Benoît XVI Homélies 60610

MESSE - PUBLICATION DE L’INSTRUMENTUM LABORIS DE L’ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LE MOYEN-ORIENT DU SYNODE DES ÉVÊQUES

60610

Palais de Sport Elefteria - Nicosie - Dimanche 6 juin 2010


Chers frères et soeurs dans le Christ,

Je salue avec joie tous les Patriarches et les Évêques des différentes communautés ecclésiales du Moyen Orient qui sont venus à Chypre pour cette occasion, et je remercie particulièrement Monseigneur Youssef Soueif, Archevêque maronite de Chypre, pour les paroles qu’il m’a adressées au début de cette eucharistie. Je salue également chaleureusement Sa Béatitude Chrysostomos II.

Je voudrais aussi vous dire combien je suis heureux d’avoir cette opportunité de célébrer l’Eucharistie avec de si nombreux fidèles de Chypre, un pays béni par le travail apostolique de saint Paul et de saint Barnabé. Je vous salue, tous, chaleureusement et je vous remercie pour votre hospitalité et pour le généreux accueil que vous m’avez réservé. Je voudrais étendre mes salutations aux Philippins, aux Sri-Lankais et aux autres communautés émigrées qui constituent un groupe significatif au sein de la population catholique de cette île. Je prie afin que votre présence en ces lieux enrichisse la vie et la mission des paroisses auxquelles vous appartenez, et qu’en retour vous tiriez beaucoup de nourriture spirituelle de l’héritage chrétien antique de cette terre dont vous avez fait votre nouvelle demeure.

Aujourd’hui, nous célébrons la Solennité du Corps et du Sang de Notre Seigneur. Corpus Christi, le nom donné en Occident à la fête d’aujourd’hui, est utilisé dans la Tradition de l’Église pour désigner trois réalités distinctes : le corps physique de Jésus, né de la Vierge Marie, son corps eucharistique, le pain du ciel qui nous nourrit dans ce grand sacrement, et son corps ecclésial, l’Église. En réfléchissant sur ces différents aspects du Corpus Christi, nous pouvons parvenir à une compréhension plus profonde du mystère de communion qui lie ensemble tous ceux qui appartiennent à l’Église. Tous ceux qui se nourrissent du corps et du sang du Christ dans l’Eucharistie sont « rassemblés dans l’unité par l’Esprit Saint » (Prière eucharistique n°2) pour former le saint et unique peuple de Dieu. Tout comme l’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres dans la Chambre haute à Jérusalem, ainsi le même Esprit Saint a une double action dans chaque célébration de la Messe : sanctifier les dons que sont le pain et le vin, afin qu’ils deviennent le corps et le sang du Christ, et combler tous ceux qui sont nourris par ces saints dons, afin qu’ils deviennent un seul corps et un seul esprit dans le Christ.

Saint Augustin exprime ce processus magnifiquement (cf. Sermon 272). Il nous rappelle que le pain n’est pas fabriqué à partir d’un seul grain, mais d’un grand nombre. Avant que tous ces grains ne deviennent du pain, ils doivent être moulus. Il fait ici allusion à l’exorcisme auquel les catéchumènes doivent se soumettre avant leur baptême. Chacun de nous qui appartenons à l’Église a besoin de sortir du monde clos de son individualité et d’accepter le ‘compagnonnage’ des autres, qui « partagent le pain » avec nous. Nous devons penser non plus à partir du ‘moi’ mais du ‘nous’. C’est pourquoi tous les jours, nous prions ‘notre’ Père, pour ‘notre’ pain quotidien. Abattre les barrières entre nous et nos voisins est le préalable premier pour entrer dans la vie divine à laquelle nous sommes appelés. Nous avons besoin d’être libérés de tout ce qui nous enferme et nous isole : crainte et défiance vis-à-vis des autres, avidité et égoïsme, mauvaise volonté pour prendre le risque de la vulnérabilité à laquelle nous nous exposons lorsque nous nous ouvrons à l’amour.

Les grains de blé, une fois écrasés, sont mélangés dans la pâte et cuits. Ici, saint Augustin fait référence à l’immersion dans les eaux baptismales suivie par le don sacramentel du Saint Esprit, qui embrase le coeur des fidèles avec le feu de l’amour de Dieu. Ce processus qui unit et transforme les grains isolés en un seul pain nous procure une image suggestive de l’action unifiante de l’Esprit Saint sur les membres de l’Église, réalisée de façon éminente à travers la célébration de l’Eucharistie. Ceux qui prennent part à ce grand sacrement deviennent le Corps ecclésial du Christ alors qu’ils se nourrissent de son Corps eucharistique. « Sois ce que tu peux voir », dit saint Augustin en les encourageant, « et reçois ce que tu es ».

