Benoît XVI Homélies 29407

ORDINATION SACERDOTALE DE 22 NOUVEAUX PRÊTRES POUR LE DIOCÈSE DE ROME - 29 avril 2007

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Basilique Vaticane

IV Dimanche de Pâques, 29 avril 2007

Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers ordinands,
Chers frères et soeurs!

Le IV dimanche de Pâques d'aujourd'hui, traditionnellement appelé du "Bon Pasteur", revêt pour nous, qui sommes rassemblés dans cette Basilique vaticane, une signification particulière. C'est un jour absolument singulier, en particulier pour vous, chers diacres, auxquels, comme Evêque et Pasteur de Rome, je suis heureux de conférer l'Ordination sacerdotale. Vous commencerez ainsi à faire partie de notre "presbyterium". Avec le Cardinal-Vicaire, les Evêques auxiliaires et les prêtres du diocèse, je rends grâce au Seigneur pour le don de votre sacerdoce, qui enrichit notre communauté de 22 nouveaux pasteurs.

La richesse théologique du bref passage évangélique qui vient d'être proclamé, nous aide à mieux percevoir le sens et la valeur de cette célébration solennelle. Jésus parle de lui-même comme du Bon Pasteur qui donne la vie éternelle à ses brebis (cf.
Jn 10,28). L'image du Pasteur est bien enracinée dans l'Ancien Testament et chère à la tradition chrétienne. Le titre de "Pasteur d'Israël" est attribué par les prophètes au futur descendant de David, et possède donc une indubitable importance messianique (cf. Ez 34,23). Jésus est le véritable Pasteur d'Israël, dans la mesure où il est le Fils de l'homme qui a voulu partager la condition des êtres humains pour leur donner la vie nouvelle et les conduire au salut. L'évangéliste ajoute de manière significative au terme "pasteur" l'adjectif kalós, beau, qu'il utilise uniquement en référence à Jésus et à sa mission. Dans le récit des noces de Cana, l'adjectif kalós est également employé deux fois pour caractériser le vin offert par Jésus et il est facile de voir en celui-ci le symbole du bon vin des temps messianiques (cf. Jn 2,10).

"Je leur donne (à mes brebis) la vie éternelle; elles ne périront jamais" (Jn 10,28). C'est ce qu'affirme Jésus, qui, peu de temps auparavant, avait dit: "Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis" (cf. Jn 10,11). Jean utilise le verbe tithénai - offrir, qu'il répète dans les versets suivants (Jn 10,15 Jn 10,17 Jn 10,18); nous trouvons le même verbe dans le récit de la Dernière Cène, lorsque Jésus "déposa" ses vêtements pour ensuite "les reprendre" (cf. Jn 13,4 Jn 13,12). Il est clair que l'on veut affirmer de cette façon que le Rédempteur dispose avec une liberté absolue de sa propre vie, de manière à pouvoir l'offrir et ensuite la reprendre librement. Le Christ est le véritable Bon Pasteur, qui a donné sa vie pour ses brebis, pour nous, en s'immolant sur la Croix. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent, comme le Père Le connaît et Lui connaît le Père (cf. Jn 10,14-15). Il ne s'agit pas d'une pure connaissance intellectuelle, mais d'une relation personnelle profonde; une connaissance du coeur, propre à celui qui aime et qui est aimé; à celui qui est fidèle et qui sait à son tour pouvoir avoir confiance; une connaissance d'amour en vertu de laquelle le Pasteur invite les siens à le suivre, et qui se manifeste pleinement dans le don qu'il leur fait de la vie éternelle (cf. Jn 10,27-28).

