Discours 2005-2013 12610

AUX PARTICIPANTS À LA 45ème RÉUNION COMMUNE DE LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L'EUROPE Palais Apostolique Vendredi 12 juin 2010

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Monsieur le Gouverneur et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Administrateurs,
Chers amis,

La 45ème réunion commune de la Banque de Développement du Conseil de l’Europe vous a conduits à Rome et j’ai le plaisir de vous recevoir ce matin au Palais Apostolique au terme de votre rencontre.

Je vous remercie, Monsieur le Gouverneur, pour vos paroles qui soulignent l’importance que le Saint-Siège donne à la Banque de Développement du Conseil de l’Europe, dont il est membre depuis 1973. En 1956, le Conseil de l’Europe a fondé une banque ayant une vocation exclusivement sociale, pour avoir un instrument qualifié afin de promouvoir sa propre politique de solidarité. Cette banque s’est occupée, dès ses débuts, des problèmes relatifs aux réfugiés, puis elle a étendu ses compétences à l’ensemble du domaine de la cohésion sociale. Le Saint-Siège ne peut que regarder avec intérêt une structure qui soutient par ses prêts des projets sociaux, qui se préoccupe du développement, qui répond à des situations d’urgence et qui veut contribuer à l’amélioration des conditions de vie des personnes dans le besoin.

Les événements politiques qui se sont déroulés en Europe à la fin du siècle dernier, lui ont permis de respirer enfin avec ses deux poumons, pour réutiliser l’expression de mon vénéré prédécesseur. Nous savons tous qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour rendre cette réalité effective. Les échanges économiques et financiers entre l’est et l’ouest européens se sont développés certes, mais y a-t-il eu un réel progrès humain ? La libération d’idéologies totalitaires n’a-t-elle pas été utilisée unilatéralement pour le seul progrès économique au détriment d’un développement plus humain respectant la dignité et la noblesse de l’homme et n’a-t-elle pas fait fi, parfois, des richesses spirituelles qui ont modelé l’identité européenne ? Les interventions de la Banque en faveur des pays de l’Europe de l’est, du centre et du sud-est auront permis, j’en suis sûr, de corriger des déséquilibres en faveur d’un processus basé sur la justice et la solidarité. Celles-ci sont indispensables pour le présent et l’avenir de l’Europe.

Avec moi, vous savez qu’aujourd’hui le monde et l’Europe traversent un moment particulièrement grave de crise économique et financière. Ce temps ne doit pas conduire à des limitations qui ne se basent que sur une analyse strictement financière. Il doit, au contraire, permettre à la Banque de Développement de montrer son originalité en renforçant l’intégration sociale, la gestion de l’environnement et le développement des infrastructures publiques à vocation sociale. J’encourage vivement le travail de la Banque dans ce sens et dans celui de la solidarité. Elle sera ainsi fidèle à sa vocation.

Face aux défis actuels que le monde et l’Europe doivent gérer, j’ai voulu attirer l’attention dans ma dernière Encyclique, Caritas in Veritate, sur la Doctrine sociale de l’Eglise et sur son apport positif à la construction de la personne humaine et de la société. L’Eglise voit, à la suite du Christ, l’amour pour Dieu et pour le prochain, comme un moteur puissant capable d’offrir une authentique énergie qui pourra irriguer l’ensemble de l’environnement social, juridique, culturel, politique et économique. J’ai voulu mettre en évidence que la relation qui existe entre l’amour et la vérité est, si elle est bien vécue, une force dynamique qui régénère l’ensemble des liens interpersonnels et qui offre une nouveauté réelle dans la réorientation de la vie économique et financière qu’elle renouvelle, au service de l’homme et de sa dignité pour lesquels ils existent. L’économie et la finance n’existent pas pour elles-mêmes, elles ne sont qu’un outil, un moyen. Leur fin est uniquement la personne humaine et sa réalisation plénière dans la dignité. C’est là le seul capital qu’il convient de sauver. Et dans ce capital, se trouve la dimension spirituelle de la personne humaine. Le Christianisme a permis à l’Europe de comprendre ce qu’est la liberté, la responsabilité et l’éthique qui imprègnent ses lois et ses structures sociétaires. Marginaliser le Christianisme - également par l’exclusion des symboles qui le manifestent - contribuerait à amputer notre continent de la source fondamentale qui le nourrit inlassablement et qui contribue à sa vraie identité. Effectivement, le Christianisme est à la source des « valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun des peuples européens », valeurs auxquelles les États membres du Conseil de l’Europe ont manifesté leur attachement inébranlable dans le Préambule du Statut du Conseil de l’Europe. Cet attachement, qui a encore été affirmé dans la Déclaration de Varsovie de 2005 enracine et garantit la vitalité des principes sur lesquels se fonde la vie politique et sociale européenne, et en particulier l’activité du Conseil de l’Europe.

