Discours 2005-2013 1292

AUX NOUVEAUX AMBASSADEURS PRÈS LE SAINT-SIÈGE Salle Clémentine Jeudi 9 juin 2011



1292 Madame et Messieurs les Ambassadeurs,

C’est avec joie que je vous reçois ce matin au Palais apostolique pour la présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs auprès du Saint-Siège : la Moldavie, la Guinée Equatoriale, le Belize, la République arabe syrienne, le Ghana et la Nouvelle Zélande. Je vous remercie pour les paroles courtoises que vous venez de m’adresser de la part de vos Chefs d’Etat respectifs. Veuillez, je vous prie, leur transmettre en retour mes salutations déférentes et mes voeux respectueux pour leurs personnes et pour la haute mission qu’ils accomplissent au service de leur pays et de leur peuple. Je désire également saluer par votre intermédiaire toutes les autorités civiles et religieuses de vos nations, ainsi que l’ensemble de vos compatriotes. Mes prières et mes pensées se tournent naturellement aussi vers les communautés catholiques présentes dans vos pays.

Puisque j’ai l’opportunité de rencontrer chacun d’entre vous de manière particulière, je désire maintenant parler plus largement. Le premier semestre de cette année a été marqué par d’innombrables tragédies qui ont touché la nature, la technique et les peuples. L’ampleur de telles catastrophes nous interroge. C’est l’homme qui est premier, il est bon de le rappeler. L’homme, à qui Dieu a confié la bonne gestion de la nature, ne peut pas être dominé par la technique et devenir son sujet. Une telle prise de conscience doit amener les Etats à réfléchir ensemble sur l’avenir à court terme de la planète, face à leurs responsabilités à l’égard de notre vie et des technologies. L’écologie humaine est une nécessité impérative. Adopter en tout une manière de vivre respectueuse de l’environnement et soutenir la recherche et l’exploitation d’énergies propres qui sauvegardent le patrimoine de la création et sont sans danger pour l’homme, doivent être des priorités politiques et économiques. Dans ce sens, il s’avère nécessaire de revoir totalement notre approche de la nature. Elle n’est pas uniquement un espace exploitable ou ludique. Elle est le lieu natif de l’homme, sa "maison" en quelque sorte. Elle nous est essentielle. Le changement de mentalité dans ce domaine, voire les contraintes que cela entraine, doit permettre d’arriver rapidement à un art de vivre ensemble qui respecte l’alliance entre l’homme et la nature, sans laquelle la famille humaine risque de disparaître. Une réflexion sérieuse doit donc être conduite et des solutions précises et viables doivent être proposées. L’ensemble des gouvernants doit s’engager à protéger la nature et l’aider à remplir son rôle essentiel pour la survie de l’humanité. Les Nations Unies me semblent être le cadre naturel d’une telle réflexion qui ne devra pas être obscurcie par des intérêts politiques et économiques aveuglément partisans, afin de privilégier la solidarité par rapport à l’intérêt particulier.

Il convient aussi de s’interroger sur la juste place de la technique. Les prouesses dont elle est capable vont de pair avec des désastres sociaux et écologiques. En dilatant l’aspect relationnel du travail à la planète, la technique imprime à la mondialisation un rythme particulièrement accéléré. Or, le fondement du dynamisme du progrès revient à l’homme qui travaille, et non à la technique qui n’est qu’une création humaine. Miser tout sur elle ou croire qu’elle est l’agent exclusif du progrès, ou du bonheur, entraîne une chosification de l’homme qui aboutit à l’aveuglement et au malheur quand celui-ci lui attribue et lui délègue des pouvoirs qu’elle n’a pas. Il suffit de constater les "dégâts" du progrès et les dangers que fait courir à l’humanité une technique toute-puissante et finalement non maîtrisée. La technique qui domine l’homme, le prive de son humanité. L’orgueil qu’elle engendre a fait naître dans nos sociétés un économisme intraitable et un certain hédonisme qui détermine subjectivement et égoïstement les comportements. L’affaiblissement du primat de l’humain entraîne un égarement existentiel et une perte du sens de la vie. Car la vision de l’homme et des choses sans référence à la transcendance déracine l’homme de la terre et, plus fondamentalement, en appauvrit l’identité même. Il est donc urgent d’arriver à conjuguer la technique avec une forte dimension éthique, car la capacité qu’a l’homme de transformer, et, en un sens, de créer le monde par son travail s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu (Jean-Paul II Centesimus annus
CA 37). La technique doit aider la nature à s’épanouir dans la ligne voulue par le Créateur. En travaillant ainsi, le chercheur et le scientifique adhèrent au dessein de Dieu qui a voulu que l’homme soit le sommet et le gestionnaire de la création. Des solutions basées sur ce fondement protégeront la vie de l’homme et sa vulnérabilité, ainsi que les droits des générations présentes et à venir. Et l’humanité pourra continuer de bénéficier des progrès que l’homme, par son intelligence, parvient à réaliser.

