Benoît XVI Homélies 15809

SOLENNITÉ DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

15809
Paroisse pontificale Saint-Thomas de Villanova, Castel Gandolfo
Samedi 15 août 2009




Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

La solennité d'aujourd'hui couronne le cycle des grandes célébrations liturgiques au cours desquelles nous sommes appelés à contempler le rôle de la bienheureuse Vierge Marie dans l'Histoire du salut. En effet, l'Immaculée Conception, l'Annonciation, la Maternité divine et l'Assomption sont des étapes fondamentales, intimement liées entre elles, à travers lesquelles l'Eglise exalte et chante le destin glorieux de la Mère de Dieu, mais dans lesquelles nous pouvons également lire notre histoire. Le mystère de la conception de Marie rappelle la première page de l'histoire humaine, en nous indiquant que, dans le dessein divin de la création, l'homme aurait dû posséder la pureté et la beauté de l'Immaculée. Ce dessein, compromis mais non détruit par le péché, à travers l'incarnation du Fils de Dieu, annoncée et réalisée en Marie, a été recomposé et restitué à la libre acceptation de l'homme dans la foi. Enfin, dans l'Assomption de Marie, nous contemplons ce que nous sommes appelés à atteindre à la suite du Christ Seigneur et dans l'obéissance à sa Parole, au terme de notre chemin sur la terre.

La dernière étape du pèlerinage terrestre de la Mère de Dieu nous invite à considérer la façon dont Elle a parcouru son chemin vers l'objectif de l'éternité glorieuse.

Dans le passage de l'Evangile qui vient d'être proclamé, saint Luc raconte que Marie, après l'annonce de l'Ange, "se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée" pour rendre visite à Elisabeth (
Lc 1,39). En disant cela, l'évangéliste veut souligner que pour Marie, suivre sa vocation de manière docile à l'Esprit de Dieu, qui a opéré en Elle l'incarnation du Verbe, signifie parcourir une nouvelle route et entreprendre rapidement un chemin en dehors de sa propre maison, en se laissant conduire uniquement par Dieu. Saint Ambroise, en commentant la "hâte" de Marie, affirme: "la grâce de l'Esprit Saint ne comporte pas de lenteurs" (Expos. Evang. sec; Lucam, II, 19: pl 15, 1560). La vie de la Vierge est conduite par un Autre - "Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole" (Lc 1,38) -, elle est modelée par l'Esprit Saint, elle est marquée par des événements et des rencontres, comme celle avec Elisabeth, mais surtout par la relation très particulière avec son Fils Jésus. C'est un chemin sur lequel Marie, conservant et méditant dans son coeur les événements de son existence, aperçoit en eux de manière toujours plus profonde le dessein mystérieux de Dieu le Père, pour le salut du monde.

En suivant ensuite Jésus, de Bethléem à l'exil en Egypte, lors de sa vie cachée et de sa vie publique, jusqu'au pied de la Croix, Marie vit son ascension constante vers Dieu dans l'esprit du Magnificat, en adhérant pleinement, même dans les moments d'obscurité et de souffrance, au projet d'amour de Dieu et en nourrissant dans son coeur l'abandon total entre les mains du Seigneur, si bien qu'elle est un paradigme pour la foi de l'Eglise (cf. Lumen gentium LG 64-65).

Toute la vie est une ascension, toute la vie est méditation, obéissance, confiance et espérance, même dans les ténèbres; et toute la vie est cette "sainte hâte", qui sait que Dieu est toujours la priorité et que rien d'autre ne doit susciter de hâte dans notre existence.

Enfin, l'Assomption nous rappelle que la vie de Marie, comme celle de chaque chrétien, est un chemin d'imitation, à la suite de Jésus, un chemin qui a un objectif bien précis, un avenir déjà tracé: la victoire définitive sur le péché et sur la mort et la pleine communion avec Dieu, car - comme le dit Paul dans la Lettre aux Ephésiens - le Père "nous a ressuscités; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus" (Ep 2,6). Cela veut dire qu'avec le Baptême, nous sommes fondamentalement déjà ressuscités et que nous siégeons dans les cieux en Jésus Christ, mais que nous devons corporellement rejoindre ce qu'il a commencé et réalisé dans le Baptême. En nous, l'union avec le Christ, la résurrection, est inachevée, mais pour la Vierge Marie, elle est accomplie, malgré le chemin que la Vierge a dû elle aussi accomplir. Elle est entrée dans la plénitude de l'union avec Dieu, avec son Fils, et elle nous attire et nous accompagne sur notre chemin.

Alors, en Marie élevée au ciel, nous contemplons celle qui, par un singulier privilège, participe corps et âme à la victoire définitive du Christ sur la mort.

"Ayant accompli le cours de sa vie terrestre, elle fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l'univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Ap 19,16), victorieux du péché et de la mort" (Lumen gentium LG 59). Dans la Vierge élevée au ciel, nous contemplons le couronnement de sa foi, de ce chemin de foi qu'Elle indique à l'Eglise et à chacun de nous: Celle qui a recueilli la Parole de Dieu à chaque instant est élevée au ciel, c'est-à-dire qu'Elle est elle-même accueillie par le Fils, dans cette "demeure" qu'il nous a préparée avec sa mort et sa résurrection (cf. Jn 14,2-3).

