Benoît XVI Homélies 9311

Mercredi des Cendres, 9 mars 2011

9311
Basilique Sainte-Sabine



Chers frères et soeurs!

Nous entamons aujourd’hui le temps liturgique du carême avec le rite suggestif de l’imposition des cendres, à travers lequel nous voulons prendre l’engagement de convertir notre coeur vers les horizons de la Grâce. En général, dans l’opinion commune, ce temps a parfois une connotation de tristesse, de grisaille de la vie. En revanche, il est un don précieux de Dieu, c’est un temps fort et dense de significations sur le chemin de l’Eglise, c’est l’itinéraire vers la Pâque du Seigneur. Les lectures bibliques de la célébration de ce jour nous offrent des indications pour vivre en plénitude cette expérience spirituelle.

«Revenez à moi de tout votre coeur» (
Jl 2,12). Dans la première lecture, tirée du livre du prophète Joël, nous avons entendu ces paroles par lesquelles Dieu invite le peuple juif à une repentance sincère et non de pure forme. Il ne s’agit pas d’une conversion superficielle et passagère, mais bien d’un itinéraire spirituel qui concerne en profondeur les attitudes de la conscience et suppose une intention sincère de repentir. Le prophète s’inspire de la plaie de l’invasion des sauterelles qui s’était abattue sur le peuple en détruisant les récoltes, pour inviter à une pénitence intérieure, à se lacérer le coeur et non les vêtements (cf. Jl 2,13). Il s’agit donc de mettre en oeuvre une attitude de conversion authentique à Dieu — revenir à Lui —, en reconnaissant sa sainteté, sa puissance, sa majesté. Et cette conversion est possible parce que Dieu est riche en miséricorde et grand dans l’amour. Sa miséricorde est régénératrice, elle crée en nous un coeur pur, renouvelle intimement un esprit ferme, en nous restituant la joie du salut (cf. Ps Ps 50,14). Dieu, en effet, — comme dit le prophète — ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et vive (cf. Ez Ez 33,11). Le prophète Joël ordonne, au nom du Seigneur, que se crée une atmosphère pénitentielle propice: il faut sonner du cor, convoquer l’assemblée, réveiller les consciences. Le temps quadragésimal nous propose ce contexte liturgique et pénitentiel, un chemin de quarante jours au cours desquels faire l’expérience de manière concrète de l’amour miséricordieux de Dieu. Aujourd’hui retentit pour nous l’appel «Revenez à moi de tout votre coeur»; aujourd’hui, c’est nous qui sommes appelés à convertir notre coeur à Dieu, toujours conscients de ne pas pouvoir réaliser notre conversion seuls, avec nos forces, parce que c’est Dieu qui nous convertit. Il nous offre encore son pardon, en nous invitant à revenir à Lui pour nous donner un coeur nouveau, purifié du mal qui l’opprime, pour nous faire prendre part à sa joie. Notre monde a besoin d’être converti par Dieu, il a besoin de son pardon, de son amour, il a besoin d’un coeur nouveau.

«Laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2Co 5,20). Dans la deuxième lecture, saint Paul nous offre un autre élément sur le chemin de la conversion. L’apôtre nous invite à détourner notre regard de lui et à tourner en revanche notre attention sur celui qui l’a envoyé et sur le contenu du message qu’il apporte: «Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu» (ibid.). Un ambassadeur répète ce qu’il a entendu prononcer par son Seigneur et parle avec l’autorité qu’il a reçue et dans ses limites. Celui qui exerce la fonction d’ambassadeur ne doit pas attirer l’intérêt sur lui-même, mais il doit se mettre au service du message à transmettre et de celui qui l’a envoyé. C’est ainsi qu’agit saint Paul en exerçant son ministère de prédicateur de la Parole de Dieu et d’apôtre de Jésus Christ. Il ne recule pas devant la tâche reçue, mais il l’accomplit avec un dévouement total, en invitant à s’ouvrir à la grâce, à laisser Dieu nous convertir: «Et puisque nous travaillons avec lui — écrit-il — nous vous invitons à ne pas laisser sans effets la grâce reçue de Dieu» (2Co 6,1). «Or l’appel du Christ à la conversion — nous dit le Catéchisme de l’Eglise catholique — continue à retentir dans la vie des chrétiens. [...] C’est une tâche ininterrompue pour toute l’Eglise qui “enferme des pécheurs dans son propre sein” et qui “est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement”. Cet effort de conversion n’est pas seulement une oeuvre humaine. Il est le mouvement du “coeur contrit” (Ps 51,19) attiré et mû par la grâce à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu qui nous aimés le premier» (CEC 1428). Saint Paul s’adresse aux chrétiens de Corinthe mais, à travers eux, il entend s’adresser à tous les hommes. Tous ont en effet besoin de la grâce de Dieu, qui illumine l’esprit et le coeur. Et l’apôtre presse: «Or, c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut» (2Co 6,2). Tous peuvent s’ouvrir à l’action de Dieu, à son amour; à travers notre témoignage évangélique, nous, chrétiens, devons être un message vivant; dans de nombreux cas, nous sommes même l’unique Evangile que les hommes d’aujourd’hui lisent encore. Voilà notre responsabilité sur les traces de saint Paul, voilà un motif de plus pour bien vivre le carême: offrir le témoignage de la foi vécue à un monde en difficulté qui a besoin de revenir à Dieu, qui a besoin de conversion.

«Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux» (Mt 6,1). Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus relit les trois oeuvres fondamentales de piété prévues par la loi de Moïse. L’aumône, la prière et le jeûne caractérisent le juif qui observe la loi. Au fil du temps, ces prescriptions avaient été érodées par la rouille du formalisme extérieur, ou encore, elles s’étaient transformées en un signe de supériorité. Jésus met en évidence dans ces trois oeuvres de piété une tentation commune. Lorsque l’on accomplit quelque chose de bon, presque instinctivement naît le désir d’être estimé et admiré pour la bonne action, c’est-à-dire d’avoir une satisfaction. Et cela, d’une part, conduit au repli sur soi, et, de l’autre, à aller au dehors de soi, car l’on vit projeté vers ce que les autres pensent de nous et admirent en nous. En reproposant ces prescriptions, le Seigneur Jésus ne demande pas le respect formel d’une loi étrangère à l’homme, imposée par un législateur sévère comme un lourd fardeau, mais invite à redécouvrir ces trois oeuvres de piété en les vivant de façon plus profonde, non pas par amour propre, mais par amour de Dieu, comme moyens sur le chemin de conversion à Lui. Aumône, prière et jeûne: tel est l’itinéraire de la pédagogie divine qui nous accompagne, non seulement au cours du carême, vers la rencontre avec le Seigneur Ressuscité; un itinéraire qu’il faut parcourir sans ostentation, dans la certitude que le Père céleste sait lire et voir également dans le secret de notre coeur.

Chers frères et soeurs, commençons confiants et joyeux l’itinéraire du carême. Quarante jours nous séparent de Pâques; ce temps «fort» de l’année liturgique est un temps propice qui nous est donné pour parvenir, avec un engagé accru, à notre conversion, pour intensifier l’écoute de la Parole de Dieu, la prière et la pénitence, en ouvrant le coeur à l’accueil docile de la volonté divine, en vue d’une pratique plus généreuse du sacrifice qui permet de porter toujours plus son aide au prochain dans le besoin: un itinéraire spirituel qui nous prépare à revivre le Mystère pascal.

Que Marie, notre guide sur le chemin quadragésimal, nous conduise à une connaissance toujours plus profonde du Christ, mort et ressuscité, qu’elle nous aide dans le combat spirituel contre le péché, qu’elle nous soutienne pour invoquer avec force: «Converte nos, Deus salutaris noster», — Convertis-nous à Toi, ô Dieu, notre salut». Amen!



DÉDICACE DE LA NOUVELLE PAROISSE ROMAINE SAINT CORBINIEN DANS LE QUARTIER DE L'INFERNETTO, Dimanche 20 mars 2011

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Dimanche 20 mars 2011




Chers frères et soeurs!

Je suis très heureux de me trouver parmi vous pour célébrer un événement aussi significatif que la dédicace à Dieu et au service de la communauté de cette église intitulée à saint Corbinien. La Providence a voulu que notre rencontre ait lieu le iie Dimanche de carême, caractérisé par l’Evangile de la Transfiguration de Jésus. C’est pourquoi nous voyons aujourd’hui le rapprochement entre deux éléments, tous les deux très importants: d’une part, le mystère de la Transfiguration et, de l’autre, celui du temple, c’est-à-dire de la maison de Dieu placée au milieu de vos maisons. Les lectures bibliques que nous avons écoutées ont été choisies pour éclairer ces deux aspects.

La Transfiguration. L’évangéliste Matthieu nous a raconté ce qui se passa lorsque Jésus gravit une haute montagne, en emmenant avec lui trois de ses disciples: Pierre, Jacques et Jean. Alors qu’ils étaient en haut, seuls, le visage de Jésus devint resplendissant, ainsi que ses vêtements. C’est ce que nous appelons la «Transfiguration»: un mystère lumineux, réconfortant. Quelle en est la signification? La Transfiguration est une révélation de la personne de Jésus, de sa réalité profonde. En effet, les témoins oculaires de l’événement, c’est-à-dire les trois Apôtres, furent enveloppés d’une nuée, elle aussi lumineuse — ce qui dans la Bible annonce toujours la présence de Dieu — et ils entendirent une voix qui disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour; écoutez-le!» (
Mt 17,5). Avec cet événement, les disciples sont préparés au mystère pascal de Jésus: à surmonter la terrible épreuve de la passion et également à bien comprendre le fait lumineux de la résurrection.

Le récit parle également de Moïse et d’Elie, qui apparurent et conversèrent avec Jésus. Effectivement, cet épisode a un rapport avec les deux autres révélations divines. Moïse était monté sur le mont Sinaï, et là, il avait eu la révélation de Dieu. Il avait demandé à voir sa gloire, mais Dieu lui avait répondu qu’il ne l’aurait pas vue de face, mais seulement de dos (cf. Ex 33,18-23). De manière analogue, Elie eut lui aussi une révélation de Dieu sur le mont: une manifestation plus intime, non avec une tempête, un tremblement de terre, ou avec le feu, mais avec une brise légère (cf. 1R 19,11-13). A la différence de ces deux épisodes, dans la Transfiguration ce n’est pas Jésus qui a la révélation de Dieu, mais c’est précisément en Lui que Dieu se révèle et qu’il révèle son visage aux Apôtres. Celui qui veut connaître Dieu doit donc contempler le visage de Jésus, son visage transfiguré: Jésus est la parfaite révélation de la sainteté et de la miséricorde du Père. En outre, rappelons que sur le mont Sinaï, Moïse eut également la révélation de la volonté de Dieu: les dix commandements. Et toujours sur le mont, Elie reçut de Dieu la révélation divine d’une mission à accomplir. Jésus, en revanche, ne reçoit pas la révélation de ce qu’il devra accomplir: il le sait déjà; ce sont plutôt les apôtres qui entendent, dans la nuée, la voix de Dieu qui commande: «Ecoutez-le». La volonté de Dieu se révèle pleinement en la personne de Jésus. Qui veut vivre selon la volonté de Dieu, doit suivre Jésus, l’écouter, en accueillir les paroles et, avec l’aide de l’Esprit Saint, les approfondir. Telle est la première invitation que je désire vous adresser, chers amis, avec une grande affection: croissez dans la connaissance et dans l’amour du Christ, aussi bien en tant qu’individus qu’en tant que communauté paroissiale, rencontrez-Le dans l’Eucharistie, dans l’écoute de sa parole, dans la prière, dans la charité.