Conscients du risque que court l’humanité face à une technique vue comme une "réponse" plus efficiente que le volontarisme politique ou le patient effort d’éducation pour civiliser les moeurs, les gouvernants doivent promouvoir un humanisme respectueux de la dimension spirituelle et religieuse de l’homme. Car la dignité de la personne humaine ne varie pas avec la fluctuation des opinions. Respecter son aspiration à la justice et à la paix permet la construction d’une société qui se promeut elle-même, quand elle soutient la famille ou qu’elle refuse, par exemple, le primat exclusif de la finance. Un pays vit de la plénitude de la vie des citoyens qui le composent, chacun étant conscient de ses propres responsabilités et pouvant faire valoir ses propres convictions. Bien plus, la tension naturelle vers le vrai et vers le bien est source d’un dynamisme qui engendre la volonté de collaborer pour réaliser le bien commun. Ainsi la vie sociale peut s’enrichir constamment en intégrant la diversité culturelle et religieuse par le partage de valeurs, source de fraternité et de communion. La vie en société devant être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel, les responsables politiques ont la mission de guider les peuples vers l’harmonie humaine et vers la sagesse tant désirées, qui doivent culminer dans la liberté religieuse, visage authentique de la paix.

Alors que vous débutez votre mission auprès du Saint-Siège, je tiens à vous assurer, Excellences, que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs l’écoute attentive et l’aide dont vous pourrez avoir besoin. Sur vous-même, sur vos familles, sur les membres de vos Missions diplomatiques et sur toutes les nations que vous représentez, j’invoque l’abondance des Bénédictions divines.

AUX MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ DE

L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE Salle du Consistoire Vendredi 10 juin 2011

Vénéré frère dans l’épiscopat,
chers prêtres,

Je suis heureux de rencontrer cette année encore la communauté des élèves de l’Académie pontificale ecclésiastique. Je salue le président, Mgr Beniamino Stella, et je le remercie des paroles courtoises par lesquelles il a interprété aussi vos sentiments. Je vous salue tous avec affection, vous qui vous préparez à exercer un ministère particulier dans l’Eglise.

1293 La diplomatie pontificale, comme on l’appelle communément, a une très longue tradition et son activité a contribué de manière importante à façonner, à l’époque moderne, la physionomie même des relations diplomatiques entre les Etats. Dans la conception traditionnelle, qui était déjà celle du monde antique, l’envoyé, l’ambassadeur, est essentiellement celui qui a été investi de la charge de porter de manière faisant autorité la parole du Souverain et, pour cette raison, il peut le représenter et traiter en son nom. La solennité du cérémonial, les honneurs traditionnellement rendus à la personne de l’envoyé, qui assumaient aussi des traits religieux, sont en réalité un tribut rendu à celui qu’il représente et au message dont il se fait l’interprète. Le respect à l’égard de l’envoyé constitue l’une des formes les plus hautes de reconnaissance, de la part d’une autorité souveraine, du droit à exister, sur un plan d’égale dignité, de sujets autres que soi. Accueillir, par conséquent, un envoyé comme un interlocuteur, en recevoir la parole, signifie poser les bases de la possibilité d’une coexistence pacifique. Il s’agit d’un rôle délicat, qui exige, de la part de l’envoyé, la capacité de présenter cette parole de façon à la fois fidèle, la plus respectueuse possible de la sensibilité et de l’opinion d’autrui, et efficace. C’est là que réside l’habileté véritable du diplomate et non, comme on le croit parfois de manière erronée, dans l’astuce et dans ces comportements qui représentent plutôt des dégénérations de la pratique diplomatique. Loyauté, cohérence, et profonde humanité sont les vertus fondamentales de tout envoyé, qui est appelé à mettre non seulement son propre travail et ses propres qualités, mais, d’une certaine façon, toute sa personne au service d’une parole qui n’est pas la sienne.

