Discours 2005-2013 11530

RENCONTRE AVEC LE PERSONNEL DU PALAIS DE BELÉM - Lisbonne Mardi 11 mai 2010

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Très chers amis,

Dans le cadre de ma visite à Monsieur le Président, je ne pouvais pas omettre de vous rencontrer et de vous saluer, vous qui collaborez pour bien servir les nobles objectifs de la Présidence de la République, pour prendre soin de ce beau Palais et de ceux qui y vivent ou y sont accueillis. Je tiens à vous exprimer personnellement ma sincère reconnaissance en vous souhaitant le meilleur succès dans vos fonctions respectives. Je vous assure d’un souvenir particulier dans mes prières pour chacun et chacune de vous et pour vos familles. Daigne Dieu vous bénir et vous fortifier par sa grâce et sa lumière afin que, à travers l’estime que vous avez les uns pour les autres dans votre lieu de travail et à travers votre sollicitude pour le bien commun que vous servez, vous puissiez favoriser, à l’occasion du centenaire de la République portugaise l’avènement d’une société plus juste et un avenir meilleur pour tous.

Que descende sur vous tous la bénédiction du Dieu Tout-puissant Père + Fils + et Saint Esprit.



AUX JEUNES RÉUNIS DEVANT LA NONCIATURE APOSTOLIQUE SALUTATIONS Nonciature Apostolique - Lisbonne Mardi 11 mai 2010

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Chers amis,

J’ai apprécié la dynamique et nombreuse participation des jeunes à l’Eucharistie de cet après-midi sur le Terreiro do Paço, prouvant ainsi leur foi et leur volonté de construire leur avenir sur l’Évangile de Jésus Christ. Merci pour le joyeux témoignage que vous donnez au Christ, l’éternellement jeune, et pour la prévenance manifestée à son pauvre Vicaire sur la terre par la rencontre de ce soir. Vous êtes venus me souhaiter une bonne nuit et je vous en remercie de tout coeur ; mais à présent, vous devez me laisser aller dormir, autrement la nuit ne serait pas bonne, et la journée de demain nous attend.

J’éprouve une grande joie de pouvoir m’unir à la foule des pèlerins de Fatima à l’occasion du dixième anniversaire de la Béatification de François et de Hyacinthe. Avec l’aide de Notre-Dame, ils ont appris à voir la lumière de Dieu au plus profond de leurs coeurs et à l’adorer dans leur vie. Que la Vierge Marie vous obtienne la même grâce et vous protège ! Je continue à compter sur vous et sur vos prières afin que cette Visite au Portugal porte des fruits abondants. Et maintenant, avec grande affection, je vous donne ma Bénédiction, au nom du Père + et du Fils + et du Saint Esprit.

Bonne nuit ! À demain.

Merci beaucoup !



RENCONTRE AVEC LE MONDE DE LA CULTURE Centre culturel de Belém - Lisbonne Mercredi 12 mai 2010

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Vénérés frères dans l’Épiscopat
Éminents représentants de la Pensée, de la Science et de l’Art,
Chers amis,

J’éprouve une grande joie de voir ici rassemblé l’ensemble varié de la culture portugaise, que vous représentez si dignement : femmes et hommes engagés dans la recherche et l’élaboration des différents savoirs. A tous, j’adresse l’expression de mon amitié et de ma plus haute considération, reconnaissant l’importance de ce que vous faites et de ce que vous êtes. Le Gouvernement, représenté ici par Madame le Ministre de la Culture à qui j’adresse mes remerciements et mes salutations déférentes, pense aux priorités nationales du monde de la culture avec un appui mérité. Je remercie tous ceux qui ont rendu possible notre rencontre, en particulier la Commission Épiscopale de la Culture et son Président, Monseigneur Manuel Clemente, que je remercie pour le cordial accueil et pour la présentation de la réalité polyphonique de la culture portugaise, illustrée ici par la présence de quelques uns de ses meilleurs protagonistes. Le cinéaste Manoal de Oliveira, d’une âge vénérable et d’une carrière qui l’est tout autant, s’est fait le porte-parole de vos sentiments et de vos attentes. Je lui adresse mon salut plein d’admiration et d’affection autant que de vive gratitude pour les paroles qu’il m’a adressées, laissant entrevoir en elles les inquiétudes et les attentes de l’âme portugaise au milieu des turbulences de la société d’aujourd’hui.