Ces fortes paroles nous invitent à répondre généreusement à l’appel à « être le Christ » pour ceux qui nous entourent. Nous sommes son corps maintenant sur la terre. Pour paraphraser un célèbre propos attribué à sainte Thérèse d’Avila, nous sommes les yeux avec lesquels sa compassion regarde ceux qui sont dans le besoin, nous sommes les mains qu’il tend pour bénir et pour guérir, nous sommes les pieds dont il se sert pour aller faire le bien, et nous sommes les lèvres par lesquelles son Évangile est proclamé. Cependant, il est important de saisir que lorsque nous participons ainsi à son oeuvre de salut, nous ne faisons pas qu’honorer la mémoire d’un héros mort en prolongeant ce qu’il a fait : tout au contraire, le Christ est vivant en nous, son corps, l’Église, son peuple sacerdotal. En nous nourrissant de Lui dans l’Eucharistie et en accueillant l’Esprit Saint dans nos coeurs, nous devenons vraiment le Corps du Christ que nous avons reçu, nous sommes véritablement en communion avec lui et les uns avec les autres, et nous devenons authentiquement ses instruments, en lui rendant témoignage devant le monde.

« La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul coeur et une seule âme » (
Ac 4,32). Dans la première communauté chrétienne, nourrie à la table du Seigneur, nous voyons les effets de l’action unifiante de l’Esprit Saint. C’est elle qui les rendait capables de mettre leurs biens en commun, l’amour pour les frères leur permettant de dépasser tout attachement matériel. C’est elle qui les rendait capables de trouver des solutions équitables à leurs différends, comme, par exemple, dans la résolution de la dispute entre les frères de langue grecque et ceux de langue hébraïque à propos de la distribution quotidienne des secours (cf. Ac 6,1-6). C’est elle qui porta, plus tard, un observateur à dire : « Voyez comme ces chrétiens s’aiment les uns les autres, et comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres » (Tertullien, Apologie, 39). Néanmoins, cet amour n’était nullement limité à leurs seuls compagnons dans la foi. Ils ne se considèrent jamais comme les bénéficiaires exclusifs, privilégiés des faveurs divines, mais plutôt comme des messagers, envoyés pour porter la bonne nouvelle du salut dans le Christ jusqu’aux extrémités de la terre. Et c’est ainsi que le message confié aux Apôtres par le Seigneur ressuscité s’est répandu à travers le Moyen Orient, et de là dans le monde entier.

??ap?t?? e? ???st? ade?f?? ?a? a?ap?t?? ade?f??, s?µe?a e?µaste ?a?esµ???? sa? ??a s?µa ?a? µ?? ???? ?a e?et?s??µe se ß???? t?? ???????a µa? µe t?? ?????? ?a? µe t?? p??s??? ?a? ?a t?? µa?t???s??µe µp??st? se ??? t?? ??sµ?. [1]

Nous sommes appelés à dépasser nos différences, à porter la paix et la réconciliation partout où il y a des conflits, pour offrir au monde un message d’espérance. Nous sommes appelés à tendre la main à ceux qui sont dans le besoin, en partageant généreusement nos biens terrestres avec ceux qui sont moins bien pourvus que nous. Et nous sommes appelés à proclamer sans cesse la mort et la résurrection du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne dans la gloire. Par lui, avec lui et en lui, dans l’unité qui est le don de l’Esprit Saint à l’Église, rendons honneur et gloire à Dieu, notre Père céleste, en compagnie des anges et des saints qui chantent à jamais ses louanges. Amen.

[1] Chers frères et soeurs dans le Christ, nous sommes aujourd’hui appelés, tout comme ils le furent, à n’être qu’« un seul coeur et une seule âme », à approfondir notre communion avec le Seigneur et les uns avec les autres ; et à lui rendre témoignage aux yeux du monde.



MESSE DE CONCLUSION DE L'ANNÉE SACERDOTALE Solennité du Sacré Coeur de Jésus - Place Saint-Pierre - Vendredi 11 juin 2010