Les transformations rapides de notre époque ont redéfini de manière profonde la figure et le rôle des représentants diplomatiques; leur mission demeure toutefois essentiellement la même: celle d’être l’intermédiaire d’une communication correcte entre ceux qui exercent la fonction de gouvernement et, par conséquent, l’instrument en vue d’instaurer une communion possible entre les peuples et de la consolidation entre eux de relations pacifiques et solidaires.

Comment se présentent, dans tout cela, la personne et l’action du diplomate du Saint-Siège, qui, bien sûr, revêt des aspects tout à fait particuliers? En premier lieu — comme il a été souligné plusieurs fois — c’est un prêtre, un évêque, un homme qui a déjà choisi de vivre au service d’une Parole qui n’est pas la sienne. En effet, il est un serviteur de la Parole de Dieu, il a été investi, comme tout prêtre, d’une mission qui ne peut pas être exercée à temps partiel, qui exige de lui d’être, par toute sa vie, un écho du message qui lui est confié, celui de l’Evangile. Et c’est précisément sur la base de cette identité sacerdotale, bien claire et vécue de manière profonde, que vient s’inscrire, avec un certain naturel, la tâche spécifique de se faire le porteur de la parole du Pape, de l’horizon universel de son ministère et de sa charité pastorale, à l’égard des Eglises particulières et face aux institutions dans lesquelles se trouve légitimement exercée la souveraineté dans le cadre étatique ou des organisations internationales.

Dans l’exercice de cette mission, le diplomate du Saint-Siège est appelé à mettre à profit tous ses dons humains et surnaturels. L’on comprend bien combien, dans l’exercice d’un ministère si délicat, le soin apporté à sa vie spirituelle, la pratique des vertus humaines et la formation d’une solide culture vont de pair et se soutiennent réciproquement. Ce sont des dimensions qui permettent de maintenir un profond équilibre intérieur, dans un travail qui exige, entre autres, la capacité d’ouverture à l’autre, l’impartialité de jugement, la distance critique de ses opinions personnelles, le sacrifice, la patience, la constance et parfois aussi la fermeté dans le dialogue à l’égard de tous. D’autre part, le service à la personne du Successeur de Pierre, que le Christ a constitué comme principe et fondement perpétuel et visible de l’unité de la foi et de la communion (cf. Conc. Vat. I, Pastor Aeternus , Denz.
DS 1821 , Denz. 1821 (3051); Conc. Vat. II, Lumen gentium LG 18), permet de vivre dans une référence constante et profonde à la catholicité de l’Eglise. Et là où il y a ouverture à l’objectivité de la catholicité, existe aussi le principe d’une authentique personnalisation: une vie passée au service du Pape et de la communion ecclésiale est, de ce point de vue, extrêmement enrichissante.

Chers élèves de l’Académie pontificale ecclésiastique, tout en partageant avec vous ces pensées, je vous exhorte à vous engager pleinement dans le chemin de votre formation; et, en ce moment, je pense avec une reconnaissance particulière aux nonces, aux délégués apostoliques, aux observateurs permanents et à tous ceux qui prêtent service dans les représentations pontificales présentes à travers le monde. Je vous donne volontiers, ainsi qu’au président, à ses collaborateurs et à la communauté des soeurs franciscaines missionnaires de l’Enfant Jésus, la Bénédiction apostolique.

AUDIENCE À UNE DÉLÉGATION DE GENS DU VOYAGES Salle Paul VI Samedi 11 juin 2011

Vénérés frères,
chers frères et soeurs!
o Del si tumentsa! (le Seigneur soit avec vous!)

C’est pour moi une grande joie de vous rencontrer et de vous souhaiter une cordiale bienvenue, à l’occasion de votre pèlerinage sur la tombe de l’apôtre Pierre. Je remercie Mgr Antonio Maria Vegliò, président du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom également et pour avoir organisé l’événement. J’étends l’expression de ma gratitude également à la fondation «Migrantes» de la Conférence épiscopale italienne, au diocèse de Rome et à la communauté de Sant’Egidio, pour avoir collaboré à la réalisation de ce pèlerinage et pour ce qu’ils font chaque jour pour votre accueil et votre intégration. Un «merci» particulier à vous, qui avez offert vos témoignages, vraiment significatifs.