Le deuxième point est l’Eglise, comme édifice et surtout comme communauté. Cependant, avant de réfléchir sur la dédicace de votre église, je voudrais vous dire qu’il existe un motif particulier qui accroît ma joie de me trouver aujourd’hui avec vous. En effet, saint Corbinien est le fondateur du diocèse de Freising, en Bavière, dont j’ai été l’évêque pendant quatre ans. Dans mon blason épiscopal, j’ai voulu insérer un élément étroitement associé à l’histoire de ce saint: l’ours. Un ours — raconte-t-on — avait dévoré le cheval de Corbinien, qui se rendait à Rome. Il l’admonesta sévèrement, réussit à l’apprivoiser et plaça sur son dos le bagage qui, jusqu’alors, avait été porté par le cheval. L’ours transporta le chargement jusqu’à Rome et ce n’est qu’alors que le saint le laissa libre de s’en aller.

Le moment est peut-être venu de dire deux mots sur la vie de saint Corbinien. Saint Corbinien était français, prêtre dans la région de Paris, et il avait fondé un monastère près de Paris. Il était très estimé comme conseiller spirituel, mais il recherchait plutôt la contemplation et il vint donc à Rome pour créer ici, près des tombes des apôtres Pierre et Paul, un monastère. Mais le Pape Grégoire ii — nous sommes aux environs de 720 — estimait ses qualités, il avait compris ses qualités, et il l’ordonna évêque, le chargeant d’aller en Bavière et d’annoncer l’Evangile dans cette terre. La Bavière: le Pape pensait au pays entre le Danube et les Alpes qui pendant cinq cents ans avait constitué la province romaine de la Raetia; ce n’est qu’à la fin du ve siècle que la population latine était revenue en grande partie en Italie. Là bas, ils étaient restés peu nombreux, des personnes simples; la terre était peu peuplée et une nouvelle population était arrivée en ce lieu, le peuple des Bavarois, qui avait trouvé un héritage chrétien, le pays ayant été christianisé à l’époque romaine. La population bavaroise avait immédiatement compris qu’il s’agissait de la véritable religion et elle voulait devenir chrétienne, mais les personnes cultivées manquaient, les prêtres pour annoncer l’Evangile manquaient. Et ainsi, le christianisme était resté très fragmentaire, à son début. Le Pape connaissait cette situation, il connaissait la soif de foi qui se trouvait dans ce pays, et il chargea donc saint Corbinien de se rendre là bas et d’y annoncer l’Evangile. Et à Freising, dans la ville du duc, sur une colline, le saint a créé la cathédrale — il y avait déjà trouvé un sanctuaire de la Vierge — et pendant plus de mille ans, le siège de l’évêque est resté là. Ce n’est qu’après l’époque napoléonienne qu’il a été transféré trente kilomètres plus au sud, à Munich. Le diocèse s’appelle encore de Munich et Freising, et la majestueuse cathédrale romane de Freising reste le coeur du diocèse. Nous voyons ainsi le rôle que jouent les saints pour l’unité et l’universalité de l’Eglise. L’universalité: saint Corbinien relie la France, l’Allemagne, Rome. L’unité: saint Corbinien nous dit que l’Eglise est fondée sur Pierre et il nous garantit également la pérennité de l’Eglise construite sur le roc, qui, il y a mille ans, était la même Eglise qu’aujourd’hui, car le Seigneur est toujours le même. Il est toujours la Vérité, toujours ancienne et toujours nouvelle, très actuelle, présente, et il donne la clef pour l’avenir.

Je voudrais à présent remercier ceux qui ont contribué à construire cette église. Je sais combien le diocèse de Rome s’engage pour assurer à chaque quartier des complexes paroissiaux adaptés. Je salue et je remercie le cardinal-vicaire, l’évêque auxiliaire du secteur et l’évêque secrétaire de l’OEuvre romaine pour la préservation de la foi et la création de nouvelles églises. Je salue surtout mes deux successeurs. Je salue le cardinal Wetter, qui a été à l’origine de l’initiative de consacrer une église paroissiale à saint Corbinien et qui a été un soutien précieux pour la réalisation du projet. Merci Eminence. Merci beaucoup. Je suis heureux que l’église ait été si vite construite. Je salue le cardinal Marx, actuel archevêque de Munich et Freising, qui continue à travailler avec amour non seulement pour saint Corbinien, mais également pour son Eglise à Rome. Merci beaucoup à vous aussi. Je salue également S.Exc. Mgr Clemens du diocèse de Paderborn et secrétaire du Conseil pontifical pour les laïcs. J’adresse une pensée particulière au curé, le père Antonio Magnotta, avec un très vif remerciement pour les paroles que vous m’avez adressées. Merci! Et je salue naturellement également le vicaire! A travers vous tous ici présents, je désire faire parvenir une parole de proximité affectueuse aux dix mille personnes environ qui résident sur le territoire de la paroisse. Réunis autour de l’Eucharistie, nous ressentons mieux que la mission de chaque communauté chrétienne est celle d’apporter à tous le message de l’amour de Dieu, de faire connaître son visage à tous. Voilà pourquoi il est important que l’Eucharistie soit toujours le coeur de la vie des fidèles, comme elle l’est aujourd’hui pour votre paroisse, même si tous ses membres n’ont pas pu y participer personnellement.

