans la paix, et lui dans la misère. Mais quand il parle ainsi, il a déjà échappé au péril, déjà son coeur s'est redressé pour s'attacher à Dieu, il nous parle d'un danger qu'il a couru. Donc « il est bon le Dieu d'Israël». Mais pour qui? «Pour les hommes au coeur droit». Quels sont les hommes au coeur droit? Les hommes qui ne critiquent point le Seigneur. Quels sont les hommes au coeur droit? Ceux qui règlent leur volonté sur celle de Dieu, et ne forcent point celle de Dieu à se courber sous la leur. C'est pour l'homme un précepte bien court, que redresser son coeur. Veux-tu avoir le coeur droit? Fais ce que Dieu veut, sans désirer que Dieu fasse ce que tu voudrais. C'est donc avoir le coeur tortueux, c'est-à-dire ne l'avoir point droit, que disputer sur ce que Dieu aurait dû faire, sans louer et même cii critiquant ses actes. C'est peu de ne pas

1. Ps 72,1-13. - 2. Ps 1,2.

vouloir qu'il nous redresse, on veut le redresser lui-même, et l'on dit: Dieu n'aurait dû faire aucun pauvre, on ne devrait voir que des riches: eux seuls devraient vivre. A quoi bon le pauvre? Que fait-il ici-bas? Voilà le blâme contre le Dieu des pauvres. Il ferait bien mieux, cet homme, d'être le pauvre de Dieu, afin d'être riche de Dieu; c'est-à-dire de suivre la volonté de Dieu, et il comprendrait alors que sa pauvreté n'est que d'un moment, qu'elle passera, qu'ensuite il jouira de richesses spirituelles qui ne passeront point, et qu'à défaut d'or dans son coffre, il aura dans son coeur le trésor de la foi ! Avec de l'or dans son coffre, il craindrait les voleurs, et malgré lui il pourrait perdre cet or; mais la foi qui serait dans son coeur, il ne pourrait la perdre, à moins de l'en chasser lui-même. Mais il est une réponse facile, mes frères. Dieu a fait le pauvre pour éprouver l'homme, et il a fait le riche afin de l'éprouver par le pauvre. Et tout ce qu'a fait Dieu est bien, Et si nous ne pouvons pénétrer ses conseils, pourquoi il a fait ceci d'une manière, et cela d'une autre manière, il nous est bon néanmoins de nous soumettre à sa sagesse, de croire qu'il a bien fait, quand nous n'en pouvons comprendre la raison notre coeur alors sera droit, nous mettrons en Dieu notre confiance la plus entière, et nos pieds ne seront point ébranlés, et en montant vers Dieu nous serons dans l'état que décrit le Psalmiste : «Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur ressemblent à la montagne de Sion, ils ne seront point ébranlés de l'éternité 1».

3. Quels sont ces hommes? «Ceux qui habitent Jérusalem. Ils ne seront point ébranlés de l'éternité, ceux qui habitent Jérusalem 2». Si nous entendons ici la Jérusalem de la terre, tous ceux qui l'habitaient en ont été chassés par la guerre et par la ruine de cette ville; tu cherches maintenant un juif dans Jérusalem et tu n'en trouves point. Pourquoi donc ceux qui habitent Jérusalem ne seront-ils point ébranlés de l'éternité, sinon parce qu'il s'agit de cette autre Jérusalem dont on vous parle si souvent? C'est elle qui est notre mère, c'est après elle que nous soupirons en gémissant dans cet exil; c'est là que nous voulons retourner. Nous nous sommes éloignés d'elle, et nous en

1. Ps 140,5 Ps 140,1. - 2. Ps 140,2.

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avions perdu le chemin. Le roi de cette ville est venu lui-même, il s'est fait notre voie, afin que nous pussions y retourner. C'est dans les parvis de cette Jérusalem que nos pieds étaient fermés 1, ainsi que vous l'avez entendu, dans un psaume des degrés que nous vous avons expliqué récemment, à vous du moins qui y assistiez; c'est vers cette Jérusalem que soupirait celui qui chantait: «Jérusalem, qui est bâtie comme une cité, et dont les habitants sont unis ensemble 2». Ceux donc qui habitent cette ville ne seront pas ébranlés à jamais; tandis que ceux qui ont habité la cité terrestre ont été ébranlés, par le coeur d'abord, ensuite par l'exil. Leur coeur s'est ébranlé, et ils sont tombés quand ils ont crucifié le roi de la .Jérusalem céleste. Mais ils en étaient dehors déjà par le coeur, et ils en avaient chassé le roi; car ils le firent sortir de leur cité, et le crucifièrent au dehors. A son tour il les a bannis de sa cité, c'est-à-dire de la Jérusalem éternelle qui est dans le ciel, et notre mère à tous.

4. Comment donc est cette ville? Le Prophète nous la décrit en un mot. « Des montagnes l'environnent». Est-ce un grand avantage jour nous d'être dans une ville environnée de montagnes? Est-ce bien à être dans une ville environnée de montagnes que consistera notre félicité? Ne connaissons-nous point les montagnes, et sont-elles autre chose que des éminences de terre? Il est donc d'autres montagnes aimables, montagnes élevées qui sont les prédicateurs de la vérité, comme les anges, les Apôtres, les Prophètes. Ceux-là environnent Jérusalem, ils sont à l'entour et lui servent de murailles. C'est de ces montagnes aimables et délicieuses que nous parle souvent l'Ecriture. Observez, quand vous la lisez ou l'entendez, combien on parle de ces montagnes; il m'est impossible d'en énumérer tous les endroits, et néanmoins je me plais à m'étendre sur un tel sujet, autant que Dieu m'en fait la grâce, et à vous citer les passages des Ecritures qui reviennent à ma mémoire. Ces montagnes sont éclairées par Dieu; sur elles d'abord il épanche sa lumière, afin que de là elle passe aux vallées, ou même aux collines qui sont moins élevées que les montagnes. C'est par elles que nous sont venues les saintes Ecritures, prophéties, écrits des Apôtres,

1. Ps 121,2. - 2. Ps 121,3.- 3. Jn 19,17-18.

Evangiles. C'est de ces montagnes que nous chantons: «J'ai levé les yeux vers les montagnes d'où me viendra le secours», car c'est des saintes Ecritures que nous vient le secours en cette vie. Mais comme ces montagnes ne se protégent point elles-mêmes, et ne tirent point d'elles-mêmes le secours qu'elles nous donnent, ce n'est point en elles qu'il faut mettre nos espérances, de peur que nous ne soyons maudits pour avoir mis notre confiance dans un homme 1. Après que le Prophète a dit: «J'ai levé les yeux vers les montagnes, d'où me viendra le secours», il ajoute: «Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre 2». C'est encore de ces montagnes que le même Prophète a dit: «Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple, et les collines la justice 3». Les montagnes, ce sont les grands, les collines ceux qui sont moindres. Ce sont les montagnes qui voient, les collines qui croient. Ceux qui voient ont reçu la paix et L'ont apportée à ceux qui croient. Ceux qui croient ont reçu la justice, car le juste vit de la foi 4. Les anges voient, ils prêchent ce qu'ils voient, et nous croyons. Quand saint Jean disait: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu 5»; il voyait, et nous prêchait afin de nous amener à la foi. Et par les montagnes qui reçoivent la paix, les collines reçoivent la justice; que dit en effet le Prophète à propos des montagnes? Il ne dit point que d'elles-mêmes elles aient la paix, ou établissent la paix, ou qu'elles engendrent la paix, mais qu'elles reçoivent la paix. Or, c'est du Seigneur qu'elles reçoivent la paix. Lève donc en vue de la paix les yeux vers les montagnes, afin que le secours te vienne du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Parlant ailleurs de ces montagnes, le Saint-Esprit a dit: «Des montagnes éternelles vous faites descendre sur nous une lumière admirable». Il ne dit point que ces montagnes éclairent, mais que Dieu donne la lumière au moyen de ces montagnes éternelles. En prêchant l'Evangile par ces montagnes que vous avez rendues éternelles, c'est vous qui éclairez, et non point les montagnes. Telles sont les montagnes qui environnent Jérusalem.

