Discours 2005-2013 1452


VISITE PASTORALE À L’ARCHIDIOCÈSE DE MILAN

ET VIIe RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES

(1-3 JUIN 2012)

DÉJEUNER AVEC LES CARDINAUX, LES ÉVÊQUES ET QUELQUES FAMILLES

PAROLES Archevêché de Milan Dimanche 3 juin 2012



1453 Au terme du repas qui s’est déroulé à l’archevêché, le dimanche 3 juin 2012, les cardinaux Scola et Tettamanzi ont adressé un bref salut au Pape. L’archevêque émérite a également remis une précieuse copie de l’évangéliaire ambrosien — réalisé par de grands artistes sous la direction de don Umberto Bordoni — dont la couverture est illustrée par une représentation de la Jérusalem céleste. Le Pape a répondu en improvisant le bref discours que nous publions ci-dessous :

Chers amis, je trouve qu’il est beau qu’à la fin nous revenions de nouveau à la Parole de Dieu, qui est la clef de la vie, la clef de la pensée, de la manière de vivre: nous avons ainsi commencé et nous finissons avec la Parole de Dieu.

Nous sommes dans le climat de la vraie vie. Et je voulais simplement remercier pour tout ce que j’ai vécu pendant ces jours : cette expérience de l’Église vivante. Si l’on peut quelques fois penser que la barque de Pierre est en proie à des adversaires difficiles, il est toutefois également vrai que nous voyons que le Seigneur est présent, est vivant, est vraiment ressuscité, et qu’il a en main le gouvernement du monde et le coeur des hommes. Cette expérience de l’Église vivante, qui vit de l’amour de Dieu, qui vit pour le Christ Ressuscité, est — disons — le don de ces jours. Nous rendons ainsi grâce au Seigneur.

Et merci également au cardinal Scola, au cardinal Tettamanzi, à leurs collaborateurs, à tous, en somme ; aux nombreuses personnes qui ont collaboré et qui ont fait la fête : merci à vous tous.



AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE

DE PAPOUASIE-NOUVELLE GUINÉE ET DES ILES SALOMON EN VISITE AD LIMINA APOSTOLORUM Samedi 9 juin 2012



Chers frères évêques,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue à l’occasion de votre visite ad limina Apostolorum et je remercie Mgr John Ribat pour les paroles aimables prononcées au nom de toute la Conférence des évêques de Papouasie - Nouvelle Guinée et des Iles Salomon. Cette rencontre constitue une opportunité privilégiée pour exprimer notre communion dans l’unique Église du Christ. À travers vous, j’envoie des saluts cordiaux aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux. Assurez-les de mes prières afin qu’ils continuent à croître dans la foi, dans l’espérance et dans la charité.

Je désire faire l’éloge de vos efforts pour paître « le troupeau de Dieu qui vous est confié » (1P 5,2). L’attention que vous consacrez à ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux est particulièrement digne d’intérêt dans la manière dont vous vous occupez des besoins primordiaux des pauvres, des exclus et des malades — en particulier ceux qui sont atteints par le sida — à travers le travail de vos organismes diocésains. Vous exercez une autre partie importante de votre ministère pastoral quand vous vous exprimez publiquement comme voix morale objective au nom de ceux qui sont démunis. Quand l’Église exprime sa préoccupation de manière publique, elle le fait légitimement et dans le but de contribuer au bien commun, non pas en proposant des solutions politiques concrètes, mais plutôt en aidant à « purifier la raison et à donner un éclairage pour la mise en oeuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs » (Discours au Westminster Hall, 17 septembre 2010). Ces principes sont accessibles à tous, à travers le raisonnement correct et ils sont nécessaires pour la juste organisation de la société civile. C’est pour cette raison que je vous encourage à continuer à dialoguer et à travailler avec les autorités civiles, afin que l’Eglise puisse être libre de parler et de fournir des services pour le bien commun de manière pleinement conforme aux valeurs évangéliques.

J’ai appris dans vos rapports que vous êtes en train de lancer diverses initiatives pastorales qui ont comme élément commun l’évangélisation de la culture. Cela est très important car la personne humaine ne peut « accéder vraiment et pleinement à l’humanité que par la culture » (Gaudium et spes GS 53). Nous observons également le rôle fondamental de la culture dans l’histoire du salut, car le Dieu Un et Trine s’est peu à peu révélé dans le temps, atteignant son sommet dans l’envoi de son Fils unique, né lui-même dans une culture particulière. D’autre part, tout en reconnaissant les contributions respectives de chaque culture et en s’appuyant parfois sur leurs ressources pour accomplir sa mission, l’Église a été envoyée prêcher l’Évangile à toute les nations, dépassant les frontières construites par l’homme. Chers frères évêques, dans l’oeuvre d’évangélisation continuez donc à appliquer les vérités éternelles de l’Évangile aux coutumes des personnes que vous servez, en vue de construire sur les éléments positifs déjà présents et de purifier les autres là où cela est nécessaire. De cette manière, vous accomplissez ainsi votre part dans la mission de l’Église de conduire les personnes de chaque nation, race et langue à Jésus Christ le Sauveur, en qui est révélée la plénitude et la vérité de l’humanité (cf. ibid.).