En effet, aujourd’hui, la culture reflète une ‘tension’, qui prend parfois la forme de ‘conflit’ entre le présent et la tradition. L’élan de la société absolutise le présent, le détachant du patrimoine culturel du passé et sans l’intention de tracer les contours d’un avenir. Mais une telle valorisation du ‘présent’ en tant que source d’inspiration du sens de la vie, aussi bien individuelle que sociale, se heurte à la forte tradition culturelle du peuple portugais, profondément marquée par l’influence millénaire du christianisme et par un sens de la responsabilité globale. Celle-ci s’est affermie dans l’aventure des découvertes et dans le zèle missionnaire, partageant le don de la foi avec les autres peuples. L’idéal chrétien de l’universalité et de la fraternité avait inspiré cette aventure commune également marquée par les influences des Lumières et du laïcisme. Cette tradition a donné naissance à ce que nous pouvons appeler une ‘sagesse’, c'est-à-dire, un sens de la vie et de l’histoire marqué par une cohérence éthique et un ‘idéal’ réalisé par le Portugal, lequel a toujours cherché à établir des relations avec le reste du monde.

L'Église apparaît comme le grand défenseur d’une saine et haute tradition, dont la riche contribution se met au service de la société ; celle-ci continue à en respecter et à en apprécier le service en faveur du bien commun, mais elle s’est éloignée de la dite ‘sagesse’ qui fait partie de son patrimoine. Ce ‘conflit’ entre la tradition et le présent s’exprime dans la crise de la vérité, mais c’est seulement celle-ci qui peut orienter et tracer le chemin d’une existence réussie, aussi bien en tant que personne que comme peuple. En effet, un peuple qui cesse de savoir quelle est sa vérité propre, finit par se perdre dans le labyrinthe du temps et de l’histoire, privé des valeurs clairement établies et sans grands buts clairement énoncés. Chers amis, il y a tout un effort de compréhension à faire autour de la forme dans laquelle l'Église se situe dans le monde, en aidant la société à comprendre que l’annonce de la vérité est un service qu’Elle offre à la société, ouvrant de nouveaux horizons d’avenir, de grandeur et de dignité. En effet, l'Église a « une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation.[…] La fidélité à l’homme exige la fidélité à la vérité qui seule, est la garantie de la liberté (cf.
Jn 8,32) et de la possibilité d’un développement humain intégral. C’est pour cela que l'Église la recherche, qu’elle l’annonce sans relâche et qu’elle la reconnaît partout où elle se manifeste. Cette mission de vérité est pour l'Église une mission impérative » (Caritas in veritate ). Pour une société formée en majeure partie de catholiques et dont la culture a été profondément marquée par le christianisme, la tentative de trouver la vérité en dehors de Jésus-Christ s’avère dramatique. Pour nous, chrétiens, la Vérité est divine ; elle est le « Logos » éternel qui a pris une expression humaine en Jésus-Christ, lequel a pu affirmer avec objectivité : « Je suis la vérité » (Jn 14,6). L’existence dans l'Église de sa ferme adhésion au caractère pérenne de la vérité avec le respect pour les autres ‘vérités’ ou avec la vérité des autres, est un apprentissage que l'Église elle-même est en train de faire. Dans ce dialogue respectueux peuvent s’ouvrir de nouvelles portes pour la transmission de la vérité.

« L'Église – écrivait le Pape Paul VI – doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole ; l'Église se fait message ; l'Église se fait dialogue » (Ecclesiam suam, n.67). En effet, le dialogue sans ambigüité et respectueux des parties impliquées est aujourd’hui une priorité dans le monde, priorité à laquelle l'Église n’entend pas se soustraire. Elle en donne un témoignage clair par la présence du Saint-Siège dans les divers organismes internationaux, comme par exemple, dans le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, fondé il y a 20 ans ici à Lisbonne, qui a comme pierre angulaire le dialogue interculturel dans le but de promouvoir la coopération entre l’Europe, le sud de la Méditerranée et l’Afrique et de construire une citoyenneté mondiale fondée sur les droits humains et la responsabilité des citoyens, indépendamment de leur origine ethnique et de leur appartenance politique, dans le respect des croyances religieuses. Étant donné la diversité culturelle, il faut faire en sorte que les personnes, non seulement acceptent l’existence de la culture de l’autre, mais aspirent aussi à s’en enrichir et à lui offrir ce que l’on possède de bien, de vrai et de beau.