5. Pour mieux vous faire comprendre quelles

1. Jr 17,5. - 2. Ps 140,1-2. - 3. Ps 71,3. - 4. Rm 1,17. - 5. Jn 1,1. - 6. Ps 71,5.

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sont ces montagnes environnantes, quand l'Ecriture a parlé des montagnes dans un sens favorable, il arrive bien rarement, et peut-être n'arrive-t-il jamais qu'elle ne parle aussitôt du Seigneur, ou qu'elle ne reporte notre attention jusqu'à lui, de peur que notre espérance ne s'arrête à ces montagnes. Voyez dans les passages que j'ai cités: «J'ai levé les yeux vers les montagnes, d'où mue viendra u mon secours». De peur que tu n'en restes là. «Mon secours», dit-il, « est dans le Seigneur, qui a fait le ciel et la terre». Ensuite: «Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple». Dire qu'elles reçoivent, c'est montrer assez que la source d'où elles la recevront est ailleurs. «Et puis des montagnes descend la lumière». Mais c'est vous, dit le Prophète, «vous qui des montagnes éternelles faites descendre une lumière admirable».Quand il dit ailleurs: «Les montagnes l'environnent»,de peur que ta pensée ne s'arrête aux montagnes, il ajoute aussitôt: «Et le Seigneur est autour de son peuple», afin que ton espérance, loin de s'arrêter aux montagnes, soit dans celui qui les éclaire. Car en habitant dans les montagnes ou dans les saints, il est autour de son peuple; il a fait à ce peuple une muraille spirituelle, afin qu'il ne soit point ébranlé de l'éternité. Mais quand il est question de montagnes dans un sens défavorable, l'Ecriture n'ajoute pas le Seigneur. Ainsi ces montagnes, avons-nous dit, désignent les grandes âmes, il est vrai, mais tournées au mal. Ne vous imaginez pas en effet, mes frères, qu'un esprit médiocre ait pu susciter des hérésies. Il faut de grands hommes pour faire des hérésiarques, des montagnes d'autant plus nuisibles, qu'elles sont plus élevées. Ces montagnes n'étaient point au nombre de celles qui reçoivent la paix, afin que les collines reçoivent la justice; mais elles ont reçu du démon, qui est leur père, l'esprit de division. C'étaient donc des montagnes, mais garde-toi de chercher un refuge auprès d'elles. Des hommes viendront et te diront: C'est un grand homme, c'est là un illustre personnage. Quel homme que Donat ! quel homme que Maximien! Quel homme encore que ce Photin ! et Arius n'était-il pas un grand homme? Ce sont là des montagnes, ai-je dit, mais des montagnes à naufrages. Tu vois dans leurs discours quelques jets de lumière, ils peuvent communiquer une certaine flamme. Mais si tu navigues sur une barque, et que tu sois surpris par la nuit ou par les ténèbres de cette vie, ne te laisse point prendre à ces lueurs, et n'y dirige point ton esquif, il y a là des rochers féconds en naufrages. Donc, lorsqu'on te parlera de la hauteur de ces montagnes, et qu'on t'invitera à venir à ces montagnes chercher du secours et le repos, tu répondras: «Ma confiance est dans le Seigneur;  comment dites-vous, ô mon âme: Retire-toi comme un oiseau sur les montagnes 1?» Il est bon pour toi, je l'avoue, de lever les yeux vers ces montagnes d'où peut te venir le secours de la part du Seigneur, afin d'échapper comme le passereau au lac des chasseurs, mais non afin de t'en aller vers les montagnes. Le passereau est léger, toujours dans l'agitation, volant deçà et delà. Mais toi, mets ta confiance dans le Seigneur, et tu seras comme la montagne de Sion, tu ne seras pas ébranlé éternellement, tu ne prendras point ton vol comme l'oiseau vers la montagne. Lorsque le Prophète parle de ces montagnes, parle-t-il aussi de Dieu?

6. Mais tu dois aimer les montagnes en qui est le Seigneur; et ces montagnes elles-mêmes t'aimeront, si tu ne mets point en elles ton espérance. Voyez, mes frères, quelles sont les montagnes de Dieu. Car c'est ainsi qu'on les nomme dans un autre endroit des psaumes «Votre justice est comme les montagnes de Dieu 2». Non point leur justice, mais votre justice. Ecoute saint Paul, l'une de ces montagnes: «Afin», dit-il, «que je sois trouvé en lui, non pas avec ma propre justice qui vient de la loi, mais avec celle qui vient de la foi en Jésus-Christ  3». Quant à ceux qui ont voulu être des montagnes par leur propre justice, comme certains Juifs, et principalement comme les Pharisiens, voici le reproche qu'on leur fait: « Ignorant la justice qui vient de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ils n'ont pas été soumis à la justice de Dieu 4». Ceux qui ont bien voulu s'y assujétir, ont été grands, de manière néanmoins à demeurer humbles. Et comme ils sont grands, ils sont des montagnes, et leur soumission à la volonté de Dieu en fait des vallées. Comme ils ont un réservoir de piété, ils reçoivent l'abondance de la paix, dont ils inondent les collines. Pour toi,

1. Ps 10,2.- 2. Ps 35,7.- 3. Ph 3,9.- 4. Rm 10,3.

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examine bien quelles montagnes ont ton amour. Pour être aimé des saintes montagnes, ne mets point ton espérance en elles, quelque saintes qu'elles soient. Quelle montagne était saint Paul? Quand s'en trouvera -t-il une semblable? Je ne parle ici que d'une grandeur humaine. Et toutefois, il craignait que le moindre passereau ne mît en lui sa confiance. Que dit-il alors? «Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous 1?» Mais levez les yeux vers les montagnes d'où vous viendra le secours: Car, «moi j'ai planté, Apollo a arrosé». Mais votre secours est dans le Seigneur, qui a fait le ciel et la terre; car « c'est Dieu qui a donné l'accroissement 2». Donc «les montagnes environnent la cité»; mais comme « les montagnes environnent la cité, le Seigneur environne son peuple, dès maintenant et jusqu'à la  fin des siècles». Si donc les montagnes environnent la cité, comme le Seigneur environne son peuple, voilà que le Seigneur unit son peuple par le lien de la charité et de la paix, afin que ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur, comme la montagne de Sion, ne soient point ébranlés éternellement. Voilà ce que signifie, « dès maintenant et jusque dans le siècle».

7. «Car le Seigneur ne laissera point le sceptre des impies sur l'héritage des justes, de peur que les justes ne portent leurs mains à l'iniquité». Ici-bas, les justes rencontrent parfois l'affliction, et ici-bas encore, l'injuste a la domination sur le juste. Comment cela? Souvent les injustes parviennent aux honneurs, et quand ils sont devenus ou juges, ou rois, ce que le Seigneur permet quelquefois pour châtier son peuple, pour châtier la nation qu'il s'est choisie, on ne peut leur refuser l'honneur qui est dû aux puissances. Car tel est l'ordre établi par Dieu dans l'Eglise, que toutes les puissances du siècle doivent y être honorées, même par ceux qui les surpassent en vertus. Je n'éclaircirai ma pensée que par un seul exemple; vous en tirerez les conjectures pour les autres degrés de puissance. La première puissance, la puissance quotidienne de l'homme sur l'homme, est celle du maître sur le serviteur. Dans toutes les niaisons il y a de ces puissances. Il y a des maîtres, il y a des serviteurs, ce sont deux noms différents mais

1. 1Co 1,13. - 2. 1Co 3,6.

des hommes et des hommes, voilà des noms semblables. Or, que nous dit l'Apôtre, pour enseigner aux serviteurs la soumission envers leurs maîtres? «Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair»; car il est un autre maître selon l'esprit. Celui-là est le véritable et l'éternel maître, tandis que les autres ne le sont que pour un temps. Mais le Christ ne veut point que tu sois orgueilleux quand tu marches dans sa voie, quand tu vis de sa vie. Te voilà chrétien, ayant un homme pour maître; mais tu n'es pas chrétien pour dédaigner de servir. Quand, par la volonté du Christ, tu as un homme pour maître, ce n'est point cet homme que tu sers, mais le Christ qui l'a voulu. Aussi saint Paul a-t-il dit: «Obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et respect, dans la simplicité du coeur, ne les servant point quand ils ont l'oeil sur vous, comme si vous ne cherchiez à plaire qu'à des hommes; mais faites de coeur et spontanément la volonté de Dieu, comme des serviteurs du Christ 1». Voilà que l'Apôtre n'affranchit point les serviteurs, mais il fait qu'ils deviennent bons, de méchants qu'ils étaient. Que ne doivent point à Jésus-Christ ces riches dont il règle ainsi la maison? Qu'il y ait chiez eux un serviteur infidèle, Jésus-Christ le convertit, mais sans lui dire: quittez votre maître, maintenant que vous connaissez le véritable maître; c'est un impie, un homme d'iniquité, tandis que vous êtes juste et fidèle; il serait indigne qu'un homme juste, qu'un fidèle, servît un homme infidèle et injuste. Ce n'est point là ce que lui dit Jésus-Christ; mais bien: Servez votre maître. Et, pour encourager ce serviteur: Sers à mon exemple, lui dit-il, car je me suis assujéti aux méchants. Quand le Seigneur eut tant à souffrir dans sa passion, de qui eût-il à souffrir, sinon de ses serviteurs? Et de quels serviteurs, sinon des méchants? Car de bons serviteurs eussent honoré le souverain maître. Mais eux l'outragèrent parce qu'ils étaient mauvais. Que fit le Seigneur au contraire? Il leur rendit l'amour pour la haine, car il s'écria: u Mon «Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font 2». Si le Seigneur du ciel et de la terre, par qui tout a été fait, s'assujétit à des indignes, pria pour ceux qui le traitaient avec tant de cruauté, et vint en ce monde