11610
Chers confrères dans le ministère sacerdotal,

Chers frères et soeurs,

L’Année sacerdotale que nous avons célébrée, 150 ans après la mort du saint Curé d’Ars, modèle du ministère sacerdotal dans notre monde, arrive à son terme. Par le Curé d’Ars, nous nous sommes laissé guider, pour saisir à nouveau la grandeur et la beauté du ministère sacerdotal. Le prêtre n’est pas simplement le détenteur d’une charge, comme celles dont toute société a besoin afin qu’en son sein certaines fonctions puissent être remplies. Il fait en revanche quelque chose qu’aucun être humain ne peut faire de lui-même : il prononce au nom du Christ la parole de l’absolution de nos péchés et il transforme ainsi, à partir de Dieu, la situation de notre existence. Il prononce sur les offrandes du pain et du vin les paroles d’action de grâce du Christ qui sont paroles de transsubstantiation – des paroles qui le rendent présent, Lui, le Ressuscité, son Corps et son Sang, et transforment ainsi les éléments du monde : des paroles qui ouvrent le monde à Dieu et l’unissent à Lui. Le sacerdoce n’est donc pas seulement une « charge », mais un sacrement : Dieu se sert d’un pauvre homme pour être, à travers lui, présent pour les hommes et agir en leur faveur. Cette audace de Dieu qui se confie à des êtres humains et qui, tout en connaissant nos faiblesses, considère les hommes capables d’agir et d’être présents à sa place – cette audace de Dieu est la réalité vraiment grande qui se cache dans le mot « sacerdoce ». Que Dieu nous considère capables de cela, que de cette manière il appelle les hommes à son service et qu’ainsi de l’intérieur il se lie à eux : c’est ce que, en cette année, nous voulions considérer et comprendre à nouveau. Nous voulions réveiller la joie que Dieu nous soit si proche, et la gratitude pour le fait qu’il se confie à notre faiblesse ; qu’il nous conduise et nous soutienne jour après jour. Nous voulions aussi ainsi montrer à nouveau aux jeunes que cette vocation, cette communion de service pour Dieu et avec Dieu, existe – et plus encore, que Dieu est en attente de notre « oui ». Avec l’Église, nous voulions à nouveau faire noter que cette vocation nous devons la demander à Dieu. Nous demandons des ouvriers pour la moisson de Dieu, et cette requête faite à Dieu c’est, en même temps, Dieu qui frappe à la porte du coeur des jeunes qui se considèrent capables de ce dont Dieu les considère capables. On pouvait s’attendre à ce que cette nouvelle mise en lumière du sacerdoce déplaise « l’ennemi » ; il aurait préféré le voir disparaître, pour qu’en fin de compte Dieu soit repoussé hors du monde. Et il est ainsi arrivé que, proprement au cours de cette année de joie pour le sacrement du sacerdoce, sont venus à la lumière les péchés des prêtres – en particulier l’abus à l’égard des petits, où le sacerdoce chargé de témoigner de la prévenance de Dieu à l’égard de l’homme se trouve retourné en son contraire. Nous aussi nous demandons avec insistance pardon à Dieu et aux personnes impliquées, alors que nous entendons promettre de faire tout ce qui est possible pour que de tels abus ne puissent jamais plus survenir ; promettre que dans l’admission au ministère sacerdotal et dans la formation délivrée au cours du parcours qui y prépare, nous ferons tout ce qui est possible pour examiner attentivement l’authenticité de la vocation et que nous voulons mieux encore accompagner les prêtres sur leur chemin, afin que le Seigneur les protège et les garde dans les situations difficiles et face aux dangers de la vie. Si l’Année sacerdotale avait du être une glorification de notre prestation humaine personnelle, elle aurait été détruite par ces événements. Mais il s’agissait pour nous exactement du contraire : devenir reconnaissant pour le don de Dieu, un don qui se cache « dans des vases d’argile » et qui toujours de nouveau, à travers toute la faiblesse humaine, rend concret son amour en ce monde. Nous considérons ainsi que ce qui est arrivé est un devoir de purification, un devoir qui nous porte vers l’avenir et qui, d’autant plus, nous fait reconnaître et aimer le grand don de Dieu. De cette façon, le don devient l’engagement de répondre au courage et à l’humilité de Dieu par notre courage et notre humilité. La parole du Christ, que nous avons chanté comme chant d’entrée dans la liturgie, peut nous suggérer en cette heure ce que signifie devenir et être prêtres : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur » (
Mt 11,29).

