Catéchisme Eglise Cath. 461

II. L’Incarnation

461 Reprenant l’expression de S. Jean (" Le Verbe s’est fait chair " : Jn 1,14), l’Église appelle " Incarnation " le fait que le Fils de Dieu ait assumé une nature humaine pour accomplir en elle notre salut. Dans une hymne attestée par S. Paul, l’Église chante le mystère de l’Incarnation :

" Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la Croix ! " (Ph 2,5-8 cf. LH, cantique des Vêpres du samedi).


462 L’épître aux Hébreux parle du même mystère :

C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocauste ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je viens (...) pour faire ta volonté (
He 10, 5-7, citant Ps 40,7-9 LXX).


463 La foi en l’Incarnation véritable du Fils de Dieu est le signe distinctif de la foi chrétienne : " A ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu " (1Jn 4,2). C’est là la joyeuse conviction de l’Église dès son commencement, lorsqu’elle chante " le grand mystère de la piété " : " Il a été manifesté dans la chair " (1Tm 3,16).


III. Vrai Dieu et vrai homme

464 L’événement unique et tout à fait singulier de l’Incarnation du Fils de Dieu ne signifie pas que Jésus-Christ soit en partie Dieu et en partie homme, ni qu’il soit le résultat du mélange confus entre le divin et l’humain. Il s’est fait vraiment homme en restant vraiment Dieu. Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme. Cette vérité de foi, l’Église a dû la défendre et la clarifier au cours des premiers siècles face à des hérésies qui la falsifiaient.


465 Les premières hérésies ont moins nié la divinité du Christ que son humanité vraie (docétisme gnostique). Dès les temps apostolique la foi chrétienne a insisté sur la vraie incarnation du Fils de Dieu, " venu dans la chair " (cf. 1Jn 4,2-3 2Jn 7). Mais dès le troisième siècle, l’Église a dû affirmer contre Paul de Samosate, dans un Concile réuni à Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu par nature et non par adoption. Le premier Concile oecuménique de Nicée, en 325, confessa dans son Credo que le Fils de Dieu est " engendré, non pas créé, de la même substance (homousiosDS 125) que le Père " et condamna Arius qui affirmait que " le Fils de Dieu est sorti du néant " (DS 130) et qu’il serait " d’une autre substance que le Père " (DS 126).


466 L’hérésie nestorienne voyait dans le Christ une personne humaine conjointe à la personne divine du Fils de Dieu. Face à elle S. Cyrille d’Alexandrie et le troisième Concile oecuménique réuni à Ephèse en 431 ont confessé que " le Verbe, en s’unissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu homme " (DS 250). L’humanité du Christ n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le Concile d’Ephèse a proclamé en 431 que Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son sein : " Mère de Dieu, non parce que le Verbe de Dieu a tiré d’elle sa nature divine, mais parce que c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle, uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair " (DS 251).


467 Les monophysites affirmaient que la nature humaine avait cessé d’exister comme telle dans le Christ en étant assumée par sa personne divine de Fils de Dieu. Confronté à cette hérésie, le quatrième Concile oecuménique, à Chalcédoine, a confessé en 451 :

A la suite des saints Pères, nous enseignons unanimement à confesser un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme rationnelle et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité, " semblable à nous en tout, à l’exception du péché " (
He 4,15) ; engendré du Père avant tout les siècles selon la divinité, et en ces derniers jours, pour nous et pour notre salut, né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité.

Un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique, que nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. La différence des natures n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une seule personne et une seule hypostase (DS 301-302).


468 Après le Concile de Chalcédoine, certains firent de la nature humaine du Christ une sorte de sujet personnel. Contre eux, le cinquième Concile oecuménique, à Constantinople en 553, a confessé à propos du Christ : " Il n’y a qu’une seule hypostase [ou personne], qui est notre Seigneur Jésus-Christ, un de la Trinité " (DS 424). Tout dans l’humanité du Christ doit donc être attribué à sa personne divine comme à son sujet propre (cf. déjà Cc. Ephèse : DS 255), non seulement les miracles mais aussi les souffrances (cf. DS 424) et même la mort : " Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus-Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et Un de la sainte Trinité " (DS 432).


