Catéchisme Eglise Cath. 2500

VI. Vérité, Beauté et Art sacré

2500 La pratique du bien s’accompagne d’un plaisir spirituel gratuit et de la beauté morale. De même, la vérité comporte la joie et la splendeur de la beauté spirituelle. La vérité est belle par elle-même. La vérité de la parole, expression rationnelle de la connaissance de la réalité créée et Incréée, est nécessaire à l’homme doué d’intelligence, mais la vérité peut aussi trouver d’autres formes d’expression humaine, complémentaires, surtout quand il s’agit d’évoquer ce qu’elle comporte d’indicible, les profondeurs du coeur humain, les élévations de l’âme, le Mystère de Dieu. Avant même de Se révéler à l’homme en paroles de vérité, Dieu Se révèle à lui par le langage universel de la Création, oeuvre de Sa Parole, de Sa Sagesse : l’ordre et l’harmonie du cosmos – que découvre et l’enfant et l’homme de science – " la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur " (Sg 13,5), " car c’est la Source même de la beauté qui les a créées " (Sg 13,3).

La Sagesse est, en effet, un effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant ; aussi rien de souillé ne s’introduit en elle. Car elle est un reflet de la Lumière Eternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu, une image de Sa bonté (Sg 7,25-26). La Sagesse est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations, comparée à la lumière, elle l’emporte ; car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas (Sg 7,29-30). Je suis devenu amoureux de sa beauté (Sg 8,2).


2501 " Créé à l’image de Dieu " (Gn 1,26), l’homme exprime aussi la vérité de son rapport à Dieu Créateur par la beauté de ses oeuvres artistiques. L’art, en effet, est une forme d’expression proprement humaine ; au de-là de la recherche des nécessités vitales commune à toutes les créatures vivantes, il est une surabondance gratuite de la richesse intérieure de l’être humain. Surgissant d’un talent donné par le Créateur et de l’effort de l’homme lui-même, l’art est une forme de sagesse pratique, unissant connaissance et savoir-faire (Sg 7,18) pour donner forme à la vérité d’une réalité dans le langage accessible à la vue ou à l’ouïe. L’art comporte ainsi une certaine similitude avec l’activité de Dieu dans le créé, dans la mesure où il s’inspire de la vérité et de l’amour des êtres. Pas plus qu’aucune autre activité humaine, l’art n’a en lui-même sa fin absolue, mais il est ordonné et anobli par la fin ultime de l’homme (cf. Pie XII, discours 25 décembre 1955 et discours 3 septembre 1950).


2502 L’art sacré est vrai et beau, quand il correspond par sa forme à sa vocation propre : évoquer et glorifier, dans la Foi et l’adoration, le Mystère transcendant de Dieu, Beauté Suréminente Invisible de Vérité et d’Amour, apparue dans le Christ, " Resplendissement de Sa gloire, Effigie de Sa Substance " (He 1,3), en Qui " habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité " (Col 2,9), beauté spirituelle réfractée dans la très Sainte Vierge Mère de Dieu, les Anges et les Saints. L’art sacré véritable porte l’homme à l’adoration, à la prière et à l’amour de Dieu Créateur et Sauveur, Saint et Sanctificateur.


2503 C’est pourquoi les évêques doivent, par eux-mêmes ou par délégation, veiller à promouvoir l’art sacré, ancien et nouveau, sous toutes ses formes, et à écarter, avec le même soin religieux, de la liturgie et des édifices du culte, tout ce qui n’est pas conforme à la vérité de la Foi et à l’authentique beauté de l’art sacré (cf. SC 122-127).


En bref

2504 " Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain " (Ex 20,16). Les disciples du Christ ont " revêtu l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité " (Ep 4,24).


2505 La vérité ou véracité est la vertu qui consiste à se montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles, se gardant de la duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.


2506 Le chrétien n’a pas à " rougir de rendre témoignage au Seigneur " (2Tm 1,8) en acte et en parole. Le martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de la foi.


2507 Le respect de la réputation et de l’honneur des personnes interdit toute attitude ou toute parole de médisance ou de calomnie.