La vie de l'homme sur la terre - comme nous l'a rappelé la première lecture - est un chemin qui se déroule, constamment, dans la tension de la lutte entre le dragon et la femme, entre le bien et le mal. Telle est la situation de l'histoire humaine: elle est comme un voyage sur une mer souvent tempétueuse; Marie est l'étoile, qui nous guide vers son Fils Jésus, soleil qui est né au dessus des ténèbres de l'histoire (cf. Spe salvi, ) et elle nous donne l'espérance dont nous avons besoin: l'espérance que nous pouvons vaincre, que Dieu a vaincu et que, avec le Baptême, nous sommes entrés dans cette victoire. Nous ne succombons pas définitivement: Dieu nous aide, nous guide. Telle est l'espérance: cette présence du Seigneur en nous, qui devient visible en Marie élevée au ciel. "En Elle (...) - lirons-nous dans quelques instants dans la Préface de cette solennité - tu as fait resplendir pour ton peuple en pèlerinage sur la terre, un signe de réconfort et d'espérance certaine".
Avec saint Bernard, poète mystique de la Sainte Vierge, nous l'invoquons ainsi: "Nous te prions, ô bénie, par la grâce que tu as trouvée, par ces prérogatives que tu as méritées, par la Miséricorde que tu as fait naître, fais que celui qui pour toi a daigné participer à notre misère et à notre infirmité, grâce à ta prière, nous fasse participer à ses grâces, à sa béatitude et à sa gloire éternelle, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni pour les siècles des siècles. Amen" (Sermo 2 de Adventu, 5: PL 183, 43).


CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES ANCIENS ÉTUDIANTS DU "RATZINGER SCHÜLERKREIS"

30809
Castel Gandolfo, Chapelle du Centre Mariapoli - Dimanche 30 août 2009



Chers frères et soeurs!

Dans l'Evangile, nous rencontrons l'un des thèmes fondamentaux de l'histoire religieuse de l'humanité: la question de la pureté de l'homme devant Dieu. En tournant le regard vers Dieu, l'homme reconnaît qu'il est "pollué" et qu'il se trouve dans une condition d'où il ne peut pas accéder à la sainteté. De là naît la question sur la manière dont il pourrait devenir pur, se libérer de la "salissure" qui le sépare de Dieu. C'est de cette manière que sont nés, dans les différentes religions, des rites de purification, des chemins de purification intérieure et extérieure. Dans l'Evangile d'aujourd'hui, nous rencontrons des rites de purification, qui sont enracinés dans la tradition vétérotestamentaire, mais qui sont toutefois gérés de manière très unilatérale. Par conséquent, ils ne permettent pas à l'homme de s'ouvrir à Dieu, ils ne sont plus des chemins de purification et de salut, mais ils deviennent des éléments d'un système autonome d'obligations qui, pour être véritablement remplies en plénitude, exige souvent des spécialistes. Le coeur de l'homme n'est plus touché. L'homme, qui se meut à l'intérieur de ce système, ou bien s'en sent l'esclave ou tombe dans l'orgueil de pouvoir se justifier par lui-même.

L'exégèse libérale dit que cet Evangile révélerait que Jésus aurait remplacé le culte par la morale. Il aurait mis de côté le culte avec toutes ses pratiques inutiles. La relation entre l'homme et Dieu se fonderait à présent uniquement sur la morale. Si c'était vrai, cela signifierait que le christianisme, dans son essence, est moralité - que nous-mêmes, nous nous rendons purs et bons à travers notre action morale. Si nous réfléchissons de manière plus approfondie sur cette opinion, il apparaît clairement que ce ne peut pas être la réponse complète de Jésus à la question de la pureté. Si nous voulons entendre et comprendre pleinement le message du Seigneur, alors, nous devons également écouter pleinement - nous ne pouvons pas nous contenter d'un détail, mais nous devons prêter attention à tout son message. En d'autres termes, nous devons lire entièrement les Evangiles, tout le Nouveau Testament et avec celui-ci, l'Ancien Testament.

La première lecture d'aujourd'hui, tirée du Livre du Deutéronome, nous offre un détail important d'une réponse et nous fait faire un pas en avant. Nous écoutons ici quelque chose qui peut être surprenant pour nous, à savoir qu'Israël est invité par Dieu lui-même à être reconnaissant et à éprouver une humble fierté du fait de connaître la volonté de Dieu et d'être ainsi sage. Précisément à cette époque, l'humanité, tant dans le contexte grec que sémitique, recherchait la sagesse: elle cherchait à comprendre ce qui compte. La science nous dit beaucoup de choses et nous est utile sous beaucoup d'aspects, mais la sagesse est la connaissance de l'essentiel - connaissance du but de notre existence et de la façon dont nous devons vivre pour que la vie soit un juste succès. La lecture tirée du Deutéronome évoque le fait que la sagesse, en dernière analyse, est identique à la Torah - à la Parole de Dieu qui nous révèle ce qui est essentiel, dans quel but et de quelle manière nous devons vivre. Ainsi, la Loi n'apparaît pas comme un esclavage, mais elle est - comme il est dit dans le grand Psaume 119 - la cause d'une grande joie: nous n'avançons pas à l'aveuglette dans le noir, nous n'errons pas en vain à la recherche de ce qui pourrait être juste, nous ne sommes pas comme des brebis sans pasteur, qui ne savent pas où est la juste voie. Dieu s'est manifesté. Il nous indique lui-même la route. Nous connaissons sa volonté et avec cela la vérité qui compte dans notre vie. Il y a deux choses qui nous sont dites à propos de Dieu: d'une part, qu'il s'est manifesté et qu'il nous indique la juste voie; de l'autre, que Dieu est un Dieu qui écoute, qui est proche de nous, nous répond et nous guide. On touche ainsi aussi au thème de la pureté: sa volonté nous purifie, sa proximité nous guide.