Cette heure demande le meilleur de nos forces, une audace prophétique, une capacité renouvelée à « indiquer de nouveaux mondes au monde », comme dirait votre Poète national (Luís de Camões, Os Lusiadas, II, 45). Vous, artisans de la culture sous toutes ses formes, créateurs de pensée et d’opinion, « avez, grâce à votre talent la possibilité de parler au coeur de l’humanité, de toucher la sensibilité individuelle et collective, de susciter des rêves et des espérances, d’élargir les horizons de la connaissance et de l’engagement humain. […] Et n’ayez pas peur de vous confronter avec la source première et ultime de la beauté, de dialoguer avec les croyants, avec ceux qui, comme vous, se sentent en pèlerinage dans le monde et dans l’histoire vers la Beauté infinie (Discours aux artistes, 21/XI/2009).

C’est justement dans le but de « mettre le monde moderne en contact avec les énergies vivifiantes et pérennes de l’Évangile » (Jean XXIII, Const. Ap. Humanae salutis, n.3), qu’a eu lieu le Concile Vatican II, au cours duquel l'Église, partant d’un conscience renouvelée de la tradition catholique, prend au sérieux et discerne, transfigure et dépasse les critiques qui sont à la base des courants qui ont caractérisé la modernité, c’est-à-dire la Réforme et les Lumières. Ainsi, d’elle-même, l'Église accueille et régénère le meilleur des exigences de la modernité, d’une part en les assumant et en les dépassant et d’autre part en évitant ses erreurs et les chemins sans issues. L’événement conciliaire a posé les prémisses d’un authentique renouveau catholique et d’une nouvelle civilisation – la « civilisation de l’amour » – comme service évangélique à l’homme et à la société.

Chers amis, l'Église considère comme sa mission prioritaire, dans la culture actuelle, de tenir éveillé la recherche de la vérité et, en conséquence, de Dieu ; de porter les personnes à regarder au-delà des choses qui passent et à se mettre à la recherche des choses qui demeurent. Je vous invite à approfondir la connaissance de Dieu tel qu’Il s’est révélé en Jésus-Christ pour notre plein accomplissement. Faites des choses belles, mais par dessus tout faites que vos vies deviennent des lieux de beauté. Qu’intercède pour vous Sainte Marie de Bethléem, vénérée depuis des siècles par les navigateurs de l’océan, et aujourd’hui par les navigateurs du Bien, de la Vérité et de la Beauté.



BÉNÉDICTION DES FLAMBEAUX Esplanade du sanctuaire de Fátima Mercredi 12 mai 2010

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Chers pèlerins,

Tous ensemble, avec en main votre cierge allumé, vous semblez un océan de lumière autour de cette simple chapelle, érigée avec empressement en l’honneur de la Mère de Dieu et notre Mère, elle dont le chemin de retour de la terre au ciel était apparu aux jeunes bergers comme un faisceau de lumière. Cependant, comme Marie, nous ne jouissons pas d’une lumière propre : nous la recevons de Jésus. Sa présence en nous renouvelle le mystère et le rappel du buisson ardent, celui qui, un temps, sur le mont Sinaï a attiré Moïse et n’arrête pas de fasciner tous ceux qui se rendent compte qu’une lumière spéciale brûle en nous mais sans se consumer (cf. Ex
Ex 3,2-5). Par nous-mêmes, nous ne sommes qu’un misérable buisson, sur lequel pourtant est descendue la gloire de Dieu. À lui, donc, toute gloire, à nous l’humble confession de notre néant et l’adoration déférente des desseins de Dieu, qui seront accomplis quand « Dieu sera tout en tous » (cf. 1Co 15,28). La Vierge, pleine de grâce, est la servante incomparable de tels desseins : « Voici la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1,38).

