Angelus Benoit XVI 21107


Place Saint-Pierre

Dimanche 28 janvier 2007

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Chers frères et soeurs!


Le calendrier liturgique rappelle aujourd'hui saint Thomas d'Aquin, grand docteur de l'Eglise. Avec son charisme de philosophe et de théologien, il offre un modèle précieux d'harmonie entre raison et foi, des dimensions de l'esprit humain qui se réalisent pleinement dans leur rencontre et leur dialogue réciproques. Selon la pensée de saint Thomas, la raison humaine "respire", d'une certaine manière: c'est-à-dire qu'elle se meut dans un horizon ample, ouvert, où elle peut exprimer le meilleur d'elle-même. Lorsqu'en revanche, l'homme se limite à penser uniquement à des objets matériels et "expérimentables" et se ferme aux grandes interrogations sur la vie, sur lui-même et sur Dieu, il s'appauvrit. Le rapport entre foi et raison constitue un sérieux défi pour la culture actuellement dominante dans le monde occidental et, précisément pour cette raison, le bien-aimé Jean-Paul II a voulu y consacrer une Encyclique intitulée justement Fides et ratio, - Foi et raison. J'ai moi-même récemment repris cet argument dans le discours à l'Université de Ratisbonne.

En réalité, le développement moderne des sciences apporte d'innombrables effets positifs comme nous le voyons tous; ceux-ci doivent toujours être reconnus. Dans le même temps cependant, il faut admettre que la tendance à considérer vrai uniquement ce qui est expérimentable, constitue une limitation à la raison humaine et produit une terrible schizophrénie désormais évidente qui fait coexister le rationalisme et le matérialisme, l'hypertechnologie et l'instinct déchaîné. Il est urgent par conséquent de redécouvrir de façon nouvelle la rationalité humaine ouverte à la lumière du Logos divin et à sa parfaite révélation qui est Jésus Christ, Fils de Dieu fait homme. Lorsque la foi chrétienne est authentique, elle ne porte pas atteinte à la liberté et à la raison humaine; et alors, pourquoi la foi et la raison doivent-elles avoir peur l'une de l'autre si le fait de se rencontrer et de dialoguer leur permet de mieux s'exprimer? La foi suppose la raison et la perfection, et la raison, éclairée par la foi, trouve la force pour s'élever à la connaissance de Dieu et des réalités spirituelles. La raison humaine ne perd rien en s'ouvrant aux contenus de la foi, ceux-ci demandent au contraire son adhésion libre et consciente.

Avec une sagesse clairvoyante, saint Thomas d'Aquin réussit à instaurer une confrontation fructueuse avec la pensée arabe et juive de son temps, au point d'être considéré comme un maître toujours actuel de dialogue avec d'autres cultures et religions. Il sut présenter cette admirable synthèse chrétienne entre raison et foi qui, pour la civilisation occidentale, représente un patrimoine précieux où l'on peut puiser aujourd'hui également pour dialoguer de manière efficace avec les grandes traditions culturelles et religieuses de l'est et du sud du monde. Prions afin que les chrétiens, spécialement ceux qui oeuvrent dans le milieu universitaire et culturel, sachent exprimer le caractère raisonnable de leur foi et en témoigner dans un dialogue inspiré par l'amour. Demandons ce don au Seigneur par l'intercession de saint Thomas d'Aquin et surtout de Marie, Siège de la Sagesse.

Appel pour la paix au Liban et dans la bande de Gaza


Ces derniers jours, la violence a de nouveau ensanglanté le Liban. Il est inacceptable que l'on emprunte cette voie pour soutenir ses propres raisons politiques. J'éprouve une peine immense pour cette chère population. Je sais que de nombreux Libanais sont tentés d'abandonner tout espoir et se sentent comme désorientés par ce qui se passe. Je fais miennes les fortes paroles prononcées par Sa Béatitude le Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir dénonçant les combats fratricides. Avec lui et avec les autres responsables religieux, j'invoque l'aide de Dieu afin que tous les Libanais indistinctement puissent et aient le désir de travailler ensemble pour faire de leur patrie une vraie maison commune, en surmontant les comportements égoïstes qui empêchent de prendre vraiment soin de leur pays (cf. Exhortation apostolique Une espérance nouvelle pour le Liban, n. 94). Je répète aux chrétiens du Liban l'exhortation à être des promoteurs d'un authentique dialogue entre les différentes communautés, tout en invoquant sur tous la protection de Notre-Dame du Liban.

