Benoît XVI Homélies 28607

PREMIÈRES VÊPRES DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL - Jeudi 28 juin 2007

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Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs

Jeudi 28 juin 2007

Messieurs les Cardinaux,

vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Au cours de ces Premières Vêpres de la solennité des saints Pierre et Paul, nous commémorons avec gratitude ces deux Apôtres, dont le sang, avec celui de tant d'autres témoins de l'Evangile, a rendu féconde l'Eglise de Rome. Dans leur souvenir, je suis heureux de vous saluer tous, chers frères et soeurs, à commencer par Monsieur le Cardinal-Archiprêtre et par les autres Cardinaux et Evêques présents, par le Père Abbé et par la Communauté bénédictine à laquelle est confiée cette Basilique, jusqu'aux ecclésiastiques, aux religieuses et aux religieux et aux fidèles laïcs réunis ici. J'adresse un salut particulier à la délégation du Patriarcat oecuménique de Constantinople, qui répond à la présence de la délégation du Saint-Siège à Istanbul, à l'occasion de la fête de saint André. Comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques jours, ces rencontres et ces initiatives ne constituent pas simplement un échange de politesses entre Eglises, mais elles veulent exprimer l'engagement commun à faire tout ce qui est possible pour accélérer les temps de la pleine communion entre l'Orient et l'Occident chrétiens. Avec ces sentiments, je me tourne avec respect vers les Métropolites Emmanuel et Gennadios, envoyés par le cher Frère Bartholomaios I, auquel j'adresse une pensée reconnaissante et cordiale. Cette Basilique qui a vu des événements d'une profonde signification oecuménique, nous rappelle combien il est important de prier ensemble pour implorer le don de l'unité, cette unité à laquelle saint Pierre et saint Paul ont consacré leur existence jusqu'au sacrifice suprême du sang.

Une très ancienne tradition, qui remonte aux temps apostoliques, raconte que c'est précisément à proximité de ce lieu que se déroula leur dernière rencontre avant le martyre: ils se seraient embrassés, bénis mutuellement. Et sur la porte principale de cette Basilique, ils sont représentés ensemble, avec les scènes du martyre de chacun d'eux. Dès le début, donc, la tradition chrétienne a considéré Pierre et Paul inséparables l'un de l'autre, même s'ils eurent chacun une mission différente à accomplir: Pierre fut le premier à confesser la foi dans le Christ, Paul obtint le don de pouvoir en approfondir la richesse. Pierre fonda la première communauté des chrétiens provenant du peuple élu, Paul devint l'apôtre des païens. Avec des charismes différents, ils oeuvrèrent pour une unique cause: l'édification de l'Eglise du Christ. Dans l'Office des Lectures, la liturgie offre à notre méditation ce texte bien connu de saint Augustin: "Un seul jour est consacré à la fête des deux apôtres. Mais eux aussi ne faisaient qu'un. Bien qu'ils aient subi le martyre en des jours différents, ils ne faisaient qu'un. Pierre précéda, Paul suivit... C'est pourquoi nous célébrons ce jour de fête, consacré pour nous par le sang des apôtres" (Disc. 295, 7.8). Et saint Léon le Grand commente: "De leurs mérites et de leurs vertus, supérieurs à ce que l'on peut dire, nous ne devons rien penser qui les oppose, rien qui les divise, parce que l'élection les a rendus des pairs, la difficulté des semblables et la fin des égaux" (In natali apostol., 69, 6-7).

A Rome, le lien qui rapproche Pierre et Paul dans la mission a pris, dès les premiers siècles, une signification très spécifique. Comme le couple mythique des frères Romulus et Rémus, auxquels l'on faisait remonter la naissance de Rome, ainsi Pierre et Paul furent considérés comme les fondateurs de l'Eglise de Rome. Saint Léon le Grand dit à ce propos, en s'adressant à la ville: "Voici tes saints pères, tes vrais pasteurs qui, pour te rendre digne du royaume des cieux, ont édifié beaucoup mieux et avec bien plus de bonheur que ceux qui oeuvrèrent à jeter les premières fondations de tes murs" (Homélies 82, 7). Bien qu'humainement différents l'un de l'autre, et bien que la relation entre eux ne fût pas exempte de tensions, Pierre et Paul apparaissent donc comme les initiateurs d'une nouvelle cité, comme la concrétisation d'une manière nouvelle et authentique d'être frères, rendue possible par l'Evangile de Jésus Christ. C'est pourquoi l'on pourrait dire qu'aujourd'hui l'Eglise de Rome célèbre le jour de sa naissance, puisque les deux Apôtres en établirent les fondations. En outre, Rome ressent aujourd'hui avec davantage de conscience quelle est sa mission et sa grandeur. Saint Jean Chrysostome écrit que "le ciel n'est pas aussi splendide lorsque le soleil diffuse ses rayons, que ne l'est la ville de Rome qui rayonne de la splendeur de ces flambeaux ardents (Pierre et Paul) à travers le monde... Telle est la raison pour laquelle nous aimons cette ville... pour ces deux piliers de l'Eglise" (Comm. a RM 32).