En parlant de cet aspect de l’évangélisation, il faut rappeler que la famille doit jouer un rôle central, car elle est l’unité de base de la société humaine et le premier lieu où l’on assimile la foi et la culture. Bien que la société ait reconnu le rôle important de la famille dans l’histoire, il faut actuellement prêter une attention particulière aux valeurs religieuses, sociales et morales de la fidélité, de l’égalité et du respect réciproque, qui doivent exister entre mari et femme. L’Église proclame inlassablement que la famille est fondée sur l’institution naturelle du mariage entre un homme et une femme et, dans le cas des chrétiens baptisés, elle est un contrat qui a été élevé par le Christ au niveau surnaturel de sacrement, à travers lequel le mari et la femme participent à l’amour de Dieu devenant une seule chair, promettant de s’aimer et de se respecter réciproquement, en restant ouverts au don des enfants de la part de Dieu. À cet égard, je loue vos efforts pour donner la priorité pastorale à l’évangélisation du mariage et de la famille conformément à l’enseignement catholique. Alors que vous poursuivez les célébrations pour le centenaire de la naissance du bienheureux Pietro To Rot, qui a versé son sang pour la défense de la sainteté du mariage, j’invite tous les couples mariés à se tourner vers son exemple de courage et à aider ainsi les autres à voir la famille comme un don de Dieu et un milieu privilégié dans lequel les enfants peuvent « naître avec dignité, grandir et se développer de manière intégrale » (Homélie, 9 juillet 2006).

L’oeuvre d’évangélisation concerne tous les membres de l’Eglise du Christ. En vous rappelant que les évêques, comme les apôtres « sont envoyés dans leurs diocèses pour être les premiers témoins du Christ ressuscité » (Ecclesia in Oceania, n. 19), accomplissez chaque effort nécessaire pour offrir des programmes de formation et de catéchèse adaptés au clergé, aux religieux et aux religieuses, et aux fidèles laïcs, afin qu’ils puissent être des témoins forts et joyeux de la foi qu’ils professent comme membres de l’Eglise catholique. Un laïcat catéchisé de manière adaptée et un clergé et des religieux bien formés, de la même manière qu’« un homme sage qui a construit sa maison sur le roc » (Mt 7,24), seront équipés pour résister aux tentations du monde séculier et seront assez sages pour ne pas se laisser tromper par les tentatives de les convertir à des versions excessivement simplistes du christianisme, souvent fondées sur de fausses promesses de prospérité matérielle. Alors que je reconnais l’importance de développer et de conserver des programmes bien établis, je vous encourage à vous rappeler qu’un élément clef pour des programmes de formation et de catéchèse efficaces est l’exemple de témoins saints qui « accomplissant en tout la volonté du Père, [...] soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain» (Lumen gentium LG 40). Ces témoins, et les personnes auxquelles ils enseignent, sous votre direction et avec votre soutien, aideront à faire en sorte que l’Eglise dans vos pays continue d’être un instrument efficace d’évangélisation, en attirant ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et en inspirant ceux qui ont une foi tiède.

1454 Chers frères évêques, mon espérance enfin, est que votre visite au Successeur de Pierre et aux tombes des apôtres vous renforce dans votre détermination à être des acteurs de la nouvelle évangélisation, en particulier pendant l’imminente Année de la foi. Je prie également pour que vos efforts portent du fruit, afin que le Royaume de Dieu puisse continuer à croître dans la portion de la vigne du Seigneur confiée à vos soins pastoraux. En vous recommandant à l’intercession de Marie, Mère de l’Église, et en vous assurant de mon affection et de mes prières pour vous et pour votre peuple, je vous donne volontiers ma bénédiction apostolique.


À LA COMMUNAUTÉ

DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE

Salle des Papes
Lundi 11 juin 2012



Chers frères dans l’Épiscopat,
Chers prêtres,

Je remercie avant tout Monseigneur Beniamino Stella pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées au nom de vous tous qui êtes présents, comme aussi pour le précieux service qu’il accomplit. Je salue avec grande affection la communauté tout entière de l’Académie pontificale ecclésiastique. Je suis heureux de vous accueillir cette année aussi, au moment où se terminent les cours et où, pour quelques-uns, approche le jour du départ pour le service dans les Représentations pontificales présentes dans le monde entier. Le Pape compte aussi sur vous, pour être assisté dans la réalisation de son ministère universel. Je vous invite à ne pas avoir peur, vous préparant avec application et engagement à la mission qui vous attend, confiant dans la fidélité de Celui qui vous connaît depuis toujours et vous a appelés à la communion avec son Fils, Jésus-Christ (cf. 1Co 1,9).

La fidélité de Dieu est la clef et la source de notre fidélité. Je voudrais aujourd’hui attirer votre attention sur cette vertu, qui exprime bien le lien très particulier qui s’établit entre le Pape et ses collaborateurs directs, aussi bien dans la Curie romaine que dans les Représentations pontificales : un lien qui, pour beaucoup, s’enracine dans le caractère sacerdotal dont vous êtes investis, et se spécifie ensuite dans la mission particulière confiée à chacun au service du Successeur de Pierre.

Dans le contexte biblique, la fidélité est surtout un attribut divin : Dieu se fait connaître comme celui qui est fidèle pour toujours à l’alliance qu’il a conclue avec son peuple, malgré l’infidélité de celui-ci. Étant fidèle, Dieu garantit de conduire au terme son dessein d’amour, et pour cela Il est aussi digne de foi et véridique. C’est cette attitude divine qui crée dans l’homme la possibilité d’être, à son tour, fidèle. Appliquée à l’homme, la vertu de la fidélité est profondément liée au don surnaturel de la foi, devenant l’expression de cette solidité de celui qui a fondé en Dieu toute sa vie. Dans la foi, nous trouvons en effet l’unique garantie de notre stabilité (cf. Is Is 7,9), et seulement à partir d’elle nous pouvons à notre tour être vraiment fidèles : d’abord à Dieu, donc à sa famille, l’Église qui est mère et éducatrice, et en elle à notre vocation, à l’histoire dans laquelle le Seigneur nous a insérés.