Je forme par ailleurs le voeu que cesse au plus vite la violence dans la bande de Gaza. Je souhaite exprimer à toute la population ma proximité spirituelle et l'assurer de ma prière afin que prévale en chacun la volonté de travailler ensemble pour le bien commun, en empruntant les chemins pacifiques pour surmonter les différences et apaiser les tensions.



A l'issue de l'Angelus

A l'occasion de la Journée mondiale des malades de la lèpre qui a lieu aujourd'hui, je voudrais faire parvenir mon salut, avec l'assurance d'un souvenir particulier dans la prière, à toutes les personnes qui souffrent de ce mal. Je leur souhaite la guérison et, en tous cas, des soins adaptés et des conditions dignes. J'encourage les professionnels de la santé et les bénévoles qui les assistent, de même que ceux qui, de diverses manières, unissent leurs efforts pour éradiquer cette maladie, qui n'est pas seulement une maladie, mais une plaie sociale. Sur les pas du Christ, de nombreux hommes et femmes se sont prodigués au service de cette cause, parmi eux je suis heureux de rappeler Raoul Follereau et le bienheureux Damien de Veuster, apôtre des lépreux à Molokaï.

Je vous salue, chers pèlerins francophones. Dans l'Evangile du jour, Jésus nous rappelle qu'en lui, s'accomplissent les promesses de l'Ecriture. En écoutant la Parole de Dieu, puissiez-vous vous laisser saisir par le Christ, Verbe de Dieu fait chair, par lequel le Père nous a tout dit. Ainsi, vous apprendrez à l'écouter du fond du coeur, pour l'aimer davantage et pour être ses témoins dans votre vie quotidienne. Avec ma Bénédiction apostolique.

Bon dimanche à tous.


Place Saint-Pierre

Dimanche 4 février 2007

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Chers frères et soeurs!


Nous célébrons aujourd'hui en Italie la Journée pour la vie, promue par la Conférence épiscopale sur le thème: "Aimer et désirer la vie". Je salue cordialement les personnes qui se sont rassemblées Place Saint-Pierre pour témoigner de leur engagement en vue de soutenir la vie, de sa conception jusqu'à son terme naturel. Je m'unis aux Evêques italiens pour renouveler l'appel lancé à plusieurs reprises également par mes vénérés prédécesseurs à tous les hommes et les femmes de bonne volonté, afin qu'ils se montrent accueillants envers le grand et mystérieux don de la vie. La vie, qui est l'oeuvre de Dieu, ne doit être niée à personne, pas même au plus petit enfant à naître, sans défense, et encore moins lorsqu'il présente de graves handicaps. Dans le même temps, en faisant écho aux Pasteurs de l'Eglise qui est en Italie, j'invite à ne pas tomber dans l'erreur de penser pouvoir disposer de la vie, en allant jusqu'à "en légitimer l'interruption par l'euthanasie, quitte à la maquiller parfois d'un voile de pitié humaine".

Dans notre diocèse de Rome débute aujourd'hui la "Semaine de la vie et de la famille", une occasion importante pour prier et réfléchir sur la famille, qui est le "berceau" de la vie et de toute vocation. Nous savons bien que la famille fondée sur le mariage constitue l'environnement naturel pour la naissance et pour l'éducation des enfants, et par conséquent pour assurer l'avenir de l'humanité tout entière. Nous savons également cependant que celle-ci est marquée par une crise profonde et qu'elle doit affronter aujourd'hui de multiples défis. Il faut donc la défendre, la soutenir, la protéger, et la valoriser dans son caractère unique et irremplaçable. Si cette tâche revient en premier lieu aux époux, il est également du devoir prioritaire de l'Eglise et de toute institution publique de soutenir la famille à travers des initiatives pastorales et politiques, qui tiennent compte des besoins réels des conjoints, des personnes âgées et des nouvelles générations. Un climat familial serein, éclairé par la foi et par une sainte crainte de Dieu, favorise en outre l'apparition et le développement des vocations au service de l'Evangile. Je me réfère en particulier, outre à ceux qui sont appelés à suivre le Christ sur la voie du sacerdoce, à tous les religieux, les religieuses et les personnes consacrées que nous avons rappelés vendredi dernier au cours de la "Journée mondiale de la Vie consacrée".