Nous commémorerons l'Apôtre Pierre plus particulièrement demain, en célébrant le Sacrifice divin dans la Basilique vaticane, construite sur le lieu où il subit le martyre. Ce soir, notre regard se tourne vers saint Paul, dont les reliques sont conservées avec une grande vénération dans cette Basilique. Au début de la Lettre aux Romains, comme nous venons de l'entendre, il salue la communauté de Rome en se présentant comme le "serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation" (
Rm 1,1). Il utilise le terme serviteur, en grec doulos, qui indique une relation d'appartenance totale et inconditionnée à Jésus, le Seigneur, et qui traduit l'hébreu 'ebed, faisant ainsi allusion aux grands serviteurs que Dieu a choisis et appelés pour une mission importante. Paul est conscient d'être "apôtre par vocation", c'est-à-dire non en vertu d'une candidature spontanée ni d'une charge qui lui aurait été confiée humainement, mais uniquement par un appel et une élection divine. Dans son épistolier, l'Apôtre des nations répète plusieurs fois que tout dans sa vie est le fruit de l'initiative gratuite et miséricordieuse de Dieu (cf. 1Co 15,9-10 2Co 4,1 Ga 1,15). Il fut choisi "pour annoncer l'Evangile de Dieu" (Rm 1,1), pour répandre l'annonce de la Grâce divine qui réconcilie en Christ, l'homme avec Dieu, avec lui-même et avec les autres.

Par ses Lettres, nous savons que Paul fut bien plus qu'un habile orateur; il partageait même avec Moïse et avec Jérémie le manque de talent oratoire. "C'est un corps chétif et sa parole est nulle" (2Co 10,10), disaient de lui ses adversaires. Les résultats apostoliques extraordinaires qu'il put obtenir ne sont donc pas à attribuer à une brillante rhétorique ou à des stratégies apologétiques et missionnaires raffinées. Le succès de son apostolat dépend surtout d'une implication personnelle dans l'annonce de l'Evangile avec un dévouement total pour le Christ; un dévouement qui ne craignit pas les risques, les difficultés et les persécutions: "Ni mort ni vie - écrivait-il aux Romains -, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur" (Rm 8,38-39). Nous pouvons en tirer une leçon plus que jamais importante pour chaque chrétien. L'action de l'Eglise est crédible et efficace uniquement dans la mesure où ceux qui en font partie sont disposés à payer de leur personne leur fidélité au Christ, dans chaque situation. Là où cette disponibilité fait défaut, manque l'argument décisif de la vérité dont dépend l'Eglise elle-même.

Chers frères et soeurs, comme aux commencements, aujourd'hui aussi le Christ a besoin d'apôtres prêts à se sacrifier eux-mêmes. Il a besoin de témoins et de martyrs comme saint Paul: autrefois violent persécuteur des chrétiens, lorsque sur le chemin de Damas il tomba à terre ébloui par la lumière divine, il passa sans hésitation du côté du Crucifié et il le suivit sans regret. Il vécut et travailla pour le Christ; pour Lui, il souffrit et il mourut. Combien son exemple est aujourd'hui d'actualité!

Et c'est précisément pour cette raison que je suis heureux d'annoncer officiellement que nous consacrerons à l'Apôtre Paul une année jubilaire spéciale du 28 juin 2008 au 29 juin 2009, à l'occasion du bimillénaire de sa naissance, que les historiens situe entre 7 et 10 après Jésus-Christ. Cette "Année de saint Paul" pourra se dérouler de manière privilégiée à Rome, où depuis vingt siècles est conservé sous l'autel pontifical de cette Basilique le sarcophage qui, selon l'avis concordant des spécialistes et une tradition incontestée, conserve les restes de l'apôtre Paul. Dans l'enceinte de la Basilique pontificale et de l'Abbaye bénédictine homonyme attenante pourront donc avoir lieu une série d'événements liturgiques, culturels et oecuméniques, ainsi que diverses initiatives pastorales et sociales, toutes inspirées à la spiritualité paulinienne. En outre, une attention particulière pourra être accordée aux pèlerins qui, de différents lieux, voudront se rendre dans un esprit de pénitence auprès de la tombe de l'Apôtre pour y trouver un bénéfice spirituel. Des Congrès d'études et des publications spéciales sur des textes pauliniens verront également le jour, pour faire connaître toujours mieux l'immense richesse de l'enseignement qu'ils renferment, véritable patrimoine de l'humanité rachetée par le Christ. En outre, partout à travers le monde, des initiatives analogues pourront être réalisées dans les diocèses, dans les sanctuaires, dans les lieux de culte, par des institutions religieuses, d'étude et d'assistance, qui portent le nom de saint Paul ou qui s'inspirent de sa figure et de son enseignement. Il y a enfin un aspect particulier qui devra être soigné avec une attention particulière au cours de la célébration des divers moments du bimillénaire paulinien: je veux parler de la dimension oecuménique. L'Apôtre des nations, particulièrement engagé dans l'annonce de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, s'est totalement prodigué pour l'unité et la concorde entre tous les chrétiens. Veuille-t-il nous guider et nous protéger dans cette célébration bimillénaire, en nous aidant à progresser dans la recherche humble et sincère de la pleine unité de tous les membres du Corps mystique du Christ. Amen!



CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

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Basilique Vaticane

Vendredi 29 juin 2007

Chers frères et soeurs!


