Benoît XVI Homélies 9108

CANONISATION des Bx. Gaetano Errico (1791-1860), Marie Bernarda (Verena) Bütler (1848-1924),

Alphonsine de l'Immaculée Conception (Anna Muttathupadathu) (1910-1946),

Narcisa de Jésus Martillo Morán (1832-1869) - Dimanche 12 octobre 2008

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Place Saint-Pierre

Dimanche 12 octobre 2008

Chers frères et soeurs,


Quatre nouvelles figures de saints sont aujourd'hui proposées à la vénération de l'Eglise universelle: Gaetano Errico, Maria Bernarda Bütler, Alphonsine de l'Immaculée Conception et Narcisa de Jésus Martillo Morán. La liturgie nous les présente sous l'image évangélique des invités qui prennent part au banquet revêtus de l'habit nuptial. Cette image du banquet, nous la retrouvons également dans la première Lecture et dans d'autres diverses pages de la Bible: c'est une image joyeuse parce que le banquet accompagne une fête de noces, l'Alliance d'amour entre Dieu et son peuple. C'est vers cette Alliance que les prophètes de l'Ancien Testament ont constamment orienté l'attente d'Israël. Et à une époque marquée par des épreuves en tous genres, quand les difficultés risquaient de décourager le Peuple élu, voici que s'élève la Parole rassurante du prophète Isaïe: "Le Seigneur, Dieu de l'univers affirme-t-il , préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés" (
Is 25,6). Dieu mettra un terme à la tristesse et à la honte de son Peuple, qui pourra finalement vivre heureux en communion avec Lui. Dieu n'abandonne jamais son peuple: c'est pour cela que le prophète l'invite à la joie: "Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés; (...) exultons, réjouissons-nous: il nous a sauvés!" (Is 25,9).

Si la première Lecture exalte la fidélité de Dieu à sa promesse, l'Evangile avec la parabole du banquet nuptial nous fait réfléchir à la réponse de l'homme. Certains invités de la première heure ont refusé l'invitation, parce qu'ils étaient pris par des intérêts différents; d'autres ont même méprisé l'invitation du roi provoquant un châtiment qui s'est abattu non seulement sur eux, mais sur toute la ville. Cependant, le roi ne se décourage pas et envoie ses serviteurs chercher d'autres convives pour remplir la salle de son banquet. Le refus des premiers a ainsi eu comme effet d'étendre l'invitation à tous, avec une prédilection pour les pauvres et les déshérités. C'est ce qui est advenu dans le mystère pascal: le pouvoir incontesté du mal est vaincu par la Toute-puissance de l'amour de Dieu. Le Seigneur ressuscité peut désormais inviter tout le monde au banquet de la joie pascale, et fournir Lui-même aux convives les habits nuptiaux, symbole du don gratuit de la grâce qui sanctifie.

A la générosité de Dieu doit cependant répondre la libre adhésion de l'homme. C'est justement ce chemin qu'ont parcouru également ceux que nous vénérons aujourd'hui comme saints. Ils ont reçu par le baptême l'habit nuptial de la grâce divine, l'ont conservé pur ou l'ont purifié et rendu splendide au cours de leur vie par les Sacrements. Ils prennent désormais part au banquet nuptial du Ciel. Une anticipation de cette fête finale du Ciel est le banquet de l'Eucharistie auquel nous invite chaque jour le Seigneur et auquel nous devons prendre part vêtus de l'habit nuptial de sa grâce. S'il nous arrive de tâcher voire de déchirer par le péché cet habit, la bonté de Dieu ne nous repousse pas, ni ne nous abandonne à notre destin, mais nous offre par le sacrement de la Réconciliation la possibilité de rétablir dans son intégrité l'habit nuptial nécessaire pour la fête.

Le ministère de la Réconciliation est donc toujours un ministère actuel. Le prêtre Gaetano Errico, fondateur de la Congrégation des Missionnaires des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, s'est dévoué à ce ministère avec application, assiduité et patience, sans jamais se refuser, ni s'épargner. Il s'inscrit ainsi parmi les figures extraordinaires des prêtres qui, de manière inlassable, ont fait du confessionnal le lieu où l'on dispense la miséricorde de Dieu, en aidant les hommes à se retrouver eux-mêmes, à lutter contre le péché et à progresser sur le chemin de la vie spirituelle. La route et le confessionnal furent les lieux privilégiés de l'action pastorale de ce nouveau saint. La route lui permettait de rencontrer les personnes auxquelles il adressait son invitation habituelle: "Dieu t'aime, quand nous verrons-nous?", et dans le confessionnal, il rendait possible leur rencontre avec la miséricorde du Père céleste. Combien de blessures d'âmes il a ainsi soignées! Combien de personnes il a amenées à se réconcilier avec Dieu par le Sacrement du pardon! De cette manière, saint Gaetano Errico est devenu un expert dans la "science" du pardon, et s'est employé à l'enseigner à ses missionnaires en leur recommandant: "Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, est toujours plus miséricordieux que ses ministres; aussi soyez miséricordieux autant qu'il vous est possible, parce que vous obtiendrez miséricorde auprès de Dieu".