Chers pèlerins, imitons Marie, en faisant résonner dans notre vie son « que tout se fasse pour moi » ! À Moïse, Dieu avait ordonné : « Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte » (Ex 3,5). C’est ce qu’il fit ; il enfilera à nouveau ses sandales pour aller libérer son peuple de l’esclavage de l’Égypte et le conduire vers la terre promise. Il ne s’agit pas ici simplement de la possession d’une parcelle de terre ou de ce territoire national auquel chaque peuple a droit ; en effet, dans la lutte pour la libération d’Israël et durant son exode de l’Égypte, ce qui est mis en évidence c’est surtout le droit à la liberté d’adoration, à la liberté d’un culte propre. Par conséquent, tout au long de l’histoire du peuple élu, la promesse de la terre assume toujours plus cette signification : la terre est donnée pour qu’il y ait un lieu de l’obéissance, afin qu’il y ait un espace ouvert à Dieu.

À notre époque, où la foi dans de vastes régions de la terre, risque de s’éteindre comme une flamme qui n’est plus alimentée, la première de toutes les priorités est celle de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour vécu jusqu’au bout (cf. Jn 13,1), en Jésus Christ crucifié et ressuscité. Chers frères et soeurs, adorez le Christ Seigneur dans vos coeurs (cf. 1P 3,15) ! N’ayez pas peur de parler de Dieu et de manifester sans honte les signes de la foi, en faisant resplendir aux yeux de vos contemporains la lumière du Christ, comme le chante l’Église durant la nuit de la Veillée pascale, qui engendre l’humanité comme famille de Dieu.

Frères et soeurs, en ce lieu, il est étonnant d’observer que trois enfants ont cédé à la force intérieure qui les a envahis au moment des apparitions de l’Ange et de la Mère du Ciel. Ici, où l’on nous a demandé si souvent de réciter le Rosaire, laissons-nous attirer par les mystères du Christ, les mystères du Chapelet de Marie. Que la récitation du rosaire nous permette de fixer notre regard et notre coeur en Jésus, comme le faisait sa Mère, modèle inégalable de la contemplation du Fils. En méditant les mystères joyeux, lumineux, douloureux et glorieux, tandis que nous récitons les ‘Ave Maria’, nous contemplons le mystère de Jésus tout entier, de l’Incarnation jusqu’à la Croix et à la gloire de la Résurrection ; nous contemplons l’intime participation de Marie à ce mystère et notre vie en Christ aujourd’hui, qui apparaît tellement entremêlée de moments de joie et de souffrance, d’ombre et de lumière, d’anxiété et d’espérance. La grâce envahit notre coeur en suscitant le désir d’un changement de vie incisif et évangélique, afin de pouvoir dire avec saint Paul : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1,21), dans une communion de vie et de destin avec le Christ.

Je sens que m’accompagnent la dévotion et l’affection des fidèles réunis ici ainsi que celles du monde entier. Je porte avec moi les préoccupations et les attentes de notre temps et les souffrances de l’humanité blessée, les problèmes du monde, et je viens les déposer aux pieds de la Vierge de Fátima : Vierge Mère de Dieu et notre Mère bien-aimée, intercède pour nous auprès de ton Fils afin que toutes les familles des peuples, celles qui se distinguent par le nom de chrétiennes, comme celles qui ignorent encore leur Sauveur, vivent dans la paix et la concorde jusqu’à se rassembler en un seul peuple de Dieu, à la gloire de la Sainte et indivisible Trinité. Amen.



RENCONTRE AVEC LES ORGANISATIONS DE LA PASTORALE SOCIALE Eglise de la Trinité - Fátima Jeudi 13 mai 2010

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Chers Frères et amis,

Vous avez entendu Jésus dire : « Va, et toi aussi fais de même » (
Lc 10,37). Il nous exhorte à faire nôtre l’attitude du bon samaritain, dont l’exemple vient d’être proclamé, face aux situations où l’aide fraternelle fait défaut. Et quelle est cette attitude ? « C’est ‘un coeur qui voit’. Ce coeur voit où l’amour est nécessaire et il agit en conséquence » (Benoît XVI, Enc. Deus caritas est ). C’est ce qu’a fait le bon samaritain. Jésus ne se limite pas à exhorter ; comme l’enseignent les Saints Pères de l’Eglise, le Bon Samaritain c’est Lui, qui se fait proche de tout homme, et « verse sur ses blessures l’huile de la consolation et le vin de l’espérance » (Préface commune VIII), qui le conduit à l’auberge, qui est l’Église, où il le fait soigner, le confiant à ses ministres et payant en personne, par avance, pour sa guérison. « Va, et toi aussi fais de même ». L’amour inconditionnel de Jésus qui nous a guéris devra maintenant se transformer en amour donné gratuitement et généreusement, à travers la justice et la charité, si nous voulons vivre avec un coeur de bon samaritain.

