Bible chrétienne Actes 13

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§ 13. LE CONCILE DE JÉRUSALEM : Ac 15,1-41


L'accord des Actes avec ce que Paul rapporte lui-même d'événements apparentés, au chapitre 2 de son épître aux Galates, reste difficile. L'Apôtre semble en effet situer « le différend d'Antioche », où il prend Pierre à partie, après et non pas avant le concile (respectivement Ga 2,11-14 et Ga 2,1-10), alors que tout serait bien plus naturel si ce différend venait en premier, le concile ayant eu lieu précisément pour apporter au débat une conclusion autorisée. Sur les différentes solutions qui ont été proposées, voir j. dupont : Études... p. 56-75 et 185-215 ; ou plus sommairement, m.golirguks : L'Évangile aux païens, p. 30-34, avec sa conclusion de bon sens : Il est bien inutile de chercher à trop presser les choses. Faut-il se montrer plus préoccupé de chronologie rigoureuse que le N. T. lui-même ?

Ce qui est clair en tout cas, c'est que le concile intervient après que la question la plus fondamentale — à savoir l'admission des païens dans l'Église — a déjà été résolue positivement par le Saint-Esprit lui-même, dès la conversion et le baptême du centurion Corneille (Ac 10-11), puis dans la première mission suscitée et menée par Dieu, « ouvrant la porte de la foi aux païens » (Ac 13-14). Et sur ce point, par conséquent, non seulement Pierre s'accorde avec Paul, mais il a donné le premier l'exemple, en baptisant le premier païen.

La controverse qui surviendra par la suite ne porte que sur des questions découlant du fait acquis de la présence de païens convertis dans l'Église chrétienne : fallait-il les astreindre « à la circoncision et à l'observance de la Loi de Moïse » (Ac 15,1 et Ac 15,5), et les judéo-chrétiens pouvaient-ils «prendre leur repas avec ces chrétiens venus du paganisme », encore en état d'impureté légale (Ga 2,11-14)?

Certes, la réponse avait une grande importance pratique, puisque obliger ces convertis païens à observer la Loi revenait à estimer que l'on ne pouvait être chrétien sans pratiquer le judaïsme ; et ne pas admettre que les judéo-chrétiens puissent être commensaux des chrétiens venus directement du paganisme les aurait séparés en deux classes, déchirant ainsi l'unité de l'Église naissante. La décision du concile de Jérusalem aurait l'avantage de trancher entre l'Église et le judaïsme, au profit de l'unité entre chrétiens.

Mais il faut se garder de certaines exagérations qui ont tendu à dramatiser le débat, d'une part en durcissant les positions au point d'opposer Paul à Jacques ou même à Pierre, et d'autre part en s'autorisant même parfois du différend d'Antioche, où Paul avait fait à Pierre des remontrances, pour légitimer l'attitude « protestante » — et plus récemment la « contestation » — contre le catholicisme et le successeur de saint Pierre. En réalité, il n'y eut ni division entre les protagonistes, Paul, Jacques et Pierre, ni rupture entre chrétiens venus de l'un et l'autre bord, ni même mépris du judaïsme, et la rupture avec la synagogue interviendra bien plus tard, non du fait des chrétiens...

irénée le remarquait déjà : Du fait qu'ils se demandaient s'il fallait encore circoncire les disciples, oui ou non, il est montré clairement qu'ils n'envisageaient pas «un autre Dieu» que celui de l'Ancien Testament. Autrement, ils n’auraient pas eu ce respect de l’a. t. qui leur faisait éviter de manger avec les païens. Pierre lui-même, bien qu'il leur fût envoyé pour les instruire, et alors qu’il était encore ému de sa vision, exprime ce respect dans ses paroles : « Vous savez qu'il n'est pas permis à un Juif de s'approcher des étrangers ; mais Dieu m'a démontré qu'il ne faut considérer aucun homme comme souillé ou impur » (Ac 10,28). Il signifiait par là qu'il ne serait pas venu s'il n'en avait reçu l'ordre (Adv. Hoer., m, 12, 14-15; SC 211, p. 244-246).

Quant aux positions respectives de Pierre et de Jacques par rapport à celle de Paul et de Barnabe, il suffit de lire objectivement Ac 15 — et même aussi Ga 2, comme on le verra en son lieu — pour se rendre compte que l'affaire ne tendait pas à la division ni même à la contestation, mais tout au contraire témoignait d'une profonde et hiérarchique unité de Paul à Pierre et à Jacques.

Ac 15,1 // Ex 12,43-44 Ex 12,48 1M 2,45-46 — D'abord, la controverse ne naît pas entre les chefs, mais entre d'obscurs disciples, comme il arrive «plus royalistes que le roi».

Certains : Il n'est même pas dit que ce soient des « frères* ». Une variante de la v.o. ajoute : « issus du pharisaïsme » (comme il est dit en tout cas au verset Ac 15,5). descendirent de la Judée : Si Luc n'a pas écrit : « de Jérusalem », c'est qu'ils n'étaient même pas de cette prestigieuse « Église-mère », encore moins sont-ils mandatés pour représenter les Apôtres. Ce qu'ils enseignent est en conformité avec la Loi de Moïse (// EX 12) ; et s'il est vrai que la perspective est déjà celle que le concile adoptera — est-ce «nécessaire pour être sauvé»? — , leur réponse est conforme non à la nouveauté «catholique» de l'Évangile, mais à la rigueur de l’A.T., expliquant la conduite de Mattathias (// 1M 2).

Ac 15,2-3 // Is 35,10une vive discussion : La v.o. ajoute même : « Paul disait en effet de rester exactement comme le jour où ils avaient cru (conformément à 1Co 7,27-31) ; il y insistait... » D'après cette v.o., ce seraient les intervenants qui en auraient appelé aux chefs de l'Église. En tout cas, loin de contester l'autorité des Douze, Paul et Barnabe s'en réfèrent à elle, et toute l'Église d'Antioche avec eux puisque c'est elle qui « les met en route » (Ac 15,3), comme le souligne irénée : Si Paul a donné satisfaction à ceux qui l'avaient cité devant les Apôtres à propos d'une question discutée, et s'il est monté à Jérusalem avec Barnabe, ce n'est pas sans raison : mais pour que la liberté des Gentils fût confirmée par les Apôtres eux-mêmes. Il le dit dans l'épître aux Galates : «Je suis monté d'après une révélation, et j'ai confronté avec eux l'Evangile que je prêche parmi les nations» (Adv. Hoer., m, 13, 3; SC 211, p. 256). Ainsi s'accomplissait l'oracle d'Is 2,2-4 (en // à Ac 14,27) plus littéralement encore que le parallèle Is 35. Mais la tonalité d'Is 35 répond à l'allégresse du verset Ac 15,3, doublement sensible du fait que la traversée (allègre) de la Phénicie et de la Samarie permet aux envoyés de récolter au passage l'approbation chaleureuse, et donc le soutien, des Églises de ces régions.