1294 Vous êtes venus à Rome de toutes les parties d’Europe pour manifester votre foi et votre amour pour le Christ, pour l’Eglise — qui est une maison pour vous tous — et pour le Pape. Le Serviteur de Dieu Paul VI adressa aux gens du voyage, en 1965, ces paroles inoubliables: «Dans l'Eglise, vous n'êtes pas en marge, mais à certains égards, vous êtes au centre, vous êtes au coeur. Vous êtes dans le coeur de l'Eglise». Je vous répète moi aussi aujourd’hui avec affection: vous êtes dans l’Eglise! Vous représentez une portion bien-aimée du peuple de Dieu en pèlerinage et vous nous rappelez que «nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l'avenir» (He 13,14). A vous aussi est arrivé le message de salut auquel vous avez répondu avec foi et espérance, en enrichissant la communauté ecclésiale de croyants laïcs, de prêtres, de diacres, de religieuses et de religieux gitans. Votre peuple a donné à l’Eglise le bienheureux Ceferino Giménez Malla, dont nous célébrons le 150e anniversaire de la naissance et le 75e anniversaire du martyre. L’amitié avec le Seigneur a fait de ce martyr un témoin authentique de la foi et de la charité. Le bienheureux Ceferino aimait l’Eglise et ses pasteurs avec l’intensité avec laquelle il adorait Dieu et découvrait sa présence dans chaque personne et chaque événement. Tertiaire franciscain, il demeura fidèle à son identité de gitan, à l’histoire et à l’identité de son ethnie. Marié selon la tradition des gitans, il décida avec son épouse de convalider le lien dans l’Eglise à travers le sacrement du mariage. Sa profonde religiosité trouvait une expression dans la participation quotidienne à la Messe et dans la récitation du rosaire. C’est précisément le chapelet, qu’il gardait toujours en poche, qui fut à l’origine de son arrestation et qui fit du bienheureux Ceferino un authentique «martyr du Rosaire», car on ne put le lui ôter des mains, même au moment de mourir. Aujourd’hui, le bienheureux Ceferino vous invite à suivre son exemple et vous indique la voie: la consécration à la prière et en particulier du chapelet, l’amour pour l’Eucharistie et pour les autres sacrements, l’observation des commandements, l’honnêteté, la charité et la générosité envers le prochain, en particulier envers les pauvres; cela vous rendra forts face au risque que les sectes et d’autres groupes mettent en danger votre communion avec l’Eglise.

Votre histoire est complexe, et, à certaines périodes, douloureuse. Vous êtes un peuple qui, au cours des siècles passés, n’a pas vécu d’idéologies nationalistes, n’a pas aspiré à posséder de terre ou à dominer d’autres personnes. Vous êtes demeurés sans patrie, et vous avez considéré de façon idéale tout le continent comme votre maison. Toutefois, des problèmes graves et préoccupants persistent, comme les relations souvent difficiles avec les sociétés dans lesquelles vous vivez. Malheureusement, tout au long des siècles, vous avez connu le goût amer du manque d’accueil, et parfois de la persécution, comme cela a été le cas au cours de la seconde guerre mondiale: des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants ont été tués de façon barbare dans les camps d’extermination. Cela a été — comme vous l’appelez — le Porrájmos, le «grand engloutissement», un drame encore peu reconnu et dont on a du mal à mesurer l’ampleur, mais que vos familles portent gravé dans leur coeur. Au cours de ma visite dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, le 28 mai 2006, j’ai prié pour les victimes de la persécution et je me suis incliné devant la plaque en langue romanès, qui rappelle vos victimes. La conscience européenne ne peut oublier tant de douleur! Que jamais plus votre peuple ne soit objet de vexations, de refus et de mépris! Pour votre part, recherchez toujours la justice, la légalité, la réconciliation et efforcez-vous de ne jamais être la cause de la souffrance d’autrui!