Maria Bernarda Bütler, née à Auw, dans le canton suisse d'Argovie, a vécu l'expérience d'un amour profond pour le Seigneur, alors qu'elle était encore très jeune. Comme elle l'a dit elle-même: "Il est presque impossible de l'expliquer à ceux qui ne l'ont pas éprouvé personnellement". Cet amour a conduit Verena Bütler, tel était son nom à l'époque, à entrer dans le monastère des capucines de Marie Auxiliatrice à Altstätten où, à l'âge de 21 ans, elle a prononcé ses voeux perpétuels. A 40 ans, elle a reçu l'appel missionnaire et s'est rendue en Equateur, puis en Colombie. Le 29 octobre 1995, mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II l'a élevée aux honneurs des autels pour sa vie et son engagement en faveur des autres.

Mère Maria Bernarda, une figure très chère et présente surtout en Colombie, a compris profondément que la fête que le Seigneur a préparée pour tous les peuples est représentée d'une manière particulière par l'Eucharistie. En elle, le Christ lui-même nous reçoit comme des amis et s'offre à nous à la table du pain et de la parole, en entrant en communion profonde avec chacun. C'est la source et le pilier de la spiritualité de cette nouvelle sainte, tout comme son élan missionnaire qui l'a conduite à quitter sa patrie natale, la Suisse, pour s'ouvrir à d'autres horizons d'évangélisation en Equateur et en Colombie. Au milieu des graves difficultés qu'elle a dû affronter, y compris l'exil, elle a gardé gravée dans son coeur l'exclamation du psaume que nous avons écouté aujourd'hui: "Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi" (Ps 22,4). Ainsi, docile à la Parole de Dieu, suivant l'exemple de Marie, elle fit comme les serviteurs dont parle le passage de l'Evangile que nous avons écouté: elle alla partout proclamant que le Seigneur nous invite tous à sa fête. Elle fit ainsi part aux autres de l'amour de Dieu auquel elle consacra, avec fidélité et joie, sa vie tout entière.

"Il détruira la mort pour toujours. Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages" (Is 25,8). Ces paroles du prophète Isaïe contiennent la promesse qui a soutenu Alphonsine de l'Immaculée Conception tout au long d'une vie d'extrême souffrance physique et spirituelle. Cette femme exceptionnelle, qui est aujourd'hui offerte au peuple de l'Inde, comme leur première sainte canonisée, était convaincue que sa croix était le véritable moyen de parvenir au banquet céleste, préparé pour elle par le Père. En acceptant l'invitation à cette fête de mariage, et en se revêtant de la grâce de Dieu à travers la prière et la pénitence, elle a conformé sa vie sur celle du Christ, et participe maintenant avec joie au "festin de viandes grasses et de vins capiteux" du Royaume céleste (cf. Is 25,6). Elle avait écrit: "Je considère qu'un jour sans souffrance est un jour perdu". Puissions-nous l'imiter en portant notre croix afin de la rejoindre un jour au paradis.

La jeune laïque équatorienne, Narcisa de Jésus Martillo Morán, nous offre un exemple parfait de réponse prompte et généreuse à l'invitation que le Seigneur nous fait de participer à son amour. Dès son plus jeune âge, en recevant le Sacrement de la Confirmation, elle ressentit clairement dans son coeur l'appel à vivre une vie de sainteté et de dévouement à Dieu. Pour soutenir avec docilité l'action de l'Esprit Saint dans son âme, elle chercha toujours le conseil et le guide de prêtres experts et bons, considérant la direction spirituelle comme l'un des moyens les plus efficaces pour parvenir à la sanctification. Sainte Narcisa de Jésus nous montre un chemin de perfection chrétienne accessible à tous les fidèles. Malgré les grâces abondantes et extraordinaires qu'elle reçut, son existence s'écoula dans la plus grande simplicité, se consacrant à son travail de couturière et à son apostolat de catéchiste. Dans son amour passionné pour Jésus, qui la mena à entreprendre un chemin d'intense prière et de mortification, et à s'identifier toujours davantage avec le mystère de la Croix, elle nous offre un témoignage fascinant et l'exemple parfait d'une vie totalement dédiée à Dieu et à ses frères.