J’éprouve une grande joie à vous rencontrer en ce lieu béni que Dieu s’est choisi pour rappeler à l’humanité, par la Vierge, ses desseins d’amour miséricordieux. Je salue avec grande amitié toutes les personnes ici présentes ainsi que les institutions auxquelles elles appartiennent, dans la diversité des visages qui se trouvent unis dans la réflexion sur les questions sociales et surtout dans la pratique de la compassion envers les pauvres, les malades, les détenus, ceux qui vivent seuls et abandonnés, les personnes handicapées, les enfants et les personnes âgées, les migrants, les personnes sans emploi et toutes celles qui connaissent des besoins qui abiment leur dignité de personnes libres. Merci, Monseigneur Carlos Azevedo, pour l’hommage de communion et de fidélité à l’Église et au Pape que vous avez voulu m’offrir aussi bien de la part de cette assemblée de la charité que de la Commission épiscopale de Pastorale sociale que vous présidez et qui encourage sans cesse ces grandes semailles de bonnes oeuvres à travers tout le Portugal. Conscients, en tant qu’Église, de ne pas être en mesure d’offrir des solutions pratiques à chaque problème concret, et dépourvus de tout type de pouvoir, déterminés à servir le bien commun, vous êtes prêts à aider et à offrir les moyens du salut à tous.

Chers frères et soeurs qui opérez dans le vaste monde de l’entraide, « le Christ nous révèle que ‘Dieu est amour’ (1Jn 4,8) et il nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour. A ceux qui croient à la divine charité, il apporte ainsi la certitude que la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes » (Const. Gaudium et spes GS 38). Le déroulement actuel de l’histoire est fait de crises socio-économiques, culturelles et spirituelles, et il met en évidence l’opportunité d’un discernement orienté par la proposition créative du message social de l’Église. L’étude de sa doctrine sociale qui prend la charité comme principe et force principale, permettra de tracer un processus de développement humain intégral qui implique les profondeurs du coeur et vise à une plus vaste humanisation de la société (cf. Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate ). Il ne s’agit pas d’une simple connaissance d’ordre intellectuel, mais d’une sagesse qui donne saveur et relief, offre une créativité aux voies d’appréhension et d’action visant à affronter une crise aussi vaste et complexe. Puissent les institutions de l’Église, avec toutes les organisations non ecclésiales, perfectionner leurs capacités d’étude et leurs orientations en vue d’une dynamique nouvelle et de grande ampleur, qui conduise vers « cette civilisation de l’amour dont Dieu a semé le germe dans chaque peuple et chaque culture » (ibid. n. 33).

Dans sa dimension sociale et politique, cette diaconie de la charité est le propre des fidèles laïcs, appelés à promouvoir organiquement le bien commun, la justice et à configurer de manière droite la vie sociale (cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas Est 29). Une des conclusions pastorales, qui ressortent de vos récentes réflexions, est de former une nouvelle génération de leaders serviteurs. Attirer de nouveaux acteurs laïcs dans ce domaine pastoral méritera certainement une attention particulière de la part des pasteurs, attentifs à l’avenir. Celui qui apprend de Dieu Amour sera immanquablement une personne pour les autres. En effet, « l’amour de Dieu se révèle dans la responsabilité envers autrui » (Benoît XVI, Enc. Spe salvi ). Unis au Christ dans sa consécration au Père, nous sommes saisis par sa compassion pour les multitudes qui demandent justice et solidarité et, comme le bon samaritain de la parabole, nous nous engageons à offrir des réponses concrètes et généreuses.

Souvent, cependant, il n’est pas facile d’arriver à une harmonie satisfaisante entre la vie spirituelle et l’activité apostolique. La pression exercée par la culture dominante, qui présente avec insistance un style de vie fondé sur la loi du plus fort, sur le gain facile et alléchant, finit par influencer notre mode de penser, nos projets et les perspectives de notre service, avec le risque de les vider de cette motivation de foi et d’espérance chrétiennes qui les avait suscités. Les nombreuses et pressantes demandes d’aide et de soutien que nous adressent les pauvres et les marginaux de la société nous poussent à chercher des solutions qui répondent à la logique de l’efficacité, de la visibilité et de la publicité. Toutefois, la synthèse en question est absolument nécessaire, frères bien-aimés, pour pouvoir servir le Christ dans l’humanité qui vous attend. Dans ce monde divisé, s’impose à tous une profonde et authentique unité de coeur, d’esprit et d’action.

