Bible chrétienne Actes 11

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§ 11. LE DÉPART DE PIERRE : Ac 12,1-25


Ac 12,1-3 // Jn 15,20 Mc 10,37-40 — Comme la vie du Christ culmine dans sa Passion et sa résurrection, les « Actes de Pierre », auxquels est consacrée la première partie Livre, se concluent par une nouvelle arrestation (cf. Ac 4,3) et la délivrance miraculeuse de l'Apôtre — au même temps de la Pâque juive, pour l'un comme pour l'autre. Comme Jésus ressuscité eut peine à convaincre ses disciples qu'il n'était pas un fantôme (Lc 24,39), peu préparés qu'ils étaient malgré les dires des femmes revenues du tombeau (Lc 24,22-23), ainsi les chrétiens rassemblés ne croient pas la servante Rhodé, supposant tout au plus une apparition de « l'ange » de Pierre (Ac 12,15). Et comme après les quarante jours de probation et d'enseignement le Christ monte au ciel, Pierre s'en va lui aussi « vers un autre lieu » plein de mystère (v. 17*). Enfin Hérode meurt (v. 20-23) comme retombe sur Jérusalem, ruinée par les Romains en Rm 70, le reniement son Sauveur (Lc 19,44). Le constant parallèle entre le Maître et son successeur est donc manifestement l'essentiel que Luc, inspiré par l'Esprit Saint, entend nous signifier sur le rôle de Pierre dans l'Église.

Ac 12,1En ce temps-là: EN 41 d'après Dockx ou EN 43 d'après Aulagnier ; mais il convient d'entendre surtout l'expression comme référant au temps primordial des événements fondateurs (bc i*, p. 246-247), car le texte grec original emploie le terme «kaïros* ».

le roi Hérode: Hérode Agrippa (de 41 à 44), neveu d'Hérode Antipas à qui eurent affaire Jean-Baptiste et Jésus.

Ac 12,2 // Mc 10,37-40 — De Jacques, dit «le majeur», l'un des trois principaux Apôtres, témoin de la Transfiguration et de la sainte agonie du Christ, les Actes ne retiennent que la mort, prédite par Jésus. C'est peut-être la raison pour laquelle, ayant tellement développé le récit du martyre d'Etienne, Luc est si sobre sur celui de , le fait à lui seul suffit à vérifier la prescience du Christ. Suivant la tradition (eusèbe : h.e., h, ix, 2), Jacques aurait, par sa confession de foi devant le tribunal, converti celui-là même qui l'avait livré (comme le Maître l'avait été par Judas — mais sans en obtenir la conversion, du moins apparemment = Jn 14,12). Sur Jacques «le mineur», voir à verset 17a*.

Ac 12,3 // Lc 22,1Voyant que cela était agréable aux Juifs : La malheureuse opposition entre Juifs et chrétiens a commencé, qui les rendra mutuellement consentants ou même favorables à une odieuse persécution, dissimulée derrière l'action du «bras séculier», sollicité ou non, comme ici.

Ac 12,4 // — Le précédent de Michée ne nous rappelle pas seulement les invectives de Jésus contre Jérusalem, « qui tue les prophètes et lapide ceux qui (lui) sont envoyés » (Lc 13,34) : de même que la mort du roi Achab au combat vérifiera la vérité de la prophétie de Michée (// ), de même la mort du roi Hérode (Ac 12,19-23) manifestera, par contraste, l'invulnérabilité de Pierre.

le produire devant le peuple après la Pâque : C'est une ressemblance de plus avec le Christ, que les princes des prêtres voulaient prendre « après la fête, de crainte qu'il n'y ait des troubles dans le peuple » (Mc 14,2 comparer avec Ac 5,26).

Ac 12,5 // Jdt 4,9 Jdt 4,11-13 la prière l'Eglise montait constamment vers Dieu pour lui , Des chrétiens incarcérés pour leur foi, en URSS ou en Roumanie, ont témoigné que la confiance en cette prière les avait efficacement soutenus dans leur prison ou leur camp. Cela doit encourager tout disciple du Christ à secourir au moins par une prière assidue leurs frères persécutés, dont le Christ lui-même se fait solidaire (Mt 25,39). La prière unanime est la première action de l'Église, et son recours le plus sûr auprès de Dieu (Mt 18,19-20). Celle-ci nous donne une belle image d'elle-même, entourant le vicaire du Christ de cette incessante supplication comme d'un rempart: Pierre est comme le centre d'attraction du ciel et de la terre: : de l'Eglise visible qui, autour de lui, s'unit dans la prière, et du ciel qui le protège contre toutes les embûches des hommes (d. barsotti).

Ac 12,6-10 // Za 4,1 Gn 19,15-17 Gn 19,22-25 Gn 24,40 — La situation n'est pas sans ressemblance avec celle du premier emprisonnement (Ac 5,18 s; cf. Il avec Paul, Ac 16,22 s*). Le merveilleux ne suffit pas à lui enlever son historicité fondamentale.

un ange du Seigneur : Cf. Ac 5,19*. Triple mention en est faite en ce chapitre : en ces versets 7 à 10, au verset 23, et plus curieusement au verset 15*. Nulle part n'est fait allusion à une transcendance terrifiante : il s'agit plutôt de l'action habituelle de ces messagers de Dieu dans son action providentielle, et par conséquent de la confiance que nous pouvons avoir en eux.

Bernard de Clairvaux : Sur le Ps 91 (pl 183, 233-234 ; Leclercq iv, p. 160-161) — «A ses anges il a enjoint, pour ton bien, qu'ils te gardent en toutes tes voies. » Cette parole doit t'inspirer une immense révérence et dévotion, et te donner confiance : révérence pour cette présence, dévotion en retour de cette bienveillance, confiance en cette protection. Ils sont là, donc, près de toi : pas seulement avec toi, mais pour toi. Ils sont là pour te protéger, pour t'aider, te faire du bien. Vraiment, bien que ce soit lui qui les ait envoyés, comment ne pas être reconnaissant envers eux aussi, qui obéissent à Dieu avec tant d'amour et qui nous assistent dans une vie si difficile ?

Donc, ayons de la dévotion pour les anges, soyons reconnaissants envers de tels gardiens ; aimons-les en retour de la charité qu’ils nous font ; honorons-les autant que nous le pouvons, autant que nous le devons. Mais faisons remonter tout notre amour, tout notre honneur, à celui de qui vient tout ce qui est en eux comme en nous, et de qui nous tenons ce privilège de pouvoir honorer et aimer, d'être honorés et d'être aimés.

Donc, frères, en lui, en Dieu, aimons ses anges avec une véritable affection, comme ceux avec qui nous serons un jour cohéritiers, et qui en attendant sont les pédagogues et les tuteurs que le Père a posés et préposés au-dessus de nous. Car maintenant nous sommes fils de Dieu, même si l'on n'en voit rien encore, parce que nous sommes petits, placés sous des précepteurs et des tuteurs, et ne différant en rien des esclaves, pour un temps (Ga 4,1-2)...

D'ailleurs, même si nous sommes petits, et s'il nous reste un long chemin à parcourir et non seulement long mais dangereux : que pourrions-nous craindre sous de tels gardiens ? Ils ne peuvent être vaincus ni séduitsmoins encore séduire — , ceux qui nous gardent en toutes nos voies. Ils sont fidèles, sages, puissants. Pourquoi trembler ? Simplement, suivons-les, attachons-nous à eux, et restons sous la protection du Dieu du ciel.

Mais en outre, comme dans la vision de Jacob où les anges « montaient et descendaient », ce sont eux aussi qui font monter la prière des saints (Ap 8,3-4). Porter la grâce de Dieu aux hommes, et les prières des croyants au Très-Haut, tel est le circuit incessant de nos grands alliés. L'ange toucha le côté de Pierre : Comme dans le « réveil des mages », illustré de façon charmante par la sculpture romane, à San Juan de la Pena ou à Autun (Evangéliaire roman, pi. 9-10). Cela va bien avec le fait que, le plus souvent, les apparitions angéliques ont lieu sous forme de songes, «en vision» (h. schlier : Essais n.t., p. 195). D'où la réaction de Pierre au verset 9: il croyait avoir une vision.

le réveilla: Le parallèle Za 4,1 laisse entendre qu'il ne s'agit pas seulement d'un sommeil biologique, mais plutôt de notre état naturel, de soi incapable d'accéder à la connaissance des réalités surnaturelles si Dieu, par lui-même ou par son ange, ne nous « éveille » à tout cet « au-delà » de nos perceptions et de notre raison.

Lève-toi, vite: Comme dans le cas de Lot (// Gn 19). Quand Dieu intervient, pas de délai à l'obéissance (règle de saint benoît, chapitre 5 : laissant là inachevé ce qu’ils faisaient, (les vrais disciples) suivent efficacement, au pas allègre de l'obéissance, la voix qui commande, dans l'agilité de la crainte de Dieu...).

Le parallèle Gn 24,40 peut nous suggérer que cette merveilleuse délivrance est le premier départ d'un « voyage », qui conduira providentiellement Pierre à Antioche puis à Rome (Ac 12,17b*).