Chers frères et soeurs, rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté qui, aujourd'hui, resplendit dans l'Eglise d'une beauté singulière. Jésus invite chacun de nous à le suivre, comme ces saints, sur le chemin de la croix, pour recevoir ensuite la vie éternelle dont il nous a fait don en mourant. Que leurs exemples nous servent d'encouragement; que leurs enseignements nous guident et nous confortent; que leur intercession nous soutienne dans les peines du quotidien, pour que nous puissions arriver un jour à partager avec eux et avec tous les saints la joie du banquet éternel dans la Jérusalem céleste. Que, surtout, Marie, Reine des saints, nous obtienne cette grâce, elle que nous vénérons avec une dévotion particulière en ce mois d'octobre. Amen.


VISITE PASTORALE AU SANCTUAIRE PONTIFICAL DE POMPÉI, Dimanche 19 octobre 2008

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Esplanade du sanctuaire pontifical de Pompéi, Dimanche 19 octobre 2008

Chers frères et soeurs,


En suivant les traces du Serviteur de Dieu Jean-Paul II, je suis venu en pèlerinage aujourd'hui à Pompéi pour vénérer, avec vous, la Vierge Marie, Reine du Rosaire. Je suis en particulier venu pour confier à la Mère de Dieu, dans le sein de laquelle le Verbe s'est fait chair, l'assemblée du synode des évêques en cours au Vatican sur le thème de la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise. Ma visite coïncide également avec la journée mondiale des missions: en contemplant chez Marie celle qui a accueilli en elle le Verbe de Dieu et l'a donné au monde, nous prierons au cours de cette messe pour ceux qui, dans l'Eglise, prodiguent leurs énergies au service de l'annonce de l'Evangile à toutes les nations. Chers frères et soeurs, je vous remercie de votre accueil! Je vous embrasse tous avec une affection paternelle, et je vous suis reconnaissant des prières que, d'ici, vous élevez sans cesse au Ciel pour le successeur de Pierre et pour les besoins de l'Eglise universelle.

J'adresse en premier lieu un salut cordial à Mgr Carlo Liberati, prélat de Pompéi et délégué pontifical pour le sanctuaire, et je le remercie des paroles avec lesquelles il s'est fait l'interprète de vos sentiments. Mon salut s'étend aux autorités civiles et militaires présentes, de manière particulière au représentant du gouvernement, le ministre pour les Biens culturels, et au maire de Pompéi, qui a mon arrivée a voulu m'adresser des paroles déférentes de bienvenue au nom de toute la population. Je salue les prêtres de la prélature, les religieux et les religieuses qui offrent leur service quotidien au sanctuaire, parmi lesquels j'ai plaisir à mentionner les soeurs dominicaines filles du Saint Rosaire de Pompéi et les frères des Ecoles chrétiennes; je salue les volontaires engagés dans divers services et les apôtres zélés de Notre-Dame du Rosaire de Pompéi. Et comment ne pas penser, en ce moment, aux personnes qui souffrent, aux malades, aux personnes âgées seules, aux jeunes en difficulté, aux détenus, à tous ceux dont les conditions de pauvreté et de difficultés sociale et économique s'aggravent? Je voudrais assurer chacun de ma proximité spirituelle et faire parvenir à tous le témoignage de mon affection. Je vous confie tous, chers fidèles et habitants de cette terre, et vous aussi, qui êtes spirituellement unis à cette célébration à travers la radio et la télévision, à Marie et je vous invite à être toujours assurés de son soutien maternel.