469 L’Église confesse ainsi que Jésus est inséparablement vrai Dieu et vrai homme. Il est vraiment le Fils de Dieu qui s’est fait homme, notre frère, et cela sans cesserd’être Dieu, notre Seigneur :

" Il resta ce qu’Il était, Il assuma ce qu’il n’était pas ", chante la liturgie romaine (LH, In Solemnitate Sanctae Dei Genetricis Mariae, antiphona ad " Benedictus "; cf. S. Léon le Grand, serm. 21, 2 : PL 54, 192A). Et la liturgie de S. Jean Chrysostome proclame et chante : " O Fils unique et Verbe de Dieu, étant immortel, tu as daigné pour notre salut t’incarner de la sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, qui sans changement es devenu homme, et qui as été crucifié, O Christ Dieu, qui, par ta mort as écrasé la mort, qui es Un de la Sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve-nous ! " (Tropaire " O monoghenis ").



IV. Comment le Fils de Dieu est-il homme ?

470 Parce que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation " la nature humaine a été assumée, non absorbée " (GS 22, § 2), l’Église a été amenée au cours des siècles à confesser la pleine réalité de l’âme humaine, avec ses opérations d’intelligence et de volonté, et du corps humain du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée. Tout ce qu’il est et ce qu’il fait en elle relève " d’Un de la Trinité ". Le Fils de Dieu communique donc à son humanité son propre mode d’exister personnel dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps, le Christ exprime humainement les moeurs divines de la Trinité (cf. Jn 14,9-10) :

Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un coeur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché (GS 22, § 2).


L’âme et la connaissance humaine du Christ

471 Apollinaire de Laodicée affirmait que dans le Christ le Verbe avait remplacé l’âme ou l’esprit. Contre cette erreur l’Église a confessé que le Fils éternel a assumé aussi une âme raisonnable humaine (cf. DS 149).


472 Cette âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée d’une vraie connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions historiques de son existence dans l’espace et le temps. C’est pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2,52) et de même avoir à s’enquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc 6,38 Mc 8,27 Jn 11,34 etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans " la condition d’esclave " (Ph 2,7).


473 Mais en même temps, cette connaissance vraiment humaine du Fils de Dieu exprimait la vie divine de sa personne (cf. S. Grégoire le Grand, Ep. 10,39, DS 475 : PL 77, 1097B). " La nature humaine du Fils de Dieu, non par elle-même mais par son union au Verbe, connaissait et manifestait en elle tout ce qui convient à Dieu " (S. Maxime le Confesseur, qu. dub. 66 : PG 90,840A). C’est en premier le cas de la connaissance intime et immédiate que le Fils de Dieu fait homme a de son Père (cf. Mc 14,36 Mt 11,27 Jn 1,18 Jn 8,55 etc.). Le Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la pénétration divine qu’il avait des pensées secrètes du coeur des hommes (cf. Mc 2,8 Jn 2,25 Jn 6,61 etc. ).


474 De par son union à la Sagesse divine en la personne du Verbe incarné, la connaissance humaine du Christ jouissait en plénitude de la science des desseins éternels qu’il était venu révéler (cf. Mc 8,31 Mc 9,31 Mc 10,33-34 Mc 14,18-20 Mc 14,26-30). Ce qu’il reconnaît ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13,32), il déclare ailleurs n’avoir pas mission de le révéler (cf. Ac 1,7).