Hier après-midi je me suis rendu dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, où j'ai célébré les Premières Vêpres de la solennité d'aujourd'hui des saints Pierre et Paul. Auprès du sépulcre de l'Apôtre des nations, j'ai rendu hommage à sa mémoire et j'ai annoncé l'Année de saint Paul qui, à l'occasion du bimillénaire de sa naissance, se déroulera du 28 juin 2008 au 29 juin 2009. Ce matin, selon la tradition, nous nous retrouvons en revanche auprès du sépulcre de saint Pierre. Les Archevêques métropolitains nommés au cours de l'année écoulée et auxquels j'adresse mon salut spécial, sont présents ici pour recevoir le pallium. Est également présente une éminente délégation, envoyée par le Patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomaïos I, que j'accueille avec une cordiale reconnaissance en repensant au 30 novembre dernier, lorsque je me trouvais à Istanbul-Constantinople pour la fête de saint André. Je salue le Métropolite grec orthodoxe de France, Emmanuel, le Métropolite de Sassima, Gennadios, et le Diacre Andreas. Soyez les bienvenus, chers frères. Chaque année la visite que nous nous rendons réciproquement est le signe que la recherche de la pleine communion est toujours présente dans la volonté du Patriarche oecuménique et de l'Evêque de Rome.

La fête d'aujourd'hui m'offre l'opportunité de revenir encore une fois méditer sur la confession de Pierre, un moment décisif du chemin des disciples avec Jésus. Les Evangiles synoptiques le situent à proximité de Césarée de Philippe (cf.
Mt 16,13-20 Mc 8,27-30 Lc 9,18-22). Jean, pour sa part, nous transmet une autre confession significative de Pierre, après le miracle des pains et le discours de Jésus dans la Synagogue de Capharnaüm (cf. Jn 6,66-70). Matthieu, dans le texte qui vient d'être proclamé, rappelle l'attribution à Simon de la part de Jésus du surnom de Céphas, "Pierre". Jésus affirme vouloir édifier "sur cette pierre" son Eglise et, dans cette perspective, il confère à Pierre le pouvoir des clés (cf. Mt 16,17-19). A partir de ces récits, il apparaît clairement que la confession de Pierre est inséparable de la charge pastorale qui lui est confiée à l'égard du troupeau du Christ.

Selon tous les Evangélistes, la confession de Simon a lieu à un moment décisif de la vie de Jésus lorsque, après la prédication en Galilée, il se dirige résolument vers Jérusalem pour mener à bien, à travers la mort sur la croix et la résurrection, sa mission salvifique. Les disciples participent à cette décision: Jésus les invite à faire un choix qui les conduira à se distinguer de la foule pour devenir la communauté des croyants en Lui, sa "famille", le début de l'Eglise. En effet, il y a deux manières de "voir" et de "connaître" Jésus: l'une - celle de la foule - plus superficielle, l'autre - celle des disciples - plus pénétrante et plus authentique. Avec la double question: "Que disent les gens - Que dites-vous de moi?", Jésus invite les disciples à prendre conscience de cette perspective différente. Les gens pensent que Jésus est un prophète. Ce n'est pas faux, mais cela n'est pas suffisant; cela est impropre. Il s'agit en effet d'aller en profondeur, de reconnaître la singularité de la personne de Jésus de Nazareth, sa nouveauté. Aujourd'hui aussi, il en est de même: beaucoup approchent Jésus, pour ainsi dire, de l'extérieur. De grands chercheurs en reconnaissent l'envergure spirituelle et morale et l'influence sur l'histoire de l'humanité, en le comparant à Bouddha, Confucius, Socrate et aux autres sages et grands personnages de l'histoire. Il ne parviennent pas toutefois à le reconnaître dans son unicité. Il vient à l'esprit ce que dit Jésus à Philippe au cours de la Dernière Cène: "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe?" (Jn 14,9). Souvent Jésus est également considéré comme l'un des grands fondateurs de religions, dont chacun peut prendre quelque chose pour se former une conviction propre. Comme à l'époque, aujourd'hui aussi, les "gens" ont donc des opinions différentes sur Jésus. Et comme à l'époque, à nous aussi, disciples d'aujourd'hui, Jésus répète sa question: "Mais pour vous, qui suis-je?". Nous voulons faire nôtre la réponse de Pierre. Selon l'Evangile de Marc, Il dit: "Tu es le Christ" (Mc 8,29); chez Luc l'affirmation est: "Le Christ de Dieu" (Lc 9,20); chez Matthieu résonne: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16); enfin, chez Jean: "Tu es le Saint de Dieu" (Jn 6,69). Ce sont autant de réponses justes, valables pour nous également.

Arrêtons-nous en particulier sur le texte de Matthieu, reproposé par la liturgie d'aujourd'hui. Selon certains chercheurs, la formule qui y apparaît présuppose le contexte post-pascal, et serait même liée à une apparition personnelle de Jésus ressuscité à Pierre; une apparition analogue à celle qu'eut Paul sur le chemin de Damas. En réalité la charge conférée par le Seigneur à Pierre est enracinée dans la relation personnelle que la personne historique de Jésus eut avec le pêcheur Simon, à commencer par la première rencontre avec lui, lorsqu'il lui dit: "Tu es Simon... tu t'appelleras Céphas (qui veut dire Pierre)" (Jn 1,42). C'est l'évangéliste Jean qui le souligne, lui aussi pêcheur et associé, avec son frère Jacques, des deux frères Simon et André. Le Jésus qui, après la résurrection, appela Saul, est le même qui - encore plongé dans l'histoire - approcha, après le baptême dans le Jourdain, les quatre frères pêcheurs, alors disciples du Baptiste (cf. Jn 1,35-42). Il alla les chercher sur la rive du lac de Galilée, et il les appela à le suivre pour être des "pêcheurs d'hommes" (cf. Mc 1,16-20). Il confia ensuite à Pierre un devoir particulier, en reconnaissant ainsi en lui un don spécial de foi de la part du Père céleste. Tout cela, évidemment, reçut ensuite l'éclairage de l'expérience pascale, mais en demeurant toujours fermement ancré dans les événements historiques précédant la Pâque. Le parallélisme entre Pierre et Paul ne peut pas réduire la portée du chemin historique de Simon avec son Maître et Seigneur, qui dès le commencement lui attribua la caractéristique de "roc" sur lequel il allait édifier sa nouvelle communauté, l'Eglise.