Laissons-la à présent, Elle qui est notre Mère et notre Maîtresse, nous guider dans la réflexion sur la Parole de Dieu que nous avons écoutée. La première lecture et le Psaume responsorial expriment la joie du peuple d'Israël pour le salut donné par Dieu, un salut qui est libération du mal et espérance d'une vie nouvelle. L'oracle de Sophonie s'adresse à Israël, qui est désignée par les appellations de "fille de Sion" et "fille de Jérusalem" et elle est invitée à la joie: "Pousse des cris de joie... une clameur d'allégresse... réjouis-toi!" (
So 3,14). C'est le même appel que l'ange Gabriel adresse à Marie, à Nazareth: "Réjouis-toi, comblée de grâce" (Lc 1,28). "Sois sans crainte, Sion!" (So 3,16), dit le prophète; "Sois sans crainte, Marie" (Lc 1,30), dit l'Ange. Et le motif de la confiance est le même: "Yahvé ton Dieu est au milieu de toi / héros sauveur!" (So 3,17), dit le prophète; "le Seigneur est avec toi" (Lc 1,28), assure l'Ange à la Vierge. Le cantique d'Isaïe se conclut lui aussi ainsi: "Pousse des cris de joie, des clameurs, habitante de Sion / car il est grand, au milieu de toi, le Saint d'Israël" (Is 12,6). La présence du Seigneur est source de joie, car, là où Il se trouve, le mal est vaincu et la vie et la paix triomphent. Je voudrais souligner, en particulier, la merveilleuse expression de Sophonie qui, s'adressant à Jérusalem, dit: le Seigneur "te renouvellera par son amour" (So 3,17). Oui, l'amour de Dieu a ce pouvoir: de renouveler chaque chose, à partir du coeur humain, qui est son chef-d'oeuvre et où l'Esprit Saint accomplit au mieux son action transformatrice. Avec sa grâce, Dieu renouvelle le coeur de l'homme en pardonnant son péché, il le réconcilie et lui communique l'élan pour le bien. Tout cela se manifeste dans la vie des saints, et nous le voyons ici de manière particulière dans l'oeuvre apostolique du bienheureux Bartolo Longo, fondateur de la nouvelle Pompéi. Et nous ouvrons ainsi en cet instant également notre coeur à cet amour rénovateur de l'homme et de toutes choses.

Dès ses débuts, la communauté chrétienne a vu dans la personnification d'Israël et de Jérusalem en une figure féminine un rapprochement significatif et prophétique avec la Vierge Marie, qui est précisément reconnue comme "fille de Sion" et archétype du peuple qui "a trouvé grâce" aux yeux du Seigneur. C'est une interprétation que nous retrouvons dans le récit évangélique des noces de Cana (Jn 2,1-11). L'évangéliste Jean met symboliquement en lumière que Jésus est l'époux d'Israël, du nouvel Israël que nous représentons tous dans la foi, l'époux venu apporter la grâce de la nouvelle Alliance, représentée par le "bon vin". Dans le même temps, l'Evangile souligne également le rôle de Marie, qui est appelée au début "la mère de Jésus", mais que son Fils lui-même appelle ensuite "femme" - et cela a un sens très profond: cela implique en effet que Jésus, à notre grande joie place avant le lien de parenté le lien spirituel, selon lequel Marie personnifie précisément l'épouse aimée du Seigneur, c'est-à-dire le peuple qu'il a choisi pour faire rayonner sa bénédiction sur toute la famille humaine. Le symbole du vin, uni à celui du banquet, repropose le thème de la joie et de la fête. En outre, le vin, comme d'autres images bibliques de la vigne et du sarment, fait métaphoriquement allusion à l'amour: Dieu est le vigneron, Israël est la vigne, une vigne qui trouvera sa réalisation parfaite dans le Christ, dont nous sommes les sarments; et le vin est le fruit, c'est-à-dire l'amour, car l'amour est précisément ce que Dieu attend de ses enfants. Et prions le Seigneur qui a donné à Bartolo Longo la grâce d'apporter l'amour sur cette terre, afin que notre vie et notre coeur aussi portent ce fruit de l'amour et renouvellent ainsi la terre.

L'apôtre Paul exhorte lui aussi à l'amour dans la deuxième Lecture, tirée de la Lettre aux Romains. Nous trouvons défini dans cette page le programme de vie d'une communauté chrétienne, dont les membres ont été renouvelés par l'amour et qui s'efforcent de se renouveler sans cesse, pour discerner toujours la volonté de Dieu et ne pas retomber dans le conformisme de la mentalité du monde (cf. Rm 12,1-2). La nouvelle Pompéi, malgré les limites propres à chaque réalité humaine, est un exemple de cette nouvelle civilisation, qui est née et s'est développée sous le regard maternel de Marie. Et la caractéristique de la civilisation chrétienne est précisément la charité: l'amour de Dieu qui se traduit en amour pour le prochain. Or, quand saint Paul écrit aux chrétiens de Rome: "Ne brisez pas l'élan de votre générosité, mais laissez jaillir l'Esprit; soyez les serviteurs du Seigneur" (Rm 12,11), la pensée se tourne vers Bartolo Longo et les nombreuses initiatives de charité qu'il mit en oeuvre pour ses frères les plus indigents. Poussé par l'amour, il fut en mesure de projeter une ville nouvelle, qui s'éleva ensuite autour du sanctuaire marial, comme une sorte de rayonnement de sa lumière de foi et d'espérance. Une citadelle de Marie et de la charité, qui n'était cependant pas isolée du monde, non pas comme l'on pourrait dire une "cathédrale dans le désert", mais insérée dans le territoire de cette vallée pour le racheter et le promouvoir. Grâce à Dieu, l'histoire de l'Eglise est riche d'expériences de ce genre, et aujourd'hui aussi on en compte beaucoup dans toutes les parties de la terre. Ce sont des expériences de fraternité, qui montrent le visage d'une société différente, placée comme un ferment au sein du contexte civil. La force de la charité est irrésistible: c'est l'amour qui fait vraiment avancer le monde!