La volonté humaine du Christ

475 De manière parallèle, l’Église a confessé au sixième Concile oecuménique (Cc. Constantinople III en 681) que le Christ possède deux volontés et deux opérations naturelles, divines et humaines, non pas opposées, mais coopérantes, de sorte que le Verbe fait chair a voulu humainement dans l’obéissance à son Père tout ce qu’il a décidé divinement avec le Père et le Saint-Esprit pour notre salut (cf. DS 556-559). La volonté humaine du Christ " suit sa volonté divine, sans être en résistance ni en opposition vis-à-vis d’elle, mais bien plutôt en étant subordonnée à cette volonté toute-puissante " (DS 556).


Le vrai corps du Christ

476 Puisque le Verbe s’est fait chair en assumant une vraie humanité, le corps du Christ était délimité (cf. Cc. Latran en 649, DS 504). A cause de cela, le visage humain de Jésus peut être " dépeint " (Ga 3,2). Au sixième Concile oecuménique (Cc. Nicée II en 787, DS 600-603) l’Église a reconnu comme légitime qu’il soit représenté sur des images saintes.


477 En même temps l’Église a toujours reconnu que, dans le corps de Jésus, " Dieu qui est par nature invisible est devenu visible à nos yeux " (MR, Préface de Noël). En effet, les particularités individuelles du corps du Christ expriment la personne divine du Fils de Dieu. Celui-ci a fait siens les traits de son corps humain au point que, dépeints sur une image sainte, ils peuvent être vénérés car le croyant qui vénère son image, " vénère en elle la personne qui y est dépeinte " (Cc. Nicée II : DS 601).


Le Coeur du Verbe incarné

478 Jésus nous a tous et chacun connus et aimés durant sa vie, son agonie et sa passion et il s’est livré pour chacun de nous : " Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré pour moi " (Ga 2,20). Il nous a tous aimés d’un coeur humain. Pour cette raison, le Coeur sacré de Jésus, transpercé par nos péchés et pour notre salut (cf. Jn 19,34), " est considéré comme le signe et le symbole éminents... de cet amour que le divin Rédempteur porte sans cesse au père éternel et à tous les hommes sans exception " (Pie XII, Enc. " Haurietis aquas " : DS 3924 cf. DS 3812).


En bref

479 Au temps établi par Dieu, le Fils unique du Père, la Parole éternelle, c’est-à-dire le Verbe et l’Image substantielle du Père, s’est incarné : sans perdre la nature divine il a assumé la nature humaine.


480 Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, dans l’unité de sa Personne divine ; pour cette raison il est l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes.


481 Jésus-Christ possède deux natures, la divine et l’humaine, non confondues, mais unies dans l’unique Personne du Fils de Dieu.


482 Le Christ, étant vrai Dieu et vrai homme, a une intelligence et une volonté humaines, parfaitement accordées et soumises à son intelligence et sa volonté divines, qu’il a en commun avec le Père et le Saint-Esprit.


483 L’Incarnation est donc le mystère de l’admirable union de la nature divine et de la nature humaine dans l’unique Personne du Verbe.

Paragraphe 2. " ... Conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie "


I. Conçu du Saint-Esprit...

484 L’Annonciation à Marie inaugure la " plénitude des temps " (Ga 4,4), c’est-à-dire l’accomplissement des promesses et des préparations. Marie est invitée à concevoir Celui en qui habitera " corporellement la plénitude de la divinité " (Col 2,9). La réponse divine à son " comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? " (Lc 1,34) est donnée par la puissance de l’Esprit : " L’Esprit Saint viendra sur toi " (Lc 1,35).


485 La mission de l’Esprit Saint est toujours conjointe et ordonnée à celle du Fils (cf. Jn 16,14-15). L’Esprit Saint est envoyé pour sanctifier le sein de la Vierge Marie et la féconder divinement, lui qui est " le Seigneur qui donne la Vie ", en faisant qu’elle conçoive le Fils éternel du Père dans une humanité tirée de la sienne.