Nous célébrons la fête du Sacré Coeur de Jésus et nous jetons avec la liturgie, pour ainsi dire, un regard dans le coeur de Jésus qui, dans la mort, fut ouvert par la lance du soldat romain. Oui, son coeur est ouvert pour nous et devant nous – et ainsi, le coeur de Dieu lui-même nous est ouvert. La liturgie interprète pour nous le langage du coeur de Jésus, qui parle surtout de Dieu en tant que pasteur des hommes et nous présente de cette façon le sacerdoce de Jésus, qui est enraciné dans les profondeurs de son coeur ; elle nous indique ainsi le fondement durable, tout autant que le critère valable, de tout ministère sacerdotal, qui doit être ancré dans le coeur de Jésus et être vécu à partir de lui. Je voudrais aujourd’hui méditer surtout sur les textes avec lesquels l’Église qui prie répond à la Parole de Dieu donnée dans les lectures. Dans ces chants, la parole et la réponse se compénètrent. D’une part, eux-mêmes sont tirés de la Parole de Dieu, mais d’autre part, ils sont en même temps déjà la réponse de l’homme à une telle Parole, une réponse dans laquelle la Parole elle-même se communique et entre dans notre vie. Le plus important de ces textes dans la liturgie de ce jour est le Psaume 23 (Ps 22) – « Le Seigneur est mon berger » -, à travers lequel l’Israël priant a accueilli l’autorévélation de Dieu comme pasteur, et en a fait l’orientation pour sa vie. « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien » : dans ce premier verset, la joie et la gratitude s’expriment pour le fait que Dieu est présent et qu’il s’occupe de nous. La lecture tirée du Livre d’Ézéchiel débute par le même thème : « J’irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles » (Ez 34,11). Dieu prend personnellement soin de moi, de nous, de l’humanité. Je ne suis pas laissé seul, perdu dans l’univers et dans une société devant laquelle on demeure toujours plus désorientés. Il prend soin de moi. Il n’est pas un Dieu lointain, pour lequel ma vie compterait très peu. Les religions du monde, d’après ce que l’on peut voir, ont toujours su que, en dernière analyse, il y a un seul Dieu. Mais un tel Dieu demeurait lointain. Apparemment celui-ci abandonnait le monde à d’autres puissances et à d’autres forces, à d’autres divinités. De cela, il fallait s’accommoder. Le Dieu unique était bon, mais lointain cependant. Il ne constituait pas un danger, mais il n’offrait pas davantage une aide. Il n’était donc pas nécessaire de se préoccuper de lui. Il ne dominait pas. Étrangement, cette pensée est réapparue avec les Lumières. On comprenait encore que le monde supposait un Créateur. Cependant, ce Dieu avait construit le monde et s’en était ensuite évidemment retiré. À présent, le monde avait un ensemble de lois suivant lesquelles il se développait et sur lequel Dieu n’intervenait pas, ni ne pouvait intervenir. Dieu ne constituait qu’une origine lointaine. Beaucoup peut-être ne désiraient pas non plus que Dieu prenne soin d’eux. Ils ne voulaient pas être dérangés par Dieu. Mais là où la tendresse et l’amour de Dieu sont perçus comme une gêne, là l’être humain est faussé. Il est beau et consolant de savoir qu’il y a une personne qui m’aime et qui prend soin de moi. Mais il est encore plus décisif qu’existe ce Dieu qui me connaît, qui m’aime et se préoccupe de moi. « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent » (Jn 10,14), dit l’Église avant l’Évangile (de ce jour) avec une parole du Seigneur. Dieu me connaît, il se préoccupe de moi. Cette pensée devrait nous rendre véritablement joyeux. Laissons cela pénétrer profondément en nous. Alors nous comprendrons aussi ce qu’elle signifie : Dieu veut que nous, en tant que prêtres, en un petit point de l’histoire, nous partagions ses préoccupations pour les hommes. En tant que prêtres, nous voulons être des personnes qui, en communion avec sa tendresse pour les hommes, prenons soin d’eux, leur permettons d’expérimenter concrètement cette tendresse de Dieu. Et, à l’égard du milieu qui lui est confié, le prêtre, avec le Seigneur, devrait pouvoir dire : « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent ». « Connaître », au sens des Saintes Écritures, n’est jamais seulement un savoir extérieur, comme on connaît le numéro de téléphone d’une personne. « Connaître » signifie être intérieurement proche de l’autre. L’aimer. Nous devrions chercher à « connaître » les hommes de la part de Dieu et en vue de Dieu ; nous devrions chercher à cheminer avec eux sur la voie de l’amitié de Dieu.

Revenons à notre Psaume. Il y est dit : « Il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure » (23 (Ps 22,3-4). Le pasteur indique le juste chemin à ceux qui lui sont confiés. Il les précède et il les guide. Disons-le autrement : le Seigneur nous dévoile comment l’être humain s’accomplit de façon juste. Il nous enseigne l’art d’être une personne. Que dois-je faire pour ne pas précipiter, pour ne pas gaspiller ma vie dans l’absence de sens ? C’est précisément la question que tout homme doit se poser et qui vaut pour tout âge de la vie. Et quelle obscurité existe autour de cette question en notre temps ! Toujours de nouveau, nous vient à l’esprit la parole de Jésus, lequel avait compassion des hommes, parce qu’ils étaient comme des brebis sans pasteur. Seigneur, aie pitié aussi de nous ! Indique-nous le chemin ! De l’Évangile, nous savons cela : Il est lui-même la vie. Vivre avec le Christ, le suivre – cela signifie découvrir le juste chemin, afin que notre vie acquiert du sens et afin que nous puissions dire : « Oui, vivre a été une bonne chose ». Le peuple d’Israël était et est reconnaissant à Dieu, parce qu’à travers les Commandements il a indiqué la route de la vie. Le grand Psaume 119 (118) est une seule expression de joie pour ce fait : nous n’avançons pas à tâtons dans l’obscurité. Dieu nous a montré quel est le chemin, comment nous pouvons cheminer de façon juste. Ce que les Commandements disent a été synthétisé dans la vie de Jésus et est devenu un modèle vivant. Nous comprenons ainsi que ces directives de Dieu ne sont pas des chaînes, mais sont la voie qu’Il nous indique. Nous pouvons en être heureux et nous réjouir parce que dans le Christ elles sont devant nous comme une réalité vécue. Lui-même nous a rendus heureux. Dans notre cheminement avec le Christ, nous faisons l’expérience de la joie de la Révélation, et comme prêtres nous devons communiquer aux gens la joie liée au fait que nous a été indiquée la voie juste de la vie.

Il y a ensuite la parole concernant « le ravin de la mort » à travers lequel le Seigneur guide l’homme. La route de chacun de nous nous conduira un jour dans le ravin obscur de la mort dans lequel personne ne peut nous accompagner. Et il sera là. Le Christ lui-même est descendu dans la nuit obscure de la mort. Là aussi, il ne nous abandonne pas. Là aussi, il nous guide. Si « je descends chez les morts : te voici » dit le Psaume 139 (138). Oui, tu es aussi présent dans l’ultime labeur, et ainsi, notre Psaume responsorial peut-il dire : là aussi, dans le ravin de la mort, je ne crains aucun mal. En parlant du ravin obscur nous pouvons, cependant, penser aussi aux vallées obscures de la tentation, du découragement, de l’épreuve, que tout être humain doit traverser. Dans ces vallées ténébreuses de la vie, il est là aussi. Oui, Seigneur, dans les obscurités de la tentation ; dans les heures sombres où toutes les lumières semblent s’éteindre, montre-moi que tu es là. Aide-nous, prêtres, afin que nous puissions être auprès des personnes qui nous sont confiés et qui sont dans ces nuits obscures. Afin que nous puissions leur montrer ta lumière.