Qui aurait pu penser qu'ici, à côté des vestiges de l'antique Pompéi, serait né un sanctuaire marial de rayonnement mondial? Et tant d'oeuvres sociales ayant pour but de traduire l'Evangile en service concret pour les personnes le plus en difficulté? Là où Dieu arrive, le désert fleurit! Le bienheureux Bartolo Longo, à travers sa conversion personnelle, donna lui aussi un témoignage de cette force spirituelle qui transforme l'homme intérieurement et le rend capable d'accomplir de grandes choses selon le dessein de Dieu. L'histoire de sa crise spirituelle et de sa conversion apparaît aujourd'hui de grande actualité. En effet, pendant la période de ses études universitaires à Naples, influencé par les philosophies immanentistes et positivistes, il s'était éloigné de la foi chrétienne devenant un militant anticlérical et s'adonnant également à l'invocation des esprits et aux pratiques superstitieuses. Sa conversion, avec la découverte du véritable visage de Dieu, contient un message très éloquent pour nous, car malheureusement de telles tendances ne manquent pas de nos jours. En cette Année paulinienne, j'ai plaisir à souligner que Bartolo Longo, comme saint Paul, fut lui aussi transformé de persécuteur en apôtre: apôtre de la foi chrétienne, du culte marial et, en particulier, du Rosaire, où il trouva une synthèse de tout l'Evangile.

Cette ville, qu'il refonda, est donc une démonstration historique de la façon dont Dieu transforme le monde: en comblant de charité le coeur d'un homme et en le transformant en "moteur" de renouveau religieux et social. Pompéi est un exemple de la façon dont la foi peut agir dans la cité de l'homme, en suscitant des apôtres de charité qui se mettent au service des petits et des pauvres, et qui agissent afin que les derniers aussi soient respectés dans leur dignité et trouvent accueil et promotion. Ici, à Pompéi, on comprend que l'amour pour Dieu et l'amour pour le prochain sont inséparables. Ici, le peuple chrétien authentique, les personnes qui affrontent la vie avec des sacrifices quotidiens, trouvent la force de persévérer dans le bien sans accepter de compromis. Ici, aux pieds de Marie, les familles retrouvent ou renforcent la joie de l'amour qui les garde unies. En préparation à ma visite d'aujourd'hui, un "pèlerinage des familles pour la famille" spécial a donc opportunément été accompli, il y a exactement un mois, pour confier cette cellule fondamentale de la société à la Vierge. Que la Sainte Vierge veille sur chaque famille et sur tout le peuple italien!

Que ce Sanctuaire et cette ville continuent en particulier à être toujours liés à un don singulier de Marie: la prière du Rosaire. Quand, dans la célèbre peinture de la Madone de Pompéi, nous voyons la Vierge Mère et l'Enfant Jésus qui remettent leur chapelet respectivement à sainte Catherine de Sienne et à saint Dominique, nous comprenons immédiatement que cette prière nous conduit, à travers Marie, à Jésus, comme nous l'a également enseigné le Pape Jean-Paul II dans la Lettre Rosarium Virginis Mariae, dans laquelle il fait explicitement référence au bienheureux Bartolo Longo et au charisme de Pompéi. Le Rosaire est une prière contemplative accessible à tous: grands et petits, laïcs et clercs, personnes cultivées ou peu instruites. C'est un lien spirituel avec Marie pour rester unis à Jésus, pour se conformer à Lui, en assimiler les sentiments et se comporter comme Il s'est comporté. Le Rosaire est une "arme" spirituelle dans la lutte contre le mal, contre toute violence, pour la paix dans les coeurs, dans les familles, dans la société et dans le monde.