486 Le Fils unique du Père en étant conçu comme homme dans le sein de la Vierge Marie est " Christ ", c’est-à-dire oint par l’Esprit Saint (cf. Mt 1,20 Lc 1,35), dès le début de son existence humaine, même si sa manifestation n’a lieu que progressivement : aux bergers (cf. Lc 2,8-20), aux mages (cf. Mt 2,1-12), à Jean-Baptiste (cf. Jn 1,31-34), aux disciples (cf. Jn 2,11). Toute la vie de Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu l’a oint d’Esprit et de puissance " (Ac 10,38).


II. ... Né de la Vierge Marie

487 Ce que la foi catholique croit au sujet de Marie se fonde sur ce qu’elle croit au sujet du Christ, mais ce qu’elle enseigne sur Marie éclaire à son tour sa foi au Christ.


La prédestination de Marie

488 " Dieu a envoyé son Fils " (Ga 4,4), mais pour lui " façonner un corps " (cf. He 10,5) il a voulu la libre coopération d’une créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la Mère de Son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en Galilée, " une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie " (Lc 1,26-27) :

Le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’oeuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie (LG 56 cf. LG 61).


489 Tout au long de l’Ancienne Alliance, la mission de Marie a été préparée par celle de saintes femmes. Tout au commencement, il y a Eve : malgré sa désobéissance, elle reçoit la promesse d’une descendance qui sera victorieuse du Malin (cf. Gn 3,15) et celle d’être la mère de tous les vivants (cf. Gn 3,20). En vertu de cette promesse, Sara conçoit un fils malgré son grand âge (cf. Gn 18,10-14 Gn 21,1-2). Contre toute attente humaine, Dieu choisit ce qui était tenu pour impuissant et faible (cf. 1Co 1,27) pour montrer sa fidélité à sa promesse : Anne, la mère de Samuel (cf. 1S 1), Débora, Ruth, Judith et Esther, et beaucoup d’autres femmes. Marie " occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, s’accomplissent les temps et s’instaure l’économie nouvelle " (LG 55).


L’Immaculée Conception

490 Pour être la Mère du Sauveur, Marie " fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche " (LG 56). L’ange Gabriel, au moment de l’Annonciation la salue comme " pleine de grâce " (Lc 1,28). En effet, pour pouvoir donner l’assentiment libre de sa foi à l’annonce de sa vocation, il fallait qu’elle soit toute portée par la grâce de Dieu.


491 Au long des siècles l’Église a pris conscience que Marie, " comblée de grâce " par Dieu (Lc 1,28), avait été rachetée dès sa conception. C’est ce que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX :

La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel (DS 2803).


492 Cette " sainteté éclatante absolument unique " dont elle est " enrichie dès le premier instant de sa conception " (LG 56) lui vient tout entière du Christ : elle est " rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils " (LG 53). Plus que toute autre personne créée, le Père l’a " bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ " (Ep 1,3). Il l’a " élue en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être sainte et immaculée en sa présence, dans l’amour " (cf. Ep 1,4).


493 Les Pères de la tradition orientale appellent la Mère de Dieu " la Toute Sainte " (Panaghia), ils la célèbrent comme " indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.


" Qu’il me soit fait selon ta parole... "

494 A l’annonce qu’elle enfantera " le Fils du Très Haut " sans connaître d’homme, par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1,28-37), Marie a répondu par " l’obéissance de la foi " (Rm 1,5), certaine que " rien n’est impossible à Dieu " : " Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1,37-38). Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à plein coeur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l’oeuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) :

Comme dit S. Irénée, " par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut " (Haer. 3, 22, 4). Aussi, avec lui, bon nombre d’anciens Pères disent : " Le noeud dû à la désobéissance d’Eve, s’est dénoué par l’obéissance de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi " (cf.ibid.) ; comparant Marie avec Eve, ils appellent Marie " la Mère des vivants " et déclarent souvent : " par Eve la mort, par Marie la vie " (LG 56).