Ac 12,10 — À qui se laisse guider par Dieu, tout s'aplanit sous ses pas : cf. Pr Pr 3,5-6 Is 45,13 Is 45,

Tout à coup, l'ange le quitta : Mission accomplie, sans commentaire, comme le Christ avec les disciples d'Emmaus (Lc 24,31).

Ac 12,11 // Dn 3,95-96 — Maintenant je suis vraiment certain : À l'ouverture du synode des évêques pour l'Europe (novembre 1991), jean-paul ii reprit à son compte cette reconnaissance de Pierre, en donnant à cette certitude la valeur qu'elle a, par le «don de science» que confère l'Esprit Saint (Is 11,2): Nous voudrions nous aussi cette science, cette capacité de connaître à fond les choses (et les signes des temps) dont fut alors gratifié l'Apôtre.

Ac 12,12la maison de Marie, mère de Jean, appelé aussi , Une de ces maisons où les chrétiens avaient coutume de se rassembler pour prier, comme premièrement au Cénacle (Ac 1,13-14), autour d'une autre Marie désignée ici par son fils, plus connu (de même, en saint Marc, pour Simon le Cyrénéen ou « Marie, mère de Jacques le mineur et de José » — Mc 15,21 Mc 15,40) que nous retrouverons en Ac 12,25 ; 13,5*. 13 et 15,37-39.

Ac 12,13-16 // Lc 24,22-24 Lc 24,36-37 Lc 24,41 La spontanéité de la scène nous touche encore, sans commentaire. Mais la signification théologique n'en est pas moins manifeste, de par son parallèle avec les scènes de la Résurrection (Lc 24; cf. aussi Mc 16,10-13).

g C'est son ange » : Plutôt que de « son double spirituel » (tob), ne s'agirait-il pas de cet ange affecté à chacun «de ces petits» dont parle Mt 18,10, source de la dévotion aux « anges gardiens » ? (Elle remonterait donc bien haut, dans la Tradition chrétienne.) Que ces fidèles puissent imaginer une confusion de Rhodé entre cet ange et Pierre suppose que l'on se faisait d'eux une image familière et humanisée (h. schlier : Essais n.t., p. 194 et 196 — qui cite aussi le Ps 91, commenté plus haut par saint Bernard, avant de conclure : L'ange est la force dont Dieu se sert pour agir).

Ac 12,17 // Ga 1,18-19 Ga 2,9 — Pierre raconte à l'assemblée son aventure, comme en Ac EN 11,4 s, et il tient même à ce que son récit soit officialisé, confié à l'Église locale représentée par «Jacques et ses frères ».

Il s'agit évidemment non pas de «Jacques le majeur», frère de Jean et mort martyr au verset 2, mais de celui qui tient dans l'Église de Jérusalem un rôle de premier plan. Dit « le mineur » en Mc 15,40, soit pour sa taille, soit — comme l'a fait la Tradition — pour le distinguer de «Jacques le majeur», il a été favorisé d'une apparition du Christ ressuscité (d'après ). Quand Paul monte à Jérusalem, pour authentifier sa foi chrétienne, il ne consulte, outre saint Pierre évidemment, que «Jacques, le frère du Seigneur» et «colonne de l'Église avec Pierre et Jean» (// Ga 1 et 2 — sur les «frères du Christ», cf. BC II*, p. 380-381). Autour de lui se regrouperont les judéo-chrétiens (Ga 2,12 Ac 15), mais quand leur controverse avec Paul, sur la conduite à tenir avec les païens convertis, nécessitera le concile de Jérusalem, Jacques usera de son influence pour appuyer la solution proposée par Pierre (Ac 15,13 — voir le commentaire de tout ce chapitre). Nous connaissons d'ailleurs bien sa pensée et admirons son réalisme dans l'épître qui lui est attribuée. À l'ultime montée de Paul à Jérusalem, c'est encore à Jacques, entouré des anciens* que Paul va rendre compte (Ac 21,18 s*). D'après Flavius Josèphe, il fut condamné à mort par le sanhédrin, qui aurait profité d'une vacance du procurateur romain (en 62?), et lapidé. La légende ajoute qu'il aurait été jeté du haut du Temple ; les jambes brisées et mourant, il aurait encore murmuré la parole du Christ en croix : « Pardonne-leur, Seigneur, ils ne savent ce qu'ils font», avant d'être achevé. Il avait, nous dit-on, 96 ans, dirigeant l'Église de Jérusalem depuis trente ans.

Est-ce le même que l'Apôtre «Jacques, fils d'Alphée» ainsi nommé dans les listes des Douze (Mc 3,18 et // ; Ac 1,13) ? — La question est très disputée, l'enjeu étant assez important. Si en effet Jacques le mineur était un des Douze, son rôle est dans l'ordre de la hiérarchie établie par le Christ lui-même. Mais s'il ne l'est pas, serait-ce l'indice d'une influence exercée par «les frères du Seigneur», spécialement nommés avec Marie en Ac 1,14, et par conséquent d'une hésitation, dans l'Église primitive, entre «christianisme apostolique et christianisme dynastique » (m. goguel : Premiers temps, chapitre 5). Mais nous savons trop peu de choses pour qu'à nous en tenir aux textes ces considérations hypothétiques puissent donner une base tant soit peu solide aux spéculations qu'on en a tiré. Renvoyons seulement à un bon exposé des motifs de distinguer l'Apôtre Jacques le mineur de Jacques, frère du Seigneur, où se trouvent également résumées les réfutations d'H. Cazelles (Catholicisme, 23, 253-257).

Ac 12,17il sortit et se mit en route vers un autre lieu: Il serait invraisemblable que Luc n'ait rien su au moins des premières destinations de ce voyage, dont l'épître de Pierre nous laisse penser qu'il passera par « le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie », et le mènera d'Antioche à Rome — comme, en dépit des négations, les fouilles du Vatican l'ont reconnu. Si les Actes n'en disent rien, si Pierre n'y apparaîtra plus désormais qu'au concile de Jérusalem (chapitre 15), c'est volontairement. Et ce silence, qui serait inexplicable si le but du livre des Actes était seulement de raconter l'histoire des commencements, comme on le ferait de nos jours, nous éclaire bien plutôt sur le sens que l'auteur inspiré veut en dégager : tel Abraham, Pierre doit «sortir» et se mettre en route «ne sachant où il allait... pour recevoir l'héritage» (// Gn 12,1 Gn 12,4 He 11,8). La phrase nous laisse en suspens comme l'est Pierre lui-même, mené par l'Esprit «qui souffle où il veut» (Jn 3,8). La destination n'est pas précisée pour rester ouverte, et mieux embrasser potentiellement «jusqu'aux extrémités de la terre» (Ac 1,8*). Du point de vue non pas directement historique, mais bien littéraire, l'imprécision s'avère donc plus exacte et appropriée que toute indication limitative. C'est ici un trait de génie. L'ayant bien compris, les Pères l'orchestrent en ce sens illimité, que ce soit dans le cas de Pierre ou dans celui de l'envoi des Douze en Mt 28,19.

Augustin : Sur Jn, vi, 10 (pl 35, 1429) — Où aller ? — Où ? N'avez-vous pas entendu ? A mon héritage. Vous demandez où aller ? À ce que j'ai racheté au prix de mon sang. Où donc ? À toutes les nations, vous dis-je... Et s'il s'agit de toutes les nations, à toutes les langues. C'est ce que signifiait le Saint-Esprit (à la Pentecôte) , divisé en langues mais en l'unique colombe. Pour cet héritage, se divisent les langues et se marie la colombe...

jérôme : Sur Mt, iv, 28, 18 (pl 26, 218 ; SC 259, p. 316) — ... afin que celui qui régnait depuis toujours dans le ciel, par la foi des croyants, règne sur toute la terre.

léon le grand : S. 82, pour le Dies natalis des saints Pierre et Paul (pl 54, 424-25 ; SC 200, p. 54 et 52) — Déjà, tu avais instruit les peuples qui avaient cru, venant de la circoncision; déjà tu avais fondé l'Eglise d'Antioche... et avais imprégné de la prédication évangélique le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ; et sans douter du succès de l'oeuvre, sans savoir combien de temps il te restait à vivre, tu portais le trophée de la croix du Christ sous les arcs romains, où venaient à ta rencontre, par disposition divine, et l'honneur de la puissance et la gloire de la Passion...

Tu n’as donc pas peur de venir dans cette ville, toi, bienheureux Apôtre Pierre ; et tandis que ton compagnon de gloire, l'Apôtre Paul, s'occupe d'organiser d'autres Eglises encore, tu entres dans cette forêt pleine de bêtes féroces, dans cet océan aux troubles profondeurs, plus assuré que quand tu marchais sur la mer. Tu ne crains pas Rome, maîtresse du monde, toi qui chez Caïphe avais été effrayé par la servante du prêtre. La puissance de Claude ou la cruauté de Néron seraient-elles peu de choses, comparées au jugement de Pilate ou à la haine des Juifs ? La force de l'amour l'emportait sur la crainte naturelle, et tu ne pensais pas devoir redouter ceux que tu avais reçus à aimer. Cette disposition d'une charité intrépide, tu l'avais conçue depuis longtemps : le jour où la profession de ton amour pour le Christ fut scellée par le mystère de sa triple interrogation (Jn 21,15-17). Et tout ce qu'on demanda de la ferveur de ton esprit, ce fut que tu donnes en aliment aux brebis que tu devais paître Celui que tu aimais et dont tu étais toi-même nourri.