Ac 15,4-6 // Mt 9,16-17 Mc 7,1-3 Mc 7,5-7 ils furent reçus par l'Église, Et de fait, elle se trouve tout entière concernée ; mais on ajoute aussitôt, et les Apôtres et les « anciens* » ou chefs des Églises locales, car c'est à la hiérarchie qu'il appartient d'en débattre. C'est d'ailleurs nommément « aux Apôtres et aux anciens» que l'Église d'Antioche s'en est remise pour « traiter cette question » (Ac 15,2) ; et c'est eux qui en délibéreront (Ac 15,6).

Pour ceux des chrétiens venus du pharisaïsme et en ayant gardé l'esprit, il n'y a pas même de question (Ac 15,5) : en reprenant les dires des contradicteurs de Judée (au v. Ac 15,1), ils les aggravent doublement : d'un « il faut* » tranchant, et d'autre part en ajoutant à la circoncision (v. 1) la pratique de la Loi (Ac 15,5). Dans la v.o., il n'y a pas cette progression puisque les contradicteurs et leurs revendications sont les mêmes au verset 1 qu'au verset 5. Quoi qu'il en soit, ils se montrent aussi catégoriques et obtus que les Pharisiens de l'Évangile qui, eux du moins, n'avaient pas encore passé à la nouvelle Alliance (// Mt 9 et Mc 7). À les entendre, il n'y aurait donc même pas à en discuter.

Mais Apôtres et anciens en décident autrement, et c'est eux qui prennent l'initiative de se réunir en «concile» (Ac 15,6). Et les avis divergent (Ac 15,7a), comme il est naturel, sain et souhaitable. Mais il est d'autant plus remarquable que Pierre et même Jacques, « colonnes de l'Eglise » (Ga 2,9), s'accordent pour l'essentiel avec Paul et Barnabeé.

C'est le seul moment où se trouvent ensemble Pierre, chef des Douze, Paul, le converti de Damas qui sera l'Apôtre des Gentils, Jacques, le frère du Seigneur... Mais Pierre est le supérieur de tous. Il domine Paul et Jacques, parce qu'il n'appartient ni à l’Église judéo-chrétienne ni à l'Église des Gentils mais est le chef des uns et des autres, vraiment le premier... Il y a dans l'Église un pouvoir de direction inspiré, et (ce chapitre) nous montre en acte l'exercice de ce pouvoir. La vie chrétienne n’est pas seulement une vie intérieure de dépendance de l'Esprit, mais eller est aussi une vie qui reconnaît l'autorité de l'Église... C'est ainsi que fait l'Église, aujourd'hui encore. Les Actesqui, plus qu'aucun autre écrit du N.T., nous disent la dimension historique et publique de l'Églisenous donnent une lumière pour connaître cette Église visible dans laquelle la tension entre pouvoir et charisme ne peut jamais dégénérer en opposition, puisque dans l'Église vit l'Esprit qui est l'amour (d. barsotti). De fait, alors que «la discussion est vive», c'est Pierre qui tranche. Jacques ne fera que s'y rallier en ajoutant quelques précisions supplémentaires.

Ac 15,7-12 // Mt 23,2 Mt 23,4 Mt 23,13 Ga 2,16 Ga 5,1-2 Mt 11,29-30Pierre se leva, Le raisonnement est clair en même temps que solide puisque basé sur l'initiative de Dieu. Il reprend d'abord (Ac 15,7-9) la légitimation de sa conduite avec le centurion Corneille (Ac 11,5-17); et ce faisant, il rappelle que la responsabilité de l'admission des païens dans l'Eglise revient à lui, Pierre, d'abord (Ac 15,7), non moins qu'à Paul, mais suivant en cela la volonté de Dieu, manifestée par le don de l'Esprit Saint (Ac 15,8), et par conséquent irrécusable. Il a donc, en chef conscient de sa charge de pasteur suprême, si bien pris sur lui la critique au moins implicite que pouvaient laisser supposer les griefs des opposants qu'il n'a même plus à faire état des initiatives de Paul: elles sont légitimées du même coup.

Reste à en tirer les conclusions. Pierre le fait en deux temps. D'abord, théologiquement : Dieu n'a pas fait de différence entre circoncis et incirconcis ; ce qui sauve, c'est « la grâce (= le don gratuit) du Seigneur Jésus », reçue avec la foi qui purifie (= justifie) (Ac 15,11 Ac 15,9). C'est exactement la doctrine de saint Paul, résumée en Ac 13,38-39*, développée dans les épîtres aux Galates et aux Romains. On n'aurait pu rêver accord plus fondamental entre Pierre et Paul.

Mais si la justification est gratuite, ne demandant à l'homme que la foi, à quoi servent l'observance de la Loi et les bonnes oeuvres ? À cette question seconde, Paul, dans le feu de la polémique avec les judaïsants, répondra par des formules tranchées qui semblent opposer la Loi à la foi (il faudra voir cela de plus près, sur les textes mêmes de ses épîtres), tandis que saint Jacques maintiendra solidement cette évidence que la foi s'exprime et se prouve dans la charité, donc dans les bonnes oeuvres qu'elle suscite et multiplie merveilleusement, comme l'ont montré tous les saints depuis 2000 ans.

Sans entrer dans ce débat (ultérieur), Pierre tire, au verset Ac 15,10, les conclusions pratiques de son argumentation théologique. Elles sont classiquement introduites par : Maintenant* donc. Et elles semblent sortir en droite ligne du souci de Jésus lui-même de « ménager ses brebis » en ne leur imposant que le minimum, à l'inverse des Pharisiens (// Mt 11 et Mt 23). Puisque nous sommes sauvés par la grâce et la Rédemption gratuite du Seigneur (Ac 15,11), la condition exigible pour être chrétien, c'est d'y croire (Ac 15,9). Être circoncis, pratiquer les minutieuses prescriptions de la Loi, ce n'est certainement ni mal ni interdit; seulement, ce n'est pas nécessaire pour être sauvé. Et si Dieu lui-même n'a pas fait de la circoncision une condition préalable au don de l'Esprit Saint et au baptême de Corneille et des siens, ne tentons pas Dieu en étant plus royalistes que le roi — sur le sens exact de l'expression, que l'on pourrait traduire par «éprouver» ou «provoquer» (tob), cf. bci*, p. 241-242.