Aujourd’hui, grâce à Dieu, la situation est en train de changer: de nouvelles opportunités s’ouvrent à vous, tandis que vous acquérez une nouvelle conscience. Vous avez donné naissance dans le temps à une culture aux expressions significatives, comme la musique et le chant, qui ont enrichi l’Europe. De nombreuses ethnies ne sont plus nomades, mais cherchent la stabilité, et nourrissent de nouvelles attentes face à la vie. L’Eglise marche avec vous et vous invite à vivre selon les exigences rigoureuses de l’Evangile, en ayant confiance dans la force du Christ, pour un avenir meilleur. L’Europe aussi, qui réduit les frontières et considère comme une richesse la diversité des peuples et des cultures, vous offre de nouvelles possibilités. Je vous invite, chers amis, à écrire ensemble une nouvelle page d’histoire pour votre peuple et pour l’Europe! La recherche de logements et d’un travail digne, ainsi que d’instruction pour les enfants sont la base sur laquelle construire l’intégration dont vous tirerez profit, ainsi que la société tout entière. Apportez, vous aussi, votre contribution concrète et loyale, afin que vos familles s’insèrent dignement dans le tissu civil européen! Parmi vous, nombreux sont les enfants et les jeunes qui désirent s’instruire et vivre avec les autres et comme les autres. Je les considère avec une affection particulière, convaincu que vos enfants ont droit à une vie meilleure. Que leur bien soit votre plus grande aspiration! Préservez la dignité et la valeur de vos familles, petites Eglises domestiques afin qu’elles soient de véritables écoles d’humanité (cf. Gaudium et spes GS 52). Pour leur part, les institutions doivent se prodiguer pour accompagner ce chemin de façon adéquate.

Enfin, vous aussi êtes appelés à participer de façon active à la mission évangélisatrice de l’Eglise, en promouvant l’activité pastorale dans vos communautés. La présence parmi vous de prêtres, de diacres et de personnes consacrées, qui appartiennent à vos ethnies, est un don de Dieu et un signe positif du dialogue des Eglises locales avec votre peuple, qu’il faut soutenir et développer. Accordez votre confiance et mettez-vous à l’écoute de vos frères et soeurs, et offrez avec eux l’annonce cohérente et joyeuse de l’amour de Dieu pour le peuple gitan, comme pour tous les peuples! L’Eglise désire que tous les hommes se reconnaissent comme fils du même Père et membres de la même famille humaine. Nous sommes à la veille de la Pentecôte, lorsque le Seigneur fit descendre son Esprit sur les apôtres qui commencèrent à annoncer l’Evangile dans les langues de tous les peuples. Que l’Esprit Saint déverse ses dons en abondance sur vous tous, sur vos familles et fasse de vous des témoins généreux du Christ ressuscité. Que la Très Sainte Vierge Marie, si chère à votre peuple, et que vous invoquez comme «Amari Devleskeridej», «Notre Mère de Dieu», vous accompagne sur les routes du monde et que le bienheureux Ceferino vous soutienne par son intercession.

Je vous remercie de tout coeur, vous tous venus ici au siège de Pierre pour manifester votre foi et votre amour pour l’Eglise et pour le Pape. Que le bienheureux Ceferino soit pour vous tous un exemple de vie vécue pour le Christ et pour l’Eglise, en observant les commandements et dans l’amour pour le prochain. Le Pape est proche de chacun de vous et vous rappelle dans ses prières. Que le Seigneur vous bénisse, ainsi que vos communautés, vos familles et votre avenir. Que le Seigneur vous accorde santé et chance. Demeurez avec Dieu!

Merci! Et bonne Pentecôte à vous tous!

OUVERTURE DU CONGRÈS ECCLÉSIAL DIOCÉSAIN DE ROME Basilique Saint-Jean-de-Latran Lundi 13 juin 2011

Chers frères et soeurs!

L’âme emplie de reconnaissance envers le Seigneur, nous nous retrouvons dans cette basilique Saint-Jean-de-Latran pour l’ouverture du congrès diocésain annuel. Nous rendons grâce à Dieu qui nous permet ce soir de faire nôtre l’expérience de la première communauté chrétienne, qui «n’avait qu’un coeur et qu’une âme» (Ac 4,32). Je remercie le cardinal-vicaire des paroles qu’il m’a adressées au nom de tous avec tant d’amabilité et tant de cordialité et j’adresse à chacun mon salut le plus cordial, en vous assurant de ma prière pour vous et pour tous ceux qui ne peuvent pas être ici pour partager cette importante étape de la vie de notre diocèse, en particulier pour ceux qui vivent des moments de souffrance physique ou spirituelle.