La maternité divine de Marie

495 Appelée dans les Évangiles " la mère de Jésus " (Jn 2,1 Jn 19,25 cf. Mt 13,55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit, dès avant la naissance de son fils, comme " la mère de mon Seigneur " (Lc 1,43). En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair, n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251).


La virginité de Marie

496 Dès les premières formulations de la foi (cf. DS 10-64), l’Église a confessé que Jésus a été conçu par la seule puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, affirmant aussi l’aspect corporel de cet événement : Jésus a été conçu " de l’Esprit Saint sans semence virile " (Cc. Latran en 649, DS 503). Les Pères voient dans la conception virginale le signe que c’est vraiment le Fils de Dieu qui est venu dans une humanité comme la nôtre :

Ainsi, S. Ignace d’Antioche (début IIe siècle) : " Vous êtes fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race de David selon la chair (cf. Rm 1,3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu (cf. Jn 1,13), véritablement né d’une vierge, (...) il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous Ponce Pilate (...) il a véritablement souffert, comme il est aussi véritablement ressuscité " (Smyrn. 1-2).


497 Les récits évangéliques (cf. Mt 1,18-25 Lc 1,26-38) comprennent la conception virginale comme une oeuvre divine qui dépasse toute compréhension et toute possibilité humaines (cf. Lc 1,34) : " Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1,20). L’Église y voit l’accomplissement de la promesse divine donnée par le prophète Isaïe : " Voici que la vierge concevra et enfantera un fils " (Is 7, 14, d’après la traduction grecque de Mt 1,23).


498 On a été parfois troublé par le silence de l’Évangile de S. Marc et des Épîtres du Nouveau Testament sur la conception virginale de Marie. On a aussi pu se demander s’il ne s’agissait pas ici de légendes ou de constructions théologiques sans prétentions historiques. A quoi il faut répondre : La foi en la conception virginale de Jésus a rencontré vive opposition, moqueries ou incompréhension de la part des non-croyants, juifs et païens (cf. S. Justin, dial. 66, 67 ; Origène, Cels. 1, 32. 69 ; e.a.) : elle n’était pas motivée par la mythologie païenne ou par quelque adaptation aux idées du temps. Le sens de cet événement n’est accessible qu’à la foi qui le voit dans ce " lien qui relie les mystères entre eux " (DS 3016), dans l’ensemble des mystères du Christ, de son Incarnation à sa Pâque. S. Ignace d’Antioche témoigne déjà de ce lien : " Le prince de ce monde a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort du Seigneur : trois mystères retentissants qui furent accomplis dans le silence de Dieu " (Ep 19,1 cf. 1Co 2,8).


Marie – " toujours Vierge "

499 L’approfondissement de sa foi en la maternité virginale a conduit l’Église à confesser la virginité réelle et perpétuelle de Marie (cf. DS 427) même dans l’enfantement du Fils de Dieu fait homme (cf. DS 291 DS 294 DS 442 DS 503 DS 571 DS 1880). En effet la naissance du Christ " n’a pas diminué, mais consacré l’intégrité virginale " de sa mère (LG 57). La liturgie de l’Église célèbre Marie comme la Aeiparthenos, " toujours vierge " (cf. LG 52).


500 A cela on objecte parfois que l’Écriture mentionne des frères et soeurs de Jésus (cf. Mc 3,31-35 Mc 6,3 1Co 9,5 Ga 1,19). L’Église a toujours compris ces passages comme ne désignant pas d’autres enfants de la Vierge Marie : en effet Jacques et Joseph, " frères de Jésus " (Mt 13,55), sont les fils d’une Marie disciple du Christ (cf. Mt 27,56) qui est désignée de manière significative comme " l’autre Marie " (Mt 28,1). Il s’agit de proches parents de Jésus, selon une expression connue de l’Ancien Testament (cf. Gn 13,8 Gn 14,16 Gn 29,15 etc. ).