Gardons-nous d'ailleurs de l'illusion que la pratique d'observances même nombreuses et accaparantes exige plus de générosité que le don d'une foi qui engage totalement et sans limites, à la suite d'un géant de sainteté comme l'est Jésus-Christ...

Ac 15,12 — La v.o. précise : Comme les prêtres donnaient leur accord à ce que Pierre avait dit. Par contre, toute la multitude garda le silence : Le verset Ac 15,6 aurait pu nous faire penser qu'Apôtres et anciens délibèrent à huis clos. Ce verset 12 laisse plutôt entendre que c'est en présence des frères, même s'ils n'ont pas « voix au chapitre ». Leur silence n'en est pas moins une approbation tacite.

Barnabé et Paul (remis dans l'ordre hiérarchique) racontant tous les signes et prodiges* que Dieu avait faits : C'est corroborer le témoignage de Pierre que l'initiative est bien de Dieu, et qu'il a admis les païens tels quels.

Ac 15,13-21 // Ps 102,16 Ps 102,19 Ps 102,22-23 Za 2,15 1R 12,3-4 1R 12,6-8 1R 12,10-11 1R 12,16 Lv 19,1-2 Lv 19,26 Lv 20,8-9 Lv 20,10 Lv 20,13 Lv 20,22-23 Lv 17,10-12 1S 14,31-34 — Le discours de Jacques. S'il est vrai que ce parent de Jésus, présidant à l'Église-mère de Jérusalem, représente à ces titres la plus grande autorité après Pierre — qu'il appelle de son nom privé judaïque, Simon ou Syméon — , son accord sur le point fondamental que l'admission des païens est dans la volonté divine (Ac 15,14) est d'autant plus remarquable. Il le corrobore en y montrant l'accomplissement des prophéties, ce qui est d'un grand poids pour les judéo-chrétiens qu'il représente et dont il doit ainsi entraîner l'adhésion. D'abord, il se réfère aux Écritures globalement et par allusion, en définissant la vocation des Gentils par ce qui était jusque-là privilège propre d'Israël: « Dieu a voulu choisir parmi les païens un peuple consacré à son nom. »

L'expression consacré à son nom signifie en effet: «qui lui appartienne en propre», comme aime à le dire saint Paul (Tt 2,14 Rm 14,8). Or c'est ce que concrétisait le leitmotiv du Pentateuque : «Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple» (se retrouve dans le parallèle Za 2). Dans le Deutéronome en particulier cette expression désignait nommément Israël. Mais Psaumes et prophètes avaient annoncé qu'y serait adjointe « l'autre génération», si gratuitement suscitée par Dieu qu'elle serait « un peuple recréé», formé de «toutes les nations rassemblées en une seule Église» (// Ps 102 et Za 2).

À l'appui, Jacques cite alors Am 9,11-12 ; et il le fait d'après la Septante, puisque l'hébreu, bien différent, ne parle que d'une conquête (par Israël) « du reste d'Édom et des nations » (à comparer avec ce verset Ac 15,17) : une fois de plus on doit reconnaître l'apport spiritualisant de la version grecque sur le texte primitif hébraïque (tm). C'est en cherchant le Seigneur, c'est-à-dire en se convertissant, que les nations rejoignent (Ac 15,17) un Israël restauré (Ac 15,16 ; cf. Ac 1,6), converti lui-même et bénéficiaire ainsi des promesses (cf. Ac 2,39 ; Rm 11,16 s; Rm 15,8-12). Le peuple de Dieu est désormais constitué de convertis circoncis et incirconcis (cf. Ep 2,14) (note tob).

connues de lui depuis l'éternité : Addition de saint Jacques à la citation ; elle revient à souligner que cette prophétie témoigne que l'intégration des païens dans l'Église relève de l'éternel dessein salvifique de Dieu sur l'humanité entière (par la « recréation » qu'est la rémission des péchés : // Ps 102,19 2Co 5,17-18).

La suite (Ac 15,19 s) est aussi en accord explicite avec la conclusion pratique de Pierre (Ac 15,10) : ne pas charger les convertis du paganisme d'un joug trop dur, comme l'avait fait Roboam, provoquant ainsi le malheur du schisme d'Israël et de Juda (// 1R 12). Jacques ajoute seulement quelques conditions qui, en deçà de l'Alliance mosaïque exigible du seul Israël, réfèrent à l'Alliance avec Noé (Gn 9,1-11) qui, elle, concerne toute l'humanité sortie de lui.

s'abstenir des souillures des idoles: C'est-à-dire des viandes sacrifiées aux idoles — ou idolothytes (Ac 15,29) — dont une part était mangée par les fidèles. Sur ce point, cf. la plus grande liberté, mais aussi la prudence qui amènera saint Paul à conseiller lui aussi de ne pas risquer le scandale des faibles en en mangeant (1Co 8-10 cf. Ap 2,20).

de la fornication : La morale sexuelle n'est pas propre aux Juifs, non plus qu'aux seuls chrétiens : elle doit guider tous les hommes, et pas seulement mais a fortiori les croyants : sixième commandement du Décalogue, développé dans le parallèle Lv 20.

des bêtes étouffées et du sang : C'est-à-dire de la viande non saignée (// 1S 14 cf. Lv 17,6), excluant donc le sang par le fait même (// Lv 17 et Lv 19). Pour ne pas faire de cette quatrième interdiction un doublet de la troisième, peut-être s'agit-il plutôt de ne pas répandre le sang, conformément au cinquième commandement: «Tu ne tueras pas», déjà prescrit par l'Alliance avec Noé (Gn 9,6).

v.o. ajoute : et ne faites pas arriver à d'autres ce que l'on ne veut pas pour soi. Quant à Moïse : Cette addition, que tob avoue « obscure », ne serait-elle pas une réponse aux plaintes ou aux craintes des judéo-chrétiens que Moïse, et plus généralement les textes de l’A.T., soient négligés par les chrétiens, se bornant aux écrits du n.t. ? — Carence qui n'est que trop générale aujourd'hui... On devrait bien au moins tirer profit du choix des passages de l’A.T.que la récente réforme liturgique a considérablement enrichis ; et pour les relier entre eux et avec le n.t., il y a Bible chrétienne !