Chers amis, dans cette optique je vous encourage à vivre le lien personnel avec le Vicaire du Christ comme une part de votre spiritualité. Il s’agit assurément d’un élément propre à chaque catholique, encore plus à chaque prêtre. Toutefois, pour ceux qui travaillent près le Saint-Siège, il assume un caractère particulier, du moment qu’ils mettent au service du Successeur de Pierre une bonne partie de leurs énergies, de leur temps et de leur ministère quotidien. Il s’agit d’une grave responsabilité, mais aussi d’un don spécial, qui, avec le temps, développe un lien affectif avec le Pape, de confiance intérieure, un sentir avec naturel, qui est bien exprimé par la parole « fidélité ».

Et de la fidélité à Pierre, qui vous envoie, dérive aussi une fidélité particulière envers ceux auxquels vous êtes envoyés : on demande en effet aux Représentants du Pontife romain, et à leurs collaborateurs, de se faire les interprètes de sa sollicitude pour toutes les Églises, comme aussi de la participation et de l’affection avec laquelle il suit le chemin de chaque peuple. Par conséquent, vous devrez nourrir un rapport de profonde estime et de bienveillance, je dirais d’amitié vraie, envers les Églises et les communautés auxquelles vous serez envoyés. Par rapport à elles aussi, vous avez un devoir de fidélité, qui se concrétise dans le dévouement assidu au travail quotidien, dans la présence parmi elles dans les moments joyeux et tristes, parfois même dramatiques de leur histoire, dans l’acquisition d’une connaissance approfondie de leur culture, du chemin ecclésial, dans le fait de savoir apprécier combien la grâce divine est à l’oeuvre dans chaque peuple et nation.

Il s’agit d’une aide précieuse pour le ministère pétrinien, au sujet duquel le Serviteur de Dieu Paul VI disait : « En transmettant à son Vicaire les clefs du Royaume des cieux et en l’instituant pierre et fondement de son Église (cf. Mt 16,18), le Pasteur éternel lui a donné mission de "affermir ses frères" (cf. Lc 22,32), c’est-à-dire de les gouverner et, en son nom, de les rassembler dans l’unité, mais aussi de leur apporter aide et consolation, par sa parole et par sa présence même, d’une certaine manière » (Lett. Apost. Sollicitudo omnium ecclesiarum, 24 juin 1969 : AAS 61 (1969) 473-474).

1455 De cette façon, vous encouragerez et vous stimulerez aussi les Églises particulières à grandir dans la fidélité au Pontife romain, et à trouver dans le principe de communion avec l’Église universelle une orientation sûre pour leur pèlerinage dans l’histoire. Et enfin, vous aiderez le Successeur de Pierre lui-même à être fidèle à la mission reçue du Christ, en lui permettant de connaître au plus près le troupeau qui lui est confié et de le rejoindre plus efficacement avec sa parole, sa proximité, son affection. Je pense en ce moment avec gratitude à l’aide que je reçois quotidiennement des nombreux collaborateurs de la Curie romaine et des Représentants pontificaux, comme aussi au soutien qui me vient de la prière des innombrables frères et soeurs du monde entier.

Chers amis, dans la mesure où vous serez fidèles, vous serez aussi dignes de foi. Nous savons d’ailleurs, que la fidélité qui se vit dans l’Église et au Saint-Siège n’est pas une loyauté « aveugle », puisqu’elle est illuminée par la foi de Celui qui a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » (
Mt 16,18). Engageons-nous tous sur ce chemin pour qu’un jour, nous puissions nous entendre appliquer les paroles de la parabole évangélique : « Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton seigneur » (cf. Mt 25,21).

Avec ces sentiments, je renouvelle à Monseigneur le Président, à ses collaborateurs, aux Soeur Franciscaines Missionnaires de Gesù Bambino et à toute la communauté de l’Académie ecclésiastique pontificale mon salut cordial, alors que je vous bénis de grand coeur.

AUX AUMÔNIERS ET AGENTS PASTORAUX

DES AUMÔNERIES DE L'AVIATION CIVILE Salle du Consistoire Lundi 11 juin 2012



Messieur le Cardinal,
Chers aumôniers et agents pastoraux de l’aviation civile,
Chers frères et soeurs,

Je suis heureux de vous accueillir à l’ouverture du XVème Séminaire mondial des Aumôniers catholiques et membres des Aumôneries de l’Aviation civile, promu par le Conseil pontifical de la Pastorale pour les Migrants et les Itinérants, sur le thème : « La Nouvelle Évangélisation dans le monde de l’Aviation civile ». J’adresse une salutation cordiale au Président du Dicastère, le Cardinal Antonio Maria Vegliò, et je le remercie des paroles qu’il m’a adressées. Avec affection, je vous salue, vous tous qui participez à ces journées de prière, d’étude et de partage pour réaffirmer et approfondir les motivations spirituelles que vous poussent à poursuivre avec un zèle renouvelé et avec enthousiasme votre service ecclésial si particulier.