Nous vivons aujourd’hui une journée importante, qui couronne les efforts, le labeur, les sacrifices accomplis et l’engagement des personnes qui résident ici pour se constituer comme communauté chrétienne et mûre, capable d’avoir une église désormais consacrée définitivement au culte de Dieu. Je me réjouis de cet objectif atteint et je suis certain qu’il favorisera le rassemblement et la croissance de la famille chrétienne des croyants sur ce territoire. L’Eglise veut être présente dans chaque quartier où vivent et travaillent les personnes, avec le témoignage évangélique de chrétiens cohérents et fidèles, mais également avec des édifices qui permettent de se rassembler pour la prière et les sacrements, pour la formation chrétienne et pour établir des relations d’amitié et de fraternité, en faisant grandir les enfants, les jeunes, les familles et les personnes âgées dans cet esprit de communauté que le Christ nous a enseigné et dont le monde a tant besoin.

De même qu’a été réalisé l’édifice paroissial, ma visite désire vous encourager à réaliser toujours mieux cette Eglise de pierres vivantes que vous êtes. Nous l’avons écouté dans la deuxième lecture: «Vous êtes le champ de Dieu, vous êtes la maison que Dieu construit», écrit saint Paul, s’adressant aux Corinthiens (1Co 3,9) et à nous; et il les exhorte à construire sur l’unique fondement véritable qui est Jésus Christ (3, 11). C’est pourquoi je vous exhorte moi aussi à faire de votre nouvelle église le lieu où l’on apprend à écouter la Parole de Dieu, l’«école» permanente de vie chrétienne dont part toute activité de cette paroisse jeune et engagée. Le texte du Livre de Néhémie qui nous a été proposé dans la première lecture nous éclaire sur cet aspect. Dans celui-ci, on voit bien qu’Israël est le peuple appelé pour écouter la Parole de Dieu, écrite dans le livre de la Loi. Ce livre n’est lu solennellement que par les ministres et il est expliqué au peuple, qui se tient debout, lève les mains au ciel, s’agenouille ensuite et se prosterne face contre terre, en signe d’adoration. C’est une véritable liturgie, animée par la foi en Dieu qui parle, par le repentir pour sa propre infidélité à la Loi du Seigneur, mais surtout par la joie car la proclamation de sa Parole est le signe qu’Il n’a pas abandonné son peuple, qu’Il est proche. Vous aussi, chers frères et soeurs, en vous rassemblant pour écouter la Parole de Dieu avec foi et persévérance, devenez, de dimanche en dimanche, Eglise de Dieu, formés et façonnés intérieurement par sa Parole. Quel grand don cela est-il! Soyez-en toujours reconnaissants.

Votre communauté est jeune, constituée en grand partie par des couples récemment mariés qui viennent vivre dans le quartier; il y a beaucoup d’enfants et de jeunes. Je connais l’engagement et l’attention qui sont consacrés à la famille et à l’accompagnement des jeunes couples: sachez donner vie à une pastorale familiale caractérisée par l’accueil ouvert et cordial des nouvelles cellules familiales, qui sache favoriser la connaissance réciproque, de manière à ce que la communauté paroissiale soit toujours davantage une «famille de familles», capable de partager avec elles, en même temps que les joies, les inévitables difficultés des débuts. Je sais également que divers groupes de fidèles se rassemblent pour prier, se former à l’école de l’Evangile, participer aux Sacrements et vivre cette dimension essentielle pour la vie chrétienne qu’est la charité. Je pense à ceux qui avec la Caritas paroissiale cherchent à aller à la rencontre des nombreuses exigences du territoire, en particulier en répondant aux attentes des plus pauvres et indigents.

Je me réjouis de ce que vous accomplissez pour la préparation des enfants et des jeunes aux sacrements de la vie chrétienne, et je vous exhorte à vous intéresser également toujours davantage à leurs parents, en particulier ceux qui ont de jeunes enfants; que la paroisse s’efforce également de leur proposer, à des horaires et selon des modalités appropriés, des rencontres de prière et de formation, en particulier pour les parents des enfants qui doivent recevoir le baptême et les autres sacrements de l’initiations chrétienne. Ayez également un soin et une attention particuliers à l’égard des familles en difficulté, ou qui se trouvent dans une condition de précarité ou d’irrégularité. Ne les laissez jamais seules, mais soyez proches d’elles avec amour, en les aidant à comprendre le dessein authentique de Dieu sur le mariage et la famille. Le Pape veut également adresser une parole particulière d’affection et d’amitié à vous, chers enfants et jeunes qui m’écoutez, et aux jeunes de votre âge qui vivent dans cette paroisse. Le présent et l’avenir de la communauté ecclésiale et civile sont tout particulièrement entre vos mains. L’Eglise attend beaucoup de votre enthousiasme, de votre capacité à regarder de l’avant et de votre désir de choix de vie radicaux.