Ac 15,22-29 // Lc 9,24 2Ch 20,14-15 — L'envoi des messagers et de la lettre , Outre Barnabe et Paul, dont la lettre fait le plus bel éloge (Ac 15,26 // Lc 9), Jude, nommé Barsabbas, Inconnu par ailleurs, sauf dans la v.o. (voir au verset Ac 15,34*); Silos se retrouve avec Paul en Ac 15,40 Ac 16,19 Ac 16,25 Ac 16,29 Ac 16,40 Ac 17,4-5 Ac 17,10 Ac 17,14-15 ; en Ac 18,5 2Co 1,19 1Th 1,1 et 2Th 1,1, bien lui, ou un homonyme, que loue Pierre (1P 5,12) ? — Pour les Actes, ce qui importe est le message. Au verset Ac 15,26, v.o. ajoute: «ont livré* leurs âmes... pour toute espèce d'épreuve ».

entre leurs mains une lettre (Ac 15,23) : Litt. « écrite par leur main ». Ainsi conçue vient de la v.o. : « contenant ceci ». On y trouve l'adresse (v. 23b), les attendus (v. 24), le moyen de notification choisi (v. 25-27), enfin la conclusion pratique adoptée (v. 28-29) ; mais on n'y parle pas de l'admission des païens dans l'Eglise, qui était pourtant capitale, mais nullement mise en cause.

On trouverait un exemple de « lettre officielle » en 1M 12,5-11, que nous renonçons à citer, vu sa longueur.

Ac 15,28-29 // Is 63,8-9 Is 63,11 Is 63,14 Ag 2,4-5 — Il a paru bon à l'Esprit Saint et à nous: Formulation justement célèbre de la conscience qu'a l'Eglise de croire et d'agir en jonction et conformité avec l'Esprit de Dieu, surtout dans les cas essentiels où la foi et la morale sont en cause: : de là découle cette « infaillibilité » qui serait bien prétentieuse sans un tel garant. Mais Dieu guide son peuple dès l’A.T., notamment durant l'Exode, que les prophètes donnent constamment comme l'image des merveilles plus grandes encore que Dieu fera pour l'Eglise de son Christ: // Is 63 (que l'on trouvera plus complètement en parallèle à Ex 15, dans bc i, p. 179) et Ag 2

vous agirez bien (Ac 15,29) : v.o. ajoute : portés par l'Esprit Saint. Il est l'âme de toute l'Eglise, inspirant non seulement le pape ou les conciles, mais tous les fidèles qui s'ouvrent à son influence. Et «il nous porte», comme la mère son enfant.

Ac 15,30-35 — Transmission de la lettre: Message du Saint-Esprit (Ac 15,28), porté par «Jude et Silas, prophètes pleins d'Esprit Saint» (addition de v.o. au v. 32), c'est une «parole de consolation» (Ac 15,31-32) — mot qui, comme nous l'avons vu en Ac 13,16, est de la même famille que « Paraclet ».

Le verset Ac 15,34 n'existe que dans la v.o. et la Vulgate : c'est une première séparation entre les deux compagnons Jude et Silas, présageant celle de Paul et de Barnabe (aux Ac 15,35-41), et expliquant comment, resté seul, Paul peut trouver en Silas un compagnon de mission (Ac 15,40).

Ac 15,36-41 // Gn 13,7-9 Am 3,3 Pr 17,14 Pr 18,19 Ps 90,17Retournons visiter les frères: On en a déjà vu les motifs en Ac 14,21-23*. C'est, d'après la Didachè 11,3 (SC 248, p. 184), la fonction des Apôtres ; et l'auteur même de ce livre vénérable appartient vraisemblablement à cette hiérarchie itinérante de la primitive Église, qui a tant contribué à la diffusion de l'Evangile et de l'apostolat missionnaire (ibid, p. 128 et 19) — saint Paul évidemment le tout premier, et par excellence. Combien resplendit ici la charité fraternelle, qui unit toutes les Églises en une seule fraternité dans les Lettres de saint Ignace d'Antioche... Une rencontre fréquente entre les diverses communautés est une nécessité de vie, parce que la vie est l'amour et rompt les schèmes dans lesquels l'égoïsme humain nous enfermerait. La communauté chrétienne vit si, au lieu de se refermer, elle s'ouvre à l'esprit missionnaire qui veut porter la vie aux autres, au loin. L'amour qui vit dans l'Église ne peut subsister qu’autant qu’il se donne, se répandant et se dilatant de plus en plus ; mais il y a aussi un besoin de recevoir, dans une continuelle osmose. L'Église des origines vit dans cette communion (D. Barsotti).

Mais Paul, dira-t-on, comment peut-il être aussi intransigeant ? Envers Jean-Marc, la v.o. précise son reproche: «Il n'avait pas participé au travail pour lequel ils avaient été envoyés. » Paul est l'homme de la «mission», à laquelle un missionnaire doit être « livré* » : là-dessus, il ne peut transiger. Mais comment se sépare-t-il même de ce Barnabé à qui il devait tant puisque c'est lui qui l'avait introduit auprès des frères, d'abord méfiants sur la réalité de sa conversion (Ac 9,27), puis l'avait tiré de son exil à Tarse (Ac 11,25*) ? — Hélas ! il est trop naturel aux hommes d'avoir peine à vivre en bonne entente, et le réalisme de l'Écriture nous apprend que le bon sens et la vertu conseillent souvent de se retirer (// Gn 13 Am 3 Pr 17 et Pr 18). Mais mieux vaut sans doute supposer une raison plus noble et surnaturelle : Barnabé, nous apprend le verset Ac 15,39, « s'embarqua pour Chypre », qui était son pays (Ac 4,36). Cela semblait aussi tout indiqué s'il s'agissait de « retourner visiter les frères », puisque c'est par là que leur première mission avait commencé (Ac 13,4). Or nous apprendrons au chapitre suivant que l'Esprit Saint avait un plus vaste dessein, pour étendre la «mission» au monde gréco-romain (Ac 16,6-10*), et la séparation de Paul d'avec Barnabé lui laisse les coudées franches... Nous ne sommes pas ici en un cas seulement habituel et trop humain : Les saints ne doivent pas être jugés avec les critères communs ; ce sont les saints, au contraire, qui nous jugent ; et c'est l'Église qui reconnaît leur sainteté...