Je crois qu'il vaut la peine de s'arrêter un instant sur la joie d'Israël, due au fait de connaître la volonté de Dieu et d'avoir ainsi reçu en don la sagesse qui nous guérit et que nous ne pouvons pas trouver seuls. Existe-t-il entre nous, dans l'Eglise d'aujourd'hui, un semblable sentiment de joie pour la proximité de Dieu et pour le don de sa Parole? Qui voudrait démontrer une telle joie serait bien vite accusé de triomphalisme. Mais, justement, ce ne sont pas nos aptitudes qui nous indiquent la véritable volonté de Dieu. C'est un don immérité qui nous rend dans le même temps humbles et joyeux. Si nous réfléchissons sur la perplexité du monde devant les grandes questions du présent et de l'avenir, alors en nous aussi devrait jaillir à nouveau la joie du fait que Dieu nous a montré gratuitement son visage, sa volonté, lui-même. Si cette joie réapparaît en nous, elle touchera aussi le coeur des non-croyants. Sans cette joie, nous ne sommes pas convaincants. Mais là où cette joie est présente, celle-ci - même sans le vouloir - possède une force missionnaire. Elle fait, en effet, se demander aux hommes si ce n'est pas là que se trouverait effectivement la voie - si cette joie ne guiderait pas effectivement sur les traces de Dieu lui-même.

Tout cela se trouve encore approfondi dans le passage, tiré de la Lettre de saint Jacques, que l'Eglise nous propose aujourd'hui. J'aime la Lettre de saint Jacques notamment parce que, grâce à elle, nous pouvons nous faire une idée de la dévotion de la famille de Jésus. C'était une famille observante. Observante au sens où elle vivait la joie deutéronomique pour la proximité de Dieu, qui nous est donnée dans sa Parole et dans son Commandement. C'est un genre d'observance tout à fait différent de celle que nous observons chez les pharisiens de l'Evangile, qui en avaient fait un système extériorisé et asservissant. C'est aussi un genre d'observance différent de celle que Paul, comme rabbin, avait appris: celle-ci était - comme nous le voyons dans ses lettres - l'observance d'un spécialiste qui connaissait tout et savait tout; qui était fier de sa connaissance et de sa justice et qui, toutefois, souffrait sous le poids des prescriptions, si bien que la Loi n'apparaissait plus comme un guide joyeux vers Dieu, mais plutôt comme une exigence qui, en définitive, ne pouvait pas être satisfaite.

Dans la Lettre de saint Jacques, nous trouvons cette observance qui n'est pas tournée sur elle-même, mais se tourne joyeusement vers le Dieu proche, qui nous fait part de sa proximité et nous indique la voie juste. Ainsi, la Lettre de saint Jacques parle de la Loi parfaite de la liberté et entend ainsi la compréhension nouvelle et approfondie de la Loi qui nous est donnée par le Seigneur. Pour Jacques, la Loi n'est pas une exigence qui prétend trop de nous, qui nous fait face de l'extérieur et ne peut jamais être satisfaite. Il pense dans la perspective que nous rencontrons dans une phrase des discours d'adieu de Jésus: "Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître" (
Jn 15,15). Celui à qui tout est révélé appartient à la famille; il n'est plus serviteur, mais il est libre parce que, précisément, il fait partie lui-même de la maison. Une semblable introduction initiale dans la pensée de Dieu lui-même a eu lieu en Israël sur le mont Sinaï. Elle est ensuite advenue de manière définitive et grande au Cénacle et, en général, à travers l'oeuvre, la vie, la passion et la résurrection de Jésus; en Lui, Dieu nous a tout dit, il s'est manifesté totalement. Nous ne sommes plus serviteurs, mais amis. Et la Loi n'est plus une prescription pour des personnes qui ne sont pas libres, mais elle est le contact avec l'amour de Dieu - le fait d'être introduits dans la famille, un acte qui nous rend libres et "parfaits". C'est en ce sens que Jacques dit, dans la lecture d'aujourd'hui, que le Seigneur nous a engendrés au moyen de sa Parole, qu'il a planté sa Parole comme une force de vie dans notre intimité. Ici, on parle aussi de la "religion pure" qui consiste dans l'amour pour le prochain - en particulier pour les veuves et les orphelins, pour ceux qui ont le plus besoin de nous - et dans la liberté par rapport aux modes de ce monde, qui nous contaminent. La Loi, en tant que parole de l'amour, n'est pas une contradiction à la liberté, mais un renouveau de l'intérieur à travers l'amitié avec Dieu. Il se manifeste quelque chose de semblable lorsque Jésus, dans le discours sur la vigne, dit aux disciples: "Déjà vous êtes purs, grâce à la parole que je vous ai fait entendre" (Jn 15,3). Et cela apparaît une autre fois aussi dans la Prière sacerdotale: Vous êtes consacrés dans la vérité (cf. Jn 17,17-19). Ainsi, nous trouvons à présent la juste structure du processus de purification et de pureté: ce qui est bon n'est pas créé par nous - cela serait un simple moralisme -, mais la Vérité vient vers nous. Lui-même est la Vérité, la Vérité en personne. La pureté est un événement dialogique. Elle commence avec le fait qu'il vient à notre rencontre - Lui, qui est la Vérité et l'Amour -, il nous prend par la main, il pénètre notre être. Dans la mesure où nous nous laissons toucher par Lui, où la rencontre devient amitié et amour, nous devenons nous-mêmes, à partir de sa pureté, des personnes pures puis des personnes qui aiment avec son amour, des personnes qui introduisent les autres aussi dans sa pureté et dans son amour.