« Ton bâton me guide et me rassure » : le pasteur a besoin du bâton contre les bêtes sauvages qui veulent faire irruption dans le troupeau ; contre les brigands qui cherchent leur butin. À côté du bâton, il y a la houlette qui offre un appui et une aide pour traverser les passages difficiles. Les deux réalités appartiennent aussi au ministère de l’Église, au ministère du prêtre. L’Église aussi doit utiliser le bâton du pasteur, le bâton avec lequel elle protège la foi contre les falsificateurs, contre les orientations qui sont, en réalité, des désorientations. L’usage même du bâton peut être un service d’amour. Nous voyons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’amour, quand on tolère des comportements indignes de la vie sacerdotale. De même il ne s’agit pas non plus d’amour quand on laisse proliférer l’hérésie, la déformation et la décomposition de la foi, comme si nous inventions la foi de façon autonome. Comme si elle n’était plus le don de Dieu, la perle précieuse que nous ne nous laissons pas dérober. Toutefois, en même temps, le bâton doit toujours redevenir la houlette du pasteur – la houlette qui aide les hommes à pouvoir marcher sur les sentiers difficiles et à suivre le Seigneur.

À la fin du Psaume, on évoque le banquet préparé, l’huile dont la tête est ointe, le calice débordant, la possibilité d’habiter avec le Seigneur. Dans le Psaume, ceci exprime avant tout la perspective de la joie festive qui accompagne le fait d’être avec Dieu dans le temple, d’être accueilli et servi par Lui, de pouvoir habiter auprès de Lui. Pour nous qui prions ce Psaume avec le Christ et avec son Corps qui est l’Église, cette perspective d’espérance a acquis une amplitude et une profondeur encore plus grandes. Nous voyons dans ces paroles, pour ainsi dire, une anticipation prophétique du mystère de l’Eucharistie dans lequel Dieu en personne nous accueille en s’offrant lui-même à nous comme nourriture – comme ce pain et ce vin excellents qui, seuls, peuvent constituer la réponse ultime à la faim et à la soif intimes de l’homme. Comment ne pas être heureux de pouvoir chaque jour être les hôtes de la table même de Dieu, d’habiter près de Lui ? Comment ne pas être heureux du fait qu’il nous a laissé ce commandement : « Faites cela en mémoire de moi » ? Heureux parce qu’Il nous a donné de préparer la table de Dieu pour les hommes, de leur donner son Corps et son Sang, de leur offrir le don précieux de sa présence même. Oui, nous pouvons de tout notre coeur prier ensemble les paroles du Psaume : « Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie » (23 (Ps 22,6).

Pour finir, jetons encore un bref regard sur les deux chants de communion qui nous sont proposés aujourd’hui par l’Église dans sa liturgie. Il y a tout d’abord la parole avec laquelle saint Jean conclut le récit de la crucifixion de Jésus : « Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19,34). Le coeur de Jésus est transpercé par la lance. Il est ouvert, et il devient une source : l’eau et le sang qui en sortent renvoient aux deux Sacrements fondamentaux dont l’Église vit : le Baptême et l’Eucharistie. Du côté percé du Seigneur, de son coeur ouvert jaillit la source vive qui court à travers les siècles et qui fait l’Église. Le coeur ouvert est source d’un nouveau fleuve de vie ; dans ce contexte, Jean a certainement pensé aussi à la prophétie d’Ézéchiel qui voit jaillir du nouveau temple un fleuve qui donne fécondité et vie (Ez 47) : Jésus lui-même est le nouveau temple, et son coeur ouvert est la source d’où sort un fleuve de vie nouvelle, qui se communique à nous dans le Baptême et l’Eucharistie.

La liturgie de la Solennité du Sacré Coeur de Jésus prévoit, cependant aussi, comme chant à la communion une autre parole, proche de celle-là, tirée de l’Évangile de Jean : Qui a soif, qu’il vienne à moi. Qu’il boive, celui qui croit en moi. L’Écriture dit : « Des fleuves d’eau vive jailliront de son coeur » (cf. Jn 7,37ss). Dans la foi, nous buvons, pour ainsi dire, de l’eau vive de la Parole de Dieu. Ainsi, le croyant devient lui-même une source, et offre à la terre desséchée de l’histoire l’eau vive. Nous le voyons chez les saints. Nous le voyons avec Marie qui, femme grande en foi et en amour, est devenue au long des siècles source de foi, d’amour et de vie. Chaque chrétien et chaque prêtre devrait, à partir du Christ, devenir une source qui communique la vie aux autres. Nous devrions donner l’eau de la vie à un monde assoiffé. Seigneur, nous te remercions parce que tu as ouvert ton coeur pour nous ; parce que dans ta mort et dans ta résurrection tu es devenu source de vie. Fais que nous soyons des personnes vivantes, vivantes de ta source, et donne-nous de pouvoir être nous aussi des sources, en mesure de donner à notre temps l’eau de la vie. Nous te remercions pour la grâce du ministère sacerdotal. Seigneur bénis-nous et bénis tous les hommes de ce temps qui sont assoiffés et en recherche. Amen.