Dans ce contexte, la Banque de Développement est un établissement financier certes, un outil économique donc. Pourtant, sa création a été voulue pour répondre à des exigences qui dépassent le financier et l’économique. Elle a une raison d’exister qui est sociale. Elle est donc appelée à être pleinement ce pourquoi elle a été voulue : un instrument technique qui permet la solidarité. Celle-ci doit se vivre dans la fraternité. La fraternité est généreuse, elle ne calcule pas. Peut-être faudrait-il appliquer davantage ces critères dans les choix internes de la Banque et dans son action externe. La fraternité permet des espaces de gratuité qui, s’ils sont indispensables, sont difficilement envisageables ou gérables lorsque la seule fin recherchée est l’efficacité et le profit. Nous savons tous aussi que ce dualisme n’est pas un déterminisme absolu et insurmontable car il peut être dépassé. Pour cela, la nouveauté serait d’introduire une logique qui ferait de la personne humaine, et plus particulièrement des familles et de ceux qui sont dans un grave besoin, le centre et le but de l’économie.

Il existe en Europe un riche passé qui a vu se développer des expériences d’économie basée sur la fraternité. Il existe des entreprises qui ont une fin sociale ou mutualiste. Elles ont eu à souffrir des lois du marché, mais elles désirent retrouver la force de la générosité des origines. Il me semble aussi que la Banque de Développement du Conseil de l’Europe désire, pour vivre réellement la solidarité, répondre à l’idéal de fraternité que je viens d’évoquer, et explorer des espaces où la fraternité et la logique du don pourront s’exprimer. Ceux sont là des idéaux qui ont des racines chrétiennes et qui ont présidé, avec le désir de paix, à la naissance du Conseil de l’Europe.

La médaille que vous venez de m’offrir, Monsieur le Gouverneur, et dont je vous remercie, me permettra de me souvenir de cette rencontre. Je vous assure, chers amis, de ma prière et je vous encourage à poursuivre votre travail avec courage et lucidité pour accomplir l’important devoir qui vous a été confié, celui de contribuer au bien dans notre chère Europe. Que Dieu vous bénisse tous. Merci beaucoup.


À LA COMMUNAUTÉ DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE Salle du Consistoire Lundi 14 juin 2010

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Vénérés frères dans l'épiscopat, chers prêtres,

Je vous accueille toujours avec joie pour notre rencontre traditionnelle, qui m'offre l'occasion de vous saluer, de vous encourager et de vous proposer quelques réflexions sur le sens du travail dans les représentations pontificales. Je salue le président, Mgr Beniamino Stella, qui suit votre formation avec dévouement et sens ecclésial, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Une pensée reconnaissante va aussi à ses collaborateurs et aux soeurs franciscaines missionnaires de l'Enfant Jésus.

Je voudrais m'arrêter brièvement sur l'idée de représentation. Elle est souvent considérée de manière partielle dans la compréhension contemporaine: on tend en effet à l'associer à quelques chose de purement extérieur, officiel et peu personnel.

Le service de représentation auquel vous êtes en train de vous préparer est en revanche quelque chose de bien plus profond parce que c'est la participation à la sollicitudo omnium ecclesiarum, qui caractérise le Ministère du Souverain Pontife. Il s'agit donc d'une réalité éminemment personnelle, destinée à marquer profondément celui qui est appelé à accomplir cette tâche particulière. Dans cette perspective ecclésiale précisément, l'exercice de la représentation implique l'exigence d'accueillir et de nourrir avec une attention particulière dans sa propre vie sacerdotale certaines dimensions que je voudrais indiquer, même de façon sommaire, afin qu'elles soient un motif de réflexion sur votre itinéraire de formation.