Chers frères et soeurs, prions afin qu'à travers un effort constant en faveur de la vie et de l'institution familiale, nos communautés soient des lieux de communion et d'espérance où l'on renouvelle, même au prix de grandes difficultés, le grand "oui" à l'amour authentique et à la réalité de l'homme et de la famille selon le dessein originel de Dieu. Demandons au Seigneur, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, que croisse le respect pour le caractère sacré de la vie, que l'on prenne toujours plus conscience des véritables exigences familiales et qu'augmente le nombre de ceux qui contribuent à réaliser dans le monde la civilisation de l'amour.

A l'issue de l'Angelus

Je vous salue, chers pèlerins de langue française. L'Evangile de ce dimanche évoque la pêche miraculeuse. Jésus se sert de l'activité professionnelle de Simon, Jacques et Jean pour leur faire découvrir la vocation nouvelle à laquelle il les appelle: devenir pêcheurs d'hommes. Que chacun soit attentif, à travers ses engagements dans le monde, aux appels que le Christ lui adresse aujourd'hui, pour répondre pleinement à sa vocation. Avec ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.





Place Saint-Pierre

Dimanche 11 février 2007

Chers frères et soeurs,


L'Eglise fait aujourd'hui mémoire de la première apparition de la Vierge Marie à sainte Bernadette, le 11 février 1858 dans la grotte de Massabielle, près de Lourdes. Un événement prodigieux qui a fait de cette localité, située sur le versant français des Pyrénées, un centre mondial de pèlerinages et d'intense spiritualité mariale. En ce lieu, depuis désormais près de 150 ans, retentit avec force l'appel de la Vierge à la prière et à la pénitence, comme un écho permanent de l'invitation par laquelle Jésus inaugura sa prédication en Galilée: "Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche. Repentez-vous et croyez à l'Evangile" (Mc 1,15) Ce sanctuaire est en outre devenu la destination de nombreux pèlerins malades qui, se mettant à l'écoute de la Très Sainte Vierge Marie, sont encouragés à accepter leurs souffrances et à les offrir pour le salut du monde, en les unissant à celles du Christ crucifié.

Précisément en raison du lien existant entre Lourdes et la souffrance humaine, il y a quinze ans, le bien-aimé Jean-Paul II a voulu qu'à l'occasion de la fête de la Vierge de Lourdes, on célèbre également la Journée mondiale des Malades. Cette année, le centre de cet événement se situe dans la ville de Séoul, capitale de la Corée du Sud, où j'ai envoyé le Cardinal Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, me représenter. Je lui adresse une salutation cordiale, ainsi qu'à tous ceux qui y sont réunis. Ma pensée va également aux agents de la santé du monde entier, bien conscient de l'importance que revêt dans notre société leur service aux personnes malades. Je désire manifester surtout ma proximité spirituelle et mon affection à nos frères et soeurs malades, en me souvenant en particulier de ceux qui sont touchés par des maux plus graves et douloureux: c'est à eux que s'adresse en particulier notre attention en cette Journée. Il est nécessaire de soutenir le développement des soins palliatifs qui offrent une assistance intégrale et fournissent aux malades incurables le soutien humain et l'accompagnement spirituel dont ils ont fortement besoin.

Cet après-midi, dans la Basilique Saint-Pierre, de nombreux malades et pèlerins se rassembleront autour du Cardinal Camillo Ruini, qui présidera la célébration eucharistique. Au terme de la Messe, j'aurai la joie, comme l'an dernier, de passer un moment avec eux, en revivant le climat spirituel de la Grotte de Massabielle. Je voudrais maintenant, à travers la prière de l'Angelus, confier à la protection maternelle de la Vierge Immaculée, les malades et les personnes souffrant dans leur corps et dans leur esprit, dans le monde entier.