501 Jésus est le Fils unique de Marie. Mais la maternité spirituelle de Marie (cf. Jn 19,26-27 Ap 12,17) s’étend à tous les hommes qu’il est venu sauver : " Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait ‘l’aîné d’une multitude de frères’ (Rm 8,29), c’est-à-dire de croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel " (LG 63).


La maternité virginale de Marie dans le dessein de Dieu

502 Le regard de la foi peut découvrir, en lien avec l’ensemble de la Révélation, les raisons mystérieuses pour lesquelles Dieu, dans son dessein salvifique, a voulu que son Fils naisse d’une vierge. Ces raisons touchent aussi bien la personne et la mission rédemptrice du Christ que l’accueil de cette mission par Marie pour tous les hommes :


503 La virginité de Marie manifeste l’initiative absolue de Dieu dans l’Incarnation. Jésus n’a que Dieu comme Père (cf. Lc 2,48-49). " La nature humaine qu’il a prise ne l’a jamais éloigné du Père (...) ; naturellement Fils de son Père par sa divinité, naturellement fils de sa mère par son humanité, mais proprement Fils de Dieu dans ses deux natures " (Cc. Frioul en 796, DS 619).


504 Jésus est conçu du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie parce qu’il est le Nouvel Adam (cf. 1Co 15,45) qui inaugure la création nouvelle : " Le premier homme, issu du sol, est terrestre ; le second homme, lui, vient du ciel " (1Co 15,47). L’humanité du Christ est, dès sa conception, remplie de l’Esprit Saint car Dieu " lui donne l’Esprit sans mesure " (Jn 3,34). C’est de " sa plénitude " à lui, tête de l’humanité rachetée (cf. Col 1,18), que " nous avons reçu grâce sur grâce " (Jn 1,16).


505 Jésus, le Nouvel Adam, inaugure par sa conception virginale la nouvelle naissance des enfants d’adoption dans l’Esprit Saint par la foi. " Comment cela se fera-t-il ? " (Lc 1,34 cf. Jn 3,9). La participation à la vie divine ne vient pas " du sang, ni du vouloir de chair, ni du vouloir d’homme, mais de Dieu " (Jn 1,13). L’accueil de cette vie est virginal car celle-ci est entièrement donnée par l’Esprit à l’homme. Le sens sponsal de la vocation humaine par rapport à Dieu (cf. 2Co 11,2) est accompli parfaitement dans la maternité virginale de Marie.


506 Marie est vierge parce que sa virginité est le signe de sa foi " que nul doute n’altère " (LG 63) et de sa donation sans partage à la volonté de Dieu (cf. 1Co 7,34-35). C’est sa foi qui lui donne de devenir la mère du Sauveur : " Bienheureuse Marie, plus encore parce qu’elle a reçu la foi du Christ que parce qu’Elle a conçu la chair du Christ " (S. Augustin, virg. 3 : PL 40, 398).


507 Marie est à la fois vierge et mère car elle est la figure et la plus parfaite réalisation de l’Église (cf. LG 63) : " L’Église devient à son tour une Mère, grâce à la parole de Dieu qu’elle reçoit dans la foi : par la prédication en effet, et par le Baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu. Elle est aussi vierge, ayant donné à son Époux sa foi, qu’elle garde intègre et pure " (LG 64).


En bref

508 Dans la descendance d’Eve, Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la Mère de son Fils. " Pleine de grâce ", elle est " le fruit le plus excellent de la Rédemption " (SC 103) : dès le premier instant de sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.


509 Marie est vraiment " Mère de Dieu " puisqu’elle est la mère du Fils éternel de Dieu fait homme, qui est Dieu lui-même.


510 Marie " est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en l’enfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours " (S. Augustin, serm. 186, 1 : PL 38, 999) : de tout son être elle est " la servante du Seigneur " (Lc 1,38).


511 La Vierge Marie a " coopéré au salut des hommes avec sa foi et son obéissance libres " (LG 56). Elle a prononcé son oui " au nom de toute la nature humaine " (S. Thomas d’A., s. th. III 30,1) : Par son obéissance, elle est devenue la nouvelle Eve, mère des vivants.