1. Ep 6,5-6. - 2. Lc 23,34.

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comme un médecin; car les médecins, ayant par l'âge et la santé l'avantage sur un malade, ne laissent pas de s'assujétir à lui; combien moins doit-il répugner à un homme de s'assujétir à un maître quoique méchant, et de le servir de toute son âme, de toute sa bonne volonté, de toute sa charité? Un homme vertueux en sert donc un inférieur, mais pour un temps. Appliquez aux puissances, aux dignitaires de ce monde, ce que j'ai dit du maître et du serviteur. Parfois, en effet, les dignitaires sont bons et craignent Dieu, et parfois ne le craignent point. Julien était un empereur infidèle, un apostat, un criminel idolâtre: des soldats chrétiens obéissaient àcet empereur infidèle; mais quand il s'agissait des intérêts du Christ, ils ne reconnaissaient que le maître du ciel. Quand on leur disait d'adorer les idoles, de leur offrir de l'encens, ils préféraient obéir au Seigneur; mais leur disait-on: Marchez en bataille contre tel peuple, ils obéissaient aussitôt. Ils distinguaient entre le maître éternel et le maître temporel; et néanmoins ils obéissaient au maître temporel à cause du maître éternel.

8. Mais sera-ce éternellement que les méchants domineront les justes? Non, sans doute. Voyez, en effet, ce que dit le psaume : «Le Seigneur ne laissera pas toujours le sceptre des méchants sur l'héritage des justes». Cette verge des méchants se fait sentir pour un temps, sur l'héritage des justes, mais on ne l'y laissera point, et ce n'est point pour toujours. Un temps viendra où l'on ne connaîtra qu'un seul Dieu; un temps viendra où le Christ, paraissant dans l'éclat de sa gloire, appellera devant lui les nations pour les séparer, comme un berger sépare les boucs d'avec ses brebis, et mettra les brebis à la droite, et les boucs à la gauche 1. Or, tu. verras parmi les brebis beaucoup de serviteurs, comme beaucoup de maîtres parmi les boucs; comme aussi beaucoup de maîtres parmi les brebis, et parmi les boucs bien des serviteurs. Car si nous consolons ainsi les serviteurs, ce n'est pas que tous àoient bons, de même que tous les miraîtres ne sont point mauvais, parce que nous avons dû réprimer leur orgueil. Il est des maîtres bons et fidèles, comme il en est de mauvais; et il y a des serviteurs mauvais, comme il y en a de bons et de fidèles.

1. Mt 25,32-33.

Mais tant que les bons serviteurs ont des maîtres méchants, qu'ils les supportent pour un temps: « car le Seigneur ne laissera point le fouet des méchants sur l'héritage des justes». Pourquoi? « De peur que les justes u n'étendent leurs mains vers l'iniquité»; afin que les justes supportent pour un moment la domination des méchants, qu'ils comprennent que cette domination n'est que passagère, et qu'ils se préparent à posséder l'héritage éternel. Quel héritage? Celui où tout pouvoir sera détruit ainsi que toute puissance, afin que Dieu soit tout en tous 1. Quand ils se réservent pour ces temps heureux, quand ils envisagent de l'oeil du coeur ce qu'ils ne tiennent que par la foi, muais qu'ils verront s'ils persistent; alors « ils n'étendent point leurs mains vers l'iniquité». S'ils voyaient le sceptre des pécheurs peser toujours sur l'héritage des justes, ils penseraient et diraient en eux-mêmes: De quoi me sert ma justice? serai-je donc toujours assujéti à l'injuste, et toujours serviteur? Et moi aussi je commettrai l'iniquité, puisqu'il ne sert de rien de garder la justice. Pour le détourner de ces pensées, on lui dit par la foi que le sceptre des méchants n'est que momentanément sur l'héritage des bons. «Le Seigneur ne le laissera point à jamais sur cet héritage, afin que les justes ne se laissent pas aller à l'iniquité»; mais qu'ils en détournent leurs mains, qu'ils la supportent sans la commettre; car il vaut mieux supporter l'injustice que la commettre. Pourquoi donc n'en serat-il pas ainsi? « C'est que le Seigneur ne laissera point le sceptre des pécheurs sur l'héritage des justes».

9. Telles sont les pensées des hommes au coeur droit, dont nous disions tout à l'heure qu'ils suivaient la volonté de Dieu et non leur propre volonté. Mais ceux qui veulent suivre la volonté de Dieu, le mettent le premier, et viennent après lui: ils ne se mettent point en avant, afin que Dieu les suive: ils approuvent ses desseins; qu'il les corrige, qu'il les console, qu'il les exerce, qu'il les couronne, qu'il les éclaire, comme l'a dit l'Apôtre; «Nous savons que, pour ceux qui aiment Dieu, tout contribue à leur bien 2». De là cette parole du prophète: « Faites du bien, Seigneur, à ceux qui sont bons et dont le coeur est droit 3».

10. De même que l'homme au coeur droit

1. 1Co 15,28. - 2. Rm 8,28. - 3. Ps 124,4.

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évite le mal et fait le bien 1, parce qu'il ne porte aucune envie aux pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent 2; de même l'homme au coeur dépravé, que scandalisent les desseins de Dieu, s'éloigne du Seigneur, fait le mal et se laisse prendre aux charmes de cette vie, et, une fois pris, il en supporte les peines cuisantes. Dès qu'il s'éloigne du Seigneur, dont il ne veut point supporter la discipline, alors la fausse félicité des méchants devient pour eux un piège par un juste jugement de Dieu. C'est pourquoi le Prophète ajoute: «Pour ceux qui s'engagent dans des voies tortueuses, Dieu les unira aux hommes qui commettent l'iniquité 3», c'est-à-dire à ceux dont ils imitent les actions; parce qu'ils ont aimé comme eux les joies de cette vie, et n'ont point cru aux supplices éternels. Quel sera donc le partage des hommes au coeur droit qui ne se détournent point de Dieu? Mais voyons quel sera cet héritage mes frères, puisque nous sommes les enfants. Que posséderons-nous? Quel est notre héritage? quelle est notre patrie? quel est son nom? La paix. C'est par la paix que nous vous saluons, c'est la paix que nous vous prêchons, la paix que reçoivent les montagnes, et les collines la justice 4. Cette paix est le Christ. « Car il est notre paix, lui qui de deux peuples n'en a fait qu'un, en détruisant le mur de séparation 5». Parce que nous sommes les enfants, nous aurons l'héritage. Et commirent appeler cet héritage, sinon la paix? Et voyez comme sont déshérités ceux qui n'aiment point la paix. Or, ceux-là n'aiment point la paix qui divisent l'unité. La paix est le partage des justes, le partage des héritiers. Et quels sont les héritiers? Les enfants. Ecoutez l'Evangile: «Bienheureux ceux

1. Ps 36,27. - 2. Ps 72,3.- 3. Ps 124,5.- 4. Ps 17,3. - 5. Ep 2,14.

qui aiment la paix, parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu 1». Ecoutez la conclusion du psaume: «Paix sur Israël». Israël signifie qui voit Dieu, et Jérusalem vision de la paix. Oui, que votre charité le retienne bien, Israël signifie qui voit Dieu, et Jérusalem vision de la paix. «Quels hommes ne seront point ébranlés de l'éternité? ceux qui habitent Jérusalem». Ils ne seront point ébranlés à tout jamais, ceux qui habitent la vision de la paix, et cette « paix est sur Israël». Donc, Israël qui voit Dieu, voit aussi la paix ; il est Israël et Jérusalem; puisque le peuple de Dieu est en même temps la cité de Dieu. Si donc voir la paix, c'est voir Dieu, assurément c'est Dieu qui est la paix. C'est donc parce que le Christ Fils de Dieu est la paix, qu'il est venu pour nous rassembler et nous séparer des impies. De quels impies? De ceux qui haïssent Jérusalem, qui haïssent la paix, qui veulent nous séparer de l'unité, qui ne croient pas à la paix, qui annoncent au peuple une fausse paix, qui n'ont point eux-mêmes la paix. Quand ils disent au peuple: Que la paix soit avec vous, et qu'il leur répond: Et avec votre esprit, ils disent une fausseté et n'entendent qu'une fausseté. A qui disent-ils: Que la paix soit avec vous? A ceux qu'ils séparent de la paix du reste de la terre. Et à quels hommes dit-on: Et avec votre esprit? A ceux qui saisissent toutes les occasions du schisme, qui haïssent la paix. Car si la paix était dans leur esprit, ne renonceraient-ils point aux divisions pour embrasser l'unité? C'est donc une fausseté qu'ils disent, une fausseté qu'ils entendent. Pour nous, mes frères, disons vrai et entendons vrai. Soyons Israël, embrassons la paix; puisque Jérusalem est la vision de la paix, et que nous sommes Israël, que la paix soit sur Israël.