105 A l'issue de l'Angelus

Je vous salue, chers pèlerins francophones, venus vous associer à la prière de l'Angelus. En cette Journée mondiale des Malades, ma pensée se tourne vers les personnes qui souffrent, vers leur entourage et vers les soignants. Puisse chaque malade trouver auprès de ses frères le soutien spirituel dont il a besoin pour affronter ce temps d'épreuve et pour garder confiance en Dieu, notre Père, dans la certitude que toute vie, et celle des malades en particulier, est entre ses mains. Avec ma prière fervente et ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.







Place Saint-Pierre

Dimanche 18 février 2007

"Aimez vos ennemis" (Lc 6,27), affrontez le mal avec les armes de l'amour et de la vérité


Chers frères et soeurs!

L'Evangile de ce dimanche contient l'une des paroles les plus typiques et fortes de la prédication de Jésus: "Aimez vos ennemis" (Lc 6,27). Elle est tirée de l'Evangile de Luc, mais elle se trouve également dans celui de Matthieu (5, 44), dans le contexte du discours-programme qui s'ouvre par les célèbres "Béatitudes". Jésus le prononça en Galilée au début de sa vie publique, comme un "manifeste" présenté à tous, auquel Il demande l'adhésion de ses disciples, en leur proposant en termes radicaux son modèle de vie. Mais quel est le sens de cette parole? Pourquoi Jésus demande-t-il d'aimer ses ennemis, un amour qui dépasse les capacités humaines? En réalité, la proposition du Christ est réaliste, car elle tient compte du fait que dans le monde il règne trop de violence, trop d'injustice, et que par conséquent, on ne peut surmonter cette situation qu'en lui opposant un supplément d'amour, un supplément de bonté. Ce "supplément" vient de Dieu: c'est sa miséricorde, qui s'est faite chair en Jésus et qui seule peut "faire basculer" le monde du mal vers le bien, à partir de ce "monde" petit et décisif qu'est le coeur de l'homme.

Cette page de l'Evangile est considérée, à juste titre, comme la magna charta de la non-violence chrétienne, qui ne consiste pas à se résigner au mal - selon une fausse interprétation du "tendre l'autre joue" (cf. Lc Lc 6,29) -, mais à répondre au mal par le bien (cf. Rm Rm 12,17-21), en brisant ainsi la chaîne de l'injustice. On comprend alors que pour les chrétiens, la non-violence n'est pas un simple comportement tactique, mais bien une manière d'être de la personne, l'attitude de celui qui est tellement convaincu de l'amour de Dieu et de sa puissance, qu'il n'a pas peur d'affronter le mal avec les seules armes de l'amour et de la vérité. L'amour pour l'ennemi constitue le noyau de la "révolution chrétienne", une révolution qui n'est pas fondée sur des stratégies de pouvoir économique, politique ou médiatique. La révolution de l'amour, un amour qui ne s'appuie pas, en définitive, sur les ressources humaines, mais qui est un don de Dieu que l'on obtient uniquement en faisant confiance sans réserves à sa bonté miséricordieuse. Voilà la nouveauté de l'Evangile, qui change le monde sans faire de bruit. Voilà l'héroïsme des "petits", qui croient dans l'amour de Dieu et le diffusent même au prix de leur vie.

Chers frères et soeurs, le Carême, qui commencera mercredi prochain avec le rite des Cendres, est le temps propice au cours duquel tous les chrétiens sont invités à se convertir toujours plus profondément à l'amour du Christ. Demandons à la Vierge Marie, disciple docile du Rédempteur, de nous aider à nous laisser conquérir sans réserve par cet amour, à apprendre à aimer comme Il nous a aimés, pour être miséricordieux comme notre Père qui est dans les cieux est miséricordieux (cf. Lc Lc 6,36).