Augustin a résumé tout ce processus dans la belle expression: Da quod iubes et iube quod vis - accorde ce que tu ordonnes puis ordonne ce que tu veux. C'est cette requête que nous voulons à présent porter devant le Seigneur et Le prier: Oui, purifie-nous dans la vérité. Sois toi-même la vérité qui nous rend purs. Fais qu'à travers l'amitié avec toi, nous devenions libres et ainsi, vraiment fils de Dieu; fais que nous devenions capables de nous asseoir à ta table et de répandre dans ce monde la lumière de ta pureté et de ta bonté. Amen.


VISITE PASTORALE À VITERBE ET BAGNOREGIO (ITALIE)

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CONCÉLÉBRATION Esplanade de la vallée Faul - Viterbe - Dimanche 6 septembre 2009

Chers frères et soeurs!

Le cadre dans lequel nous célébrons la Messe est véritablement inédit et suggestif: nous nous trouvons dans la "vallée" qui donne sur l'antique Porte appelée faul, dont les quatre lettres rappellent les quatre collines de l'antique Viterbium, c'est-à-dire Fanum-Arbanum-Vetulonia-Longula. D'un côté s'élève, imposant, le Palais, autrefois résidence des Papes, qui - comme l'a rappelé votre évêque -, au XIII siècle, a vu se dérouler cinq conclaves; nous sommes entourés d'édifices et de places qui témoignent des multiples événements du passé, aujourd'hui tissu de vie de votre ville et province. Dans ce cadre, qui évoque des siècles d'histoire civile et religieuse, se trouve à présent idéalement rassemblée, avec le Successeur de Pierre, toute votre communauté diocésaine, pour qu'il nous confirme dans la fidélité au Christ et à son Evangile.

A vous tous, chers frères et soeurs, j'adresse avec affection ma pensée reconnaissante pour l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé. Je salue en premier lieu votre bien-aimé pasteur, Mgr Lorenzo Chiarinelli, que je remercie pour ses paroles de bienvenue. Je salue les autres évêques, en particulier ceux du Latium avec le cardinal-vicaire de Rome, les chers prêtres diocésains, les diacres, les séminaristes, les religieux et les religieuses, les jeunes et les enfants, et j'étends mon souvenir à toutes les composantes du diocèse, qui, dans un passé récent, a vu s'unir à Viterbe, avec l'abbaye San Martino au Mont Cimino, les diocèses d'Acquapendente, de Bagnoregio, de Montefiascone et de Tuscania. Cette nouvelle configuration est à présent sculptée de façon artistique dans les "Portes de bronze" de l'Eglise-cathédrale que, commençant ma visite de la Place Sain-Laurent, j'ai pu bénir et admirer. Je m'adresse avec déférence aux autorités civiles et militaires, aux représentants du gouvernement, de la région et de la province, et de façon particulière au maire de la ville, qui s'est fait l'interprète des sentiments cordiaux de la population de Viterbe. Je remercie les forces de l'ordre, et je salue les nombreux militaires présents dans cette ville, ainsi que ceux qui sont engagés dans les missions de paix dans le monde. Je salue et je remercie les volontaires, ainsi que tous ceux qui ont apporté leur contribution à la réalisation de ma visite. Je réserve un salut particulier aux personnes âgées et aux personnes seules, aux malades, aux détenus dans les prisons, et à tous ceux qui n'ont pas pu prendre part à notre rencontre de prière et d'amitié.

Chers frères et soeurs, chaque assemblée liturgique est un espace de la présence de Dieu. Réunis pour la Sainte Eucharistie, les disciples du Seigneur proclament qu'il est ressuscité, qu'il est vivant et donne la vie, et témoignent que sa présence est grâce, est devoir, est joie. Ouvrons notre coeur à sa parole et accueillons le don de sa présence! Dans la première lecture, le prophète Isaïe (
Is 35,4-7) encourage les "coeurs défaillants" et annonce cette nouveauté merveilleuse, que l'expérience confirme: lorsque le Seigneur est présent, les yeux de l'aveugle se déssillent, les oreilles du sourd s'ouvrent, le boiteux "bondit" comme un cerf. Tout renaît et tout revit car des eaux bénéfiques irriguent le désert. Le "désert", dans son langage symbolique, peut évoquer les événements dramatiques, les situations difficiles, et la solitude qui marque souvent la vie; le désert plus profond est le coeur humain lorsqu'il perd la capacité d'écouter, de parler, de communiquer avec Dieu et avec les autres. On devient alors aveugle car l'on est incapables de voir la réalité; les oreilles se referment pour ne pas entendre le cri de ceux qui implorent de l'aide; notre coeur se durcit dans l'indifférence et dans l'égoïsme. Mais à présent - annonce le prophète - tout est destiné à changer; la "terre aride" d'un coeur fermé sera irriguée par une nouvelle sève divine. Et lorsque le Seigneur vient, aux coeurs défaillants de toute époque, il dit avec autorité: "Soyez forts, ne craignez pas"! (Is 35,4).