2508 Le mensonge consiste à dire le faux avec l’intention de tromper le prochain.


2509 Une faute commise à l’encontre de la vérité demande réparation.


2510 La règle d’or aide à discerner, dans les situations concrètes, s’il convient ou non de révéler la vérité à celui qui la demande.


2511 " Le secret sacramentel est inviolable " (CIC 983 § 1). Les secrets professionnels doivent être gardés. Les confidences préjudiciables à autrui n’ont pas à être divulguées.


2512 La société a droit à une information fondée sur la vérité, la liberté, la justice. Il convient de s’imposer modération et discipline dans l’usage des moyens de communication sociale.


2513 Les beaux-arts, mais surtout l’art sacré " visent, par nature, à exprimer de quelque façon dans les oeuvres humaines la beauté infinie de Dieu, et ils se consacrent d’autant plus à accroître sa louange et sa gloire qu’ils n’ont pas d’autre propos que de contribuer le plus possible à tourner les âmes humaines vers Dieu " (SC 122).

Article 9

Le neuvième commandement

Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain (Ex 20,17).

Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle (Mt 5,28).


2514 S. Jean distingue trois espèces de convoitise ou de concupiscence : la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie (cf. 1Jn 2,16 [Vulg.]). Suivant la tradition catéchétique catholique, le neuvième commandement proscrit la concupiscence charnelle ; le dixième interdit la convoitise du bien d’autrui.


2515 Au sens étymologique, la " concupiscence " peut désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie chrétienne lui a donné le sens particulier du mouvement de l’appétit sensible qui contrarie l’oeuvre de la raison humaine. L’Apôtre S. Paul l’identifie à la révolte que la " chair " mène contre l’ "esprit " (cf. Ga 5,16 Ga 5,17 Ga 5,24 Ep 2,3). Elle vient de la désobéissance du premier péché (Gn 3,11). Elle dérègle les facultés morales de l’homme et, sans être une faute en elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés (cf. Cc. Trente : DS 1515).


2516 Déjà dans l’homme, parce qu’il est un être composé, esprit et corps, il existe une certaine tension, il se déroule une certaine lutte de tendances entre l’ "esprit " et la " chair ". Mais cette lutte, en fait, appartient à l’héritage du péché, elle en est une conséquence et, en même temps, une confirmation. Elle fait partie de l’expérience quotidienne du combat spirituel :

Pour l’Apôtre, il ne s’agit pas de mépriser et de condamner le corps qui, avec l’âme spirituelle, constitue la nature de l’homme et sa personnalité de sujet ; il traite, par contre, des oeuvres ou plutôt des dispositions stables – vertus et vices – moralement bonnes ou mauvaises, qui sont le fruit de la soumission (dans le premier cas) ou au contraire de la résistance (dans le second cas) à l’action salvatrice de l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Apôtre écrit : " Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir " (
Ga 5,25) (Jean-Paul II, DEV 55).


I. La purification du coeur

2517 Le coeur est le siège de la personnalité morale : " C’est du coeur que viennent intentions mauvaises, meurtres, adultères et inconduites " (Mt 15,19). La lutte contre la convoitise charnelle passe par la purification du coeur et la pratique de la tempérance :

Maintiens-toi dans la simplicité, l’innocence, et tu seras comme les petits enfants qui ignorent le mal destructeur de la vie des hommes (Hermas, mand. 2, 1).


2518 La sixième béatitude proclame : " Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5,8). Les " coeurs purs " désignent ceux qui ont accordé leur intelligence et leur volonté aux exigences de la sainteté de Dieu, principalement en trois domaines : la charité (cf. 1Tm 4,3-9 2Tm 2,22), la chasteté ou rectitude sexuelle (cf. 1Th 4,7 Col 3,5 Ep 4,19), l’amour de la vérité et l’orthodoxie de la foi (cf. Tt 1,15 1Tm 1,3-4 2Tm 2,23-26). Il existe un lien entre la pureté du coeur, du corps et de la foi :

Les fidèles doivent croire les articles du Symbole, " afin qu’en croyant, ils obéissent à Dieu ; qu’en obéissant, ils vivent bien ; qu’en vivant bien, ils purifient leur coeur et qu’en purifiant leur coeur, ils comprennent ce qu’ils croient " (S. Augustin, fid. et symb. 10, 25 : PL 40, 196).