J’ai appris avec plaisir, qu’au cours de ce Séminaire, vous voulez réfléchir, grâce aussi à l’aide d’intervenants compétents, sur de nouvelles méthodes et de nouvelles expressions de l’oeuvre d’évangélisation dans le domaine où vous exercez votre ministère. Chers amis, soyez toujours pleinement conscients que vous êtes appelés à rendre actuelle, dans les aéroports du monde, la mission même de l’Église, qui est celle de porter Dieu à l’homme et de guider l’homme à la rencontre de Dieu. Les aéroports sont des lieux qui reflètent la réalité mondialisée de notre temps. Des personnes différentes de par leur nationalité, leur culture, leur religion, leur condition sociale et leur âge s’y rencontrent, mais s’y rencontrent aussi des situations humaines variées et peu faciles, qui demandent une attention toujours plus grande. Je pense à ceux qui vivent dans une attente pleine d’angoisse en tentant de transiter sans les documents nécessaires, étant migrants ou demandeurs d’asile. Je pense aux difficultés causées par les mesures contre les actes terroristes. Dans les communautés aéroportuaires, également, se reflète la crise de la foi qui a affecté de nombreuses personnes. Les contenus de la doctrine chrétienne et les valeurs qu’elle enseigne ne sont plus considérés des points de références, même dans des pays de longue tradition de vie ecclésiale. C’est dans ce contexte humain et spirituel que vous êtes appelés à annoncer la Bonne Nouvelle avec une force renouvelée, par la parole, par votre simple présence, par votre exemple et par votre témoignage, conscients que, malgré le caractère occasionnel des rencontres, les personnes savent reconnaître un homme de Dieu et que, souvent, une petite semence dans un terrain accueillant peut germer et produire des fruits abondants.

Dans les aérogares, en outre, vous avez la possibilité d’entrer tous les jours en contact avec de nombreuses personnes, hommes et femmes, qui travaillent dans un milieu où la mobilité continuelle et la technologie en progrès constant, risquent d’obscurcir la centralité que doit avoir l’être humain. Souvent, une attention majeure est réservée à l’efficience et à la productivité, au détriment de l’amour du prochain et de la solidarité, qui, au contraire, doivent toujours caractériser les relations humaines. En cela aussi votre présence est importante et précieuse : elle est un témoignage vivant d’un Dieu qui est proche de l’homme, et elle est un rappel à ne jamais être indifférents à l’égard de celui que nous rencontrons, mais à l’accueillir avec disponibilité et amour. Je vous encourage à être le signe lumineux de cette charité du Christ, qui apporte sérénité et paix.

1456 Chers amis, prenez soin de chaque personne, quelle que soit sa nationalité ou sa condition sociale, qu’elle trouve en vous un coeur accueillant, capable d’écouter et de comprendre. Que tous puissent expérimenter à travers votre vie chrétienne et sacerdotale l’amour qui vient de Dieu, afin que chacun soit amené à un rapport renouvelé et approfondi avec le Christ, qui ne manque pas de parler à tous ceux qui s’ouvrent à lui, spécialement dans la prière. D’où l’importance des aumôneries aéroportuaires, comme lieux de silence et de réconfort spirituel.

Dans votre service pastoral, vous avez comme modèle et protectrice la Sainte Vierge, que vous vénérez sous le titre de Notre-Dame de Lorette, patronne de tous ceux qui voyagent en avion, en hommage à la tradition qui attribue aux anges le transport de Nazareth à Lorette de la maison de Marie. Il y a cependant un autre « envol », dont cette maison est témoin, bien plus significatif pour l’humanité entière, celui de l’archange Gabriel, qui apporta à Marie la joyeuse annonce qu’elle allait devenir la Mère du Fils du Très-Haut (cf.
Lc 1,26-32). Ainsi l’Éternel est entré dans le temps, Dieu s’est fait homme et il est venu habiter parmi nous (cf. Jn 1,14). C’est la manifestation de l’amour infini de Dieu pour sa créature. Alors que nous étions encore pécheurs, Dieu a envoyé son fils, Jésus-Christ, pour nous rachetés par sa mort et sa résurrection. Il n’est pas resté « là-haut dans le ciel », mais il s’est immergé dans les joies et dans les angoisses des hommes de son temps et de tous les temps, en partageant leur sort et en leur redonnant l’espérance.

Cette mission constitue la mission de l’Église : annoncer Jésus-Christ unique Sauveur du monde, « ‘mission – comme disait le Serviteur de Dieu, le Pape Paul VI – que les mutations vastes et profondes de la société actuelle ne rendent que plus urgente’ (Exhort. apost. Evangelii nuntiandi EN 14). Aujourd’hui, nous ressentons même l’urgence de promouvoir, avec une force nouvelle et des modalités renouvelées, l’oeuvre d’évangélisation dans un monde où l’élimination des frontières et les nouveaux processus de mondialisation rendent les personnes et les peuples encore plus proches, soit grâce au développement des moyens de communication, soit grâce à la fréquence et à la facilité avec lesquelles les déplacements de personnes et de groupes sont rendus possibles » (Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2012).

Chers frères, que la rencontre quotidienne du Seigneur Jésus dans la célébration eucharistique et dans la prière personnelle, vous donne l’enthousiasme et la force d’être des annonceurs de la nouveauté évangélique, qui transforme les coeurs et fait toutes choses nouvelles. Je vous assure de mon souvenir dans la prière, afin que vous puissiez être des instruments efficaces pour aider les personnes confiées à vos soins pastoraux à franchir la « porta fidei », en les accompagnant dans leur rencontre avec le Christ vivant et agissant au milieu de nous. Avec ces souhaits, je vous accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique, que j’étends à tous ceux qui partagent votre ministère comme à ceux qui font partie du vaste monde de l’aviation civile.