Ac 12,18-19 // Lc 24,2-3 Mt 28,11-14 — Au-delà de l'anecdote (comparable au trouble du sanhédrin en Ac 5,19-24), c'est la valeur pascale de cette délivrance que les parallèles indiquent, complétant le rapprochement entre Pierre et le Christ (cf. l'introd. à ce chapitre).

Ac 12,20-23 112M 9,4-6.8-9.12 — La mort d'Hérode — calquée sur celle d'Antiochus, sans doute pour apparaître plus typique et exemplaire — rétablit l'équilibre de la perspective : là même où l'impuissance de Pierre et de l'Église étend le règne au monde entier de par son recours à Dieu, la puissance d'Hérode est mise en échec par ce même Dieu, provoqué par cet orgueil blasphématoire insensé (v. 22) : « Qui est comme Dieu !... Tu es un homme et non un dieu... Tu es abattu sur la terre, toi, le vainqueur de toutes les nations ; c'est au Shéol que tu es tombé, dans les profondeurs de l'abîme» (Ez 28,2-10 Is 14,12-19).

Ac 12,24-25 — Pierre, une fois lancé sur cette perspective ouverte à l'infini, dans le temps comme dans l'espace, sort de la scène suivant le procédé habituel de Le (cf. bc n*, p. 63). Et l'on en revient au thème fondamental de l'extension de l'Eglise (v. 24 — cf. Ac 6,7*), tandis que le verset 25, relie 11,30 à 13,1, c'est-à-dire la première partie des Actes à la seconde, consacrée désormais à Paul. La composition est donc bien indiquée. Sur Marc, cf. Ac 13,5*.

Ce verset 25 fait cependant difficulté parce que, contrairement à Nestlé qui choisit la version : « Barnabe et Saul revinrent de Jérusalem » comme plus logique, il semble bien que la critique textuelle porte à maintenir : « à Jérusalem ». Mais cela ne concorde pas avec le contexte, puisqu'il est évident que ce verset 25 doit mener du chapitre 12 au chapitre 13, donc de Jérusalem à Antioche, comme le confirme la mention de Marc qui est, de Jérusalem (Ac 12,12), emmené à Antioche d'où il repartira en Ac 13,5, toujours avec Barnabe et Saul. Nous nous rallions à la solution proposée par I. dupont (Études... p. 217-241), qui a le mérite de garder le texte exact sans perdre sa cohérence : il suffit de rattacher « à Jérusalem » non plus au verbe principal : « ils revinrent », mais au verbe subordonné : « quand ils eurent accompli à Jérusalem leur mission ». En ce cas, l'emploi insolite de la préposition « eis » s'explique aussi, pour rappeler que cette mission était en faveur de l'Église de Jérusalem (cf. Ac Ac 11,28-30). Certes, la construction présente en ce cas une inversion dont l'ambiguïté a fait question pour les exégètes ; mais i. dupont invoque à juste titre le génie littéraire du rédacteur des Actes pour expliquer cette construction : Ce qu'on prend parfois pour maladresse chez Luc révèle, en fait, un sens très sûr de la langue ; il la manie avec la liberté de qui en connaît les ressources. Ce qu’un professeur censurerait chez son élève, Luc peut se le permettre ; le grec est encore pour lui une langue vivante, infiniment flexible (ibid., p. 238).



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B. Les actes de Paul


Ac 13-20) §§ 12-18


§ 12. LA PREMIÈRE MISSION : Ac 13,1 à 14,28


Les premiers versets ont une importance capitale pour bien situer le lieu, les circonstances et l'auteur même du tournant qui s'ouvre, de la première à la seconde partie des Actes des Apôtres :

Ac 13,1 // — Dans l'Église qui était à Antioche , Il n'y qu'une Église du Christ, mais établie ici et là. Jérusalem est la mère (Ps 87) ; mais les filles sont d'Église à part entière, et sous l'emprise de l'unique Esprit (v. 2). C'est ainsi qu'une initiative décisive pour toute l'Église pourra venir de cette filiale...

il y avait des prophètes et des docteurs : En ces premiers temps, la hiérarchie existe déjà, même si elle est encore souple et peu tranchée. Prophètes et docteurs se trouvaient aussi dans le judaïsme ; mais du fait de l'effusion de l'Esprit, il semble que les fidèles doués de ces charismes soient plus nombreux (cf. Ac 11,27*), comme l'annonçait justement Joël (Ac 2,16-21).

des prophètes : On n'a pas tort d'y voir des annonciateurs de l'avenir, et dans le cas présent, ils ouvrent à l'Église sa perspective proprement « catholique » ; mais il faut bien comprendre que ce don leur vient de leur communication avec Dieu et son dessein universel.

irénée: Adv. Hoer, iv, 20, 8 (SC 100, p. 651) — Ce n'est pas seulement par leurs discours que les prophètes prophétisaient, mais aussi par leurs visions, leurs gestes, et les actes qu'ils posaient selon que l'Esprit le leur suggérait. Selon ce mode, ils voyaient le Dieu invisiblecomme le dit Isaïe (6,5) : « J'ai vu de mes yeux le Roi, le Seigneur Sabaoth », signifiant par là que l'homme verra Dieu et entendra sa voix. Selon ce mode, ils voyaient aussi le Fils de Dieu fait homme et conversant avec les hommes (Ba 3,38) : ils prophétisaient ce qui viendrait plus tard, déclaraient présent celui qui n’était pas encore là, annonçaient comme passible celui qui est toujours impassible, et voyaient descendre « dans la poussière de la mort » (Ps 22,16) celui qui était aux cieux. Et les autre «économies* » par lesquelles il «récapitulerait le monde » )Ep 1,10), les prophètes les annonçaient, les unes par la parole, d'autres par des actions symboliques. Ils voyaient par la vue ce qui un jour serait vu ; ils prêchaient par la parole ce qui serait entendu, ils accomplissaient par une action ce qui serait réalisé. Mais tout cela, c'est prophétiquement qu'ils l'annonçaient.

des docteurs : Le parallèle avec 1Co 12 montre qu'ils le sont eux aussi par un don du même Esprit, sans doute celui de science ou d'intelligence* (cf. aussi Ep 4,11).

Barnabe* vient de Chypre ; Lucius, de Cyrène, Manaè'n est d'un autre milieu, proche d'Hérode; enfin Saul est de Tarse: si l'Église d'Antioche est encore judéo-chrétienne, c'est déjà le judaïsme de la diaspora*, largement hellénisé. Mais Barnabe assure le lien avec les Douze de Jérusalem, qui l'ont « envoyé » à Antioche (Ac 11,22*). Saul vient encore en dernier.

Ac 13,2-3 // Lv 20,26 Za 6,7-8 Esd 8,21 Mc 2,19-20 Nb 27,22-23 — L'initiative de l'Esprit Saint, mais elle trouve une Église que la prière et l'ascèse rendent réceptive.

Mettez à part pour moi : C'est la définition même d'une « consécration ».

Pendant qu'ils accomplissaient leur ministère devant le Seigneur — litt. la « liturgie », sans doute de « la fraction du pain » — et qu’ils jeûnaient : Est-ce donc déjà le jeûne eucharistique ?... Après avoir jeûné et prié : le redoublement souligne l'encadrement spirituel où Dieu se manifeste.

Ils jeûnent, suivant que l'avait implicitement demandé le Christ pour les temps qui suivraient son « enlèvement », donc son Ascension (// Mc 2). Mais il s'agit d'un jeûne différent, privant de nourriture matérielle pour mieux souligner l'aliment spirituel dont nous avons à vivre.

Liturgie^ mozarabe, Préface pour la sixième férie de la deuxième semaine de carême (Éd. Férotin, vi, p. 176-177, n° 385) — Le Christ lui-même, en effet, est le pain vivant et vrai, substance de l'éternité et nourriture de la vertu. Car il est (ô Dieu) ton propre Verbe par qui tout a été fait : lui qui est non seulement le pain des esprits humains mais encore le pain des anges eux-mêmes. C'est parce qu'il recevait la vie de ce pain que Moïse ton serviteur jeûna quarante jours et quarante nuits quand il reçut la Loi : il s'abstint des nourritures charnelles pour être plus capable de recevoir la-douceur-de-ton-conseil (« suavis », étant de même racine que « suadeo », en implique le sens) . C'est de ton Verbe qu'il tenait vie et vaillance: ton Verbe dont il buvait en esprit la douceur et dont il recevait sur son visage la lumière. Il ne sentit donc-pas la faim, et il oublia les nourritures terrestres, car une certaine vision de la gloire le glorifiait ; et par l'effusion de l'Esprit Saint, la parole le nourrissait à l'intérieur.