Chers ordinands, que la certitude que le Christ ne nous abandonne pas et qu'aucun obstacle ne pourra empêcher la réalisation de son dessein universel de salut soit pour vous un motif de réconfort constant - même dans les difficultés - et d'espérance inébranlable. La bonté du Seigneur est toujours avec vous et elle est forte. Le Sacrement de l'Ordre que vous allez recevoir vous fera participer à la même mission que le Christ; vous serez appelés à répandre la semence de sa Parole, la semence qui contient en elle le Royaume de Dieu, à dispenser la divine miséricorde et à nourrir les fidèles à la table de son Corps et de son Sang. Pour être ses dignes ministres, vous devrez vous nourrir sans cesse de l'Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. En vous approchant de l'autel, votre école quotidienne de sainteté, de communion avec Jésus, de la façon d'entrer dans ses sentiments, pour renouveler le sacrifice de la Croix, vous découvrirez toujours plus la richesse et la tendresse de l'amour du divin Maître, qui vous appelle aujourd'hui à une amitié plus intime avec Lui. Si vous l'écoutez docilement, si vous le suivez fidèlement, vous apprendrez à traduire dans la vie et dans le ministère pastoral son amour et sa passion pour le salut des âmes. Chers ordinands, avec l'aide de Jésus, chacun de vous deviendra un bon pasteur, également prêt à donner, si nécessaire, sa vie pour Lui.

C'est ce qui se passa aux débuts du christianisme avec les premiers disciples, alors que, comme nous l'avons entendu dans la première lecture, l'Evangile se diffusait au milieu des consolations et des difficultés. Il vaut la peine de souligner les dernières paroles du passage des Actes des Apôtres que nous avons écoutées: "Quant aux disciples, ils étaient remplis de joie et de l'Esprit Saint" (Ac 13,52). Malgré les incompréhensions et les oppositions, que nous avons évoquées, l'apôtre du Christ ne perd pas la joie, il est au contraire le témoin de cette joie qui naît du fait d'être avec le Seigneur, de l'amour pour Lui et pour ses frères. Aujourd'hui, en cette Journée mondiale de prière pour les vocations, qui a cette année pour thème: "La vocation au service de l'Eglise communion", nous prions pour que ceux qui sont choisis pour une mission aussi élevée soient accompagnés par la communion priante de tous le fidèles.

Nous prions pour que grandisse dans chaque paroisse et communauté chrétienne l'attention pour les vocations et pour la formation des prêtres: celle-ci commence en famille, se poursuit au séminaire et interpelle tous ceux qui ont à coeur le salut des âmes. Chers frères et soeurs qui participez à cette suggestive célébration, et en premier lieu vous, parents, proches et amis de ces 22 diacres qui, dans quelques instants seront ordonnés prêtres! Entourons ces frères dans le Seigneur de notre solidarité spirituelle. Prions afin qu'ils soient fidèles à la mission à laquelle le Seigneur les appelle aujourd'hui, et qu'ils soient prêts à renouveler chaque jour à Dieu leur "oui", leur "me voici", sans réserve. Et nous demandons au Maître de la moisson, en cette Journée pour les vocations, de continuer à susciter de nombreux et saints prêtres, entièrement dévoués au service du peuple chrétien.

En ce moment si solennel et important de votre existence, c'est encore à vous, chers ordinands, que je m'adresse avec affection. Jésus vous répète aujourd'hui: "Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis". Accueillez et cultivez cette amitié divine avec un "amour eucharistique"! Que Marie, Mère céleste des prêtres, vous accompagne. Elle, qui, sous la Croix, s'est unie au sacrifice de son Fils - et après sa résurrection a accueilli le don de l'Esprit dans le Cénacle, avec les Apôtres et les autres disciples -, vous aide, ainsi que chacun de nous, chers frères dans le sacerdoce, à vous laisser transformer intérieurement par la grâce de Dieu. Ce n'est qu'ainsi qu'il est possible d'être des images fidèles du Bon Pasteur; ce n'est qu'ainsi que l'on peut accomplir avec joie la mission de connaître, guider et aimer le troupeau que Jésus s'est acquis au prix de son sang. Amen!




VOYAGE APOSTOLIQUE AU BRÉSIL À L'OCCASION DE LA V CONFÉRENCE GÉNÉRALE DE L'ÉPISCOPAT LATINO-AMÉRICAIN ET DES CARAÏBES


MESSE ET CANONISATION DE FRÈRE ANTONIO DE SANT'ANNA GALVÃO, OFM - Vendredi 11 mai 2007

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"Campo de Marte", São Paulo

Vendredi 11 mai 2007

Messieurs les Cardinaux,

Monseigneur l'Archevêque de São Paulo et
chers Evêques du Brésil et de l'Amérique latine,
Eminentes Autorités,
Chers frères et soeurs dans le Christ!

"Je bénirai Yahvé en tout temps / sa louange sans cesse en ma bouche" (
Ps 32,2).