1. Mt 5,9.



DISCOURS SUR LE PSAUME CXXV - DÉLIVRANCE DE LA CAPTIVITÉ.

126 Ps 126

SERMON AU PEUPLE.



Notre Dieu est venu sur la terre pour nous racheter au prix de son sang, parce que nous étions dans l'esclavage, nous et ceux nième qui ont les prémices de l'esprit, ou la foi. Nous attendons par l'espérance la rédemption de notre chair, dont Jésus-Christ nous a donné le modèle par sa résurrection. Maïs jusque-là nous gémissons. Déjà la chair que le Sauveur a prise dans l'humanité, est sauvée: or, il nous dit qu'il est avec nous jusqu'à la fin des siècles. Mais nous sommes dans l'esclavage, parce que nous sommes rendus au péché, et le persécuteur nous a lui-même sauvés en répandant le sang du juste. Notre joie a été grande quand Dieu a délivré la Jérusalem du ciel. Elle est du ciel à cause des anges, et captive à cause de nous. Elle était figurée par cette Sion des Juifs, captive à Babylone, pendant 70 années. Ce nombre signifie le temps qui s'écoule par sept Jours; et après les temps écoulés nous retournerons à la patrie. Babylone est la confusion ou le monde. Or, la délivrance nous a consolés, c'est-à-dire que Jésus nous a fait espérer à cause de sa résurrection. Alors notre bouche a été pleine de joie, c'est-à-dire la bouche de notre coeur dans laquelle s'élaborent toutes nos actions, ainsi que l'a dit le Sauveur. Ce n'est donc ni ce qui entre dans notre bouche, ni ce qui en sort qui souille l'homme, mais ce qui est résolu dans notre coeur Car Dieu y voit tout mal et tout bien. Le Seigneur a manifesté sa gloire en établissant l'Eglise, en nous délivrant des étreintes du péché, comme le vent tiède fait fondre les glaçons et amène les torrents. Semons dans les larmes, semons l'aumône, des biens, des services, des conseils, de la bonne volonté, nous récolterons au ciel. Le Samaritain de l'Evangile, c'est Jésus qui nous porte dans son Eglise, où se cicatrisent les blessures que le démon nous a faites sur le grand chemin du monde.

1. En suivant l'ordre, il nous faut expliquer, vous le savez, le psaume cent vingt-cinquième, qui compte parmi les psaumes intitulés cantiques des degrés, et qui est, vous le savez aussi, le chant de ceux qui s'élèvent; et où s'élèvent-ils, sinon à cette Jérusalem du ciel qui est notre mère à tous 1? Comme elle est du ciel, elle est éternelle. Quant à celle qui fut sur la terre, elle en était seulement l'image. Aussi est-elle tombée, tandis que l'autre subsiste. L'une a subsisté pendant qu'elle devait prophétiser l'avenir, l'autre possède l'éternité de notre réparation. Bannis pendant cette vie de cette cité bienheureuse, nous soupirons pour y retourner; le labeur et la misère seront pour nous jusqu'à ce que nous y soyons rentrés. Toutefois, les anges, nos concitoyens, ne nous ont point abandonnés dans cet exil, mais ils nous ont annoncé que notre roi viendrait à nous. Et il est venu et a d'abord été méprisé par nous, puis avec nous. Il nous a enseigné à supporter ce qu'il a supporté, à souffrir comme il a souffert; il nous a promis de ressusciter comme il est ressuscité, nous montrant en lui.mênie ce qu'il nous fallait espérer. Si donc, mes frères, avant l'avènement de Jésus-Christ en sa chair, avant sa mort, sa résurrection, son ascension

1. Ga 4,26.

au ciel, les Prophètes, qui sont nos aïeux, soupiraient après cette cité bienheureuse, quel doit être notre désir d'aller où il nous a précédés, et d'où il ne s'est jamais retiré? Pour venir à nous, en effet, le Christ n'a point abandonné les anges. Il est demeuré toujours avec eux, et néanmoins est venu à nous; il est demeuré avec eux dans sa majesté, il est venu à nous dans,sa chair. Mais, hélas! où étions-nous? S'il est appelé notre Rédempteur, nous étions captifs. Où donc étions-nous captifs, pour qu'il vînt nous racheter? Où étions-nous retenus? Chez les barbares? Le diable, avec ses anges, sont pires que les barbares. C'est en leur pouvoir qu'était le genre humain; c'est de leurs mains qu'il nous a rachetés, sans donner ni or, ni argent, mais son sang précieux.

2. Demandons à saint Paul comment l'homme était tombé dans cette captivité. Car il est un de ceux qui gémissent le plus dans cette captivité, qui soupirent après la Jérusalem éternelle, et il nous a enseigné à gémir par ce même esprit dont il était comblé quand il gémissait lui-même. «Toute créature gémit», nous dit-il, «jusqu'à présent, et souffre les douleurs de l'enfantement». Et encore : «La créature est assujétie à la vanité, non «pas volontairement, mais à cause de celui (52) qui l'y a assujétie dans l'espérance». Il dit que toute créature soupire et gémit dans le travail, chez ces hommes qui ne croient point, et qui néanmoins doivent croire. Ne gémit-elle que dans ceux qui n'ont 1oint encore la foi? La créature ne gémit-elle plus, n'endure-t-elle plus les douleurs de l'enfantement dans ceux qui croient? «Et non seulement elle», dit saint Paul, «mais nous qui avons les prémices de l'esprit»; c'est-à-dire, qui déjà servons Dieu en esprit, dont l'âme a cru en Dieu, et qui, dans cette foi, avons donné à Dieu des prémices, afin que nous suivions ces prémices qui viennent de nous. «Nous donc, nous gémissons en nous-mêmes, attendant l'effet de l'adoption qui sera la rédemption de notre corps». Saint Paul donc gémissait, et tous les fidèles gémissent, attendant la rédemption, la délivrance de leur corps. Où gémissent-ils? Dans cette vie mortelle. Quelle est la rédemption qu'ils attendent? La rédemption de leur corps, qui a paru d'abord en Notre-Seigneur quand il est ressuscité d'entre les morts et monté aux cieux. Mais avant qu'elle nous soit appliquée, nous devons gémir, quelle que soit notre fidélité, quelle que soit notre espérance. Aussi l'Apôtre, après avoir dit que nous gémissons en nous-mêmes dans l'attente de notre adoption, qui sera la rédemption de notre corps, prévoyant qu'on lui objecterait: De quoi nous sert le Christ, si nous gémissons encore, et comment ce Sauveur nous a-t-il sauve? car celui qui gémit est en souffrance; l'Apôtre, dis-je, ajoute aussitôt: «C'est par l'espérance que nous sommes sauvés; or, l'espérance qui est visible n'est plus l'espérance; comment, en effet, espérer ce que l'on voit? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons point, nous l'attendons par la patience 1». Voilà pourquoi nous gémissons, et comment nous gémissons, c'est que nous ne possédons pas, tuais nous attendons l'objet de nos espérances, et jusqu'a ce que nous le possédions, nous soupirons en cette vie, parce que nous désirons ce que nous ne possédons point. Pourquoi? Parce que «c'est par l'espérance que nous sommes sauvés». Dès à présent, cette chair qui est la nôtre, et dont le Sauveur s'est revêtu, est sauvée, non par l'espérance, mais en réalité, puisqu'elle est ressuscitée, qu'elle est montée au ciel, déjà sauvée