Chers frères et soeurs, dans cette Eucharistie, source intarissable de vie et d'espérance, de renouveau personnel et social, nous remercions Dieu car en Bartolo Longo il nous a donné un témoin lumineux de cette vérité évangélique. Et nous tournons encore une fois notre coeur vers Marie avec les paroles de la Supplique, que nous réciterons d'ici peu: "Toi, notre Mère, tu es notre avocate, notre espérance, aies pitié de nous... Miséricorde pour tous, ô Mère de Miséricorde!". Amen.


CHAPELLE PAPALE POUR LA CLÔTURE DE LA XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

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Basilique Vaticane

Dimanche 26 octobre 2008





Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

La Parole du Seigneur, qui vient de retentir dans l'Evangile, nous a rappelé que toute la Loi divine se résume dans l'amour. L'Evangéliste Matthieu raconte que les Pharisiens, après que Jésus a répondu aux Sadducéens en les faisant taire, se réunirent pour le mettre à l'épreuve (cf.
Mt 22,34-35). L'un d'eux, un docteur de la loi, lui demanda: "Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?" (Mt 22,36). La question laisse transparaître la préoccupation, qui est présente dans l'ancienne tradition judaïque, de trouver un principe qui puisse unifier les différentes formulations de la volonté de Dieu. Ce n'était pas une question facile, vu que dans la Loi de Moïse, 613 préceptes et interdictions sont énoncés. Parmi ceux-ci, comment y discerner le plus grand? Mais Jésus n'a quant à lui aucune hésitation et répond ainsi promptement: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit: voilà le plus grand et le premier commandement" (Mt 22,37-38). Dans sa réponse, Jésus cite le Shemà, la prière que le juif pieux récite plusieurs fois par jour, surtout le matin et le soir (cf. Dt 6,4-9 Dt 11,13-21 Nb 15,37-41): la proclamation de l'amour intégral et total dû à Dieu, en tant qu'unique Seigneur. L'accent est mis sur la totalité de ce dévouement à Dieu, en énumérant les trois facultés qui définissent l'homme dans ses structures psychologiques profondes: le coeur, l'âme et l'esprit. Le terme esprit, diánoia, contient l'élément rationnel. Dieu est non seulement l'objet de l'amour, de l'engagement, de la volonté et du sentiment, mais également de l'intellect qui cependant ne doit donc pas être exclu de ce domaine. Plus encore, c'est notre propre pensée qui doit se configurer à la pensée de Dieu. Mais, toutefois, Jésus ajoute quelque chose qui, en vérité, n'avait pas été demandé par le docteur de la loi: "Le second lui est semblable: tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22,39). L'aspect surprenant de la réponse de Jésus tient en ce qu'il établit une relation de ressemblance entre le premier et le second commandement, qui est cette fois encore défini avec une formule biblique déduite du code lévitique de sainteté (cf. Lv 19,18). Et voici donc que, dans la conclusion du récit, les deux commandements sont associés dans le rôle de principe fondamental sur lequel repose toute la Révélation biblique: "A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes" (Mt 22,40).

La page évangélique sur laquelle nous méditons met en lumière le fait qu'être des disciples du Christ signifie mettre en pratique ses enseignements qui se résument dans le premier et le plus grand commandement de la Loi divine, à savoir le commandement de l'amour. Même la première Lecture, extraite du livre de l'Exode, insiste sur le devoir de l'amour; un amour témoigné de façon concrète dans les relations entre les personnes: il doit s'agir de relations fondées sur le respect, la collaboration et l'aide généreuse. Le prochain à aimer est également l'étranger, l'orphelin, la veuve et l'indigent, autrement dit ces citoyens qui n'ont aucun "défenseur". L'auteur sacré rentre dans les détails, comme c'est le cas pour l'objet donné en gage par un de ces pauvres (cf. Ex 20,25-26). Dans ce cas, c'est Dieu lui-même qui se porte garant de la situation de ce prochain.