Dans les Evangiles synoptiques la confession de Pierre est toujours suivie par l'annonce, de la part de Jésus, de sa passion prochaine. Une annonce devant laquelle Pierre réagit, parce qu'il ne réussit pas encore à comprendre. Et il s'agit pourtant d'un élément fondamental, sur lequel Jésus insiste donc avec force. En effet, les titres qui Lui sont attribués par Pierre - tu es "le Christ", "le Christ de Dieu, "le Fils du Dieu vivant" - ne se comprennent de manière authentique qu'à la lumière du mystère de sa mort et de sa résurrection. Et le contraire est également vrai: l'événement de la croix révèle son sens plénier seulement si "cet homme", qui a souffert et qui est mort sur la croix, "était vraiment fils de Dieu", pour reprendre les paroles prononcées par le centurion devant le Crucifié (cf. Mc 15,39). Ces textes disent clairement que l'intégrité de la foi chrétienne est donnée par la confession de Pierre, éclairée par l'enseignement de Jésus sur son "chemin" vers la gloire, c'est-à-dire sur sa manière absolument singulière d'être le Messie et le Fils de Dieu. Un "chemin" étroit, une "manière" scandaleuse pour les disciples de tout temps, qui inévitablement sont amenés à penser selon les hommes et non selon Dieu (cf. Mt 16,23). Aujourd'hui encore, comme aux temps de Jésus, il ne suffit pas de posséder la juste confession de foi: il est nécessaire d'apprendre toujours à nouveau du Seigneur la manière particulière avec laquelle il est le Sauveur et le chemin sur lequel nous devons le suivre. Nous devons en effet reconnaître que, même pour le croyant, la Croix est toujours difficile à accepter. L'instinct pousse à l'éviter, et le tentateur induit à penser qu'il est plus sage de se préoccuper de se sauver soi-même plutôt que de perdre sa vie par fidélité à l'amour, par fidélité au Fils de Dieu qui s'est fait homme.

Qu'était-il difficile d'accepter pour les personnes auxquelles Jésus s'adressait? Qu'est-ce qui continue de l'être encore pour beaucoup de personnes d'aujourd'hui? Ce qui est difficile à accepter, c'est le fait qu'il prétende être non seulement l'un des prophètes, mais le Fils de Dieu, et qu'il revendique pour lui-même la même autorité que Dieu. En l'écoutant prêcher, en le voyant guérir les malades, évangéliser les petits et les pauvres, réconcilier les pécheurs, les disciples parvinrent à comprendre peu à peu qu'il était le Messie au sens le plus élevé du terme, ce qui signifie qu'il n'était pas seulement un homme envoyé par Dieu, mais Dieu lui-même qui s'est fait homme. Bien sûr, tout cela était bien plus grand qu'eux, cela dépassait leur capacité d'entendement. Ils pouvaient exprimer leur foi avec les titres de la tradition hébraïque: "Christ", "Fils de Dieu", "Seigneur". Mais pour adhérer vraiment à la réalité, ces titres devaient en quelque sorte être redécouverts dans leur vérité la plus profonde: Jésus lui-même, à travers sa vie, en a révélé le sens plénier, toujours surprenant, et même paradoxal par rapport aux conceptions courantes. Et la foi des disciples a dû s'adapter progressivement. Elle nous apparaît comme un pèlerinage qui possède son moment originel dans l'expérience de Jésus historique, qui trouve son fondement dans le mystère pascal, mais qui doit ensuite aller encore de l'avant grâce à l'action de l'Esprit Saint. Telle est également la foi de l'Eglise au cours de l'histoire, telle est également la foi qui est la nôtre, chrétiens d'aujourd'hui. Solidement appuyée sur le "roc" de Pierre, elle est un pèlerinage vers la plénitude de cette vérité que le Pêcheur de Galilée professa avec une conviction passionnée: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16).

Chers frères et soeurs, dans la profession de foi de Pierre, nous pouvons nous sentir et ne faire qu'un, malgré les divisions qui, au cours des siècles, ont lacéré l'unité de l'Eglise avec des conséquences qui perdurent encore de nos jours. Au nom des saints Pierre et Paul, nous renouvelons aujourd'hui, avec nos frères venus de Constantinople - que je remercie encore de leur présence à notre célébration -, l'engagement à accueillir jusqu'au bout le désir du Christ, qui nous veut pleinement unis. Avec les Archevêques concélébrants nous accueillons le don et la responsabilité de la communion entre le Siège de Pierre et les Eglises métropolitaines confiées à leurs soins pastoraux. Que nous guide et que nous accompagne toujours par son intercession la sainte Mère de Dieu: que sa foi indéfectible, qui soutint la foi de Pierre et des autres Apôtres continue de soutenir celle des générations chrétiennes, notre propre foi: Reine des Apôtres, prie pour nous! Amen.


MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

15807
Paroisse "San Tommaso da Villanova" à Castelgandolfo

Mercredi 15 août 2007

Chers frères et soeurs,


Dans sa grande oeuvre "La Cité de Dieu", saint Augustin dit à un moment donné que toute l'histoire humaine, l'histoire du monde, est une lutte entre deux amours: l'amour de Dieu jusqu'à se perdre soi-même, jusqu'au don de soi, et l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, jusqu'à la haine des autres. Cette même interprétation de l'histoire, comme lutte entre deux amours, entre l'amour et l'égoïsme, apparaît également dans la lecture tirée de l'Apocalypse, que nous venons d'écouter. Ici, ces deux amours apparaissent à travers deux grandes figures. Avant tout, il y a le dragon rouge, très puissant, avec une manifestation impressionnante et inquiétante du pouvoir sans grâce, sans amour, de l'égoïsme absolu, de la terreur, de la violence. Au moment où saint Jean écrivit l'Apocalypse, pour lui ce dragon était la représentation du pouvoir des empereurs romains anti-chrétiens, de Néron à Domitien. Ce pouvoir apparaissait illimité; le pouvoir militaire, politique, propagandiste de l'empire romain était tel que devant lui, la foi, l'Eglise, apparaissait comme une femme sans défense, sans possibilité de survivre, encore moins de vaincre. Qui pouvait s'opposer à ce pouvoir omniprésent, qui semblait capable de tout? Et toutefois, nous savons qu'à la fin, la femme sans défense a vaincu; ce n'est pas l'égoïsme, ce n'est pas la haine; mais c'est l'amour de Dieu qui l'a emporté et l'empire romain s'est ouvert à la foi chrétienne.

Les paroles de l'Ecriture Sainte transcendent toujours le moment historique. Et ainsi, ce dragon indique non seulement le pouvoir anti-chrétien des persécuteurs de l'Eglise de ce temps là, mais les dictatures matérialistes anti-chrétiennes de tous les temps. Nous voyons de nouveau se manifester ce pouvoir, cette puissance du dragon rouge, dans les grandes dictatures du siècle dernier: la dictature du nazisme et la dictature de Staline avaient tous les pouvoirs, elles pénétraient chaque recoin, l'ultime recoin. Il semblait impossible qu'à long terme, la foi puisse survivre face à ce dragon si fort, qui voulait dévorer le Dieu qui s'était fait enfant et la femme, l'Eglise. Mais en réalité, dans ce cas également, à la fin, l'amour a été plus fort que la haine.

Aujourd'hui aussi, ce dragon existe de façons nouvelles et différentes. Il existe sous la forme des idéologies matérialistes qui nous disent: il est absurde de penser à Dieu; il est absurde d'observer les commandements de Dieu; cela appartient au passé. Il vaut la peine uniquement de vivre la vie pour soi. Prendre dans ce bref moment de la vie tout ce que nous pouvons en tirer. Seuls la consommation, l'égoïsme, le divertissement valent la peine. Telle est la vie. C'est ainsi que nous devons vivre. Et à nouveau, il semble absurde, impossible de s'opposer à cette mentalité dominante, avec toute sa force médiatique, de propagande. Il semble impossible aujourd'hui encore de penser à un Dieu qui a créé l'homme et qui s'est fait enfant et qui serait le véritable dominateur du monde.

Aujourd'hui aussi, ce dragon apparaît invincible, mais aujourd'hui aussi, il demeure vrai que Dieu est plus fort que le dragon, que c'est l'amour qui l'emporte, et non pas l'égoïsme. Ayant considéré ainsi les diverses configurations historiques du dragon, voyons à présent l'autre image: la femme vêtue de soleil avec la lune sous ses pieds et entourée de douze étoiles. Cette image également revêt plusieurs dimensions. Une première signification est sans aucun doute qu'il s'agit de la Vierge Marie vêtue de soleil, c'est-à dire entièrement de Dieu; Marie qui vit en Dieu, entièrement, entourée et pénétrée de la lumière de Dieu. Entourée de douze étoiles, c'est-à-dire des douze tribus d'Israël, de tout le Peuple de Dieu, de toute la communion des saints, et avec à ses pieds la lune, image de la mort et de la mortalité. Marie a laissé la mort derrière elle; elle est entièrement revêtue de vie, elle est élevée corps et âme dans la gloire de Dieu et ainsi, étant placée dans la gloire, ayant surmonté la mort, elle nous dit: courage, à la fin l'amour est vainqueur! Ma vie consistait à dire: je suis la servante de Dieu, ma vie était le don de moi à Dieu et au prochain. Et cette vie de service débouche à présent dans la vie véritable. Ayez confiance, ayez le courage de vivre ainsi vous aussi, contre toutes les menaces du dragon.