CONGRÈS ECCLÉSIAL DU DIOCÈSE DE ROME

"LECTIO DIVINA" Basilique Saint-Jean-de-Latran Lundi 11 juin 2012

[Vidéo]

Éminence, chers frères dans le sacerdoce et dans l’épiscopat, chers frères et soeurs,

C’est pour moi une grande joie d’être ici, dans la cathédrale de Rome avec les représentants de mon diocèse, et je remercie de tout coeur le cardinal-vicaire pour ses bonnes paroles.

Nous avons déjà entendu que les dernières paroles du Seigneur sur cette terre à ses disciples, ont été : « Allez, de toutes les nations faites des disciples et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » (cf. Mt 28,19). Faîtes des disciples et baptisez-les. Pourquoi n’est-il pas suffisant pour devenir un disciple de connaître les doctrines de Jésus, de connaître les valeurs chrétiennes ? Pourquoi est-il nécessaire d’être baptisés ? Tel est le thème de notre réflexion, pour comprendre la réalité, la profondeur du sacrement du baptême.

Une première porte s’ouvre si nous lisons attentivement ces paroles du Seigneur. Le choix du mot « au nom du Père » dans le texte grec est très important: le Seigneur dit « eis » et non « en », c’est-à-dire qu’il ne dit pas « au nom » de la Trinité — comme nous disons qu’un vice-préfet parle « au nom » du préfet, qu’un ambassadeur parle « au nom » du gouvernement : non. Il dit : « eis to onoma », c’est-à-dire qu’il s’agit d’une immersion dans le nom de la Trinité, d’être insérés dans le nom de la Trinité, d’une interpénétration de l’être de Dieu et de notre être, d’être plongés dans le Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit Saint, de même que dans le mariage, par exemple, deux personnes deviennent une chair, deviennent une nouvelle, unique réalité, avec un nom nouveau, unique.

1457 Le Seigneur nous a aidés à comprendre encore mieux cette réalité dans son entretien avec les Sadducéens à propos de la résurrection. Les Sadducéens ne reconnaissaient dans le canon de l’Ancien Testament que les cinq Livres, de Moïse et, dans ceux-ci, la résurrection n’apparaît pas ; c’est pourquoi ils la niaient. Le Seigneur, précisément à partir de ces cinq Livres, démontre la réalité de la résurrection et dit : Vous ne savez pas que Dieu s’appelle Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? (cf. Mt 22,31-32). Dieu prend donc ces trois personnes et, précisément dans son nom, celles-ci deviennent le nom de Dieu. Pour comprendre qui est ce Dieu, on doit voir ces personnes qui sont devenues le nom de Dieu, un nom de Dieu, qui sont plongées en Dieu. Et ainsi, nous voyons que celui qui est dans le nom de Dieu, qui est plongé en Dieu, est vivant, parce que Dieu — dit le Seigneur — est un Dieu non pas des morts, mais des vivants, et s’il est le Dieu de ceux-ci, il est le Dieu des vivants ; les vivants sont vivants parce qu’ils sont dans la mémoire, dans la vie de Dieu. C’est précisément ce qui arrive dans notre condition de baptisés : nous devenons insérés dans le nom de Dieu, de sorte que nous appartenons à ce nom et Son nom devient notre nom et nous aussi nous pourrons, avec notre témoignage — comme les trois personnages de l’Ancien Testament —, être des témoins de Dieu, signe de qui est ce Dieu, nom de ce Dieu.

Être baptisés signifie donc être unis à Dieu ; dans une unique, nouvelle existence, nous appartenons à Dieu, nous sommes plongés en Dieu lui-même. En pensant à cela, nous pouvons immédiatement en voir certaines conséquences.

La première est que Dieu n’est plus très éloigné pour nous, il n’est pas une réalité dont débattre — s’il existe ou s’il n’existe pas —, mais nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. La priorité, le caractère central de Dieu dans notre vie est une première conséquence du baptême. À la question : « Dieu existe-t-il ? », la réponse est : « Il existe et il est avec nous ; cette proximité de Dieu touche notre vie, cet être en Dieu lui-même, qui n’est pas une étoile lointaine, mais qui le lieu de ma vie ». Cela serait la première conséquence et devrait donc nous dire que nous devons nous-mêmes tenir compte de cette présence de Dieu, vivre réellement dans sa présence.

Une deuxième conséquence de ce que j’ai dit est que nous ne nous faisons pas nous-mêmes chrétiens. Devenir chrétiens n’est pas quelque chose qui dépend de ma décision : « Maintenant, je me fais chrétien ». Naturellement, ma décision est nécessaire, mais c’est surtout une action de Dieu avec moi : ce n’est pas moi qui me fait chrétien, je suis appelé par Dieu, pris en main par Dieu et ainsi, en disant « oui » à cette action de Dieu, je deviens chrétien. Devenir chrétiens, dans un certain sens, est passif : je ne me fais pas chrétien, mais Dieu me fait devenir l’un de ses hommes, Dieu me prend en main et réalise ma vie dans une nouvelle dimension. De même que je ne me fais pas vivre, mais que la vie m’a été donnée ; je ne suis pas né parce que je me suis fait homme, mais je suis né parce que l’être humain m’est donné. Ainsi, être chrétien m’est donné, c’est un passif pour moi, qui devient un actif dans notre vie, dans ma vie. Et ce fait du passif, de ne pas se faire soi-même chrétiens, mais d’être faits chrétiens par Dieu, implique déjà un peu le mystère de la Croix : ce n’est qu’en mourant à mon égoïsme, en sortant de moi-même, que je peux être chrétien.