L'épisode évangélique, rapporté par saint Marc (Mc 7,31-37) se relie ici parfaitement: Jésus guérit un sourd-muet en terre païenne. D'abord, il l'accueille et prend soin de lui avec le langage des gestes, plus immédiat que les paroles; puis, avec une expression en langue araméenne, il lui dit: "Ephphata", c'est-à-dire "ouvre-toi", redonnant à cet homme l'ouïe et la voix. Emplie d'émerveillement, la foule s'exclame: "Il a bien fait toutes choses" (Mc 7,37). Nous pouvons voir dans ce "signe" l'ardent désir de Jésus de vaincre dans l'homme la solitude et le manque de communication suscitées par l'égoïsme, pour donner forme à une "nouvelle humanité", l'humanité de l'écoute et de la parole, du dialogue, de la communication, de la communion, de la communion avec Dieu. Une humanité "bonne", comme toute la création de Dieu est bonne; une humanité sans discrimination, sans exclusion - comme avertit l'apôtre Jacques dans sa Lettre (Jc 2,1-5) - afin que le monde soit véritablement et pour tous "le lieu d'une réelle fraternité" (Gaudium et spes GS 37) dans l'ouverture de l'amour pour le Père commun qui nous a créés et a fait de nous ses fils et ses filles.

Chère Eglise de Viterbe, que le Christ, que, dans l'Evangile, nous voyons ouvrir les oreilles et dénouer le noeud de la langue au sourd-muet, ouvre ton coeur et te donne toujours la joie de l'écoute de sa Parole, le courage de l'annonce de son Evangile, la capacité de parler avec Dieu et, ainsi, de parler avec tes frères et soeurs, et enfin le courage de la découverte de son Visage et de sa Beauté! Mais, pour que cela puisse avoir lieu, - rappelle saint Bonaventure de Bagnoregio, où je me rendrai cet après-midi - l'esprit doit "aller au-delà de tout à travers la contemplation et aller au-delà non seulement du monde sensible, mais également au-delà de lui-même" (Itinerarium mentis in Deum, VII, 1). Tel est l'itinéraire de salut, illuminé par la lumière de la Parole de Dieu et nourri par les sacrements, qui unit tous les chrétiens.

Je voudrais à présent reprendre quelques orientations spirituelles et pastorales de ce chemin que toi aussi, Eglise bien-aimée qui vis sur cette terre, tu es appelée à parcourir. Une priorité qui tient profondément au coeur de ton évêque est l'éducation à la foi, comme recherche, comme initiation chrétienne, comme vie dans le Christ. C'est le "devenir chrétien" qui consiste en cette façon d'"apprendre le Christ" que saint Paul exprime par la formule: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20). A cette expérience participent les paroisses, les familles et les différentes associations. Les catéchistes et tous les éducateurs sont appelés à s'engager; l'école est appelée à offrir sa contribution, du primaire à l'Université de la Tuscia, toujours plus importante et prestigieuse, et, en particulier, l'école catholique, avec l'Institut philosophique et théologique "San Pietro". Il existe des modèles toujours actuels, d'authentiques pionniers de l'éducation à la foi auxquels s'inspirer. J'ai plaisir à citer, entre autres, sainte Rosa Venerini (1656-1728) - que j'ai eu la joie de canoniser il y a trois ans - véritable précurseur des écoles féminines en Italie, précisément "au siècle des Lumières"; sainte Lucia Filippini (1672-1732) qui, avec l'aide du vénérable cardinal Marco Antonio Barbarigo (1640-1706), a fondé les "Maîtresses pies" dignes d'éloges. On pourra encore puiser avec bonheur à ces sources spirituelles, pour affronter, avec lucidité et cohérence, l'"urgence éducative" actuelle, inéluctable et prioritaire, grand défi pour chaque communauté chrétienne et pour toute la société, qui est précisément un processus "Ephphata", d'ouvrir les oreilles, délier le noeud de la langue et aussi d'ouvrir les yeux.

Avec l'éducation, le témoignage de la foi. "La foi - écrit saint Paul - agit par la charité" (cf. Ga 5,6). C'est dans cette perspective que l'action caritative de l'Eglise acquiert son visage: ses initiatives, ses oeuvres sont des signes de la foi et de l'amour de Dieu, qui est Amour - comme je l'ai largement rappelé dans les encycliques Deus caritas est et Caritas in veritate. Ici fleurit et doit toujours être davantage développée la présence du bénévolat, aussi bien sur le plan personnel, que sur celui associatif, qui trouve dans la Caritas son élément propulseur et éducatif. La jeune sainte Rose (1233-1251), co-patronne du diocèse et dont la fête tombe précisément ces jours-ci, est un exemple lumineux de foi et de générosité envers les pauvres. En outre, comment ne pas rappeler que sainte Giacinta Marescotti (1585-1640), de son monastère, promut dans la ville l'adoration eucharistique et donna naissance à des institutions et des initiatives pour les détenus et les exclus? On ne peut pas non plus oublier le témoignage franciscain de saint Crispin, capucin (1668-1759), qui à l'heure actuelle, inspire encore des oeuvres d'assistance méritoires. Il est significatif que dans ce climat de ferveur évangélique soient nés de nombreux cas de vie consacrée, masculine et féminine, et en particulier des monastères de clôture, qui constituent un rappel visible du primat de Dieu dans notre existence et qui nous rappellent que la première forme de la charité est précisément la prière. A cet égard, l'exemple de la bienheureuse Gabriella Sagheddu (1914-1939), trappiste, est emblématique: dans le monastère de Vitorchiano, où elle est enterrée, continue à être proposé cet oecuménisme spirituel, nourri par une prière incessante, vivement sollicité par le Concile Vatican II (cf. Unitatis redintegratio UR 8). Je me rappelle également du bienheureux Domenico Bàrberi (1792-1849), Viterbien, passionniste, qui en 1845, accueillit dans l'Eglise catholique John Henry Newman, devenu ensuite cardinal, une figure de grande envergure intellectuelle et à la spiritualité lumineuse.