1146 Avant tout, il faut cultiver une pleine adhésion intérieure à la personne du Pape, à son Magistère et au Ministère universel; une adhésion pleine, donc, à qui a reçu le devoir de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22,32) et qui «est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles» (Conc. oecum. Vat. II, Const. Lumen gentium LG 23). En second lieu, il faut assumer comme style de vie et comme priorité quotidienne, un soin attentif — une vraie «passion» — pour la communion ecclésiale. Et encore, représenter le Souverain Pontife signifie avoir la capacité d'être un «pont» solide, un canal sûr de communication entre les Eglises particulières et le Siège apostolique: d'un côté, en mettant à disposition du Pape et de ses collaborateurs une vision objective, correcte et approfondie de la réalité ecclésiale et sociale où l'on vit, de l'autre, en s'engageant à transmettre les normes, les indications, les orientations qui émanent du Saint-Siège, non de manière bureaucratique, mais avec un profond amour pour l'Eglise et avec l'aide de la confiance personnelle patiemment construite, en respectant et en valorisant dans le même temps, les efforts des évêques et le chemin des Eglises particulières auprès desquelles vous êtes envoyés.

Comme vous pouvez le pressentir, le service que vous vous préparez à accomplir exige un dévouement total et une disponibilité généreuse à sacrifier, si nécessaire, des intuitions personnelles, des projets propres et d'autres possibilités d'exercice du ministère sacerdotal. Dans une optique de foi et de réponse concrète à l'appel de Dieu — qu'il faut nourrir toujours dans un intense rapport avec le Seigneur — cela ne porte pas atteinte à l'originalité de chacun, mais, au contraire, résulte extrêmement enrichissant: l'effort de se mettre en harmonie avec la perspective universelle et avec le service à l’unité du troupeau de Dieu, qui caractérisent le Ministère pétrinien, est en effet en mesure de valoriser, de manière singulière, des dons et les talents de chacun, selon la logique que saint Paul a bien exprimée aux chrétiens de Corinthe (cf. 1Co 12,1-31). De cette manière, le Représentant pontifical — avec tous ceux qui travaillent avec lui — devient vraiment le signe de la présence et de la charité du Pape. Et si cela est un bénéfice pour la vie de toutes les Eglises particulières, c'est tout spécialement vrai dans ces situations particulièrement délicates ou difficiles dans lesquelles, pour différentes raisons, vit la communauté chrétienne. Il s'agit, à bien y regarder, d'un authentique service sacerdotal, caractérisé par une analogie assez précise avec la représentation du Christ, typique du prêtre qui, en tant que tel, a une dimension sacrificielle intrinsèque.

C'est précisément de là que dérive le style particulier également du service de représentation que vous serez appelés à exercer auprès des autorités publiques ou auprès des Organisations internationales. Dans ce domaine également, en effet, la figure et la présence du nonce, du délégué apostolique, de l'observateur permanent, est déterminée non seulement par le milieu dans lequel il oeuvre, mais plus encore et principalement par celui que l'on est appelé à représenter. Cela place le représentant pontifical dans une position particulière par rapport aux autres ambassadeurs ou envoyés. En effet, il sera toujours profondément identifié, dans un sens surnaturel, avec celui qu'il représente. Se faire le porte-parole du Vicaire du Christ pourra être difficile, parfois même extrêmement exigeant, mais cela ne sera jamais une mortification ou une renonciation à sa propre personne. Cela devient, en revanche, une manière originale de réaliser sa propre vocation sacerdotale.

Chers élèves, en souhaitant que votre Maison puisse être, comme aimait le dire mon prédécesseur Paul VI, une «école supérieure de charité», que vous accompagne ma prière, tandis que je vous confie à l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, Mater Ecclesiae, et de saint Antoine Abbé, Patron de l'Académie. A vous tous et à tous ceux qui vous sont chers, je donne bien volontiers ma Bénédiction.





OUVERTURE DU CONGRÈS ECCLÉSIAL

DU DIOCÈSE DE ROME SUR L'EUCHARISTIE DU DIMANCHE

ET LE TÉMOIGNAGE DE LA CHARITÉ

(15-17 JUIN 2010) Basilique Saint-Jean-de-Latran Mardi 15 juin 2010



Chers frères et soeurs,

Le Psaume dit: «qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble!» (Ps 133,1). Il en est vraiment ainsi: c'est pour moi un motif de profonde joie de me retrouver avec vous et de partager le si grand bien que les paroisses et les autres institutions ecclésiales de Rome ont réalisé en cette année pastorale. Je salue avec une affection fraternelle le cardinal-vicaire et je le remercie pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées et pour son engagement quotidien dans le gouvernement du diocèse, dans le soutien aux prêtres et aux communautés paroissiales. Je salue les évêques auxiliaires, tous les prêtres et chacun de vous. J'adresse une pensée cordiale à tous ceux qui sont malades et qui traversent des difficultés particulières, en les assurant de ma prière.