A l'issue de l'Angelus

106 Dans divers pays d'Orient, on célèbre aujourd'hui le nouvel an lunaire, avec joie et dans l'intimité des familles. A tous ces grands peuples, je souhaite de tout coeur sérénité et prospérité

Je vous salue, chers pèlerins de langue française. Alors que nous nous préparons à entrer en Carême au cours de la semaine à venir, je vous invite à vous tourner vers le Seigneur, pour l'aimer toujours davantage et pour aimer vos frères et, comme le dit aujourd'hui Jésus dans l'Evangile, pour aimer même les personnes qui vous font du mal. C'est à cela que vous serez reconnus comme de véritables disciples du Seigneur. Avec ma Bénédiction apostolique.

Je désire ensuite exprimer ma proximité spirituelle à un pays africain qui vit actuellement des moments particulièrement difficiles: la Guinée. Les Evêques de cette nation m'ont exprimé leur appréhension pour la situation de paralysie sociale, entraînant des grèves générales et des réactions violentes, qui ont causé de nombreuses victimes. En demandant le respect des droits humains et civils, je les assure de ma prière pour que l'engagement commun à parcourir la voie du dialogue permette de surmonter cette crise.

Je souhaite à tous un bon dimanche!







Place Saint-Pierre

I Dimanche de Carême, 25 février 2007

Chers frères et soeurs,


Cette année, le Message pour le Carême s'inspire d'un verset de l'Evangile de Jean, qui se réfère à son tour à une prophétie messianique de Zacharie: "Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé" (
Jn 19,37). Le disciple bien-aimé, présent aux côtés de Marie, la Mère de Jésus, et d'autres femmes au Calvaire, fut un témoin oculaire du coup de lance qui transperça le côté du Christ, en en faisant jaillir du sang et de l'eau (cf. Jn Jn 19,31-34). Ce geste, accompli par un soldat romain anonyme, destiné à se perdre dans l'oubli, est resté imprimé dans les yeux et dans le coeur de l'apôtre, qui le proposa à nouveau dans son Evangile. Tout au long des siècles, combien de conversions ont eu lieu précisément grâce au message d'amour éloquent que reçoit celui qui tourne son regard vers Jésus crucifié!

Entrons donc dans le temps du Carême, le "regard" fixé sur le côté de Jésus. Dans ma Lettre encyclique Deus caritas est (cf. n. 12), j'ai voulu souligner que ce n'est qu'en tournant le regard vers Jésus mort pour nous sur la croix que l'on peut connaître et contempler la vérité fondamentale: "Dieu est amour" (1Jn 4,8 1Jn 4,16) . "A partir de ce regard - ai-je écrit - le chrétien trouve la route pour vivre et pour aimer" (Deus caritas est ). En contemplant le Crucifié avec les yeux de la foi, nous pouvons comprendre en profondeur ce qu'est le péché, combien sa gravité est tragique et, dans le même temps, le caractère incommensurable de la puissance du pardon et de la miséricorde du Seigneur. Durant ces jours de Carême, ne détournons pas notre coeur de ce mystère de profonde humanité et de haute spiritualité. En regardant le Christ, sentons dans le même temps son regard posé sur nous. Celui que nous avons nous-mêmes transpercé par nos fautes, ne se lasse pas de déverser sur le monde un torrent inépuisable d'amour miséricordieux. Puisse l'humanité comprendre que ce n'est qu'à cette source que l'on peut puiser l'énergie spirituelle indispensable pour construire la paix et le bonheur, dont tout être humain est en quête, sans relâche.

Demandons à la Vierge Marie, dont l'âme fut transpercée au pied de la croix de son Fils, de nous obtenir le don d'une foi solide. En nous conduisant sur le chemin quadragésimal, qu'elle nous aide à abandonner tout ce qui nous détourne de l'écoute du Christ et de sa parole de salut. Je Lui confie, en particulier, la semaine d'Exercices spirituels qui commencera cet après-midi, ici au Vatican, à laquelle je participerai aux côtés de mes collaborateurs de la Curie romaine. Chers frères et soeurs, je vous demande de nous accompagner de votre prière, et je serai heureux de prier pour vous à mon tour dans le recueillement de la retraite, en invoquant la puissance divine sur chacun de vous, sur vos familles et sur vos communautés.