1. Rm 8,20-25.

dans notre chef, mais à sauver dans ses membres. Que les membres se réjouissent en sûreté, parce que le Chef ne les a point abandonnés. Car il a dit à ses membres qui souffrent: «Voilà que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles 1». C'est ce qui nous a portés à nous tourner vers Dieu. Nous n'avions d'espérance que pour cette vie; de là notre esclavage, de là notre misère, et une double misère, puisque n'ayant d'espérance que dans cette vie, et n'ayant devant les yeux que le monde, nous tournons le dos à Dieu. Mais lorsque Dieu nous convertit, que nous commençons à jeter nos yeux sur lui, et à tourner le dos au monde, nous qui sommes encore ici-bas dans la voie, nous regardons néanmoins notre patrie, et quand il nous arrive quelque affliction, nous demeurons fermes dans la voie, nous attachant au bois qui nous porte. Le vent est violent sans doute, mais le vent est favorable; il n'est pas sans fatigue, mais il nous pousse avec rapidité, et nous arriverons plus tôt. Nous gémissons de notre captivité, et ils gémissent aussi, ceux qui ont embrassé la foi; mais parce que nous avons oublié de quelle manière nous sommes tombés dans l'esclavage, et que l'Ecriture nous le rappelle, interrogeons l'Apôtre saint Paul lui-même: «Nous savons», dit-il, «que la loi est spirituelle, et moi je suis charnel et vendu au péché 2». Voilà notre captivité; C'est l'assujétissement au péché. Qui nous a vendus? Nous mêmes, en nous laissant séduire. Nous avons bien im nous vendre, mais nous ne saurions nous racheter. Nous sommes vendus en consentant au péché, et nous sommes rachetés en croyant à la justice. Le sang innocent a été versé pour nous, afin de nous racheter. Quel sang a répandu l'ennemi, quand il a versé le sang des justes qu'il persécutait? Il est vrai que c'était le sang des justes, le sang des Prophètes, qui sont nos pères, le sang des justes encore dans les martyrs; tous néanmoins venaient de la tige empoisonnée du péché. Mais il a aussi répandu le sang d'un seul, qui n'a pas été justifié, mais qui est né dans la justice, et ce sang répandu lui a fait perdre ceux qu'il tenait sous sa puissance. Ils ont été en effet délivrés, ceux pour qui ce sang a été versé, et délivrés de leur captivité, ils chantent le psaume que nous allons expliquer.

1. Mt 28,20. - 2. Rm 7,14.

53

3. «Quand le Seigneur a délivré Sion de la captivité, nous avons été comme consolés 1». Nous avons été dans la joie, a voulu dire le Prophète. Quand nous est venue cette joie? Quand le Seigneur rappelait Sion de sa captivité. Quelle Sion? La céleste Jérusalem, l'éternelle Sion. Comment Sion est-elle éternelle, et comment Sion est-elle captive? Elle est éternelle du côté des anges, et captive du côté des hommes. Car tous les citoyens de cette cité ne sont point captifs; mais ceux-là sont captifs qui ers sont bannis. L'homme fut citoyen de Jérusalem, mais une fois vendu au péché, il en fut banni. De lui sont venus tous les hommes, et la captivité de Sion a rempli toute la terre. Mais cette captivité de Sion, comment peut-elle être figurée par Jérusalem? Comment peut-elle être figurée dans cette Sion que Dieu donna aux Juifs, qui demeura captive à Babylone, et dont le peuple, après soixante et dix années, retourna dans son pays 2? Septante années marquent le temps qui s'écoule de sept jours. Or, quand le temps sera complètement écoulé, nous retournerons dans notre patrie, comme le peuple juif, après soixante et dix ans, revint de la captivité de Babylone. Car Babylone est ce bas monde, puisque Babylone signifie confusion. Voyez si toute la vie de l'homme n'est point une con fusion. L'homme ne rougit-il pas de ce qu'il a fait dans une si vaine espérance, quand il reconnaît la vanité de ses oeuvres? Pourquoi sou travail, et pour qui? Pour mes enfants, répond-il. Et ces enfants? Pour nos enfants, diront-ils encore. Et ces derniers? Encore pour nos enfants. Nul donc ne travaille pour soi-même. C'est de cette confusion qu'étaient délivrés ceux à qui l'Apôtre écrivait: « Quelle gloire avez-vous retirée de ces oeuvres qui maintenant vous font rougir 3?» Ainsi, toutes les affaires de la vie qui ne regardent point le Seigneur ne sont qu'une confusion. C'est dans cette confusion, dans cette Babylone que Sien est retenue captive. Mais «le Seigneur délivre Sion de sa captivité».

4. «Et nous avons été comme ceux que l'on console»; c'est-à-dire, nous avons tressailli de joie, comme ceux qui reçoivent une consolation. On ne console que les malheureux, on ne console que ceux qui gémissent et qui pleurent. Pourquoi sommes-nous «comme

1. Ps 125,1.- 2. Jr 29,10 Esd 1. - 3. Rm 5,21.

ceux que l'on console»,sinon parce que nous gémissons encore? Nous gémissons en réalité, nous sommes consolés en espérance: quand la réalité passera, le gémissement nous vaudra une joie éternelle, et alors nous n'aurons plus besoin de consolation, parce que nous ne souffrirons plus d'aucune misère. Pourquoi cette expression: «Comme ceux que l'on console», et n'est-il pas dit que nous sommes consolés? Cette expression: sicut, ou comme, ne marque pas toujours une comparaison. Quelquefois elle désigne une qualité, et quelquefois une comparaison: ici, elle désigne une qualité. Mais nous devons donner des exemples tirés du langage ordinaire, afin de nous faire mieux comprendre. Quand nous disons comme a vécu le père, ainsi a vécu le fils, nous faisons une comparaison; et dire l'homaime meurt comme l'animal, c'est encore une comparaison. Mais dire: Il a agi comme un homme de bien, est-ce dire que cet homme n'et pas un homme de bien, qu'il n'en a que l'apparence? Il a agi comme un homme juste; ce «comme», loin de nier la justice de cet homme, l'affirme au contraire. Vous avez agi comme un magistrat; donc je ne suis pas magistrat, pourrait-on répondre. Au contraire, c'est parce que vous êtes magistrat que vous avez agi en magistrat, parce que vous êtes juste que vous avez agi en homme juste, parce que vous êtes homme de bien que vous avez agi en homme de bien. Ceux-ci donc, parce qu'ils étaient véritablement consolés, s'abandonnent à la joie comme des hommes que l'on a consolés; c'est-à-dire que leur joie était grande comme la joie de ceux que l'on console, Dieu qui est mort pour nous, versant des consolations dans ceux qui doivent mourir. Car la mort nous arrache à tous des gémissements; mais celui qui est mort nous a consolés pour nous délivrer de la crainte de la mort. Il est ressuscité le premier afin de fonder notre espérance. Nous espérons donc parce qu'il est ressuscité le premier, et cette espérance nous console dans nos misères, de là notre allégresse. Et le Seigneur nous a délivrés de notre captivité, afin que nous reprenions le chemin du retour vers la patrie. Maintenant que nous sommes rachetés, ne craignons plus nos ennemis qui dressent des piéges sur notre chemin. Car le Christ nous a rachetés afin que l'ennemi n'ose plus nous tendre des embûches, si nous n'abandonnons pas la voie; et (54) c'est lui-même qui est notre voie. Veux-tu ne rien craindre des voleurs? Voilà, dit-il, que je t'ai ouvert la voie vers ta patrie, ne t'en écarte point. J'ai fortifié cette voie, afin que le voleur ne puisse t'y attaquer. Ne t'en écarte point, et le voleur n'osera t'assaillir. Marche donc dans le Christ, et chante les saintes joies, chante les saintes consolations; car il y a marché le premier, celui qui t'a commandé de le suivre.

5. «Alors notre bouche a été remplie de joie et notre langue d'allégresse 1». Comment, mes frères, la bouche de notre corps peut-elle être remplie de joie? on n'y met ordinairement que de la nourriture, du breuvage, ou toute autre chose semblable. Quelquefois notre bouche est pleine, et pour tout dire à votre sainteté, quand notre bouche est pleine, alors nous ne saurions parler. Mais nous avons une bouche intérieure, ou dans notre coeur, et tout ce qui en sort, nous souille s'il est mauvais, nous purifie s'il est bon. C'est de cette bouche qu'il était question dans l'Evangile qu'on vient de lire. Les Juifs reprochaient au Sauveur, que ses disciples ne lavaient point leurs mains avant de manger. ils faisaient des reproches, ces hommes qui avaient une pureté tout extérieure, et qui au dedans étaient pleins de souillures; ils faisaient des reproches, ces hommes qui n'avaient de justice que devant les hommes. Or, le Seigneur cherchait surtout notre pureté intérieure, qui rejaillit nécessairement sur l'extérieure dès lors qu'elle existe: «Purifiez l'intérieur», leur dit-il, «et ce qui est au dehors sera pur aussi 2», Le Seigneur dit encore àun autre endroit: «Faites l'aumône, et tout sera pur en vous 3». Or, d'où vient l'aumône? du coeur. Tendre la main n'est rien, si le coeur n'est touché. Mais si le coeur est touché de compassion, Dieu accepte notre aumône, quand même la main n'aurait rien à donner. Ces hommes d'iniquité ne s'attachaient qu'à la pureté extérieure. C'est de ce nombre qu'était ce pharisien qui avait invité Notre-Seigneur, quand une femme pécheresse, fameuse dans toute la ville, vint le trouver, arrosa ses pieds de ses larmes, les essuya de ses cheveux, et les oignit de parfums. Ce pharisien donc qui avait invité le Seigneur 4, qui n'avait qu'une pureté extérieure,