Chers amis de saint Corbinien! Le Seigneur Jésus, qui conduisit les apôtres sur le mont pour prier et leur montra sa gloire, nous a invités aujourd’hui dans cette nouvelle église: ici nous pouvons l’écouter, ici nous pouvons reconnaître sa présence dans la fraction du Pain eucharistique; et de cette manière devenir Eglise vivante, temple de l’Esprit Saint, signe dans le monde de l’amour de Dieu. Rentrez chez vous le coeur plein de reconnaissance et de joie, car vous appartenez à ce grand édifice spirituel qu’est l’Eglise. Nous confions à la Vierge Marie notre chemin quadragésimal, de même que celui de l’Eglise tout entière. Que la Vierge, qui a suivi son Fils Jésus jusqu’à la croix, nous aide à être des disciples fidèles du Christ, pour pouvoir participer avec elle à la joie de la Pâque. Amen.


DIMANCHE DES RAMEAUX - XXVIe Journée Mondiale de la Jeunesse 17 avril 2011

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Place Saint-Pierre


Dimanche 17 avril 2011





Chers frères et soeurs,
Chers jeunes!

Chaque année, le dimanche des Rameaux, nous sommes à nouveau émus de gravir avec Jésus le mont vers le sanctuaire, et de l’accompagner tout au long de ce chemin vers le haut. En ce jour, sur toute la face de la terre et à travers tous les siècles, jeunes et personnes de tout âge l’acclament en criant: «Hosanna au fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!»

Mais que faisons-nous vraiment lorsque nous nous insérons dans une telle procession – parmi la foule de ceux qui montaient avec Jésus à Jérusalem et l’acclamaient comme roi d’Israël? Est-ce quelque chose de plus qu’une cérémonie, qu’une belle coutume? Cela a-t-il quelque chose à voir avec la véritable réalité de notre vie, de notre monde? Pour trouver la réponse, nous devons avant tout clarifier ce que Jésus lui-même a, en réalité, voulu et fait. Après la profession de foi, que Pierre avait faite à Césarée de Philippe, à l’extrême nord de la Terre Sainte, Jésus s’était mis en route, en pèlerin, vers Jérusalem pour les fêtes de la Pâque. Il est en chemin vers le Temple dans la Cité Sainte, vers ce lieu qui, pour Israël, garantissait de façon particulière la proximité de Dieu à l’égard de son peuple. Il est en chemin vers la fête commune de la Pâque, mémorial de la libération d’Égypte et signe de l’espérance dans la libération définitive. Il sait qu’une nouvelle Pâque l’attend et qu’il prendra lui-même la place des agneaux immolés, s’offrant lui-même sur la Croix. Il sait que, dans les dons mystérieux du pain et du vin, il se donnera pour toujours aux siens, il leur ouvrira la porte vers une nouvelle voie de libération, vers la communion avec le Dieu vivant. Il est en chemin vers la hauteur de la Croix, vers le moment de l’amour qui se donne. Le terme ultime de son pèlerinage est la hauteur de Dieu lui-même, à laquelle il veut élever l’être humain.

Notre procession d’aujourd’hui veut donc être l’image de quelque chose de plus profond, l’image du fait qu’avec Jésus, nous nous mettons en route pour le pèlerinage: par la voie haute vers le Dieu vivant. C’est de cette montée dont il s’agit. C’est le chemin auquel Jésus nous invite. Mais comment pouvons-nous maintenir l’allure dans cette montée? Ne dépasse-t-elle pas nos forces? Oui, elle est au-dessus de nos propres possibilités. Depuis toujours, les hommes ont été remplis – et aujourd’hui ils le sont plus que jamais – du désir d’"être comme Dieu", d’atteindre eux-mêmes la hauteur de Dieu. Dans toutes les inventions de l’esprit humain, on cherche, en fin de compte, à obtenir des ailes pour pouvoir s’élever à la hauteur de l’Être, pour devenir indépendants, totalement libres, comme Dieu l’est. Nombreuses sont les choses que l’humanité a pu réaliser: nous sommes capables de voler. Nous pouvons nous voir, nous écouter et nous parler d’un bout à l’autre du monde. Toutefois, la force de gravité qui nous tire vers le bas est puissante. Avec nos capacités, ce n’est pas seulement le bien qui a grandi. Les possibilités du mal ont aussi augmenté et se présentent comme des tempêtes menaçantes au dessus de l’histoire. Nos limites aussi sont restées: il suffit de penser aux catastrophes qui, ces derniers mois, ont affligé et continuent d’affliger l’humanité.

Les Pères ont dit que l’homme se tient au point d’intersection entre deux champs de gravitation. Il y a d’abord la force de gravité qui tire vers le bas – vers l’égoïsme, vers le mensonge et vers le mal; la gravité qui nous abaisse et nous éloigne de la hauteur de Dieu. D’autre part, il y a la force de gravité de l’amour de Dieu: le fait d’être aimé de Dieu et la réponse de notre amour nous attirent vers le haut. L’homme se trouve au milieu de cette double force de gravité et tout dépend de sa fuite du champ de gravitation du mal pour devenir libre de se laisser totalement attirer par la force de gravité de Dieu, qui nous rend vrais, nous élève, nous donne la vraie liberté.