2519 Aux " coeurs purs " est promis de voir Dieu face-à-face et de Lui être semblables (cf. 1Co 13,12 1Jn 3,2). La pureté du coeur est le préalable à la vision. Dès aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de recevoir autrui comme un " prochain " ; elle nous permet de percevoir le corps humain, le nôtre et celui du prochain, comme un temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté divine.


II. Le combat pour la pureté

2520 Le Baptême confère à celui qui le reçoit la grâce de la purification de tous les péchés. Mais le baptisé doit continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il y parvient

– par la vertu et le don de chasteté, car la chasteté permet d’aimer d’un coeur droit et sans partage.

– par la pureté d’intention qui consiste à viser la fin véritable de l’homme : D’un oeil simple, le baptisé cherche à trouver et à accomplir en toute chose la volonté de Dieu (cf.
Rm 12,2 Col 1,10).

– par la pureté du regard, extérieur et intérieur ; par la discipline des sentiments et de l’imagination ; par le refus de toute complaisance dans les pensées impures qui inclinent à se détourner de la voie des commandements divins : " La vue éveille la passion chez les insensés " (Sg 15,5).

– par la prière :

Je croyais que la continence relevait de mes propres forces, ... forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur, j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais jeté en toi mon souci (S. Augustin, conf. 6, 11, 20).


2521 La pureté demande la pudeur. Celle-ci est une partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce qui doit rester caché. Elle est ordonnée à la chasteté dont elle atteste la délicatesse. Elle guide les regards et les gestes conformes à la dignité des personnes et de leur union.


2522 La pudeur protège le mystère des personnes et de leur amour. Elle invite à la patience et à la modération dans la relation amoureuse ; elle demande que soient remplies les conditions du don et de l’engagement définitif de l’homme et de la femme entre eux. La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement. Elle maintient le silence ou le réserve là où transparaît le risque d’une curiosité malsaine. Elle se fait discrétion.


2523 Il existe une pudeur des sentiments aussi bien que du corps. Elle proteste, par exemple, contre les explorations " voyeuristes " du corps humain dans certaines publicités, ou contre la sollicitation de certains médias à aller trop loin dans la révélation de confidences intimes. La pudeur inspire une manière de vivre qui permet de résister aux sollicitations de la mode et à la pression des idéologies dominantes.


2524 Les formes revêtues par la pudeur varient d’une culture à l’autre. Partout, cependant, elle reste le pressentiment d’une dignité spirituelle propre à l’homme. Elle naît par l’éveil de la conscience du sujet. Enseigner la pudeur à des enfants et des adolescents c’est éveiller au respect de la personne humaine.


2525 La pureté chrétienne demande une purification du climat social. Elle exige des moyens de communication sociale une information soucieuse de respect et de retenue. La pureté du coeur libère de l’érotisme diffus et écarte des spectacles qui favorisent le voyeurisme et l’illusion.


2526 Ce qui est appelé la permissivité des moeurs repose sur une conception erronée de la liberté humaine ; pour s’édifier, cette dernière a besoin de se laisser éduquer au préalable par la loi morale. Il convient de demander aux responsables de l’éducation de dispenser à la jeunesse un enseignement respectueux de la vérité, des qualités du coeur et de la dignité morale et spirituelle de l’homme.


2527 " La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la culture de l’homme déchu : elle combat et écarte les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché. Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité des peuples. Par les richesses d’en haut, elle féconde comme de l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge. Elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ " (GS 58, § 4).


En bref

2528 " Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle " (Mt 5,28).