Parmi de nombreuses institutions sociales au service du bien commun, proche des populations nécessiteuses, on compte celles de l’Église catholique. Il faut que leur orientation soit claire, pour qu’elles adoptent une identité bien évidente : dans l’inspiration de leurs objectifs, dans le choix de leurs ressources humaines, dans leurs méthodes d’action, dans la qualité de leurs services, dans la gestion sérieuse et efficace de leurs moyens. La ferme identité des institutions est un réel service, d’un grand avantage pour ceux qui en bénéficient. Au-delà de l’identité tout en étant lié à elle, il est fondamental d’accorder à l’activité caritative chrétienne une autonomie et une indépendance à l’égard de la politique et des idéologies (cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est ), y compris dans la collaboration avec les organes de l’État pour atteindre des buts communs.

Que vos activités d’assistance, d’éducation ou de charité soient complétées par des projets de liberté qui promeuvent l’être humain, dans la recherche de la fraternité universelle. Se situe ici l’engagement urgent des chrétiens dans la défense des droits humains, attentifs à la totalité de la personne humaine dans ses diverses dimensions. J’exprime ma profonde appréciation pour toutes ces initiatives sociales et pastorales qui cherchent à lutter contre les mécanismes socio-économiques et culturels conduisant à l’avortement et qui tiennent clairement compte de la défense de la vie, de la réconciliation, et de la guérison des personnes blessées par le drame de l’avortement. Les initiatives qui ont pour but de sauvegarder les valeurs essentielles et premières de la vie, dès sa conception, et de la famille, fondée sur le mariage indissoluble entre un homme et une femme, aident à répondre à certains des défis les plus insidieux et les plus dangereux qui aujourd’hui se opposent au bien commun. Ces initiatives constituent, avec beaucoup d’autres formes d’engagement, des éléments essentiels pour la construction de la civilisation de l’amour.

Tout ceci s’intègre bien au message de la Vierge qui retentit en ce lieu : la pénitence, la prière, le pardon qui visent à la conversion des coeurs. C’est le chemin pour édifier la civilisation de l’amour, dont Dieu a jeté les semences dans le coeur de tout homme et que la foi dans le Christ Sauveur fait germer.



RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES DU PORTUGAL Salon de la « Casa Nossa Senhora do Carmo » - Fátima Jeudi 13 mai 2010

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Vénérables et chers Frères dans l’Épiscopat,

Je rends grâce à Dieu pour l’opportunité qu’il me donne de vous rencontrer tous ici dans le coeur spirituel du Portugal qu’est le sanctuaire de Fatima, où une foule de pèlerins provenant des endroits les plus variés de la terre, cherchent à retrouver ou à renforcer en eux-mêmes la certitude du Ciel. Parmi eux, se trouve le Successeur de Pierre qui est venu de Rome en réponse aux invitations répétées qu’il a reçues et poussé par un devoir de reconnaissance à la Vierge Marie. En effet, celle-ci a transmis ici même, aux voyants et aux pèlerins, un amour intense pour le Saint-Père, qui a fructifié dans la prière fervente d’une multitude de personnes sous la conduite de Jésus : Pierre, « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (
Lc 22,32).

Comme vous l’entendez, le Pape a besoin de s’ouvrir toujours davantage au mystère de la Croix, en l’embrassant comme l’unique espérance et le moyen ultime pour gagner et réunir dans le Crucifié tous ses frères et soeurs en humanité. Obéissant à la Parole de Dieu, il est appelé à vivre non pas pour lui-même mais pour rendre Dieu présent dans le monde. Je suis réconforté par la détermination avec laquelle vous aussi, vous me suivez de près sans rien craindre d’autre que la perte du salut éternel de votre peuple, comme le démontrent bien les paroles par lesquelles Mgr Jorge Ortiga a voulu saluer ma venue parmi vous et témoigner de l’inconditionnelle fidélité des Évêques du Portugal au Successeur de Pierre. Je vous remercie de tout coeur. Merci aussi pour tout le dévouement avec lequel vous avez organisé ma Visite. Que Dieu vous récompense, en répandant en abondance sur vous et sur vos diocèses l’Esprit Saint, afin que vous puissiez, d’un seul coeur et d’une seule âme, porter à terme l’objectif pastoral que vous vous êtes fixé, c’est-à-dire, celui d’offrir à chaque fidèle une initiation chrétienne exigeante et belle, qui transmette l’intégrité de la foi et de la spiritualité, enracinée dans l’Évangile et capable de former des fidèles agissants et libres dans la vie publique.