Al termine di questa straordinaria concelebrazione, desidero esprimere la mia viva gratitudine alla Congregazione per il Clero, per l’opera svolta durante l’Anno Sacerdotale e per aver organizzato queste giornate conclusive. Un pensiero di speciale riconoscenza va ai Signori Cardinali ed ai Vescovi che hanno voluto essere presenti, in particolare a quanti sono venuti da lontano.

Chers prêtres francophones, vous avez une proximité particulière avec saint Jean-Marie Vianney. Je souhaite qu’elle devienne une véritable complicité spirituelle. Puisse son exemple sûr, vous inspirez afin que le don que vous avez fait de vous-même au Seigneur porte du bon fruit! Je vous renouvelle ma confiance et je vous encourage à progresser sur les chemins de la sainteté. Que le Seigneur vous garde tous en son Coeur très-aimant!

I now wish to greet all the English-speaking priests present at today’s celebration! My dear brothers, as I thank you for your love of Christ and of his bride the Church, I ask you again solemnly to be faithful to your promises. Serve God and your people with holiness and courage, and always conform your lives to the mystery of the Lord’s cross. May God bless your apostolic labours abundantly!

Von ganzem Herzen grüße ich die Bischöfe, Priester und Ordensleute wie auch alle Pilger, die aus den Diözesen des deutschen Sprachraums zum Abschluß des Priesterjahres nach Rom gekommen sind, um ihre Einheit mit dem Nachfolger Petri zu zeigen. Liebe Mitbrüder, wo kein Zusammenhalt ist, da gibt es keinen Fortschritt. Wenn wir miteinander verbunden bleiben, wenn wir in Christus, dem wahren Weinstock, bleiben, dann können wir starke und lebendige Zeugen der Liebe und der Wahrheit sein, können uns die Winde des Augenblicks nicht verbiegen oder brechen. Christus ist die Wurzel, die uns trägt und uns Leben gibt. Danken wir dem Herrn für die Gnade des Priestertums; dafür, daß er uns jeden Tag neu Gelegenheit gibt, in seiner Nachfolge gute Hirten zu sein. Der Heilige Geist stärke euch bei all eurem Wirken!

Saludo cordialmente a los presbíteros de lengua española, y pido a Dios que esta celebración se convierta en un vigoroso impulso para seguir viviendo con gozo, humildad y esperanza su sacerdocio, siendo mensajeros audaces del Evangelio, ministros fieles de los Sacramentos y testigos elocuentes de la caridad. Con los sentimientos de Cristo, Buen Pastor, os invito a continuar aspirando cada día a la santidad, sabiendo que no hay mayor felicidad en este mundo que gastar la vida por la gloria de Dios y el bien de las almas.

Queridos sacerdotes dos países de língua oficial portuguesa, dou graças a Deus pelo que sois e pelo que fazeis, recordando a todos que nada jamais substituirá o ministério dos sacerdotes na vida da Igreja. A exemplo e sob o patrocínio do Santo Cura d’Ars, perseverai na amizade de Deus e deixai que as vossas mãos e os vossos lábios continuem a ser as mãos e os lábios de Cristo, único Redentor da humanidade. Bem hajam!

“Dobroc i laska pójda w slad za mna przez wszystkie dni mego zycia” (Ps 22,6/23/, 6). Tymi slowami Psalmu pozdrawiam polskich kaplanów. Drodzy Bracia, Chrystus Was wybral, wezwal, napelnil dobrocia i laska. Szczerym sercem podejmujcie kazdego dnia ten dar i niescie go z miloscia tym, do których zostaliscie poslani. Swietymi badzcie i prowadzcie innych do swietosci w Chrystusie. Niech Bóg wam blogoslawi!

Rivolgo infine il mio cordiale saluto ai sacerdoti di Roma e d’Italia; come pure ai Presuli, ai sacerdoti e ai seminaristi di tutti i Riti delle Chiese Orientali cattoliche. So, infine, che in tutte le parti del mondo si sono tenuti moltissimi incontri celebrativi e spirituali con grande e fruttuosa partecipazione. Pertanto, desidero ringraziare Vescovi, sacerdoti e organizzatori ed auguro a tutti di proseguire con rinnovato slancio il cammino di santificazione in questo sacro ministero che il Signore vi ha affidato. Vi benedico di cuore!



ORDINATION SACERDOTALE DES DIACRES DU DIOCÈSE DE ROME Basilique vaticane - Dimanche 20 juin 2010

20610
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers ordinands,
Chers frères et soeurs!