J’ai appris avec plaisir que, cette année, vous avez commencé à mettre en oeuvre les indications qui sont apparues au cours du congrès de l’an passé, et je suis certain qu’à l’avenir également chaque communauté, surtout paroissiale, continuera à s’engager en vue de prendre soin toujours mieux, avec l’aide offerte par le diocèse, de la célébration de l’Eucharistie, en particulier celle du dimanche, en préparant de manière adaptée les agents de la pastorale et en oeuvrant afin que le Mystère de l’autel soit vécu toujours davantage comme une source à laquelle puiser la force pour un témoignage plus incisif de la charité, qui renouvelle le tissu social de notre ville.

1295 Le thème de cette nouvelle étape de l’analyse pastorale, «La joie d’engendrer la foi dans l’Eglise de Rome — L’Initiation chrétienne», se rattache au chemin déjà parcouru. En effet, depuis plusieurs années désormais, notre diocèse est engagé à réfléchir sur la transmission de la foi. Il me revient à l’esprit que, précisément dans cette basilique, dans une intervention au cours du synode romain, je citai les paroles que m’avait écrites Hans Urs von Balthasar dans une petite lettre: «La foi ne doit jamais être présupposée, mais proposée». Et il en est ainsi. La foi ne se conserve pas par elle-même dans le monde, elle ne se transmet pas automatiquement dans le coeur de l’homme, mais elle doit être toujours annoncée. Et l’annonce de la foi, à son tour, pour être efficace, doit partir d’un coeur qui croit, qui espère, qui aime, un coeur qui adore le Christ et croit dans la force de l’Esprit Saint! Il en fut ainsi depuis le commencement, comme le rappelle l’épisode biblique choisi pour éclairer cette analyse pastorale. Il est tiré du deuxième chapitre des Actes des Apôtres, dans lequel saint Luc, immédiatement après avoir raconté l’événement de la descente de l’Esprit Saint à Pentecôte, rapporte le premier discours que saint Pierre adressa à tous. La profession de foi placée en conclusion du discours — «Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié» (Ac 2,36) — est l’annonce joyeuse que l’Eglise depuis des siècles ne cesse de répéter à chaque homme.

A cette annonce — lit-on dans les Actes des Apôtres — tous «eurent le coeur transpercé» (2, 37). Cette réaction fut certainement engendrée par la grâce de Dieu: tous comprirent que cette proclamation réalisait les promesses et faisait désirer à chacun la conversion et le pardon de ses propres péchés. Les paroles de Pierre ne se limitaient pas à une simple annonce de faits, elles en montraient la signification, en rattachant la vie de Jésus aux promesses de Dieu, aux attentes d’Israël et, donc, à celles de tout homme. Le peuple de Jérusalem comprit que la résurrection de Jésus était en mesure et continue d’être en mesure d’illuminer l’existence humaine. Et en effet, de cet événement est née une nouvelle compréhension de la dignité de l’homme et de son destin éternel, de la relation entre l’homme et la femme, de la signification ultime de la douleur, de l’engagement dans la construction de la société. La réponse de la foi naît lorsque l’homme découvre, par la grâce de Dieu, que croire signifie trouver la vraie vie, la «pleine vie». L’un des grands Pères de l’Eglise, saint Hilaire de Poitiers, a écrit qu’il était devenu croyant au moment où il comprit, en écoutant l’Evangile, que pour une vie véritablement heureuse, aussi bien la possession, que la jouissance tranquille des choses étaient insuffisantes et qu’il y avait quelque chose de plus important et de plus précieux: la connaissance de la vérité et la plénitude de l’amour données par le Christ (cf. De Trinitate 1, 2).