1. Réjouissons-nous dans le Seigneur, en ce jour où nous contemplons une autre merveille de Dieu qui, par son admirable Providence, nous permet de goûter un vestige de sa présence dans cet acte de donation d'Amour constitué par le Saint Sacrifice de l'Autel.

Oui, nous ne pouvons que louer notre Dieu. Louons-le tous, peuples du Brésil et de l'Amérique, chantons au Seigneur ses merveilles, car il a fait de grandes choses pour nous. Aujourd'hui, la Sagesse Divine nous permet de nous rassembler autour de son autel, dans une attitude de louange et d'action de grâce, car il nous a accordé la grâce de la canonisation de Frère Antonio de Sant'Anna Galvão.

Je voudrais exprimer mes remerciements pour les paroles affectueuses de l'Archevêque de São Paolo, qui s'est fait l'interprète de vous tous. Je remercie pour votre présence chacun et chacune d'entre vous, que ce soit les habitants de cette grande ville ou ceux qui sont venus d'autres villes et d'autre nations. Je me réjouis car, à travers les moyens de communication, mes paroles et les expressions de mon affection peuvent entrer dans chaque maison et dans chaque coeur. Soyez-en certains: le Pape vous aime, et il vous aime car Jésus Christ vous aime.

Au cours de cette solennelle concélébration eucharistique a été proclamé l'Evangile dans lequel Jésus, dans une attitude de transport intérieur, proclame: "Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits" (Mt 11,25). Je me sens donc heureux, car l'élévation de Frère Galvão à la gloire des autels restera pour toujours accompagnée par la liturgie que l'Eglise nous offre aujourd'hui.

Je salue avec affection toute la communauté franciscaine et, de façon particulière, les moniales conceptionnistes qui, du Monastère de la Lumière, de la capitale de l'Etat de São Paulo, font rayonner la spiritualité et le charisme du premier Brésilien élevé à la gloire des autels.

2. Nous rendons grâce à Dieu pour les bienfaits permanents obtenus grâce à la profonde influence évangélisatrice que l'Esprit Saint a imprimée dans de nombreuses âmes à travers Frère Galvão. Le charisme franciscain, vécu de façon évangélique, a porté des fruits significatifs à travers son témoignage d'adorateur ardent de l'Eucharistie, de guide sage et prudent des âmes qui le recherchaient et de personne éprouvant une profonde dévotion à l'égard de l'Immaculée Conception de Marie, dont il se considérait le "fils et l'esclave perpétuel".

Dieu vient à notre rencontre, "il cherche à nous conquérir - jusqu'à la Dernière Cène, jusqu'au coeur transpercé sur la croix, jusqu'aux apparitions du Ressuscité et aux grandes oeuvres par lesquelles, à travers l'action des Apôtres, Il a guidé le chemin de l'Eglise naissante" (Lettre encyc. Deus caritas est ). Il se révèle à travers sa Parole, dans les Sacrements, en particulier dans l'Eucharistie. La vie de l'Eglise est donc essentiellement eucharistique. Le Seigneur, dans sa providence bienveillante, nous a laissé un signe visible de sa présence.

Pendant la Messe, lorsque nous contemplons le Seigneur, élevé par le prêtre, après la consécration du pain et du vin, ou bien lorsque nous l'adorons avec dévotion exposé dans l'Ostensoir, nous renouvelons notre foi avec une profonde humilité, comme le faisait Frère Galvão en "laus perennis", dans une attitude constante d'adoration. Tout le bien spirituel de l'Eglise est contenu dans la Sainte Eucharistie, c'est-à-dire le Christ lui-même notre Pâques, le Pain vivant qui est descendu du Ciel, vivifié par l'Esprit Saint, et vivifiant, car il donne la Vie aux hommes. Cette mystérieuse et ineffable manifestation de l'amour de Dieu pour l'humanité occupe une place privilégiée dans le coeur des chrétiens. Ils doivent pouvoir connaître la foi de l'Eglise, à travers ses ministres ordonnés, grâce au caractère exemplaire avec lequel ils accomplissent les rites prescrits, qui indiquent toujours dans la liturgie eucharistique le centre de toute l'oeuvre d'évangélisation. Les fidèles doivent, à leur tour, chercher à recevoir et à vénérer le Très Saint Sacrement avec piété et dévotion, en désirant accueillir le Seigneur Jésus avec foi, et en sachant avoir recours, chaque fois que cela sera nécessaire, au Sacrement de la réconciliation pour purifier l'âme de tout péché grave.