Je voudrais enfin mentionner une troisième direction de votre plan pastoral: l'attention aux signes de Dieu. Comme l'a fait Jésus avec le sourd-muet, Dieu continue de la même manière à nous révéler son projet à travers des "événements et des paroles". Ecouter sa parole et discerner ses signes doit donc être l'engagement de chaque chrétien et de chaque communauté. Le plus concret des signes de Dieu est certainement l'attention à l'égard du prochain, selon ce que Jésus a dit: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). En outre, comme l'affirme le Concile Vatican ii, le chrétien est appelé à être "face au monde un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus, et un signe du Dieu vivant" (Lumen gentium LG 38). C'est tout d'abord le prêtre, que le Christ a choisi entièrement pour lui, qui doit l'être. Au cours de cette Année sacerdotale, priez avec une plus grande intensité pour les prêtres, pour les séminaristes et pour les vocations, afin qu'ils soient fidèles à leur vocation! Chaque personne consacrée et chaque baptisé doit, par ailleurs, être un signe du Dieu vivant.

Fidèles laïcs, jeunes et familles, n'ayez pas peur de vivre et de témoigner la foi dans les différents milieux de la société, dans les multiples situations de l'existence humaine! Viterbe a été à l'origine, également à cet égard, de figures prestigieuses. En cette occasion, c'est une joie et un devoir de rappeler le jeune Mario Fani de Viterbe, créateur du "Cercle de sainte Rose", qui alluma, avec Giovanni Acquaderni, de Bologne, cette première lumière qui deviendra ensuite l'expérience historique du laïcat en Italie: l'Action catholique. Les saisons de l'histoire se succèdent, les contextes sociaux se transforment, mais la vocation des chrétiens à vivre l'Evangile en solidarité avec la famille humaine, avec leur temps, ne change pas et ne passe pas de mode. Voilà l'engagement social, voilà le service caractéristique de l'action politique, voilà le développement humain intégral.

Chers frères et soeurs! Lorsque le coeur s'égare dans le désert de la vie, n'ayez pas peur, confiez-vous au Christ, le premier-né de l'humanité nouvelle: une famille de frères construite dans la liberté et dans la justice, dans la vérité et dans la charité des fils de Dieu. A cette grande famille appartiennent des sains qui vous sont chers: Laurent, Valentin, Hilaire, Rose, Lucie, Bonaventure et de nombreux autres. Notre Mère commune est Marie, que vous vénérez sous le titre de Madone du Chêne, comme Patronne de tout le diocèse dans sa nouvelle configuration. Que ce soient eux qui vous gardent toujours unis et qui nourrissent en chacun le désir de proclamer, à travers les paroles et les oeuvres, la présence et l'amour du Christ! Amen.



ORDINATION ÉPISCOPALE DE CINQ NOUVEAUX PRÉLATS Basilique Vaticane - Samedi 12 septembre 2009

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Chers frères et soeurs!


Nous saluons avec affection et nous nous unissons cordialement à la joie de nos cinq frères prêtres, que le Seigneur a appelés à être successeurs des Apôtres: Mgr Gabriele Giordano Caccia, Mgr Franco Coppola, Mgr Pietro Parolin, Mgr Raffaelo Martinelli et Mgr Giorgio Corbellini. Je suis reconnaissant à chacun d'eux pour le service fidèle qu'ils ont rendu à l'Eglise en travaillant à la Secrétairerie d'Etat ou à la Congrégation pour la doctrine de la foi ou au Gouvernorat de l'Etat de la Cité du Vatican, et je suis certain que, avec le même amour pour le Christ et le même zèle pour les âmes, ils accompliront dans leurs nouveaux domaines d'action pastorale le ministère qui leur est confié aujourd'hui à travers l'ordination épiscopale. Selon la Tradition apostolique, ce Sacrement est conféré à travers l'imposition des mains et la prière. L'imposition des mains se déroule en silence. La parole humaine se tait. L'âme s'ouvre en silence à Dieu, dont la main se tend vers l'homme, l'attire à lui et, dans le même temps, le couvre pour le protéger, afin que par la suite, il soit entièrement la propriété de Dieu, il lui appartienne entièrement et introduise les hommes dans les mains de Dieu. Mais, comme deuxième élément fondamental de l'acte de consécration, vient ensuite la prière. L'ordination épiscopale est un événement de prière. Aucun homme ne peut faire d'un autre un prêtre ou un évêque. C'est le Seigneur lui-même qui, à travers la parole de la prière et le geste de l'imposition des mains, prend cet homme entièrement à son service, l'attire dans son propre Sacerdoce. C'est lui qui consacre les évêques. C'est lui qui consacre les élus. C'est lui, l'unique Prêtre suprême, qui a offert l'unique sacrifice pour nous tous, qui lui accorde la participation à son Sacerdoce, afin que sa Parole et que son oeuvre soient présentes en tout temps.