A l'issue de l'Angelus

Je vous salue, chers pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues du diocèse de Fréjus-Toulon avec Mgr Rey, leur évêque, ainsi que le groupe de confirmands de Lausanne, Lutry et Cully, en Suisse. L'Evangile de ce premier dimanche de Carême nous montre Jésus mettant en déroute le Tentateur, ouvrant ainsi à ses disciples le chemin d'une liberté nouvelle face à l'esclavage du péché et de la mort. Ce chemin de libération, Jésus nous propose encore aujourd'hui de le suivre par l'accueil confiant de sa Parole dans notre vie quotidienne. Bon Carême à tous! Avec ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche et un Carême riche de fruits spirituels.


Place Saint-Pierre II Dimanche de Carême, 4 mars 2007

40307 Chers frères et soeurs!

En ce deuxième Dimanche de Carême, l'évangéliste Luc souligne que Jésus gravit la montagne "pour prier" (
Lc 9,28) avec les apôtres Pierre, Jacques et Jean et que, "comme il priait" (Lc 9,29) survint le mystère lumineux de sa transfiguration. Pour les trois apôtres, gravir la montagne a donc signifié être enveloppés par la prière de Jésus, qui se retirait souvent pour prier, en particulier à l'aube et après le crépuscule, et parfois toute la nuit. Mais c'est seulement cette fois-là, sur la montagne, qu'Il a voulu manifester à ses amis la lumière intérieure qui l'emplissait lorsqu'il priait: son visage - lit-on dans l'Evangile - s'éclaira et ses vêtements laissèrent transparaître la splendeur de la Personne divine du Verbe incarné (cf. Lc 9,29).

Il y a un autre détail, précisément dans le récit de saint Luc, qui mérite d'être souligné: l'indication de l'objet de la conversation de Jésus avec Moïse et Elie, apparus à côté de Lui transfiguré. Ceux-ci - raconte l'Evangéliste - "parlaient de son départ (en grec éxodos), qu'Il allait accomplir à Jérusalem" (Lc 9,31). Jésus écoute donc la Loi et les prophètes qui lui parlent de sa mort et de sa résurrection. Dans son dialogue intime avec le Père, Il ne sort pas de l'histoire, il ne fuit pas sa mission pour laquelle il est venu au monde, même s'il sait que pour arriver à la gloire, il devra passer par la Croix. Le Christ entre même plus profondément dans cette mission, en adhérant de tout son être à la volonté du Père, et nous montre que la véritable prière consiste précisément à unir notre volonté à celle de Dieu. Par conséquent, pour un chrétien, prier ne signifie pas fuir la réalité et les responsabilités qu'elle comporte, mais les assumer jusqu'au bout, en ayant confiance dans l'amour fidèle et inépuisable du Seigneur. C'est pourquoi, la confirmation de la transfiguration est, paradoxalement, l'agonie à Gethsémani (cf. Lc 22,39-46). Devant l'imminence de la passion, Jésus fera l'expérience de l'angoisse mortelle et s'abandonnera à la volonté divine; à ce moment-là, sa prière sera un gage de salut pour nous tous. En effet, le Christ suppliera le Père céleste de "le libérer de la mort" et, comme l'écrit l'auteur de la Lettre aux Hébreux, il "a été exaucé en raison de sa piété" (He 5,7). La résurrection est la preuve de cet exaucement.

Chers frères et soeurs, la prière n'est pas un accessoire, une "option", mais elle est une question de vie ou de mort. En effet, seul celui qui prie se confie à Dieu avec un amour filial, peut entrer dans la vie éternelle, qui est Dieu lui-même. Au cours de ce temps de Carême, demandons à Marie, Mère du Verbe incarné et Maîtresse de vie spirituelle, de nous enseigner à prier comme le faisait son Fils, afin que notre existence soit transformée par la lumière de sa présence.

A l'issue de l'Angelus

Je désire remercier tous ceux qui, ces jours derniers, m'ont accompagné par la prière au cours des Exercices spirituels. J'encourage chacun, en ce temps de Carême, à rechercher le silence et le recueillement, pour accorder une place plus grande à la prière et à la méditation de la Parole de Dieu.