En tant qu’Evêque de ce diocèse, je suis particulièrement heureux d’accueillir au sein du «presbyterium» romain quatorze nouveaux prêtres. Avec le cardinal-vicaire, les évêques auxiliaires et tous les prêtres, je rends grâce au Seigneur pour le don de ces nouveaux pasteurs du Peuple de Dieu. Je voudrais vous adresser un salut particulier, très chers ordinands: aujourd’hui, vous êtes au centre de l’attention du Peuple de Dieu, un peuple symboliquement représenté par les personnes qui remplissent cette basilique vaticane: elles la remplissent de prières et de chants, d’affection sincère et profonde, d’émotion authentique, de joie humaine et spirituelle. Au sein de ce Peuple de Dieu occupent une place particulière vos parents et vos familles, vos amis et vos camarades, les supérieurs et les éducateurs du séminaire, les différentes communautés paroissiales et les différentes institutions de l’Eglise dont vous êtes issus et qui vous ont accompagnés sur votre chemin, ainsi que celles que vous avez déjà pastoralement servies. Sans oublier la proximité particulière, en ce moment, de très nombreuses personnes, humbles et simples, mais grandes devant Dieu, comme, par exemple, les religieuses de clôture, les enfants, les malades et les porteurs de handicap. Celles-ci vous accompagnent par le don très précieux de leur prière, de leur innocence et de leur souffrance. C’est donc l’Eglise de Rome tout entière qui rend grâce aujourd’hui à Dieu et prie pour vous, qui place tant d’espérance et de confiance dans votre avenir, qui attend des fruits abondants de sainteté et de bien de votre ministère sacerdotal. Oui, l’Eglise compte sur vous, elle compte beaucoup sur vous! L’Eglise a besoin de chacun de vous, étant consciente des dons que Dieu vous offre et, en même temps, de la nécessité absolue du coeur de chaque homme de rencontrer le Christ, sauveur unique et universel du monde, pour recevoir de lui la vie nouvelle et éternelle, la véritable liberté et la pleine joie. Nous nous sentons alors tous invités à entrer dans le «mystère», dans l’événement de grâce qui se réalise dans vos coeurs avec l’ordination sacerdotale, en nous laissant illuminer par la Parole de Dieu qui a été proclamée.

L’Evangile que nous avons écouté nous présente un moment significatif du chemin de Jésus, où il demande à ses disciples ce que les gens pensent de lui et comment eux-mêmes le jugent. Pierre répond au nom des Douze par une profession de foi, qui se différencie de manière substantielle de l’opinion que les personnes ont sur Jésus; il affirme en effet: Tu es le Messie de Dieu (cf.
Lc 9,20). D’où naît cet acte de foi? Si nous revenons au début du passage évangélique, nous constatons que la confession de Pierre est liée à un moment de prière: «Un jour Jésus priait à l’écart. Ses disciples étaient là» dit saint Luc (Lc 9,18). C’est-à-dire que les disciples participent à la manière d’être et de parler absolument unique de Jésus avec le Père. Et ainsi, il leur est permis de voir le Maître au plus profond de sa condition de Fils, il leur est permis de voir ce que les autres ne voient pas; du fait d’«être avec Lui», de «se trouver avec Lui» en prière, découle une connaissance qui va au-delà des opinions des personnes, pour parvenir à l’identité profonde de Jésus, à la vérité. Il nous est ici fournie une indication bien précise pour la vie et la mission du prêtre: dans la prière, il est appelé a redécouvrir le visage toujours nouveau de son Seigneur et le contenu le plus authentique de sa mission. Seul celui qui a une relation profonde avec le Seigneur est saisi par Lui, peut l’apporter aux autres, peut être envoyé. Il s’agit d’une façon de «rester avec Lui» qui doit toujours accompagner l’exercice du ministère sacerdotal; elle doit en être la partie centrale, également et surtout lors des moments difficiles, lorsqu’il semble que les «choses à faire» doivent avoir la priorité. Où que nous nous trouvions, quoi que nous fassions, nous devons toujours «demeurer avec Lui».

Je voudrais souligner un deuxième élément de l’Evangile d’aujourd’hui. Immédiatement après la profession de Pierre, Jésus annonce sa passion et sa résurrection et il fait suivre cette annonce par un enseignement qui concerne le chemin des disciples, qui est de le suivre, Lui le Crucifié, de le suivre sur le chemin de la croix. Et il ajoute ensuite — avec une expression paradoxale — qu’être un disciple signifie «se perdre soi-même», mais pour se retrouver pleinement soi-même (cf. Lc 9,22-24). Qu’est-ce que cela signifie pour chaque chrétien, mais surtout qu’est-ce que cela signifie pour un prêtre? La «sequela», mais nous pourrions tranquillement dire: le sacerdoce, ne peut jamais représenter un moyen pour atteindre la sécurité dans la vie ou pour parvenir à une position sociale. Celui qui aspire au sacerdoce pour accroître son prestige personnel et son pouvoir personnel a mal compris à sa racine le sens de ce ministère. Celui qui veut surtout réaliser sa propre ambition, atteindre son propre succès sera toujours l’esclave de lui-même et de l’opinion publique. Pour être considéré, il devra aduler; il devra dire ce qui plaît au gens; il devra s’adapter aux changements des modes et des opinions et ainsi, il se privera du rapport vital avec la vérité, se réduisant à condamner demain ce qu’il aura loué aujourd’hui. Un homme qui établit ainsi sa vie, un prêtre qui voit son ministère en ces termes, n’aime pas vraiment Dieu et les autres, mais seulement lui-même et, paradoxalement, il finit par se perdre lui-même. Le sacerdoce — rappelons-le toujours — se fonde sur le courage de dire oui à une autre volonté, dans la conscience, qu’il faut faire croître chaque jour, que c’est précisément en se conformant à la vérité de Dieu, «plongés» dans cette volonté, que non seulement notre originalité ne sera pas effacée, mais, au contraire, que nous entrerons toujours davantage dans la vérité de notre être et de notre ministère.