2529 Le neuvième commandement met en garde contre la convoitise ou concupiscence charnelle.


2530 La lutte contre la convoitise charnelle passe par la purification du coeur et la pratique de la tempérance.


2531 La pureté du coeur nous donnera de voir Dieu : elle nous donne dès maintenant de voir toute chose selon Dieu.


2532 La purification du coeur exige la prière, la pratique de la chasteté, la pureté de l’intention et du regard.


2533 La pureté du coeur demande la pudeur qui est patience, modestie et discrétion. La pudeur préserve l’intimité de la personne.

Article 10

Le dixième commandement

Tu ne convoiteras ... rien de ce qui est à ton prochain (Ex 20,17). Tu ne désireras ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur ou sa servante, ni son boeuf ou son âne : rien de ce qui est à lui (Dt 5,21).

Là où est ton trésor, là sera ton coeur (Mt 6,21).


2534 Le dixième commandement dédouble et complète le neuvième, qui porte sur la concupiscence de la chair. Il interdit la convoitise du bien d’autrui, racine du vol, de la rapine et de la fraude, que proscrit le septième commandement. La " convoitise des yeux " (cf. 1Jn 2,16) conduit à la violence et à l’injustice défendues par le cinquième précepte (cf. Mi 2,2). La cupidité trouve son origine, comme la fornication, dans l’idolâtrie prohibée dans les trois premières prescriptions de la loi (cf. Sg 14,12). Le dixième commandement porte sur l’intention du coeur ; il résume, avec le neuvième, tous les préceptes de la Loi.


I. Le désordre des convoitises

2535 L’appétit sensible nous porte à désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Ainsi désirer manger quand on a faim, ou se chauffer quand on a froid. Ces désirs sont bons en eux-mêmes ; mais souvent ils ne gardent pas la mesure de la raison et nous poussent à convoiter injustement ce qui ne nous revient pas et appartient, ou est dû, à autrui.


2536 Le dixième commandement proscrit l’avidité et le désir d’une appropriation sans mesure des biens terrestres ; il défend la cupidité déréglée née de la passion immodérée des richesses et de leur puissance. Il interdit encore le désir de commettre une injustice par laquelle on nuirait au prochain dans ses biens temporels :

Quand la Loi nous dit : " Vous ne convoiterez point ", elle nous dit, en d’autres termes, d’éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car la soif du bien du prochain est immense, infinie et jamais rassasiée, ainsi qu’il est écrit : " L’avare ne sera jamais rassasié d’argent " (
Si 5,9) (Catech. R. 3, 37).


2537 Ce n’est pas violer ce commandement que de désirer obtenir des choses qui appartiennent au prochain, pourvu que ce soit par de justes moyens. La catéchèse traditionnelle indique avec réalisme " ceux qui ont le plus à lutter contre leurs convoitises criminelles " et qu’il faut donc " le plus exhorter à observer ce précepte " :

Ce sont ... les marchands qui désirent la disette ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin qu’ils ne sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui leur permettrait de vendre plus cher et d’acheter à plus bas prix ; ceux qui souhaitent que leurs semblables soient dans la misère, afin de réaliser du profit, soit en leur vendant, soit en leur achetant ... Les médecins qui désirent des malades ; les hommes de loi qui réclament des causes et des procès importants et nombreux ... (Catech. R. 3, 37).


2538 Le dixième commandement exige de bannir l’envie du coeur humain. Lorsque le prophète Nathan voulut stimuler le repentir du roi David, il lui conta l’histoire du pauvre qui ne possédait qu’une brebis, traitée comme sa propre fille, et du riche qui, malgré la multitude de ses troupeaux, enviait le premier et finit par lui voler sa brebis (cf. 2S 12,1 2S 12,4). L’envie peut conduire aux pires méfaits (cf. Gn 4,3-7 1R 21,1-29). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde (cf. Sg 2,24-25) :

Nous nous combattons mutuellement, et c’est l’envie qui nous arme les uns contre les autres ... Si tous s’acharnent ainsi à ébranler le corps du Christ, où en arriverons-nous ? Nous sommes en train d’énerver le corps du Christ ... Nous nous déclarons les membres d’un même organisme et nous nous dévorons comme le feraient des fauves (S. Jean Chrysostome, hom. in 2Co 28,3-4, PL 61, 594-595).