Comme l'a rappelé le cardinal Vallini, nous sommes engagés, depuis l'an dernier, dans l'examen de la pastorale ordinaire. Ce soir, nous réfléchirons sur deux points d'une importance primordiale: «L'Eucharistie du dimanche et le témoignage de la charité ». Je connais le grand travail que les paroisses, les associations et les mouvements ont réalisé, à travers des rencontres de formation et de confrontation, pour approfondir et mieux vivre ces deux composantes fondamentales de la vie et de la mission de l'Eglise et de tout chrétien. Cela a également favorisé la coresponsabilité pastorale qui, dans la diversité des ministères et des charismes, doit toujours plus se diffuser si nous désirons réellement que l'Evangile atteigne le coeur de chaque habitant de Rome. Beaucoup a été fait, et nous en rendons grâces au Seigneur; mais, il reste encore beaucoup à faire, toujours avec son aide.

La foi ne peut jamais être présupposée, car chaque génération a besoin de recevoir ce don à travers l'annonce de l'Evangile, et de connaître la vérité que le Christ nous a révélée. L'Eglise est donc toujours engagée à proposer à tous le dépôt de la foi qui contient également la doctrine sur l'Eucharistie — mystère central «qui contient tout le trésor spirituel de l’Eglise, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque» (Conc. oecum. Vat. II décr. Presbyterorum ordinis PO 5) —; doctrine qui aujourd'hui, malheureusement, n'est pas suffisamment comprise dans sa valeur profonde et dans son importance pour l'existence des croyants. C'est pourquoi il est important qu'une connaissance plus approfondie du mystère du Corps et du Sang du Seigneur soit ressentie comme une exigence par les diverses communautés de notre diocèse de Rome. Dans le même temps, dans l'esprit missionnaire que nous voulons nourrir, il est nécessaire que se diffuse l'engagement d'annoncer cette foi eucharistique, afin que chaque homme rencontre Jésus Christ qui nous a révélé le Dieu «proche», ami de l'humanité, et d'en témoigner à travers une vie éloquente de charité.

Dans toute sa vie publique, Jésus, à travers la prédication de l'Evangile et les signes miraculeux, a annoncé la bonté et la miséricorde du Père à l'égard de l'homme. Cette mission a atteint son sommet sur le Golgotha, où le Christ crucifié a révélé le visage de Dieu, afin que l'homme, en contemplant la Croix, puisse reconnaître la plénitude de l'amour (cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est ). Le sacrifice du Calvaire est mystérieusement anticipé dans la Dernière Cène lorsque Jésus, partageant avec les Douze le pain et le vin, les transforme dans son corps et dans son sang, qu'il devait offrir peu après comme Agneau immolé. L'Eucharistie est le mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus Christ, de son amour jusqu'à la fin pour chacun de nous, mémorial qu'il a voulu confier à l'Eglise afin qu'il soit célébré dans les siècles. Selon la signification du verbe hébreu zakar, le «mémorial» n'est pas simplement le souvenir de quelque chose qui a eu lieu par le passé, mais une célébration qui actualise cet événement, de façon à en reproduire la force et l'efficacité salvifique. Ainsi il «rend présent et actualise le sacrifice que le Christ a offert à son Père, une fois pour toutes, sur la croix, en faveur de l’humanité» (Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 280). Chers frères et soeurs, à notre époque, le mot sacrifice n'est pas apprécié, il semble même appartenir à d'autres époques et à une autre façon de concevoir la vie. Mais, bien compris, il est et demeure fondamental, car il nous révèle de quel amour Dieu nous aime dans le Christ.

1147 Dans le don que Jésus fait de lui-même, nous trouvons toute la nouveauté du culte chrétien. Dans l'Antiquité, les hommes offraient en sacrifice aux divinités les animaux ou les prémices de la terre. Jésus, en revanche, s'offre lui-même, son corps et toute son existence: Lui-même en personne devient ce sacrifice que la liturgie offre dans la Messe. En effet, à travers la consécration, le pain et le vin deviennent son vrai corps et sang. Saint Augustin invitait les fidèles à ne pas s'arrêter à ce qui apparaissait à leur vue, mais à aller au-delà: «Reconnaissez dans le pain — disait-il — ce même corps qui pendait sur la croix, et dans la coupe ce même sang qui jaillissait de son flanc» (Disc. 228 b, 2). Pour expliquer cette transformation, la théologie a créé le terme «transsubstantiation» un terme qui a retenti pour la première fois dans cette basilique au cours du IVe concile du Latran, dont sera célébré dans cinq ans le VIIIe centenaire. A cette occasion furent inclues dans la profession de foi les expressions suivantes: «Le corps et le sang, dans le sacrement de l’autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié dans le corps et le vin dans le sang par la puissance divine» (DS 802). Il est donc fondamental que dans les itinéraires d'éducation à la foi des enfants, des adolescents et des jeunes, ainsi que dans les «centres d'écoute» de la Parole de Dieu, l'on souligne que dans le sacrement de l'Eucharistie, le Christ est véritablement, réellement et substantiellement présent.