Ce pain, tu ne cesses de nous le servir à nous-mêmes, et tu nous exhortes à avoir faim de lui sans cesse. Quand nous sommes nourris de cette chair nous sommes fortifiés, et quand nous buvons ce sang nous sommes purifiés. (Plus généralement, cf. g. gaide : Question sur le jeûne, dans « Assemblées du Seigneur», huitième Dimanche ordinaire, nouv. série, p. 44-54, et notamment p. 48.)

lis leur imposèrent les mains : Non pour une institution, comme sur les diacres (Ac 6,6), mais comme une délégation. Barnabe et Saul seront bien les « Apôtres », les envoyés de l'Eglise d'Antioche. Cependant, le « les laissèrent aller » signifie que cette « mission » est laissée à la conduite de l'Esprit Saint.

Ac 13,4-8 // Ps 108,2-7L'envoi vient « de l'Esprit Saint » (v. 2) ; mais la direction ? Le départ vers Chypre, patrie de Barnabe (Ac 4,36*), fait supposer que celui-ci n'était pas pour rien dans ce choix.

ils annonçaient la parole de Dieu dans les synagogues : Comme avait fait Jésus. Mais l'addition «les synagogues des Juifs» marque la priorité donnée au peuple élu. Ce n'est qu'une fois repoussé par eux que l'Apôtre se tournera vers les païens: Ac 13,14 et 46 s; cf. 14,1-2; 16,13; 17,2.10.17; 18,4.19; 19,8; 28,17.23.

Jean, comme auxiliaire : Il s'agit de Jean-Marc, introduit au chapitre 12 par la mention de la maison de sa mère, qui était donc membre notoire de l'Église de Jérusalem (v. 12) ; Barnabe et Saul l'ont amené avec eux à Antioche (v. 25), mais le fait qu'il ne soit pas nommé avec eux en Ac 13,1-3, comme sa mention subséquente à la fin de ce verset 5 seulement, jointe à ce titre d'« auxiliaire », témoigne que Luc ne veut pas qu'il soit mis à égalité avec Barnabe et Saul. Il les quittera d'ailleurs dès Ac 13,13. Paul lui en gardera quelque grief puisqu'au moment de partir pour sa seconde mission il préférera se séparer de Barnabe plutôt que de reprendre Jean-Marc (Ac 15,36-40). Celui-ci est encore salué en Col 4,10 — et comme « cousin de Barnabe » — ainsi qu'en Phm 24 ; à la fin de sa vie, Paul reconnaîtra qu'il lui est précieux pour le ministère (). Mais surtout, par la suite, Pierre l'appellera « mon fils » () ; et d'après la Tradition, c'est auprès du vieil Apôtre qu'il aurait puisé l'Évangile «selon saint Marc » — et qui lui vaut à tout jamais notre infinie reconnaissance. Sans doute avait-il lui-même connu le Christ, au moins épisodiquement ; car on peut supposer que s'il est le seul à rapporter l'anecdote du jeune homme qui s'enfuit nu, après l'arrestation du Christ à Gethsémani (Mc 14,51-52), ce pourrait bien être comme un souvenir personnel...

Le parallèle Ps 108 n'a évidemment pas de rapport direct, et encore moins exclusif, avec ces versets. Mais il donne le ton et l'ardeur conquérante des «envoyés du Saint-Esprit».

Ac 13,6-8 — De Salamine à Paphos : Donc d'est en ouest.

L'opposition avec un certain mage est le premier des nombreux parallèles que l'on peut établir entre Pierre et Paul. Car Pierre avait eu lui aussi maille à partir avec Simon le magicien (Ac 8,9-24).

Élymas : « D'une racine sémitique qui veut dire cacher», ce serait donc un nom convenant à ce magicien, « homme des choses cachées » (tob) ? Quoi qu'il en soit, ce qui est plus important à nos yeux, c'est que ce «faux prophète» soit familier du proconsul, car cela nous rappelle l'attrait des Romains d'alors pour l'ésotérisme, que ce soit celui des « religions à mystères » ou de la « gnose » ; et il en va de même aujourd'hui, avec les mêmes dangers. Non que cette religiosité imprécise aille toujours contre la vraie foi ; mais elle n'en détourne que mieux en paraissant répondre au besoin religieux, sans réclamer un véritable « engagement » : Le gnosticisme est éternel comme l'homme, parce qu'il répond au désir humain de connaître Dieu, de vivre en communion avec lui, sans adhérer à la foi, sans humilité, sans frein moral: c'est l'exaltation de l'orgueil humain qui ne veut pas servir Dieu, mais le faire servir à son propre avantage (d. barsotti).

Ac 13,9-11 // Os 14,10 Ez 35,3-4 Is 59,3-4 Is 59,9-10 Dt 28,28-29Saul, appelé aussi Paul: Saoul était un nom juif; Paul est d'origine romaine (à preuve Sergius Paulus) ; depuis ce moment où il prend le premier rôle, jusque-là tenu par Barnabe, on ne lui donnera plus que nom, comme pour mieux désigner sa mission qui en fait l'Apôtre des païens.

rempli de l'Esprit Saint: Donc rempli d'amour. De même «fixa son regard» est une expression familière à l'Évangile (Mc 10,21 Mc 10,27 Lc 20,17), qu'il faut entendre comme d'un regard d'amour (cf. Ac Ac 14,9 et BC II*, p. 502,504,563). L'impétuosité de la malédiction lancée par l'Apôtre ne doit pas nous donner le change: c'est pour le bien, la conversion du mage en même temps que du proconsul que l'Apôtre l'invective...

Homme plein de toute tromperie : Répond à «rempli de l'Esprit Saint». Fils du Diable dénie le titre de Bar-Jésus. Tromperie, fraude, injustice, voies détournées : c'est la caractéristique des impies (// Is 59), et du démon, «père du mensonge» (Jn 8,44). À l'inverse, Dieu est lumière et droiture (// Os 14).

Et maintenant : Cf. BC II*, p. 688. Voici* la main du Seigneur sur toi : Pour un châtiment, mais qui serve à la conversion d'Elymas et assure l'emprise de Dieu sur lui (// Ez 35).

tu seras aveugle : Ce n'est pas toujours un châtiment (comme dans le parallèle Dt 28, ou Jn 9,39) ; celui-ci peut préparer à ne plus voir seulement ses intérêts, trop naturels, pour marcher droit, vers Dieu, avec les yeux de la foi ; Paul avait fait, lors de sa conversion, l'expérience d'un tel aveuglement, prélude à son baptême (Ac 9,8-9 Ac 9,17-18).

Ac 13,12 // Mt 22,33 — Ce qui convertit Sergius Paulus n'est pas tant la cécité d'Elymas que la doctrine du Seigneur, comme dans le parallèle Mt 22 si les miracles peuvent avoir une valeur apologétique, la foi s'appuie sur « la Parole de Dieu » révélée en Jésus-Christ.

Ac 13,13-52 — Voir sur la carte le trajet de Paphos à Pergé et à Antioche de Pisidie, donc dans le centre-sud de l'Asie mineure. Nous avons là l'exemple le plus développé de l'action missionnaire de saint Paul.

Elle commence à la synagogue (Ac 13,5*). Le cérémonial est le même que dans l'Évangile de Jésus à Nazareth (Lc 4,15 s) : en cette contrée reculée, on est heureux d'entendre ces étrangers venus de Jérusalem, centre incontesté du judaïsme. Et c'est Paul qui se lève, non plus Barnabe, pour une parole de consolation : nous traduisons ainsi ce que la Vulgate ou tob appellent « exhortation », pour garder le rapport qu'il y a dans le mot grec avec le «Paraclet» consolateur (comme, plus explicitement, en Ac 9,31 et 15,31 ; cf. aussi Ac 2,36-40 et He 13,22). De fait, c'est «la Bonne Nouvelle» consolatrice que l'apôtre leur annonce.

Ac 13,16-41 — Paul s'adresse nommément aux «hommes Israélites » et plus largement à ceux qui « craignent Dieu », prosélytes ou non comme le centurion Corneille (Ac 10,2*). Son discours est donc typique de sa prédication aux Juifs, comme celui d'Ac 2 l'était pour Pierre, avec lequel celui-ci concorde, bien entendu. Sur les sources, cf. j. schmitt : Kérygme pascal et lecture scripturaire, dans betl 48, p. 155-167. Analyse littéraire dans m. dumais : Le langage de l'évangélisation, qui porte tout entier sur Ac 13,16-41. Et encore, m.f.j. buss : Die Missions predigt.

Il y a trois apostrophes à l'auditoire : versets 16.26.38, correspondant aux trois parties du discours : versets 16-25 ; 26-37 ; 38-41. On y passe de «nos pères» (v. 17-25) «à nous» (v. 26.33) et «à vous» (v. 38), comme des promesses (v. 23.32.38 — mots composés à partir d'« annonces ») à leur accomplissement.

Il s'agit en effet du même «kérygme» qu'au chapitre 2,22-36*. On en retrouve les articulations essentielles : 1. mort et résurrection du Christ (v. 27-37), largement développées ici et là (voir en particulier les termes «élever», «susciter», «ressusciter», aux versets 17.22.23.30.33.34.37); 2-3. rémission des péchés conditionnée par la foi (v. 38-39).