3. L'exemple de Frère Galvão est significatif en raison de sa disponibilité au service des personnes, à chaque fois qu'il était interpellé. Il fut un conseiller réputé, le pacificateur des âmes et des familles, le dispensateur de la charité, en particulier envers les pauvres et les malades. Il était très recherché pour les confessions, car empli de zèle, de sagesse et de prudence. Une caractéristique de celui qui aime vraiment est de ne pas vouloir que l'Aimé soit offensé; la conversion des pécheurs était donc la grande passion de notre saint. Soeur Helena Maria, qui a été la première "religieuse" destinée à donner naissance au "Recolhimento de Nossa Senhora da Conceiçao", a témoigné de ce que Frère Galvão avait dit: "Priez pour que Dieu, notre Seigneur, relève les pécheurs avec son bras puissant du misérable abîme des fautes dans lequel ils se trouvent". Puisse ce délicat avertissement nous servir d'encouragement pour reconnaître dans la Miséricorde Divine le chemin vers la réconciliation avec Dieu, avec notre prochain et pour la paix de nos consciences.

4. Unis avec le Seigneur dans la communion suprême de l'Eucharistie et réconciliés avec Lui et avec notre prochain, nous serons ainsi les artisans de cette paix que le monde ne réussit pas à donner. Les hommes et les femmes de ce monde pourront-ils trouver la paix s'ils ne sont pas conscients de la nécessité de se réconcilier avec Dieu, avec leur prochain et avec eux-mêmes? C'est la raison pour laquelle ce que l'Assemblée du Sénat de São Paulo écrivit au Ministre provincial des Franciscains, à la fin du XVIII siècle, définissant Frère Galvão un "homme de paix et de charité", possède une profonde signification. Que nous demande le Seigneur? "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés". Mais immédiatement après, il ajoute: "Portez du fruit, et que votre fruit demeure" (cf. Jn 15,12 Jn 15,16). Et quel fruit nous demande-t-il, sinon celui de savoir aimer, en nous inspirant de l'exemple du saint de Guaratinguetá?

La renommée de son immense charité ne connaissait pas de limites. Des personnes provenant de toutes les parties du pays venaient voir Frère Galvão, qui accueillait chacun paternellement. Il y avait des pauvres, des malades dans leur corps ou dans leur esprit, qui imploraient son aide.

Jésus ouvre son coeur et il nous révèle le centre de tout son message rédempteur: "Nul n'a de plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (ibid., v. Jn 15,13). Lui-même aima jusqu'à donner sa propre vie pour nous sur la Croix. L'action de l'Eglise et des chrétiens dans la société doit elle aussi posséder cette même inspiration. Les initiatives de pastorale sociale, si elles sont orientées vers le bien des pauvres et des malades, portent en elles ce sceau divin. Le Seigneur compte sur nous et nous appelle amis, car ce n'est qu'à ceux que nous aimons de cette façon que nous sommes capables de donner la vie offerte par Jésus à travers sa grâce.

Comme nous le savons, la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain aura pour thème fondamental: "Disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui". Alors, comment ne pas voir la nécessité d'écouter l'appel avec une ferveur renouvelée, pour pouvoir répondre généreusement aux défis que l'Eglise qui est au Brésil et en Amérique latine est appelée à affronter?

5. "Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai" dit le Seigneur dans l'Evangile (Mt 11,28). Telle est la recommandation finale qu'Il nous adresse. Comment ne pas voir ici le sentiment paternel, et en même temps maternel, de Dieu à l'égard de tous ses enfants? Marie, la Mère de Dieu et notre Mère, est particulièrement liée à nous en ce moment. Frère Galvão affirma avec une voix prophétique la vérité de l'Immaculée Conception. Elle, la Tota Pulchra, la Vierge Très pure, qui a conçu dans son sein le Rédempteur des hommes et qui a été préservée de toute tache originelle, veut être le sceau définitif de notre rencontre avec Dieu, notre Sauveur. Il n'existe aucun fruit de grâce, dans notre histoire du salut, qui n'ait pour instrument nécessaire la médiation de Notre-Dame.