Un troisième élément qui apparaît immédiatement dans cette vision est que, naturellement, étant plongé en Dieu, je suis uni à mes frères et à mes soeurs, parce que tous les autres sont en Dieu et que si je suis tiré hors de mon isolement, si je suis plongé dans Dieu, je suis plongé dans la communion avec les autres. Etre baptisés n’est jamais un acte solitaire à « moi », mais c’est toujours nécessairement être uni avec tous les autres, être dans l’unité et la solidarité avec tout le Corps du Christ, avec toute la communauté de nos frères et soeurs. Ce fait que le baptême m’insère dans une communauté, rompt mon isolement, nous devons le garder à l’esprit dans notre condition de chrétiens.

Et enfin, revenons à la Parole du Christ aux Sadducéens : « Dieu est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (cf. Mt 22,32), et ces derniers ne sont donc pas morts ; s’ils sont à Dieu, ils sont vivants. Cela veut dire qu’avec le baptême, avec l’immersion dans le nom de Dieu, nous sommes nous aussi déjà plongés dans la vie immortelle, nous sommes vivants pour toujours. En d’autres termes, le baptême est une première étape de la résurrection : plongés en Dieu, nous sommes déjà plongés dans la vie indestructible, la Résurrection commence. De même qu’Abraham, Isaac et Jacob étant le « nom de Dieu » sont vivants, nous aussi, insérés dans le nom de Dieu, nous sommes vivants dans la vie immortelle. Le baptême est le premier pas de la Résurrection, l’entrée dans la vie indestructible de Dieu.

Ainsi, dans un premier temps, avec la formule baptismale de saint Matthieu, avec la dernière parole du Christ, nous avons déjà un peu vu l’essence du baptême. À présent, voyons le rite sacramentel, pour pouvoir comprendre encore plus précisément ce qu’est le baptême.

Ce rite, comme le rite de presque tous les sacrements, se compose de deux éléments : de la matière — l’eau — et de la parole. Cela est très important. Le christianisme n’est pas une chose purement spirituelle, une chose uniquement subjective, du sentiment, de la volonté, des idées, mais c’est une réalité universelle. Dieu est le Créateur de toute la matière, la matière concerne le christianisme, et ce n’est que dans ce grand contexte de matière et d’esprit à la fois que nous sommes chrétiens. Il est donc très important que la matière fasse partie de notre foi, que le corps fasse partie de notre foi ; la foi n’est pas purement spirituelle, mais Dieu nous insère ainsi dans toute la réalité de l’univers et transforme l’univers, l’attire à lui. Et cet élément matériel — l’eau — n’est pas seulement un élément fondamental de l’univers, une matière fondamentale créée par Dieu, mais il a aussi à voir avec tout le symbolisme des religions, car dans toutes les religions, l’eau a quelque chose à dire. Le chemin des religions, cette recherche de Dieu de différentes manières — parfois erronées, mais qui sont toujours une recherche de Dieu — est assumée dans le sacrement. Les autres religions, avec leur chemin vers Dieu, sont présentes, sont assumées, et c’est ainsi que l’on accomplit la synthèse du monde ; toute la recherche de Dieu qui s’exprime dans les symboles des religions, et surtout — naturellement — le symbolisme de l’Ancien Testament, qui ainsi, avec toutes ses expériences de salut et de bonté de Dieu, devient présent. Nous reviendrons sur ce point.

L’autre élément est la parole, et cette parole se présente sous trois éléments : renoncements, promesses, invocations. Il est important que ces paroles ne soient donc pas seulement des paroles, mais soient un chemin de vie. Dans celles-ci se réalise une décision, dans ces paroles est présent tout notre chemin baptismal — tant pré-baptismal que post-baptismal — à travers ces paroles et également à travers les symboles, le baptême s’étend à toute notre vie. Cette réalité des promesses, des renoncements, des invocations, est une réalité qui dure toute notre vie, car nous sommes toujours en chemin baptismal, en chemin catéchuménal, à travers ces paroles et la réalisation de ces paroles. Le sacrement du baptême n’est pas un acte d’une heure, mais une réalité de toute notre vie, c’est un chemin de toute notre vie. En réalité, derrière cela, il y a également la doctrine des deux voies, qui était fondamentale au début du christianisme : une voie à laquelle nous disons « non » et une voie à laquelle nous disons « oui ».