En vérité, les temps dans lesquels nous vivons exigent un nouveau dynamisme missionnaire des chrétiens, appelés à former un laïcat mûr qui s’identifie à l’Église et solidaire de la transformation complexe du monde. Il faut d’authentiques témoins de Jésus Christ, surtout dans ces milieux humains où le silence de la foi est plus grand et plus profond : les hommes politiques, les intellectuels, les professionnels de la communication qui professent et promeuvent une orientation culturelle unique, en méprisant la dimension religieuse et contemplative de la vie. Dans ces milieux, il y a des croyants honteux de leur foi qui prêtent leur concours au sécularisme, qui fait obstacle à l’inspiration chrétienne. Dans le même temps, Frères bien-aimés, combien, dans ces milieux, défendent avec courage une pensée catholique vigoureuse, fidèle au Magistère ; qu’ils continuent à bénéficier de vos encouragements et de votre parole éclairante pour vivre, en fidèles laïcs, dans la liberté chrétienne.

Sans bâillon, maintenez vive la dimension prophétique dans l’histoire du monde actuel, parce que « la parole de Dieu n’est pas enchaînée » (2Tm 2,9). Les personnes réclament la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, qui donne sens à leur vie et sauvegarde leur dignité. En qualité de premiers évangélisateurs, il vous sera utile de connaître et de comprendre les diverses tendances sociales et culturelles, d’évaluer les carences spirituelles et de disposer efficacement les ressources pastorales ; néanmoins, ce qui est décisif, c’est de réussir à inculquer chez toute personne qui évangélise un vrai désir de sainteté, et la conscience que tout résultat dépend essentiellement de l’union avec le Christ et de l’action de son Esprit.

En effet, quand aux yeux de beaucoup, la foi catholique n’est plus le patrimoine commun de la société et que, souvent, on la regarde comme une graine étouffée et supplantée par les ‘idoles’ et par les maîtres de ce monde, elle pourra très difficilement toucher les coeurs à travers de simples discours ou des rappels moraux, et encore moins par des allusions générales aux valeurs chrétiennes. Le rappel courageux et intégral des principes est essentiel et indispensable ; toutefois, la simple énonciation du message ne va pas jusqu’au fond du coeur de la personne, ne touche pas sa liberté, ne transforme pas sa vie. Ce qui séduit surtout, c’est la rencontre avec les personnes croyantes qui, par leur foi, attirent vers la grâce du Christ, en Lui rendant témoignage. Je me souviens de ces paroles du Pape Jean-Paul II : « L’Église a besoin surtout de grands courants, mouvements et témoignages de sainteté parmi les ‘fidèles’, parce que c’est de la sainteté que naît tout renouveau authentique de l’Église, tout enrichissement authentique de l’intelligence de la foi et de la suite du Christ, une ré-actualisation vitale et féconde du christianisme dans la rencontre avec les besoins des hommes, une forme renouvelée de présence au coeur de l’existence humaine et de la culture des nations » (Discours pour le XXe anniversaire du Décret conciliaire ‘Apostolatum actuositatem’, 18 novembre 1985). Certains pourraient dire : « ‘l’Église a besoin de grands courants, de mouvements et de témoignages de sainteté…’ mais il n’y en a pas ! »

À ce sujet, je vous confesse l’agréable surprise que j’ai eue dans la prise de contact avec les mouvements et les nouvelles communautés ecclésiales. En les observant, j’ai eu la joie et la grâce de voir comment, en un moment de fatigue pour l’Église, en un moment où l’on parlait d’un « hiver de l’Église », l’Esprit Saint suscitait un nouveau printemps, faisant se réveiller chez les jeunes et chez les adultes la joie d’être chrétiens, de vivre au sein de l’Église, qui est le Corps vivant du Christ. Grâce aux charismes, la radicalité de l’Évangile, le contenu objectif de la foi, l’influx vivant de sa tradition sont communiqués de façon convaincante et sont accueillis comme une expérience personnelle, c’est-à-dire comme une adhésion de la liberté à l’événement présent du Christ.