De fait, notre saint s'est donné de manière irrévocable à la Mère de Jésus, dès sa jeunesse, désirant lui appartenir pour toujours et choisissant la Vierge Marie comme la Mère et la Protectrice de ses filles spirituelles.

Très chers amis et amies, quel bel exemple à suivre nous a donné Frère Galvão! Comme les paroles inscrites dans la formule de sa consécration: "Ôte-moi plutôt la vie, avant que je n'offense ton Fils béni, mon Seigneur!" retentissent de manière actuelle pour nous, qui vivons à une époque si chargée d'hédonisme. Ce sont des paroles fortes, d'une âme passionnée, des paroles qui devraient faire partie de la vie normale de chaque chrétien, qu'il soit consacré ou non, et qui réveillent des désirs de fidélité à Dieu, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du mariage. Le monde a besoin de vies transparentes, d'âmes claires, d'intelligences simples, qui refusent d'être considérées comme des créatures objets de plaisir. Il est nécessaire de dire non à ces moyens de communication sociale qui tournent en ridicule la sainteté du mariage et la virginité avant le mariage.

C'est précisément là que nous est donnée dans la Vierge la meilleure défense contre les maux qui affligent la vie moderne; la dévotion mariale est la garantie certaine de protection maternelle et de tutelle à l'heure de la tentation. Et quelle ne sera pas cette mystérieuse présence de la Vierge Très pure, lorsque nous invoquerons la protection et l'aide de la Senhora Aparecida? Nous déposons entre ses mains très saintes la vie des prêtres et des laïcs consacrés, des séminaristes et de tous ceux qui sont appelés à la vie religieuse.

6. Chers amis, permettez-moi de finir en repensant à la Veillée de prière de Marienfeld, en Allemagne: face à une multitude de jeunes, j'ai voulu qualifier les saints de notre époque de véritables réformateurs. Et j'ai ajouté: "C'est seulement des saints, c'est seulement de Dieu que vient la véritable révolution, le changement décisif du monde" (Homélie du 20 août 2005). Telle est l'invitation que j'adresse aujourd'hui à vous tous, du premier au dernier, dans cette Eucharistie sans frontières. Dieu dit: "Vous êtes devenus saints car je suis saint" (Lv 11,44). Nous rendons grâce à Dieu le Père, à Dieu le Fils, à Dieu l'Esprit Saint, dont nous parviennent, par l'intercession de la Vierge Marie, toutes les bénédictions du ciel; dont nous parvient ce don qui, avec la foi, est la plus grande grâce qui puisse être accordée à une créature: le désir ferme d'atteindre la plénitude de la charité, dans la conviction que la sainteté non seulement est possible, mais également nécessaire à chacun dans son propre état de vie, pour révéler au monde le véritable visage du Christ, notre ami! Amen!


MESSE D'INAUGURATION DE LA Ve CONFÉRENCE GÉNÉRALE DE L’ÉPISCOPAT LATINO-AMÉRICAIN ET DES CARAÏBES - dimanche 13 mai 2007

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Esplanade du Sanctuaire d'Aparecida

VI Dimanche de Pâques 13 mai 2007


Chers frères dans l'épiscopat,

chers prêtres, et vous tous, frères et soeurs dans le Seigneur!

Les mots me manquent pour exprimer la joie de me trouver avec vous pour célébrer cette Eucharistie solennelle, à l'occasion de l'inauguration de la Cinquième Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes. J'adresse à chacun de vous mon salut le plus cordial, en particulier à S.Exc. Mgr Raymundo Damasceno Assis, que je remercie des paroles qu'il m'a adressées au nom de toute l'assemblée, et aux Cardinaux Présidents de cette Conférence générale. Je salue avec respect les Autorités civiles et militaires qui nous font l'honneur de leur présence. Depuis ce sanctuaire, j'étends ma pensée pleine d'affection et de prière, à tous ceux qui sont spirituellement unis à nous, en particulier aux communautés de vie consacrée, aux jeunes engagés dans les associations et dans les mouvements, aux familles, ainsi qu'aux malades et aux personnes âgées. Je dis à tous: "Grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (
1Co 1,3).