2539 L’envie est un vice capital. Elle désigne la tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier, fût-ce indûment. Quand elle souhaite un mal grave au prochain, elle est un péché mortel :

Saint Augustin voyait dans l’envie " le péché diabolique par excellence " (catech. 4, 8). " De l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la joie causée par le malheur du prochain et le déplaisir causé par sa prospérité " (S. Grégoire le Grand, mor. 31, 45 : PL 76, 621).


2540 L’envie représente une des formes de la tristesse et donc un refus de la charité ; le baptisé luttera contre elle par la bienveillance. L’envie vient souvent de l’orgueil ; le baptisé s’entraînera à vivre dans l’humilité :

C’est par vous que vous voudriez voir Dieu glorifié ? Eh bien, réjouissez-vous des progrès de votre frère, et, du coup, c’est par vous que Dieu sera glorifié. Dieu sera loué, dira-t-on, de ce que son serviteur a su vaincre l’envie en mettant sa joie dans les mérites des autres (S. Jean Chrysostome, hom. in
Rm 7,3, PG 60, 445).


II. Les désirs de l’Esprit

2541 L’économie de la Loi et de la Grâce détourne le coeur des hommes de la cupidité et de l’envie : elle l’initie au désir du Souverain Bien ; elle l’instruit des désirs de l’Esprit Saint qui rassasie le coeur de l’homme.

Le Dieu des promesses a depuis toujours mis l’homme en garde contre la séduction de ce qui, depuis les origines, apparaît " bon à manger, agréable aux yeux, plaisant à contempler " (
Gn 3,6).


2542 La Loi confiée à Israël n’a jamais suffi à justifier ceux qui lui étaient soumis ; elle est même devenue l’instrument de la " convoitise " (cf. Rm 7,7). L’inadéquation entre le vouloir et le faire (cf. Rm 7,10) indique le conflit entre la loi de Dieu qui est la " loi de la raison " et une autre loi " qui m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres " (Rm 7,23).


2543 " Maintenant, sans la Loi, la justice de Dieu s’est manifestée, attestée par la Loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus Christ à l’adresse de tous ceux qui croient " (Rm 3,21-22). Dès lors les fidèles du Christ " ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises " (Ga 5,24) ; ils sont conduits par l’Esprit (cf. Rm 8,14) et suivent les désirs de l’Esprit (cf. Rm 8,27).


III. La pauvreté de coeur

2544 Jésus enjoint à ses disciples de le préférer à tout et à tous et leur propose de donner " congé à tous leurs biens " (Lc 14,33) à cause de Lui et de l’Evangile (cf. Mc 8,35). Peu avant sa passion il leur a donné en exemple la pauvre veuve de Jérusalem qui, de son indigence, a donné tout ce qu’elle avait pour vivre (cf. Lc 21,4). Le précepte du détachement des richesses est obligatoire pour entrer dans le Royaume des cieux.


2545 Tous les fidèles du Christ ont " à régler comme il faut leurs affections pour que l’usage des choses du monde et un attachement aux richesses contraire à l’esprit de pauvreté évangélique ne les détourne pas de poursuivre la perfection de la charité " (LG 42).


2546 " Bienheureux les pauvres en esprit " (Mt 5,3). Les béatitudes révèlent un ordre de félicité et de grâce, de beauté et de paix. Jésus célèbre la joie des pauvres, à qui est déjà le Royaume (cf. Lc 6,20) :

Le Verbe appelle ‘pauvreté dans l’esprit’ l’humilité volontaire d’un esprit humain et son renoncement ; et l’Apôtre nous donne en exemple la pauvreté de Dieu quand il dit : ‘Il s’est fait pauvre pour nous’ (2Co 8,9) (S. Grégoire de Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).


2547 Le Seigneur se lamente sur les riches, parce qu’ils trouvent dans la profusion des biens leur consolation (Lc 6,24). " L’orgueilleux cherche la puissance terrestre, tandis que le pauvre en esprit recherche le Royaume des Cieux " (S. Augustin, serm. Dom. 1, 1, 3 : PL 34, 1232). L’abandon à la Providence du Père du Ciel libère de l’inquiétude du lendemain (cf. Mt 6,25-34). La confiance en Dieu dispose à la béatitude des pauvres. Ils verront Dieu.