Paul ne supporte pas les demi-mesures. La charité est aussi patience, et c’est ce que considère Barnabé ; mais elle est aussi don total à la mission : c’est ainsi qu’elle est vécue par Paul. Difficilement les autres supporteront de vivre avec lui. Il est un géant, et il est fait pour vivre seul... Qui niera qu'en lui nous nous trouvons devant une manifestation admirable, parmi les plus grandes, de la force de la parole et de l'impétuosité de la charité ? Il est saint ; et il demeure un homme, et chez lui les défauts naturels même servent le plan de Dieu. Paul manifeste une sainteté que nous ne réussissons pas à comprendre : Dieu vivant en l'homme... En lui se révèle l'impétuosité de l'Esprit, la force d'un amour qui triomphe de toute résistance et ne se tourne ni à droite ni à gauche, déchirant tout lien qui le puisse retenir de répondre à Dieu. L'amitié ne l'arrête pas. Paul se sépare de Marc et même de Barnabe (d. barsotti).

Pourtant, puisque c'est Dieu qui mène, que la force n'exclue pas la douceur (// Ps 90), pour tout confirmer (cf. Ac 14,22*). Et la rude activité de Paul dans ses missions successives (Ac 16-20) culminera dans sa «Passion» (Ac 21-28), comme dans sa plus essentielle «mission».


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§ 14. la mission aux grecs : Ac 16.1 à 17,15


Dès la première mission, Barnabe et Paul avaient été «envoyés par l'Esprit Saint» (Ac 13,4). Cette fois, l'initiative semblait venir de Paul, projetant de visiter les Églises déjà fondées (Ac 15,36*) ; mais le Saint-Esprit a tôt fait de le reprendre en main : deux fois en lui barrant la route (v. 6-7) — comme Dieu l'avait fait pour Balaam (Nb 22,22-35) — ou plus positivement par une vision (v. 9), comme Yahvé conduisait les Hébreux durant l'Exode (// Nb 9,15 Nb 9,17-18 Sg 18,3). Et le programme ainsi donné, qui est d'ouvrir le salut de l'Evangile au monde gréco-romain, l'emporte sur la première impulsion de l'Apôtre, comme le dessein salvifique universel de Dieu déborde et transcende tous nos projets humains.

Ac 16,1-5 // 1 Ch 1Ch 28,20 — Au départ, on reste dans la perspective de Paul , revisiter les frères à Derbé et à Lystres, pour confirmer la foi et gagner de nouveaux adeptes (// 1Ch 28 et 2M 8), tout en transmettant le décret du concile de Jérusalem (v. 1 et 4-5 ; v.o. : Ils proclamaient avec un franc-parler total le Seigneur Jésus-Christ, tout en recommandant de garder les décisions prises... à Jérusalem). Luc souligne que l'Apôtre garde l'initiative, en écrivant: «Paul voulut que Timothée partît avec lui» (v. 3).

Nous est donc ici présenté ce disciple de première importance : voir Ac 17,14-15; 18,5; 19,22; 20,4; Ph 2,19-24; 1Co 4,17; Rm 16,10-11 ; 1 Th 3,2-6 ; et bien entendu 1 et 2 Tm. Paul a connu, et probablement évangélisé, sa mère et même sa grand-mère, dont il « évoque le souvenir » avec émotion (), ce qui nous donne une idée des amitiés de l'Apôtre — comme Jésus lui-même en avait trouvé dans la famille de Béthanie...

Cependant, alors que le concile de Jérusalem venait justement de libérer les chrétiens de la circoncision et des observances du judaïsme, de sorte que son autre compagnon, Tite, ne sera pas circoncis (Ga 2,3), pourquoi donc Paul tient-il à ce que Timothée le soit ? Les Actes l'expliquent : il le fit « à cause des Juifs du lieu », tenant compte de leurs préjugés, comme il le fera aussi dans la question des « idolothytes » (). Ne pas choquer les faibles, c'est prudence ; tenir compte de l'autre, c'est tout simplement charité (// ).

Ac 16,6-10 // Nb 9,15 Nb 9,17-18 Sg 18,3 Gn 46,2-4 Ml 3,1Phrygie, Galatie , On remonte vers le centre de l'Asie mineure. Mysie et Bithynie , C'est le nord-ouest de la grande péninsule, bordant respectivement le Bosphore et la mer Noire. Traversée, non-évangélisation de ces contrées, de par la triple intervention de l'Esprit Saint (v. 6-7 et 9), appelé pour une fois «l'esprit de Jésus » (v. 7) guidant son Eglise.

GRÉGOIRE le grand: Hom. 4, 1 (pl 76, 1089) — Les Apôtres avaient le désir de prêcher aux païens en Asie, mais l'Écriture dit que l'Esprit ne le leur permit pas. Et pourtant ce même Esprit, qui d'abord interdit cette prédication, la répandit plus tard dans les coeurs des gens de ce pays... Si d'abord il prohiba, et dans la suite réalisa lui-même, c’est qu’il y avait là des gens qui n'étaient pas prêts à recevoir la vie, et dont le Seigneur ne voulait pas aggraver le jugement par le mépris qu’ils auraient eu pour la prédication.

v.o. : A son réveil il nous raconta la vision, et nous comprîmes que nous étions appelés par le Seigneur... (v. 10).

Nous cherchâmes... nous appelait (v. 10)... nous fîmes voile (v. 11) : Début de la narration en «nous», impliquant que l'auteur du récit est désormais du voyage. Si l'on met à part Ac 11,28*, les passages en « nous » se retrouvent en 20,5-15 ; 21,1-18 ; 27,1 à 28,16. Témoin oculaire, Luc pourra donner au récit plus de couleurs encore — bien qu'elle ne manquât guère, par exemple en Ac 12,12-17 — et une véracité plus indéniable, comme le note déjà irénée : Luc a décrit tout cela en détail parce qu’il était présent ; et on ne peut surprendre chez lui ni mensonge ni orgueil, car tous ces faits étaient connus (Adv. Hoer., // /, 14, 7; SC 211, p. 260).

Ac 16,11-15 // Ps 137,1 Ps 137,6 Dn Ps 14,4-5 Jn 4,23-24 Ps 40,7-9 Ps 81,11Troas, à proximité de l'antique Troie et de l'Hellespont, donc de l'Europe, est par conséquent port d'embarquement ou de débarquement (Ac 20,5-6 ; cf. 2Co 2,12) pour passer de l'un à l'autre des deux continents.