Je considère comme un don extraordinaire de la Providence que cette Messe soit célébrée en ce temps et en ce lieu. Le temps est le temps liturgique de Pâques, arrivé au sixième Dimanche: la Pentecôte est désormais proche, et l'Eglise est invitée à intensifier l'invocation à l'Esprit Saint. Le lieu est le sanctuaire national de Notre-Dame d'Aparecida, coeur marial du Brésil: Marie nous accueille dans ce Cénacle et, en tant que Mère et Maîtresse, elle nous aide à élever à Dieu une prière unanime et confiante. Cette célébration liturgique constitue le fondement le plus solide de la V Conférence, parce qu'elle place à sa base la prière et l'Eucharistie, Sacramentum caritatis. En effet, seule la charité du Christ, répandue par l'Esprit Saint, peut faire de cette réunion un authentique événement ecclésial, un moment de grâce pour ce continent et pour le monde entier. Cet après-midi, j'aurai l'opportunité d'aborder directement les détails des réflexions suggérées par le thème de votre Conférence. A présent, laissons la place à la Parole de Dieu, que nous avons la joie d'accueillir ensemble sur le modèle de Marie, Notre-Dame de la Conception, avec un coeur ouvert et docile afin que, par la puissance de l'Esprit Saint, le Christ puisse à nouveau "s'incarner" dans l'aujourd'hui de notre histoire.

La première Lecture, tirée des Actes des Apôtres, fait référence à ce que l'on appelle le "Concile de Jérusalem", qui affronta la question de savoir si l'on devait imposer l'observance de la loi mosaïque aux païens devenus chrétiens. Le texte, passant sur la discussion entre "les apôtres et les anciens" (Ac 15,4-21), rapporte la décision finale qui est mise par écrit dans une lettre et confiée à deux délégués, afin qu'ils la portent à la communauté d'Antioche (Ac 15,22-29). Cette page des Actes est tout à fait appropriée pour nous, qui sommes nous aussi rassemblés ici pour une réunion ecclésiale. Elle nous rappelle le sens de discernement communautaire autour des grandes problématiques que l'Eglise rencontre le long de son chemin et qui sont éclaircies par les "apôtres" et par les "anciens" à la lumière de l'Esprit Saint qui, comme le dit l'Evangile d'aujourd'hui, rappelle l'enseignement de Jésus Christ (cf. Jn 14,26) et aide ainsi la communauté chrétienne à cheminer dans la charité vers la pleine vérité (cf. Jn 16,13). Les chefs de l'Eglise discutent et se confrontent, mais toujours avec une attitude d'écoute religieuse de la Parole du Christ, dans l'Esprit Saint. C'est pourquoi ils peuvent à la fin affirmer: "L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé..." (Ac 15,28).

Telle est la "méthode" avec laquelle nous travaillons dans l'Eglise, dans les petites comme dans les grandes assemblées. Ce n'est pas seulement une question de procédure, c'est le reflet de la nature même de l'Eglise, mystère de communion avec le Christ dans l'Esprit Saint. Dans le cas des Conférences générales de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, la première, celle de Rio de Janeiro, s'appuya sur une Lettre envoyée par le Pape Pie XII, de vénérée mémoire; lors des suivantes, jusqu'à celle-ci, l'Evêque de Rome s'est lui-même rendu au siège de la réunion continentale pour en présider les phases initiales. Avec une pieuse reconnaissance, nous tournons notre pensée vers les Serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II qui, lors des Conférences de Medellín, Puebla et Saint-Domingue, ont apporté le témoignage de la proximité de l'Eglise universelle aux Eglises qui sont en Amérique latine et qui constituent, en proportion, la majeure partie de la communauté catholique.