Après la Liturgie de la Parole, au début de la Prière eucharistique durant laquelle le Seigneur vient au milieu de nous, l’Eglise nous adresse l’invitation: "Sursum corda – Élevons notre coeur!" Selon la conception biblique et la façon de voir des Pères, le coeur est le centre de l’homme où s’unissent l’intellect, la volonté et le sentiment, le corps et l’âme. Ce centre, où l’esprit devient corps et le corps devient esprit; où volonté, sentiment et intellect s’unissent dans la connaissance de Dieu et dans l’amour pour lui. Ce "coeur" doit être élevé. Mais encore une fois: tout seuls, nous sommes trop faibles pour élever notre coeur jusqu’à la hauteur de Dieu. Nous n’en sommes pas capables. Justement l’orgueil de pouvoir le faire tout seuls nous tire vers le bas et nous éloigne de Dieu. Dieu lui-même doit nous tirer vers le haut, et c’est ce que le Christ a commencé sur la Croix. Il est descendu jusqu’à l’extrême bassesse de l’existence humaine, pour nous tirer en haut vers lui, vers le Dieu vivant. Il est devenu humble, nous dit la deuxième Lecture d’aujourd’hui. Ainsi seulement notre orgueil pouvait être surmonté: l’humilité de Dieu est la forme extrême de son amour, et cet amour humble attire vers le haut.

Le Psaume de procession 24, que l’Église nous propose comme «cantique de montée» pour la Liturgie d’aujourd’hui, indique quelques éléments concrets, qui appartiennent à notre montée et sans lesquels nous ne pouvons être élevés vers le haut: les mains innocentes, le coeur pur, le refus du mensonge, la recherche du visage de Dieu. Les grandes conquêtes de la technique ne nous rendent libres et ne sont des éléments du progrès de l’humanité que si elles sont unies à ces attitudes – si nos mains deviennent innocentes et notre coeur pur, si nous sommes à la recherche de la vérité, à la recherche de Dieu lui-même, et si nous nous laissons toucher et interpeller par son amour. Tous ces éléments de la montée sont efficaces seulement si nous reconnaissons avec humilité que nous devons être attirés vers le haut; si nous abandonnons l’orgueil de vouloir nous-mêmes nous faire Dieu. Nous avons besoin de lui: il nous tire vers le haut, étant soutenus par ses mains – c'est-à-dire dans la foi – il nous donne la juste orientation et la force intérieure qui nous élève vers le haut. Nous avons besoin de l’humilité de la foi qui cherche le visage de Dieu et se confie à la vérité de son amour.

La question de savoir comment l’homme peut arriver en haut, devenir pleinement lui-même et vraiment semblable à Dieu, a depuis toujours occupé l’humanité. Elle a été discutée avec passion par les philosophes platoniciens du troisième et quatrième siècle. Leur question centrale était: comment trouver des moyens de purification, par lesquels l’homme puisse se libérer du lourd poids qui le tire vers le bas et s’élever à la hauteur de son être véritable, à la hauteur de la divinité. Pendant un certain temps, dans sa quête du droit chemin, saint Augustin a cherché un soutien dans ces philosophies. Mais à la fin il dut reconnaître que leur réponse n’était pas suffisante, qu’avec leurs méthodes, il ne serait pas vraiment parvenu à Dieu. Il dit à leurs représentants: Reconnaissez donc que la force de l’homme et de toutes ses purifications ne suffit pas pour le porter vraiment à la hauteur du divin, à la hauteur qui lui est appropriée. Et il dit qu’il aurait désespéré de lui-même et de l’existence humaine, s’il n’avait pas trouvé Celui qui fait ce que nous-mêmes nous ne pouvons faire; Celui qui nous élève à la hauteur de Dieu, malgré notre misère: Jésus Christ qui, de Dieu, est descendu vers nous, et dans son amour crucifié, nous prend par la main et nous conduit vers le haut.

Nous allons en pèlerinage avec le Seigneur vers le haut. Nous sommes à la recherche d’un coeur pur et de mains innocentes, nous sommes à la recherche de la vérité, nous cherchons le visage de Dieu. Nous manifestons au Seigneur notre désir de devenir justes et nous le prions: Attire-nous vers le haut! Rends-nous purs! Fais que soit valable pour nous la parole que nous chantons dans le Psaume de procession, c’est-à-dire que nous puissions appartenir à la génération qui cherche Dieu, «qui recherche ta face, Dieu de Jacob» (
Ps 24,6). Amen.



MESSE CHRISMALE 21 avril 2011

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Basilique vaticane

Jeudi Saint, 21 avril 2011





Chers frères et soeurs,

Au centre de la liturgie de ce matin, se trouve la bénédiction des huiles saintes – de l’huile pour l’onction des catéchumènes, de celle pour l’onction des malades et du chrême pour les grands Sacrements qui confèrent l’Esprit Saint: la Confirmation, l’Ordination sacerdotale et l’Ordination épiscopale. Dans les Sacrements, le Seigneur nous touche au moyen des éléments de la création. L’unité entre la création et la rédemption se rend visible. Les Sacrements sont l’expression de la corporéité de notre foi qui embrasse corps et âme, l’homme entier. Le pain et le vin sont fruits de la terre et du travail de l’homme. Le Seigneur les a choisis comme porteurs de sa présence. L’huile est le symbole de l’Esprit Saint et, en même temps, elle nous renvoie au Christ: la parole «Christ» (Messie) signifie «l’Oint». L’humanité de Jésus, à travers l’unité du Fils et du Père, est insérée dans la communion avec l’Esprit Saint et ainsi, elle est «ointe» de manière unique, elle est pénétrée par l’Esprit Saint. Ce qui, dans les rois et dans les prêtres de l’Ancienne Alliance s’était produit de manière symbolique lors de l’onction avec l’huile, avec laquelle ils étaient institués dans leur ministère, se produit en Jésus dans toute sa réalité: son humanité est pénétrée par la force de l’Esprit Saint. Il ouvre notre humanité par le don de l’Esprit Saint. Plus nous sommes unis au Christ, plus nous sommes remplis de son Esprit, de l’Esprit Saint. Nous nous appelons «chrétiens»: «oints» – personnes qui appartiennent au Christ et pour cela participent à son onction, sont touchées par son Esprit. Je ne veux pas seulement m’appeler chrétien, mais je veux aussi l’être, a dit saint Ignace d’Antioche. Laissons justement ces huiles saintes, qui vont être consacrées maintenant, nous rappeler la tâche intrinsèque du mot «chrétien» et prions le Seigneur pour que, toujours plus, non seulement nous nous appelions chrétiens, mais nous le soyons aussi.