La Messe, célébrée dans le respect des normes liturgiques et avec une valorisation adéquate de la richesse des signes et des gestes, favorise et promeut la croissance de la foi eucharistique. Dans la célébration eucharistique, nous n'inventons pas quelque chose, mais nous entrons dans une réalité qui nous précède, et qui embrasse même le ciel et la terre, et donc également le passé, l’avenir et le présent. Cette ouverture universelle, cette rencontre avec tous les fils et les filles de Dieu constitue la grandeur de l'Eucharistie: nous allons à la rencontre de la réalité de Dieu présent dans le corps et le sang du ressuscité parmi nous. C'est pourquoi les prescriptions liturgiques dictées par l'Eglise ne sont pas des choses extérieures, mais expriment de façon concrète la réalité de la révélation du corps et du sang du Christ et ainsi, la prière révèle la foi selon l'antique principe lex orandi - lex credendi. C'est pourquoi nous pouvons dire que «la meilleure catéchèse sur l'Eucharistie est l'Eucharistie elle-même bien célébrée». (Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis, 64). Il est nécessaire que dans la liturgie ressorte avec clarté la dimension transcendante, celle du Mystère, de la rencontre avec le Divin, qui illumine et élève également la dimension «horizontale», c'est-à-dire le lien de communion et de solidarité qui existe entre ceux qui appartiennent à l'Eglise. En effet, lorsque prévaut cette dernière, on ne comprend pas pleinement la beauté, la profondeur, et l'importance du mystère célébré. Chers frères dans le sacerdoce, l'évêque vous a confié, le jour de votre ordination sacerdotale, le devoir de présider l'Eucharistie. Ayez toujours à coeur l'exercice de cette mission: célébrer les mystères divins avec une intense participation intérieure, afin que les hommes et les femmes de notre temps puissent être sanctifiés, mis en contact avec Dieu, vérité absolue et amour éternel.

Et rappelons-nous également que l'Eucharistie, liée à la croix et à la résurrection du Seigneur, a dicté une nouvelle structure à notre époque. Le Ressuscité s'était manifesté le jour après le sabbat, le premier jour de la semaine, jour du soleil et de la création. Depuis le début, les chrétiens ont célébré leur rencontre avec le Ressuscité, l'Eucharistie, en ce premier jour, en ce nouveau jour du véritable soleil de l'histoire, le Christ Ressuscité. Et ainsi, le temps commence toujours à nouveau avec la rencontre avec le Ressuscité et cette rencontre donne son contenu et sa force à la vie de chaque jour. C'est pourquoi il est très important pour nous chrétiens de suivre ce rythme nouveau du temps, de rencontrer le Ressuscité le dimanche, et ainsi de «prendre» avec nous sa présence, qui nous transforme et transforme notre temps. En outre, je vous invite tous à redécouvrir la fécondité de l'adoration eucharistique: devant le Très Saint Sacrement, nous faisons l'expérience de façon toute particulière du fait de «demeurer» avec Jésus, que Lui-même, dans l'Evangile de Jean, place comme condition nécessaire pour porter beaucoup de fruit (cf. Jn 15,5) et éviter que notre action apostolique ne se réduise à un activisme stérile, mais soit au contraire le témoignage de l'amour de Dieu.