"L'Esprit Saint et nous-mêmes". Telle est l'Eglise: nous, la communauté des croyants, le Peuple de Dieu, avec ses Pasteurs appelés à en guider le chemin; avec l'Esprit Saint, Esprit du Père envoyé au nom du Fils Jésus, Esprit de Celui qui est "plus grand" que tous et qui nous est donné par l'intermédiaire du Christ, qui s'est fait "petit" pour nous. Esprit Paraclet, Ad-vocatus, Défenseur et Consolateur. Il nous fait vivre en présence de Dieu, dans l'écoute de sa Parole, libérés du trouble et de la crainte, en ayant dans le coeur la paix que Jésus nous a laissée et que le monde ne peut donner (cf. Jn 14,26-27). L'Esprit accompagne l'Eglise sur le long chemin qui s'étend entre la première et la seconde venue du Christ: "Je m'en vais et je reviendrai vers vous" (Jn 14,28), dit Jésus aux Apôtres. Entre l'"aller" et le "retour" du Christ, il y a son Corps; il y a deux mille ans qui se sont déjà écoulés; il y a également ces plus de cinq siècles au cours desquels l'Eglise est allée en pèlerinage dans les Amériques, en diffusant parmi les croyants la vie du Christ à travers les Sacrements et en semant dans ces terres la bonne semence de l'Evangile, qui a parfois rendu trente, parfois soixante et parfois cent pour un. Temps de l'Eglise, Temps de l'Esprit: c'est Lui le Maître qui forme les disciples; il leur fait aimer Jésus; il les éduque à l'écoute de sa Parole, à la contemplation de son Visage; il les conforme à son Humanité bienheureuse, pauvre en esprit, affligée, douce, affamée de justice, miséricordieuse, au coeur pur, artisan de paix, persécutée pour la justice (cf. Mt 5,3-10). Ainsi, grâce à l'action de l'Esprit Saint, Jésus devient le "Chemin" sur lequel le disciple s'achemine. "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole", dit Jésus au début du passage évangélique d'aujourd'hui. "La parole que vous entendez n'est pas de moi mais du Père qui m'a envoyé" (Jn 14,23-24). Comme Jésus transmet la parole du Père, de même, l'Esprit Saint rappelle à l'Eglise les paroles du Christ (cf. Jn 14,26). Et comme l'amour pour le Père conduisait Jésus à se nourrir de sa volonté, de même, notre amour pour Jésus se démontre dans l'obéissance à ses paroles. La fidélité de Jésus à la volonté du Père peut se communiquer aux disciples grâce à l'Esprit Saint, qui déverse l'amour dans leurs coeurs (cf. Rm 5,5).

Le Nouveau Testament nous présente le Christ comme le missionnaire du Père. Dans l'Evangile de Jean en particulier, Jésus parle très souvent de lui-même en relation au Père, qui l'a envoyé dans le monde. Ainsi, dans le texte d'aujourd'hui également, Jésus dit: "La parole que vous entendez n'est pas de moi, mais du Père qui m'a envoyé" (Jn 14,24). En ce moment, chers amis, nous sommes invités à fixer le regard sur Lui, parce que la mission de l'Eglise ne subsiste que comme le prolongement de celle du Christ: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20,21). Et l'évangéliste souligne, également par un geste, que ce passage de consignes a lieu dans l'Esprit Saint: "Il souffla sur eux et leur dit: "Recevez l'Esprit Saint..."" (Jn 20,22). La mission du Christ s'est accomplie dans l'amour. Il a allumé dans le monde le feu de la charité de Dieu (cf. Lc 12,49). C'est l'Amour qui donne la vie: c'est pourquoi l'Eglise est envoyée pour répandre dans le monde la charité du Christ, pour que les hommes et les peuples "aient la vie et qu'ils l'aient surabondante" (Jn 10,10). A vous aussi, qui représentez l'Eglise qui est en Amérique latine, j'ai la joie de remettre aujourd'hui idéalement mon Encyclique Deus caritas est, par laquelle j'ai voulu indiquer à tous ce qui est essentiel dans le message chrétien. L'Eglise se sent disciple et missionnaire de cet Amour: missionnaire uniquement en tant que disciple, c'est-à-dire capable de se laisser toujours attirer avec un émerveillement renouvelé par Dieu qui nous a aimés et nous aime le premier (cf. 1Jn 4,10). L'Eglise ne fait pas de prosélytisme. Elle se développe plutôt par "attraction": comme le Christ "attire chacun à lui" par la force de son amour, qui a culminé dans le sacrifice de la Croix, de même, l'Eglise accomplit sa mission dans la mesure où, associée au Christ, elle accomplit chacune de ses oeuvres en conformité spirituelle et concrète avec la charité de son Seigneur.