1. Ps 125,2. - 2. Mt 23,26. - 3. Lc 11,41. - 4. Lc 7,36.

et dont le coeur était plein de rapines et d'iniquités, dit en lui-même: «Si cet homme était le Prophète, il saurait quelle femme est à ses pieds 1». Comment pouvait-il savoir si le Sauveur connaissait cette femme, ou ne la connaissait point? Ce qui fit croire qu'il ne la connaissait point, c'est qu'il ne la repoussa point. Qu'une telle femme se fût approchée de ce pharisien, qui n'avait en quelque sorte de pureté que dans la chair, il eût tressailli, il l'eût repoussée et chassée, de peur que cette femme impure ne le touchât, et ne souillât sa pureté. Et parce que Ïe Seigneur n'en agit pas de la sorte, ce pharisien s'imagine qu'il ne sait point quelle femme est à ses pieds. Néanmoins le Seigneur la connaissait, mais il connaissait même ses pensées: et en effet, ô impur pharisien, s'il y a dans le contact une puissance, est-ce la chair du Sauveur qui pouvait devenir impure au contact de cette femme, ou cette femme devenir pure au contact du Sauveur? Le médecin permettait à cette malade de toucher le remède, et cette femme qui venait connaissait le médecin, elle qui avait eu l'effronterie de ses dérèglements, eut plus d'effronterie encore pour son salut. Elle entre dans cette maison où elle n'est pas invitée, mais elle avait des plaies, et venait où reposait le médecin. Celui qui avait invité le médecin se croyait en santé, et dès lors il n'est point guéri. Vous savez ce que rapporte ensuite l'Evangile, et comment le Sauveur confondit le pharisien, en lui montrant qu'il connaissait cette femme, et pénétrait ses pensées.

6. Mais revenons à ce passage de l'Evangile qu'on vient de lire et qui se rapporte au verset que nous expliquons: « Notre bouche u a été remplie de joie, et notre langue d'allégresse»; nous cherchons quelle est cette bouche, quelle est cette langue. Que votre charité veuille bien écouter. On reprochait au Sauveur que ses disciples mangeaient sans avoir lavé leurs mains. Le Sauveur fit une réponse péremptoire, et, appelant la foule «Ecoutez», leur dit-il, «et comprenez que ce n'est point ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme, mais bien ce qui en sort 2». Qu'est-ce à dire? Quand le Sauveur dit: «Ce qui entre dans la bouche»; il ne parle que de la bouche du corps. C'est par là qu'entre la nourriture, et la nourriture ne souille

1. Lc 7,39. -  2. Mt 15,2.

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point l'homme car «tout est pur pour les hommes purs 1»; et «toute créature de Dieu est bonne, et il ne faut rien rejeter de ce que l'on reçoit avec actions de grâces 2». C'était une figure chez les Juifs, que cette impureté de certaines créatures 3. Mais quand la lumière est venue, les ombres disparaissent, nous ne sommes plus enchaînés par la lettre, mais vivifiés par l'Esprit; et les chrétiens n'ont pas été assujétis au joug des observances légales qui pesaient sur les Juifs, puisque le Seigneur a dit: «Mon joug est doux, mon fardeau est léger 4». « Tout est pur pour ceux qui sont purs», dit encore l'Apôtre; «quant aux hommes impurs et aux infidèles, «pour eux rien n'est pur, mais leur raison et leur conscience sont impures et souillées 5». Qu'entend par là saint Paul? Pour l'homme qui est pur, le pain et la chair de pourceau sont purs; mais pour l'homme qui ne l'est point, ni le pain ni la chair de pourceau ne le sont non plus. «Rien n'est pur pour l'homme impur et infidèle». Pourquoi rien n'est-il pur? «C'est que leur pensée et leur conscience sont souillées»; et si rien n'est pur à l'intérieur, rien ne saurait l'être à l'extérieur. Dès que rien ne saurait être pur au dehors pour les hommes dont l'intérieur est impur, purifie en toi l'intérieur, si tu veux que l'extérieur soit pur. Là est cette bouche qui sera remplie de joie même pendant son silence. Car si tu es dans la joie même en silence, ta bouche crie vers le Seigneur. Mais examine d'où vient la joie. Si elle te vient du monde, tu ne jetteras devant Dieu que les cris d'une joie impure; si ta joie vient de la rédemption, ainsi qu'il est dit dans le psaume: «Quand le Seigneur a délivré Sion  de la captivité, nous avons été comme ceux que l'on a consolés», alors ta bouche est pleine de joie, et ta langue d'allégresse; ta joie est évidemment une joie d'espérance, une joie agréable à Dieu. C'est par cette joie, c'est par cette bouche intérieure que notre coeur se nourrit et s'abreuve: elle est pour l'entretien du coeur, comme la bouche extérieure pour l'entretien du corps. C'est de là en effet qu'il est dit: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés 6».

7. S'il n'y a pour nous souiller que ce qui

1. Tt 1,15. - 2. 1Tm 6,4. - 3. Lv 11. - 4. Mt 11,30. - 5. Tt 1,15. - 6. Mt 5,6.

sort de notre bouche, et si dans cette parole de l'Evangile nous ne comprenons que la bouche de notre corps, il serait absurde néanmoins et ridicule de croire que l'homme ne saurait être souillé quand il mange, et qu'il le deviendrait par le vomissement. Le Seigneur dit en effet: «Ce n'est point ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme, mais ce qui en sort 1». Quoi donc? Manger ne te souillera pas, et vomir te souillera? Boire ne te souillera pas, et cracher te souillera? Cracher, c'est en effet rejeter quelque chose de ta bouche, et boire c'est y faire entrer quelque chose. Que veut dire cette parole du Seigneur: «Ce n'est point ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme, mais ce qui en sort?» Dans un autre Evangile, il continue en expliquant ce qui sort de la bouche: afin de te montrer qu'il ne parle plus de la bouche du corps, mais de la bouche du coeur. Il dit en effet: «C'est du coeur que sortent les pensées mauvaises, les fornications, les homicides, les blasphèmes: voilà ce qui souille l'homme; mais manger sans s'être lavé les mains, ne souille pas l'homme 2». Comment donc, mes frères, ces crimes peuvent-ils sortir de notre bouche, sinon parce qu'ils sortent de notre coeur, comme le dit le Seigneur lui-même?Ce n'est point quand nous en prononçons les noms qu'ils nous souillent. Que nul ne dise: C'est quand nous parlons de ces péchés qu'ils sortent de notre bouche, puisque de notre bouche sortent des sons etdes paroles, et quand nous disons ce qui est mauvais nous sommes impurs. Qu'un homme, sans parler, arrête sa pensée au mal, est-il donc pur, parce que rien n'est sorti de la bouche de son corps? Mais Dieu a déjà entendu ce qui sortait de la bouche de son coeur. Comprenez donc ceci, mes frères: Je prononce le mot larcin; mais pour avoir prononcé ce mot de larcin,le larcin m'a-t-il souillé? Le mot est sorti de ma bouche, mais sans m'avoir rendu impur. Un voleur se lève la nuit, sa bouche est silencieuse, mais l'action le rend impur. Non-seulement il ne parle point de son crime, mais il affecte le plus grand silence, et il craint tellement que sa voix ne soit entendue, qu'il redoute jusqu'au bruit de ses pas: est-il donc pur dès lors qu'il garde un tel silence? Je vais plus loin, mes frères. Le voilà qui est

1. Mt 15,2. - 2. Mt 19,20 Mc 7,5-23.

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encore dans son lit. il n'en est point sorti pour commettre son vol; il veille, il attend que les hommes soient endormis; mais il parle déjà devant Dieu, il est déjà voleur, il est déjà impur; son crime est déjà sorti de sa bouche intérieure. Quand est-ce, en effet, que le crime sort de la bouche? Quand le dessein de le commettre est arrêté. Dès que tu as résolu de le faire, tu l'as dit, tu l'as fait. Si le vol n'est pas accompli extérieurement, c'est peut être que celui que tu voulais dépouiller ne méritait pas de perdre son bien. Il n'a rien perdu, et tu seras néanmoins traité comme un voleur. Tu as arrêté le dessein de tuer un homme; tu t'as dit dans ton coeur, ta bouche intérieure a crié homicide cet homme vit encore, et tu seras châtié de ton homicide. Car on demandera ce que tu es devant Dieu, et non ce que tu parais aux yeux des hommes.