C’est une condition nécessaire, naturellement, que ces nouvelles réalités veuillent vivre au sein de l’Église commune, tout en leur ménageant des espaces pour leur vie propre, de telle façon que celles-ci soient ensuite profitables à toutes les autres. Les porteurs d’un charisme particulier doivent se sentir fondamentalement responsables de la communion, de la foi commune de l’Église et doivent se soumettre à la direction des Pasteurs. Ce sont eux qui doivent garantir l’ecclésialité des mouvements. Les Pasteurs ne sont pas seulement des personnes qui occupent une charge, mais ils sont eux-mêmes porteurs de charismes, ils sont responsables de l’ouverture de l’Église à l’action de l’Esprit Saint. Nous, Évêques, en vertu du sacrement, nous sommes oints par l’Esprit Saint et, par conséquent, le sacrement garantit aussi l’ouverture à ses dons. Ainsi, d’une part, nous devons éprouver la responsabilité d’accueillir ces impulsions qui sont des dons pour l’Église et qui lui confèrent une nouvelle vitalité ; mais, d’autre part, nous devons aussi aider les mouvements à trouver la voie juste, en faisant des corrections avec esprit de compréhension – cette compréhension spirituelle et humaine qui sait conjuguer conduite, reconnaissance et une certaine ouverture et disponibilité à apprendre.

Initiez ou confirmez dans cette voie les prêtres. Dans l’Année sacerdotale qui s’achève, redécouvrez, chers Frères, la paternité épiscopale par-dessus tout envers votre clergé. Pendant trop longtemps, la responsabilité de l’autorité comme service en vue de la croissance des autres et, en premier lieu, des prêtres, a été reléguée au second plan. Ceux-ci sont appelés à servir, dans leur ministère pastoral, en étant intégrés dans une action pastorale de communion et d’ensemble, comme nous le rappelle le Décret conciliaire Presbyterorum ordinis : « Aucun prêtre n’est donc en état d’accomplir convenablement sa mission isolément et en quelque sorte individuellement, mais seulement en unissant ses forces à celles des autres prêtres, sous la conduite de ceux qui président à l’Église » (n.7). Il ne s’agit pas de retourner vers le passé, ni d’un simple retour aux origines, mais de retrouver la ferveur des origines, la joie du commencement de l’expérience chrétienne, en se faisant accompagner par le Christ comme les disciples d’Emmaüs le jour de Pâques, en laissant sa parole nous réchauffer le coeur et le « pain rompu » ouvrir nos yeux à la contemplation de son visage. C’est seulement ainsi que le feu de la charité sera suffisamment ardent pour pousser chaque fidèle chrétien à devenir dispensateur de lumière et de vie au sein de l’Église et parmi tous les hommes.

Avant de conclure, je voudrais vous demander, en votre qualité de présidents et ministres de la charité dans l’Église, de raviver en vous-même et autour de vous les sentiments de miséricorde et de compassion pour être en mesure de répondre aux situations de lourdes carences sociales. Que se constituent des organisations et que se perfectionnent celles qui existent déjà, afin qu’elles soient en capacité de répondre avec créativité à toute pauvreté, en y incluant celles qui relèvent du manque de sens à la vie et de l’absence d’espérance. L’effort que vous faites pour aider les diocèses les plus nécessiteux, surtout dans les Pays lusophones, est très louable. Que les difficultés, qui à présent se font sentir davantage, n’affaiblissent pas la logique du don. Poursuivez avec vivacité, dans votre Pays, votre témoignage de prophètes de la justice et de la paix, de défenseurs des droits inaliénables de la personne humaine, unissant votre voix à celle des plus faibles, que vous avez sagement incités à prendre la parole, sans jamais craindre de hausser la voix en faveur des opprimés, des personnes humiliées et maltraitées.

Tandis que je vous confie à la Vierge de Fatima, en lui demandant de vous soutenir maternellement dans les défis que vous relevez, pour être les promoteurs d’une culture et d’une spiritualité de charité et de paix, d’espérance et de justice, de foi et de service, je vous accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique, que j’étends à vos proches et à vos communautés diocésaines.




Discours 2005-2013 11530