IV. " Je veux voir Dieu "

2548 Le désir du bonheur véritable dégage l’homme de l’attachement immodéré aux biens de ce monde, pour s’accomplir dans la vision et la béatitude de Dieu. " La promesse de voir Dieu dépasse toute béatitude. Dans l’Écriture, voir c’est posséder. Celui qui voit Dieu a obtenu tous les biens que l’on peut concevoir " (S. Grégoire de Nysse, beat. 6 : PG 44, 1265A).


2549 Il reste au peuple saint à lutter, avec la grâce d’en haut, pour obtenir les biens que Dieu promet. Pour posséder et contempler Dieu, les fidèles du Christ mortifient leur convoitises et ils l’emportent, avec la grâce de Dieu, sur les séductions de la jouissance et de la puissance.


2550 Sur ce chemin de la perfection, l’Esprit et l’Epouse appellent qui les entend (cf. Ap 22,17) à la communion parfaite avec Dieu :

Là sera la véritable gloire ; personne n’y sera loué par erreur ou par flatterie ; les vrais honneurs ne seront ni refusés à ceux qui les méritent, ni accordés aux indignes ; d’ailleurs nul indigne n’y prétendra, là où ne seront admis que ceux qui sont dignes. Là régnera la véritable paix où nul n’éprouvera d’opposition ni de soi-même ni des autres. De la vertu, Dieu lui-même sera la récompense, lui qui a donné la vertu et s’est promis lui-même à elle comme la récompense la meilleure et la plus grande qui puisse exister : " Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple " (Lv 26,12) ... C’est aussi le sens des mots de l’apôtre : " Pour que Dieu soit tout en tous " (1Co 15,12). Il sera lui-même la fin de nos désirs, lui que nous contemplerons sans fin, aimerons sans satiété, louerons sans lassitude. Et ce don, cette affection, cette occupation seront assurément, comme la vie éternelle, communs à tous ". (S. Augustin, ).


En bref

2551 " Là où est ton trésor, là sera ton coeur " (Mt 6,21).


2552 Le dixième commandement défend la cupidité déréglée, née de la passion immodérée des richesses et de leur puissance.


2553 L’envie est la tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier. Elle est un vice capital.


2554 Le baptisé combat l’envie par la bienveillance, l’humilité et l’abandon à la providence de Dieu.


2555 Les fidèles du Christ " ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises " (Ga 5,24) ; ils sont conduits par l’Esprit et suivent ses désirs.


2556 Le détachement des richesses est nécessaire pour entrer dans le Royaume des Cieux. " Bienheureux les pauvres de coeur ".


2557 L’homme de désir dit : " Je veux voir Dieu ". La soif de Dieu est étanchée par l’eau de la vie éternelle (cf. Jn 4,14).



Quatrième Partie

La prière chrétienne


Première Section

LA PRIERE DANS LA VIE CHRETIENNE



2558 " Il est grand le Mystère de la foi ". L’Église le professe dans le Symbole des Apôtres (Première Partie) et elle le célèbre dans la Liturgie sacramentelle (Deuxième Partie), afin que la vie des fidèles soit conformée au Christ dans l’Esprit Saint à la gloire de Dieu le Père (Troisième Partie). Ce Mystère exige donc que les fidèles y croient, le célèbrent et en vivent dans une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Cette relation est la prière.


Qu’est-ce que la prière ?

Pour moi, la prière c’est un élan du coeur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. C 25r).


La prière comme don de Dieu

2559 " La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables " (S. Jean Damascène, f. o. 3, 24 : PG 94, 1089D). D’où parlons-nous en priant ? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des " profondeurs " (Ps 130,14) d’un coeur humble et contrit ? C’est celui qui s’abaisse qui est élevé (cf. Lc 18,9-14). L’humilité est le fondement de la prière. " Nous ne savons que demander pour prier comme il faut " (Rm 8,26). L’humilité est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la prière : L’homme est un mendiant de Dieu (cf. S. Augustin, serm. 56, 6, 9 : PL 38, 381).