Chers amis, l’Eglise, chacun de nous, doit porter dans le monde cette heureuse nouvelle que Jésus est le Seigneur, Celui dans lequel la proximité et l’amour de Dieu pour chaque homme et chaque femme, et pour l’humanité tout entière, se sont faits chair. Cette annonce doit résonner à nouveau dans les régions d’antique tradition chrétienne. Le bienheureux Jean-Paul II a parlé de la nécessité d’une nouvelle évangélisation adressée à ceux qui, tout en ayant déjà entendu parler de la foi, n’apprécient plus, ne connaissent plus la beauté du christianisme, et le considèrent même parfois comme un obstacle pour atteindre le bonheur. C’est pourquoi je souhaite aujourd’hui répéter ce que j’avais dit aux jeunes lors de la Journée mondiale de la jeunesse à Cologne: «Le bonheur que vous cherchez, le bonheur auquel vous avez le droit de goûter a un nom, un visage: celui de Jésus de Nazareth, caché dans l’Eucharistie»!

Si les hommes oublient Dieu, c’est aussi parce que, souvent, on réduit la personne de Jésus à un homme sage et sa divinité s’en trouve diminuée, voire niée. Cette manière de penser empêche de saisir la nouveauté radicale du christianisme, parce que si Jésus n’est pas le Fils unique du Père, alors Dieu n’est pas non plus venu visiter l’histoire de l’homme, nous n’avons que des idées humaines de Dieu. L’incarnation, en revanche, appartient au coeur de l’Evangile! Que grandisse donc l’engagement pour une saison renouvelée d’évangélisation, qui n’est pas une tâche réservée à quelques-uns, mais qui est celle de tous les membres de l’Eglise. L’évangélisation nous fait savoir que Dieu est proche: Dieu nous est montré. En ce moment de l’histoire, n’est-ce pas là la mission que le Seigneur nous confie: annoncer la nouveauté permanente de l’Evangile, comme Pierre et Paul lorsqu’ils arrivèrent dans notre ville? Ne devons-nous pas nous aussi aujourd’hui montrer la beauté et le caractère raisonnable de la foi, apporter la lumière de Dieu à l’homme de notre temps, avec courage, avec conviction, avec joie? Nombreuses sont les personnes qui n’ont pas encore rencontré le Seigneur: il faut leur consacrer un soin pastoral particulier. A côté des enfants et des jeunes de familles chrétiennes qui demandent de parcourir les itinéraires de l’initiation chrétienne, il y a les adultes qui n’ont pas reçu le baptême, ou qui se sont éloignés de la foi et de l’Eglise. C’est une attention pastorale aujourd’hui plus que jamais urgente, qui exige de s’engager avec confiance, soutenus par la certitude que la grâce de Dieu oeuvre toujours, aujourd’hui encore, dans le coeur de l’homme. Moi-même j’ai la joie de baptiser chaque année, au cours de la Veillée pascale, des jeunes et des adultes, et de les incorporer dans le Corps du Christ, dans la communion avec le Seigneur et ainsi, dans la communion avec l’amour de Dieu.

Mais qui est le messager de cette bonne nouvelle? Le baptisé l’est certainement. Et par dessus tout, les parents, auxquels revient le devoir de demander le baptême pour leurs enfants. Combien est grand ce don que la liturgie appelle «porte de notre salut, début de la vie dans le Christ, source de l’humanité nouvelle» (Préface du Baptême)! Tous les pères et les mères sont appelés à coopérer avec Dieu à la transmission du don inestimable de la vie, mais également à faire connaître Celui qui est la Vie et la vie n’est pas réellement transmise si l’on ne connaît pas également le fondement et la source éternelle de la vie. Chers parents, l’Eglise, en tant que mère attentive, entend vous soutenir dans votre devoir fondamental. Depuis leur plus jeune âge, les enfants ont besoin de Dieu, car dès le début, l’homme a besoin de Dieu et ils ont la capacité de percevoir sa grandeur; ils savent apprécier la valeur de la prière — du dialogue avec ce Dieu — et des rites, de même que percevoir la différence entre le bien et le mal. Sachez, alors, les accompagner dans la foi, dans cette connaissance de Dieu, dans cette amitié avec Dieu, dans cette connaissance de la différence entre le bien et le mal. Accompagnez-les dans la foi dès leur plus jeune âge.