Ce qu'il y a de plus particulier ici est évidemment le résumé historique initial, comme dans le discours d'Etienne (Ac 7), mais en beaucoup plus bref; d'autant plus que, dès le verset 23, apparaît Jésus, si bien que Jean-Baptiste et son message (v. 24-25) s'y rattachent déjà. Mais cet exorde est plutôt le premier chaînon d'un recours constant aux Écritures, citées aux versets 18.19.22.41, comme à l'appui du fait central de la Résurrection (v. 33-37 — avec même citation et interprétation du Ps 16 que Pierre en Ac 2,25-32). Au surplus, « la Parole » (de Dieu ou du Seigneur) se trouve invoquée dans le reste d'Ac 13 aux versets 5. 7.44.46.48.49. Rapprochant « la parole de consolation » (v. 15) de «la parole du salut» (v. 26), m. dumais peut conclure avec o. glombitza (Sur Ac 13,15-41, dans nts 1958-1959, p. 308) que nous nous trouvons devant «une interprétation messianique de l’A.T.», et plus précisément «un midrash* homilétique, portant sur la promesse davidique de 2S 7 » (loc. cit., p. 87).

Entre la célèbre prophétie de Natan, à laquelle se réfère si souvent le n.t. (voir à la table scripturaire de BC II et m) et le présent discours de Paul, m. dumais relève en effet toute une série de liens thématiques et verbaux, dont les plus caractéristiques sont « descendance » (sperma) et « fils » (huios). Mais la promesse de descendance est tellement au coeur de tout l’A.T. — depuis Abraham, et même depuis le péché d'Adam (Gn 3,15) — qu'il ne faut peut-être pas référer trop exclusivement ce discours d'Ac 13 à 2S 7 (comme le montre m. gourgues : L'Evangile aux païens, p. 50-51). De fait, les autres parallèles sont si abondants que nous avons dû renoncer à reproduire 2S 7, que l'on trouvera en BC II, p. 27-29. On pourra comparer, entre Ac 13 et 2S 7, les versets 17 et 6, 20 et 7.11, 22 et 15.8, 23 et 12, 33 et 14; 34 et 16, 36 et 12.

Ac 13,17-20 // Ml 1,2-3 Ps 105,24 Dt 5,15 Dt 1 Dt 31 Ex 16,35 Dt 2,7 Dt 7,1 Ex 12,40-41 — Les patriarches et l'Exode. Elus, c'est-à-dire aimés (// Ml 1), bénis et multipliés (// Ps 105), délivrés, protégés, nourris et portés (// Dt 5; 7,1; Ex 16,35; Dt 2,7 ; 1,31).

Ac 13,20-22 // Jg 2,18-19 — Des juges aux rois. Paul s'en tient à David, le grand ancêtre messianique: pécheur mais «selon le coeur de Dieu en accomplissant son amour», à l'inverse de Saiil (// 1S 13 ; Ps 89) et au modèle du « Serviteur de Yahvé » Cyrus (Is 44,28), accompli dans le Christ (// Lc 3). C'est ce que nous demandons pour nous-mêmes à la troisième demande du Pater: entre dans le dessein de Dieu sur le monde celui qui vit et agit suivant sa volonté d'amour.

Ac 13,23-25 // Lc 3,23 Lc 3,31 Lc 1,32 Mt 1,21 Lc 1,76-77 En même temps que l'aboutissement des préparations messianiques, ces versets introduisent le « kérygme » proprement dit — du règne de Dieu par le Christ et la rémission des péchés — que Jean-Baptiste le tout premier, puis Jésus ont eux-mêmes proclamé.

Ac 13,26 // Ps 66,16 Is 62,11 Ps 98,2-3 Ep 1,13 — Comme on l'a dit, cette reprise des versets Ep 15-16 introduit la seconde partie du discours. Mais elle st aussi dans la suite des versets Ep 23-24, comme renonciation du troisième point, encore implicite, du kérygme: l'appel à la foi en « la parole de consolation » (v. 15) et « de salut » (v. 26b et // ). L'esprit de ses auditeurs juifs ainsi bien préparés, Paul peut proclamer plus explicitement la « Bonne nouvelle de salut».

Ac 13,27 // Ps 94,3 Ps 94,21 Sg 2,18-20 Pr 17,15 — Ces parallèles donnent quelques exemples, entre beaucoup d'autres, ces paroles prophétiques qui auraient dû être familières à ceux qui ne surent pas reconnaître leur Messie, et c'est leur premier tort. Mais il est notable qu'à la différence de Pierre en Ac EN 2,23 EN 36 3,13-14; EN 4,10 5,30 Paul ne rend pas responsables de la mort du Christ ses interlocuteurs, Juifs de la Diaspora*, qui ne le savaient même pas, ni par conséquent tout le peuple juif. Seuls sont mis en cause « les habitants de Jérusalem et leurs chefs »...

Ac 13,28-32 // Lc 23,4 Lc 23,22-23 Jn 19,28 Jn 19,30 Jos 23,14 — Après la Passion (procès, mort, descente de croix et sépulture) vient la Résurrection, fondée, comme dans les discours de Pierre, à la fois sur le témoignage des Apôtres (v. 31) et sur l'accomplissement des Écritures (v. 32 // Jos 23 et 2Co 1).

Évidemment, en première ligne, se trouvent ceux qui ont suivi le Christ «depuis son baptême» (Ac 1,21-22), et de Galilée à Jérusalem, et qui ont vu les apparitions du Ressuscité. Là-dessus, Paul devra lui-même s'en référer à eux (). Mais il est pourtant aussi un « témoin », fût-ce comme « un avorton », de ce qu'il a vu sur le chemin de Damas (ibid., v. 8) ; et il a reçu mission d'en témoigner lui aussi (Ac 22,15 Ac 22,18 Ac 26,16 cf. Ac 20,24).

Ac 13,33-37 // Is 55,3-4 Ps 16,9-10 La référence au Ps 16 et l'argumentation (v. 35-37) sont communes à Pierre et à Paul. Mais dernier s'appuie en outre sur le Ps 2,7, messianique, et pouvant s'appliquer soit à la génération éternelle du Verbe, soit comme ici à l'intronisation du Christ par sa glorification (comme en Rm 1,4 ; cf. Ac 2,36), ou encore par son baptême (Lc 3,22, en parallèle au v. 22). L'idée de « fermeté » (base de la confiance) se trouve aussi en ).

Quant à la citation d'Is 55,3-4, d'une patiente enquête, dupont tire cette conclusion : Pour comprendre sa portée, il faut tenir compte du sens et de l'argumentation développée dans l'ensemble du discours. La «promesse» mentionnée au verset 23 concerne non le fait isolé de la résurrection, mais l'envoi «d'un sauveur pour Israël». Les versets 32-33 précisent que cette promesse faite aux pères a été remplie « en notre faveur à nous, leurs enfants ». Le verset 38 conclut en proclamant le pardon des péchés accordé grâce à Jésus ressuscité. L'argumentation ne tend donc pas uniquement à montrer que le Christ devait ressusciter ; elle va plus loin et s'attache à dégager la portée salvifique de la résurrection. À la suite de sa résurrection, Jésus possède le pouvoir de justifier quiconque croit en lui ; c’est dans le Christ ressuscité que se réalise pleinement la promesse que Dieu avait faite d'accorder un Sauveur à Israël. Ce contexte plus large confère tout son sens à l'oracle d'Isaïe... Dieu y promet de donner aux hommes la sainteté de David ; non celle de David en personne, puisqu’il est mort depuis longtemps, mais celle du fils de David, qui communique sa propre sainteté à ceux qui croient en lui, leur procurant le pardon des péchés et la justification (bc // *, p. 513) ... La résurrection de Jésus n'est que le commencement de l’accomplissement de la promesse ; elle remplit la condition nécessaire à l'action salvatrice du Seigneur glorifié (Etudes, p. 337-359).

Au verset 36, la mort de David, «couché avec ses pères» suivant l'expression reçue (// et passim), figure aussi dans le texte // de base, 2S 7,12.

Ac 13,38-39 — Deuxième et troisième points du kérygme, comme en Ac 2,38 : c'est-à-dire rémission des péchés obtenue ici par la foi, là par le sacrement, la profession de foi qu'est le baptême. Il est seulement remarquable que l'on voie ici apparaître ce qui sera si fondamental dans la doctrine spirituelle de saint Paul : la «justification* » que l'observance de la Loi ne peut donner à elle seule, c'est Jésus-Christ qui nous l'obtient, pourvu que nous y adhérions par la foi (voir surtout Rm 3,21-31* et Ga 3).

Ac 13,40-41 — Cet avertissement prophétise le drame du rejet de l'Evangile par l'ensemble du peuple premièrement élu. Il est donc au centre des Actes, et pour mieux le marquer, une autre prophétie, encore plus catégorique, sera citée en finale (Ac 28,25-27). Mais c'est la face négative du mouvement même ouvrant positivement l'Évangile à toutes les nations païennes (Ac 28,28 cf. Ac 1,8). Et il faut y insister: ce n'est pas l'Évangile ni l'Église du Christ qui ont rejeté les Juifs : ce sont eux qui n'en ont pas voulu, comme le montre le « scénario ordinaire » indiqué dans la fin de ce chapitre 13.