Telle est la première signification de la femme que Marie est parvenue à être. La "femme vêtue de soleil" est le grand signe de la victoire de l'amour, de la victoire du bien, de la victoire de Dieu. Un grand signe de réconfort. Mais ensuite, cette femme qui souffre, qui doit fuir, qui enfante dans un cri de douleur, est également l'Eglise, l'Eglise en pèlerinage de tous les temps. A toutes les générations, elle doit à nouveau enfanter le Christ, l'apporter au monde avec une grande douleur dans ce monde de souffrance. Persécutée à toutes les époques, elle vit comme dans le désert persécutée par le dragon. Mais en tous temps, l'Eglise, le Peuple de Dieu, vit également de la lumière de Dieu et il est nourri, comme dit l'Evangile, de Dieu, nourri lui-même avec le pain de la Sainte Eucharistie. Et ainsi, dans toutes les vicissitudes, dans toutes les différentes situations de l'Eglise au cours des temps, dans les diverses parties du monde, en souffrant, elle est vainqueur. Et elle est la présence, la garantie de l'amour de Dieu contre toutes les idéologies de la haine et de l'égoïsme.

Nous voyons certainement qu'aujourd'hui aussi, le dragon veut dévorer le Dieu qui s'est fait enfant. N'ayez pas peur pour ce Dieu apparemment faible. La lutte a déjà été surmontée. Aujourd'hui aussi, ce Dieu faible est fort: il est la véritable force. Et ainsi, la fête de l'Assomption est l'invitation à avoir confiance en Dieu et elle est également une invitation à imiter Marie dans ce qu'Elle a dit elle-même: Je suis la servante du Seigneur, je me mets à la disposition du Seigneur. Telle est la leçon: suivre sa voie; donner notre vie et ne pas prendre la vie. Et précisément ainsi, nous sommes sur le chemin de l'amour qui signifie se perdre, mais une façon de se perdre qui en réalité, est l'unique voie pour se trouver véritablement, pour trouver la vraie vie.

Tournons notre regard vers Marie, élevée au ciel. Laissons-nous conduire vers la foi et la fête de la joie: Dieu est vainqueur. La foi apparemment faible est la véritable force du monde. L'amour est plus fort que la haine. Et nous disons avec Elisabeth: Bénie sois-tu entre toutes les femmes. Nous te prions avec toute l'Eglise: Sainte Marie, prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.



VISITE PASTORALE À LORETTE À L'OCCASION DE LA RENCONTRE "AGORÀ 2007" DES JEUNES ITALIENS 2 septembre 2007

20907
CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE



Sanctuaire de Lorette (Italie)

Dimanche 2 septembre 2007




Chers frères et soeurs,
Chers jeunes amis!

Après la veillée de cette nuit, notre rencontre de Lorette se conclut à présent autour de l'autel par la solennelle Concélébration eucharistique. J'adresse encore une fois mon salut le plus cordial à tous. Je salue de manière particulière les Evêques et je remercie Mgr Angelo Bagnasco qui s'est fait l'interprète de vos sentiments communs. Je salue l'Archevêque de Lorette, qui nous a accueillis avec affection et attention. Je salue les prêtres, les religieux, les religieuses et ceux qui ont préparé avec soin cette importante manifestation de foi. J'adresse un salut respectueux aux autorités civiles et militaires présentes, avec une mention particulière pour le Vice-Président du Conseil des Ministres, M. Francesco Rutelli.

C'est véritablement un jour de grâce! Les lectures que nous avons écoutées il y a quelques instants nous aident à comprendre l'oeuvre merveilleuse qui a été accomplie par le Seigneur en nous permettant de nous rencontrer, ici à Lorette, si nombreux et dans un climat joyeux de prière et de fête. En nous retrouvant au Sanctuaire de la Vierge se réalisent, dans un certain sens, les paroles de l'Epître aux Hébreux: "Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant". En célébrant l'Eucharistie à l'ombre de la Sainte Maison, nous nous approchons nous aussi "des milliers d'anges en fête et de l'assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux". Nous pouvons ainsi faire l'expérience de la joie de nous trouver face à "Dieu, le juge de tous les hommes, et les âmes des justes arrivés à la perfection". Avec Marie, Mère du Rédempteur et notre Mère, nous allons surtout à la rencontre du "médiateur d'une Alliance nouvelle", notre Seigneur Jésus Christ (cf.
He 12,22-24). Le Père céleste, qui de nombreuses fois et de différentes façons, a parlé aux hommes (cf. He 1,1), offrant son Alliance et rencontrant souvent des résistances et des refus, a voulu dans la plénitude des temps établir avec les hommes un pacte nouveau, définitif et irrévocable, en le scellant avec le sang de son Fils unique, mort et ressuscité pour le salut de toute l'humanité. Jésus Christ, Dieu fait homme, a assumé notre chair elle-même en Marie, il a pris part à notre vie et il a voulu partager notre histoire. Pour réaliser son Alliance, Dieu a cherché un coeur jeune et il l'a trouvé en Marie, "jeune femme".