La communion avec le Christ est toujours aussi communion avec son corps qui est l'Eglise, comme le rappelle l'apôtre Paul en disant: «Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ? Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique» (1Co 10,16-17). C'est en effet l'Eucharistie qui transforme un simple groupe de personnes en communauté ecclésiale: l'Eucharistie fait Eglise. Il est donc fondamental que la célébration de la Messe soit effectivement le sommet, la «structure portante» de la vie de chaque communauté paroissiale. Je vous exhorte tous à mieux prendre soin, à travers également des groupes liturgiques adaptés, de la préparation et de la célébration de l'Eucharistie, pour que ceux qui y participent puissent rencontrer le Seigneur. C’est le Christ ressuscité, qui se rend présent dans notre aujourd'hui et nous rassemble autour de lui. En nous nourrissant de Lui, nous sommes libérés des liens de l’individualisme et, au moyen de la communion avec Lui, nous devenons nous-mêmes, ensemble, une seule chose, son Corps mystique. Ainsi sont dépassées les différences dues à la profession, à la classe sociale, à la nationalité, parce que nous nous découvrons membres d'une unique grande famille, celle des fils de Dieu, dans laquelle à chacun est donnée une grâce particulière pour l'utilité commune. Le monde et les hommes n'ont pas besoin d'une intégration sociale supplémentaire, mais ils ont besoin de l'Eglise, qui est dans le Christ comme un sacrement, «c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Conc. oecum. Vat. II, Const. Lumen gentium LG 1), appelée à faire resplendir sur tous les peuples la lumière du Seigneur ressuscité.

Jésus est venu pour nous révéler l'amour du Père, parce que «l'homme ne peut vivre sans amour» (Jean-Paul II, Enc. Redemptor hominis RH 10). L'amour est, en effet, l'expérience fondamentale de tout être humain, ce qui donne une signification, ce qui donne un sens à la vie de chaque jour.

Nourris par l’Eucharistie nous aussi, à l'exemple du Christ, nous vivons pour Lui, pour être témoins de l’amour. En recevant le Sacrement, nous entrons en communion de sang avec Jésus Christ. Dans la conception juive, le sang indique la vie; ainsi, nous pouvons dire que, en nous nourrissant du Corps du Christ, nous accueillons la vie de Dieu et nous apprenons à regarder la réalité avec ses yeux, en abandonnant la logique du monde pour suivre la logique divine du don et de la gratuité. Saint Augustin rappelle que durant une vision, il lui sembla entendre la voix du Seigneur, qui lui disait: «Je suis la nourriture des adultes. Grandis, et tu me mangeras, sans pour autant me transformer en toi, comme la nourriture de ta chair; mais tu te transformeras en moi» (cf. Confessions VII, 10, 16). Quand nous recevons le Christ, l'amour de Dieu s'étend dans notre intimité, il modifie radicalement notre coeur et nous rend capables de gestes qui, par la force de diffusion du bien, peuvent transformer la vie de ceux qui sont à nos côtés. La charité est en mesure d'engendrer un changement authentique et permanent de la société, en agissant dans les coeurs et dans les esprits des hommes, et quand elle est vécue dans la vérité, elle «est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière» (Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate ). Le témoignage de la charité pour le disciple de Jésus n'est pas un sentiment passager, mais au contraire c'est ce qui façonne la vie en toute circonstance. Je vous encourage tous, en particulier la Caritas et les diacres, à vous engager dans le domaine délicat et fondamental de l'éducation à la charité, comme dimension permanente de la vie personnelle et communautaire.

Notre Ville demande aux disciples du Christ, avec une annonce renouvelée de l'Evangile, un témoignage plus clair et plus limpide de la charité. C'est dans le langage de l'amour, qui désire le bien intégral de l'homme, que l'Eglise parle aux habitants de Rome. Au cours de ces années de mon ministère en tant que votre Evêque, j'ai eu l'occasion de visiter divers lieux où la charité est vécue avec intensité. Je suis reconnaissant à tous ceux qui s'engagent dans les diverses structures caritatives, pour le dévouement et la générosité avec lesquels ils servent les pauvres et les marginaux. Les personnes dans le besoin et la pauvreté de tant d'hommes et de femmes nous interpellent profondément: c'est le Christ lui-même qui, chaque jour, à travers les pauvres, nous demande de lui donner à manger et de lui offrir à boire, de lui rendre visite dans les hôpitaux et les prisons, de l'accueillir et le vêtir. L'Eucharistie célébrée nous impose et dans le même temps nous rend capables de devenir, à notre tour, pain rompu pour nos frères, en allant au devant de leurs exigences et en faisant le don de nous-mêmes. C'est pourquoi une célébration eucharistique qui ne conduit pas à rencontrer les hommes là où ils vivent, travaillent et souffrent, pour leur apporter l'amour de Dieu, ne manifeste pas la vérité qu'elle renferme. Pour être fidèles au mystère que l'on célèbre sur les autels nous devons, comme nous y exhorte l'apôtre Paul, offrir nos corps, nous-mêmes, en sacrifice spirituel agréable à Dieu (cf. Rm 12,1) en ces circonstances qui exigent de faire mourir notre moi et constituent notre «autel» quotidien. Les gestes de partage créent la communion, renouvellent le tissu des relations interpersonnelles, en leur donnant la forme de la gratuité et du don, et elles permettent la construction de la civilisation de l'amour. A une époque comme aujourd'hui de crise économique et sociale, nous sommes solidaires de ceux qui vivent dans l'indigence pour offrir à tous l'espérance d'un lendemain meilleur et digne de l'homme. Si nous vivons réellement comme disciples du Dieu-Charité, nous aiderons les habitants de Rome à se découvrir frères et fils de l'unique Père.