Philippes, dont Paul louera le bon accueil dans Ph 1,5 s, étant «colonie romaine» (de peuplement), c'est donc le premier contact de Paul avec le monde typiquement gréco-romain : la culture grecque, et la puissance romaine (d. barsotti). La prière « au bord du fleuve » rappelle le célèbre psaume « Supra flumina Babylonis » (// Ps 137); mais le ton est plutôt idyllique, et il faudrait citer non seulement les rencontres de Rébecca et Rachel avec Isaac et Jacob (Gn 24 et 29), ou de Jésus avec la femme de Samarie (Jn 4), mais la scène célèbre del’Odyssée entre Nausicaa et Ulysse, ou les dialogues platoniciens au bord de l'Ilissos, comme si la fluidité de l'eau était elle-même à l'image de ces coeurs qui s'ouvrent. Ici pourtant, la préparation ne vient pas seulement d'une religion naturelle: ces femmes sont de religion juive («jour du sabbat ») et leur « adoration » s'adresse donc déjà au Dieu unique : // Dn 14 ; Jn 4.

nous étant assis,... Lydie, marchande... nous écoutait (v. 14): C'est l'attitude de Marie, en cette femme d'affaires qui est donc aussi une Marthe. Elle réunissait ainsi les deux vies active et contemplative, toutes deux innocentes et louables, mais l'une laborieuse et temporelle, l'autre d'un repos inaugurant le « repos éternel », réunies en la présence du Seigneur, lui-même source de toute vie (augustin : S. 104 sur Marthe et Marie ; pu 38, 618).

et le Seigneur lui ouvrit le coeur : Il y a corrélation entre l'écoute de la Parole évangélique et la grâce : celle-ci doit «ouvrir» les oreilles (// Ps 40), la bouche (// Ps 81), et encore les oreilles et la langue du sourd-muet (Mc 7,33-35) non moins que nos coeurs, pour les dilater au-delà de toute mesure humaine (// ).

entrez dans ma maison et demeurez-y : Le Christ l'avait conseillé à ses Apôtres (// Lc 10,7) ; et le chrétien hospitalier en est le premier bénéficiaire s'il est vrai que celui qui reçoit un chrétien reçoit le Christ lui-même, comme il le déclare en Mt 25,35.38. Par conséquent, lorsqu'un chrétien en reçoit un autre, c'est un membre qui en sert un autre, pour la joie de la Tête qui tient pour donné à elle-même le service rendu à l'un de ses membres. Car en eux il est dans le besoin, lui qui est en lui-même toute plénitude ! » (augustin : S. sur les disciples d'Emmaiis ; pu 38, 1121).

Nous sommes là au principe même de l'unité entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain : Celui-là sert vraiment le Christ qui sert un membre du Christ suivant cette charité par laquelle, afin qu'il devienne lui-même membre du Christ, celui-ci le tout premier s'est mis à son service (fuugence : Lettre à Proba ; pu 65, 325).

Toutefois Paul préférait travailler pour n'être pas à charge de ceux qui avaient été gagnés au Christ par sa prédication, et que celle-ci reste donc plus gratuite: cf. Ac 20,34*.

Et elle nous contraignit d'accepter: Tout en respectant parfaitement notre liberté, Dieu, maître du festin céleste, sait trouver les moyens de nous y amener, même s'il doit parfois procéder un peu rudement (// Lc 14,23cf. BC II*, p. 567-568). Et sans manquer au souverain respect dû à Dieu et aux hommes, le croyant peut se faire insistant pour « presser le Christ de rester », que ce soit personnellement (// Lc 24,29) ou seulement sous la figure de l'un de ses membres, comme ici.

Ac 16,16-19 // Dt 18,10 Dt 18,12 Si 34,5-6 Lc 4,33-35 — Paul s'est déjà heurté à la magie, comme Pierre (Ac 13,6-12 Ac 8,9-24). Mais la scène rappelle plus encore les rencontres de Jésus avec les démoniaques (// Lc 4). Le démon est une réalité, et il en sait beaucoup, assez pour deviner la force du Christ ou même de ses membres et tenter de les suborner — à commencer par Jésus même dans les tentations du désert (Lc 4,6-7). La réponse de l’A.T. (// Dt 18 Si 34) est nette, comme celle des Apôtres ou de l'Église au cours des siècles: aucun compromis avec le diable et ses tenants. L'homme est en dépendance de Dieu ou du Malin. Le vide de Dieu est immédiatement rempli par Satan. Au besoin que les hommes sentent de Dieu répondent diverses formes de magie, de divination, de superstition (aujourd'hui, par exemple, de recours aux « voyantes ») . Et ces formes décadentes de religion ne veulent pas mourir , elles cherchent à trouver un aliment dans la force divine de l'Evangile... L'esprit de mensonge veut survivre, en feignant de se mettre au service de la vérité. Mais Paul n’accepte pas la collaboration du mensonge: il ordonne à l'esprit de sortir (D. barsotti).

ayant un esprit de divination : Littéralement : « un esprit Python », le célèbre serpent gardien de l'oracle de Delphes étant devenu le type même de l'esprit divinateur.

«Je te l'ordonne... sors!»: Comme dans les exorcismes du Christ, et justement avec son autorité : « au nom de Jésus-Christ » — comme Pierre pour obtenir la guérison miraculeuse de l'infirme (Ac 3,6).

l'esprit sortit (v. 18)... voyant qu'était sorti en même temps leur espoir de profits (v. 19): Le jeu de mots ne va pas sans humour. Normalement, «les signes et prodiges* » sont facteurs de conversion, comme lors de l'aveuglement d'Elymas (Ac 13,9-12) ; mais l'argent fausse tout... les entraînèrent sur l'agora: Nous sommes bien au coeur d'une cité gréco-romaine.

Ac 16,20-24 // in 19,1.4-5; Jr 38,6 Ps 69,15-16 Ps 88,5 Ps 88,7 Nouvelle similitude entre Paul et son Maître: non seulement la flagellation (// in 19), mais l'accusation captieuse, déguisant les motifs sordides en noble cause. Cela fait ressortir aussi que le fossé existant entre Gréco-Romains et Juifs va jusqu'aux coutumes. On ne pouvait franchir fossé que de deux manières , ou bien en trahissant la Loi qui faisait d'Israël un peuple séparé, comme il arriva au début de la domination grecque où beaucoup de Juifs prêchèrent qu'il fallait «s'adapter», contrairement à la résistance héroïque et salutaire de Mattathias et de ses fils (1M 1,11-15.41-43; cf. 1M 2,23-26 en // à Ac 14,11); ou bien transcender les différences naturelles par la charité, dans une commune appartenance à l'unique Seigneur, comme l'Eglise l'a demandé à ses fidèles depuis le concile de Jérusalem jusqu'au concile de Vatican n — de sorte qu'il n'y ait pas Grec et Juif, circoncis et incirconcis... mais que tout soit Christ, et le Christ soit en tous (cf. Col 3,11).