Samedi prochain, 10 mars, à 16h00, dans la Salle Paul VI, je présiderai une veillée mariale destinée aux jeunes étudiants universitaires de Rome. Grâce aux liaisons radio-télévisées, un grand nombre d'étudiants d'autres pays d'Europe et d'Asie y participeront. Nous invoquerons l'intercession de Marie, Sedes Sapientiae, afin que le Seigneur envoie des témoins de la vérité évangélique, pour édifier la civilisation de l'amour sur ces deux continents et dans le monde entier.

Je salue très cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les membres de la paroisse francophone de Milan. Que ce temps du Carême soit pour chacun de vous un moment favorable pour découvrir la présence du Christ dans vos vies et pour vous mettre à l'écoute de sa parole. C'est lui la lumière qui éclaire nos chemins, laissons-nous guider par lui pour être à notre tour transfigurés par la gloire du Père. Que Dieu vous bénisse!

Je souhaite à tous un bon dimanche.


Place Saint-Pierre III Dimanche de Carême, 11 mars 2007

11037 Chers frères et soeurs!

La page de l'Evangile de Luc, qui est proclamé en ce troisième Dimanche de Carême, rapporte le commentaire de Jésus concernant deux faits divers. Le premier: la révolte de quelques Galiléens, réprimée dans le sang par Pilate; le deuxième: l'écroulement d'une tour à Jérusalem, qui avait provoqué dix-huit victimes. Deux événements tragiques bien différents: l'un provoqué par l'homme, l'autre accidentel. Selon la mentalité de l'époque, les personnes avaient tendance à penser que le malheur s'était abattu sur les victimes en raison d'une faute grave de leur part. Jésus dit en revanche: "Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens?... Et ces dix-huit personnes [...] pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem?" (
Lc 13,2 Lc 13,4). Et dans les deux cas, il conclut: "Eh bien non, je vous le dis; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière" (Lc 13,3 Lc 13,5).

Voilà donc où Jésus veut conduire ses auditeurs: à la nécessité de la conversion. Il ne la pose pas en termes moralisateurs, mais plutôt réalistes comme l'unique réponse adaptée à des événements qui mettent en crise les certitudes humaines. Face à certains malheurs - observe-t-il - rien ne sert de faire retomber la faute sur les victimes. La véritable sagesse est plutôt de se laisser interpeller par la précarité de la vie et assumer une attitude de responsabilité: faire pénitence et améliorer notre propre vie. C'est de la sagesse, c'est la réponse la plus efficace au mal, à tous les niveaux, interpersonnel, social et international. Le Christ invite à répondre au mal avant tout par un sérieux examen de conscience et l'engagement à purifier sa propre vie. Autrement - dit-il - nous périrons, nous périrons tous de la même manière. En effet, les personnes et les sociétés qui vivent sans jamais se remettre en question ont comme seul destin final la ruine. La conversion, en revanche, même si elle ne préserve pas des problèmes et des mésaventures, permet de les affronter de "manière" différente. Elle aide avant tout à prévenir le mal, en désarmorçant certaines de ses menaces. Et, en tout cas, elle permet de vaincre le mal par le bien, pas toujours sur le plan des faits - qui sont parfois indépendants de notre volonté - mais certainement sur le plan spirituel. En résumé: la conversion vainc le mal à sa racine qui est le péché, même si elle ne peut pas toujours en éviter les conséquences.

Prions la Très Sainte Vierge Marie, qui nous accompagne et nous soutient sur notre itinéraire quadragésimal, afin qu'Elle aide tout chrétien à redécouvrir la grandeur, je dirais la beauté, de la conversion. Qu'Elle nous aide à comprendre que faire pénitence et corriger notre comportement n'est pas du simple moralisme, mais le chemin le plus efficace pour nous changer nous-mêmes en mieux, ainsi que la société. Il existe un heureux proverbe qui exprime très bien cela: allumer une allumette vaut mieux que maudire l'obscurité.

A l'issue de l'Angelus

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin et je les invite à entendre les appels que le Seigneur Jésus nous adresse. A travers l'Evangile d'aujourd'hui, le temps du Carême nous révèle l'amour patient et miséricordieux que le Seigneur a pour nous, et il nous appelle aussi à nous réveiller, à nous convertir, pour porter du fruit et pour répondre avec générosité aux attentes de Dieu. Bon dimanche à tous! Avec ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.