La nature elle-même de l'amour requiert des choix de vie définitifs et irrévocables. Je m'adresse en particulier à vous, très chers jeunes: n'ayez pas peur de choisir l'amour comme la règle suprême de la vie. N'ayez pas peur d'aimer le Christ dans le sacerdoce et, si vous entendez dans votre coeur l'appel du Seigneur, suivez-le dans cette extraordinaire aventure d’amour, en vous abandonnant avec confiance à Lui! N'ayez pas peur de former des familles chrétiennes qui vivent l'amour fidèle, indissoluble et ouvert à la vie! Témoignez que l'amour, ainsi que l'a vécu le Christ et l'enseigne le Magistère de l'Eglise, n'ôte rien à notre bonheur, mais au contraire donne cette joie profonde que le Christ a promise à ses disciples.

Que la Vierge Marie accompagne avec son intercession maternelle le chemin de notre Eglise de Rome. Que Marie, qui vécut de manière tout à fait singulière la communion avec Dieu et le sacrifice de son Fils sur le Calvaire, nous obtienne de vivre toujours plus intensément, pleinement et consciemment, le mystère de l'Eucharistie, pour annoncer, par la parole et par notre vie, l'amour que Dieu nourrit pour tout homme. Chers amis, je vous assure de ma prière et je vous donne à tous et de tout coeur la Bénédiction apostolique. Merci.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU BRÉSIL DE LA RÉGION « LESTE II » EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Samedi 19 juin 2010

Chers frères dans l’épiscopat,

1148 «Vous qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre. Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur» (1Co 1,2-3). C’est avec ces paroles que je vous souhaite à tous la bienvenue, bien-aimés pasteurs de la région «Leste 2» en visite «ad limina» et je vous salue avec une grande affection, dans la conscience de la relation collégiale qui unit le Pape aux évêques dans le lien de l’unité, de la charité et de la paix. Je remercie Don Walmor de ses paroles courtoises, avec lesquelles il a interprété vos sentiments de respect à l’égard du Siège de Pierre et a illustré les défis et les problèmes qui sont l’objet de votre engagement pour le bien de l’Eglise que Dieu vous a confiée dans les Etats d’Espíritu Santo et du Minas Gerais.

Je vois que vous aimez profondément vos diocèses et je participe moi aussi sincèrement à votre amour, en vous accompagnant par la prière et le soin apostolique. Notre histoire est une belle histoire, dont le début concret se trouve dans les Bulles promulguées par le Successeur de Pierre pour l’organisation épiscopale et dans le «Me voici» prononcé par chacun au début de la cérémonie de sa consécration et de son entrée successive au sein du collège des évêques. Vous commencez à faire partie de celui-ci «en vertu de la consécration épiscopale et de la communion hiérarchique avec la Tête et les Membres» (Note explicative préliminaire, jointe à la Const. dogm. Lumen gentium ), devenant les successeurs des apôtres avec la triple fonction d’enseigner, de sanctifier et de gouverner le peuple de Dieu.

En tant que maîtres et docteurs de la foi, vous avez la mission d’enseigner avec audace la vérité que l’on doit croire et vivre, la présentant de manière authentique. Comme je vous l’ai dit à Aparecida, «l’Eglise a la grande tâche de conserver et de nourrir la foi du peuple de Dieu, et également de rappeler aux fidèles (...) que, en vertu de leur baptême, ils sont appelés à être des disciples et des missionnaires de Jésus Christ (Discours d’inauguration de la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes, 13 mai 2007, n. 3; cf. ORLF n. 21 du 22 mai 2007). Aidez donc les fidèles confiés à vos soins pastoraux à découvrir la joie de la foi, la joie d’être personnellement aimés de Dieu, qui a offert son Fils pour notre salut. Comme vous le savez, croire consiste surtout à s’abandonner à ce Dieu qui nous connaît et nous aime personnellement, en acceptant la Vérité qu’Il a révélée en Jésus Christ, dans une attitude qui nous conduit à avoir confiance en lui en tant que révélateur du Père. Chers frères, ayez une grande confiance dans la grâce et sachez communiquer cette confiance à votre peuple, afin que la foi soit toujours conservée, défendue et transmise dans sa pureté et dans son intégrité.