Dans la seconde Lecture, nous pouvons voir une application concrète du commandement souverain de l'amour au sein d'une des premières communautés chrétiennes. Saint Paul écrit aux Thessaloniciens en leur laissant comprendre que, même en les ayant connu depuis peu, il les apprécie et les porte avec affection dans son coeur. C'est pour cette raison qu'il les montre comme "un modèle pour tous les croyants de Macédoine et d'Achaïe" (1Th 1,6-7). Au sein de cette communauté récemment fondée ne manquent certes pas les faiblesses et les difficultés, mais c'est l'amour qui dépasse tout, qui rénove tout, qui vainc tout: l'amour de celui qui, conscient de ses propres limites, suit docilement les paroles du Christ, Maître divin, transmises par un de ses fidèles disciples. "Et vous, vous vous êtes mis à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la parole, parmi bien des tribulations" écrit saint Paul. "De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti, et pas seulement en Macédoine et en Achaïe, mais de tous côtés votre foi en Dieu s'est répandue, si bien que nous n'avons plus besoin d'en rien dire" continue encore l'Apôtre (1Th 1,6-8). L'enseignement que nous tirons de cette expérience des Thessaloniciens, une expérience qui unit en vérité toute authentique communauté chrétienne, c'est que l'amour envers le prochain naît de l'écoute docile de la Parole divine. C'est un amour qui accepte aussi de dures épreuves pour la vérité de la Parole divine, et c'est précisément ainsi que le véritable amour grandit et que la vérité resplendit dans tout son éclat. Combien il est alors important d'écouter la Parole et de l'incarner dans l'existence personnelle et communautaire!

Dans cette célébration eucharistique, qui conclut les travaux synodaux, nous ressentons de façon singulière le lien qui existe entre l'écoute aimante de la Parole de Dieu et le service désintéressé envers ses frères. Combien de fois, au cours de ces derniers jours, nous avons écouté des expériences et des réflexions qui mettent en évidence le besoin qui apparaît aujourd'hui d'une écoute plus intime de Dieu, d'une connaissance plus vraie de sa parole de salut, d'un partage plus sincère de la foi qui se nourrit en permanence à la table de la parole divine! Chers et vénérés frères, merci de la contribution que chacun de vous a offert à l'approfondissement du thème du Synode: "La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise". Je vous salue tous avec affection. J'adresse mes salutations spéciales à Messieurs les cardinaux présidents délégués du synode, au secrétaire général, que je remercie pour leur dévouement constant. A vous aussi, chers frères et soeurs qui êtes venus de tous les continents en apportant votre expérience si enrichissante, j'adresse mes salutations. En rentrant chez vous, transmettez à tous les salutations affectueuses de l'Evêque de Rome. J'adresse également mes salutations aux délégués fraternels, aux experts, aux auditeurs et aux invités spéciaux: les membres du secrétariat général du synode et tous ceux qui se sont occupés des relations avec la presse. Une pensée particulière va aux évêques de Chine continentale qui n'ont pas pu être représentés au sein de cette assemblée synodale. Je désire me faire l'interprète, et en rendre grâce à Dieu, de leur amour pour le Christ, de leur communion avec l'Eglise universelle et de leur fidélité au Successeur de l'Apôtre Pierre. Ils sont présents dans notre prière, tout comme les fidèles qui sont confiés à leurs soins pastoraux. Demandons au "Pasteur suprême" (1P 5,4) de leur donner la joie, la force et le zèle apostolique afin de guider avec sagesse et clairvoyance la communauté catholique en Chine, qui nous est si chère à tous.

Nous tous, qui avons pris part aux travaux synodaux, portons en nous la conscience renouvelée qu'un des devoirs prioritaires de l'Eglise, au début de ce nouveau millénaire, est avant tout de se nourrir de la Parole de Dieu, pour rendre efficace l'engagement de la nouvelle évangélisation. Il faut à présent que cette expérience ecclésiale soit apportée dans toutes les communautés; il est nécessaire que l'on comprenne la nécessité de traduire en gestes d'amour la parole écoutée, car ce n'est qu'ainsi que l'annonce de l'Evangile devient crédible, malgré les fragilités humaines qui marquent les personnes. Cela demande en premier lieu une connaissance plus intime du Christ et une écoute toujours docile de sa parole.

En cette année paulinienne, en faisant nôtres les paroles de l'Apôtre: "Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1Co 9,16), je souhaite de tout coeur que, dans toutes les communautés, on ressente avec une conviction plus ferme ce souffle de Paul comme vocation au service de l'Evangile pour le monde. Je rappelais au début des travaux synodaux l'appel de Jésus: "La moisson est abondante" (Mt 9,37), appel auquel nous ne devons jamais nous lasser de répondre malgré les difficultés que nous pouvons rencontrer. Il y tant de personnes qui sont à la recherche, parfois même sans s'en rendre compte, de la rencontre avec le Christ et avec son Evangile; tant de personnes qui ont besoin de retrouver en Lui le sens de leur vie. Donner un témoignage clair et partagé d'une vie qui suit la Parole de Dieu, dont Jésus témoigne, devient donc un critère indispensable de vérification de la mission de l'Eglise.