Place Saint-Pierre IV Dimanche de Carême, 18 mars 2007

18037 Chers frères et soeurs!

Je viens de rentrer de l'Institut pénitentiaire pour Mineurs de Casal del Marmo, à Rome, où je me suis rendu en visite en ce quatrième dimanche de Carême, appelé en latin Dimanche Laetare, c'est-à-dire "Réjouis-toi", premier mot de l'antienne d'ouverture de la liturgie de la Messe. Aujourd'hui, la liturgie nous invite à nous réjouir parce que Pâques, le jour de la victoire du Christ sur le péché et la mort, approche. Mais où se trouve la source de la joie chrétienne sinon dans l'Eucharistie, que le Christ nous a laissée comme Nourriture spirituelle, alors que nous sommes pèlerins sur cette terre? L'Eucharistie nourrit chez les croyants de toutes les époques cette joie profonde qui ne fait qu'un avec l'amour et la paix, et qui trouve son origine dans la communion avec Dieu et nos frères.

Mardi dernier a été présentée l'Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, qui a précisément comme thème l'Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l'Eglise. Je l'ai élaborée en recueillant les fruits de la XI Assemblée générale du Synode des Evêques, qui s'est déroulée au Vatican en octobre 2005. J'ai l'intention de revenir sur ce texte important, mais pour le moment, je désire souligner que celui-ci est l'expression de la foi de l'Eglise universelle dans le Mystère eucharistique, et qu'il se situe dans la continuité du Concile Vatican II et du magistère de mes vénérés prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II. Dans ce document, j'ai voulu, entre autres, souligner le lien avec l'Encyclique Deus caritas est: c'est la raison pour laquelle j'ai choisi comme titre Sacramentum caritatis, reprenant une belle définition de l'Eucharistie de saint Thomas d'Aquin (cf. Summa Th.
III 73,3, ad 3), "Sacrement de la charité". Oui, dans l'Eucharistie, le Christ a voulu nous donner son amour, qui l'a poussé à offrir sa vie pour nous sur la croix. Au cours de la Dernière Cène, en lavant les pieds à ses disciples, Jésus nous a laissé le commandement de l'amour: "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (cf. Jn Jn 13,34). Mais comme cela n'est possible qu'en demeurant unis à Lui comme les sarments à la vigne (cf. Jn Jn 15,1-8), il a choisi de demeurer Lui-même parmi nous dans l'Eucharistie afin que nous puissions demeurer en Lui. Par conséquent, lorsque nous nous nourrissons avec foi de son Corps et de son Sang, son amour passe en nous et nous rend à notre tour capables de donner notre vie pour nos frères (cf. 1Jn 3,16) et non de garder la vie pour nous-mêmes. C'est de là que jaillit la joie chrétienne, la joie de l'amour et d'être aimés.

Marie est la "Femme eucharistique" par excellence, chef-d'oeuvre de la grâce divine: l'amour de Dieu l'a rendue immaculée "en sa présence dans l'amour" (cf. Ep Ep 1,4). Près d'elle, pour être le gardien du Rédempteur, Dieu a placé saint Joseph, dont nous célébrerons demain la solennité liturgique. J'invoque en particulier ce grand saint, mon Patron, afin qu'en croyant, en célébrant et en vivant avec foi le Mystère eucharistique, le Peuple de Dieu soit enveloppé de l'amour du Christ et en répande les fruits de joie et de paix dans l'humanité tout entière.

A l'issue de l'Angelus

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, notamment les membres de la Faculté des sciences de Lausanne. En nous proposant la parabole de l'Enfant prodigue, la liturgie de ce dimanche nous invite à reconnaître nos péchés et à nous lever pour aller vers le Père, qui nous accueille avec tendresse. Puissiez-vous profiter du temps de Carême pour faire, de manière plus forte, l'expérience de l'amour de Dieu dans le sacrement du pardon. Avec ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.



Angelus Benoit XVI 21107