8. Nous voyons donc et nous devons comprendre, et bien retenir, que le coeur a sa bonche, que le coeur a sa langue.C'estla bouche qui est remplie de joie;c'est par cette bouche intérieure que nous prions Dieu,quand nos lèvres sont closes et la conscience ouverte. Le silence règne, et le coeur pousse des cris; mais aux oreilles de qui? Non point de l'homme, mais de Dieu. Sois donc en assurance,il t'entend celui qui te prend en pitié. Mus au contraire, quand nul homme n'entendrait le mal sortir de ta bouche, dès qu'il en sort, ne sois plus en assurance, car il écoute celui qui peut te damner. Les juges d'iniquité n'entendaient point Suzanne qui priait en silence. L'homme n'entendait point sa voix, mais son coeur poussait des cris vers Dieu 1. Et parce que sa voix ne sortait point des paroles de son coeur, n'a-t-elle point mérité d'être écoutée de Dieu? Il l'écouta, sans doute, et nul homme n'entendit sa prière. Donc, mes frères, voyez ce que nous avons dans la bouche intérieure. Prenez garde que, sans faire le mal au dehors, vous ne le disiez intérieurement. L'homme ne fait au dehors que les actions qu'il a dites à l'intérieur. Eloigne tout mal de la bouche de ton coeur, et tu seras innocent, la langue de ton corps sera innocente, et tes mains seront innocentes; tes pieds aussi seront innocents, tes yeux innocents, tes oreilles innocentes, tous tes membres comiibattront pour la justice, parce qu'un maître juste sera en possession de ton coeur.

1. Da 13,35, etc.

9. «Alors on dira parmi les nations: Le Seigneur a manifesté sa gloire dans ce qu'il a fait en leur faveur. Le Seigneur a manifesté sa gloire, en agissant pour nous; il nous a comblés de joie 1». Voyez, mes frères, si ce n'est point là ce que Sion chante aujourd'hui parmi les peuples, dans l'univers entier: voyez si de toutes parts on ne vient point dans l'Eglise. Dans l'univers entier, on reçoit le prix de notre rançon, et l'on répond: Amen. Ils chantent, parmi les nations, ces captifs de Jérusalem, ces enfants de Jérusalem qui doivent y retourner un jour, qui sont en exil et qui soupirent après la patrie. Que disent-ils? «Le Seigneur a manifesté sa gloire dans ce qu'il a fait pour nous, et nous sommes comblés de joie». Ont-ils eux-mêmes agi en leur faveur? Ils n'ont pu que se nuire, parce qu'ils se sont vendus par le péché. Le

Rédempteur est venu, et a fait en leur faveur de grandes choses: «Il a manifesté sa gloire dans ce qu'il a fait pour eux. Il a manifesté sa gloire dans ce qu'il a fait pour nous, et nous sommes comblés de joie».

10. «Seigneur, ramenez-nous de notre captivité, comme le vent du Midi ramène le torrent». Que votre charité écoute bien ces paroles. Déjà il est dit: «Quand le Seigneur délivrait Sion de la captivité»; et ce langage est au passé. Mais les Prophètes se servent souvent du passé pour prédire l'avenir. Car c'était au passé qu'il disait dans un autre psaume: «Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os». Il ne dit point: Ils perceront mes pieds; ni: Ils compteront mes os; ni: Ils partageront mes vêtements; il ne dit point: Ils tireront ma robe au sort; tout cela est pour l'avenir, et le Prophète en parle comme d'un passé. Car tout ce qui doit être, est, en Dieu, comme s'il était accompli. Quand donc le Prophète nous dit: « Lorsque le Seigneur délivrait Sion de la captivité, nous avons été comme ceux que l'on console; alors notre bouche a été pleine de joie et notre langue d'allégresse», il nous montre que sous la figure du passé il annonce l'avenir, puisqu'il ajoute: «Alors on dira parmi les nations» . «On dira» est au futur. «Le Seigneur a manifesté sa gloire dans ce qu'il a fait pour nous: nous avons été comblés de joie». Quand on chantait ces cantiques, tout cela devait

1. Ps 125,3.

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arriver, et maintenant nous le voyons s'accomplir. Le Prophète prie comme pour l'avenir, lui qui, tout à l'heure, annonçait l'avenir sous la forme du passé: «Seigneur, mettez fin à notre captivité». La captivité n'était donc point terminée encore, puisque le Rédempteur n'était point encore arrivé. Cette prière que l'on faisait à Dieu quand on chantait ces psaumes est donc maintenant accomplie: «Seigneur, ramenez-nous de notre captivité, comme le vent du Midi ramène le torrent». De même que le vent du Midi fait couler les torrents, faites cesser notre captivité. Vous cherchez ce que cela signifie, vous le saurez bientôt, avec le secours de Dieu et par vos prières. Dans un endroit de l'Ecriture, qui nous conseille et nous commande les bonnes oeuvres, il est dit: «Vos péchés seront dissous, comme la glace sous un ciel serein 1». Donc nos péchés nous resserraient. Comment? Comme la glace resserre l'eau et l'empêche de couler. Le froid de nos péchés nous a gelés sous ses étreintes. Mais le vent du Midi est très-chaud: quand il souffle, il dissout les glaces, et les torrents se remplissent. On appelle torrents ces fleuves de l'hiver grossis tout à coup par les eaux et qui coulent avec fracas. La captivité nous avait donc gelés, nos péchés nous tenaient enchaînés; mais le vent du Midi ou l'Esprit-Saint a soufflé; nos péchés nous ont été remis et nous avons été dégagés du froid de l'iniquité, nos péchés ont fondu comme la glace au vent du Midi. Courons donc vers notre patrie comme les torrents au souffle du midi. Le bien nous a valu des tribulations, il nous en amène encore. Car la vie humaine, dans laquelle nous sommes entrés, est un tissu de misères, de travaux, de douleurs, de périls, d'afflictions, de tentations. Ne vous laissez point séduire par les vaines joies du monde, et voyez dans les choses d'ici-bas ce qu'il faut pleurer. L'enfant qui vient de naître pouvait rire tout d'abord; pourquoi commence-t-il sa vie en pleurant? Pourquoi sait-il déjà pleurer, quand il ne sait point rire encore? C'est parce qu'il est entré dans cette vie. S'il est au nombre de nos captifs, il gémit, il pleure; mais la joie viendra un jour.

11. Car, notre psaume l'a dit: «Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie 2». Semons en cette vie qui est pleine de larmes. Que sèmerons-nous? Des bonnes

1. Eccl, 3,17Ps 125, 5.

oeuvres. Les oeuvres de miséricorde, voilà ce que nous semons, et à ce propos saint Paul vous dit: «Ne nous lassons pas de faire le bien, si nous ne perdons pas courage, nous moissonnerons dans le temps. C'est pourquoi pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, mais principalement aux serviteurs de la foi 1». Et que dit-il en parlant de l'aumône? « Or, je vous le dis: Celui qui sème peu, moissonne peu 2». Donc celui qui sème beaucoup, moissonnera beaucoup: «Celui qui sème peu, moissonnera peu»; et celui qui ne sème peu, ne moissonnera rien. Pourquoi convoiter de vastes campagnes pour y semer beaucoup de grain? Vous ne sauriez trouver, pour jeter vos semences, un plus vaste champ que le Christ qui a voulu qu'on semât en lui. Votre terre est l'Eglise, semez-y autant que vous pourrez. Mais tu n'as que peu à semer, diras-tu. As- tu du moins la volonté? Comme, sans elle, tout ce que tu pourrais avoir ne serait rien; de nième, avec elle, ne t'afflige pas de ne rien avoir. Que sèmes-tu en effet? La miséricorde. Que moissonneras-tu? La paix. Or, les anges ont-ils dit: Paix sur la terre aux hommes riches; et n'est-ce point: «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté 3?» Zachée avait beaucoup de volonté, une grande charité. Il reçut chez lui le Seigneur, le reçut avec joie, promit de donner aux pauvres la moitié de son bien, et de rendre au quadruple ce qu'il pouvait avoir pris 4 ; afin de te montrer que s'il retenait la moitié de son bien, c'était moins pour le plaisir de le posséder, que pour avoir de quoi restituer. C'est là une grande volonté, c'est là donner beaucoup, semer beaucoup. Mais cette veuve qui ne donna que deux petites pièces, aurait-elle donc peu semé? Autant que Zachée. Ses biens étaient moindres, sa volonté était égale 5. Elle donna deux pièces de monnaie avec autant de bonne volonté, que Zachée la moitié de ses biens. A considérer le don, il est différent; mais à considérer la volonté, elle est semblable. La femme donna ce qu'elle avait, comme Zachée donna ce qu'il avait.