Au cours de la Liturgie de ce jour, comme nous l’avons déjà dit, trois huiles sont bénies. Dans cette triade s’expriment trois dimensions essentielles de l’existence chrétienne, sur lesquelles nous voulons réfléchir à présent. Il y a tout d’abord l’huile des catéchumènes. Cette huile indique en quelque sorte une première manière d’être touchés par le Christ et par son Esprit – un toucher intérieur par lequel le Seigneur attire les personnes à lui. Par cette première onction, qui est faite encore avant le Baptême, notre regard se tourne donc vers les personnes qui se mettent en chemin vers le Christ – vers celles qui sont à la recherche de la foi, à la recherche de Dieu. L’huile des catéchumènes nous dit: ce ne sont pas seulement les hommes qui cherchent Dieu. Dieu Lui-même s’est mis à notre recherche. Le fait que lui-même se soit fait homme et soit descendu dans les abîmes de l’existence humaine, jusque dans la nuit de la mort, nous montre combien Dieu aime l’homme, sa créature. Poussé par l’amour, Dieu s’est mis en marche vers nous. «Me cherchant, Tu t’es assis, fatigué… qu’un tel effort ne soit pas vain!» prions-nous dans le Dies Irae. Dieu est à ma recherche. Est-ce que je veux le reconnaître? Est-ce que je veux qu’il me connaisse, qu’il me trouve? Dieu aime les hommes. Il va au devant de l’inquiétude de notre coeur, de l’inquiétude de nos questions et de nos recherches, avec l’inquiétude de son propre coeur, qui le pousse à accomplir l’acte extrême pour nous. L’inquiétude envers Dieu, – le fait d’être en chemin vers lui pour mieux le connaître, pour mieux l’aimer –, ne doit pas s’éteindre en nous. En ce sens, nous devrions toujours rester des catéchumènes. «Recherchez sans relâche sa face», dit un psaume (105, 4). Augustin a commenté à ce propos: Dieu est tellement grand qu’il dépasse infiniment toute notre connaissance et tout notre être. La connaissance de Dieu ne s’épuise jamais. Toute l’éternité, nous pouvons, avec une joie grandissante, continuer sans cesse à le chercher, pour le connaître toujours plus et l’aimer toujours plus. «Notre coeur est inquiet, tant qu’il ne repose en toi», a dit Augustin au début de ses Confessions. Oui, l’homme est inquiet, car tout ce qui est temporel est trop peu. Mais sommes-nous vraiment inquiets à son égard? Ne nous sommes-nous pas résignés à son absence et ne cherchons-nous pas à nous suffire à nous-mêmes? Ne permettons pas de telles réductions de notre être humain! Restons continuellement en marche vers lui, ayant la nostalgie de lui, accueillant de manière toujours nouvelle connaissance et amour!

Ensuite, il y a l’huile pour l’Onction des malades. Nous avons devant nous la multitude des personnes qui souffrent: les affamés et les assoiffés, les victimes de la violence sur tous les continents, les malades avec toutes leurs douleurs, leurs espérances et leurs désespoirs, les persécutés et les opprimés, les personnes au coeur brisé. À propos du premier envoi des disciples par Jésus, saint Luc raconte: «Il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons» (9, 2). Guérir est une tâche primordiale confiée par Jésus à l’Eglise, suivant l’exemple donné par lui-même alors qu’il parcourait les routes du pays en guérissant. Certes, la tâche principale de l’Eglise est l’annonce du Royaume de Dieu. Mais justement cette annonce elle-même doit être un processus de guérison: «… guérir ceux qui ont le coeur brisé», a-t-il été dit aujourd’hui dans la première Lecture du prophète Isaïe (61, 1). L’annonce du Royaume de Dieu, de la bonté infinie de Dieu, doit susciter avant tout ceci: guérir le coeur blessé des hommes. L’homme, de par sa propre essence, est un être en relation. Toutefois, si la relation fondamentale, la relation avec Dieu, est perturbée, alors tout le reste aussi est perturbé. Si notre rapport à Dieu est perturbé, si l’orientation fondamentale de notre être est erronée, nous ne pouvons pas non plus vraiment guérir dans le corps et dans l’âme. Pour cela, la guérison première et fondamentale advient dans la rencontre avec le Christ qui nous réconcilie avec Dieu et guérit notre coeur brisé. Mais en plus de cette tâche centrale, la guérison concrète de la maladie et de la souffrance fait aussi partie de la mission essentielle de l’Eglise. L’huile pour l’Onction des malades est l’expression sacramentelle visible de cette mission. Depuis les débuts, l’appel à guérir a muri dans l’Eglise, ainsi que l’amour prévenant envers les personnes tourmentées dans le corps ou dans l’âme. C’est là une occasion de remercier pour une fois les soeurs et les frères qui dans le monde entier portent aux hommes un amour qui guérit, sans tenir compte de leur position ou de leur confession religieuse. Depuis Elisabeth de Thuringe, Vincent de Paul, Louise de Marillac, Camille de Lellis jusqu’à Mère Teresa – pour ne rappeler que quelques noms – le monde est traversé par un sillon lumineux de personnes, qui tire son origine de l’amour de Jésus pour les souffrants et les malades. C’est pourquoi nous remercions maintenant le Seigneur. C’est pourquoi, nous remercions tous ceux qui, en vertu de leur foi et de leur amour, se mettent aux côtés des souffrants, apportant ainsi, en fin de compte, un témoignage de la propre bonté de Dieu. L’huile pour l’Onction des malades est un signe de cette huile de la bonté du coeur, que ces personnes – avec leur compétence professionnelle – portent aux personnes qui souffrent. Sans parler du Christ, elles le manifestent.