Aujourd'hui encore, Dieu cherche des coeurs jeunes, il cherche des jeunes au grand coeur, capables de Lui faire place dans leur vie pour être les acteurs de la Nouvelle Alliance. Pour accueillir une proposition fascinante comme celle que nous fait Jésus, pour établir une Alliance avec Lui, il faut être jeunes intérieurement, capables de se laisser interpeller par sa nouveauté, pour entreprendre avec Lui des routes nouvelles. Jésus a une prédilection pour les jeunes, comme le souligne le dialogue avec le jeune riche (cf. Mt 19,16-22 Mc 10,17-22); il en respecte la liberté, mais il ne se lasse jamais de leur proposer des objectifs plus élevés pour la vie: la nouveauté de l'Evangile et la beauté d'une conduite sainte. Suivant l'exemple de son Seigneur, l'Eglise continue à avoir la même attention. Voilà pourquoi, chers jeunes, elle a pour vous une immense affection, elle est proche de vous dans les moments de joie et de fête, d'épreuve et d'égarement; elle vous soutient par les dons de la grâce sacramentelle et vous accompagne dans le discernement de votre vocation. Chers jeunes, laissez-vous emporter par la vie nouvelle qui naît de la rencontre avec le Christ et vous serez en mesure d'êtres des apôtres de sa paix dans vos familles, parmi vos amis, au sein de vos communautés ecclésiales et dans les divers milieux dans lesquels vous vivez et oeuvrez.

Mais qu'est-ce qui rend vraiment "jeunes" au sens évangélique? Notre rencontre, qui se déroule à l'ombre d'un Sanctuaire marial, nous invite à tourner notre regard vers la Vierge. Nous nous demandons donc: comment Marie a-t-elle vécu sa jeunesse? Pourquoi, en elle, l'impossible est-il devenu possible? Elle nous le révèle elle-même dans le Chant du Magnificat: Dieu "s'est penché sur son humble servante" (Lc 1,48). L'humilité de Marie est ce que Dieu apprécie plus que tout autre chose en elle. Et c'est précisément de l'humilité que nous parlent les deux autres lectures de la liturgie d'aujourd'hui. N'est-ce pas une heureuse coïncidence que ce message nous soit adressé précisément ici, à Lorette? Ici, notre pensée se tourne naturellement vers la Sainte Maison de Nazareth qui est le sanctuaire de l'humilité: l'humilité de Dieu qui s'est fait chair, qui s'est fait petit, et l'humilité de Marie qui l'a accueilli dans son sein; l'humilité du Créateur et l'humilité de la créature. De cette rencontre d'humilité est né Jésus, Fils de Dieu et Fils de l'homme: "Plus tu es grand, plus il faut t'abaisser pour trouver grâce devant le Seigneur; car grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles", nous dit le passage du Siracide (Si 3,18); et dans l'Evangile, Jésus, après la parabole des invités aux noces, conclut: "Qui s'élève sera abaissé; qui s'abaisse sera élevé" (Lc 14,11). Cette perspective indiquée par les Ecritures apparaît aujourd'hui plus que jamais provocante pour la culture et la sensibilité de l'homme contemporain. L'humble est perçu comme une personne qui renonce, un vaincu, quelqu'un qui n'a rien à dire au monde. C'est en revanche la voie maîtresse, et non seulement parce que l'humilité est une grande vertu humaine, mais parce que, en premier lieu, elle représente la façon d'agir de Dieu lui-même. Elle est la voie choisie par le Christ, le Médiateur de la Nouvelle Alliance, qui, "reconnu comme un homme à son comportement, s'est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix" (Ph 2,8).

Chers jeunes, il me semble apercevoir dans cette parole de Dieu sur l'humilité un message important et plus que jamais actuel pour vous, qui voulez suivre le Christ et faire partie de son Eglise. Le message est le suivant: ne suivez pas la voie de l'orgueil, mais celle de l'humilité. Allez à contre-courant: n'écoutez pas les voix intéressées et séduisantes qui, de toutes parts, diffusent aujourd'hui des modèles de vie basés sur l'arrogance et la violence, le pouvoir et le succès à tout prix, l'apparence et la possession, au détriment de l'être. De combien de messages, qui parviennent surtout à travers les mass media, êtes-vous les destinataires! Soyez vigilants! Soyez critiques! Ne suivez pas la vague produite par cette puissante action de persuasion. N'ayez pas peur, chers amis, de préférer les voies "alternatives" indiquées par l'amour véritable: un style de vie sobre et solidaire; des relations d'affection sincères et pures; un engagement honnête dans l'étude et le travail; l'intérêt profond pour le bien commun. N'ayez pas peur d'apparaître différents et d'être critiqués pour ce qui peut sembler perdant ou démodé: les jeunes de votre âge, mais aussi les adultes, et en particulier ceux qui semblent le plus éloignés de la mentalité et des valeurs de l'Evangile, ont un besoin profond de voir quelqu'un qui ose vivre selon la plénitude d'humanité manifestée par Jésus Christ.

Chers amis, la voie de l'humilité n'est donc pas la voie du renoncement, mais du courage. Elle n'est pas le résultat d'une défaite, mais d'une victoire de l'amour sur l'égoïsme et de la grâce sur le péché. En suivant le Christ et en imitant Marie, nous devons avoir le courage de l'humilité; nous devons nous confier humblement au Seigneur car ce n'est qu'ainsi que nous pourrons devenir des instruments dociles entre ses mains, et nous lui permettrons de faire de grandes choses en nous. Le Seigneur a accompli de grands prodiges en Marie et dans les saints! Je pense, par exemple, à François d'Assise et à Catherine de Sienne, Patrons d'Italie. Je pense également à des jeunes splendides comme sainte Gemma Galgani, saint Gabriele dell'Addolorata, saint Louis Gonzague, sainte Maria Goretti, née non loin d'ici, les bienheureux Piergiorgio Frassati et Alberto Marvelli. Et je pense encore à de nombreux jeunes garçons et filles qui appartiennent à l'assemblée des saints "anonymes", mais qui ne sont pas anonymes pour Dieu. Pour Lui, chaque personne est unique, avec son nom et son visage. Nous sommes tous appelés, et vous le savez, à être saints!