En vertu de ce lien entre la prière et l'action du Christ sur l'homme, l'Eglise a développé dans sa Liturgie un signe éloquent. Au cours de la prière d'ordination, on ouvre sur le candidat l'Evangéliaire, le Livre de la Parole de Dieu. L'Evangile doit pénétrer en lui, la Parole vivante de Dieu doit, pour ainsi dire, l'imprégner. L'Evangile, au fond, n'est pas seulement parole - le Christ lui-même est l'Evangile. A travers la Parole, la vie même du Christ doit imprégner l'homme, afin qu'il devienne entièrement un avec Lui, que le Christ vive en Lui et donne à sa vie sa forme et son contenu. De cette manière, doit se réaliser en lui ce qui dans les lectures de la Liturgie d'aujourd'hui apparaît comme l'essence du ministère sacerdotal du Christ. Le consacré doit être empli de l'Esprit de Dieu et vivre à partir de Lui. Il doit apporter aux pauvres l'annonce joyeuse, la liberté véritable et l'espérance qui fait vivre l'homme et le guérit. Il doit établir le Sacerdoce du Christ au milieu des hommes, le Sacerdoce à la façon de Melchisedek, c'est-à-dire le royaume de la justice et de la paix. Comme les 72 disciples envoyés par le Seigneur, il doit être une personne qui apporte la guérison, qui aide à guérir la blessure intérieure de l'homme, son éloignement de Dieu. Le premier bien essentiel dont l'homme a besoin est la proximité de Dieu lui-même. Le royaume de Dieu, dont il est question dans le passage évangélique d'aujourd'hui, n'est pas quelque chose "à côté de Dieu", une condition quelconque du monde: c'est tout simplement la présence de Dieu lui-même, qui est la force véritablement guérissante.

Jésus a résumé tous ces multiples aspects de son Sacerdoce dans cette unique phrase: "Le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir" (
Mc 10,45). Servir et à travers cela se donner soi-même; être non pour soi-même, mais pour les autres, de la part de Dieu et en vue de Dieu: tel est le coeur le plus profond de la mission de Jésus Christ et également la véritable essence de son Sacerdoce. Ainsi, il a fait du terme "serviteur" son titre honorifique le plus élevé. A travers cela, il a accompli un renversement des valeurs, il nous a donné une nouvelle image de Dieu et de l'homme. Jésus ne vient pas comme l'un des maîtres de ce monde, mais c'est Lui, qui est le véritable Maître, qui vient comme serviteur. Son Sacerdoce n'est pas domination, mais service: tel est le nouveau Sacerdoce de Jésus Christ à la façon de Melchisedek.

Saint Paul a formulé l'essence du ministère apostolique et sacerdotal de façon très claire. Face aux disputes qui existaient au sein de l'Eglise de Corinthe entre des courants divers qui se référaient à des apôtres divers, il demande: Mais qu'est-ce qu'un apôtre? Qu'est-ce qu'Apollos? Qu'est-ce que Paul? Ce sont des serviteurs, chacun d'eux selon ce que le Seigneur lui a donné (cf. 1Co 3,5). "Qu'on nous regarde donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, ce qu'en fin de compte on demande, c'est que chacun soit trouvé fidèle" (1Co 4,1sq). A Jérusalem, au cours de sa dernière semaine de vie, Jésus lui-même a parlé dans deux paraboles de ces serviteurs auxquels le Seigneur confie ses biens dans le temps du monde, et y a relevé trois caractéristiques qui distinguent la façon juste de servir, dans lesquelles se concrétise aussi l'image du ministère sacerdotal. Jetons, enfin, encore un bref regard sur ces caractéristiques, pour contempler, avec les yeux de Jésus lui-même, le devoir que vous, chers amis, êtes appelés à assumer en cette heure.

La première caractéristique que le Seigneur demande au serviteur est la fidélité. Il lui a été confié un grand bien, qui ne lui appartient pas. L'Eglise n'est pas notre Eglise, mais son Eglise, l'Eglise de Dieu. Le serviteur doit rendre compte de la façon dont il a géré le bien qui lui a été confié. Ne lions pas les hommes à nous; ne recherchons pas le pouvoir, le prestige, l'estime pour nous-mêmes. Conduisons les hommes vers Jésus Christ, et ainsi, vers le Dieu vivant. A travers cela, nous les introduisons dans la vérité et la liberté, qui découle de la vérité. La fidélité est altruisme, et précisément ainsi, elle est libératrice pour le ministre lui-même et pour tous ceux qui lui sont confiés. Nous savons que dans la société civile, et souvent, même dans l'Eglise, les affaires souffrent du fait que beaucoup de personnes, auxquelles a été confiée une responsabilité, oeuvrent pour elles-mêmes et non pas pour la communauté, pour le bien commun. Le Seigneur trace en quelques lignes une image du mauvais serviteur qui se met à faire ripaille et à frapper ses employés, trahissant ainsi l'essence de sa charge. En grec, le mot qui indique la "fidélité" coïncide avec celui qui indique la "foi". La fidélité du serviteur de Jésus Christ consiste précisément également dans le fait qu'il ne cherche pas à adapter la foi aux modes du temps. Seul le Christ possède les paroles de vie éternelle, et nous devons apporter ces paroles aux personnes. Elles sont le bien le plus précieux qui nous a été confié. Une telle fidélité n'a rien de stérile, ni de statique; elle est créative. Le maître réprimande le serviteur, qui avait caché sous terre le bien qui lui avait été confié pour éviter tout risque. Avec cette apparente fidélité, le serviteur a en réalité laissé de côté le bien du maître, pour pouvoir se consacrer uniquement à ses propres affaires. La fidélité ne signifie pas la peur, mais elle est inspirée par l'amour et par son dynamisme. Le maître loue le serviteur qui a fait fructifier ses biens. La foi exige d'être transmise: elle ne nous a pas été confiée uniquement pour nous-mêmes, pour le salut personnel de notre âme, mais pour les autres, pour ce monde et pour notre temps. Nous devons la situer dans ce monde, afin qu'elle devienne en lui une force vivante; pour faire croître en lui la présence de Dieu.