Ac 13,42-48 // Dt 29,9-14 Jr 11,6-8 Qo 4,4 Pr 27,4 — Succès (v. 42-44), jalousie (v. 45), passage des Juifs aux « nations » (v. 46), c'est à partir réactions trop humaines que se réalisent les étapes du dessein divin salut universel. Mais c'est bien celui-ci qui s'accomplit, comme l'indiquent les expressions , il était nécessaire (= « il faut*») et voici* verset Pr 46, qui est crucial.

les prosélytes pieux désignent ces « adorateurs » du vrai Dieu qui sont aussi des « craignant Dieu ». On les retrouvera en Ac 16,14 ; 17,4.17 ; 18,7 ; même incirconcis, ils se trouvaient appelés, dès la première Alliance (// Dt 29) ; inversement, il ne suffisait pas d'être du Peuple élu pour bénéficier de l'Alliance (// Jr 11). La condition pour être sauvé, d'ordre uniquement spirituel, a été précisée aux versets 38-39* : c'est la foi.

remplis de jalousie : Un des ressorts trop fréquents de la conduite humaine (// Qo 4 Pr 27). On n'aime guère se l'avouer. Et pourtant, qu'elle est fréquente ! — jusque dans la religion qui devrait être, à l'inverse, pur amour. Au lieu d'être « rempli de jalousie », il faudrait bien plutôt se laisser « remplir* » d'Esprit Saint, comme le demande saint BENOÎT dans l'un des ultimes chapitres de la Règle des moines : Comme il y a une jalousie amère et mauvaise, qui éloigne de Dieu et conduit en enfer, il y a aussi une bonne jalousie (ou : un bon zèle) qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle. Cette jalousie-là, les moines doivent s'y adonner, sous la brûlure de l'amour. C'est-à-dire: qu'ils se préviennent d'honneur les uns les autres... Que nul ne recherche ce qu'il pense lui être utile, mais plutôt ce qui l'est à autrui... Qu'ils aiment Dieu de la crainte d'amour... qu'ils ne préfèrent absolument rien au Christ ; daigne celui-ci nous conduire en communauté à la vie éternelle.

et contredisaient avec blasphèmes : Du moment que Paul annonce le Christ comme « Seigneur» et Dieu, s'y opposer est un blasphème, ce mot ne prenant tout son sens que d'une parole s'élevant contre la divinité (cf. Ac Ac 18,5-6 Ac 26,11).

Il y a là un curieux retournement car, ainsi que l'avouera Paul, c'est lui-même qui premièrement avait persécuté les chrétiens pour les contraindre à blasphémer contre le Christ (Ac 26,11 cf. Ac 9,1): Il avait le premier sévi contre les chrétiens, avant d'être appelé à être Apôtre, envoyé pour prêcher l'Evangile aux nations, et de souffrir plus gravement pour le nom du Christ qu'il avait fait souffrir contre son nom (AUGUSTIN : De catechizandis rudibus xxm, 43 — ddb 11, p. 124, ou pl 40, 341).

Paul et Barnabe: Paul a si bien pris l'initiative que la mention de Barnabe est un rappel utile pour introduire la décision capitale que, par eux, l'Église va prendre en ce verset 46.

dirent avec assurance : Cette assurance que donne l'Esprit Saint : cf. Ac 4,13* ; 9,28.

Ce qui est en cause, c'est la Parole de Dieu telle que Paul vient de la «proclamer», donc très précisément le «kérygme*». Parole de salut (v. 26), et tout le discours était en perspective de salut, par « le Sauveur, Jésus » (v. 23), de telle sorte qu'à le repousser on se montre indigne de la vie éternelle, tandis qu'à l'inverse tous ceux qui croient en lui se montrent «pré-ordonnés à la vie éternelle » (v. 48).

Bien entendu cette «pré-ordination» ne signifie pas une détermination préalable, exclusive d'une liberté réelle, mais doit s'entendre d'un dessein divin qui est proprement éternel, et par conséquent non pas temporellement «pré»-alable mais concomitant au temps présent de notre action (cf. Rm Rm 8, 29-30*).

Ac 13,47 // Is 49,4-6 — Cet universalisme est le propre du « Serviteur de Yahvé», puisqu'il se trouve non seulement en ce second poème d'Isaïe, mais dès le premier (42,6). Déjà Syméon l'appliquait à l'Enfant-Jésus (Lc 2,32). Paul se tient pour chargé de porter ce rayonnement du Christ «jusqu'aux extrémités de la terre» — c'est-à-dire, symboliquement, jusqu'à Rome (Ac 1,8*) — puisque ainsi l'a ordonné le Seigneur (précisément en Ac 1,8). Mais le verset 4 d'Is 49 n'est pas moins en situation, s'il sous-entend que l'impression d'échec doit se changer, par la grâce providentielle de Dieu, en un triomphe plus large encore de la Lumière messianique sur le monde. C'est de cette puissance invincible de la Parole de Dieu, que les résistances même de l'homme ne sauraient vaincre (Jn 1,5), que les païens nouvellement convertis se réjouissent (Ac 13,48) ; et c'est le bienfait de la persécution pour diffuser la Bonne Nouvelle que suggèrent les versets 49-52, comme déjà Ac 8 (voir l'introduction à ce chapitre).

Ac 13,51-52 // Lc 10,10-12secouant la poussière de leurs pieds : C'est une expression si caractéristique des avis donnés par le Christ à ses Apôtres que cela revient à tenir le passage d'Antioche de Pisidie à Iconium puis à Derbé (Ac 14) pour l'accomplissement de la prophétie qu'ajoute le passage parallèle de Mt 10,23 : « Quand ils vous poursuivront (ou : persécuteront) dans une ville, fuyez dans une autre... »

pleins de joie et de l'Esprit Saint: Une joie en plénitude qui vient de l'Esprit Saint (Ga 5,22 1 Th 1Th 1,6), suivant la promesse du Christ en Jn 15,11 ; 16,20-22; 17,5.

Sur ces couples de compléments, voir Ac 6,2-4*. Cependant, plutôt que de traduire par : « la joie de l'Esprit Saint », il nous paraît préférable de garder la conjonction du « et », afin de laisser toute sa valeur divine à la présence de celui-ci dans les disciples du Christ, et valoriser d'autant celle-là.

Ac 14,1-7 // Ps 108,8-14 — Dans la suite du voyage missionnaire comme dans celle du Ps 108 — dont le début était cité en parallèle à Ac 13,4 s pour donner le ton — même ardeur conquérante, mais surnaturelle puisque les progrès de la foi sont le fruit d'abord de l'action divine. Si en effet Paul et Barnabe sont «pleins d'assurance*» de par l'Esprit Saint qui les anime, au surplus c'est la Parole de Dieu qui se révèle elle-même (en personne, puisque c'est rien de moins que la Personne du Verbe de Dieu, incarnée en Jésus-Christ et prêchée par ses Apôtres). En Ac 13,15 et Ac 13,26, elle était appelée «parole de consolation et de salut » ; ici, attribuée directement au Seigneur, elle apparaît comme « la parole de sa grâce », une parole qui est grâce, agissant puissamment pour construire l'Église (d'après Ac 20,33). Et c'est encore le Seigneur qui se fait ici son propre témoin, en soutenant la prédication par « des signes et des prodiges » (v. 3).

Or ceux-ci ne consistent pas seulement dans les miracles éclatants suscitant les plus grands honneurs (v. 8-13), mais de façon plus fondamentale dans l'ardeur invincible des Apôtres au milieu des persécutions, qui les font passer comme leur Maître de la Passion à la Résurrection (v. 19-20*).

une foule de Juifs et de Grecs (v. 1)... les païens et les Juifs avec leurs chefs (v. 5) : Si l'évangélisation d'Iconium commence aussi « dans la synagogue des Juifs» (v. 1), on ne distingue pas ses deux temps: auprès des Juifs puis des païens ; par contre, la persécution est nettement attribuée aux premiers (v. 2 et 19). Elle était prévue par le parallèle Ps 108,13.

croyants (v. 1)... les frères (v. 2) : Ils sont «frères » parce que le salut réalise l'union, établit dans l'unité ceux que le péché avait divisés (Ac 2,42-47* et 4,32). On reconnaît que l'Esprit vit vraiment en nous si la communauté vit une communion d'amour. Sous l'humble signe de notre pauvre petite vie, le Royaume de Dieu est présent, non seulement dans la joie du salut mais dans l'amour fraternel (d. barsotti).

la population de la ville se divisa (v. 4) : Comme pour le Christ (Jn 7,43 cf. Lc 2,34 et Lc 12,51-53). Et l'on voit bien que la ligne de partage n'est plus entre Juifs ou « Grecs » (c'est-à-dire : non juifs), mais entre Juifs (c'est-à-dire : refusant l'Évangile) et croyants (qu'ils soient juifs ou non) qui acceptent l'enseignement des Apôtres (première extension de ce mot, primitivement réservé aux Douze, mais qui, de par son étymologie, convient à tout « envoyé », comme le sont Paul et Barnabe).

avec leurs chefs préparaient un coup de main pour maltraiter et lapider les Apôtres : Comme pour le Christ (Mc 3,6 Jn 8,59 Jn 10,31 Jn 11,47-53).