Paragraphe 3. Les mystères de la Vie du Christ


512 Le Symbole de la foi ne parle, concernant la vie du Christ, que des mystères de l’Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ. " Tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où (...) Il fut enlevé au ciel " (Ac 1,1-2) est à voir à la lumière des mystères de Noël et de Pâques.


513 La Catéchèse, selon les circonstances, déploiera toute la richesse des mystères de Jésus. Ici il suffit d’indiquer quelques éléments communs à tous les mystères de la vie du Christ (I), pour esquisser ensuite les principaux mystères de la vie cachée (II) et publique (III) de Jésus.


I. Toute la vie du Christ est mystère

514 Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles. Presque rien n’est dit sur sa vie à Nazareth, et même une grande part de sa vie publique n’est pas relatée (cf. Jn 20,30). Ce qui a été écrit dans les Évangiles, l’a été " pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom " (Jn 20,31).


515 Les Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1,1 Jn 21,24) et qui veulent la faire partager à d’autres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir les traces de son mystère dans toute sa vie terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2,7) jusqu’au vinaigre de sa passion (cf. Mt 27,48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20,7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé qu’" en Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité " (Col 2,9). Son humanité apparaît ainsi comme le " sacrement ", c’est-à-dire le signe et l’instrument de sa divinité et du salut qu’il apporte : ce qu’il y avait de visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et de sa mission rédemptrice.


Les traits communs des mystères de Jésus

516 Toute la vie du Christ est Révélation du Père : ses paroles et ses actes, ses silences et ses souffrances, sa manière d’être et de parler. Jésus peut dire : " Qui me voit, voit le Père " (Jn 14,9), et le Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le " (Lc 9,35). Notre Seigneur s’étant fait homme pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10,5-7), les moindres traits de ses mystères nous manifestent " l’amour de Dieu pour nous " (1Jn 4,9).


517 Toute la vie du Christ est mystère de Rédemption. La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1,7 Col 1,13-14 1P 1,18-19), mais ce mystère est à l’oeuvre dans toute la vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2Co 8,9) ; dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2,51), répare notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf. Jn 15,3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels " il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies " (Mt 8,17 cf. Is 53,4) ; dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4,25).


518 Toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation.Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l’homme déchu dans sa vocation première :

Lorsqu’il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, haer. 3, 18, 1). C’est d’ailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 ; cf. 2, 22, 4).



Notre communion aux mystères de Jésus

519 Toute la richesse du Christ " est destinée à tout homme et constitue le bien de chacun " (RH 11). Le Christ n’a pas vécu sa vie pour lui-même, mais pour nous, de son Incarnation " pour nous les hommes et pour notre salut " jusqu’à sa mort " pour nos péchés " (1Co 15,3) et à sa Résurrection " pour notre justification " (Rm 4,25). Maintenant encore, il est " notre avocat auprès du Père " (1Jn 2,1), " étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur " (He 7,25). Avec tout ce qu’il a vécu et souffert pour nous une fois pour toutes, il reste présent pour toujours " devant la face de Dieu en notre faveur " (He 9,24).


520 En toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15,5 Ph 2,5) : il est " l’homme parfait " (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et à le suivre : par son abaissement, il nous a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13,15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc 11,1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5,11-12).


521 Tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en Lui et qu’il le vive en nous. " Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2). Nous sommes appelés à ne faire plus qu’un avec lui ; ce qu’il a vécu dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous y fait communier comme les membres de son Corps :

Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, et le prier souvent qu’il les consomme et accomplisse en nous et en toute son Église (...). Car le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu’il veut nous communiquer, et par les effets qu’il veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous (S. Jean Eudes, Le royaume de Jésus, 3, 4 : Oeuvres complètes, v. 1 [Vannes 1905] p. 310-311).



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