2560 " Si tu savais le don de Dieu ! " (Jn 4,10). La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau : là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, il est le premier à nous chercher et c’est lui qui demande à boire. Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire. La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui (cf. S. Augustin, quaest. 64, 4 : PL 40, 56).


2561 " C’est toi qui l’en aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive " (Jn 4,10). Notre prière de demande est paradoxalement une réponse. Réponse à la plainte du Dieu vivant : " Ils m’ont abandonné, moi la Source d’eau vive, pour se creuser des citernes lézardées ! " (Jr 2,13), réponse de foi à la promesse gratuite du salut (cf. Jn 7,37-39 Is 12,3 Is 51,1), réponse d’amour à la soif du Fils unique (cf. Jn 19,28 Za 12,10 Za 13,1).


La prière comme Alliance

2562 D’où vient la prière de l’homme ? Quel que soit le langage de la prière (gestes et paroles), c’est tout l’homme qui prie. Mais pour désigner le lieu d’où jaillit la prière, les Écritures parlent parfois de l’âme ou de l’esprit, le plus souvent du coeur (plus de mille fois). C’est le coeur qui prie. S’il est loin de Dieu, l’expression de la prière est vaine.


2563 Le coeur est la demeure où je suis, où j’habite (selon l’expression sémitique ou biblique : où je " descends "). Il est notre centre caché, insaisissable par notre raison et par autrui ; seul l’Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître. Il est le lieu de la décision, au plus profond de nos tendances psychiques. Il est le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort. Il est le lieu de la rencontre, puisque à l’image de Dieu, nous vivons en relation : il est le lieu de l’Alliance.


2564 La prière chrétienne est une relation d’Alliance entre Dieu et l’homme dans le Christ. Elle est action de Dieu et de l’homme ; elle jaillit de l’Esprit Saint et de nous, toute dirigée vers le Père, en union avec la volonté humaine du Fils de Dieu fait homme.


La prière comme Communion

2565 Dans la nouvelle Alliance, la prière est la relation vivante des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint. La grâce du Royaume est " l’union de la Sainte Trinité tout entière avec l’esprit tout entier " (S. Grégoire de Naz., or. 16, 9 : PG 35, 954C). La vie de prière est ainsi d’être habituellement en présence du Dieu trois fois Saint et en communion avec Lui. Cette communion de vie est toujours possible parce que, par le Baptême, nous sommes devenus un même être avec le Christ (cf. Rm 6,5). La prière est chrétienne en tant qu’elle est communion au Christ et se dilate dans l’Église qui est son Corps. Ses dimensions sont celles de l’Amour du Christ (cf. Ep 3,18-21).

Chapitre premier

La révélation de la prière

L’appel universel à la prière


2566 L’homme est en quête de Dieu. Par la création Dieu appelle tout être du néant à l’existence. Couronné de gloire et de splendeur (cf. Ps 8,6), l’homme est, après les anges, capable de reconnaître qu’il est grand le Nom du Seigneur par toute la terre (cf. Ps 8,2). Même après avoir perdu la ressemblance avec Dieu par son péché, l’homme reste à l’image de son Créateur. Il garde le désir de Celui qui l’appelle à l’existence. Toutes les religions témoignent de cette quête essentielle des hommes (cf. Ac 17,27).


2567 Dieu, le premier, appelle l’homme. Que l’homme oublie son Créateur ou se cache loin de sa Face, qu’il coure après ses idoles ou accuse la divinité de l’avoir abandonné, le Dieu vivant et vrai appelle inlassablement chaque personne à la rencontre mystérieuse de la prière. Cette démarche d’amour du Dieu fidèle est toujours première dans la prière, la démarche de l’homme est toujours une réponse. Au fur et à mesure que Dieu se révèle et révèle l’homme à lui-même, la prière apparaît comme un appel réciproque, un drame d’Alliance. A travers des paroles et des actes, ce drame engage le coeur. Il se dévoile à travers toute l’histoire du salut.