Comme vous le voyez, chers jeunes, l'humilité que le Seigneur nous a enseignée et dont les saints ont témoigné, chacun selon leur vocation originale, n'est en aucune manière une façon de vivre dans le renoncement. Regardons en particulier Marie: à son école, nous aussi, comme elle, nous pouvons faire l'expérience de ce oui de Dieu à l'humanité, dont jaillissent tous les oui de notre vie. C'est vrai, les défis que vous devez affronter sont nombreux et importants. Mais le premier demeure toutefois celui de suivre le Christ jusqu'au bout, sans réserve ni compromis. Et suivre le Christ signifie se sentir une partie vivante de son corps, qui est l'Eglise. On ne peut pas se dire disciples de Jésus si l'on n'aime pas et si l'on ne suit pas son Eglise. L'Eglise est notre famille, dans laquelle l'amour pour le Seigneur et pour les frères, en particulier dans la participation à l'Eucharistie, nous fait ressentir la joie d'avoir à présent un avant-goût de la vie à venir qui sera totalement illuminée par l'Amour. Que notre engagement quotidien soit de vivre ici-bas comme si nous étions déjà là-haut. Se sentir Eglise est donc une vocation à la sainteté pour tous; un engagement quotidien à construire la communion et l'unité en surmontant toute résistance et toute incompréhension. Dans l'Eglise, nous apprenons à aimer en nous éduquant à l'accueil gratuit de notre prochain, à l'attention envers ceux qui sont en difficulté, les pauvres et les derniers. La motivation fondamentale qui unit les croyants dans le Christ n'est pas le succès, mais le bien, un bien encore plus authentique s'il est partagé, et qui ne consiste pas avant tout à avoir ou à pouvoir, mais à être. Ainsi s'édifie la cité de Dieu avec les hommes, une cité qui, dans le même temps, croît sur terre et descend du Ciel, car elle se développe dans la rencontre et dans la collaboration entre les hommes et Dieu (cf. Ap 21,2-3).

Suivre le Christ, chers jeunes, comporte en outre l'effort constant d'apporter sa contribution à l'édification d'une société plus juste et solidaire, où tous puissent jouir des biens de la terre. Je sais qu'un grand nombre d'entre vous se consacrent avec générosité à témoigner de leur foi dans les divers milieux sociaux, en étant actifs dans le domaine du volontariat, en oeuvrant à la promotion du bien commun, de la paix et de la justice dans chaque communauté. L'un des domaines dans lequel il apparaît urgent d'oeuvrer, est sans aucun doute la protection de la création. L'avenir de la planète, sur laquelle sont évidents les signes d'un développement qui n'a pas toujours su protéger les équilibres délicats de la nature, est confié aux nouvelles générations. Avant qu'il ne soit trop tard, il faut faire des choix courageux, qui sachent recréer une solide alliance entre l'homme et la terre. Un oui ferme est nécessaire pour la protection de la création, ainsi qu'un engagement puissant pour inverser les tendances qui risquent de conduire à des situations de dégradation irréversible. C'est pourquoi j'ai apprécié l'initiative de l'Eglise italienne de promouvoir la sensibilité sur les problématiques de la protection de la création, en instituant une Journée nationale, qui tombe précisément le 1 septembre. Cette année, l'attention se porte en particulier sur l'eau, un bien précieux qui, s'il n'est pas partagé de façon équitable et pacifique, deviendra malheureusement un motif de graves tensions et d'âpres conflits.

Chers jeunes amis, après avoir écouté vos réflexions d'hier soir et de cette nuit, en me laissant guider par la Parole de Dieu, j'ai voulu à présent vous confier mes réflexions, qui veulent être un encouragement paternel à suivre le Christ pour être témoins de son espérance et de son amour. Pour ma part, je continuerai d'être proche de vous par la prière et l'affection, afin que vous poursuiviez avec enthousiasme le chemin de l'Agorà, cet itinéraire triennal particulier d'écoute, de dialogue et de mission. En concluant aujourd'hui la première année à travers cette magnifique rencontre, je ne peux manquer de vous inviter à vous tourner déjà vers le grand rendez-vous de la Journée mondiale de la Jeunesse, qui se tiendra l'an prochain à Sydney, au mois de juillet. Je vous invite à vous préparer à cette grande manifestation de foi des jeunes, en méditant le Message qui approfondit le thème de l'Esprit Saint, pour vivre ensemble un nouveau printemps de l'Esprit. Je vous attends donc nombreux en Australie également, en conclusion de votre deuxième année de l'Agorà. Tournons enfin, une fois de plus, notre regard vers Marie, modèle d'humilité et de courage. Vierge de Nazareth, aide-nous à être dociles à l'oeuvre de l'Esprit Saint comme tu le fus toi-même; aide-nous à devenir toujours plus saints, disciples amoureux de ton Fils Jésus; soutiens et accompagne ces jeunes, afin qu' ils soient de joyeux et infatigables missionnaires de l'Evangile parmi les jeunes de leur âge, dans toutes les régions d'Italie. Amen!


Benoît XVI Homélies 28607