Les magistrats romains de Philippes ne sont pas plus courageux que Pilate, et Paul se retrouve en prison comme Jésus, Jérémie et tant de justes persécutés (// Jr 38 Ps 69 et Ps 88, tous deux messianiques), pour «accomplir dans leur chair ce qui manque à la Passion du Christ » (Col 1,24) :

tertullien: De la patience, 13 (SC 310, p. 105 ou pl 1, 1970) — Ce qui vient de la vertu de l'âme s'accomplit dans la chair. C'est la patience de la chair qui milite dans les persécutions. En cas de fuite hâtive, c'est la chair qui milite contre les difficultés de la fuite. S'il faut supporter la prison, c'est la chair qui est dans les chaînes, la chair dans les entraves, la chair sur les dalles, et dans le manque de lumière, et dans la pénurie du monde... (16,5p. 114) Aimons la patience de Dieu, la patience du Christ. Rendons-lui celle qu'il a dépensée pour nous. Offrons la patience de l'esprit, la patience de la chair, nous qui croyons en la résurrection de la chair et de l'esprit.

Ac 16,25-26 // Ps 119,62 Dn Ps 3,23-25 Ap 11,19 Mt 25,6-7 Mt 25,13 Ps 107,10 Ps 107,13-16 Le parallèle avec la délivrance miraculeuse de Pierre au chapitre LE 12 est manifeste; mais dans les circonstances, tout diffère: sommeil de Pierre et veille de Paul, prière de l'Église de Jérusalem et office de nuit de Paul et de Silas, ange et tremblement de terre, sortie de prison et maintien des prisonniers sur place, épilogue dans la communauté chrétienne et dans celle du geôlier converti, enfin triste fin des gardes d'Hérode et excuses des magistrats. Alors que tout était centré sur Pierre et l'Église, il y a ici quelque chose d'apocalyptique avec ce tremblement de terre, ces portes de cellules comme des tombeaux qui s'ouvrent (d'où les // Ap 16 et Mt 25), entraînant moins la réunion de l'Apôtre avec l'assemblée des chrétiens que la conversion du gardien de prison et de toute sa famille. Pierre est rendu à l'Église, Paul continue sa mission évangélisatrice auprès des païens.

Paul et Silas chantaient des hymnes à Dieu, et les gardes écoutaient : Scène semblable avec les trois voyants de Fatima jetés en prison, y récitant le chapelet : Jacinthe prit une. médaille qu’elle avait au cou et demanda à un prisonnier de la suspendre à un clou dans le mur. A genoux devant cette médaille nous avons commencé à prier. François vit alors que l'un des prisonniers s'était mis à genoux avec son béret sur la tète. Il s'approcha de lui et lui dit : « Si vous voulez prier, il faut retirer votre béret. » Et le pauvre homme, sans plus, le lui remit, et il alla le mettre sur un banc, au-dessus de son bonnet. Les prisonniers prièrent avec nous, si tant est qu'ils savaient prier. Au moins, ils se mirent à genoux. Et ensuite, ils dansent ! Ils avaient dix, huit et sept ans... Ils sont dignes des premiers chrétiens.

Ac 16,27-34 // Conversion fonctionnaire romain et tous les siens, comme du centurion Corneille et sa «familia» (Ac 10), ou comme Lydie «ainsi que sa maison» (Ac 16,15); avec baptême immédiat comme dans ces précédents, comme pour l'eunuque d'Ethiopie (Ac 8,36-38). C'est qu'il suffit la foi pour obtenir la rémission des péchés et le Saint-Esprit (Ac 10,43-44 = points deux et trois du kérygme), ou, en termes plus pauliniens, pour être sauvé (Ac 16,30-31). Et la solidarité humaine peut bien s'approfondir jusqu'à partager la même foi.

le gardien de la prison... se jeta aux pieds de Paul et de Silas (v. 29 // ) : Entre l'histoire charmante d'Avigaïl réparant la grossièreté de son mari et celle du geôlier, il n'y a pas seulement ressemblance du geste: au fond, c'est la même conversion de « Bélial » — que ce soit le mari d'Avigaïl ou l'aveugle décision des magistrats — au représentant du Christ, qu'il soit David ou Paul. Et c'est toujours le choix décisif qui nous est demandé, comme on le voit au verset suivant :

que dois-je faire (v. 30) : Même question qu'en Ac 2,37. Elle suppose déjà la foi, prête à s'engager, donc prête au baptême.

Ac 16,35-40 — v.o., au verset 35 : Les magistrats se réunirent ensemble sur l'agora; ils s'effrayèrent au souvenir du tremblement de terre qui s'était produit... Au verset 39 : Arrivés dans la prison avec beaucoup d'amis, ils les prièrent de sortir en ces termes : « Nous ignorions, en ce qui vous concerne, que vous êtes des justes. » Et les ayant emmenés, ils les prièrent en disant : « Sortez, de cette ville, pour que jamais plus ils ne nous fassent des attroupements, en hurlant contre vous. »

« nous sommes des citoyens romains » : Prérogative dont Paul se prévaut, ici — pour qu'on reconnaisse que le scandale n'est pas dû à eux, innocents apôtres du Christ — et plus loin en Ac 22,25.29 et 23,27.

Ac 17,1-15 — Pour Thessalonique et Bérée, Luc passe vite, d'abord parce que nous retrouvons dans ces deux villes importantes le scénario déjà indiqué en Ac 13,42-48* : prédication aux Juifs et aux Grecs, succès, jalousie, persécution par les Juifs ; ensuite et surtout, la brièveté du récit montre mieux F engrenage, constaté dès la première persécution, qui par-delà le martyre d'Etienne avait entraîné la diffusion de l'Evangile en Samarie (Ac 8, introd.*). Comme en une course sans fin, le départ précipité entraîne l'Apôtre toujours plus avant, de Philippes à Thessalonique, à Bérée et à Athènes : la Croix scelle la naissance des Églises et en sème de nouvelles. En outre, séparé de ses «filles» si douloureusement «engendrées dans le Christ Jésus» (), Paul est amené à leur envoyer des lettres substantielles, qui confortent notre foi jusqu'à aujourd'hui : c'est de Corinthe, où il arrive après Athènes (Ac 18), qu'il envoie ses premières épîtres, aux Thessaloniciens précisément. Ainsi, de toute façon, se poursuit l'évangélisation annoncée par le Ps 19 (en // au v. 6b).