Chers frères! Voici le trésor inestimable dont le continent latino-américain est riche, voici son patrimoine le plus précieux: la foi dans le Dieu Amour qui, en Jésus Christ, a révélé son visage. Vous croyez dans le Dieu Amour: telle est votre force, qui vainc le monde, la joie que rien ni personne ne pourra vous enlever, la paix que le Christ a conquise pour vous avec sa Croix! C'est la foi qui a fait de l'Amérique le "Continent de l'Espérance". Ce n'est pas une idéologie politique, ce n'est pas un mouvement social, ce n'est pas un système économique; c'est la foi dans le Dieu Amour, incarné, mort et ressuscité en Jésus Christ, l'authentique fondement de cette espérance qui a porté tant de fruits magnifiques, depuis l'époque de la première évangélisation jusqu'à aujourd'hui, comme l'atteste le grand nombre de saints et de bienheureux que l'Esprit a suscités partout sur le continent. Le Pape Jean-Paul II vous a appelés à une nouvelle évangélisation, et vous avez accueilli son mandat avec la générosité et l'engagement qui vous caractérisent. Je vous le confirme et, en reprenant les paroles de cette Cinquième Conférence, je vous dis: soyez de fidèles disciples, afin d'être des missionnaires courageux et efficaces.

La deuxième Lecture nous a présenté la merveilleuse vision de la Jérusalem céleste. C'est une image d'une splendide beauté, qui n'a rien de décoratif, mais où tout concourt à la parfaite harmonie de la Cité sainte. Jean le voyant écrit que celle-ci "descendait du ciel, de chez Dieu, avec en elle la gloire de Dieu" (Ap 21,10). Mais la gloire de Dieu est l'Amour; la Jérusalem céleste est donc une icône de l'Eglise tout entière sainte et glorieuse, sans tache ni ride (cf. Ep 5,27), où rayonne en son centre et dans chacune de ses parties la présence de Dieu Charité. Elle est appelée "épouse", "l'Epouse de l'Agneau" (Ap 21,9), parce que la figure nuptiale qui traverse du début à la fin la révélation biblique trouve son accomplissement dans celle-ci. La Cité-Epouse est la patrie de la pleine communion de Dieu avec les hommes; en elle, il n'y a besoin d'aucun temple ni d'aucune source extérieure de lumière, parce que la présence de Dieu et de l'Agneau est immanente et l'éclaire de l'intérieur.

Cette merveilleuse icône a une valeur eschatologique: elle exprime le mystère de la beauté qui constitue déjà la forme de l'Eglise, même si elle n'est pas encore parvenue à sa plénitude. C'est la destination de notre pèlerinage, la patrie qui nous attend et à laquelle nous aspirons. La voir avec les yeux de la foi, la contempler et la désirer, ne doit pas constituer un motif d'évasion de la réalité historique où l'Eglise vit en partageant les joies et les espérances, les douleurs et les angoisses de l'humanité contemporaine, en particulier des plus pauvres et de ceux qui souffrent (cf. Const. Gaudium et spes GS 1). Si la beauté de la Jérusalem céleste est la gloire de Dieu, c'est-à-dire son amour, c'est précisément et uniquement dans la charité que nous pouvons nous approcher de celle-ci et, dans une certaine mesure, déjà y habiter. Celui qui aime le Seigneur Jésus et observe sa parole fait l'expérience déjà dans ce monde de la mystérieuse présence de Dieu Un et Trine, comme nous l'avons entendu dans l'Evangile: "Nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui" (Jn 14,23). Chaque chrétien, par conséquent, est appelé à devenir une pierre vivante de cette splendide "demeure de Dieu avec les hommes". Quelle magnifique vocation!

Une Eglise tout entière animée et mue par la charité du Christ, Agneau immolé par amour, est l'image historique de la Jérusalem céleste, l'anticipation de la Cité sainte, resplendissante de la gloire de Dieu. Elle libère une force missionnaire irrésistible, qui est la force de la sainteté. Que la Vierge Marie obtienne pour l'Eglise qui est en Amérique latine et dans les Caraïbes d'être revêtue en abondance de la puissance d'en-haut (cf. Lc 24,49) pour faire rayonner sur le continent et sur le monde entier la sainteté du Christ. Gloire à Lui, avec le Père et l'Esprit Saint, pour les siècles des siècles. Amen.



Benoît XVI Homélies 29407