En tant qu’administrateurs du sacerdoce suprême, vous devez faire en sorte que la liturgie soit vraiment une épiphanie du mystère, c’est-à-dire l’expression de la nature authentique de l’Eglise qui offre activement son culte à Dieu pour le Christ dans l’Esprit Saint. De tous les devoirs de votre ministère, «la charge de la célébration de l'Eucharistie est la plus pressante et la plus importante» et c’est à vous qu’il revient «de veiller à ce que les fidèles aient la possibilité d'accéder à la table du Seigneur, surtout le dimanche, qui, comme je viens de le rappeler, est le jour où l'Eglise, communauté et famille des Fils de Dieu, prend conscience de son identité chrétienne particulière autour de ses prêtres» (Jean-Paul II, Exhort. ap. Pastores gregis, n. 37). Le devoir de sanctifier que vous avez reçu vous impose, en outre, d’être des promoteurs et des animateurs de la prière dans la cité de l’homme, souvent agitée, bruyante et oubliant Dieu: vous devez créer des lieux et des occasions où, dans le silence, dans l’écoute de Dieu, dans la prière personnelle et communautaire, l’homme puisse faire l’expérience vivante de Jésus Christ qui révèle le visage authentique du Père. Il est nécessaire que les paroisses et les sanctuaires, les milieux d’éducation et les lieux où l’on souffre, les familles deviennent des lieux de communion avec le Seigneur.

Enfin, en tant que guide du peuple chrétien, vous devez promouvoir la participation de tous les fidèles à l’édification de l’Eglise, en gouvernant avec un coeur de serviteur humble et de pasteur affectueux, en recherchant la gloire de Dieu et le salut des âmes. En vertu du devoir de gouverner, l’évêque est également appelé à juger et à réglementer la vie du peuple de Dieu confiée à ses soins pastoraux, à travers des lois, des directives et des suggestions, comme cela est prévu dans la discipline universelle de l’Eglise. Ce droit et devoir est très important afin que la communauté diocésaine demeure unie en son sein et marche dans une communion de foi, d’amour et de discipline sincère avec l’Evêque de Rome et avec toute l’Eglise. Ne vous lassez donc jamais de nourrir chez les fidèles le sens d’appartenance à l’Eglise et la joie de la communion fraternelle.
Toutefois, le gouvernement de l’évêque ne sera fructueux d’un point de vue pastoral que «s'il s'appuie sur une autorité morale venant de sa sainteté de vie. C'est cette sainteté qui dispose les âmes à accueillir l'Evangile qu'il annonce dans son Eglise, tout comme les normes qu'il donne pour le bien du peuple de Dieu» (ibid., n. 43). C’est pourquoi, façonné intérieurement par l’Esprit Saint, chacun de vous doit devenir «tout pour tous» (cf. 1Co 9,22), en proposant la vérité de la foi, en célébrant les sacrements de notre sanctification et en témoignant de la charité du Seigneur. Accueillez avec le coeur ouvert ceux qui frappent à votre porte: conseillez-les, réconfortez-les et soutenez-les sur le chemin de Dieu, en cherchant à les guider tous vers cette unité de foi et dans l’amour dont, par la volonté du Seigneur, vous devez être le principe et la base visible dans vos diocèses (cf. Const. dogm. Lumen gentium LG 23).

Chers frères dans l’épiscopat! En concluant notre rencontre, je désire renouveler à chacun d’entre vous mes sentiments de gratitude pour le service que vous offrez à l’Eglise avec un grand dévouement et amour. Par l’intercession de la Vierge Marie, «modèle de l’amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l’Eglise, travaillent à la régénération des hommes» (ibid., n. 65), j’invoque le Christ, Prêtre souverain et éternel, pour qu’il accorde à votre ministère une abondance de dons et de réconforts célestes, et je vous accorde, ainsi qu’aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées, aux séminaristes et aux fidèles laïcs de vos communautés une Bénédiction apostolique spéciale.







Discours 2005-2013 12610