Les lectures que la liturgie offre aujourd'hui à notre méditation nous rappellent que la plénitude de la Loi, comme de toutes les Ecritures divines, c'est l'amour. Qui donc croit avoir compris les Ecritures, ou au moins une partie d'entre elles, sans s'engager à construire, grâce à cette compréhension, le double amour de Dieu et du prochain, démontre en réalité être encore éloigné de son sens profond. Mais comment mettre en pratique ce commandement, comment vivre l'amour de Dieu et de nos frères sans un contact vivant et intense avec les Saintes Ecritures? Le Concile Vatican II affirme qu'"il faut que l'accès à la Sainte Ecriture soit largement ouvert aux chrétiens" (Constitution Dei Verbum DV 22), pour que les fidèles, en rencontrant la vérité, puissent grandir dans l'amour authentique. Il s'agit d'une condition aujourd'hui indispensable à l'évangélisation. Et comme la rencontre avec l'Ecriture, assez fréquemment, risque de ne pas être "un fait" d'Eglise, mais d'être exposée au subjectivisme et à l'arbitraire, une promotion pastorale robuste et crédible dans la connaissance des Saintes Ecritures devient indispensable pour annoncer, célébrer et vivre la Parole dans la communauté chrétienne, en dialoguant avec les cultures de notre époque, en se mettant au service de la vérité et non des idéologies courantes et en accroissant le dialogue que Dieu veut avoir avec tous les hommes (cf. ibid., DV 21). A cette fin, il faut soigner d'une manière particulière la préparation des pasteurs, qui sont par la suite préposés à la diffusion indispensable de la pratique biblique à l'aide de moyens adaptés. Il faut encourager les efforts en cours pour susciter le mouvement biblique parmi les laïcs, la formation des animateurs de groupes, avec une attention particulière aux jeunes. Il faut également soutenir l'effort de faire connaître la foi au moyen de la Parole de Dieu à ceux qui sont "loins" et particulièrement à ceux qui sont à la recherche sincère du sens de la vie.

Je voudrais ajouter bien d'autres réflexions, mais je me limite enfin à souligner que le lieu privilégié où retentit la Parole de Dieu, qui édifie l'Eglise, comme cela a été dit tant de fois au cours du synode, est sans aucun doute la liturgie. Il apparaît en elle que la Bible est le livre d'un peuple et pour un peuple; un héritage, un testament remis aux lecteurs, pour qu'ils mettent en acte dans leur vie l'histoire du salut témoignée par l'écrit. Il y a donc un rapport d'appartenance réciproque vitale entre le peuple et le Livre: la Bible reste un livre vivant avec le peuple, son sujet, qui le lit; le peuple ne subsiste pas sans le Livre, parce qu'en lui il trouve sa raison d'être, sa vocation, son identité. Cette appartenance mutuelle entre le peuple et l'Ecriture Sainte est célébrée dans chaque assemblée liturgique, laquelle, grâce à l'Esprit Saint, écoute le Christ, car c'est Lui qui parle quand dans l'Eglise on lit l'Ecriture et on accueille l'alliance que Dieu renouvelle avec son peuple. Ecriture et liturgie convergent, donc, dans l'unique but d'amener le peuple à dialoguer avec le Seigneur. La Parole sortie de la bouche de Dieu et dont témoignent les Ecritures Lui revient sous la forme d'une réponse orante, d'une réponse vécue, d'une réponse débordante d'amour (cf. Is 55,10-11).

Chers frères et soeurs, prions pour que, de l'écoute renouvelée de la Parole de Dieu, sous l'action de l'Esprit Saint, puisse jaillir un renouveau authentique dans l'Eglise universelle, et dans toutes les communautés chrétiennes. Confions les fruits de cette assemblée synodale à l'intercession maternelle de la Vierge Marie. Je Lui confie également la ii assemblée spéciale du synode pour l'Afrique, qui se déroulera à Rome au mois d'octobre de l'année prochaine. J'ai l'intention de me rendre en mars prochain au Cameroun pour remettre aux représentants des conférences épiscopales d'Afrique, l'Instrumentum laboris de cette Assemblée synodale. De là, s'il plaît à Dieu, je poursuivrai mon voyage, en Angola, per rendre hommage à une des églises subsahariennes plus antique. Que la Très Sainte Vierge Marie, qui a offert sa vie comme "servante du Seigneur" pour que tout advienne selon la parole divine (cf. Lc 1,38) et qui a appelé à faire tout ce que Jésus dirait (cf. Jn 2,5), nous enseigne à reconnaître dans notre vie le primat de la Parole qui seule peut nous apporter le salut. Ainsi soit-il!



Benoît XVI Homélies 9108