Ac 17,1-4 // Lc 24,44-46 Lc 24,48 Ps 20,7 Jn 1,41 Mt 16,16 — L'annonce du mystère pascal et la reconnaissance à Jésus du titre de « Christ* » (Messie) sont le premier point du kérygme* (comparer avec Lc 24,26 et Ac 2,36). Ce qu'il y a de caractéristique, c'est que Paul ne le «proclame» pas seulement: il en discute (verbe « dialegomai » qui peut signifier aussi «discourir», «s'entretenir», et qui revient treize fois dans le N.T., dont dix fois à propos de saint Paul). Ceci nous confirme que celui-ci, plongé dans le monde gréco-romain, en adopte la démarche intellectuelle, rationnelle et volontiers dialogale. Mais comme il est «dans une synagogue » (v. 1-2), il appuie son raisonnement sur les Écritures. Nous en avons eu un exemple au chapitre EN 13, dans le discours d'Antioche de Pisidie. Mais, pour compléter les références d'alors (Ps 2 ; 16 ; Is 55,3-4), et celles du discours de Pierre en Ac EN 2, nous ajoutons plutôt celles qui concernent « le Christ » (// Ps 20 ; Jn 1 ; Mt 16 — ces deux dernières, tirées du n.t., valant pour nous et non pour les auditeurs de Paul, bien entendu).

Le parallèle avec Lc 24,44-46 rappelle pourtant que raisonnement et discussion ne suffisent pas pour « comprendre » la Parole de Dieu : du moment que son objet est divin (que ce soit la révélation de Dieu lui-même ou du mystère de notre union à lui), il est indispensable que corrélativement le sujet, c'est-à-dire notre intelligence, soit surhaussé à cette grandeur divine par l'intelligence* supérieure qui est don de l'Esprit Saint. C'est cette «ouverture» que «le Seigneur» a donnée à Lydie (Ac 16,14*), comme il l'avait donnée à ses Apôtres (// Lc 24,45).

des femmes nobles: Comme en Ac 13,50; 17,12. Comme déjà le Christ: Lc 8,1-3 ; 10,38-42. Cela contre l'idée que les femmes n'auraient pas leur place dans l'Eglise du Christ !...

Ac 17,5-10 // Si 26,5 Ps 27,12 Ps 19,5 Jn 19,14-15 — Encore la jalousie , pierrk chrysologue compare de manière saisissante ces Juifs au fils aîné de la parabole du prodigue , Ils sont devant la maison paternelle, qui est l'Église ; ils entendent résonner les David, la symphonie des prophéties convergentes, les choeurs nés du rassemblement des peuples divers, et, par jalousie, ils restent dehors ! — « Mais, mon fils, tu es toujours avec moi, par Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, etc. Et tout qui est à moi est à toi: la Loi, la Prophétie, le Temple, la Grâce et, par-dessus tout, de toi est né le Christ ! Mais parce que, jaloux, tu refuses le salut de ton frère, tu n'es plus digne du banquet paternel, ni de sa joie éternelle... » (S. 5 ; pl 52, 197...201).

les produire (Paul et Silas) devant le peuple (v. 5) : tob interprète : « devant l'assemblée du peuple». En fait, les émeutiers s'adressent aux «chefs de la ville » (Vulgate — en grec : aux « politarques », ce qui revient au même, mais qui était le titre, paraît-il, des magistrats de Thessalonique).

L'accusation (v. 6-7) est doublement calomnieuse : ce ne sont pas Paul et Silas qui bouleversent la cité, mais leurs accusateurs ; et les apôtres ne vont pas contre César, car ils ne proclament pas que Jésus est roi, donc rival potentiel de César, mais qu'il est « Seigneur* » et « Christ », ce qui est tout autre chose. L'argument avait déjà été utilisé contre le Maître lui-même, pour arracher à Pilate sa condamnation (// Jn 19). Et de fait, ici encore, la calomnie fait son effet (v. 8-9). Toutefois, en un sens, le grossissement de l'affaire a quelque chose de prophétique, puisqu'il s'est vérifié par la suite que « ces gens-là », les chrétiens, allaient «bouleverser la terre entière» (// Ps 19).

Pauvre Jason, et autres frères (v. 7-9) ! Il est toujours compromettant de suivre le Christ, ou d'héberger les siens... Quant à Paul et à Silas, eux, les revoilà en route (v. 10) :

athanase: Apologie pour sa fuite, 17.19 (SC 56 bis, p. 216 s) — Ce n'était évidemment pas par lâcheté que (les prophètes ou les apôtres) prenaient la fuite. Non ! la fuite pour eux servait plutôt d'entraînement, de préparation à la mort,... l'exil étant une sorte de mort sans gloire, ne donnant pas moins droit au titre glorieux de martyr... Leur fuite donnait donc la preuve éclatante d'un grand courage... et ils en étaient bénis par le Seigneur: «Bienheureux ceux que l'on poursuit pour la justice. Eprouvés comme l'or dans la fournaise, Dieu les a trouvés dignes de lui » (Mt 5,10 Sg 3,5-6)...

Ac 17,10-15 // Pr 8,12 Pr 8,17 Ne 8,13 Jn 5,39 Jn 5,46 Le passage à Bérée semble une réplique de ce qui s'est passé à Thessalonique, avec insistance redoublée sur l'étude des saintes Écritures de l'Ancien Testament, prônée par le Christ lui-même (// Jn 5) non moins que par le judaïsme (// Pr et Né), et dont nous avons encore aujourd'hui à faire notre profit.

pour voir si les choses étaient bien ainsi = si la Loi et les prophètes sont accomplis par Jésus, le Messie annoncé (Ac 17,3).

Silas et Timothée restaient: 1 Th 3,1-6 nous apprend plus en détail les allées et venues de Timothée entre Athènes et Thessalonique, toujours afin d'« affermir la foi» (Ac 14,22* et 15,36*) des Thessaloniciens persécutés (1 Th 1Th 2,14).



Bible chrétienne Actes 13