En troisième lieu, il y a enfin la plus noble des huiles ecclésiales, le chrême, une mixture d’huile d’olive et de parfums végétaux. C’est l’huile de l’onction sacerdotale et de l’onction royale, onctions qui se rattachent aux grandes traditions d’onction dans l’Ancienne Alliance. Dans l’Eglise, cette huile sert surtout pour l’onction lors de la Confirmation et lors des Ordinations sacrées. La liturgie d’aujourd’hui associe à cette huile les paroles de promesse du prophète Isaïe: « Vous serez appelés ‘prêtres du Seigneur’, on vous nommera ‘ministres de notre Dieu’» (61, 6). Le prophète reprend par là la grande parole de charge et de promesse, que Dieu avait adressée à Israël au Sinaï: «Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte» (
Ex 19,6). Dans le vaste monde et pour le vaste monde qui, en grande partie, ne connaissait pas Dieu, Israël devait être comme un sanctuaire de Dieu pour la totalité, il devait exercer une fonction sacerdotale pour le monde. Il devait conduire le monde vers Dieu, l’ouvrir à lui. Saint Pierre, dans sa grande catéchèse baptismale, a appliqué ce privilège et cette tâche d’Israël à l’entière communauté des baptisés, proclamant: «Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui, jadis, n’étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu» (1P 2,9 s.). Le Baptême et la Confirmation constituent l’entrée dans ce peuple de Dieu, qui embrasse le monde entier; l’onction du Baptême et de la Confirmation est une onction qui introduit dans ce ministère sacerdotal en faveur de l’humanité. Les chrétiens sont un peuple sacerdotal pour le monde. Les chrétiens devraient rendre visible au monde le Dieu vivant, en témoigner et conduire à Lui. Quand nous parlons de notre charge commune, en tant que baptisés, nous ne devons pas pour autant en tirer orgueil. C’est une question qui, à la fois, nous réjouit et nous préoccupe: sommes-nous vraiment le sanctuaire de Dieu dans le monde et pour le monde? Ouvrons-nous aux hommes l’accès à Dieu ou plutôt ne le cachons-nous pas ? Ne sommes-nous pas, nous – peuple de Dieu –, devenus en grande partie un peuple de l’incrédulité et de l’éloignement de Dieu? N’est-il pas vrai que l’Occident, les Pays centraux du christianisme sont fatigués de leur foi et, ennuyés de leur propre histoire et culture, ne veulent plus connaître la foi en Jésus Christ? Nous avons raison de crier vers Dieu en cette heure : Ne permets-pas que nous devenions un non-peuple! Fais que nous te reconnaissions de nouveau! En effet, tu nous as oints de ton amour, tu as posé ton Esprit Saint sur nous. Fais que la force de ton Esprit devienne à nouveau efficace en nous, pour que nous témoignions avec joie de ton message!

Malgré toute la honte que nous éprouvons pour nos erreurs, nous ne devons pas oublier cependant qu’il existe aussi aujourd’hui des exemples lumineux de foi; qu’il y a aussi aujourd’hui des personnes qui, par leur foi et leur amour, donnent espérance au monde. Quand le 1er mai prochain sera béatifié le Pape Jean Paul II, nous penserons à lui, pleins de gratitude, comme à un grand témoin de Dieu et de Jésus Christ à notre époque, comme à un homme rempli d’Esprit Saint. Avec lui, nous pensons au grand nombre de ceux qu’il a béatifiés et canonisés et qui nous donnent la certitude que la promesse de Dieu et sa charge ne tombent pas aujourd’hui dans le vide.

Je m’adresse enfin à vous, chers confrères dans le ministère sacerdotal. Le Jeudi Saint est de façon particulière notre jour. A l’heure de la Dernière Cène, le Seigneur a institué le sacerdoce du Nouveau Testament. «Consacre-les dans la vérité» (Jn 17,17) a-t-il prié le Père – pour les Apôtres et pour les prêtres de tous les temps. Avec beaucoup de gratitude pour notre vocation et avec humilité pour tous nos manquements, renouvelons maintenant notre «oui» à l’appel du Seigneur: Oui, je veux m’unir intimement au Seigneur Jésus – renonçant à moi-même… poussé par l’amour du Christ. Amen.




Benoît XVI Homélies 9311