Ac 14,8-10 // Mc 10,49-52 — Le parallèle entre Pierre et Paul se poursuit avec cette guérison d'un infirme de naissance, comme en Ac 3,1-10. Jésus avait le premier guéri un aveugle-né. Mais « l'homme bondit, et il marchait » évoque plutôt le mouvement du parallèle Mc 10
Paul, fixant les yeux sur lui : Comme en Ac 13,9* ; et plus directement encore comme Pierre en Ac 3,4, mais sans la réciprocité d'Ac 3,5. On songe aussi au regard aimant du Christ sur ceux qu'il appelle (bien qu'à vrai dire le verbe ne soit pas le même ici qu'en Mc 10,21 Mc 10,27 en Lc EN 22,61). voyant qu'il avait la foi pour être sauvé: La foi joue aussi son rôle dans Ac 3,16 ; mais l'énoncé « la foi pour être sauvé » correspond davantage à l'enseignement de saint Paul (cf. Ac 13,38-39*). Celui-ci ne fait en cela que tirer la conclusion de la parole du Christ après certains miracles: «Va, ta foi t'a sauvé » (Lc 7,50 Lc 8,48 Lc 17,19 Lc 18,42).

Ac 14,11-18 // Ba 6,3-6 — La méprise des Lycaoniens s'explique d'autant mieux que la légende de Philémon et Baucis, rapportée par Ovide, reprise par La Fontaine, était censée avoir eu lieu dans ces régions. Zeus et Hermès, on le sait, y récompensaient de leur hospitalité le vieux couple, et noyaient les autres habitants qui n'avaient ouvert «ni leurs logis ni leurs coeurs». Cela rappelle d'ailleurs curieusement l'hospitalité d'Abraham et de Lot, sauvé par là de la destruction de Sodome, aux chapitres Gn 18-19 de la Genèse ; et cette similitude témoigne de l'universalité du coeur humain et de son appel à la manifestation et à la venue de Dieu, seulement réinterprétée avec des images polythéistes... On comprend que les gens de Lystres, craignant d'attirer sur eux le même malheur, s'empressent d'honorer Paul et Barnabe.

Car leur méprise n'est que trop logique : c'est vrai que Dieu seul peut accomplir de tels miracles. Ils se trompent seulement en identifiant avec le véritable auteur, divin, de cette guérison instantanée ces hommes (v. 15) qui en ont été tout au plus les instruments — de même que, dans la prédication de Paul, c'est la Parole de Dieu qui passe et convertit ses auditeurs. Ils ont tort d'assimiler à Dieu « ces hommes qui viennent de Dieu, et, se trouvant en droite ligne de sa volonté, ont été exaucés» (Jn 9,31-33); mais nous serions nous-mêmes aveugles en ne comprenant pas que derrière le prédicateur il y a Dieu qui nous appelle...

le prêtre... voulait avec la foule offrir un sacrifice (v. 13) : Là encore, l'erreur n'est pas dans le fait du sacrifice, mais seulement dans sa destination, que ce soit à de faux dieux ou à des hommes — empereurs ou autres — divinisés. À propos de ce passage des Actes, Augustin soutient la valeur de ces rites sacrificiels : Pensera-t-on que ces sacrifices visibles convenaient pour les dieux du paganisme, mais qu'au Dieu majeur et meilleur qui est invisible conviennent des sacrifices supérieurs, meilleurs et invisibles comme le sont les hommages d'un esprit pur et d'une volonté bonne ? — Ce serait ignorer que ces rites matériels sont des signes de ce culte intérieur, comme les mots prononcés le sont des choses elles-mêmes. Aussi, de même qu’en nos prières et nos louanges nous adressons les signes de nos paroles à celui auquel, dans notre coeur, nous offrons les réalités mêmes que nous signifions, de même sachons quand nous l'offrons que le sacrifice visible ne doit pas être offert à un autre qu'à celui dont nous devons être nous-mêmes en nos coeurs le sacrifice invisible. (Autre façon de définir le véritable sacrifice, comme « sacramentel », les rites visibles signifiant l'opération de l'Esprit «faisant de nous une éternelle offrande à la gloire de Dieu » (troisième prière eucharistique)) ... Aussi bien, ces esprits qui s'arrogent la divinité (captant pour eux-mêmes les honneurs adressés aux idoles) , ce n’est pas des fumées des victimes qu’ils trouvent leur délectation, mais dans l'âme du suppliant qu'ils trompent, soumettent et dominent ainsi, leur barrant la route vers le vrai Dieu... (La Cité de Dieu, x, 19 — ddb 34, p. 494-496 ou pl 41, 297).

C'est la valeur même du sacrifice — les rites visibles entraînant l'adoration intérieure — qui explique l'extrême sévérité de l'Ancien Testament pour les cultes idolâtriques (// Ba 6 et ). On ne se désolidarise jamais trop nettement du mal, et le Christ n'est pas plus tendre là-dessus (cf. Mt Mt 5,29-30).

Ac 14,14-15 // — Ignorant le lycao-nien (v. 11), Paul et Barnabe n'ont pas compris ce qui se trame. Mais le sacrifice n'étant offert qu'en l'honneur de Dieu, ou des dieux réputés comme tels, ils ne peuvent se tromper sur la signification des préparatifs d'un sacrifice s'adressant à eux. D'où la vigueur de leur réaction.

déchirèrent leurs vêtements : Quand il ne signifie pas le deuil, ce geste marque une réprobation violente. Outre le parallèle 2R 11, voir quelques exemples en 2R 5/7; 6,30; 18,37; 19,1; 22,11.19; Esd 9,3.5; Est 4,1 ; 1M 2,14; 3,47; 4,39 ; Mt 26,65.

des mortels comme vous : Contrairement à l'imposture du démon de l'orgueil qui prétend être et nous faire devenir « comme des dieux » (Gn 3,5 et // Ez 28), Paul et Barnabe avouent être ce qu'ils sont, avec l'humilité de Jean-Baptiste (Jn 1,20-23) et de tous les bons anges (// Ap 19).

Ac 14,15-17 // Ez 14,6 Jr 10,10 Jr 10,12 Jr 10,15 Dn Jr 14,5-6 Jr 14,27 C'est le premier discours s'adressant à des païens ; mais il ne va pas jusqu'au bout comme en Ac 17*: il en reste au premier stade, celui d'une prédication du monothéisme, dans la ligne de l’A.T.(comme le rappelle l'abondance des parallèles). C'est en effet une invitation à la «conversion » (v. 15 b), avec la double image que ce mot lui-même implique: « se détourner» pour «se tourner». Mais, par opposition au polythéisme grec des auditeurs, Paul se borne à l'annonce (litt. «l'Évangile») de l'unique «Dieu vivant », créateur universel (v. 15c) et providence généreuse (v. 17).

Ainsi, par-delà l'Alliance mosaïque et les prophéties, qu'il ne pouvait alléguer devant des païens ignorant cette première révélation, Paul se fonde ici sur la religion naturelle, dont il admet la légitimité, au moins jusqu'à présent, c'est-à-dire jusqu'à la nouvelle révélation qui est dans le Christ (v. 16). L'ancienne Alliance, limitée au peuple élu et à ceux qui voulaient bien y adhérer, n'était qu'une étape, durant laquelle « toutes les autres nations » restaient libres de « suivre leurs propres voies » — et il faut donner ici à ces « voies » le sens fort des religions qui proposent un itinéraire et un accès vers Dieu (voir Ac 2,25-28*). Bien entendu, maintenant qu'est venu le Christ, qui est la Voie (Jn 14,6), toutes les autres doivent se rallier à lui. Mais la conversion au christianisme impliquée par là ne doit pas annuler la reconnaissance explicite, en ce verset 16, d'une légitimité des religions païennes antérieures. Il est clair que cette appréciation positive est d'une «ouverture» (voir au v. 27b) bien supérieure à la condamnation du parallèle Is 47 (qui d'ailleurs n'est que la version de la Vulgate latine : dans le tm il y a : « Ils se dispersent chacun de son côté » ; et dans la Septante : « Chacun errait pour son compte »).

C'est important. Le Dieu de /'Historia salutis (de l’A.T.( ne cesse pas d'être le Dieu de la création. La providence spéciale qui se manifeste par les interventions de Dieu dans l'histoire ne doit pas nous faire oublier la providence plus commune, plus universelle et continue, dont Dieu assiste tout ce qu’il a créé. Par la conscience que l'homme a de cette providence, la vie de l'univers prend un caractère et un contenu religieux. Dans sa dépendance des saisons, dans son lien avec la terre d'où il tire sa nourriture (v. 17) , l'homme vit déjà une dépendance et un lien avec Dieu. La nature n’est pas Dieu, mais elle est déjà un premier « sacrement », un signe sensible (du Créateur) ... Et du seul fait que la création subsiste, Dieu continue à se rendre témoignage... Dans la religion cosmique, Dieu se révèle dans un pacte qui le lie pour toujours avec la stabilité des lois qui gouvernent le monde (cf. Noé) : ici, le rapport de l'homme avec Dieu est moins profond (que dans la religion d'Israël) ; mais il est toujours sûr, et il est plus universel, malgré le péché des hommes (d. barsotti).