La deuxième caractéristique, que Jésus demande à son serviteur, est la prudence. Il faut tout de suite écarter un malentendu. La prudence est quelque chose de différent de l'astuce. La prudence, selon la tradition philosophique grecque, est la première des vertus cardinales; elle indique le primat de la vérité, qui à travers la "prudence" devient le critère de notre action. La prudence exige la raison humble, disciplinée et vigilante, qui ne se laisse pas éblouir par des préjugés; elle ne juge pas selon les désirs et les passions, mais elle recherche la vérité - également la vérité qui dérange. La prudence signifie se mettre à la recherche de la vérité et agir d'une manière qui lui soit conforme. Le serviteur prudent est tout d'abord un homme de vérité et un homme à la raison sincère. Dieu, au moyen de Jésus Christ, nous a ouvert la fenêtre de la vérité qui, face à nos seules forces, reste souvent étroite et seulement en partie transparente. Il nous indique dans l'Ecriture Sainte et dans la foi de l'Eglise la vérité essentielle sur l'homme, qui imprime la juste direction à notre action. Ainsi, la première vertu cardinale du prêtre ministre de Jésus Christ consiste à se laisser façonner par la vérité que le Christ nous montre. De cette manière, nous devenons des hommes vraiment raisonnables, qui jugent à partir de l'ensemble et non à partir de détails au hasard. Ne nous laissons pas guider par la petite fenêtre de notre astuce personnelle, mais par la grande fenêtre, que le Christ nous a ouverte sur la vérité tout entière, regardons le monde et les hommes et reconnaissons ainsi ce qui compte vraiment dans la vie.

La troisième caractéristique dont Jésus parle dans les paraboles du serviteur est la bonté: "Très bien, serviteur bon et fidèle... entre dans la joie de ton maître" (Mt 25,21 Mt 25,23). Ce que l'on entend par la caractéristique de la "bonté" peut nous devenir clair, si nous pensons à la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche. Cet homme s'était adressé à Jésus en l'appelant: "Bon Maître" et il reçut une réponse surprenante: "Pourquoi m'appelles-tu bon? Personne n'est bon, sinon Dieu seul" (Mc 10,17sq). Seul Dieu est bon au sens plénier. Il est le Bien, le Bon par excellence, la Bonté en personne. Chez une créature - chez l'homme - être bon se fonde donc nécessairement sur une profonde orientation intérieure vers Dieu. La bonté s'accroît avec l'union intérieure au Dieu vivant. La bonté présuppose surtout une communion vivante avec le Bon Dieu, une union intérieure croissante avec Lui. Et de fait: de qui d'autre pourrait-on apprendre la véritable bonté sinon de Celui qui nous a aimés jusqu'à la fin, jusqu'au bout (cf. Jn 13,1)? Nous devenons des serviteurs bons à travers notre rapport vivant avec Jésus Christ. C'est seulement si notre vie se déroule dans le dialogue avec Lui, seulement si son être, ses caractéristiques pénètrent en nous et nous façonnent, que nous pouvons devenir des serviteurs vraiment bons.

Dans le calendrier de l'Eglise, on rappelle aujourd'hui le Nom de Marie. En Elle qui était et est totalement unie à son Fils, au Christ, les hommes dans les ténèbres et les souffrances de ce monde ont trouvé le visage de la Mère, qui nous donne du courage pour aller de l'avant. Dans la tradition occidentale, le nom de "Marie" a été traduit comme "Etoile de la Mer". Cette expérience s'exprime précisément en cela: combien de fois l'histoire dans laquelle nous vivons apparaît comme une mer sombre qui frappe de manière menaçante, avec ses vagues, la barque de notre vie. Parfois, la nuit semble impénétrable. On peut souvent avoir l'impression que seul le mal possède du pouvoir et que Dieu est infiniment loin. Souvent nous n'entrevoyons que de loin la grande Lumière, Jésus Christ qui a vaincu la mort et le mal. Mais nous voyons alors très proche la lumière qui s'allume, lorsque Marie dit: "Voilà, je suis la servante du Seigneur". Nous voyons la lumière claire de la bonté qui émane d'Elle. Dans la bonté avec laquelle Elle a accueilli et vient toujours à nouveau à la rencontre des grandes et des petites aspirations de nombreux hommes, nous reconnaissons de manière très humaine la bonté de Dieu lui-même. Avec sa bonté, il apporte toujours à nouveau Jésus Christ, et ainsi la grande Lumière de Dieu, dans le monde. Il nous a donné sa Mère comme notre Mère, afin que nous apprenions d'Elle à prononcer le "oui" qui nous fait devenir bons.

Chers amis, en cette heure, nous prions pour vous la Mère du Seigneur, pour qu'elle vous conduise toujours vers son Fils, source de toute bonté. Et nous prions pour que vous deveniez des serviteurs fidèles, prudents et bons et que vous puissiez ainsi un jour entendre du Seigneur de l'histoire la parole: Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton maître. Amen.



Benoît XVI Homélies 15809