Très chers ordinands, je voudrais proposer à votre réflexion une troisième pensée, étroitement liée à celle que je viens de présenter: l’invitation de Jésus à se «perdre soi-même», à se charger de la croix, rappelle le mystère que nous célébrons: l’Eucharistie. Aujourd’hui, avec le sacrement de l’Ordre, il vous est donné de présider l’Eucharistie! C’est à vous qu’est confié le sacrifice rédempteur du Christ, c’est à vous qu’est confié son corps donné et son sang versé. Jésus offre bien sûr son sacrifice, son don d’amour humble et total à l’Eglise son Epouse, sur la Croix. C’est sur ce bois que le grain de blé que le Père a laissé tomber dans le champ du monde meurt pour devenir fruit mûr, dispensateur de vie. Mais, dans le dessein de Dieu, ce don du Christ est rendu présent dans l’Eucharistie grâce à cette potestas sacra que le sacrement de l’Ordre vous confère à vous qui êtes prêtres. Lorsque nous célébrons la Messe, nous tenons entre nos mains le pain du Ciel, le pain de Dieu, qui est le Christ, le grain de blé rompu pour se multiplier et devenir la véritable nourriture de la vie pour le monde. Il s’agit de quelque chose qui ne peut que vous remplir d’un profond émerveillement, d’une vive joie et d’une immense gratitude: désormais l’amour et le don du Christ crucifié et glorieux passent à travers vos mains, votre voix, votre coeur! Il s’agit d’une nouvelle et merveilleuse expérience que de voir qu’à travers mes mains, à travers ma voix, le Seigneur accomplit le mystère de sa présence! Comment alors ne pas prier le Seigneur pour qu’il vous donne une conscience toujours attentive et enthousiaste de ce don, qui est placé au centre de votre être de prêtre! Pour qu’il vous donne la grâce de savoir faire l’expérience, en profondeur, de toute la beauté et de la force de votre service sacerdotal et, dans le même temps, la grâce de pouvoir vivre ce ministère avec cohérence et générosité chaque jour. La grâce du sacerdoce, qui vous sera donnée dans quelques instants, vous reliera intimement, et même structurellement, à l’Eucharistie. C’est pourquoi elle vous reliera au plus profond de votre coeur aux sentiments de Jésus qui aime jusqu’au bout, jusqu'au don total de soi, à son être pain multiplié pour le saint banquet de l’unité et de la communion. Telle est l’effusion de Pentecôte de l’Esprit Saint, destinée à enflammer votre âme avec l’amour même du Seigneur Jésus. C’est une effusion qui, alors qu’elle manifeste l’absolue gratuité du don, grave dans votre être une loi indélébile — la loi nouvelle, une loi qui vous pousse à insérer et à faire refleurir dans le tissu concret des attitudes et des gestes de votre vie de chaque jour l’amour même du don du Christ crucifié. Ecoutons à nouveau la voix de l’apôtre Paul, ou plutôt reconnaissons même dans cette voix la voix puissante de l’Esprit Saint: «En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ» (Ga 3,27). Déjà par le Baptême, et à présent en vertu du sacrement de l’Ordre, vous vous revêtez du Christ. Que le soin pour la célébration eucharistique soit toujours accompagné par l’engagement pour une vie eucharistique, c’est-à-dire vécue dans l’obéissance à une unique grande loi, celle de l’amour qui se donne dans sa totalité et qui sert avec humilité, une vie que la grâce de l’Esprit Saint rend toujours plus ressemblante à celle de Jésus Christ, Prêtre suprême et éternel, serviteur de Dieu et des hommes.

Très chers amis, la route que nous indique l’Evangile d’aujourd’hui est la route de votre spiritualité et de votre action pastorale, de son efficacité et de sa force, même dans les situations les plus difficiles et arides. De plus, il s’agit de la route sûre pour trouver la joie véritable. Que Marie, la servante du Seigneur, qui a conformé sa volonté à celle de Dieu, qui a engendré le Christ en le donnant au monde, qui a suivi son Fils jusqu’au pied de la Croix dans l’acte d’amour suprême, vous accompagne chaque jour de votre vie et de votre ministère. Grâce à l’affection de cette Mère tendre et forte, vous pourrez être joyeusement fidèles à la consigne qui, en tant que prêtres, vous est donnée aujourd’hui: celle de vous conformer au Christ Prêtre, qui a su obéir à la volonté du Père et aimer l’homme jusqu’au bout.

Amen!




Benoît XVI Homélies 60610