Article 1

Dans l’Ancien Testament


2568 La révélation de la prière dans l’Ancien Testament s’inscrit entre la chute et le relèvement de l’homme, entre l’appel douloureux de Dieu à ses premiers enfants : " Où es-tu ?... Qu’as-tu fait ? " (Gn 3,9 Gn 3,13) et la réponse du Fils unique entrant dans le monde (" Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté " : He 10,7 cf. He 10,5-7). La prière est ainsi liée à l’histoire des hommes, elle est la relation à Dieu dans les événements de l’histoire.


La création – source de la prière

2569 C’est d’abord à partir des réalités de la création que se vit la prière. Les neuf premiers chapitres de la Genèse décrivent cette relation à Dieu comme offrande des premiers-nés du troupeau par Abel (cf. Gn 4,4), comme invocation du Nom divin par Enosh (cf. Gn 4,26), comme " marche avec Dieu " (Gn 5,24). L’offrande de Noé est " agréable " à Dieu qui le bénit, et à travers lui, bénit toute la création (cf. Gn 8,20 – 9, 17), parce que son coeur est juste et intègre : lui aussi " marche avec Dieu " (Gn 6,9). Cette qualité de la prière est vécue par une multitude de justes dans toutes les religions.

Dans son Alliance indéfectible avec les êtres vivants (cf. Gn 9,8-16), Dieu appelle toujours les hommes à le prier. Mais c’est surtout à partir de notre père Abraham qu’est révélée la prière dans l’Ancien Testament.


La Promesse et la prière de la foi

2570 Dès que Dieu l’appelle, Abraham part " comme le lui avait dit le Seigneur " (Gn 12,4) : son coeur est tout " soumis à la Parole ", il obéit. L’écoute du coeur qui se décide selon Dieu est essentielle à la prière, les paroles lui sont relatives. Mais la prière d’Abraham s’exprime d’abord par des actes : homme de silence, il construit, à chaque étape, un autel au Seigneur. Plus tard seulement apparaît sa première prière en paroles : une plainte voilée qui rappelle à Dieu ses promesses qui ne semblent pas se réaliser (cf. Gn 15,2-3). Dès le début apparaît ainsi l’un des aspects du drame de la prière : l’épreuve de la foi en la fidélité de Dieu.


2571 Ayant cru en Dieu (cf. Gn 15,6), marchant en sa présence et en alliance avec lui (cf. Gn 17,1-2), le patriarche est prêt à accueillir sous sa tente son Hôte mystérieux : c’est l’admirable hospitalité de Mambré, prélude à l’Annonciation du vrai Fils de la promesse (cf. Gn 18,1-15 Lc 1,26-38). Dès lors, Dieu lui ayant confié son Dessein, le coeur d’Abraham est accordé à la compassion de son Seigneur pour les hommes et il ose intercéder pour eux avec une confiance audacieuse (cf. Gn 18,16-33).


2572 Ultime purification de sa foi, il est demandé au " dépositaire des promesses " (He 11,17) de sacrifier le fils que Dieu lui a donné. Sa foi ne faiblit pas : " C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste " (Gn 22,8), " car Dieu, pensait-il, est capable même de ressusciter les morts " (He 11,19). Ainsi le père des croyants est-il conformé à la ressemblance du Père qui n’épargnera pas son propre Fils mais le livrera pour nous tous (cf. Rm 8,32). La prière restaure l’homme à la ressemblance de Dieu et le fait participer à la puissance de l’amour de Dieu qui sauve la multitude (cf. Rm 4,16-21).


2573 Dieu renouvelle sa promesse à Jacob, l’ancêtre des douze tribus d’Israël (cf. Gn 28,10-22). Avant d’affronter son frère Esaü, il lutte toute une nuit avec " quelqu’un " de mystérieux qui refuse de révéler son nom mais le bénit avant de le quitter à l’aurore. La tradition spirituelle de l’Église a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance (cf. Gn 32,25-31 Lc 18,1-8).



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