Ac 14,19-20 // Ps 142,7-8 — On ne pourrait imaginer retournement plus total, de l'apothéose à la mise à mort, comme du Capitole à la roche Tar-péienne. Mais plus encore, Paul reproduit le Christ, des rameaux à la croix et à la résurrection, Il se leva étant le verbe de /’anastasis. Sans doute à dessein, les Actes ne parlent ici que de Paul. Barnabe ne réapparaît que pour la fin du voyage.

Ac 14,21-22 // 2 Ch 2Ch 32,8 Jn 16,33 — Le retour se fait en deux temps. D'abord les deux apôtres repassent dans les trois villes, malgré leur hostilité déclarée (Ac 13,50; 14,5.19). Le premier objectif, commun à toutes les missions, est d'affermir la foi des nouveaux disciples: cf. Ac Ac 15,41 Ac 16,5 Ac 18,23 1 Th 1Th 3,2 1 Th 1Th 3, la persévérance ou la constance (cf. Ac 11,23), ou la fidélité, qui sont par conséquent le propre de la foi (cf. Lc 8,15), s'avéreront d'autant plus nécessaires que c'est par beaucoup de tribulations* (mot évoquant les épreuves eschatologiques* — cf. Lc 21,12-19; ou // Jn 16) qu'il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu (le « il faut » du dessein salvifique de Dieu — cf. bc il*, table). Ce qui, d'après les prophéties, était nécessaire pour le Christ l'est également pour ses disciples: pour parvenir au Royaume, il n'y a pas d'autre chemin que celui de l'épreuve. Enfin de compte, il s'agit de la «nécessité » de participer aux souffrances du Christ pour avoir part à sa gloire (i. dupont : Nouv. Etudes, p. 352).

Ac 14,23 // Nb 11,16-17des anciens pour chaque Église : Ce sont bien toujours les Apôtres ou leurs disciples directs (Tt 1,5) qui établissent ces «anciens». À la fin du Ier siècle, l'épître aux Corinthiens attribuée à clément de rome témoigne de cette «hiérarchie» — en un sens moins statique (d'éta-gernent de pouvoirs) que dynamique (d'une «Tradition» ou transmission de l'Evangile).

Les Apôtres ont reçu pour nous l'Evangile du Seigneur Jésus-Christ ; et Jésus, le Christ, avait été envoyé par Dieu. Le Christ vient donc de Dieu, et les Apôtres, du Christ ; ceux-là comme celui-ci sont sortis en bon ordre de la volonté de Dieu... Par les campagnes et dans les cités, les Apôtres proclamaient le « kérygme », et ils établissaient les prémices (des premiers convertis : cf. Rm Rm 16,5 ou ), les éprouvant par l'Esprit, pour en faire des «épiscopes» et des «diacres» des croyants à venir... Par une prémonition achevée (des querelles à venir sur la fonction épiscopale) , ils établirent ceux dont il a été question précédemment, et donnèrent désormais pour règle que, après la mort de ces derniers, d'autre hommes éprouvés leur succéderaient dans leur office (« Leitourgia ») (clément de rome : Aux Corinthiens, 42,1-2.4 et 44,2; SC 167, p. 168 et 172).

Quel sens doit-on donner, originellement, à ces «épiscopes» et « diacres ». Et comment les distinguer des « anciens » dont parle ce verset 23, des «prophètes et docteurs » à Antioche (Ac 13,1), des Apôtres et des diacres d'Ac 6-8 ? La question est d'autant plus complexe que, comme tout porte à le penser, les premières communautés chrétiennes furent organisées non pas suivant une hiérarchie prédéterminée, donc partout identique, mais bien pour répondre aux besoins, au fur et à mesure ; et au surplus, chaque ministère ne s'est déterminé que progressivement. Pour une analyse plus précise des données multiples du n.t. à ce sujet, référons à a. lemaire : Les Ministères aux origines de l'Église (avec bibliographie), et à l'ouvrage collectif sur Le Ministère et les ministères selon le n.t., dossier exégétique et réflexion théologique. Notons au moins avec j. dupont qu'en tout cas cette hiérarchie était collégiale, comme dans les communautés juives, et que, d'autre part, en évitant le terme de « prêtres » (hiéreis), contrairement au sacerdoce lévitique ou païen, on affirmait d'autant mieux que cette fonction médiatrice était, dans le christianisme, tenue par le Christ lui-même, notre Grand Prêtre, comme l'exaltera l'épître aux Hébreux (Nouv. Études, p. 353-354).

Pourtant, ce n'est peut-être pas un hasard si «ancien» vient du grec « presbyte ros », d'où est tiré notre mot de «prêtre». Pour éviter toutefois les assimilations arbitraires aux évêques, prêtres et diacres d'aujourd'hui, tels que nous les trouvons constitués, pour l'essentiel, dès saint Ignace d'Antioche (t 107), nous garderons la forme ancienne d'«épiscopes» (surveillants, inspecteurs, « ayant soin du bien de tous » : cf. Ac Ac 20,28) et de « presbytres » (voir lemaire: op. cit., «le vocabulaire ministériel des origines», p. 179-190).

Ac 14,23 // Esd 8,21 Esd 8,23 Lc 6,12-13après... avoir prié et jeûné, ils les confièrent. , La phrase est ambiguë. Son sens dépend de l’antécédent qu'on donne au pronom: « ils les confièrent ». S'il s'agit des disciples (v. 22) pour lesquels Paul et Barnabe ont désigné des anciens, Luc veut parler d'un rite d'adieu... S'il s'agit des presbytres, nous avons affaire à une cérémonie d'ordination. Le Lectionnaire (« ces hommes ») favorise la seconde interprétation, qui paraît effectivement plus probable... On ne doit pas hésiter à parler ici d'une « ordination » qui assure aux anciens un « ordre », une place spéciale, dans la communauté (j. dupont : op. cit. p. 354-355).

Ils les confièrent au Seigneur à qui ils avaient donné leur foi : On ne saurait mieux dire que le vrai Chef et Seigneur de cette Eglise naissante est le Christ. « Lui donner sa foi », c'est plus que de seulement croire ; ou plutôt, c'est la foi au sens fort d'un engagement et comme d'un mariage, suivant le sens traditionnel et si émouvant de l'expression, se marier étant le don mutuel de deux fidélités, « pour le meilleur et pour le pire »...

accompagnant de jeûnes leur prière : Comme en Ac 13,2*, n'a pas une portée pénitentielle, mais plutôt d'intensification et de rencontre avec le Seigneur. Plus encore qu'avec le jeûne d'Esdras avant un voyage (// Esd 8), on fera le parallèle avec la veillée du Christ lui-même, pour se préparer à l'élection des Douze (// Lc 6).

Ac 14,24-28 — Finale brève de cette première mission. Luc tient surtout à rappeler les points suivants.

1. À l'origine de cette mission, il y a Dieu (Ac 13,2*). À Antioche, Barnabe et Paul avaient été livrés à la grâce de Dieu (Ac 14,26). «Livrés», comme Jésus l'avait été dans sa Passion (cf. bc n*, p. 702); «à la grâce de Dieu », ce qui peut s'entendre soit : à la grâce de sa protection durant le voyage, soit plus significativement : livrés à l'évangélisation comme des serviteurs annonçant et répandant la grâce de Dieu — ce qui va dans le sens indiqué au verset 3 : « Ils rendaient témoignage à la parole de sa grâce ».

2. Le fruit de cette mission, c'est qu'ils avaient ouvert aux nations la porte de la foi (v. 27 // Is 26,1-2 Is 2,2-3): ouvrir au sens de «voie ouverte» (), mais aussi de « donner accès », en mettant l'accent sur « donner ». La foi est un don que l'on reçoit, de l'Eglise ouvrant ses portes aux convertis (// Is 26), et de Dieu surtout, premièrement, car c'est Dieu qui ouvre les coeurs (Ac 16,14). L'idée n'est pas que la foi est une porte donnant accès à autre chose comme, par exemple, la vie. On veut dire que c’est Dieu qui accorde aux païens la possibilité de devenir chrétiens... La porte par laquelle ils entrent dans la communauté chrétienne (qui est celle de la foi) leur a été ouverte non par des hommes, mais par Dieu lui-même. En cela aussi, la mission apparaît comme l'oeuvre de Dieu (j. dupont : Nouv. Études, p. 357).

Nouveau parallèle avec Pierre en Ac 11, et doublement puisque Paul et Barnabe rendent compte de leur mission devant l'Eglise d'Antioche rassemblée tout exprès (Ac 14,27, «Ils convoquèrent... » — à comparer avec 11,4-17), et qu'ici et là on s'émerveille de l'accès des païens, soit à la conversion menant à la rémission des péchés et donc à la vie (Ac 11,18, deuxième point du kérygme), soit à la foi (troisième point, Ac 14,27).

Nous sommes au milieu des Actes. Le pas décisif a été franchi, tant par Paul que par Pierre le tout premier; mais ce pas est si capital qu'il devra être ratifié par l'Église universelle, convoquée cette fois en une sorte de « concile ».



Bible chrétienne Actes 11