Commençons par la première partie, les renoncements. Ils sont au nombre de trois et je prends avant tout le deuxième : « Renoncez-vous aux séductions du mal pour ne pas vous laisser dominer par le péché ? ». Que sont ces séductions du mal ? Dans l’Église antique, et encore pendant des siècles, il y avait l’expression : « Renoncez-vous aux pompes du diable ? », et aujourd’hui, nous savons ce que l’on entendait par cette expression « pompes du diable ». Les pompes du diable étaient surtout les grands spectacles sanglants, où la cruauté devient divertissement, où tuer des hommes devient quelque chose de spectaculaire : le spectacle devient la vie et la mort d’un homme. Ces spectacles sanglants, ce divertissement du mal sont les « pompes du diable », où il apparaît sous une apparente beauté mais en réalité, il apparaît sous toute sa cruauté. Mais au-delà de cette signification immédiate de la parole « pompes du diable », on voulait parler d’un type de culture, d’un way of life, d’un mode de vivre où ne compte plus la vérité mais l’apparence, où l’on ne recherche pas la vérité, mais l’effet, la sensation, et, sous le prétexte de la vérité, en réalité, on détruit les hommes, on veut détruire et ne se créer que soi-même comme vainqueurs. Ce renoncement était donc très réel : c’était le renoncement à un type de culture qui est une anti-culture, contre le Christ et contre Dieu. On décidait contre une culture qui, dans l’Évangile de saint Jean, est appelée « kosmos houtos », « ce monde ». Avec « ce monde », naturellement, Jean et Jésus ne parlent pas de la Création de Dieu, de l’homme en tant que tel, mais parlent d’une certaine créature qui est dominante, qui s’impose comme si c’était cela le monde, et comme si c’était cela la façon de vivre qui s’impose. Je laisse à présent à chacun de vous le soin de réfléchir sur ces « pompes du diable », sur cette culture à laquelle nous disons « non ». Être baptisés signifie précisément en substance s’émanciper, se libérer de cette culture. Nous connaissons également aujourd’hui un type de culture dans laquelle la vérité ne compte pas; même si apparemment, on veut faire apparaître toute la vérité, seule la sensation compte et l’esprit de calomnie et de destruction. Une culture qui ne recherche pas le bien, dont le moralisme est, en réalité, un masque pour tromper, créer la confusion et la destruction. Contre cette culture, dans laquelle le mensonge se présente sous la forme de la vérité et de l’information, contre cette culture qui ne recherche que le bien-être matériel et nie Dieu, nous disons « non ». Nous connaissons bien également à partir de nombreux Psaumes cette opposition entre une culture dans laquelle on semble intouchable contre tous les maux du monde, on se place au-dessus de tous, en particulier de Dieu, alors qu’au contraire, c’est une culture du mal, une domination du mal. Et ainsi, la décision du baptême, cette partie du chemin néocatéchuménal qui dure toute notre vie, est précisément ce « non », prononcé et réalisé à nouveau chaque jour, même à travers les sacrifices qu’exige le fait de s’opposer à la culture dominante en grande partie dominante, même si elle s’imposait comme si elle était le monde, ce monde : ce n’est pas vrai. Et il y a également de nombreuses personnes qui désirent vraiment la vérité.

Ainsi, nous arrivons au premier renoncement : « Renoncez-vous au péché pour vivre dans la liberté des fils de Dieu ? ». Aujourd’hui, liberté et vie chrétienne, observance des commandements de Dieu, vont dans des directions opposées; être chrétiens serait comme un esclavage; la liberté signifie s’émanciper de la foi chrétienne, s’émanciper — en fin de compte — de Dieu. Le terme de péché apparaît à de nombreuses personnes presque ridicule, car elles disent : « Mais comment! Nous ne pouvons pas offenser Dieu ! Dieu est si grand, cela ne l’intéresse pas si je commets une petite erreur ! Nous ne pouvons pas offenser Dieu, son intérêt est trop grand pour que nous l’offensions ». Cela semble vrai, mais ce n’est pas vrai. Dieu s’est fait vulnérable. Dans le Christ crucifié, nous voyons que Dieu s’est fait vulnérable, il s’est fait vulnérable jusqu’à la mort. Dieu s’intéresse à nous parce qu’il nous aime et l’amour de Dieu est vulnérabilité, l’amour de Dieu est intérêt de l’homme, l’amour de Dieu signifie que notre première préoccupation doit être ne pas blesser, ne pas détruire son amour, ne rien faire contre son amour car sinon, nous vivons aussi contre nous-mêmes et contre notre liberté. Et, en réalité, cette apparente liberté dans l’émancipation de Dieu devient immédiatement un esclavage de nombreuses dictatures du temps, qui doivent être suivies pour être considérées à la hauteur du temps.

1458 Et enfin : « Renoncez-vous à Satan ? ». Cela nous dit qu’il y a un « oui » à Dieu et un « non » au pouvoir du Malin qui coordonne toutes ces activités et veut se faire le dieu de ce monde, comme nous le dit encore saint Jean. Mais il n’est pas Dieu, il n’est que l’adversaire, et nous ne nous soumettons pas à son pouvoir ; nous disons «non» parce que nous disons « oui », un « oui » fondamental, le « oui » de l’amour et de la vérité. Ces trois renoncements, dans le rite du baptême, dans l’antiquité, étaient accompagnés de trois immersions : immersion dans l’eau comme symbole de la mort, d’un « non » qui est réellement la mort d’un type de vie et la résurrection à une autre vie. Nous y reviendrons. Puis la confession en trois questions : « Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, Créateur ; en Jésus Christ et, enfin, en l’Esprit Saint et en l’Église ?» Cette formule, ces trois parties, ont été développées à partir de la Parole du Seigneur « baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » ; ces paroles sont concrétisées et approfondies : que veut dire Père, que veut dire Fils — toute la foi dans le Christ, toute la réalité du Dieu fait homme — et que veut dire croire, être baptisés dans l’Esprit Saint, c’est-à-dire toute l’action de Dieu dans l’histoire, dans l’Église, dans la communion des saints. Ainsi, la formule positive du baptême est aussi un dialogue : elle n’est pas simplement une formule. Surtout, la confession de la foi n’est pas seulement une chose à comprendre, une chose intellectuelle, une chose à mémoriser — même si c’est aussi cela, bien sûr — elle touche aussi à l’intelligence, elle touche aussi avant tout à notre existence. Et cela me semble très important. Ce n’est pas quelque chose d’intellectuel, une pure formule. C’est un dialogue de Dieu avec nous, une action de Dieu avec nous, et notre réponse, c’est un chemin. La vérité du Christ ne peut se comprendre que si sa voie est comprise. Ce n’est que si nous acceptons le Christ comme une voie en commençant réellement à être dans la voie du Christ que nous pouvons aussi comprendre la vérité du Christ. La vérité qui n’est pas vécue ne s’ouvre pas; seule la vérité vécue, la vérité acceptée comme mode de vie, comme chemin, s’ouvre aussi comme vérité dans toute sa richesse et sa profondeur. Cette formule est donc une voie, c’est une expression de notre conversion, d’une action de Dieu. Et nous voulons réellement que cela soit présent dans toute notre vie également: que nous sommes en communion de chemin avec Dieu, avec le Christ. Et ainsi, nous sommes en communion avec la vérité : en vivant la vérité, la vérité devient la vie et en vivant cette vie, nous trouvons aussi la vérité.