De plus, comment cultiver le germe de la vie éternelle au fur et à mesure que l’enfant grandit? Saint Cyprien nous le rappelle: «Personne ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Eglise pour Mère». C’est pourquoi, nous ne disons pas mon Père, mais Notre Père, car ce n’est que dans le «nous» de l’Eglise, des frères et soeurs, que nous sommes des fils. Depuis toujours, la communauté chrétienne a accompagné la formation des enfants et des jeunes, en les aidant non seulement à comprendre à travers l’intelligence les vérités de la foi, mais également à vivre des expériences de prière, de charité et de fraternité. La parole de la foi risque de demeurer muette si elle ne trouve pas une communauté qui la met en pratique, en la rendant vivante et attirante, comme une expérience de la réalité de la vie véritable. Aujourd’hui encore, les aumôneries, les camps d’adolescents, les petites et grandes expériences de service sont une aide précieuse pour les adolescents qui parcourent le chemin de l’initiation chrétienne, en vue de développer un engagement cohérent de vie. J’encourage donc à parcourir cette voie qui fait découvrir l’Evangile non pas comme une utopie, mais comme la forme pleine et réelle de l’existence. Tout cela doit être proposé en particulier à ceux qui se préparent à recevoir le sacrement de la confirmation, afin que le don de l’Esprit Saint confirme la joie d’être engendrés comme fils de Dieu. Je vous invite donc à vous consacrer avec passion à la redécouverte de ce sacrement, afin que ceux qui sont déjà baptisés puissent recevoir comme don de Dieu le sceau de la foi et deviennent pleinement témoins du Christ.

Afin que tout cela soit efficace et porte des fruits, il est nécessaire que la connaissance de Jésus s’approfondisse et se prolonge au delà de la célébration des sacrements. Tel est le devoir de la catéchèse, comme le rappelait le bienheureux Jean-Paul II, qui écrivait: «La spécificité de la catéchèse, distinguée de la première annonce de l'Evangile qui a suscité la conversion, poursuit le double objectif de faire mûrir la foi initiale et d'éduquer le vrai disciple du Christ par le moyen d'une connaissance plus approfondie et plus systématique de la personne et du message de Notre Seigneur Jésus Christ» (Catechesi tradendae CTR 19). La catéchèse est une action ecclésiale et il est donc nécessaire que les catéchistes enseignent et témoignent la foi de l’Eglise, et non leur propre interprétation de celle-ci. C’est précisément pour cela qu’a été réalisé le Catéchisme de l’Eglise catholique, que je vous remets idéalement à nouveau à tous, afin que l’Eglise de Rome puisse s’engager avec une joie renouvelée dans l’éducation à la foi. La structure du Catéchisme dérive de l’expérience du catéchuménat de l’Eglise des premiers siècles et reprend les éléments fondamentaux qui font d’une personne un chrétien: la foi, les Sacrements, les commandements, le Notre Père.

Pour tout cela, il est nécessaire d’éduquer également au silence et à l’intériorité. Je forme le voeu que dans les paroisses de Rome, les itinéraires d’initiation chrétienne éduquent à la prière, afin que celle-ci imprègne la vie et aide à trouver la Vérité qui habite dans notre coeur. Et nous la trouvons réellement dans le dialogue personnel avec Dieu. La fidélité à la foi de l’Eglise doit également s’allier à une «créativité catéchétique» qui tienne compte du contexte, de la culture et de l’âge des destinataires. Le patrimoine d’histoire et d’art que Rome conserve représente une voie supplémentaire pour rapprocher les personnes de la foi: beaucoup de choses nous parlent de la réalité de la foi ici, à Rome. J’invite chacun à tenir compte dans la catéchèse de ce «chemin de la beauté», qui conduit à Celui qui est, selon saint Augustin, la beauté si antique et toujours nouvelle.

Chers frères et soeurs, je désire vous remercier pour votre service généreux et précieux à cette oeuvre fascinante d’évangélisation et de catéchèse. N’ayez pas peur de vous engager pour l’Evangile! En dépit des difficultés que vous rencontrez pour concilier les exigences familiales et professionnelles avec celles des communautés dans lesquelles vous accomplissez votre mission, ayez toujours confiance dans l’aide de la Vierge Marie, Etoile de l’Evangélisation. Le bienheureux Jean-Paul II, qui jusqu’à la fin, se prodigua pour annoncer l’Evangile dans notre ville et aima d’une affection particulière les jeunes, intercède également pour nous auprès du Père. Tandis que je vous assure de ma prière constante, je vous donne à tous de tout coeur ma Bénédiction apostolique. Merci de votre attention.

Discours 2005-2013 1292