12. Supposons un homme qui n'ait pas même les deux pièces de cette veuve; y a-t-il quelque chose de moindre prix que nous puissions semer pour recueillir une telle moisson? Oui. «Quiconque aura donné à

1. Ga 6,8. - 2. 2Co 9,6.-  3. Lc 2,14. - 4. Lc 19,6-8. - 5. Lc 21,1-4.

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mon disciple un verre d'eau froide, ne u perdra point sa récompense 1». Un verre d'eau froide ne coûte pas deux pièces de monnaie, on le donne pour rien; et toutefois, quoiqu'il ne coûte rien, tel homme peut l'avoir, tel autre non; si donc celui qui l'a le donne à celui qui ne l'a point, il donne autant, si le don qu'il fait vient d'une charité parfaite; il donne autant que cette femme avec ses pièces de monnaie, que Zachée avec la moitié de ses biens. Car, ce n'est point sans sujet que le Fils de Dieu ajoute le mot froide, afin de montrer qu'elle vient du pauvre. Il a dit «un verre d'eau froide», afin que nul ne pût s'excuser en disant qu'il n'a point de bois pour la chauffer. « Quiconque donnera à mes disciples un verre d'eau froide, ne perdra point sa récompense». Mais s'il n'a pas même ce verre d'eau? Qu'il soit hors de crainte quand il ne l'a pas même: «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté» ; qu'il craigne seulement de pouvoir faire le bien, et de ne point le faire. Car s'il peut, sans le faire, il est gelé intérieurement: ses péchés ne sont point dissous, comme la glace du torrent au souffle du midi, son coeur est demeuré froid. Que valent ces grands biens que nous possédons? Voilà un homme au coeur fervent, qu'a fondu la chaleur du midi; et n'eût-il rien, Dieu lui tient compte de tout. Voyez les services que se rendent les mendiants. Que votre charité comprenne comment on fait l'aumône. C'est aux mendiants sans doute que tu fais l'aumône, ce sont les mendiants qui ont faim. Vous jetez donc les yeux sur vos frères, vous voyez leurs besoins, et si le Christ est en vous, vous secourez même les étrangers. Mais ces pauvres mêmes dont le métier est de mendier, ont dans leur misère de quoi se secourir mutuellement. Dieu leur a donné le moyen de montrer s'ils aiment à donner l'aumône. Celui-ci ne saurait marcher, celui-là qui le peut, prête au boiteux le secours de ses pieds; celui qui voit prête ses yeux à l'aveugle; celui qui est jeune et vigoureux prête ses forces au vieillard, au malade, il le porte: l'un donc est pauvre, et l'autre est riche à son égard.

13. Il arrive quelquefois que le riche soit pauvre, et que le pauvre lui rende service. Voilà, près d'un fleuve, un homme aussi frêle qu'il est riche, il ne saurait le traverser; en

1. Mt 10,42 Mc 9,40.

découvrant ses membres, il se refroidirait, deviendrait malade, et mourrait; il arrive là un pauvre plus robuste de corps, qui porte le riche sur l'autre rive, et qui fait ainsi l'aumône au riche. Donc ne regardez point comme pauvre ceux-là seulement qui n'ont point d'argent. Voyez en quoi chaque homme est pauvre, car vous êtes riches peut-être dans ce qui lui manque, et vous avez de quoi l'assister. Lui prêter le secours de tes membres, c'est plus peut-être que lui prêter de l'argent. Il a besoin de conseils, et tu es homme de bons conseils; sous ce rapport il est pauvre et tu es riche. Voilà que sans fatigue, sans perte aucune, tu donnes un simple conseil et tu fais l'aumône. Maintenant, mes frères, que nous vous parlons, vous êtes comme des pauvres pour nous, et nous vous assignons une part dans les dons qu'il a plu à Dieu de nous faire. Car nous recevons tous de lui,qui seul est souverainement riche. Ainsi donc se maintient le corps du Christ; les membres sont unis entre eux et rattachés par les liens de la charité et de la paix, chacun dans ce qu'il possède fait une part à celui qui n'a rien; il est riche dans celui qui possède. et pauvre dans celui qui ne possède point. Aimez-vous ainsi, mes frères, ayez une mutuelle charité. Ne soyez pas uniquement occupés de vous-mêmes, voyez autour de vous ceux qui ont besoin. Ne vous laissez point décourager par ce qu'il y a de pénible et de fatigant dans ces aumônes. Vous semez dans les larmes, vous moissonnerez dans la joie. Eh quoi! mes frères. Quand le laboureur s'en va, portant derrière sa charrue le grain qu'il veut semer, n'est-il pas souvent accueilli par un vent trop froid, ou détourné par la pluie? Il regarde le ciel, il le voit sombre, il tremble de froid, et pourtant il marche, il sème. Il craint qu'en s'arrêtant à un ciel trop sombre, pour attendre un jour plus beau, il ne perde l'occasion de semer, et ne trouve rien à moissonner. Ne différez donc point, mes frères, semez pendant l'hiver, semez des bonnes oeuvres, même dans les larmes; car «ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans la joie». Ils jettent en terre leur semence, leur bonne volonté et leurs bonnes oeuvres.

14. «Ils allaient et pleuraient en répandant leurs semences 1». Parce qu'ils étaient parmi

1. Ps 125,6.

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les malheureux, et malheureux eux-mêmes. Qu'il n'y eût plus de misérables, voilà ce qui vaudrait encore mieux que vos miséricordes. Souhaiter qu'il y ait des misérables afin de les soulager, c'est une miséricorde cruelle. Cela reviendrait au médecin qui voudrait voir beaucoup de malades afin d'exercer son art, et alors art bien cruel ! La santé pour tous est bien préférable à l'exercice de l'art médical. Que tous règnent dans la céleste patrie, voilà ce qu'il faut désirer plutôt que de rencontrer des malheureux à qui nous fassions miséricorde. Et toutefois, tant qu'il est des hommes à qui nous pouvons faire du bien, ne nous lassons pas de semer dans les peines. Bien que nous semions dans les larmes, nous moissonnerons dans la joie. Car à la résurrection des morts, chacun recueillera ses gerbes, c'est-à-dire le fruit des semences qu'il aura répandues, la couronne de la joie et de l'allégresse. Alors, nous triompherons dans notre joie, et nous insulterons à la mort qui nous arrachait des gémissements. Alors nous dirons à la mort: « O mort, où est ta victoire? ô mort, où est ton aiguillon 1?» Mais d'où viendra cette joie? C'est qu' «alors nous porterons nos gerbes». Car «ils allaient et pleuraient en répandant leurs semence». Pourquoi «répandant leurs semences?» Parce que «ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans la joie».

15. Que le fruit de cette exhortation, mes frères, soit de vous exciter à la miséricorde, car c'est elle qui nous élève à Dieu. Et vous voyez qu'il s'élève, celui qui chante le cantique des degrés. Souvenez-vous-en, mes frères. N'aimez point à descendre au lieu de monter, mais songez toujours à vous élever; car l'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho tomba entre les mains des voleurs 2. S'il ne fût descendu, les voleurs ne l'eussent

1. 1Co 15,55. - 2. Lc 10,30.

point rencontré. Adam déjà était descendu et tombé aui mains des voleurs, et nous sommes tous en Adam. Mais le prêtre passa, et le vit avec indifférence, le lévite passa et fut aussi indifférent, car la loi ne pouvait guérir. Un samaritain vint à passer, ou Jésus-Christ Notre-Seigneur; car c'est à lui que l'on disait: «N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un samaritain et un possédé du démon?» Pour lui, il ne dit point: Je ne suis pas un samaritain; il dit seulement: «Je ne suis point possédé du démon 1». Samaritain signifie en effet gardien. Si donc il eût répondu: Je ne suis pas samaritain, il eût dit: Je ne suis pas gardien; et dès lors quel autre nous garderait? Achevant alors sa parabole : «Un samaritain passa», dit le Sauveur, «et lui fit miséricorde 2»; vous savez le reste. Cet homme était donc blessé sur le grand chemin parce qu'il était descendu; et le samaritain qui passait ne nous méprisa point en lui: il prit soin de nous, il nous mit sur son cheval, ou sur sa chair; il nous conduisit àla grande hôtellerie de son Eglise; il nous recommanda à l'hôtelier, ou à son apôtre; il donna deux deniers pour nous soigner, c'est-à-dire le double précepte de la charité, de Dieu et du prochain; et «ce double précepte renferme la loi et les Prophètes 3». Or, il dit au maître de l'hôtellerie: «Ce que vous dépenserez en plus, je vous le remettrai à mon retour 4». En effet, l'Apôtre a dépensé davantage. Car tous les Apôtres avaient le droit, comme soldats du Christ, de recevoir une solde des fournisseurs du Christ, et celui-ci a travaillé de ses mains, et fait don de sa solde aux fournisseurs 5. Tout cela s'est fait ainsi; si nous avons été blessés parce que nous sommes descendus, montons aujourd'hui, chantons notre triomphe, et avançons afin d'arriver un jour.

1. Jn 8,48. - 2. Lc 10,33.- 3. Mt 29,37-40. - 4. Lc 10,30-37.- 5. 1Co 4,12 1Th 2,7.




Augustin, les Psaumes 125