À présent, passons à l’élément matériel: l’eau. Il est très important de voir les deux significations de l’eau. D’une part, l’eau fait penser à la mer, et surtout à la Mer Rouge, à la mort dans la Mer Rouge. À travers la mer est représentée la force de la mort, la nécessité de mourir pour arriver à une nouvelle vie. Cela me semble très important. Le baptême n’est pas seulement une cérémonie, un rituel introduit il y a longtemps, et il ne consiste pas non plus seulement à se laver, ce n’est pas une opération cosmétique. C’est bien plus que se laver: il est mort et vie, il est mort d’une certaine existence et renaissance, résurrection à une vie nouvelle. C’est la profondeur de l’être chrétien, non seulement c’est quelque chose qui s’ajoute, mais c’est une nouvelle naissance. Après avoir traversé la Mer Rouge, nous sommes renouvelés. Ainsi la mer, dans toutes les expériences de l’Ancien Testament, est-elle devenue pour les chrétiens le symbole de la Croix. Parce que c’est uniquement à travers la mort, un renoncement radical dans lequel on meurt à un certain type de vie, que l’on peut réaliser la renaissance et qu’il peut réellement y avoir une nouvelle vie. C’est une partie de la symbolique de l’eau: elle symbolise — surtout dans les immersions de l’antiquité — la Mer Rouge, la mort, la Croix. Ce n’est qu’à partir de la Croix que l’on parvient à la nouvelle vie et cela se réalise chaque jour. Sans cette mort toujours renouvelée, nous ne pouvons pas renouveler la vraie vitalité de la nouvelle vie du Christ.

Mais l’autre symbole est celui de la source. L’eau est l’origine de toute la vie; au-delà de la symbolique de la mort, elle est aussi le symbole de la nouvelle vie. Toute vie vient aussi de l’eau, de l’eau qui vient du Christ comme la vraie vie nouvelle qui nous accompagne vers l’éternité.

Enfin, il reste une question — quelques mots seulement — du baptême des enfants. Est-il juste de le faire, ou serait-il plus nécessaire de faire d’abord le chemin catéchuménal pour arriver à un baptême vraiment réalisé ? Et l’autre question qui se pose toujours est : « Mais pouvons-nous imposer à un enfant quelle religion il veut vivre ou non ? Ne devons-nous pas laisser le choix à cet enfant ? ». Ces questions montrent que nous ne voyons plus dans la foi chrétienne la vie nouvelle, la vraie vie, mais que nous voyons un choix parmi d’autres, plus encore, un poids qu’il ne faudrait pas imposer sans avoir eu l’assentiment du sujet. La réalité est différente. La vie elle-même nous est donnée sans que nous puissions choisir si nous voulons vivre au non ; on ne peut demander à personne : « Veux-tu être né ou pas ? ». La vie elle-même nous est donnée par nécessité sans assentiment préalable, elle nous est donnée ainsi et nous ne pouvons pas décider avant « oui ou non, je veux vivre ou non ». Et, en réalité, la vraie question est : « Est-il juste de donner la vie dans ce monde sans avoir eu un assentiment — veux-tu vivre ou non ? Peut-on réellement anticiper la vie, donner la vie sans que le sujet ait eu la possibilité de décider ? ». Je dirais : cela est possible et cela est juste uniquement si, avec la vie, nous pouvons donner aussi la garantie que la vie, avec tous les problèmes du monde, est bonne, qu’il est bon de vivre, qu’il y a une garantie que cette vie est bonne, qu’elle est protégée par Dieu et qu’elle est un don véritable. Seule l’anticipation du sens justifie l’anticipation de la vie. Et par conséquent, le baptême, comme garantie du bien de Dieu, comme anticipation du sens, du « oui » de Dieu qui protège cette vie, justifie aussi l’anticipation de la vie. Par conséquent, le baptême des enfants n’est pas contre la liberté; il est précisément nécessaire de donner cela, pour justifier aussi le don — autrement discutable — de la vie. Seule la vie qui est entre les mains de Dieu, entre les mains du Christ, immergée dans le nom du Dieu trinitaire, est assurément un bien que l’on peut donner sans scrupule. Et ainsi sommes-nous reconnaissants à Dieu qui nous a donné ce don, qui lui-même s’est donné à nous. Et notre défi est de vivre ce don, de vivre réellement, dans un chemin post-baptismal, tout autant les renoncements que le «oui» et de vivre toujours dans le grand «oui» de Dieu, et ainsi de vivre bien. Merci.


Discours 2005-2013 1452